Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Rémunération - Modification à l'horaire de travail - Préavis d'une journée - Interprétation de l'expression « horaire de travail par postes » - Groupe Médecine vétérinaire - la fonctionnaire s'estimant lésée travaillait selon un horaire de travail par postes - à une journée d'avis, l'employeur lui a demandé de se rapporter à un autre lieu de travail et de commencer et terminer son poste de travail une demi-heure plus tôt que d'habitude - à une autre occasion, l'employeur lui a demandé, à un jour d'avis, de commencer et terminer son poste de travail une demi-heure plus tôt que d'habitude - la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté un grief réclamant d'être rémunérée à tarif et demi pour les deux postes de travail modifiés - elle s'est fondée sur la clause de la convention collective stipulant un préavis de sept jours pour modifier un horaire de travail par postes, à défaut de quoi un fonctionnaire est rémunéré à tarif et demi pour le premier poste modifié - l'employeur a répliqué que, bien que l'horaire de travail de la fonctionnaire s'estimant lésée ait été modifié, l'horaire de travail par postes ne l'a pas été - l'arbitre de grief a conclu que l'horaire de travail par postes n'avait pas été modifié et que seul l'horaire de travail individuel de la fonctionnaire s'estimant lésée avait été modifié de façon temporaire. Grief rejeté. Décisions citées :Turcotte c. Conseil du Trésor (Ministère de l'Environnement), dossier de la CRTFP 166-2-13434 (1982) (QL); Spears c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-2-14759 (1985) (QL); Re Int'l Chemical Workers, Local 271 and Brockville Chemicals Ltd., (1996) 16 L.A.C. 378; Evangelho c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-2-22737 à 22741 (1993) (QL); Doyon c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1978] 1 C.F. 31 (C.A.F.).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-05-28
  • Dossier:  166-32-32040
  • Référence:  2004 CRTFP 44

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

ISABELLE VAILLANCOURT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

Devant :   Sylvie Matteau, présidente suppléante

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:   Frédéric Durso, avocat

Pour l'employeur :   Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 15 mars 2004.


[1]   Dre Isabelle Vaillancourt, la fonctionnaire s'estimant lésée, est vétérinaire responsable de l'inspection en établissement d'abattage de volailles à St-Damas. Elle a déposé un grief à l'effet qu'elle :

[…] conteste la décision de l'employeur en date du 12 juillet 2002 de ne pas [la] rémunérer à tarif et demi pour le travail exécuté au cour [sic] du premier poste modifié selon l'article B2.07 de [sa] convention collective […]

La réparation demandée est la suivante :

Que l'employeur [la] rémunère à tarif et demi pour le travail exécuté au cour [sic] du premier poste modifié selon l'article B2.07.

[2]   Aucun témoin n'a été entendu; les parties ont plutôt présenté un énoncé conjoint des faits et ont déposé, de consentement, des pièces qui ont été numérotées de D-1 à D-5.

[3]   Dans son exposé sommaire, le représentant du Dre Vaillancourt a expliqué que celle-ci réclame d'être payée à tarif et demi, conformément à la clause B2.07, pour le premier poste de travail qu'elle a exécuté les 6 et 19 juin 2002, car elle n'a pas reçu le préavis de sept jours de modification à son horaire de travail par postes, contrairement à ce que requérait cette disposition dans chacun de ces cas.

[4]   Selon lui, la convention collective intervenue le 27 mai 2002 entre l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada à l'égard de l'unité de négociation du groupe de la médecine vétérinaire (VM) ne fait pas état de l'importance des changements à l'horaire, petits ou grands. Tout changement donne donc droit à l'indemnité prévue; c'est le libellé de la clause B2.07 et le sens qu'il faut lui donner.

[5]   La représentante de l'employeur expose brièvement que les modifications ont été apportées à l'horaire de travail du Dre Vaillancourt et non à son horaire de travail par postes qui, lui, est demeuré inchangé. Mon rôle doit se limiter à appliquer la convention collective et non à l'interpréter, sauf en cas d'ambiguïté. Dans le présent cas, la clause est très claire; il n'y a pas preuve d'ambiguïté et je ne peux ajouter à la convention collective. Selon l'employeur, la clause B2.07 ne s'applique pas aux présentes circonstances.

[6]   Dre Vaillancourt a été rémunérée pour le temps supplémentaire qui a été la conséquence de ces modifications à son horaire prévu de travail.

LA PREUVE

[7]   Les parties se sont donc entendues sur les faits suivants :

  1. L'horaire de travail prévu du Dre Vaillancourt au cours des deux semaines visées prévoyait qu'elle travaillait les lundi, mardi, jeudi et vendredi à l'établissement numéro 39 et les mercredi, à l'établissement 88, toujours de 7 h 30 à 16 h.

  2. Les modifications à son horaire de travail, qui font l'objet du présent grief, sont celles des 6 et 19 juin 2002 seulement.

  3. Le 5 juin 2002, l'employeur a avisé Dre Vaillancourt de se présenter au travail le 6 juin 2002, à l'établissement numéro 116, à Drummondville, de 7 h à 15 h 30.

  4. Le 18 juin 2002, l'employeur a avisé Dre Vaillancourt de se présenter au travail le 19 juin 2002, de 7 h à 15 h 30, à l'établissement numéro 39.

  5. À l'établissement 39, il y a deux vétérinaires. Ceux-ci débutent et terminent le travail à des heures différentes, soit de 7 h à 15 h 30 dans un cas, et de 7 h 30 à 16 h dans le cas du Dre Vaillancourt.

  6. Il est reconnu que le code numéro 086 qui apparaît à la feuille de temps du 6 juin 2002 du Dre Vaillancourt (pièce D-3) représente un changement d'horaire dans un délai de moins de sept jours.

  7. Il est également convenu que l'horaire de travail des employés de l'Agence est soumis aux exigences des besoins opérationnels des établissements d'abattage et qu'il peut être modifié en fonction de ceux-ci.

[8]   Les documents produits de consentement révèlent également que :

  1. Le 6 juin 2002, Dre Vaillancourt s'est présentée au travail à l'établissement 116. Elle a été rémunérée au tarif régulier pour son travail de 7 h à 15 h 30 et elle a réclamé et a été rémunérée pour temps de déplacement et temps supplémentaire de 6 h à 7 h et de 15 h 30 à 18 h (pièces D-2 et D-3).

  2. Le 19 juin 2002, elle s'est présentée au travail tel que demandé, de 7 h à 15 h 30 à l'établissement 39. Elle a été rémunérée pour une journée régulière de travail de sept heures et demie et elle a réclamé et a été rémunérée pour du temps supplémentaire pour une inspection ante-mortem de 6 h 45 à 7 h (pièces D-2 et D-4).

[9]   Les dispositions pertinentes de la convention collective se lisent comme suit :

[…]

ARTICLE B1 - DURÉE DU TRAVAIL

Le présent article ne s'applique pas aux employés du groupe VM qui travaillent par postes, voir l'article B2, Travail par poste.

[…]

B1.02   Régime de travail normal

Sous réserve de l'article B2, la semaine régulière de travail est de trente-sept heures et demie (37½) et la journée régulière de travail est de sept heures et demie (7½) consécutives, excluant la pause repas, entre six (6) heures et dix-huit (18) heures. La semaine de travail normale s'étend du lundi jusqu'au vendredi.

[…]

ARTICLE B2 - TRAVAIL PAR POSTES

B2.01

  1. Lorsque les nécessités du service exigent que les employés travaillent par postes ou à des heures irrégulières, les heures de travail seront en moyenne sept heures et demie (7½) par jour et en moyenne trente-sept heures et demie (37½) par semaine, à l'exclusion des pauses repas.
  2. Le travail par postes n'a lieu que pendant la semaine de travail normale, du lundi au vendredi.

  3. Il n'y a pas de poste fractionné. L'Employeur ne prévoit pas à l'horaire plus de deux (2) postes par jour au même lieu de travail. Chaque poste peut commencer à deux (2) moments différents au cours d'une période de deux (2) heures.

  4. Avant d'instaurer un poste de soirée ou de nuit à un lieu de travail, l'Employeur donne aux employés touchés par le changement au moins trois (3) mois d'avis. Cet avis peut être réduit, ou on peut y renoncer, après consentement mutuel des employés et de l'Employeur.

B2.02   Dans le présent article, l'expression « horaire de travail par postes » signifie la répartition des postes de travail d'une période ne dépassant pas deux (2) mois consécutifs et leur établissement pour une période minimale de vingt-huit (28) jours consécutifs.

B2.03   L'Employeur essaie dans la mesure du possible de prendre en considération les désirs des employés intéressés quand il établit les postes à l'intérieur d'un horaire de travail par postes. Afin de favoriser la prise en considération des désirs des employés intéressés, l'Employeur doit établir un horaire provisoire de travail par postes et l'afficher au moins un mois à l'avance.

B2.04   L'Employeur s'efforce de répartir les postes de manière à ce que :

  1. a)le poste d'un employé ne commence pas dans les quinze (15) heures qui suivent le poste précédent de celui-ci ;

  2. b)sous réserve des nécessités du service, l'employé ne soit pas tenu, sans son consentement, d'effectuer des postes de soirée ou de nuit pendant plus de deux (2) semaines consécutives sans que ceux-ci ne soient suivis d'une période correspondante de postes de jour.

[…]

B2.06   Les horaires provisoires et définitifs de travail par postes doivent indiquer les heures de travail de chaque poste. L'horaire définitif de travail par postes doit être publié au moins une (1) semaine avant le commencement du dit horaire.

B2.07   Si l'employé reçoit un préavis de moins de sept (7) jours d'une modification à son horaire de travail par postes, il est rémunéré à tarif et demi (1½) pour le travail exécuté au cours du premier poste modifié. Les postes suivants effectués selon le nouvel horaire sont rémunérés au taux des heures normales.

[…]

ARGUMENTS DES PARTIES

[10]   Le représentant du Dre Vaillancourt attire d'abord mon attention sur les réponses qui ont été faites aux trois paliers de grief. Selon lui, les réponses se résument ainsi : au premier palier, on lui répond que les changements n'ont pas affecté l'horaire de travail par postes, sans vraiment fournir d'explication.

[11]   Au deuxième palier, on lui répond qu'une modification au sens de la clause B2.07 représente un changement de caractère de l'horaire, comme par exemple un quart de jour par opposition à un quart de nuit, ce qui n'a pas été le cas ici. Après avoir fait une lecture des diverses dispositions concernées, dont la définition prévue à la clause B2.02 et le mécanisme prévu à la clause B2.06, qui fait d'un horaire de travail par postes un horaire définitif et donc régulier dans le sens de stable pour chaque employé, il suggère que les modifications ainsi faites ont été des modifications à « son » horaire de travail par postes. La clause B2.07 s'applique donc.

[12]   Au troisième palier, le gestionnaire a fait référence aux paragraphes c) et d) de la clause B2.01. Selon Dre Vaillancourt, le paragraphe c) donne la possibilité à l'employeur d'organiser le travail tel que c'est le cas à l'établissement numéro 39, soit en prévoyant deux postes de travail, l'un débutant à 7 h et l'autre débutant à 7 h 30. Il n'explique pas non plus la position de l'employeur. Quant au paragraphe d), il ne trouve pas application dans les circonstances qui nous occupent et n'aurait pas dû être appelé au soutien de la position de l'employeur.

[13]   Dans les faits, le 6 juin 2002, l'employeur a demandé à Dre Vaillancourt d'effectuer un autre poste de travail, à un autre endroit et à des heures différentes. L'horaire de travail de ce poste à l'établissement 116, soit de 7 h à 15 h 30, est différent de celui de l'horaire de travail prévu du Dre Vaillancourt (7 h 30 à 16 h). La clause B2.07 devrait donc s'appliquer pour les heures qui ne sont pas considérées des heures supplémentaires et pour lesquelles Dre Vaillancourt a d'ailleurs été rémunérée.

[14]   Le 19 juin 2002, la situation est différente puisque Dre Vaillancourt n'a pas eu à changer d'établissement. Seul son horaire de travail par postes a été changé. On lui aurait demandé de suivre l'horaire prévu de l'autre vétérinaire du même établissement.

[15]   Pourquoi alors les parties auraient-elles voulu inclure une disposition telle que celle de la clause B2.07 dans la convention collective, sinon afin de compenser un employé qui voit son horaire de travail par postes modifié à la toute dernière minute? Selon Dre Vaillancourt, il s'agit de respecter la définition fournie par la clause B2.02; il existe un autre vocabulaire dans les relations de travail pour désigner les quarts de travail. Tout changement qui ne nécessite pas un changement important, tel que de passer d'un poste de jour à un poste de nuit, est couvert par la clause B2.07.

[16]   Deux décisions me sont soumises: Spears c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-2-14759 (1985) (QL), et Turcotte c. Conseil du Trésor (Ministère de l'Environnement), dossier de la CRTFP 166-2-13434 (1982) (QL). Au soutien de son argument, le représentant du Dre Vaillancourt souligne que l'arbitre de grief a noté que toutes les affaires qui lui avaient été soumises semblaient indiquer « […] que, pour considérer qu'un changement a été apporté à l'horaire d'un employé, il faut qu'un poste déjà prévu à cet horaire ait été remplacé par un autre [...] » Or, bien que dans ce dossier l'arbitre de grief conclut qu'il n'y a pas eu de changement à l'horaire de travail de l'employé puisque celui-ci ne devait pas travailler le 26 décembre, dans les circonstances du présent dossier, je devrais conclure qu'il y a eu modification de l'horaire, car il y a eu remplacement de son poste.

[17]   Le représentant du Dre Vaillancourt attire aussi mon attention sur les commentaires de l'arbitre de grief dans Spears (supra) concernant le but de la clause en question : « Le but de la clause 14.10 [en tout point semblable à l'article B2.07 de la présente convention collective] ressort assez clairement : informer raisonnablement d'avance l'employé dont l'horaire de travail est modifié ».

[18]   Une modification aux heures de travail est un désagrément. Les horaires de travail des vétérinaires sont très rigoureux. L'employeur doit s'assurer de la présence constante d'un vétérinaire dans l'établissement d'abattage. Par ailleurs, tout changement à l'horaire d'un employé a un impact sur l'organisation de sa vie privée et une telle clause prévoyant un préavis de sept jours a été incluse dans la convention collective pour cette raison. Pour donner un sens à cette disposition, je devrais donc accueillir le présent grief.

[19]   La représentante de l'employeur souligne d'entrée de jeu qu'il n'est pas en litige que DreVaillancourt travaille par postes et qu'elle a un horaire de travail régulier tel qu'admis et décrit conjointement par les parties. La question que je dois déterminer est de savoir s'il y a eu changement de l'horaire de travail par postes. Il y a une distinction importante à faire entre une modification d' « horaire de travail » et une modification d' « horaire de travail par postes. ».

[20]   La clause B2.07 vise la modification à l'horaire de travail par postes et non pas une modification à l'horaire de travail de l'employée. Les mots n'y figurent pas pour rien. On retrouve la définition de l'horaire de travail par postes à la clause B2.02 de la convention collective. Cela signifie la répartition des postes de travail d'une durée ne dépassant pas deux mois consécutifs et d'au moins 28 jours consécutifs. Ceci prévoit la possibilité de décider d'un nombre de vétérinaires travaillant de jour, d'autres de soir, etc. selon les besoins. C'est, dans le présent cas, l'attribution des postes par établissement. Cette clause ne réfère pas à l'horaire de travail en termes de temps, c'est à dire en termes d'heures à travailler, comme de 7 h à 15 h 30 par exemple. On convient que, après avoir travaillé les heures requises, il s'agit de temps supplémentaire.

[21]   Selon l'employeur, la clause B2.07 est claire et je ne peux l'interpréter; je dois me limiter à l'appliquer. À l'établissement 39, il n'y a qu'un poste de jour. Il y a deux vétérinaires travaillant le poste de jour, mais débutant à des heures différentes à l'intérieur d'une période de deux heures, comme le permet la sous-clause B2.01c). Selon lui, cette clause confirme qu'il ne s'agit pas de postes de travail différents, puisqu'elle permet de faire commencer les employés à des heures différentes dans une période de deux heures. La représentante souligne également que cette précision à la disposition a été ajoutée au cours des années, suite aux négociations de nouvelles conventions collectives, et réfère à la convention de 1993, produite sous la pièce D-1. Ce serait la même chose pour un changement d'établissement.

[22]   Les modifications ayant eu lieu constituent donc une modification à l'horaire de travail personnel du Dre Vaillancourt et non à son poste de travail, car elle travaille toujours de jour. Il y a eu un changement d'une demi-heure dans son horaire de travail, pas de modification de son poste de travail. Son horaire est même demeuré essentiellement le même; on ne lui a pas demandé d'aller soudainement travailler à un poste de nuit.

[23]   Il ne faut pas confondre non plus le sens du mot « poste » décrivant les fonctions ou l'exécution des tâches d'un employé. Le mot doit ici être interprété selon la clause B2.02, sans plus. Il s'agit de l'horaire pour l'ensemble des employés et non de l'horaire individuel. Au soutien de cette interprétation, l'employeur réfère à la décision Turcotte (supra), dans laquelle l'arbitre de grief précise que, « […] cette expression concerne la répartition des postes de travail pour l'ensemble des employés d'une unité affectés à du travail posté et non à l'horaire individuel de chaque employé qui résulte de l'établissement de cet horaire de travail par postes […] »

[24]   Les désagréments causés à Dre Vaillancourt par les modifications à son horaire de travail ont été amplement compensés par le remboursement des frais et heures supplémentaires payées, tel que détaillé à la pièce D-2.

[25]   Selon la jurisprudence, un poste de travail déjà prévu à l'horaire doit être remplacé par un autre pour que la clause B2.07 s'applique (Spears (supra)). L'expression doit s'appliquer à la répartition générale des postes par établissement de travail, par opposition aux heures de travail indiquées pour chacun. Or, dans le cas du Dre Vaillancourt, c'était la conséquence des heures de départ différentes qui a causé une modification à son horaire de travail.

[26]   Dans la décision Evangelho c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-2-22737 à 22741 (1993) (QL), l'arbitre de grief a confirmé que le changement de l'heure de rentrée au travail ne constituait pas un changement de l'horaire de travail par postes. Par ailleurs, la décision Piotrowski c. Canada (Agence canadienne d'inspection des aliments), 2003 CFPI 757, offre un exemple de modification de l'horaire de travail par postes. Enfin, la décision Doyon c. Commission des relations de travail dans la Fonction publique, [1978] 1 C.F. 31 (C.A.F.), confirme que, lorsque le libellé d'une disposition est clair, on ne peut réinterpréter la disposition librement négociée. On ne peut conclure que la clause B2.07 s'applique à la présente situation.

[27]   En réplique, le représentant du Dre Vaillancourt répond que les heures supplémentaires ne servent pas à compenser un désagrément suite à une modification à l'horaire, mais à payer les services rendus par l'employée en surplus de ses heures régulières de travail. La clause B2.07 prévoit cependant la façon de compenser un tel désagrément. L'employeur a demandé à Dre Vaillancourt de travailler un autre poste; il ne s'agissait pas d'un changement à son horaire individuel de travail et elle a droit d'être compensée.

MOTIFS

[28]   Sur ce dernier point, je suis d'accord que ces versements ne sont pas de même nature. La question est ici de savoir si la clause B2.07 s'applique dans les circonstances en l'espèce pour donner ouverture au paiement du taux majoré pour le premier poste effectué.

[29]   La convention collective prévoit deux régimes de travail : l'horaire de travail normal et l'horaire de travail par postes tel que décrit dans les clauses B1.02 et B2.02 citées plus haut.

[30]   On pourrait croire à la lecture de la clause B1.02 que Dre Vaillancourt travaille selon un horaire de travail normal, tel que défini à cette clause. Les deux parties sont toutefois d'accord que Dre Vaillancourt travaille selon l'horaire de travail par postes. Il s'agit d'un horaire qui est fixé du lundi au vendredi, conformément aux exigences de la sous-clause B2.01b), et qui rencontre également les exigences de la sous-clause B2.01a). Les heures de travail par postes correspondent aux nécessités du service dans les établissements d'abattage. Pour satisfaire à ces exigences, l'employeur a fixé l'horaire de travail du Dre Vaillancourt de 7 h 30 à 16 h dans deux établissements. Celle-ci travaille à l'établissement 39 tous les jours, à l'exception du mercredi, alors qu'elle doit se rendre à l'établissement 88.

[31]   Un autre poste a été créé au même établissement numéro 39 et le vétérinaire à qui il est confié a un horaire de travail différent, en ce qu'il travaille régulièrement de 7 h à 15 h 30. La preuve n'a pas démontré si ce dernier change régulièrement d'établissement comme le fait Dre Vaillancourt le mercredi.

[32]   Les deux postes de travail débutent « […] à deux moments différents au cours d'une période de deux (2) heures […] » (sous-clause B2.01c)). L'employeur n'a pas non plus prévu « […] à l'horaire plus de deux (2) postes par jour par lieu de travail. » Ces deux postes sont donc deux postes dont l'horaire se situe dans les heures normales de travail, soit entre 6 h et 18 h.

[33]   Il est clair que si Dre Vaillancourt travaillait selon le régime normal de travail, elle n'aurait pas droit au taux majoré prévu par la clause B2.07. S'agissant toutefois d'un horaire de travail par postes, tel que reconnu par les parties, la clause B2 en gouverne la gestion. La question est maintenant de déterminer si les modifications apportées l'ont été à l'horaire de travail par postes, tel que le prétend Dre Vaillancourt, ou si elles l'ont été à son horaire individuel de travail, tel que le prétend l'employeur.

[34]   Le Dictionnaire canadien des relations du travail, deuxième édition (1986), de Gérard Dion définit l'expression « horaire individuel » comme étant :

[l'] horaire de travail fixé par l'employeur pour un travailleur déterminé en tenant compte des impératifs de l'établissement, du désir du travailleur ou des deux à la fois. L'horaire individuel n'est pas rattaché à un régime d'horaire flexible il peut se rencontrer dans n'importe quel régime d'horaire de travail.

[Je souligne]

[35]   Quant à l'horaire de travail par postes, il faut s'en rapporter à la définition fournie par la convention collective, soit la clause B2.02 :

Dans le présent article, l'expression « horaire de travail par postes » signifie la répartition des postes de travail d'une période ne dépassant pas deux (2) mois consécutifs et leur établissement pour une période minimale de vingt-huit (28) jours consécutifs.

[Je souligne]

[36]   La définition de l'expression « horaire des postes », fournie par M. Dion (supra) se lit comme suit :

  1. Répartition des heures et des périodes de travail lorsque celui-ci est divisé en deux ou trois espaces de temps successifs au cours d'une journée de vingt-quatre heures.

  2. Tableau sur lequel sont affichés, à l'avance, les noms des travailleurs et les postes auxquels ils sont assignés.

[37]   Le 6 juin 2002, il y a eu modification des heures de travail du Dre Vaillancourt et modification quant à l'établissement où elle devait travailler. Le 19 juin 2002, il y a eu modification uniquement de ses heures de travail. En dehors de ces changements, son horaire de travail prévu pour le reste de la semaine n'a pas changé. Le 7 juin 2002, ainsi que le 20 juin 2002, elle était de retour à son horaire régulier. Son horaire de travail par postes, c'est à dire pour une période donnée « […] minimale de vingt-huit (28) jours consécutifs […] » (clause B2.02), ou tel que réparti par l'employeur dans son ensemble (temps et établissements), n'a donc pas été modifié.

[38]   Il y a eu modification temporaire à son horaire de travail individuel qui est un horaire de travail par postes. Ceci donne-t-il application à la clause B2.07?

[39]   Tel que le soulignait Dre Vaillancourt, la décision Turcotte (supra) nous rappelle le but d'une disposition telle la clause B2.07, c'est à dire « […] informer raisonnablement d'avance l'employé dont l'horaire de travail est modifié. » L'arbitre de grief y remarque que l'expression « horaire de travail par postes » utilisée dans une telle disposition, bien qu'elle puisse porter à confusion, comme dans le présent cas,

[…] concerne la répartition des postes de travail pour l'ensemble des employés d'une unité affectés à du travail posté et non pas à l'horaire individuel de chaque employé qui résulte de l'établissement de cet horaire de travail par poste. […]

[40]   La décision Spears (supra) a rejeté un grief où l'avocate de l'employeur plaidait dans le même sens que dans le présent cas :

[…] Les postes précédents et subséquents demeuraient inchangés. L'employé en cause a simplement travaillé un jour non prévu à son horaire et il a été rémunéré en conséquence. Un changement de poste donne droit à un taux majoré si l'horaire normal de l'employé est modifié, non s'il entraîne des heures supplémentaires. […]

L'arbitre de grief y conclut que, dans les circonstances en l'espèce, il n'y a pas eu modification à l'horaire par postes de l'employé. Il n'y a pas remplacement d'un poste à l'horaire prévu par un autre poste, l'employé ayant travaillé un jour de plus, non prévu à son horaire régulier.

[41]   C'est ce dernier point qu'argumente le Dre Vaillancourt dans la présente affaire : puisqu'il y a eu remplacement du poste prévu à son horaire de travail, les 6 et 19 juin 2002, elle aurait droit au taux majoré. Je ne suis pas d'accord avec cette conclusion.

[42]   De l'admission des parties, les deux modifications à l'horaire sont différentes. Posée plus précisément, la question devient : les changements apportés le 6 juin 2002 aux heures et au lieu de travail, et le 19 juin 2002 aux heures seulement, constituaient-ils une modification de l'horaire par postes du Dre Vaillancourt? Une recherche dans Canadian Labour Arbitration de MM. Brown et Beatty nous éclairent à ce sujet. On y réfère à Re Int'l Chemical Workers, Local 721, and Brockville Chemicals Ltd. (1966) 16 L.A.C. 378, où il a été décidé :

[Traduction non-officielle]

[…] Est décidé, à l'unanimité, que la disposition portant sur la rémunération à tarif et demi ne s'applique pas dans les présentes circonstances. Un nouveau poste n'a pas été établi; l'horaire du poste actuel de l'employé a simplement été légèrement modifié et de façon temporaire. […]

Ceci est conforme à la décision Evangelho (supra).

[43]   En ce sens, et tenant compte du fait que l'horaire individuel de travail par postes du Dre Vaillancourt n'a pas été modifié pour les autres jours, il n'y avait pas lieu de verser le taux majoré. Les modifications apportées le 6 juin 2002, même si elles sont plus importantes, incluant un changement de lieu de travail, sont tout aussi temporaires que le changement du 19 juin 2002.

[44]   Tel que le souligne le représentant du Dre Vaillancourt, l'importance du changement, petit ou grand, n'aurait en effet pas de conséquence sur l'application de ce genre de disposition. Ce sur quoi porte le changement est toutefois d'importance cruciale. Par exemple, un horaire de 7 h à 15 h 30, qui serait modifié pour débuter à 6 h 30 et se terminer à 15 h pendant le reste de la période d'au moins 28 jours mais d'au plus deux mois consécutifs (clause B2.02), ou un changement qui en ferait un horaire de nuit pour la même période, exigerait le paiement du taux majoré si le préavis est de moins de sept jours.

[45]   Le but de la clause B2.07 vise à amener l'employeur à aviser l'employé au moins sept jours d'avance d'un changement à son horaire par postes. Il est sous-entendu que l'employé a droit à ce préavis afin de réorganiser sa vie privée et familiale qui est nécessairement affectée par le travail par postes. C'est dans le même sens que le mécanisme de la clause B2.06 est mis en place (il prévoit également sept jours) ainsi que toutes les dispositions, en fait, de la clause B2. On reconnaît ainsi le cas particulier des travailleurs par postes et l'impact que cette organisation du travail peut avoir sur eux personnellement.

[46]   Un changement temporaire à l'horaire d'une employée travaillant par postes est un changement à son horaire individuel de travail et je ne vois pas le sens d'appliquer dans ce cas le taux majoré. La clause B2.07 est claire; il doit y avoir modification à l'horaire de travail par postes. La convention collective doit être lue dans son ensemble et doit être appliquée de manière à accorder aux dispositions convenues l'effet entendu.

[47]   Ici, la fonctionnaire s'estimant lésée se retrouve dans la même situation qu'un employé travaillant selon le régime régulier de travail et à qui on demande une modification de ses heures ou de son lieu de travail pour une journée particulière. Si la convention collective prévoit un préavis dans ce cas, c'est la disposition qui devrait trouver application. On ne trouve pas une telle disposition dans la clause B2; je ne peux ajouter à la convention collective (Doyon (supra)).

[48]   Pour ces motifs, tenant compte des admissions des parties sur les faits, des documents produits de consentement et des termes de la convention collective, le grief est rejeté.

Sylvie Matteau,
présidente suppléante

OTTAWA, le 28 mai 2004

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