Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Conflit d'intérêt - Inconduite et fraude - Trouble bipolaire - la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée lorsqu'une enquête a révélé qu'elle avait participé au traitement de la demande de son ami de cour, avec qui elle vivait au moment de la présentation de la demande de prestation de développement des compétences - l'employeur a conclu qu'elle avait accordé un traitement de faveur à un membre du public qu'elle connaissait, s'était placée en situation de conflit d'intérêt, avait communiqué des renseignements confidentiels à cette personne, avait falsifié des documents, avait tenté d'obtenir de manière frauduleuse un avantage lié à l'emploi pour ladite personne, avait menti à son chef d'équipe et avait accédé à des renseignements confidentiels à des fins personnelles - la fonctionnaire s'estimant lésée attribuait ses gestes au fait qu'elle souffrait de trouble bipolaire et qu'elle était en proie à un épisode hypomaniaque, au moment de l'incident - la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé un grief et une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, mais cette dernière a informé la fonctionnaire s'estimant lésée que, conformément à l'alinéa 41(1)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), elle avait décidé de ne pas statuer sur sa plainte pour le moment parce que celle-ci pourrait être avantageusement instruite selon une procédure de règlement ou d'arbitrage de griefs - l'arbitre a conclu que l'employeur avait établi une preuve prima facie à l'égard de l'inconduite présumée de la fonctionnaire s'estimant lésée - quant à la défense de nature médicale, l'arbitre a statué que la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée avait contribué à lui faire prendre des décisions impulsives - selon la prépondérance des probabilités, il était convaincu que sa maladie avait influencé son jugement au point de ne plus distinguer le bien du mal, de ne pas comprendre qu'elle commettait une fraude et qu'elle violait les politiques ministérielles et le code régissant les conflits d'intérêt - la défense de nature médicale a été rejetée - l'arbitre a conclu que la suspension de la fonctionnaire s'estimant lésée était justifiée puisqu'elle avait donné à l'employeur le temps de mener une enquête sur les allégations portées contre elle - la fonctionnaire s'estimant lésée a mal agi et ses infractions sont très graves, car elle occupait un poste de confiance et travaillait avec une supervision minimale - cependant, l'arbitre croyait que les actes commis n'étaient qu'une unique et complexe indiscrétion - la fonctionnaire s'estimant lésée était en service depuis 20 ans et avait un bon dossier professionnel ne contenant aucune infraction - bien qu'elle ait d'abord menti à son superviseur au sujet de sa relation avec M. « S », elle a admis lui avoir réservé un traitement préférentiel et s'être placée en situation de conflit d'intérêt - elle a exprimé des remords au cours de l'entrevue et à l'audience - de plus, M. « S », après un examen de son dossier par l'employeur, a eu droit à une aide financière plus importante que le montant qu'avait d'abord approuvé la fonctionnaire s'estimant lésée - la fonctionnaire s'estimant lésé a été réintégrée dans son ancien poste, mais n'a eu droit à aucune somme d'argent ni à aucune indemnité depuis la date de sa suspension - l'arbitre a ordonné qu'elle continue de recevoir le traitement médical approprié et qu'elle participe à un programme de suivi en collaboration avec Santé Canada et son médecin - pendant deux ans suivant sa réintégration, l'employeur pourra exiger périodiquement que la fonctionnaire s'estimant lésée lui fournisse une preuve de son traitement et son aptitude à travailler. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-06-07
  • Dossier:  166-2-32097
    166-2-32098
  • Référence:  2004 CRTFP 60

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

JUDY D. DOUGLAS
fonctionnaire s'estimant lésée

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Développement des ressources humaines Canada)


employeur

Devant :   D.R. Quigley, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :   Debra Seaboyer, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Vancouver (C.-B.),
du 23 au 25 mars 2004.


[1]   Judy Douglas, agente de programme (PM-02), Subventions et contributions, à Développement des ressources humaines Canada, a présenté un grief afin de contester sa suspension d'une durée indéterminée, à compter du 18 juin 2002 (pièce E-3), et son licenciement subséquent, à compter du 4 septembre 2002 (pièce E-10).

[2]    La fonctionnaire s'estimant lésée a déposé une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) dans laquelle elle soutenait avoir été suspendue, puis licenciée à la suite d'une enquête administrative portant sur des événements dans lesquels sa maladie (trouble affectif bipolaire) a joué un rôle important et à laquelle son employeur a accordé très peu d'importance. Dans une lettre datée du 6 novembre 2003, la CCDP a informé la fonctionnaire s'estimant lésée que, conformément à l'alinéa 411b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP), elle a décidé de ne pas statuer sur sa plainte pour le moment parce que celle-ci pourrait être avantageusement instruite selon une procédure prévue par une autre loi fédérale.

[3]    Les deux représentants ont présenté de brèves observations préliminaires. L'avocat de l'employeur a déposé 17 pièces et appelé quatre témoins. La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a déposé six pièces et appelé deux témoins.

[4]    Les motifs du licenciement sont énoncés dans la lettre du 29 août 2002 de W.D. Gardner, chef exécutif régional, Région de la Colombie-Britannique et du Yukon, DRHC (pièce E-10) :

[Traduction]

La présente vise à vous informer que j'ai pris connaissance des conclusions de l'enquête administrative visant à examiner le rôle que vous avez joué dans la demande de prestation de développement des compétences (PDC) d'un membre du public que vous connaissiez.

Après avoir examiné très attentivement le rapport administratif, je constate qu'il a été clairement établi que vous avez accordé un traitement de faveur à un membre du public que vous connaissiez, que vous vous êtes placée en situation de conflit d'intérêts, avez communiqué des renseignements confidentiels à ladite personne, avez falsifié des documents, avez tenté d'obtenir de manière frauduleuse un avantage lié à l'emploi pour ladite personne, avez menti à votre chef d'équipe et avez accédé à des renseignements confidentiels à des fins personnelles. Un tel comportement est inacceptable et incompatible avec le niveau de confiance que doit inspirer un agent de programme. Je conclus donc que les actes que vous avez commis constituent une inconduite très grave.

Il est essentiel que le public ait confiance dans l'intégrité de Développement des ressources humaines Canada et de ses employés. Les actes que vous avez commis compromettent cette intégrité.

J'ai pris en compte vos années de service et vos bons antécédents professionnels ainsi que votre explication selon laquelle votre état de santé était responsable de vos décisions. Toutefois, j'ai aussi tenu compte du fait que lorsque vous avez été confrontée à la preuve de conduite inappropriée, vous n'avez été ni sincère ni franche. Vos actes ont été délibérés, prémédités et sont inexcusables. Vous avez rompu le lien de confiance qui est essentiel pour maintenir un poste à DRHC.

Par conséquent, en vertu des pouvoirs qui me sont délégués par le sous-ministre, je vous licencie pour un motif valable conformément à l'alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le licenciement entrera en vigueur à la fermeture des bureaux le 4 septembre 2002.

Conformément à l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, vous pouvez présenter un grief pour contester ma décision dans les vingt-cinq (25) jours de la réception de la présente lettre.

[5]    La description de poste de la fonctionnaire s'estimant lésée a été déposée en preuve (pièce E-1). Sous la rubrique « Activités principales », elle énonce notamment ce qui suit :

[Traduction]

  • Consulter et fournir des conseils sur l'élaboration de demandes, de propositions et de plans d'action, évaluer les demandes, propositions et plans d'action, recommander et approuver un appui financier dans le cadre du programme, négocier et conclure des ententes et leurs annexes avec des employeurs, des parrains et des clients;

  • Surveiller, analyser et évaluer l'efficacité des activités relatives aux ententes et veiller à ce que les employeurs, parrains et clients comprennent les systèmes d'aide financière et de réclamation; déterminer et consigner les résultats des projets et des participants;

  • Calculer et approuver les avances et les paiements échelonnés relatifs aux projets; assurer la surveillance financière et exécuter des activités de clôture; approuver l'aliénation des biens et calculer et établir les paiements en trop et les paiements insuffisants, au besoin;

  • [...]

Les faits

[6]    John Parrott est fonctionnaire depuis environ 35 ans et, depuis 1985, est chef d'équipe (PM-03) au bureau de Chilliwack. Sept agents de programme (PM-02), y compris la fonctionnaire s'estimant lésée, et un commis (CR-04) relèvent directement de lui. Son supérieur immédiat est la gestionnaire des Services du programme pour le secteur de services de la vallée du Fraser, Lucia MacLean.

[7]    Le témoin a expliqué qu'il est responsable du budget du bureau de Chilliwack, de la planification et de la rédaction de propositions en vue de la passation de marchés pour services de gestionnaires de cas et de conseillers, ainsi que de l'examen des demandes qui sont rejetées par les agents de programme.

[8]    Le témoin a ajouté qu'il avait travaillé avec la fonctionnaire s'estimant lésée pendant environ 20 ans et que son bureau était situé à environ 30 pieds du sien.

[9]    M. Parrott a témoigné que, le 12 juin 2002, le commis de l'unité, qui entrait dans l'ordinateur les données d'une demande (pièce E-2), a remarqué que le nom des enfants inscrits sur la demande était identique au nom des enfants de l'ami de la fonctionnaire s'estimant lésée. Le nom de l'ami de la fonctionnaire s'estimant lésée à cette époque était M. « S » et c'est la fonctionnaire s'estimant lésée qui avait approuvé la demande sur laquelle travaillait le commis. Ce dernier a porté ce fait à l'attention de M. Parrott et M. Parrott a ensuite demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de l'accompagner dans une salle d'entrevue. Dès qu'elle est entrée dans la salle, la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré : [traduction] « Je parie que je sais de quoi il s'agit. C'est à propos du dossier que j'ai donné au commis pour la saisie de données ».

[10]    Le témoin a déclaré que, pendant leur rencontre, il a demandé à la fonctionnaire s'estimant lésée à trois occasions si M. « S » était son ami. Elle a répondu : [traduction] « Pas du tout. Nous sommes sortis ensemble quelques fois, mais ça fait de cela des mois. Je ne le fréquente pas en ce moment ». Le témoin a ajouté qu'il a pris possession du dossier et a informé la fonctionnaire s'estimant lésée que même si M. « S » n'était pas son ami, elle n'aurait pas dû traiter sa demande, comme cela pouvait être perçu comme un conflit d'intérêts.

[11]    M. Parrott avait l'intention d'envoyer le dossier à Abbotsford pour s'assurer que le demandeur n'avait pas obtenu de traitement de faveur et qu'il n'y avait pas de conflit d'intérêts. Toutefois, après avoir discuté de l'affaire avec Laurie Weins, qui est PM-02 et chef d'équipe de relève, il a appris de celle-ci que la fonctionnaire s'estimant lésée et M. « S » se fréquentaient toujours. Il a donc décidé de procéder à un examen sommaire du dossier et c'est à ce moment qu'il a remarqué que l'adresse résidentielle de M. « S » était la même que celle de la fonctionnaire s'estimant lésée, que la demande était incomplète, que le dossier ne contenait aucun document provenant du gestionnaire de cas, qu'aucune explication de la fonctionnaire s'estimant lésée ne justifiait le montant de l'aide financière à accorder, qu'aucune lettre d'acceptation du collège auquel M. « S » avait présenté une demande ne figurait au dossier, que les frais de cours devaient être envoyés à M. « S » et non au collège et que les dépenses pour les soins des personnes à charge avaient été autorisées mais qu'il n'y avait aucune lettre d'un service de garde.

[12]    Le même jour, le témoin a téléphoné à Judy Jack, agente des relations de travail à Vancouver, et lui a laissé un message dans lequel il lui faisait part de ses préoccupations concernant le traitement de cette demande par la fonctionnaire s'estimant lésée. Il a précisé avoir remarqué, le lendemain, que les renseignements sur le marché du travail qui auraient été fournis par M.« S » étaient identiques à ceux qui figuraient dans un autre dossier (ci-après appelé le « client no 1 »). Ce dossier, qui avait été confié à Mme Weins, était tout en désordre et certaines pages avaient été enlevées. Le témoin a transmis le dossier à Mme MacLean pour qu'elle l'examine.

[13]    Concernant l'état de santé de la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Parrott a déclaré que, pendant qu'il travaillait avec elle, il avait discuté avec elle de son trouble bipolaire à de nombreuses occasions. Il a précisé qu'il avait appris son état de santé en 1995. La fonctionnaire s'estimant lésée l'a informé que son frère et elle souffraient du trouble bipolaire; elle était peu affectée par la maladie tandis que son frère en était gravement atteint.

[14]    Le témoin a aussi déclaré qu'à de nombreuses occasions la fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé la permission de quitter le travail parce qu'elle était malade et elle avait toujours obtenu congé. Elle disait : [traduction] « Je le sens quand j'ai un épisode. Je dois rentrer à la maison. »

[15]    M. Parrott a ajouté que de mars à juin 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée et lui ont travaillé en étroite collaboration sur divers cas complexes et ont négocié des ententes avec des fournisseurs de services. Pendant cette période, il n'a jamais remarqué qu'elle était maniacodépressive et elle ne lui a jamais mentionné qu'elle était dans cet état. Il a précisé qu'au cours des années précédentes il l'avait vu dans cet état; elle devenait extrêmement bruyante et irritable avec ses collègues.

[16]    Le témoin a terminé son témoignage en déclarant que la fonctionnaire s'estimant lésée avait très bien compris les questions qu'il lui posait concernant sa relation avec M. « S », mais qu'elle avait choisi de ne pas être honnête. Il a ajouté : [traduction] « J'ai été surpris de constater que je me suis trompé à son sujet ».

[17]    En contre-interrogatoire, le témoin a convenu que la documentation n'était pas le point fort de la fonctionnaire s'estimant lésée. Toutefois, le dossier de M. « S » présentait de très nombreuses lacunes sans aucune justification écrite quant à l'approbation de la demande.

[18]    Lucia MacLean, gestionnaire des Services du programme pour le secteur de services de la vallée du Fraser, travaille à DRHC depuis 20 ans. Elle est notamment responsable de la supervision des employés des bureaux de Langley, d'Abbotsford et de Chilliwack qui fournissent des services permettant à des personnes de changer d'emploi et à des chômeurs canadiens de trouver un emploi au Canada. Ces services en matière d'emploi sont notamment la formation, le counselling, les choix de carrière et les occasions de travail indépendant. Elle gère un budget annuel d'environ 26 millions de dollars et trois chefs d'équipe (PM-03) relèvent directement d'elle.

[19]    La témoin a expliqué le processus suivi par toute personne qui demande de l'aide financière afin de suivre un cours de formation. Le demandeur rencontre un gestionnaire de cas communautaire pour obtenir des conseils, discuter de renseignements concernant le marché du travail et déterminer la formation requise en fonction des compétences du demandeur. Celui-ci est ensuite référé à un agent de programme qui discute du coût de la formation requise, de l'aide financière nécessaire, de la disponibilité du demandeur pour suivre la formation et les autres sources de revenu. L'agent de programme évalue le dossier, formule des recommandations et traite le dossier financier du demandeur, puisque DRHC est le premier payeur; autrement dit, le premier chèque destiné au demandeur ou à une institution provient directement de DRHC.

[20]    La témoin a déclaré que le niveau de confiance que doit inspirer un agent de programme est extrêmement élevé, puisque toute décision prise sur le montant de l'aide financière à accorder au demandeur est discrétionnaire et qu'il s'agit de fonds publics. L'agent de programme jouit d'un grand pouvoir discrétionnaire et travaille avec une supervision minimale; par conséquent, la personne doit être tout à fait digne de confiance. Un agent de programme négocie des ententes avec des fournisseurs de services selon les besoins de la collectivité, et l'offre et la prestation des services. La valeur de ces ententes peut varier de 50 000 $ à 3 millions de dollars selon le type de services requis.

[21]    La témoin a ajouté que le « Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique » (pièce E-11) énonce des directives précises que les employés doivent suivre pour éviter d'accorder un traitement de faveur aux clients et de se placer en situation de conflit d'intérêts. Le Code a pour objet d'accroître la confiance du public dans l'intégrité des employés de DRHC et de la fonction publique. Dans la partie I intitulée « Principes et administration », on énonce ce qui suit :

Principes

Chaque employé doit se conformer aux principes suivants :

a)   il doit exercer ses fonctions officielles et organiser ses affaires personnelles de façon à préserver et à faire accroître la confiance du public dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du gouvernement;

b)   il doit avoir une conduite si irréprochable qu'elle puisse résister à l'examen public le plus minutieux; pour s'acquitter de cette obligation, il ne lui suffit pas simplement d'observer la loi;

[...]

f)   il lui est interdit d'outrepasser ses fonctions officielles pour venir en aide à des personnes, physiques ou morales, dans leurs rapports avec le gouvernement, lorsque cela peut donner lieu à un traitement de faveur;

g)   il lui est interdit d'utiliser à son propre avantage ou bénéfice des renseignements obtenus dans l'exercice de ses fonctions officielles et qui, de façon générale, ne sont pas accessibles au public.

[...]

À la partie II intitulée « Mesures d'observation régissant les conflits d'intérêts », le Code prévoit ce qui suit :

Refus d'accorder des traitements de faveur

30.   Il est interdit aux employés d'accorder, relativement à des questions officielles, un traitement de faveur à des parents ou amis, ou à des organismes dans lesquels eux-mêmes, leurs parents ou amis ont des intérêts. Les employés doivent éviter de se placer ou de sembler se placer dans des situations où ils seraient redevables à une personne ou à un organisme qui pourrait tirer partie d'un traitement de faveur de leur part.

[...]

Inobservation

33.   Tout employé qui ne se conforme pas aux dispositions prescrites aux parties I et II s'expose à des mesures disciplinaires, y compris, le cas échéant, le congédiement.

[22]    Selon la témoin, la fonctionnaire s'estimant lésée a signé, le 5 janvier 1983, un « Protocole d'entente » qui limite la participation des employés à certaines questions (pièce E-12). Le protocole d'entente énonce ce qui suit :

[Traduction]

Il est interdit à tout employé de participer directement à l'enregistrement, au traitement ou à l'arbitrage d'une réclamation ou d'une demande de subvention, d'un permis de travail, d'un visa ou de tout autre avantage administré par la Commission dans lequel ils ont un intérêt personnel, financier ou autre, ou d'exercer son influence à cet égard, au nom d'un parent ou d'un ami. Tout employé qui est placé dans une telle situation doit en aviser son superviseur sans délai.

La direction de la Commission est consciente qu'il existe parfois des cas où l'on souhaite assurer un retard minimal dans le service, mais il est dans notre intérêt commun d'éviter le type de participation susmentionnée. Toute contravention à la présente politique constitue une inconduite entraînant une mesure disciplinaire et peut constituer une infraction au Code criminel.

[23]    La témoin a déclaré qu'en raison d'un incident antérieur impliquant la fonctionnaire s'estimant lésée, incident qui aurait pu être perçu comme un traitement de faveur accordé à un client, elle a envoyé à la fonctionnaire s'estimant lésée, le 10 juin 2000, un courriel dans lequel elle réitérait le contenu du protocole d'entente, y compris divers scénarios qui pouvaient constituer un traitement de faveur. Elle lui a aussi rappelé qu'aucun traitement de faveur ne devait être accordé aux clients.

[24]    Mme MacLean a ajouté que lorsque M. Parrott lui a parlé de ses préoccupations concernant le traitement par la fonctionnaire s'estimant lésée de la demande de M. « S », elle a révisé le dossier et a déterminé qu'il était justifié de mener une enquête approfondie. À la suite de cette enquête, la fonctionnaire s'estimant lésée a été suspendue sans traitement, à compter du 18 juin 2002 (pièce E-3).

[25]    Le 19 juin 2002, Mme MacLean a convoqué à une rencontre à Abbotsford la fonctionnaire s'estimant lésée, sa représentante syndicale, Diane Mitchell, et Nancy Emery, PM-05, qui devait observer la rencontre et prendre des notes. La réunion visait à fournir à la fonctionnaire s'estimant lésée l'occasion d'expliquer pourquoi elle avait traité la demande de M. « S » et à discuter des préoccupations de la direction. L'essence de la réunion a été reproduite dans les notes de Mme Emery (pièce E-14), ainsi que dans les notes prises par Mme MacLean (pièce E-4). Au cours de la rencontre, la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que son emploi avait déclenché son état maniacodépressif. Mme MacLean est d'avis que les allégations reproduites ci-dessous ont été établies à la lumière des explications fournies par la fonctionnaire s'estimant lésée.

  1. Traitement de faveur

    • La fonctionnaire s'estimant lésée a fourni à M. « S » une demande et la documentation pertinente; il n'a jamais eu à se rendre au bureau de DRHC. Il n'a pas été affecté à un gestionnaire de cas, ce qui était une exigence, et a passé devant les autres personnes qui attendaient que leur demande soit traitée.

  2. Conflit d'intérêts

    • La fonctionnaire s'estimant lésée et M. « S » se fréquentaient et vivaient ensemble quand celle-ci a traité sa demande. Comme ils vivaient dans la même résidence, toute somme d'argent accordée à M. « S » pouvait être perçue comme un avantage financier pour la fonctionnaire s'estimant lésée. (La fonctionnaire s'estimant lésée a admis avoir payé la pension alimentaire pour enfants de 450 $ de M. « S » pour le mois de juin 2002.)

  3. Communication de renseignements confidentiels

    • La fonctionnaire s'estimant lésée a communiqué à M. « S » des renseignements sur le marché du travail provenant du dossier du « client no 1 ».

  4. Falsification de documents

    • La fonctionnaire s'estimant lésée a retiré les renseignements sur le marché du travail du dossier du « client no 1 » et les a ajoutés à la demande de M. « S » afin de donner l'impression que M. « S » avait effectué l'analyse requise.

    • Le 22 mai 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a présenté une demande de protection au Régime de soins de santé de la fonction publique dans laquelle elle déclarait que M. « S » était une personne à charge et son conjoint de fait depuis avril 2001.

  5. Accès à des renseignements confidentiels

    • Le 7 mai 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a recueilli des renseignements confidentiels de M. « S » concernant l'assurance-emploi. Ces renseignements renfermaient des données de base telles que son numéro d'assurance sociale, sa date de naissance, son adresse et son numéro de téléphone.

  6. Déclarations trompeuses à son chef d'équipe

    • Au cours de sa rencontre avec M. Parrott, la fonctionnaire s'estimant lésée a nié à trois occasions que M. « S » était son ami.

  7. Tentative de fraude

    • En fournissant de faux renseignements afin d'obtenir une protection médicale, la fonctionnaire s'estimant lésée a tenté de rendre admissibles M. « S » et ses enfants aux prestations du Régime de soins de santé de la fonction publique, prestations auxquelles ils n'avaient pas droit.

    • La fonctionnaire s'estimant lésée a approuvé des coûts pour soins de personnes à charge de 7 500 $ pour les enfants de M. « S », même si elle savait qu'ils n'étaient plus en âge de fréquenter une garderie et ne vivaient pas avec leur père.

    • Elle a proposé à M. « S » de présenter une demande au Programme canadien de prêts aux étudiants contrairement à la politique de DRHC, puisque DRHC est le premier payeur en ce qui concerne les coûts de formation des clients admissibles, mais ne rembourse pas les prêts des demandeurs.

    • Elle a libellé le chèque pour les frais de cours à l'ordre de M. « S » et non du CDI College, contrairement à la politique de DRHC. Si M. « S » décidait de ne pas aller au collège et de quitter la ville, DRHC aurait à prendre des mesures pour recouvrer l'argent.

[26]    Mme MacLean a déclaré que la fonctionnaire s'estimant lésée avait contrevenu à la partie I, alinéas 6a), b), f) et g) du « Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat applicable à la fonction publique » (pièce E-11). Le lien de confiance avec l'employeur a été rompu. L'employeur doit avoir confiance en ses agents de programmes qui négocient d'importants contrats au nom du Gouvernement du Canada et qui travaillent avec une supervision minimale.

[27]    La témoin a souligné que le superviseur de la fonctionnaire s'estimant lésée et elle connaissaient très bien l'état de santé de la fonctionnaire s'estimant lésée. Si cette dernière avait besoin de congés pour voir le médecin ou un représentant du PAE, on les lui accordait toujours. Si elle avait demandé des mesures d'adaptation en 2002, c'est-à-dire d'être relevée de ses fonctions, sa demande aurait été approuvée, comme par le passé. Mme MacLean a ajouté qu'en juillet 1999, la fonctionnaire s'estimant lésée avait demandé un congé et s'était absentée du travail pendant une longue période. Mme MacLean l'a personnellement aidée à se recycler quand elle est retournée au travail.

[28]    La témoin a également mentionné qu'elle avait révisé tous les dossiers dans lesquels la fonctionnaire s'estimant lésée avait travaillé entre mars et juin 2002. Ils étaient tous en ordre, sauf celui de M. « S ».

[29]    Mme MacLean a conclu son témoignage en disant qu'elle avait recommandé le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée après avoir pris en compte la gravité de son inconduite et le dernier paragraphe de la lettre envoyée le 31 juillet 2002 à Judy Jack, des Relations de travail à DRHC par Eric Jeffries, médecin agréé à Santé Canada (pièce E-13), dans lequel il écrit ce qui suit :

[Traduction]

Bien que la maladie ait déclenché ce comportement, il ne s'agit pas du genre de maladie qui peut altérer la capacité de Mme Douglas de distinguer le bien du mal. Il semble que ses actes ont été délibérés, qu'elle savait ce qu'elle faisait et qu'elle savait que c'était mal. La question à savoir si la maladie peut excuser son inconduite doit être déterminée par l'employeur.

[30]    En contre-interrogatoire, la témoin a convenu que c'était M. « S » et non la fonctionnaire s'estimant lésée qui avait signé deux formulaires de consentement de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) pour un prêt étudiant le 13 mai et le 2 juillet 2002 (pièce E-7).

[31]    La témoin a confirmé que c'est après avoir examiné la lettre du Dr Jeffries du 31 juillet 2002 qu'elle a décidé de recommander le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[32]    En outre, elle a confirmé que la nouvelle demande présentée par M. « S » pour fréquenter le CDI College, qu'elle a traité subséquemment, avait été approuvée.

[33]    Nancy Emery travaille à DRHC depuis 32 ans. Elle a témoigné qu'elle n'avait eu aucun rapport direct avec la fonctionnaire s'estimant lésée.

[34]    En ce qui a trait à la rencontre du 19 juin 2002, la témoin a déclaré que son rôle consistait à consigner les questions posées à la fonctionnaire s'estimant lésée et les réponses qu'elle fournissait. Ses notes ont été déposées comme pièce E-14.

[35]    La témoin a confirmé que la fonctionnaire s'estimant lésée avait déclaré : [traduction] « Mon emploi a déclenché mon état maniacodépressif » lors de la rencontre.

[36]    La témoin n'a pas été contre-interrogée.

[37]    Les deux parties ont reconnu le Dr Ronald A. Remick comme étant un expert dans le diagnostic et le traitement des troubles de l'humeur et de l'anxiété.

[38]    Le Dr Remick a décrit le trouble bipolaire comme étant une affection qui touche environ un ou deux pour cent de la population. Les symptômes de la maladie varient entre les cycles de manie et les accès dépressifs qui peuvent durer de deux semaines à deux mois. Une personne qui se trouve dans un état de manie peut être en état d'exaltation pendant des semaines, voire des mois. La personne dort très peu, est très agitée, parle rapidement, est facilement distraite, fait preuve de peu de jugement, n'a pas idée des conséquences, commet des indiscrétions sexuelles, peut prendre part à des événements pouvant entraîner des conséquences douloureuses, est trop franche et peut dépenser d'énormes sommes d'argent, ce qui peut se traduire par un sérieux endettement.

[39]    Le témoin a ajouté que la dépression peut être décrite par les symptômes suivants (acronyme « SIGECAPS » en anglais) :

Hypersomnie
Diminution marquée de l'intérêt
Sentiment de culpabilité
Perte d'énergie
Problèmes de concentration (peu de mémoire; difficulté à prendre des décisions)
Diminution ou augmentation de l'appétit
Activité psychomotrice (agitation ou ralentissement)
Pensées suicidaires (sentiment de désespoir; aucune attente pour l'avenir)

[40]    Une personne sur six souffrant de trouble affectif bipolaire se suicide.

[41]    Le témoin a déclaré que les personnes au début de la vingtaine qui se sentent déprimées et qui ne sont pas traitées peuvent se sentir déprimées pendant une période de six à neuf mois. Les personnes dans un état maniaque qui ne sont pas traitées peuvent demeurer dans cet état pendant trois ou quatre mois.

[42]    Le trouble affectif bipolaire est réparti en deux types :

  • Trouble bipolaire I : Maniacodépression; hallucinations, jugement altéré; hospitalisation.

  • Trouble bipolaire II : Hypomanie, mêmes symptômes que le trouble bipolaire I, mais moins graves.

[43]    Habituellement, la personne bipolaire a entre 10 et 12 épisodes maniaques au cours de sa vie. Les chances de surmonter le trouble affectif bipolaire sans traitement médical sont, au mieux, minimes. Toutefois, environ 80 pour cent des patients qui reçoivent un traitement approprié ne souffrent pas d'épisodes maniaques et, si oui, ceux-ci sont relativement légers. Grâce au traitement, la grande majorité des personnes mènent une vie normale et productive. De nombreux professionnels, tels que des avocats et des médecins, sont traités pour un trouble affectif bipolaire. Le traitement doit être rajusté régulièrement et il doit habituellement être suivi pendant la vie entière. De nombreux patients se rappellent ou choisissent de prendre leurs médicaments; toutefois environ 50 pour cent d'entre eux ne le font pas.

[44]    Une personne qui est dans un état maniaque se sent exaltée et est distraite; elle peut donc ne pas prendre ses médicaments. D'ordinaire, la prescription est de trois comprimés par jour, et les médicaments peuvent causer des effets secondaires (comme la nausée). Le risque de rechute est de 60 pour cent la première année et de 80 pour cent la deuxième ou la troisième année chez ceux qui omettent de prendre leurs médicaments.

[45]    Le Dr Remick a déclaré que la fonctionnaire s'estimant lésée lui a été référée par son médecin de famille, le Dr Randy Minion, le 18 mars 1996 (pièce G-1, onglet 8). Il l'a traitée à quatre ou cinq occasions au cours de l'année 1996-1997; il a ensuite perdu sa trace jusqu'à ce qu'elle revienne en novembre 2003. Il y a des antécédents de trouble affectif bipolaire dans la famille de la fonctionnaire s'estimant lésée, puisque cette maladie est génétique. Pendant que le Dr Remick soignait la fonctionnaire s'estimant lésée en 1996-1997, il l'a traité au lithium.

[46]    Quant à l'évaluation médicale demandée par Santé Canada et effectuée par le Dr Alan Buchanan, psychiatre qualifié indépendant, le témoin a déclaré qu'il était d'accord avec l'évaluation et les conclusions du Dr Buchanan, soit que les gestes posés par la fonctionnaire s'estimant lésée à l'égard de M. « S » pourraient être attribués à sa maladie et qu'[traduction] « elle est actuellement capable de remplir les fonctions de son poste et le sera dans un avenir prévisible... » (pièce G-1, onglet 10).

[47]    Le Dr Remick a présenté la pièce G-1, onglet 9 comme étant son rapport et ses conclusions à la suite d'une entrevue menée avec la fonctionnaire s'estimant lésée le 20 novembre 2003. Même s'il ne l'a pas vu depuis six ans, il est d'avis que le comportement qu'elle a eu au printemps 2002 est le résultat d'un épisode hypomaniaque.

[48]    Lorsqu'on a renvoyé le témoin à la lettre du Dr Jeffries du 31 juillet 2002 (pièce E-13), il a déclaré qu'il n'était pas en désaccord avec la conclusion du Dr Jeffries, à savoir que même si la maladie avait déclenché les actes commis [faisant référence à l'incident mettant en cause M. « S »], il ne s'agit pas du genre de maladie qui peut altérer la capacité de la fonctionnaire s'estimant lésée de distinguer le bien du mal. Il a toutefois précisé qu'il estimait que le jugement de la fonctionnaire s'estimant lésée avait été altéré par sa maladie au point où elle ne prenait pas de décisions saines.

[49]    En conclusion, le témoin a indiqué qu'à l'époque de l'incident la fonctionnaire s'estimant lésée ne prenait aucun médicament. Il la traite à l'heure actuelle. Lorsque la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée lui a demandé si celle-ci pouvait exécuter de façon satisfaisante les principales fonctions de sa description de poste, il a répondu : [traduction] « Si elle reçoit le traitement approprié, qu'elle continue à prendre ses médicaments et si l'employeur le désire, je ne vois aucune raison pour qu'elle ne retourne pas à son ancien poste ».

[50]    En contre-interrogatoire, le Dr Remick a convenu qu'il n'avait vu ni traité la fonctionnaire s'estimant lésée au printemps 2002 et qu'il ne pouvait fonder son évaluation et ses conclusions que sur l'explication de la fonctionnaire s'estimant lésée de son état d'esprit à cette époque.

[51]    Le Dr Remick a également reconnu que toute personne travaillant étroitement avec une personne qui est dans un état de manie remarquerait un changement de comportement. Il a expliqué qu'il serait possible de noter une grande rapidité d'élocution, qui ne peut être interrompue, l'établissement de plans et d'objectifs irréalistes et une grande agitation. Le changement de comportement serait moins évident chez une personne hypomaniaque. Il a également convenu que les personnes atteintes du Trouble affectif bipolaire I auraient des hallucinations et seraient dans un état psychotique, alors que les personnes souffrant du Trouble bipolaire II ne seraient pas dans un état psychotique, mais leur jugement serait altéré.

[52]    Il a aussi reconnu que la pièce E-15, « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition » (Version internationale), traduction de l'ouvrage publié par l'American Psychiatric Association, est utilisée par des médecins et des psychiatres du Canada et de la plupart des pays du monde pour porter un diagnostic uniforme.

[53]    Le témoin a répété qu'il était d'avis que la fonctionnaire s'estimant lésée avait souffert d'un épisode hypomaniaque, puisque son comportement au cours de l'incident en question était si inhabituel. Tous les événements se sont produits au cours d'une période de deux à quatre mois.

[54]    En réinterrogatoire, le témoin a déclaré qu'il n'avait aucun doute que la fonctionnaire s'estimant lésée souffrait du trouble affectif bipolaire. La simulation est très rare dans les cas de trouble affectif bipolaire.

[55]    Le Dr Eric Jeffries travaille actuellement à Santé Canada à titre de médecin agréé et de médecin du travail.

[56]    Le Dr Jeffries a témoigné que le 23 juillet 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a volontairement subi un test d'aptitude au travail mené par le Dr Buchanan. C'est lui qui a proposé le Dr Buchanan qui se spécialise en psychiatrie du travail. Le but du test était de déterminer si la fonctionnaire s'estimant lésée était tout à fait apte, apte avec certaines restrictions ou inapte à exécuter ses fonctions et de déterminer sous un angle médical la culpabilité à l'égard des incidents impliquant M. « S ».

[57]    Concernant la conclusion du Dr Buchanan selon laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée est capable et sera capable dans l'avenir de remplir ses fonctions à condition qu'elle soit suivie régulièrement, comme l'a indiqué Santé Canada, le Dr Jeffries a déclaré qu'il n'était pas d'accord avec cette évaluation et qu'il était déçu que le Dr Buchanan ne la déclare pas coupable de ses actes. Il a déclaré que la fonctionnaire s'estimant lésée savait distinguer le bien du mal; elle avait de l'intuition. Il a souligné que le bien et le mal impliquaient un jugement moral. Le terme médical correct serait l'intuition.

[58]    Dans le cadre de son évaluation, le Dr Buchanan a également fait passer un examen de son état mental le 23 juillet 2002. Elle a été diagnostiquée comme étant non suicidaire et non violente. En outre, elle a subi une « Évaluation globale de fonctionnement (EGF) ». L'EGF est utilisée par les psychiatres pour déterminer la capacité d'une personne à travailler en groupe. La fonctionnaire s'estimant lésée a obtenu pour l'EGF un résultat de 85 points sur 100; la plupart des personnes obtiennent de 90 à 95 points. Les personnes qui obtiennent entre 60 et 70 points sont déterminés aptes à travailler en groupe.

[59]    Le témoin a répété qu'il était en désaccord avec l'évaluation du Dr Buchanan et que, comme il avait signé et approuvé son évaluation et ses restrictions médicales, il est d'avis qu'elle avait l'intuition à l'époque de l'incident et qu'elle était apte au travail. Avant d'envoyer sa lettre du 31 juillet 2002 à Mme Jack, il a envoyé une ébauche au Dr Buchanan et y a joint la note suivante : [traduction] « [...] tente simplement d'en faire une décision de gestion et non une décision médicale - il y a de l'espoir!! » (pièce E-17). Le Dr Buchanan a répondu : [traduction] « Ça me va. Vous établissez une distinction entre des gestes attribuables à une affection et le jugement à savoir si ces gestes sont punissables par la gestion peu importe leur attribution ou leur cause ». Le témoin a déclaré que les gestes de la fonctionnaire s'estimant lésée étaient frauduleux; elle a délibérément falsifié des dossiers. Ce comportement n'est pas attribuable à un état pathologique. Le témoin a fait référence à la pièce E-15, « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux », à la page 395, où on explique ce qui suit : [traduction] « Contrairement à l'épisode maniaque, l'épisode hypomaniaque n'est pas suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement social ou professionnel [...] »

[60]    En contre-interrogatoire, le Dr Jeffries a convenu que, même s'il a parlé à la fonctionnaire s'estimant lésée en novembre 2002, il ne l'a jamais traitée et il n'est pas un expert dans le diagnostic et le traitement du trouble affectif bipolaire.

[61]    Lorsque la représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée lui a demandé s'il avait préjugé la fonctionnaire s'estimant lésée concernant son comportement à l'égard de M. « S », le Dr Jeffries a répondu : [traduction] « J'étais tout à fait certain qu'elle était apte au moment de l'incident et je ne l'ai pas préjugée. J'étais convaincu que la question serait renvoyée devant un arbitre ».

[62]    Judy Douglas travaillait à DRHC depuis 1984. Elle a travaillé à titre de conseillère en emploi des Autochtones, comme conseillère générale en emploi à la Nation sto:lo, et jusqu'à son licenciement, elle était agente de programme au bureau de Chilliwack. Elle était notamment chargée de la prestation de services d'emploi et de conseils en matière d'emploi aux demandeurs des régions de Hope, Chilliwack et Abbotsford et des alentours.

[63]    La fonctionnaire s'estimant lésée a débuté son témoignage par une description de certains événements survenus dans sa vie personnelle. Elle s'est mariée à un homme qui venait d'une grande famille (22 enfants) et, en quelques années, sept de ces enfants sont décédés, y compris son mari. En 2001, elle a appris qu'elle avait un cancer du sein et a subi depuis quatre interventions chirurgicales en raison de son cancer. En outre, on a diagnostiqué à son plus jeune fils un cancer de la gorge. Ces événements l'ont beaucoup stressée et, comme elle l'a affirmé, l'ont rendue maniacodépressive.

[64]    À la mi-mars 2002, après avoir mis fin à une relation de quatre ans avec M. « X », elle a rencontré M. « S » par l'entremise de l'Internet et après l'avoir rencontré en personne, ce fut le début d'une relation étourdissante (une « relation sexuelle intense », selon la description de la fonctionnaire s'estimant lésée). Elle a déclaré que M. « S » était très attentif et affectueux et qu'il lui avait envoyé des fleurs au travail à deux occasions.

[65]    La fonctionnaire s'estimant lésée a souligné qu'au début d'avril 2002, elle avait acheté un camion d'une valeur d'environ 20 000 $, dont elle n'avait pas vraiment besoin, et que M. « S » et elle avaient passé la troisième semaine d'avril sur la route, puisque M. « S » travaillait dans le secteur du camionnage. C'est au cours de ce voyage que M. « S » a constaté qu'il ne pouvait plus travailler dans ce domaine. Tous les 200 milles environ, M. « S », qui souffrait de deux hernies discales, devait immobiliser le camion et prendre une marche pour soulager la douleur. Le médecin de M. « S » lui avait conseillé de quitter l'industrie du camionnage. Ils ont alors commencé à discuter d'autres possibilités d'emploi pour lui.

[66]    La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'au début de mai 2002, elle s'était rendue avec ses petits-enfants à Victoria pour voir l'exposition d'Emily Carr. Elle a déclaré : [traduction] « Nous avons fait la grande vie, nous avons fait tout ce qu'il y avait à faire à Victoria et la chambre au Grand Pacific Hotel coûtait 100 $ la nuit ». La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'il n'était pas dans sa nature d'agir ainsi.

[67]    La fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté qu'elle avait une relation sexuelle « intense » avec M. « S » et croyait en être amoureuse. Elle a passé du temps avec ses enfants à lui; en fait, ils habitaient avec elle la fin de semaine. Il a emménagé chez elle en mai 2002. Toutefois, ce qu'il ignorait, c'est que vers la fin mai, elle a recommencé à fréquenter son ancien partenaire, M. « X ». M. « S » a été bouleversé lorsqu'il a appris la nouvelle. M. « X » a ordonné à M. « S » de quitter la maison de la fonctionnaire s'estimant lésée. Elle a déclaré que M. « S » était une personne très dépendante et qu'il ne pouvait pas la laisser. Il ne pouvait pas comprendre qu'il n'était pas son genre d'homme. Elle a avoué lui avoir brisé le coeur. Elle se sentait responsable et mal à l'aise. Elle a souligné : « Quand je repense à ce gâchis, ça me fait mal ».

[68]    La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué qu'elle voulait que M. « S » quitte sa maison, mais elle sentait qu'elle devait l'aider à s'assurer qu'il puisse s'inscrire au CDI College à Abbotsford pour y suivre un cours d'informatique. Le cours devait commencer le 12 juin 2002. Comme elle voulait que M. « S » sorte de sa maison et de sa vie, elle lui a accordé un traitement de faveur afin d'expédier le processus. Si M. « S » avait suivi la procédure habituelle, il aurait été admis, mais pas à temps pour suivre le cours qui devait commencer le 12 juin 2002. Elle a simplement essayé de faire avancer son dossier. Elle a commenté : [traduction] « Quand j'y repense, je me suis placée en conflit d'intérêts. Je savais que je n'aurais pas dû traiter son dossier. C'était totalement stupide ». M. « S » a par la suite été financé par DRHC pour aller au CDI College. La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle n'aurait nullement pu profiter du fait que M. « S » fréquente le CDI College, à part de lui faire quitter sa maison.

[69]    En ce qui concerne les 7 500 $ qu'elle a approuvés pour frais de garde pour ses trois enfants, par opposition à la pension alimentaire pour enfants, c'était une erreur. L'ancien formulaire a été modifié et le nouveau formulaire ne contient pas de section destinée aux pensions alimentaires pour enfants. L'ancien formulaire comportait une section intitulée « Autres frais liés à l'enseignement » dans laquelle la pension alimentaire pour enfants aurait dû être inscrite. M. « S » avait besoin d'argent pour subvenir aux besoins de ses enfants. La demande aurait été approuvée; autrement, il n'aurait pas pu aller à l'école.

[70]    La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que les renseignements sur le marché du travail utilisés dans la demande de M. « S » n'ont pas été tirés du dossier du « client no 1 », mais plutôt du dossier de son frère qui était inactif; son frère avait été l'un de ses clients. Elle a seulement donné les renseignements sur le marché du travail à M. « S » pour accélérer le traitement de sa demande. Vu la date du cours au CDI College, M. « S » n'avait pas assez de temps pour trouver les renseignements sur le marché du travail. Toutefois, il était entièrement capable de les obtenir.

[71]    La fonctionnaire s'estimant lésée a indiqué qu'elle n'avait joué aucun rôle dans la demande de prêt pour étudiant de M. « S », mais qu'elle lui avait simplement proposé de demander un prêt parce qu'il avait beaucoup de dépenses. S'il obtenait ce prêt, il serait tenu de le rembourser puisque DRHC ne rembourse pas les prêts.

[72]    La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué qu'elle avait fait le chèque de frais de scolarité à M. « S » plutôt qu'au CDI College parce qu'elle était certaine qu'il n'allait pas disparaître et encaisser le chèque. M. « S » voulait suivre ce cours; c'était très important pour lui.

[73]    La fonctionnaire s'estimant lésée a ajouté que lorsqu'elle a inscrit M. « S » dans son Régime de soins de santé de la fonction publique le 22 mai 2002, elle croyait qu'ils allaient vivre ensemble. M. « S » était très déprimé et il avait des problèmes avec ses enfants à cette époque. Il n'a jamais profité de la protection médicale avant qu'elle y mette fin le 25 juin 2002.

[74]    La fonctionnaire s'estimant lésée a conclu son témoignage en déclarant que M. Parrott ne lui a jamais posé de questions sur sa relation avec M. « S » lors de leur rencontre. Il était au courant pour M. « S », puisqu'il avait approuvé sa demande de congé quand elle est allée en voyage avec M. « S » en avril.

[75]    En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a admis que le dossier du « client no 1 » n'était pas l'un des siens.

[76]    Lorsque l'avocat de l'employeur a fait référence à la décision du Conseil arbitral de l'assurance-emploi (pièce E-8), qui précise ce qui suit : [traduction] « Elle a affirmé qu'elle a consulté son médecin trois semaines avant l'incident du 12 juin et qu'elle était au courant de son état [...] », la fonctionnaire s'estimant lésée a répondu qu'elle ne se souvenait pas d'avoir fait cette déclaration.

[77]    Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle avait frauduleusement demandé une protection médicale pour M. « S » le 22 mai 2002, elle n'a pu donner aucune explication, se contentant d'affirmer que sa vie était très intense.

[78]    En réinterrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a admis qu'elle avait mal agi mais qu'à cette époque, dans son état dépressif, elle ne se rendait pas compte que c'était mal. Elle a rationalisé la situation en disant que c'était une intervention convenable au nom de M. « S » et que, si la demande avait été acceptée, il aurait pu aller au collège à Abbotsford à compter du 12 juin 2002 et serait sorti de sa vie. Après que cette affaire ait été mise au jour, M. « S » a dû présenter une nouvelle demande pour fréquenter le CDI College et DRHC lui a accordé environ le double de l'aide financière qu'elle avait approuvé à l'origine.

Arguments

Argumentation de l'employeur

[79]    L'avocat de l'employeur a déclaré que l'employeur doit établir une preuve prima facie, conformément à l'article 11.2 de la Loi sur la gestion des finances publiques. Toutefois, dans une affaire dont le moyen de défense est de nature médicale, il incombe à l'employé de prouver qu'il n'est pas coupable. Les questions auxquelles on doit répondre en l'espèce sont les suivantes :

I  La fonctionnaire s'estimant lésée a-t-elle commis les infractions reprochées?

II  Existe-t-il un moyen de défense de nature médicale?

III  La suspension et le licenciement subséquent étaient-ils justifiés?

I      La fonctionnaire s'estimant lésée a-t-elle commis les infractions
       reprochées?

[80]    L'employeur a prouvé cette allégation et, au cours de son témoignage, la fonctionnaire s'estimant lésée a admis avoir commis ces infractions. Elle a contrevenu au « Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique » et au protocole d'entente qui limite la participation des employés à certaines questions.

[81]    En contre-interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a admis avoir un motif : elle voulait que M. « S » quitte sa résidence et sorte de sa vie. Il ne s'agissait pas d'une décision impulsive; elle était préméditée. L'employeur s'est dont acquitté du fardeau de la preuve.

II      Existe-t-il un moyen de défense de nature médicale?

[82]    Il ne s'agit pas d'une affaire portant sur l'obligation de prendre des mesures d'adaptation renvoyée par la CCDP. Il s'agit plutôt d'une affaire d'emploi. Il incombe à la fonctionnaire s'estimant lésée d'établir, selon la prépondérance des probabilités, un moyen de défense de nature médicale. Tous les éléments de preuve médicaux sont fondés sur son autodéclaration après l'incident. Le Dr Remick ne l'a ni vue ni traitée entre 1997 et 2003 et il a témoigné qu'il n'était pas en désaccord avec la conclusion du Dr Jeffries selon laquelle la fonctionnaire s'estimant lésée était en mesure de distinguer le bien du mal. L'évaluation du Dr Buchanan était aussi fondée sur l'autodéclaration de la fonctionnaire s'estimant lésée. Mme MacLean a témoigné que tous les dossiers dont était responsable la fonctionnaire s'estimant lésée entre mars et juin 2002 étaient en ordre, sauf celui de M. « S ». M. Parrott a témoigné qu'il avait travaillé étroitement avec la fonctionnaire s'estimant lésée dans des dossiers et pendant des négociations et qu'il n'avait remarqué en aucun temps, entre mars et juin 2002, des symptômes du trouble bipolaire. De plus, elle n'avait jamais demandé de congé ou d'être relevée de ses fonctions en raison de sa maladie. Il incombait donc à la fonctionnaire s'estimant lésée de communiquer avec l'employeur (autodéclaration), mais elle a choisi de ne pas le faire.

[83]    En ce qui a trait à la possibilité de réhabilitation de la fonctionnaire s'estimant lésée, il convient de noter que Mme MacLean et M. Parrott ont toujours accommodé celle-ci; toutefois, elle a choisi de commettre un acte d'inconduite qui a sérieusement compromis la confiance de l'employeur. Il n'est pas garanti que l'employeur ne devra pas être continuellement sur ses gardes pendant qu'elle exécute ses fonctions, si elle est réintégrée.

III      La suspension et le licenciement subséquent étaient-ils justifiés?

[84]    En falsifiant des documents afin d'obtenir de l'argent pour M. « S », la fonctionnaire s'estimant lésée en aurait profité, puisqu'ils vivaient ensemble, créant ainsi un effet de retombée. La fonctionnaire s'estimant lésée a versé le paiement de pension alimentaire pour enfants de M. « S » de 450 $ pour le mois de juin 2002. Si M. « S » recevait 7 500 $ pour frais de personnes à charge, elle aurait pu en profiter, ce qui constituait un intérêt pour elle. Il ne s'agissait pas d'un geste spontané. La fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas fait d'autodéclaration; elle a été prise la main dans le sac. Elle a été malhonnête et a menti lorsque M. Parrott l'a questionnée. Ces actes illégaux étaient prémédités et délibérés. Ils constituent des actes très graves qui contreviennent aux principes fondamentaux de ses fonctions. Elle occupait un poste de confiance - le visage public de DRHC dans la collectivité - et avait un pouvoir discrétionnaire à l'égard de fonds publics. La suspension et le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée sont donc justifiés et devraient être maintenus.

[85]    En réponse à ma question à savoir si j'estime que le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée est une sanction trop dure, mais que la réintégration n'est pas une option, M. Fader a soutenu qu'une indemnité au lieu de la réintégration transmettrait le mauvais message aux fonctionnaire s'estimant lésées. Toutefois, si je décidais de considérer l'indemnisation, M. Fader me renvoie à la décision Carl S. Gannon et Conseil du Trésor (Défense nationale), 2002 CRTFP 32. Dans cette affaire, le fonctionnaire s'estimant lésée s'estimant lésé a reçu une indemnité correspondant à un an de traitement au lieu d'être réintégré. Dans la présente affaire où les faits ne sont pas les mêmes, une indemnisation correspondant à six mois de traitement serait plus que suffisante.

[86]    M. Fader me renvoie également aux affaires suivantes : Re Toronto Transit Commission c. Amalgamated Transit Union (1997), 72 L.A.C. (4e) 109; Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A.C.-B.); Canada (Procureur général) c. Boutilier [2000] 3 C.F. 27 (C.A.); Jean Cherrier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel), 2003 CRTFP 37; Chris Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 9; Tipple c. Canada, [1985] F.C.J. no 818 (C.A.); Canada (Conseil du Trésor) c. Barratt [1984] F.C.J. no 240 (C.A.); Mackenzie (dossiers de la CRTFP 166-2-26614 et 26615 (1997) (QL)); Cie minière Québec Cartier c. Québec [1995] 2 R.C.S. 1095; Funnell (dossier de la CRTFP 166-2-25762 (1995) (QL)); Canadian Postmasters and Assistants Association c. Canada Post Corporation (2001), 102 L.A.C. (4e) 97; Re Canada Safeway Ltd. and Bakery, Confectionery & Tobacco Workers' International Union, Local 252 (2002), 113 L.A.C. (4th) 385; Re Canada Safeway Ltd. and United Food and Commercial Workers, Local 401 (2000), 94 L.A.C. (4th) 86; Batiot (dossier de la CRTFP 166-2-28540 (1999) (QL)); McPhee (dossier de la CRTFP 166-2-13787) (1983) (QL)); Tipple (dossier de la CRTFP 166-2-14758 (1985) (QL)); Weber (dossier de la CRTFP 166-2-15616 (1986) (QL)); Threader c. Canada (Conseil du Trésor) [1987] F.C.J. No. 1141 (C.A.) et McIntyre (dossier de la CRTFP 166-2-25417 (1994) (QL)).

Argumentation de la fonctionnaire s'estimant lésée

[87]    La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir qu'en ce qui concerne le licenciement, le fardeau de la preuve revient à l'employeur, mais est transféré à la fonctionnaire s'estimant lésée en cas de moyen de défense de nature médicale. Toutefois, l'existence de facteurs atténuants devrait être prise en compte dans la détermination du caractère approprié de la mesure disciplinaire imposée par l'employeur.

[88]    Mme Seaboyer a reconnu que la fonctionnaire s'estimant lésée avait admis avoir accordé un traitement de faveur à M. « S » et qu'en traitant sa demande, elle s'était placée en situation de conflit d'intérêts. La fonctionnaire s'estimant lésée a également admis s'être servie des renseignements sur le marché du travail d'un autre client, mais conteste le fait que les renseignements étaient de nature confidentielle. Les renseignements ne contenaient ni donnée de base ni information financière pouvant servir à identifier facilement la personne concernée. La fonctionnaire s'estimant lésée a également admis avoir fourni des documents à M. « S » concernant les renseignements sur le marché du travail d'un autre client.

[89]    La fonctionnaire s'estimant lésée conteste l'allégation selon laquelle elle aurait frauduleusement tenté d'obtenir des avantages pour M. « S » en approuvant des frais pour soins de personnes à charge de 7 500 $. Elle a expliqué que le formulaire avait changé et qu'elle avait approuvé des frais de 7 500 $ pour pension alimentaire pour enfant, frais que M. « S » était tenu de payer.

[90]    La fonctionnaire s'estimant lésée a affirmé qu'elle avait proposé que M. « S » fasse une demande au Programme canadien de prêts pour étudiants parce que ses dépenses étaient élevées. S'il présentait une demande de prêt, M. « S » aurait à rembourser le prêt et DRHC n'aurait pas à payer le plein montant de sa formation.

[91]    La fonctionnaire s'estimant lésée conteste également le témoignage de M. Parrott selon lequel il lui aurait demandé à trois occasions lors de leur rencontre si M. « S » était son ami. Elle a déclaré que M. Parrott était au courant de ce qui se passait dans le bureau puisque le bureau de ce dernier était situé à environ 30 pieds de celui de la fonctionnaire s'estimant lésée. Cette dernière a témoigné que M. « S » lui avait envoyé des fleurs au travail. M. Parrott a approuvé son congé pour qu'elle parcourt le pays avec M. « S ». En d'autres termes, M. Parrott aurait dû être au courant qu'il se passait dans sa vie quelque chose qui sortait de l'ordinaire.

[92]    En ce qui a trait à l'accès aux renseignements confidentiels de M. « S », la fonctionnaire s'estimant lésée ne peut se souvenir de l'avoir fait. L'employeur a seulement supposé qu'elle l'avait fait pour des raisons personnelles.

[93]    Le Dr Remick, expert dans le domaine, a constaté que la fonctionnaire s'estimant lésée était atteinte du trouble affectif bipolaire. Il s'est fondé sur la liste des symptômes et a établi une distinction entre l'hypomanie et la manie, l'hypomanie étant moins grave que la manie, tout en présentant les mêmes symptômes.

[94]    Le rapport du Dr Buchanan (pièce G-1, onglet 10) indique que la fonctionnaire s'estimant lésée était [traduction] « redevenue bipolaire au printemps [2002] ». Dans son rapport (pièce G-1, onglet 9), le Dr Remick explique que la fonctionnaire s'estimant lésée [traduction] « était de toute évidence affectée par son hypomanie et que son jugement était grandement altéré au printemps 2002 ». En révisant les compétences des médecins, il convient de noter que le Dr Remick est un expert dans le domaine des troubles de l'humeur. Le Dr Buchanan est un psychiatre qualifié et le Dr Jeffries est un expert de la santé au travail et possède un doctorat en psychologie clinique. Si l'on compare les conclusions des Drs Remick et Buchanan selon lesquelles la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée a contribué aux actes qu'elle a commis et l'affirmation du Dr Jeffries qui croit que sa maladie a contribué aux actes qu'elle a posés même si elle savait distinguer le bien du mal, à quelle évaluation devrait-on accorder le plus de poids?

[95]    Si l'on opte pour les conclusions des Drs Remick et Buchanan, il est clair que la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée a contribué à ses actes. Par conséquent, elle n'est pas coupable et le lien de confiance entre elle et son employeur n'a pas été irrémédiablement rompu. Cette maladie peut être contrôlée grâce à un traitement médical approprié et un protocole de suivi établi, comme l'a souligné le Dr Buchanan dans son rapport (pièce E-1, onglet 10).

[96]    La fonctionnaire s'estimant lésée possède un dossier irréprochable et compte de longues années de service auprès de son employeur, soit environ 20 ans. Ce geste est un incident isolé. Elle a admis sa culpabilité au cours de l'enquête menée par Mme MacLean et a démontré qu'elle regrettait ses gestes.

[97]    La suspension et le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée ne sont pas justifiés puisque l'employeur n'a subi aucun préjudice. Aucune somme d'argent n'a été versée à M. « S » en conséquence des actes commis par la fonctionnaire s'estimant lésée. En fait, la demande de M. « S » a été approuvée ultérieurement et celui-ci a obtenu une aide financière encore plus grande que celle qu'avait approuvé la fonctionnaire s'estimant lésée à l'origine.

[98]    La représentante de la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé qu'on annule la suspension et le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée et que celle-ci puisse réintégrer son ancien poste avec une indemnisation complète et sans aucune perte d'avantages. Dans l'alternative, si j'estime qu'une mesure disciplinaire est justifiée, qu'une suspension comparable à celles qui sont imposées par d'autres arbitres dans des circonstances semblables soit envisagée. Si j'estime que le licenciement est une mesure trop dure, mais que la réintégration n'est pas une option, alors la fonctionnaire s'estimant lésée devrait avoir droit à une indemnisation pour une période de deux ans.

[99]    Mme Seaboyer me renvoie aux décisions suivantes de la CRTFP : Amarteifio (166-2-25829 (1995)); Johnson (166-2-26107 (1995)); Bastie (166-2-22285 (1993)); Blair-Markland (166-2-28988 (1999)); Conte (166-2-22281 (1992)); Tosh (166-2-23614 (1993)); Perry (166-2-17340 (1988)); Robert Proulx c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 45, et à la section 7:4400 « Mitigating Factors » du Canada Law Book Inc. 2004.

Réplique

[100]    Le rapport du Dr Buchanan est fondé sur l'autodéclaration faite par la fonctionnaire s'estimant lésée après l'incident. Le rapport du Dr Remick a été fait 17 mois après la suspension de la fonctionnaire s'estimant lésée et est fondé sur l'autodéclaration de la fonctionnaire s'estimant lésée quant à son état de santé. Le seul médecin qui l'a traitée entre mars et juin 2002, son médecin de famille, n'a pas été appelé à témoigner.

Motifs de la décision

[101]    La fonctionnaire s'estimant lésée a été suspendue le 18 juin 2002 et a par la suite été licenciée de la DRHC, à compter du 4 septembre 2002, à la suite d'une enquête administrative portant sur une allégation d'inconduite. Elle a déposé une plainte devant la CCDP qui a décidé, conformément à l'alinéa 41(1)b) de la LCDP, de ne pas entendre la plainte à cette date. Par conséquent, l'affaire de la fonctionnaire s'estimant lésée relève de la compétence de notre Commission.

[102]    La fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée de son poste d'agente de programme (PM-02), Subventions et contributions, pour avoir accordé un traitement de faveur à un membre du public qu'elle connaissait, ce qui la plaça en situation de conflit d'intérêts, pour avoir communiqué des renseignements confidentiels à ladite personne, falsifié des documents, tenté d'obtenir frauduleusement des prestations pour ladite personne, pour avoir menti à son chef d'équipe et pour avoir accédé à des renseignements confidentiels à des fins personnelles.

[103]    La fonctionnaire s'estimant lésée soutient qu'au moment de l'incident, la maladie dont elle est atteinte, le trouble affectif bipolaire, a joué un rôle considérable dans les gestes qu'elle a posés.

[104]    La première question consiste à déterminer si l'employeur s'est acquitté du fardeau de produire une preuve prima facie contre la fonctionnaire s'estimant lésée à l'égard de l'inconduite alléguée.

I      La fonctionnaire s'estimant lésée a-t-elle commis les infractions
       reprochées?

[105]    La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'à la mi-mars 2002, elle a mis fin a une relation de quatre ans avec M. « X ». Elle a ensuite fait la connaissance de M. « S » sur l'Internet et, peu de temps après, ils ont entamé une relation amoureuse intense. En avril, pendant un voyage au cours duquel ils ont parcouru le pays, ils ont discuté du besoin pour M. « S » de se trouver un autre emploi. Ses deux hernies discales l'empêchaient de continuer à travailler dans le domaine du camionnage. C'est alors qu'ils ont décidé qu'il serait préférable que M. « S » retourne aux études (au collège) afin d'y suivre un cours d'informatique.

[106]    À la mi-mai, M. « S » a emménagé chez la fonctionnaire s'estimant lésée. Toutefois, vers la fin du mois, la fonctionnaire s'estimant lésée a recommencé à fréquenter son ancien partenaire, M. « X ». La fonctionnaire s'estimant lésée a expliqué qu'elle souhaitait que M. « S » quitte sa résidence, mais elle se sentait coupable parce qu'elle [traduction] « lui avait brisé le coeur ». Pour venir en aide à M. « S », elle a accéléré le traitement de sa demande d'aide financière pour qu'il puisse fréquenter le CDI College. Dans son témoignage, elle a admis avoir accordé un traitement de faveur à M. « S » et s'être placée en situation de conflit d'intérêts parce que le temps pressait. Le cours auquel devait s'inscrire M. « S » devait commencer le 12 juin 2002. Le traitement de faveur accordé à M. « S » tient du fait qu'il n'est jamais entré dans un bureau de DRHC pour remplir une demande, puisque la fonctionnaire s'estimant lésée a apporté tous les documents dont il avait besoin à sa résidence, qu'il n'avait pas été affecté à un gestionnaire de cas, comme l'exige la politique de DRHC, et qu'il a passé devant les autres demandeurs.

[107]    La fonctionnaire s'estimant lésée a admis que lorsqu'elle a traité la demande de M. « S », ils vivaient ensemble. Il s'agit de toute évidence d'un conflit d'intérêts. Il est aussi évident qu'elle a contrevenu au « Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat s'appliquant à la fonction publique » et le protocole d'entente limitant la participation des employés à certaines questions.

[108]    La fonctionnaire s'estimant lésée a admis avoir fourni à M. « S » des renseignements sur le marché du travail appartenant à un autre client, mais pas au « client no 1 », comme l'a prétendu l'employeur. Elle a contesté le fait que les renseignements étaient confidentiels, puisqu'ils ne contenaient aucune donnée de base permettant d'identifier facilement la personne concernée. M. Parrott a témoigné que les renseignements fournis à M. « S » provenaient du dossier du « client no 1 ». Ce dossier avait été confié à Mme Weins et il était tout en désordre; les renseignements avaient été littéralement enlevés et ajoutés au dossier du M. « S ».

[109]    Sur ce point, je préfère retenir le témoignage de M. Parrott à celui de la fonctionnaire s'estimant lésée. La question de savoir si les renseignements fournis à M. « S » provenaient du « dossier du client no 1 » ou du dossier d'un autre client n'est pas pertinente. Ce qui importe est que la fonctionnaire s'estimant lésée a sciemment communiqué à M. « S » des renseignements provenant d'un autre dossier afin de faire croire que les renseignements sur le marché du travail avaient été fournis par M. « S ».

[110]    En ce qui a trait à l'allégation selon laquelle elle aurait obtenu frauduleusement des prestations aux termes du Régime de soins de santé de la fonction publique, il ne fait aucun doute, selon la pièce E-5, qu'elle a commis une fraude en faisant une demande de protection et en inscrivant M. « S » à titre de personne à charge et de conjoint de fait à compter d'avril 2001. Ce mensonge a fait en sorte que M. « S » et ses enfants sont devenus admissibles aux prestations. Le fait que M. « S » n'ait jamais fait de réclamation ou reçu de prestations n'est pas plus pertinent. La fonctionnaire s'estimant lésée s'estimant lésé a consciemment tenté d'obtenir ces prestations.

[111]    La fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné qu'elle avait approuvé par erreur 7 500 $ en frais de garde pour les enfants de M. « S ». Elle a tenté d'expliquer que le nouveau formulaire ne contenait pas de section destinée aux paiements de pension alimentaire pour enfant et qu'il avait besoin d'argent pour payer la pension alimentaire pour enfant, sans quoi il n'aurait pas pu fréquenter le CDI College. Bien que la fonctionnaire s'estimant lésée n'ait pas produit l'ancien formulaire sur lequel figure la section destinée aux paiements de pension alimentaire pour enfant, je ne crois pas qu'elle ait tenté d'obtenir 7 500 $ de manière frauduleuse. Toutefois, je suis d'avis qu'elle voulait être absolument certaine que M. « S » reçoive lesdites sommes d'argent, sommes auxquelles il avait droit, puisque qu'elle avait payé de sa poche les 450 $ de pension alimentaire que M. « S » devait versé pour ses enfants en juin 2002. Elle avait intérêt à ce qu'il obtienne l'argent et je suis d'accord avec l'avocat de l'employeur selon qui il y aurait eu un effet de retombée qui aurait été avantageux pour elle.

[112]    Quant au fait que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait conseillé à M. « S » de faire une demande de prêt étudiant, je constate que sa signature n'apparaît pas sur la demande et que M. « S » aurait été responsable de rembourser le prêt, s'il lui avait été accordé.

[113]    Je conclus également qu'elle a contrevenu à la politique de DRHC en libellant le chèque pour frais de scolarité à l'ordre de M. « S » plutôt qu'à celui du CDI College.

[114]    De plus, j'estime qu'elle n'a pas été honnête avec son chef d'équipe. Encore une fois, je préfère retenir le témoignage de M. Parrott qui soutient qu'il l'a interrogé à plusieurs occasions à propos de sa relation avec M. « S » lors de leur rencontre de juin.

[115]    À mon avis, l'employeur s'est déchargé du fardeau d'établir que la fonctionnaire s'estimant lésée avait commis une fraude, contrevenu aux politiques de DRHC, accordé un traitement de faveur à M. « S », qu'elle s'était placée en situation de conflit d'intérêts et qu'elle avait menti à son supérieur.

II      Existe-t-il un moyen de défense de nature médicale?

[116]    Je suis d'avis que la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée a contribué à lui faire prendre des décisions impulsives, comme le fait de mener la grande vie, d'acheter un camion de 20 000 $ et d'amorcer une relation avec M. « S ». Toutefois, selon la prépondérance des probabilités, je ne suis pas convaincu que sa maladie a influencé son jugement au point de ne pas comprendre qu'elle commettait une fraude et qu'elle violait les politiques ministérielles.

[117]    Le Dr Remick a témoigné que la fonctionnaire s'estimant lésée lui avait été référée par son médecin de famille en mars 1996. Bien qu'il ne l'ait vue ni traitée entre 1997 et novembre 2003, il est d'avis qu'au cours du printemps 2002, son comportement fut le résultat d'un épisode hypomaniaque. En contre-interrogatoire, il a déclaré que son rapport et ses conclusions étaient fondées sur l'explication fournie par la fonctionnaire s'estimant lésée de son état mental à cette époque. En réinterrogatoire, le Dr Remick a réaffirmé qu'il n'avait aucun doute que la fonctionnaire s'estimant lésée souffrait du trouble affectif bipolaire.

[118]    Je conviens que le Dr Remick est un expert du trouble affectif bipolaire. Il a témoigné que les médecins et les psychiatres du Canada et de la plupart des autres pays du monde se fondent sur la pièce E-15 afin de poser un diagnostic uniforme. En révisant le document, je n'y ai trouvé aucune indication confirmant que les personnes qui souffrent d'un épisode hypomaniaque sont perturbées au point de commettre une fraude et de violer des politiques ministérielles.

[119]    Le Dr Remick a déclaré que les symptômes d'un épisode maniaque bipolaire I et un épisode hypomaniaque bipolaire II sont semblables. Dans la pièce E-15, on précise ce qui suit à la page 391 :

Critères d'un épisode maniaque

  1. Une période nettement délimitée durant laquelle l'humeur est élevée de façon anormale et persistante (euphorie, enthousiasme ou irritabilité) pendant au moins une semaine (ou toute autre durée si une hospitalisation est nécessaire).

  2. Au cours de cette période de perturbation de l'humeur, au moins 3 des symptômes suivants (4 si l'humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité suffisante :

    1. augmentation de l'estime de soi ou idées de grandeur

    2. réduction du besoin de sommeil (p. ex., le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil)

    3. plus grande communicabilité que d'habitude ou désir de parler constamment

    4. fuite des idées ou sensations subjectives que les idées défilent

    5. distractibilité (p. ex., l'attention est trop facilement attirée par des stimulus extérieurs sans importance ou insignifiants)

    6. augmentation de l'activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice.

    7. engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex., la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables).

  3. Les symptômes ne répondent pas aux critères d'un épisode mixte (voir p. 392).

  4. La perturbation de l'humeur est suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des relations interpersonnelles, ou pour nécessiter l'hospitalisation afin de prévenir des conséquences dommageables pour le sujet ou pour autrui, ou bien il existe des caractéristiques psychotiques. [C'est moi qui souligne.]

  5. Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d'une substance (p. ex., substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou d'une affection médicale générale (p. ex. hyperthyroïdie).

Remarque : Des épisodes d'allure maniaque clairement secondaires à un traitement antidépresseur somatique (médicament, sismothérapie, photothérapie) ne doivent pas être pris en compte pour le diagnostic de trouble bipolaire I.

À la page 398, on explique ce qui suit :

Critères d'un épisode hypomaniaque :

  1. Une période nettement délimitée durant laquelle l'humeur est élevée de façon persistante, expansive ou irritable, clairement différente de l'humeur non dépressive habituelle, et ce tous les jours pendant au moins 4 jours.

  2. Au cours de cette période de perturbation de l'humeur, au moins 3 des symptômes suivants (quatre si l'humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité significative :

    1. augmentation de l'estime de soi ou idées de grandeur

    2. réduction du besoin de sommeil (p. ex., le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil)

    3. plus grande communicabilité que d'habitude ou désir de parler constamment

    4. fuite des idées ou sensations subjectives que les idées défilent

    5. distractibilité (p. ex., l'attention est trop facilement attirée par des stimulus extérieurs sans importance ou insignifiants)

    6. augmentation de l'activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice

    7. engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (p. ex., la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables).

  3. L'épisode s'accompagne de modifications indiscutables du fonctionnement, qui diffère de celui du sujet hors période symptomatique.

  4. La perturbation de l'humeur et la modification du fonctionnement sont manifestes pour les autres.

  5. La sévérité de l'épisode n'est pas suffisante pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel ou social, ou pour nécessiter l'hospitalisation, et il n'existe pas de caractéristiques psychotiques.

  6. Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d'une substance (p. ex. substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou d'une affection médicale générale (p. ex. hyperthyroïdie).

Remarque : Des épisodes d'allure hypomaniaque clairement secondaires à un traitement antidépresseur somatique (médicament, sismothérapie, photothérapie) ne doivent pas être pris en compte pour le diagnostic de trouble bipolaire II.

[C'est moi qui souligne.]

[120]    Selon la preuve produite, la fonctionnaire s'estimant lésée répond aux critères du paragraphe B7); elle a acheté un camion de 20 000 $ dont elle n'avait pas besoin, a mené la grande vie pendant une fin de semaine à Victoria et a entretenu une « relation sexuelle intense ». Ce sont les critères qui caractérisent un épisode hypomaniaque. La différence entre un épisode hypomaniaque et un épisode maniaque est que le premier n'est pas assez grave pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel, tandis qu'au cours d'un épisode maniaque, la perturbation de l'humeur est assez prononcée pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel.

[121]    M. Parrott a témoigné que de mars à juin 2002, il n'a remarqué aucun signe de sa maladie, alors qu'il en avait eu l'occasion par le passé. Mme MacLean a témoigné que tous les dossiers sur lesquels a travaillé la fonctionnaire s'estimant lésée avant sa suspension étaient en ordre, à l'exception de celui de M. « S ».

[122]    Le Dr Remick a déclaré qu'il partageait l'avis du Dr Jeffries selon qui, même si la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée avait déclenché ses actes, il ne s'agit pas du genre de maladie qui peut altérer sa capacité de distinguer le bien du mal.

[123]    À mon avis, la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée ne l'a pas empêchée de distinguer le bien du mal, ni ne l'a poussée à commettre une fraude, à contrevenir au Code régissant les conflits d'intérêts et à accorder à M. « S » un traitement de faveur, ce qui est contraire aux valeurs et à l'éthique dans la fonction publique.

[124]    De plus, j'estime qu'après avoir repris sa relation avec son ancien partenaire, M. « X », la fonctionnaire s'estimant lésée s'est servie de son poste à DRHC pour aider M. « S » à aller au CDI College afin de se donner bonne conscience après l'avoir blessé. Je ne vois aucun lien ou rapport direct entre la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée et sa capacité de comprendre que ses actes constituaient de l'inconduite. Par conséquent, je n'accepte pas son moyen de défense de nature médicale.

III      La suspension et le licenciement étaient-ils justifiés?

[125]    La suspension de la fonctionnaire s'estimant lésée était justifiée puisqu'elle donnait à l'employeur le temps de mener une enquête sur les allégations portées contre elle. En ce qui concerne son licenciement, l'employeur a tenu compte des années d'expérience de la fonctionnaire s'estimant lésée et de ses bons antécédents professionnels. Toutefois, il a également pris en compte le fait qu'elle n'a pas été honnête et franche lorsqu'elle a été interrogée par M. Parrott et que ses actes étaient délibérés, prémédités et inexcusables.

[126]    Je suis d'accord avec l'employeur que la fonctionnaire s'estimant lésée a mal agi en traitant la demande de M. « S » et a contrevenu au « Code régissant les conflits d'intérêts et l'après-mandat » en lui accordant un traitement de faveur. En outre, elle a frauduleusement présenté une demande de protection médicale aux termes du Régime de soins de santé de la fonction publique, nommant M. « S » comme son conjoint de fait depuis avril 2001.

[127]    Je suis d'avis que les infractions commises par la fonctionnaire s'estimant lésée sont très graves. Elle occupait un poste de confiance et travaillait avec une supervision minimale. L'utilisation de fonds publics de manière prudente et honnête est un élément fondamental de l'exécution de ses fonctions.

[128]    Cela dit, je crois que les actes commis par la fonctionnaire s'estimant lésée ne sont qu'une unique et complexe indiscrétion. Ainsi, je m'en voudrais de ne pas examiner les circonstances atténuantes de plus près.

[129]    La fonctionnaire s'estimant lésée est une femme de 49 ans qui a travaillé à la fonction publique pendant 20 ans. Il convient de tenir compte de son bon dossier professionnel qui ne contient aucune infraction ni mesure disciplinaire. Bien qu'elle ait d'abord nié à M. Parrott qu'elle fréquentait M. « S », elle a admis à Mmes MacLean et Emery qu'elle lui a accordé un traitement de faveur et qu'elle s'était placée en situation de conflit d'intérêts. Elle a aussi exprimé des remords au cours de cette rencontre et au cours de l'audience lorsqu'elle a déclaré : « Je savais que ce que je faisais était mal, mais je ne me suis jamais rendu compte que c'était si mal ». Heureusement, l'employeur a été mis au courant de l'affaire avant que l'argent ne soit versé à M. « S ». Cependant, il a obtenu par la suite une aide financière plus importante que le montant qu'avait d'abord approuvé la fonctionnaire s'estimant lésée.

[130]    Il est malheureux que la fonctionnaire s'estimant lésée n'ait pas exprimé de remords ni expliqué pourquoi elle avait présenté une demande de prestations frauduleuse pour M. « S » aux termes du Régime de soins de santé de la fonction publique.

[131]    Après avoir soigneusement soupesé les circonstances atténuantes, je conclus que la fonctionnaire s'estimant lésée doit être réintégrée dans son ancien poste d'agente de programme (PM-02) à Chilliwack, ou dans tout autre bureau sur lequel les parties pourront s'entendre, dans les deux semaines de la date de la présente décision. Elle n'aura droit à aucune somme d'argent ni à aucune indemnité depuis la date de sa suspension (le 18 juin 2002).

[132]    La fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que son emploi avait déclenché son état bipolaire. À mon avis, il est possible que ce soit le cas. Toutefois, sa maladie n'excuse en rien son inconduite en ce qui concerne M. « S ». Ayant déterminé que la maladie de la fonctionnaire s'estimant lésée n'excusait ni ne justifiait ses actes à l'égard de la demande de M. « S », je suis toujours d'avis que si sa maladie n'est pas traitée, comme c'était le cas au moment de l'incident, celle-ci peut entraîner des comportements inacceptables en milieu de travail.

[133]    Les Drs Remick et Buchanan ont tous deux indiqué que la fonctionnaire s'estimant lésée peut être productive et qu'elle est capable d'exécuter ses fonctions si elle suit le traitement médical approprié et observer un programme de suivi, comme l'a indiqué Santé Canada. Par conséquent, il serait négligeant de ma part de ne pas imposer les conditions suivantes afin de garantir à l'employeur que la fonctionnaire s'estimant lésée sera traitée pour sa maladie.

  1. Elle doit continuer à recevoir le traitement médical approprié, tel qu'indiqué par le Dr Remick.

  2. Elle doit observer un programme de suivi en collaboration avec Santé Canada et en consultation avec le Dr Remick.

  3. Pendant les deux ans suivant sa réintégration, l'employeur peut exiger périodiquement de la fonctionnaire s'estimant lésée une preuve de son traitement par le Dr Remick ainsi que des tests d'aptitude au travail.

[134]    Le grief est accueilli dans la mesure indiquée ci-dessus.

D.R. Quigley,
commissaire

Ottawa, le 7 juin 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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