Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement - Motif disciplinaire - Accès sans autorisation et divulgation de renseignements personnels concernant des contribuables à une tierce partie - Lignes directrices sur les conflits d'intérêts - Objection préliminaire - Congédiement nul d'emblée - Représentation syndicale refusée par l'employeur - Refus par l'employeur d'autoriser le représentant syndical à avoir accès à une copie intégrale du rapport d'enquête - Sens d'« audition disciplinaire » - la fonctionnaire s'estimant lésée a été licenciée pour avoir consulté sans autorisation des dossiers confidentiels de contribuables et pour avoir divulgué les renseignements qu'ils contenaient à un tiers - l'employeur a reçu d'un tiers une lettre contenant diverses allégations (dont celle-là) contre la fonctionnaire s'estimant lésée; il a lancé une enquête - l'employeur a fourni à l'intéressée une version « expurgée » du rapport d'enquête et refusé de lui remettre ou de remettre à son représentant une copie du rapport original - il lui a offert la possibilité de consulter le rapport en l'absence de son représentant, à condition qu'elle ne prenne pas de notes - la fonctionnaire s'estimant lésée a refusé - l'employeur lui a aussi déclaré qu'il ne lui servirait à rien que son représentant syndical soit présent à sa rencontre avec l'enquêteur des Affaires internes, puisqu'il n'aurait pas le droit de prendre la parole - l'arbitre a conclu qu'on n'a pas respecté les droits de représentation que la clause 17.02 garantissait à la fonctionnaire s'estimant lésée - le sens de l'expression « audition disciplinaire » était en cause, et l'arbitre a jugé que, dans une enquête disciplinaire, une rencontre avec la personne intéressée pour savoir ce qu'il ou elle aurait à dire au sujet d'une allégation d'inconduite qu'on lui reproche devait être considérée comme une « réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le [ou la] touchant » - la convention collective stipulait que la fonctionnaire s'estimant lésée avait le droit d'être accompagnée d'un représentant syndical à une telle réunion - le refus de l'employeur de donner accès au rapport d'enquête intégral à l'intéressée équivalait à lui refuser la possibilité d'assister à une partie de la réunion, étant donné que ce rapport était l'élément clé de la réunion - la violation de la clause 17.02 constituait un manquement non seulement au principe de l'équité procédurale, mais aussi une atteinte aux droits fondamentaux de la fonctionnaire s'estimant lésée - la réparation qu'il convenait d'accorder consistait à déclarer nulle d'emblée la mesure disciplinaire imposée - l'arbitre a ordonné aux parties de se réunir pour décider comment appliquer les mesures correctives et quelle somme verser à la fonctionnaire s'estimant lésée pour la dédommager. Grief accueilli. Décisions citées :Tipple et Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.F.); Wendy Evans, dossier de la CRTFP no 166-2-25641 (1994); Buchanan c. Service correctionnel du Canada, 2001 CRTFP 128; Naidu, 2001 CRTFP 124; Boyce, 2004 CRFTP 39.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-09-09
  • Dossier:  166-34-32591
  • Référence:  2004 CRTFP 133

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

LILLIAN SHNEIDMAN

fonctionnaire s'estimant lésée

et

L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

Devant :  Evelyne Henry, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Lesa Brown, Agence des douanes et du revenu du Canada


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 25 au 28 mai, ainsi que les 22 et 23 juin 2004.


[1]   Mme Lillian Shneidman était employée comme agente régionale d'enquête sur les non–déclarants et les non–inscrits, Division de l'exécution et de la vérification, au Bureau des services fiscaux du nord de Toronto (BSFNT) de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC). Elle a présenté un grief le 24 mai 2001 pour contester son licenciement, le 18 mai 2001, au moyen d'une lettre du directeur du BSFNT, M. G.A. Troy (pièce E 2), dont le texte est reproduit ci dessous :

[Traduction]

Vous avez été avisée le 10 avril 2001 que l'enquête visant à faire la lumière sur les allégations d'accès non autorisés et de divulgation de renseignements confidentiels sur des contribuables qui pesaient contre vous était terminée. L'enquête de la Division des affaires internes et un examen du système de recherche de pistes de vérification ont confirmé que vous aviez consulté trois dossiers sans autorisation 97 fois en tout entre les mois d'avril 1999 et janvier 2001.

Vous avez aussi consulté 90 fois sans autorisation les dossiers de quatre autres contribuables et divulgué des renseignements confidentiels à un tiers.

Durant la réunion, vous n'avez manifesté aucun regret et avez nié les allégations.

On vous a informé lors de la réunion que vous alliez recevoir une copie expurgée du rapport et que, dans l'intervalle, vous n'aviez plus accès aux dossiers des clients et étiez affectée à des tâches ne nécessitant pas la consultation de renseignements confidentiels. On vous a également informé que, selon les conclusions du rapport, vous étiez susceptible de faire l'objet d'une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

Le 23 avril 2001, vous avez reçu une copie expurgée du rapport de la Division des affaires internes. On vous a demandé de soumettre une déclaration écrite à la direction au plus tard le 27 avril 2001 pour faire valoir les faits dont la direction pourrait vouloir tenir compte avant d'infliger une sanction disciplinaire.

Lors d'une réunion avec le directeur adjoint, Perception des recettes, le 1er mai 2001, vous avez continué de ne manifester aucun regret et avez soutenu que les dossiers en question faisaient partie de votre charge de travail. Or, la direction ne partage pas votre point de vue. Vous avez indiqué que vous n'aviez pas l'intention de soumettre une déclaration écrite, à moins d'obtenir une copie du rapport original.

Le 3 mai 2001, on vous a offert une copie « protégée » du rapport, que vous seule étiez autorisée à examiner. Vous avez refusé cette offre en disant que vous vouliez obtenir une copie du rapport original pour vous même et votre représentant syndical avant de soumettre quoi que ce soit à la direction.

Le 7 mai 2001, votre représentant syndical a informé la direction que vous aviez officiellement présenté une demande à la Division de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels afin d'obtenir tous les documents relatifs à l'affaire.

Le 11 mai 2001, vous avez reçu une lettre datée du 9 mai 2001 dans laquelle on vous priait de fournir les renseignements requis au plus tard le 15 mai 2001 afin que la direction puisse en tenir compte avant de déterminer la sanction disciplinaire à infliger. Votre représentant syndical a indiqué que les dossiers des contribuables en question faisaient partie de votre charge de travail et que vous ne faisiez que vous acquitter de vos fonctions.

Le 15 mai 2001, vous avez écrit au Directeur adjoint pour l'informer que [traduction] : « jusqu'à ce que j'obtienne une copie du rapport original et sois autorisée à obtenir le soutien du syndicat dans le cadre du processus, je dois respectueusement refuser de soumettre une réponse écrite ».

La direction est d'avis que les seuls renseignements pertinents qui manquent dans le rapport dont vous avez reçu copie sont les noms des contribuables dont vous avez consulté les dossiers sans autorisation. Compte tenu du nombre d'accès et de la discussion que vous avez eue avec l'enquêteur, il nous apparaît que vous êtes parfaitement au courant de cette information; votre refus de collaborer avec la direction est dès lors jugé inacceptable. Le rapport d'enquête de la Division des affaires internes révèle que vous avez refusé d'admettre que vous aviez consulté les dossiers jusqu'à ce que l'enquêteur vous montre les preuves recueillies.

J'en viens à la conclusion que vous avez outrepassé vos attributions comme agente régionale d'enquête non–déclarants et non–inscrits en consultant les dossiers de certains contribuables sans autorisation et sans motif professionnel. Vous vous êtes également présentée à un lieu d'affaires sous de faux prétextes en disant que vous étiez en service commandé. L'enquête de la Division des affaires internes a également permis d'établir que vous aviez été rétribuée pour des services rendus à titre d'expert conseil, en violation des lignes directrices sur les conflits d'intérêts.

Je conclus que vous avez contrevenu aux dispositions de l'article 241 de la

Loi de l'impôt sur le revenu ainsi que du Code d'éthique et de conduite applicable aux employés de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Votre conduite constitue en outre un grave abus de confiance. Vous n'avez manifesté aucun regret; en fait, vous avez continué de nier toute faute de votre part et refusé d'expliquer votre conduite à la direction.

J'estime dès lors que le lien de confiance entre employé employeur a été irrémédiablement brisé et qu'en raison de votre conduite vous ne pouvez plus continuer d'être employée par l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Vous êtes dès lors licenciée à compter de la fermeture des bureaux le 18 mai 2001, conformément au pouvoir dont je suis investi par l'alinéa 51(1)

f) de la Loi sur l'agence des douanes et du revenu.

Vous disposez de 25 jours pour contester la présente décision par voie de grief.

Votre conseiller en rémunération vous informera des avantages auxquels vous pourriez être admissible.

[2]   L'employeur a répondu au grief de Mme Shneidman le 26 juin 2003 et l'affaire a été renvoyée à l'arbitrage le 10 juillet 2003. Les audiences qui devaient avoir lieu du 24 au 28 novembre 2003 ont été remplacées par des séances de médiation. L'affaire a été remise au rôle une première fois (1er mars au 5 mars 2004), puis une seconde fois (25 au 28 mai 2004).

[3]   Le 18 mai 2004, l'agent négociateur a présenté une objection préliminaire, dont le texte est reproduit ci dessous, dans laquelle il prétendait que le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée était nul d'emblée et demandait de rendre une ordonnance de production de documents (pièce G 2).

[Traduction]

J'informe par les présentes la Commission que nous entendons soulever une objection préliminaire dès le début de l'audience en faisant valoir que le licenciement de la fonctionnaire s'estimant lésée est nul d'emblée parce que l'employeur a fait défaut de se conformer aux dispositions du paragraphe 17.02 de la convention collective.

Le paragraphe 17.02 stipule qu'un employé tenu d'assister à une audition disciplinaire ou une réunion le concernant a le droit d'être accompagné d'un représentant syndical, sur demande.

Au début de 2001, dès qu'ont commencées les réunions avec l'employeur qui ont abouti à son licenciement, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé si elle pouvait être accompagnée d'un représentant syndical. L'employeur lui a répondu que ce n'était pas nécessaire et que, de toute façon, il n'aurait pas le droit de prendre la parole.

Au terme de ces réunions, l'employeur a produit un « rapport d'enquête » expurgé dans lequel un très grand nombre de passages avaient été supprimés. Lors d'une réunion de nature disciplinaire qui s'est tenue aux environs du mois de mai 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé, en vain, qu'on lui remette une copie du rapport original pour elle même et son représentant syndical. L'employeur lui a bien offert la possibilité de prendre connaissance du rapport original, mais à la condition qu'elle s'abstienne de prendre des notes et que son représentant syndical ne soit pas présent. La fonctionnaire s'estimant lésée et son représentant syndical ont alors informé l'employeur qu'ils entendaient présenter une demande d'accès à l'information et qu'ils voulaient que toute décision disciplinaire soit suspendue jusqu'à l'obtention du rapport. L'employeur a refusé, puis il a entrepris de licencier la fonctionnaire.

Nous demandons à la Commission d'entendre la preuve et les plaidoiries concernant la présente objection dès le début de l'audience le 25 mai 2004 et de statuer sur cette question avant d'entendre les témoignages des parties sur le fond. Bien entendu, si l'objection est accueillie, le licenciement sera déclaré nul et il ne sera plus nécessaire de statuer sur l'affaire sur le fond.

Nous demandons aussi à la Commission d'ordonner immédiatement à l'employeur de fournir sans délai au syndicat les documents que nous avons demandés par courriel et par télécopieur à la représentante de l'employeur, Mme Lesa Brown, le 14 mai 2004 (voir les copies des demandes ci annexées). Nos demandes sont demeurées sans réponse, en dépit des nombreux messages téléphoniques que nous avons laissés à l'intention de Mme Brown.

[4]   Le même jour, l'employeur a adressé la lettre suivante à la Commission :

[Traduction]

Objet : Lillian Shneidman (166–34–32591)

Nous avons reçu copie de la lettre du représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Glen Chochla, datée du 18 mai 2004, dans laquelle il fait part de son intention de soulever une objection préliminaire dès le début des audiences qui se dérouleront du 25 au 28 mai 2004.

Dans la lettre en question, le syndicat allègue qu'il y a eu violation du paragraphe 17.02 de la convention collective conclue entre l'AFPC et l'ADRC. Compte tenu des décisions rendues par la CRTFP dans les affaires

Naidu (166–34–30505) et Buchanan (161–2–1199), l'employeur entend faire valoir que tel n'est pas le cas.

En ce qui concerne l'allégation du syndicat selon laquelle nous avons négligé de fournir une partie des documents demandés le 14 mai 2004, nous vous prions de prendre note que dès le début de l'audience le 25 mai 2004, l'employeur entend présenter des observations à la Commission afin de protéger le caractère confidentiel des renseignements sur les contribuables contenus dans certains des documents demandés. L'employeur n'est pas disposé à fournir ces documents au syndicat tant que la Commission ne se sera pas prononcée sur la question.

[5]   Le 20 mai 2004, l'agent négociateur a réitéré sa demande à la Commission de rendre une ordonnance de production des 19 documents mentionnés dans sa lettre.

[6]   D'entrée de jeu à l'audience, le 25 mai 2004, le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée a réitéré sa demande d'ordonnance de production de documents. L'employeur a indiqué qu'il ne s'y opposait pas, à la condition que des mesures soient prises pour protéger les renseignements confidentiels sur les contribuables. Le représentant de la fonctionnaire a donné son accord aux mesures décrites ci dessous afin de protéger les copies des documents originaux que l'employeur consentait à produire :

  • L'arbitre de griefs conserve sous scellé des copies des documents originaux produits, lesquelles peuvent être consultées uniquement par les représentants des parties, l'arbitre de griefs et les tribunaux d'instance supérieure, au besoin;
  • Des copies expurgées des documents contenant les noms de certains contribuables ou des renseignements confidentiels sont produites avec les copies des documents originaux, et versées au dossier public;
  • À l'issue des audiences, le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée retourne à l'employeur les copies des documents originaux contenant des renseignements sur les contribuables.

[7]   Après avoir établi ces conditions, j'ai ordonné à l'employeur de fournir au représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée les documents mentionnés dans la lettre du 20 mai 2004 ainsi que dans la liste présentée à l'audience (pièce G 4).

[8]   La fonctionnaire s'estimant lésée m'a également demandé de statuer sur la requête préliminaire avant d'instruire l'affaire sur le fond.

[9]   La fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir que l'employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux de représentation syndicale lorsque les représentants de la direction, M. Normand Rodrigue et Mme Sheila Merrick, l'ont rencontrée le 7 mars 2001 en l'absence de son représentant syndical et lui ont refusé le droit d'examiner avec celui ci une copie du rapport original de M. Rodrigue, sur lequel l'employé s'était appuyé pour la licencier.

[10]   L'employeur soutient que toute injustice en matière de procédure dans le cadre du processus disciplinaire peut être réparée à l'arbitrage. Il est également d'avis que la Commission n'est pas habilitée [traduction] « à statuer sur l'existence d'une sanction disciplinaire » ou sur la question de savoir si une sanction peut être considérée comme nulle d'emblée.

[11]   Aux fins de la requête préliminaire, la fonctionnaire s'estimant lésée a témoigné pour son compte et a fait témoigner ses représentants syndicaux, MM. Jerry Dee et Gordon Edward Hawkins.

[12]   La convention collective conclue entre l'ADRC et l'AFPC a été produite comme pièce G 1.

[13]   Mme Shneidman a déclaré avoir été informée dans la matinée du 7 mars 2001 qu'elle était convoquée à une réunion avec l'enquêteur de la Division des affaires internes, M. Normand Rodrigue. Mme Sheila Merrick, sa gestionnaire, était également présente. Mme Shneidman n'avait pas réclamé sa présence; elle avait plutôt demandé s'il était nécessaire qu'elle soit accompagnée d'un représentant syndical, mais M. Rodrigue lui avait répondu que cela ne valait pas la peine parce qu'il n'aurait pas le droit de prendre la parole. Comme elle était incertaine de pouvoir trouver un représentant syndical à la dernière minute, elle s'était présentée seule à la réunion.

[14]   Mme Shneidman a produit une copie expurgée du rapport de M. Rodrigue en tant que pièce G 5, les notes partielles prises par M. Rodrigue durant la réunion en tant que pièce G 6, et les notes de Mme Merrick en tant que pièce G 7. Ces documents ont été obtenus par le truchement d'une demande d'accès à l'information présentée le 3 mai 2001 en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels (AIPRP). Ils ont été produits en preuve à la seule fin d'indiquer quels renseignements avaient été fournis à la fonctionnaire s'estimant lésée, non pas pour en confirmer le contenu.

[15]   Mme Shneidman a été informée que de graves allégations pesaient contre elle; on prétendait qu'elle avait consulté les dossiers de certains contribuables sans autorisation et divulgué des renseignements confidentiels. M. Rodrigue lui a demandé de signer la pièce E 4, un document intitulé [traduction] « Droits, privilèges et avertissements », avant le début de l'entrevue. C'est à ce moment là qu'elle avait soulevé la question de ses droits de représentation. Mme Shneidman a aussi obtenu d'autres notes par le truchement d'une demande d'accès à l'information datée du 7 mars 2001 (pièce G 10). Elle a déclaré que de nombreux points ne correspondaient pas à ce qu'elle avait dit à la réunion. Certains des renseignements qu'on lui avait fournis s'étaient révélés faux par la suite.

[16]   Mme Shneidman a déclaré qu'elle était intimidée par la présence de M. Rodrigue à l'entrevue, que son comportement était différent. Elle n'avait pas toute l'information nécessaire pour répondre aux questions. C'est bien plus tard, après avoir obtenu des documents par le truchement d'une demande d'accès à l'information, qu'elle a découvert à quel point les rapports contenaient des erreurs. À titre d'exemple, Mme Shneidman a renvoyé à la question no 7, à la page 2 de la pièce G 7, où on peut lire ceci [traduction] : « elle a consulté des dossiers médicaux à partir d'un ordinateur personnel autonome ». Or, cette affirmation est fausse. Mme Shneidman avait informé M. Rodrigue qu'il n'y avait aucune information de ce genre dans le système, qu'elle n'avait consulté aucun dossier médical.

[17]   Mme Shneidman a donné plusieurs exemples d'inexactitudes ou d'erreurs dans les déclarations qu'elle avait faites à M. Rodrigue. Elle croyait que les renseignements qu'on lui fournissait étaient exacts alors que ce n'était pas le cas et elle n'était pas capable d'y répondre faute de préparation adéquate.

[18]   Le 8 mars 2001, Mme Shneidman a été convoquée à une autre réunion avec M. Rodrigue entre 14 h et 15 h 15. La pièce G 11 est un document d'une page obtenu par le truchement d'une demande d'accès à l'information. Il s'agit des notes de M. Rodrigue, qui ne lui avaient pas été montrées à l'époque.

[19]   Mme Shneidman a aussi obtenu une copie des notes de l'agent des relations du travail, M. Al McCaie, grâce à une demande d'accès à l'information (pièce G 12). Ces notes confirment, soutient elle, qu'elle a essayé de corriger les notes de M. Rodrigue et de clarifier sa déclaration comme elle estimait avoir le droit de le faire, en conformité avec le document qu'elle avait signé (pièce E 4).

[20]   Mme Shneidman a nié qu'elle avait tenu certains propos et indiqué que lors de la réunion avec M. Rodrigue le 8 mars 2001, elle était revenue sur certaines de ses déclarations antérieures et avait fourni des précisions sur d'autres. Elle a informé M. Rodrigue qu'elle avait vérifié ou confirmé certains renseignements. Or, M. Rodrigue n'a rien consigné de tout cela.

[21]   Mme Shneidman a produit en tant que pièce G 13 une déclaration de M. Stewart M. dont elle avait remis copie à l'ADRC.

[22]   Mme Shneidman a obtenu au moyen d'une demande d'accès à l'information une copie des notes (pièce G 14) que M. McCaie avait prises lors d'une réunion avec la direction le 10 avril 2001 pour l'informer qu'elle allait recevoir une copie expurgée du rapport. C'était sa première réunion avec la direction depuis celle du 8 mars 2001. Mme Esther Burt était sa représentante syndicale parce que M. Dee n'était pas disponible, la réunion ayant été convoquée à la dernière minute.

[23]   Mme Shneidman a obtenu par le truchement d'une demande d'accès à l'information une copie des courriels (pièce G 15) que M. McCaie et M. Todd Burke, conseiller principal en relations du travail à l'administration centrale de l'ADRC, se sont échangés avant de lui envoyer une copie du rapport de M. Rodrigue.

[24]   Du 10 avril au 18 mai 2001, jour de son licenciement, Mme Shneidman n'a plus eu accès aux bases de données dont elle avait besoin pour accomplir son travail. Sa seule occupation consistait à lire des manuels. Au bout d'un certain temps, on l'avait autorisée à s'acquitter de cette tâche chez elle. Mme Shneidman est retournée au bureau seulement pour prendre part aux réunions de nature disciplinaire. Elle rencontrait ses représentants syndicaux à leur bureau.

[25]   Mme Shneidman a produit d'autres documents qu'elle avait obtenus grâce à une demande d'accès à l'information. La pièce G 16 est un échange de courriers électroniques entre M. McCaie et Mme Marlene Underwood; la pièce G 17, une note datée du 10 avril 2001 intitulée « Ed Meecham » et la pièce G 18, un échange entre M. Meecham et M. George Nushis.

[26]   Mme Shneidman a produit les notes prises par M. McCaie (pièce G 19) datées du 23 avril et du 3 mai 2001, lesquelles confirment qu'elle a demandé qu'on lui fournisse une copie du rapport original de M. Rodrigue et que sa requête a été rejetée. Mme Shneidman a reçu une copie expurgée du rapport le 23 avril 2001, mais le document était illisible à cause des nombreux blancs qu'il y avait. Elle a informé l'employeur qu'elle ne pouvait pas répondre à un document qu'elle était incapable de lire.

[27]   L'employeur lui a offert la possibilité d'examiner une copie « protégée » du rapport, ce qui signifiait qu'elle pouvait consulter le document mais n'avait le droit de prendre des notes et que son représentant syndical pouvait être présent mais ne pouvait pas voir le rapport. Après avoir discuté avec son représentant syndical, Mme Shneidman a informé l'employeur, au moyen d'une lettre datée du 15 mai 2001 adressée à M. Collins (pièce G 21), que l'offre n'était pas acceptable et qu'elle n'entendait pas présenter d'observations écrites à moins qu'on ne lui fournisse une copie du rapport original.

[28]   Mme Shneidman a produit la pièce G 22, échange de correspondance de Mme Underwood obtenu au moyen d'une demande d'accès à l'information. Les pièces G 23 et G 24 ont été obtenues de la même manière; il s'agit de notes qui, croit elle, ont été rédigées par M. McCaie.

[29]   Mme Shneidman a obtenu copie d'un message que M. McCaie a envoyé à la conseillère principale en relations du travail, Mme Lesa Brown (pièce G 25), ainsi que des notes d'information de Mme Brown datées du 1er juin 2001 (pièce G 26). Elle a aussi obtenu grâce à une demande d'accès à l'information, un document intitulé « Précis » (pièce G 27).

[30]   Mme Shneidman a produit, en tant que pièce G 28, une lettre reçue de M. Don Collins le 9 mai 2001 et, en tant que pièce G 21, sa réponse datée du 15 mai 2001.

[31]   Mme Shneidman a produit une copie d'une lettre (pièce G 29) de Mme Underwood adressée à Mme Connie Dick, conseillère de l'AIPRP. La pièce G 30 est constituée de documents obtenus en réponse à une demande particulière d'accès aux documents que M. Rodrigue avait consultés pour préparer son rapport.

[32]   La pièce G 31 est une copie d'une lettre signée par M. Stewart M., que Mme Shneidman a remise à M. Collins durant l'une des réunions de nature disciplinaire.

[33]   En contre interrogatoire, Mme Shneidman a convenu que son grief (pièce E 1) ne faisait nulle mention du déni de ses droits de représentation. Elle a déclaré qu'elle s'en était remis à M. Dee pour la rédaction du grief et qu'elle avait bel et bien contesté le rapport.

[34]   Mme Shneidman a déclaré qu'elle n'avait jamais eu besoin de solliciter l'appui d'un représentant syndical par le passé et qu'elle ne connaissait pas ses droits.

[35]   Mme Shneidman a obtenu l'aide de M. Dee pour rédiger sa lettre du 15 mai 2001 (pièce G 21).

[36]   Mme Shneidman a reconnu sa signature sur la pièce E 4 et admis qu'elle avait pris connaissance du document et qu'elle se souvenait du paragraphe où il était indiqué que [traduction] « toute information fournie par eux est susceptible d'être utilisée dans le cadre d'un processus disciplinaire ».

[37]   Mme Shneidman a déclaré que M. Rodrigue lui avait dit qu'elle n'avait pas besoin d'être accompagnée d'un représentant syndical; n'ayant aucune expérience en la matière, elle avait tenu pour acquis qu'il savait ce qu'il disait.

[38]   Mme Shneidman a réitéré qu'elle avait été convoquée à deux réunions avec M. Rodrigue, l'une le 7 mars 2001 et l'autre dans l'après midi du 8 mars 2001. Il se peut que cette dernière réunion ait eu lieu à sa demande vu qu'elle savait, après avoir pris connaissance de la pièce E 4, qu'elle avait le droit de clarifier ou corriger les notes de M. Rodrigue.

[39]   La fonctionnaire s'estimant lésée savait qu'entre ces deux réunions, M. Rodrigue avait eu une rencontre avec M. Stewart M. Elle ne se rappelait pas si elle avait déjeuné avec M. Stewart M. ou si elle avait eu un entretien avec lui le 8 mars 2001, mais elle était certaine qu'ils avaient discuté ensemble au téléphone dans la soirée du 7 mars 2001.

[40]   Mme Shneidman a été convoquée à trois ou quatre réunions avec la direction entre le 9 avril et le 18 mai 2001 et, chaque fois, elle était accompagnée d'un représentant syndical. MM. Collins et McCaie étaient présents à ces réunions, mais pas M. Rodrigue.

[41]   Mme Shneidman a présenté sa demande d'accès à l'information le 4 mai 2001 et reçu une réponse environ deux mois plus tard.

[42]   Mme Shneidman a écrit au commissaire, M. Rob Wright, le 29 mai 2001 (pièce E 5); elle n'avait pas encore reçu de réponse à sa demande d'accès à l'information à ce moment là.

[43]   Mme Shneidman savait que Mme M. M. était une des personnes qui avait porté plainte. Elle estimait avoir le droit de savoir qui étaient ses accusateurs. Dans la copie expurgée du rapport, on semble indiquer qu'il y a plusieurs plaignants.

[44]   Mme Shneidman a nié que Mme M. M. l'avait appelée, mais elle a admis avoir téléphoné à Mme Yvonne Booth pour savoir si Mme M. M. avait déposé une plainte. M. Stewart M. lui avait fait entendre un message laissé par Mme M. M. dans lequel elle se glorifiait d'avoir porté plainte à l'ADRC.

[45]   La fonctionnaire s'estimant lésée a appelé comme témoin M. Dee, président du Syndicat des employé(e)s de l'impôt (SEI), section locale 048. M. Dee a reçu un appel de Mme Shneidman à la fin de mars 2001 relativement à une réunion avec la direction. Ayant été chargé du dossier, il avait appris que la Division des affaires internes (DAI) était concernée. Mme Shneidman était venue le voir à la fin d'avril 2001 après avoir reçu la copie expurgée du rapport de la DAI (pièce G 5). Il a eu beaucoup de difficultés à lire le document en raisons surtout de tous les blancs.

[46]   M. Dee croit se rappeler qu'il a eu une rencontre avec Mme Shneidman avant la réunion du 1er mai 2001. D'après ses notes (pièce G 32), il s'est employé lors de cette réunion à obtenir des précisions sur les 200 accès non autorisés mentionnés dans le rapport. M. Collins a refusé de lui répondre en déclarant que Mme Shneidman savait pertinemment ce qu'elle avait dit aux enquêteurs. L'affaire présentée à M. Dee par Mme Shneidman indiquait qu'elle avait fait enquête sur un dossier au niveau régional.

[47]   M. Dee a indiqué qu'il avait besoin de détails complets au sujet des accès non autorisés ainsi que d'une copie du rapport original afin que Mme Shneidman puisse présenter une défense ou une réfutation compétente comme on le lui demandait. Or, M. Collins a refusé de lui fournir des renseignements supplémentaires.

[48]   Après avoir consulté le vice président régional du SEI, M. Gordon Hawkins, un employé de l'ADRC qui travaille à temps plein pour le SEI, M. Dee a informé l'employeur qu'ils entendaient présenter une demande d'accès à l'information et voulaient que le processus disciplinaire soit suspendu jusqu'à ce que le syndicat ait obtenu tous les documents requis.

[49]   Il y a eu plusieurs échanges entre M. McCaie et M. Dee; ce dernier a continué de demander une réfutation, mais la direction a répondu à la demande de divulgation de Mme Shneidman par un avis de licenciement.

[50]   M. Dee a bien reçu une copie de la lettre de M. Collins (pièce G 28) dans laquelle celui ci demande à Mme Shneidman de répondre par écrit au rapport de la DAI avant le 15 mai 2001 et lui offre la possibilité d'examiner le rapport « protégé » aux conditions décrites au paragraphe 27. M. Dee a jugé que l'offre était inacceptable parce qu'on interdisait à la fonctionnaire de faire des photocopies ou de prendre des notes et que lui même n'était pas autorisé à examiner le rapport.

[51]   M. Dee voulait avoir accès au rapport original parce qu'il avait besoin de certaines précisions pour bien comprendre la situation. Il était au courant des lettres (pièces G 13 et G 31) envoyées par M. Stewart M. pour corriger l'information contenue dans le rapport de la DAI.

[52]   Le rapport de la DAI indiquait que Mme Shneidman avait elle même admis avoir divulgué de l'information sur des contribuables, une conclusion ou allégation qui était contestée par l'intéressée. Il était dès lors important de savoir ce qu'il y avait dans le rapport.

[53]   En sa qualité de représentant syndical, M. Dee a déjà été appelé à examiner des rapports d'enquête expurgés. Dans bien des cas, il était facile de remplacer les blancs par l'information manquante; il arrivait aussi que l'employeur désigne simplement cette information par un chiffre ou une lettre, ce qui facilitait la lecture du rapport. Or dans le rapport qui nous intéresse, il était impossible de s'y retrouver.

[54]   En contre interrogatoire, M. Dee a déclaré que la pièce G 32 était constituée des notes qu'il avait lui même dactylographiées à l'issue d'une réunion avec la direction.

[55]   M. Dee ne se souvenait pas d'avoir eu une conversation avec une certaine Mme Bernice Gorner. Il était autorisé à être présent lors de l'examen du rapport « protégé », mais il n'avait pas le droit d'examiner ou même de voir le document.

[56]   M. Dee ne partageait pas le point de vue de la direction selon lequel il y avait peu de choses à gagner à attendre une réponse officielle à la demande d'accès à l'information parce que la fonctionnaire s'estimant lésée avait la possibilité de présenter une plainte au commissaire à la protection de la vie privée et d'obtenir des renseignements plus complets.

[57]   M. Gordon Edward Hawkins était vice président du SEI – région du grand Toronto, un élément de l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Dans le cadre de ses fonctions, il présidait le comité régional des griefs formé de représentants des quatre sections locales comprises dans sa région et de lui même.

[58]   En avril et en mai 2001, M. Dee lui a demandé son aide pour l'affaire de Mme Shneidman. La première rencontre avec M. Dee et la fonctionnaire s'estimant lésée a eu lieu après l'entrevue avec M. Rodrigue, mais avant que le rapport soit déposé. Après avoir discuté de l'affaire avec eux, il leur a conseillé d'attendre le rapport vu que la direction n'avait pas encore pris de mesure concrète.

[59]   L'affaire a été soumise au comité des griefs, lequel a envisagé diverses options avant de décider d'attendre le rapport de M. Rodrigue.

[60]   M. Hawkins a reçu une copie de la pièce G 5 presque immédiatement après la rencontre avec Mme Shneidman et M. Dee. Comme le document était « protégé », il a recommandé à la fonctionnaire s'estimant lésée de ne pas formuler d'observations tant qu'elle n'aurait pas obtenu une copie du rapport original sans la mention « protégé ».

[61]   M. Hawkins a expliqué comment le comité des griefs procédait pour éviter les griefs frivoles, en précisant que les auteurs des griefs n'étaient pas invités aux réunions.

[62]   M. Hawkins a expliqué que le grief (pièce E 1) avait été préparé au plus tard le 24 mai 2001 et accepté par l'employeur le 31 mai 2001. Le texte en avait probablement été rédigé par le comité des griefs et signé par Mme Shneidman le 24 mai 2001.

[63]   M. Hawkins a dit comprendre que l'employeur avait offert à Mme Shneidman la possibilité de consulter le rapport en la prévenant qu'elle n'était pas autorisée à prendre des notes et n'avait pas le droit d'avoir son représentant syndical à ses côtés durant l'examen. Les représentants syndicaux ont jugé cette offre inacceptable étant donné que l'affaire était grave et que l'employeur voulait des réponses par écrit.

[64]   Le syndicat était préoccupé par le fait que Mme Shneidman leur avait dit qu'elle avait essayé de rétablir certains faits, mais que M. Rodrigue ne s'était pas montré intéressé.

[65]   Le syndicat était en outre préoccupé par le fait que la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas autorisée à prendre des notes et qu'elle n'avait pas le droit d'être accompagnée d'un représentant syndical durant l'examen du rapport. M. Hawkins était d'avis que le syndicat avait le droit d'être présent, que cela s'inscrivait dans le processus de représentation. La recherche de la vérité et l'exactitude des déclarations étaient deux éléments auxquels il attachait de l'importance.

[66]   Le comité des griefs a discuté de la question et recommandé que Mme Shneidman ne se présente pas à la réunion prévue pour examiner une copie « protégée » du rapport à moins qu'on l'autorise à prendre des notes et à se faire accompagner d'un représentant syndical. Cette recommandation a été communiquée à M. Dee pour qu'il la transmette à Mme Shneidman.

[67]   M. Hawkins, qui a pris sa retraite en février 2003, a abandonné ses fonctions de vice président régional et ne sait donc pas ce qu'il est advenu du dossier par la suite.

[68]   En contre interrogatoire, M. Hawkins a été prié de dire s'il savait que le syndicat était autorisé à accompagner la fonctionnaire s'estimant lésée lors de l'examen du rapport « protégé » mais n'avait pas le droit d'en prendre connaissance. Il a répondu qu'il ne le savait pas.

[69]   M. Hawkins a indiqué qu'il était nécessaire d'obtenir l'approbation du comité régional des griefs pour déposer un grief relatif à la convention collective.

[70]   Le comité régional des griefs savait que Mme Shneidman s'interrogeait sur son droit à la présence d'un représentant syndical lors de la réunion avec M. Rodrigue. Aux yeux de M. Hawkins, c'est quand la fonctionnaire a sollicité l'appui du syndicat que la représentation syndicale a commencé.

[71]   L'employeur a appelé quatre témoins, soit M. Donald Collins, Mme Yvonne Booth, M. Alan McCaie et M. Normand Rodrigue.

[72]   M. Collins occupe le poste de directeur adjoint, Recouvrement des recettes. Il dirige une équipe de 450 personnes et gère divers programmes par l'entremise de chefs de section subalternes. Il travaille à l'ADRC depuis 28 ans et exerce ses fonctions actuelles depuis 1994 environ.

[73]   Il en est venu à s'intéresser de près au dossier de Mme Shneidman quand M. Gerry Troy, directeur du BSFNT, a communiqué avec lui aux environs du 8 ou du 9 avril 2001 pour l'informer qu'il avait reçu le rapport d'enquête de la Division des affaires internes concernant Mme Shneidman.

[74]   M. Collins a reçu une copie du rapport original, dont il a pris connaissance, et il a clairement compris que Mme Shneidman y était reconnue coupable d'une faute de conduite grave. Il a discuté du rapport avec les agents des relations du travail et s'est reporté à la politique en matière de discipline de l'ADRC (pièce E–6).

[75]   M. Collins a consulté la pièce E 6 parce qu'il y a rarement de fautes de conduite aussi graves. Il a examiné la grille des sanctions disciplinaires ainsi que les définitions d'enquête disciplinaire, d'enquête et de mauvaise conduite à la page 3. M. Collins a attiré l'attention sur la partie b) de la section portant sur le processus disciplinaire, qui décrit les rôles et responsabilités des gestionnaires, et où l'on retrouve le paragraphe suivant :

[Traduction]

Dès qu'ils sont informés d'une faute de conduite possible de la part d'un employé, les gestionnaires s'empressent d'entamer le processus disciplinaire, dont les diverses étapes sont décrites ci dessous :

  • institution d'une enquête pour recueillir les faits sur l'incident ou la série d'incidents qui pourrait constituer une faute de conduite (c'est la Division des affaires internes qui doit mener l'enquête dans certains cas, ainsi qu'il est précisé dans la politique sur les enquêtes internes visant à faire la lumière sur les allégations ou les soupçons de mauvaise conduite de la part d'employés);

[76]   M. Collins a également renvoyé à la partie c) portant sur le processus d'enquête et celle portant sur les droits et obligations des employés.

[77]   M. Collins a consulté la pièce E 6 après avoir pris connaissance du rapport de M. Rodrigue, aux environs du 9 avril 2001. Il a envoyé une copie du rapport à un agent des relations du travail, M. McCaie, afin que le document soit expurgé. Il a également pris des mesures pour faire interdire l'accès au système informatique à Mme Shneidman.

[78]   M. Collins a demandé à l'agent des relations du travail de convoquer une réunion avec Mme Shneidman pour l'informer que la Division des affaires internes avait remis son rapport et lui conseiller de solliciter l'appui de son syndicat.

[79]   M. Collins a également demandé à Mme Merrick de communiquer avec les services de sécurité pour faire interdire l'accès au système à Mme Shneidman.

[80]   La réunion avec Mme Shneidman a été fixée à 14 h le 10 avril 2001.

[81]   Les mesures susmentionnées ont fait l'objet de discussions avec le directeur du BSFNT, M. Troy, et ont reçu son approbation.

[82]   À la réunion du 10 avril 2001, Mme Shneidman était représentée par Mme Burt. M. Collins et M. McCaie étaient aussi présents. M. Collins a informé Mme Shneidman qu'il avait en mains le rapport de la DAI, qui concluait qu'elle avait commis une faute de conduite grave. Il a indiqué qu'une copie expurgée du rapport allait lui être remise et qu'elle aurait un peu de temps pour y répondre par écrit. Il l'a informée qu'elle était passible d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement et que d'ici à ce que la direction se prononce sur cette question, on allait lui attribuer d'autres tâches et lui interdire l'accès au système en raison de la nature de la faute de conduite.

[83]   Le 23 avril 2001, Mme Shneidman a reçu une copie expurgée du rapport. On lui accordait jusqu'au 27 avril 2001 pour formuler ses observations par écrit au sujet du rapport proprement dit et des conclusions qu'il contenait et pour fournir toute information qui pourrait être utile à la direction pour déterminer la sanction disciplinaire à infliger. Le jour même de l'expiration du délai ou juste avant, M. Dee a communiqué avec les relations de travail pour obtenir une prolongation.

[84]   Au meilleur de sa connaissance, M. Collins a mentionné qu'il n'y avait pas d'autre personne quand Mme Shneidman a reçu une copie expurgée du rapport. C'est lui qui a autorisé la prolongation du délai jusqu'au 1er mai 2001.

[85]   Le 1er mai 2001, M. Collins s'est réuni avec Mme Shneidman, M. Dee, M. McCaie et M. Collins. Ce dernier s'attendait à recevoir une réponse écrite au rapport de la DAI, mais on l'a avisé qu'il n'y en aurait pas tant que la direction n'aurait pas fourni une copie du rapport original.

[86]   Une longue discussion s'est ensuivie. En résumé, M. Collins a répondu qu'il avait analysé le rapport original et que la copie expurgée était suffisamment claire pour que Mme Shneidman puisse répondre aux quatre conclusions.

[87]   M. Collins a déclaré que le rapport contenait quatre grandes conclusions, la première étant que la fonctionnaire avait consulté les dossiers de la plaignante, de son époux et de leur compagnie ou société de nombreuses fois, sans autorisation. M. Collins était d'avis que Mme Shneidman savait pertinemment qui étaient les personnes en cause et de quelle compagnie il s'agissait.

[88]   Il ressortait clairement du rapport que la fonctionnaire s'estimant lésée avait un lien avec les trois entités, dont elle avait mentionné les noms à la DAI. Ces noms avaient été supprimés dans le rapport.

[89]   La deuxième conclusion résultait des aveux que la fonctionnaire s'estimant lésée avait faits à l'enquêteur de la DAI, c'est à dire qu'elle avait communiqué l'information au fils de la plaignante.

[90]   La troisième conclusion concernait une visite qu'elle avait admise avoir faite au lieu d'affaire de la compagnie à la demande du fils de la plaignante. Cela résultait également des aveux de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[91]   La quatrième conclusion avait trait aux contrats qu'elle avait admis exécuter et pour lesquels elle était payée par la compagnie de la plaignante. Cela résultait également des aveux de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[92]   Mme Shneidman a fait savoir, par l'entremise du représentant du SEI, qu'elle n'entendait pas répondre à un rapport dans lequel il manquait de l'information. M. Collins a indiqué qu'il allait s'informer pour savoir ce qui pouvait être fait.

[93]   M. Collins a communiqué avec M. McCaie, qui l'a informé le 3 mai 2001 que Mme Shneidman pouvait avoir accès au rapport original à certains conditions, c'est à dire qu'elle seule était autorisée à lire ou à consulter le document et qu'elle ne pouvait pas prendre de notes. M. Collins estimait qu'il était extrêmement important que Mme Shneidman réponde au rapport et lui communique tous les renseignements dont elle voulait qu'il tienne compte avant de déterminer la sanction disciplinaire à infliger.

[94]   M. Collins a été informé par M. McCaie que Mme Shneidman avait refusé l'offre et qu'elle n'entendait pas soumettre de réponse tant qu'on ne lui fournissait pas une copie du rapport et que son représentant syndical n'était pas autorisé à consulter le document ou à en recevoir une copie. M. Collins a indiqué à M. McCaie qu'il devait répondre à Mme Shneidman qu'on ne pouvait pas satisfaire à sa demande et que l'offre de la direction demeurait inchangée.

[95]   M. Collins appliquait les directives que lui même et M. McCaie avait reçues de la Division de l'AIPRP.

[96]   Le 3 mai 2001, M. Dee a informé M. Collins qu'il avait présenté une demande d'accès à l'information en vue d'obtenir une copie du rapport et qu'il voulait que le processus disciplinaire soit suspendu jusqu'à la réception du document.

[97]   Au terme d'une discussion avec M. McCaie et le directeur, M. Troy, au cours de laquelle il est ressorti que le document qui serait fourni à la fonctionnaire s'estimant lésée en réponse à sa demande d'accès à l'information serait une copie expurgée du rapport en tous points identique à celle qu'elle avait déjà reçue, M. Collins a convoqué une réunion avec M. Dee et Mme Shneidman le 10 mai 2001.

[98]   Lors de la réunion du 10 mai 2001, M. Collins a remis à Mme Shneidman une lettre (pièce G 28) dans laquelle il décrivait les mesures que la direction avait prises et lui faisait part de son intention d'imposer une sanction disciplinaire le 18 mai 2001. Il lui offrait aussi une dernière chance de lui communiquer par écrit au plus tard le 15 mai 2001 toute information dont elle voulait que la direction tienne compte avant de prendre sa décision.

[99]   Le 15 mai 2001, M. Collins a reçu une lettre (pièce G 21) dans laquelle Mme Shneidman réitérait qu'elle refusait de fournir des renseignements supplémentaires tant qu'elle même et son représentant syndical n'avaient pas reçu de copie du rapport original.

[100]   Le 18 mai 2001, Mme Shneidman a été convoquée à une réunion l'informant qu'elle était licenciée en raison d'une faute de conduite grave.

[101]   En contre interrogatoire, M. Collins a indiqué que Mme Shneidman ne l'avait pas informé directement qu'elle refusait son offre d'examiner le rapport « protégé » aux conditions décrites précédemment.

[102]   M. Collins a rappelé que l'examen du document « protégé » était assorti de conditions que la direction jugeait convenables. Elle seule était autorisée à examiner le rapport, son représentant syndical ne pouvait pas en prendre connaissance et elle n'avait pas le droit de prendre des notes. M. Collins ne voulait pas que le représentant syndical voit le rapport.

[103]   M. Collins avait appris que c'était le groupe même de l'AIPRP qui avait expurgé le rapport original qui allait répondre à la demande de Mme Shneidman.

[104]   M. Collins savait, pour en avoir discuté avec M. McCaie, ce que le groupe de l'AIPRP allait faire. Il croit que le groupe, dont les bureaux sont situés à Ottawa, fait partie de la Division des ressources humaines. Il a déclaré que l'ADRC recevait constamment des demandes d'accès à l'information des clients et qu'elles étaient toutes acheminées au groupe de l'AIPRP. Il ne savait toutefois pas comment elles étaient traitées.

[105]   Le nom de Todd Burke ne lui est pas familier. Il ne se rappelle pas avoir pris connaissance de l'échange de courriels (pièce G 15) entre le conseiller principal en relations du travail, M. Todd Burke, et M. McCaie.

[106]   M. Collins s'est entretenu avec Mme Marlene Underwood à quelques reprises. Il a discuté avec elle des possibilités de licenciement parce que les conclusions du rapport justifiaient une telle mesure.

[107]   M. Collins était présent à la réunion du 10 avril 2001, mais les notes produites dans la pièce G 14 ne sont pas de lui.

[108]   Eu égard aux conclusions du rapport, M. Collins n'a pas obtenu confirmation de la fonctionnaire s'estimant lésée qu'elle avait un lien avec les entités qui y sont mentionnées. Il n'avait pas reçu personnellement les aveux dont il est question dans le rapport.

[109]   M. Collins a admis qu'on pouvait voir, à l'examen de la pièce G 5, qu'il n'y avait pas juste des noms qui avaient été oblitérés dans le rapport original.

[110]   Après avoir décidé d'interdire l'accès au système à Mme Shneidman, M. Collins a discuté avec sa gestionnaire, Mme Sheila Merrick, de la possibilité de lui attribuer d'autres tâches, mais il ne se rappelle pas lesquelles. Il savait qu'elle avait été autorisée à travailler chez elle à certains moments durant le processus disciplinaire.

[111]   M. Collins a pris connaissance des lettres de M. Stewart M. (pièces G 13 et G 31) avant le licenciement de Mme Shneidman.

[112]   C'est aussi à ce moment là qu'il a pris connaissance de la pièce G 5. Il savait que Mme Terri Shultz, coordonnatrice de l'AIPRP, Division des ressources humaine, au bureau régional du sud de l'Ontario relevait de l'administration régionale de l'Ontario où se trouvent les bureaux du commissaire adjoint, région de l'Ontario, et de la directrice des ressources humaines responsable des relations de travail, de la dotation, de l'AIPRP, de la rémunération et des avantages sociaux, Mme Deborah Denis.

[113]   M. Collins a confirmé qu'il connaissait M. Jerry Dee; c'est l'un des 450 employés qu'il supervise; c'est aussi un représentant syndical à temps plein. Il croit que M. Dee occupe un poste d'agent technique au service de la perception. M. Dee a aussi prêté un serment professionnel.

[114]   M. Collins ne voulait pas que M. Dee prenne connaissance du rapport en raison des avis qu'il avait reçus de la Division de l'AIPRP en avril 2001.

[115]   En contre interrogatoire, M. Collins a indiqué que le directeur de la BSFNT, M. Gerry Troy, était la seule personne habilitée à licencier du personnel.

[116]   M. Allan McCaie est agent des relations de travail au BSFNT. Ses tâches consistent à conseiller la direction sur l'interprétation des conventions collectives, le processus disciplinaire et les diverses questions liées aux ressources humaines, ainsi qu'à donner de la formation et à participer à l'instruction des griefs. Il est employé par l'ADRC et son prédécesseur depuis 1978.

[117]   M. McCaie a communiqué avec Mme Bernice Gorner, coordonnatrice de l'AIPRP, pour discuter de la demande de Mme Shneidman d'examiner une copie du rapport original de M. Rodrigue. C'est Mme Gorner qui s'occupe des dossiers de la région et qui répond aux demandes d'accès à l'information provenant du BSFNT. C'est elle qui l'a informé que seule Mme Shneidman était autorisée à examiner le rapport original et qu'il lui était interdit d'en faire des copies et de prendre des notes. Elle lui avait expliqué que tous les renseignements sur les contribuables sont considérés comme confidentiels et que leur divulgation est interdite. M. McCaie n'a fait que suivre ses consignes.

[118]   En contre interrogatoire, M. McCaie a admis qu'il avait pris connaissance de la lettre de Mme Shneidman le 15 mai 2001 (pièce G 21). Il a indiqué que c'est probablement lui qui avait préparé la pièce E 2, mais qu'il ne l'avait pas signée. Il aurait joué le rôle de conseiller principal et tenu des consultations au niveau régional, avec Mme Underwood et Mme Laurie Wallace, et au niveau national. Chaque fois qu'un employé est licencié, il faut obtenir l'appui de l'administration centrale parce que les griefs sont renvoyés au troisième palier de la procédure de règlement des griefs, c'est à dire au niveau national. On s'assure d'obtenir l'appui au niveau national, auquel M. Todd Burke est rattaché.

[119]   M. McCaie connaît M. Jerry Dee. Pour autant qu'il sache, ce dernier est rémunéré par l'ADRC. Ils n'ont jamais discuté ensemble de la façon dont il est rémunéré depuis qu'il est en congé non payé pour activités syndicales. Il voit souvent M. Dee, c'est à dire tous les jours ou tous les deux jours environ.

[120]   M. McCaie n'a aucune raison de croire que M. Dee pourrait divulguer des renseignements confidentiels sur des contribuables. Il ne faisait qu'appliquer les consignes de Mme Bernice Gorner. M. McCaie avait demandé à Mme Bernice Gorner de communiquer avec M. Dee pour lui expliquer le processus et les raisons, vu qu'elle connaissait mieux le processus.

[121]   Mme Yvonne Booth est l'adjointe exécutive du directeur du BSFNT. Elle reçoit ses appels, classe ses dossiers et ouvre son courrier. Elle fait suivre les appels et le courrier des contribuables aux personnes qui sont les plus compétentes pour y répondre. Elle fixe les rendez vous du directeur et lui fournit des services de soutien administratif.

[122]   Les plaintes reçues au bureau du directeur du BSFNT ne sont pas transmises directement au directeur. Elles sont envoyées à l'une des divisions et remontent la filière hiérarchique jusqu'à lui quand le problème n'est pas résolu.

[123]   Mme Booth reçoit les appels et se fait expliquer la nature du problème par les contribuables en même temps qu'elle prend note de toutes les conversations. Si le problème peut être réglé par un autre service de l'ADRC, elle y réachemine l'appel; s'il lui semble que c'est une affaire grave qui nécessite l'attention du directeur, elle lui fait part du problème. Elle commence habituellement par essayer de rassurer le contribuable; le directeur décide ensuite à quel secteur le dossier doit être attribué. Règle générale, l'un des cinq directeurs adjoints – il y en a un par division – se voit confier la tâche de recueillir les faits. Selon la question à régler, il arrive que le directeur adjoint des enquêtes soit appelé à effectuer une première recherche des faits.

[124]   Mme Booth a été mise au courant de la situation de Mme Shneidman par un appel reçu le 19 janvier 2001. Elle a l'habitude de prendre des notes quand elle s'entretient au téléphone avec des contribuables. La pièce E 7 est une copie des notes qu'elle a prises relativement à un appel reçu de Mme M. M. à 10 h 50 le 19 janvier 2001. Mme M. M. avait accepté de lui parler à la condition que sa plainte soit transmise à un fondé de pouvoir.

[125]   Mme Booth a reçu un autre appel de Mme M. M. à 14 h 30 le 19 janvier 2001. Les notes relatives à cet appel constituent la pièce E 8.

[126]   À 15 h 30 le même jour, Mme Booth a reçu un appel de Mme Shneidman, qu'elle avait connue à l'époque où celle ci travaillait pour le directeur de la Division des non–inscrits. Mme Booth a également pris des notes au sujet de cet appel (pièce E 9).

[127]   Mme Booth a reçu un autre appel de Mme M. M., à 12 h55 le 16 février 2001, dont elle a consigné les grandes lignes (pièce E 10). C'est la dernière fois qu'elle s'est entretenue avec Mme M. M.

[128]   Le 19 janvier 2001, après qu'elle eut transmis l'information à M. Troy, celui ci a décidé de renvoyer l'affaire au directeur des enquêtes, M. Don Renaud, pour qu'il effectue une recherche des faits.

[129]   En contre interrogatoire, Mme Booth a déclaré qu'elle occupait officiellement son poste actuel depuis le 2 juillet 2000. Avant cette date, elle était l'adjointe du directeur des enquêtes, M. Don Renaud.

[130]   Mme Booth a déclaré qu'elle avait pris des notes sur chaque appel qu'elle avait reçu. Les quatre notes ont été remises au directeur, M. Troy, qui les a fait verser dans un dossier.

[131]   M. Normand Rodrigue est enquêteur principal pour la DAI à la Direction de la sécurité à Ottawa. Il occupait le même poste en 2001. Le rôle de sa division est de faire enquête sur les allégations de conduite répréhensible de la part d'employés. M. Rodrigue a déclaré qu'il mène essentiellement des enquêtes de nature administrative. Lorsqu'une plainte est acheminée par la direction, le directeur de la DAI tient des discussions avec le demandeur de service. Les enquêteurs ne participent pas à la décision d'instituer ou non une enquête. Une fois qu'il a été décidé de mener une enquête, le dossier est attribué à l'un des enquêteurs en fonction de la charge de travail de chacun.

[132]   Quand un dossier lui est confié, M. Rodrigue effectue certaines recherches à partir des renseignements qui lui ont été fournis et établit la logistique de l'enquête. Il commence d'abord par s'enquérir des disponibilités des personnes qu'il doit interroger. Durant l'enquête à proprement dit, il lui arrive d'être obligé de rencontrer d'autres personnes. M. Rodrigue se rend ensuite à l'endroit où il mènera son enquête pour interroger les personnes concernées. Une fois l'enquête terminée, il soumet son rapport au Directeur de la DAI ainsi qu'au directeur général de la Direction de la sécurité. Si des changements sont jugés nécessaires, ils lui font part de leurs observations et si leur point de vue concorde avec le sien, il apporte les changements demandés et signe le rapport.

[133]   M. Rodrigue a travaillé pendant 30 ans comme membre de la police militaire au ministère de la Défense nationale; il occupe son poste actuel à la DAI depuis 12 ans.

[134]   Le dossier de Mme Lillian Shneidman lui a été confié le 28 février 2001. Les discussions mentionnées au paragraphe 131 ont eu lieu avec le BSFNT. M. Rodrigue a analysé le dossier avant de se rendre à Toronto pour faire enquête sur les allégations d'accès non autorisés au système « RAPI », dans lequel sont conservés les renseignements confidentiels; il ne sait toutefois pas ce que signifie cet acronyme. L'affaire concernait des accès non autorisés et la divulgation possible de renseignements confidentiels par Mme Shneidman.

[135]   Le dossier contenait un certain nombre de courriels faisant état de conversations avec le directeur du BSFNT et des documents fournis par M. Don Renaud, gestionnaire de la Division des enquêtes spéciales. Avant d'attribuer le dossier à M. Rodrigue, la direction avait effectué une enquête préliminaire et conclu qu'il existait des preuves d'accès non autorisés. Le dossier contenait également des notes au sujet de la plaignante, Mme M. M.

[136]   M. Rodrigue a déclaré que son premier contact avec Mme Shneidman avait eu lieu le 6 mars 2001 au BSFNT. Il ne se rappelait pas s'il l'avait rencontrée en personne ou s'il s'était entretenue au téléphone avec elle. Il lui avait expliqué qu'il devait l'interroger au sujet d'allégations de consultation non autorisée du système « RAPI ». Pour autant qu'il s'en souvenait, Mme Shneidman savait que Mme M. M. avait porté plainte contre elle. Il lui avait fixé rendez vous le 7 mars 2001 à 13 h dans une salle d'entrevue de la Division des enquêtes spéciales au BSFNT. Il l'avait aussi informée qu'il la laissait libre de décider si elle voulait qu'un observateur soit présent durant l'entrevue.

[137]   Le lendemain, aux environs de 13 h, Mme Shneidman s'est présentée, seule, à la salle d'entrevue, où se trouvaient déjà M. Rodrigue ainsi que Mme Sheila Merrick, gestionnaire de la fonctionnaire s'estimant lésée.

[138]   M. Rodrigue commence habituellement par donner l'avertissement d'usage. Après s'être présenté, il a expliqué le rôle de la DAI, qui est de recueillir de l'information sur les allégations de conduite répréhensible de la part d'employés. Il avait également précisé que le dossier lui avait été attribué au hasard, qu'il ne la connaissait pas, non plus que les autres personnes qui avaient traité le dossier avant lui.

[139]   M. Rodrigue a informé Mme Shneidman que le but de l'enquête était de lui donner l'occasion d'expliquer pourquoi elle avait consulté les dossiers de certains contribuables dans le système « RAPI ». Il lui a expliqué qu'il allait rédiger un rapport, que ce rapport ne contiendrait aucune recommandation et que le rôle de la DAI prendrait fin une fois l'enquête terminée. M. Rodrigue a indiqué que ces mêmes renseignements se trouvaient dans un formulaire, pièce E 4, que Mme Shneidman a lu et signé.

[140]   D'entrée de jeu à l'entrevue, M. Rodrigue a expliqué à Mme Shneidman qu'il avait préparé un plan d'entrevue qu'il entendait respecter et qui consistait en des questions fondées sur les renseignements qu'il avait recueillis durant son enquête. Il lui donnerait ensuite la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires si elle le jugeait nécessaire. M. Rodrigue ne se rappelait pas si elle avait posé des questions à la fin de l'entrevue. Il ne lui avait pas remis de copie de ses notes. Il lui avait montré celles de Mme Merrick en lui demandant d'en prendre connaissance et de lui signaler les changements à apporter au besoin. Il avait remis une copie des questions à Mme Merrick avant l'entrevue. Mme Shneidman avait lu les notes et les avait paraphées; M. Rodrigue ne se souvenait pas si elle avait fait apporter des changements.

[141]   M. Rodrigue a également pris quelques notes durant l'entrevue. Il a expliqué à Mme Shneidman qu'il comptait les retranscrire dans la soirée et lui a demandé si elle voulait bien le rencontrer le lendemain en matinée pour examiner ses notes et les parapher.

[142]   M. Rodrigue a déclaré que Mme Shneidman avait accédé à sa demande le lendemain et qu'elle avait apporté un changement, le seul dont il se souvenait, concernant la date. Elle s'était rendue à la clinique du Dr M. à Barrie (Ontario) dans la matinée du 8 mars 2001 puis elle avait lu attentivement ses notes et paraphé chaque page aux environs de 9 h.

[143]   M. Rodrigue a interrogé M. Stewart M. vers 11 h 10 ce matin–là au BSFNT. L'entrevue a duré 45 minutes. C'est Mme Shneidman qui l'avait aidé à organiser cette entrevue car il ne savait pas où M. Stewart M. habitait. M. Rodrigue ne se rappelait pas si c'est après l'entrevue du 7 mars 2001 ou le lendemain, lorsqu'elle avait signé ses notes, qu'ils avaient discuté de la possibilité d'une rencontre avec M. Stewart M.

[144]   L'entrevue avec M. Stewart M. s'est déroulée dans une autre salle de la Division des enquêtes accessible au public. Pour autant qu'il s'en souvenait, il avait aperçu M. Stewart M. et Mme Shneidman devant l'ascenseur.

[145]   M. Rodrigue a eu une autre réunion avec Mme Shneidman vers 13 h 30 le même jour. Elle est entrée sans prévenir dans la salle de la Division des enquêtes spéciales où il l'avait interrogée la première fois. Cette seconde entrevue a duré une heure environ ou peut être un peu plus. Mme Shneidman était seule, et également M. Rodrigue. Elle voulait discuter à nouveau des raisons pour lesquelles elle avait consulté les dossiers de la plaignante, de son époux et de leur entreprise. Elle voulait aussi confirmer qu'elle avait consulté le dossier de Mme M. M. M. Rodrigue croit se rappeler qu'elle lui avait dit que c'était le 21 janvier 2001 qu'elle avait consulté les dossiers. Pour autant qu'il s'en souvenait, elle avait affirmé qu'elle voulait confirmer à M. Stewart M. que les agents de perception avaient bien reçu les sommes versées dans le compte de Mme M. M.

[146]   M. Rodrigue ne se rappelait pas comment la réunion s'était terminée car il n'avait pris que trois ou quatre lignes de notes. L'information, ou les raisons pour lesquelles la fonctionnaire avait consulté les dossiers avaient déjà été divulguées durant l'entrevue, c'est pourquoi il n'avait pas demandé à Mme Shneidman de signer ses notes.

[147]   M. Rodrigue ne se rappelle pas avoir eu quelque discussion avec Mme Shneidman au sujet de la présence d'observateurs à la réunion. N'importe qui, un ami, un collègue ou un représentant syndical, peut assister à la réunion comme observateur.

[148]   M. Rodrigue a reconnu la pièce G 5, une copie expurgée du rapport qu'il a lui même rédigé.

[149]   En contre interrogatoire, M. Rodrigue a déclaré qu'il avait fort probablement pris connaissance des pièces E 7, E 8, E 9 et E 10, mais qu'il ne savait pas exactement quand. Le dossier qu'il a examiné contenait un certain nombre de courriels ainsi que des demandes de recherche de pistes de vérification (RPV) indiquant les noms de quatre personnes. Les demandes visaient à établir qui avait consulté les trois ou quatre dossiers, c'est à dire ceux de la plaignante, de M. J. M., de M. Stewart M. et de B. Rest Home. Il y avait aussi une note de la direction à la DAI. M. Rodrigue n'avait pas reçu les résultats des RPV lorsqu'il a rédigé son rapport.

[150]   M. Rodrigue avait obtenu les résultats des RPV quand il a interrogé M. Peter Mortenson le 6 mars 2001 au BSFNT, la veille du jour de sa rencontre avec Mme Shneidman. Les résultats des RPV ont été fournis sur disquette et on les a fait imprimer.

[151]   M. Rodrigue ne se rappelait pas quelles notes il y avait dans le dossier avant l'entrevue avec Mme Shneidman.

[152]   Le dossier examiné par M. Rodrigue contenait la lettre datée du 22 janvier 2001 de M. Troy à son supérieur, M. André St Laurent (pièce G 30), page 000154. Il y avait aussi les pages 000136, 000137 et 000138 de la pièce G 30.

[153]   Pour autant qu'il s'en souvienne, c'est Mme M. M. qui lui a remis les pages 000129, 000130, 000131, 000132, 000133, 000134, 000135 et 000140 de la pièce G 30 le 5 mars 2001.

[154]   M. Rodrigue a reconnu d'autres documents tirés de la pièce G 30 qui se trouvaient dans le dossier avant l'entrevue avec Mme Shneidman. Il y avait des notes des entrevues avec Mme Yvonne Booth, M. Peter Mortenson et Mme Sheila Merrick. Les notes de l'entrevue avec M. Stewart M. sont datées du 8 mars 2001. M. Rodrigue n'a pas pris part aux entrevues qui ont eu lieu avant le 5 mars 2001.

[155]   M. Rodrigue verse habituellement au dossier les notes qu'il prend durant les entrevues. Il admet qu'avant de commencer l'entrevue avec Mme Shneidman, il avait déjà en mains une foule d'information. Les documents auxquels il accordait le plus de crédibilité étaient les résultats des RPV ainsi que le témoignage de M. Mortenson. Celui ci avait vérifié la charge de travail de Mme Shneidman et fait un rapprochement avec les divers dossiers consultés avant de conclure qu'il n'y avait aucun lien entre les deux.

[156]   L'entrevue avec Mme Shneidman avait pour but de lui donner l'occasion d'expliquer pourquoi elle avait consulté ces dossiers.

[157]   Concernant la pièce G 6, M. Rodrigue ne pouvait pas dire quand exactement les notes avaient été paraphées. Il a écrit que c'était à 13 h 30 le 7 mars 2001 parce que c'est à ce moment là qu'il a reçu l'information, mais il n'a pas indiqué l'heure à laquelle les notes ont été paraphées. Il se rappelait que c'était ce dont ils avaient convenu la veille. La pièce G 7 est une copie des notes de Mme Sheila Merrick; on peut voir dans la case intitulée « Investigator Enquêteur » qu'elles ont été paraphées par M. Rodrigue. Il ne les pas examinées avec Mme Shneidman le 8 mars 2001, mais immédiatement après l'entrevue du 7 mars 2001, aux environs de 16 h 30.

[158]   M. Rodrigue avait en mains la pièce G 7 quand il a retranscrit ses notes (pièce G 6). Il a déclaré qu'il avait détruit son brouillon, probablement en le passant à la déchiqueteuse, à son arrivée à Ottawa, et qu'il ne pouvait donc pas s'y reporter.

[159]   M. Rodrigue utilise un carnet de notes, mais il n'y a rien consigné au sujet de l'entrevue avec Mme Shneidman. Le carnet lui sert à se rappeler qui il a interrogé, ou une date particulière, non pas à consigner des renseignements particuliers sur les personnes qu'il a interrogées.

[160]   M. Rodrigue ne peut pas affirmer que Mme Shneidman n'avait pas paraphé ses notes le 7 mars 2001, mais il croyait que c'était peu probable.

[161]   M. Rodrigue a affirmé qu'il avait aperçu M. Stewart M. et Mme Shneidman devant l'ascenseur avant sa rencontre avec M. Stewart M. et peut être aussi après l'entrevue. Il était certain qu'il les avait vus ensemble au moins une fois. Il fallait bien que quelqu'un escorte M. Stewart M. jusqu'à la sortie de l'immeuble. Il n'était pas nécessaire de passer par la zone interdite au public pour avoir accès à la salle d'entrevue. M. Rodrigue n'a pas vu Mme Shneidman et M. Stewart M. déjeuner ensemble. Il ne se souvenait pas d'une conversation qu'il aurait eue avec M. McCaie, qui se trouve dans la pièce G 12. Il a admis d'emblée avoir tenu les propos qui sont rapportés vu qu'ils avaient quitté les lieux ensemble aux alentours de midi. M. Rodrigue ne se rappelait pas avoir dit à M. McCaie que la version des faits de Mme Shneidman était totalement différente. Jusqu'à ce qu'on lui montre la pièce G 12, il ne se rappelait pas avoir eu une conversation avec M. McCaie.

[162]   Quand on l'a informé que Mme Shneidman avait affirmé dans le cadre de son témoignage qu'elle avait essayé de corriger ses déclarations, M. Rodrigue a déclaré qu'il avait consigné ce qu'il jugeait pertinent pour les fins de l'enquête.

[163]   M. Rodrigue ne se rappelait pas que Mme Shneidman lui avait dit qu'elle n'avait pas divulgué ni ne pouvait avoir divulgué des renseignements à M. Stewart M. au sujet du compte de Mme M. M. Il contestait cette partie du témoignage de Mme Shneidman et admettait avoir dit que le rôle d'un observateur est de demeurer muet.

[164]   En réfutation, Mme Shneidman a témoigné qu'elle se souvenait d'avoir examiné et paraphé les notes de M. Rodrigue en même temps que celles de Mme Merrick dans l'après midi du 7 mars 2001. L'après midi du 8 mars 2001, M. Rodrigue ne lui a pas permis d'examiner ou de parapher les notes qu'il avait prises pendant qu'elle lui fournissait des précisions.

[165]   Mme Shneidman n'a pas eu la possibilité d'examiner ou de parapher les notes de M. Rodrigue qui ont été produites en tant que pièce G 11. Lorsqu'elle a voulu modifier sa déclaration antérieure, M. Rodrigue l'a écouté sans prendre de notes. Elle voulait que ses propos soient consignés officiellement. Elle a été obligée de lui dire de prendre en note ce qu'elle disait, mais elle n'a jamais pu voir ce qu'il avait écrit.

[166]   M. Rodrigue avait mentionné qu'il avait un carnet lors de l'entrevue et il lui avait expliqué le processus en vigueur au ministère. Il lui avait dit qu'il trouvait que les règles étaient trop permissives et il lui avait montré le carnet, qui ressemble à un petit carnet de police, que les enquêteurs portent sur eux. Il lui a dit qu'il était obligé de tenir un journal détaillé et de le remettre à son gestionnaire au cas où il y aurait des questions au sujet de l'enquête.

[167]   Mme Shneidman a déclaré que la pièce G–11 ne correspondait vraiment pas à ce qu'elle avait dit à M. Rodrigue.

[168]   Mme Shneidman ne se rappelait pas qui avait convoqué la réunion du 8 mars 2001. Elle s'y était présentée seule et n'avait pas exigé de voir les notes.

Exposé de la fonctionnaire s'estimant lésée sur la requête préliminaire

Plaidoirie de la fonctionnaire s'estimant lésée

[169]   La fonctionnaire s'estimant lésée invoque le paragraphe 17.02, qui est libellé comme suit :

17.02 Lorsque l'employé–e est tenu d'assister à une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, l'employé–e a le droit, sur demande, d'être accompagné d'un représentant de l'Alliance à cette réunion. Dans la mesure du possible, l'employé–e reçoit une journée de préavis de cette réunion.

Elle déclare qu'il y a deux questions à trancher relativement à cette disposition. La première est de savoir si elle a demandé d'être accompagnée d'un représentant syndical.

[170]   Il y a deux circonstances où la question de la représentation syndicale se pose, soit la réunion du 7 mars 2001 et les réunions des mois d'avril et de mai 2001, où elle a demandé qu'on lui fournisse une copie du rapport original afin de préparer sa réponse.

[171]   On peut difficilement nier que la fonctionnaire voulait être accompagnée de son représentant syndical lorsqu'on lui a proposé d'examiner le rapport. Pour les 7 et 8 mars 2001, par contre, il y a certainement lieu de se demander si elle a expressément réclamé la présence d'un représentant syndical. La question qu'elle a posée est la suivante [traduction] : « Est ce que je devrais être accompagnée d'un représentant syndical? » M. Rodrigue ne nie pas avoir répondu que c'était inutile parce qu'il ne pourrait pas prendre part à la réunion de toute façon. C'est ce que son témoignage confirme essentiellement. Il a très clairement affirmé que les représentants syndicaux pouvaient juste observer en silence.

[172]   La fonctionnaire s'estimant lésée soutient que son témoignage n'a pas été contredit et qu'elle a bien été convoquée à la réunion le matin même. Or, le paragraphe 17.02 dit notamment ceci :

Dans la mesure du possible, l'employé–e reçoit au minimum une journée de préavis […]

[173]   Le témoignage de M. Rodrigue concorde avec le texte des droits, privilèges et avertissements (pièce E 4), dans lequel il est question des droits de représentation. Il s'agit là d'une politique que M. Rodrigue a réitérée le 7 mars 2001. On y précise que l'employé n'a pas le droit d'être accompagné d'un représentant syndical lors d'une réunion comme celle du 7 mars 2001. Il est donc inutile de réclamer la présence d'un représentant syndical puisque la demande sera refusée. La fonctionnaire s'estimant lésée soutient qu'on aurait dû lui répondre que c'était à son avantage et à l'avantage de la direction qu'un représentant syndical soit présent.

[174]   Affirmer, comme le fait l'employeur, que la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas réclamé la présence d'un représentant syndical parce qu'elle n'a pas formulé de demande en ce sens est contraire à un principe qui devrait être considéré comme sacro saint. Il y a une tendance générale à refuser la présence des représentants syndicaux à l'ADRC, même s'il n'y a pas eu de demande. Or, dans l'affaire qui nous occupe, la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé assez clairement si elle devait être accompagnée d'un représentant syndical.

[175]   La seconde question est de savoir si les réunions des 7 et 8 mars 2001 étaient des auditions disciplinaires au sens du paragraphe 17.02.

[176]   M. Rodrigue a lui même admis que le dossier était déjà très étoffé. La situation était grave car les rapports d'un certain M. Peter Mortenson faisaient état de plusieurs accès non autorisés. M. Rodrigue avait interrogé un certain nombre de personnes, dont Mme M. M. et M. Peter Mortenson. Il avait en main des comptes rendus des entrevues avec Mme Yvonne Booth et de conservations téléphoniques avec l'infirmière chef M., ainsi que les notes de Mme M. M et de S. H. On ne sait pas s'il s'était entretenu avec D. E. Dans le contexte de tous les autres renseignements que M. Rodrigue avait recueillis, les allégations étaient graves, l'entrevue revêtait un caractère disciplinaire et, aux dires de Mme Shneidman, M. Rodrigue avait changé d'attitude dès le début de la réunion et elle en avait été intimidée. La preuve montre que la sanction disciplinaire a été infligée à l'issue de l'enquête. Pendant le mois d'avril 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée était en réalité sous le coup d'une suspension avec traitement. Les pièces G 17 et G 18 montrent qu'on lui a retiré ses tâches habituelles, qu'on lui a interdit l'accès aux banques de données et qu'on l'a suspendue de ses fonctions comme agente d'enquête. M. Don Collins a admis en contre interrogatoire que Mme Shneidman avait besoin de consulter les banques de données pour mener ses enquêtes.

[177]   Un autre point qui revêt de l'importance, c'est que si les réunions des 7 et 8 mars 2001 n'étaient pas de nature disciplinaire, l'employeur ne se serait pas servi du rapport pour infliger une suspension à Mme Shneidman et la licencier par la suite.

[178]   Dans la pièce G 14, qui est constituée des notes de M. Al McCaie sur la réunion du 10 avril 2001 avec M. Don Collins et la fonctionnaire s'estimant lésée, on peut lire ceci [traduction] : « M. Don Collins l'a informée que l'enquête était terminée, que les allégations étaient graves et qu'elle était passible d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. »

[179]   L'employeur avait déjà tiré ses conclusions. Comment peut on dire qu'une réunion n'était pas de nature disciplinaire quand la décision qui a été prise reposait essentiellement sur le compte rendu de cette réunion?

[180]   La pièce G 15, qui est datée du 18 avril 2001, a été rédigée avant que la fonctionnaire s'estimant lésée reçoive le rapport. M. Burke y répond à M. McCaie et lui dit ce qui suit [traduction] : « Pour faire suite à notre discussion antérieure, j'ai pris connaissance du rapport de la DAI et du document annexé au courriel suivant. Je vais sans contredit appuyer un licenciement au dernier palier de la procédure de règlements des griefs si je me fie aux résultats du rapport de la DAI. »

[181]   Une autre question sur laquelle il faut se pencher c'est le refus initial de l'employeur, le 23 avril 2001, d'autoriser la fonctionnaire s'estimant lésée à examiner une copie du rapport original. Bien qu'il se soit ravisé par la suite, il a tout de même refusé que le représentant syndical y ait accès. Comment pouvait elle se faire conseiller par son syndicat si celui ci n'avait pas accès au rapport?

[182]   M. Jerry Dee, M. Gordon Hawkins et la fonctionnaire s'estimant lésée ont tous les trois témoigné qu'il était impossible de répondre à la copie expurgée du rapport. M. Dee a déclaré qu'il avait déjà examiné d'autres rapports de la DAI et qu'il avait été capable de reconstituer les faits, mais pas cette fois ci.

[183]   M. Hawkins et M. Dee ont soumis la question au comité des griefs, qui en est arrivé à la conclusion que la fonctionnaire s'estimant lésée devait refuser d'examiner le rapport original, à moins que son représentant syndical soit lui aussi autorisé à en prendre connaissance.

[184]   Il est important de mentionner que ces conditions sont identiques à celles que M. Rodrigue avait posées le 7 mars 2001. M. Collins a témoigné qu'il ne voyait pas d'objection à ce que le représentant syndical accompagne la fonctionnaire s'estimant lésée mais qu'il refusait de lui laisser voir le rapport. Il acceptait la présence du représentant syndical comme observateur, mais pas comme participant.

[185]   Cette présence sans participation [traduction] « va totalement à l'encontre du principe sacro saint de la négociation collective », qui fait que les employés choisissent démocratiquement un syndicat pour les représenter et conclure en leur nom une convention collective avec l'employeur.

[186]   Les arbitres disent que la seule réparation possible quand il y a violation du principe du droit de représentation c'est d'annuler la sanction disciplinaire.

[187]   Il a été établi que M. Jerry Dee avait demandé que le processus disciplinaire soit suspendu pour permettre à la fonctionnaire s'estimant lésée et au syndicat de présenter une demande d'accès à l'information afin d'obtenir une copie du rapport original. La preuve par ouïe dire de l'employeur selon laquelle un représentant de la Division de l'AIPRP avait indiqué que la Direction des ressources humaines ne pouvait pas fournir de copie du rapport original au syndicat n'est qu'un faux fuyant. L'employeur aurait pu exiger que la Division de l'AIPRP lui fournisse des preuves des dispositions législatives et réglementaires pertinentes pour étayer cette thèse, le cas échéant, mais il ne l'a pas fait.

[188]   Les réponses de M. McCaie aux questions portant sur la confidentialité des renseignements ainsi qu'à la question de savoir si M. Dee pouvait être tenu au secret sont révélatrices. M. McCaie n'avait aucune raison de croire que M. Dee aurait divulgué des renseignements sur des contribuables car c'est un employé de l'ADRC, même s'il exerce à temps plein les fonctions de président du syndicat local.

[189]   En ce qui concerne la réparation demandée, il n'est pas nécessaire de se pencher sur la question du préjudice causé à la fonctionnaire s'estimant lésée et aux relations du travail car c'est dans la convention collective que se trouve le fondement juridique pour accorder cette réparation. Le paragraphe 9.01, qui établit le rapport juridique, a le même effet que le paragraphe 41(1) de la Loi.

41. (1) L'organisation syndicale qui est accréditée sous le régime de la présente loi a le droit exclusif, aux termes de celle–ci :

a) de négocier collectivement au nom des fonctionnaires de l'unité de négociation qu'elle représente et de les lier par une convention collective jusqu'à la révocation de son accréditation pour cette unité;

b) de représenter un fonctionnaire lors de la présentation, ou du renvoi à un arbitre, d'un grief portant sur l'interprétation ou l'application d'une convention collective ou d'une décision arbitrale visant l'unité de négociation dont fait partie ce fonctionnaire.

[190]   Le paragraphe 8(1) de la Loi est pour sa part libellé comme suit :

8. (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des fonctionnaires par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle–ci.

[191]   La fonctionnaire s'estimant lésée invoque la décision rendue dans l'affaire Wendy Evans, dossier de la CRTFP 166 02 25641 (1994), la seule décision pertinente en l'espèce. L'arbitre de griefs y formule des observations sur les principes et la réparation à appliquer lorsqu'il y a violation des droits fondamentaux de représentation. La fonctionnaire s'estimant lésée rappelle les faits de cette affaire, à la page 7. La disposition de la convention collective en cause est semblable à celle dont il est question en l'espèce, mais ce n'est pas la même.

[192]   Dans ses motifs de décision, l'arbitre de griefs cite, à la page 10, le principe reconnu par M. Kevin Burkett dans l'affaire Hickeson–Langs Supply Co. and Teamsters Union, Local 419 (1985), 19 L.A.C. (3d) 379 de même qu'un article de M. Mervin Chertkow. La fonctionnaire s'estimant lésée lit une citation de Lord Denning, reproduite à la page 10 de la décision Wendy Evans, supra :

Ce n'est pas donné à tout homme de pouvoir se défendre par ses propres moyens. Il ne peut faire ressortir ses points forts ou les points faibles de l'autre partie. Il peut être muet de timidité ou nerveux, ne pas avoir les idées claires ou n'être pas suffisamment intelligent. Il ne peut interroger ou contre–interroger les témoins

[…]

[193]   En ce qui concerne la question du préjudice, la fonctionnaire s'estimant lésée était incapable de se rappeler avec exactitude les faits entourant les allégations de divulgation de renseignements confidentiels sur des contribuables lors de la réunion avec M. Rodrigue. En discutant avec M. Stewart M. après l'entrevue, elle s'est rendu compte que ce qu'on lui avait dit était faux. Elle est donc retournée voir M. Rodrigue pour faire apporter les correctifs nécessaires, mais elle s'est heurtée à un refus. Le 20 juin 2001, M. Rodrigue a informé M. McCaie que le lendemain de la réunion, la fonctionnaire s'estimant lésée était venue le voir pour modifier sa version des faits. Si le représentant syndical avait été présent les 7 et 8 mars 2001, il n'y aurait pas eu de confusion de ce genre.

[194]   La présence du représentant syndical vise à garantir l'intégrité de la procédure aussi bien qu'à protéger l'employeur et l'employé.

[195]   La fonctionnaire s'estimant lésée affirme que M. Rodrigue lui a remis des documents auxquels elle n'était pas capable de répondre adéquatement. Il s'agit juste d'un exemple pour montrer qu'elle n'a pas eu la possibilité de préparer convenablement sa défense.

[196]   M. Rodrigue en serait peut–être venu à une conclusion différente si Mme Shneidman avait pu compléter sa déclaration. La pièce G 11, soit les notes prises durant la réunion du 8 mars 2001, n'a jamais été montrée à Mme Shneidman. Si un représentant syndical avait été présent, elle aurait pu en prendre connaissance et en faire faire des copies.

[197]   La pièce G 10, obtenue grâce à une demande d'accès à l'information, est une copie de notes datées du 7 mars 2001, dont l'auteur n'est pas identifié. Les pièces G 6 et G 7 sont des copies qui auraient dû être remises à Mme Shneidman à l'époque.

[198]   Les points qui précèdent visent à illustrer les observations formulées par l'arbitre de griefs dans l'affaire Wendy Evans, supra.

[199]   La fonctionnaire s'estimant lésée se reporte également à la décision rendue dans l'affaire Re Riverdale Hospital and C.U.P.E., loc. 79 (Reyes) (2000) 93 L.A.C. (4th) 195. Une employée avait été renvoyée chez elle avant d'avoir pu consulter son syndicat alors que la convention collective prévoyait que l'employeur devait informer l'employée à l'avance de ses droits de représentation dans le cas d'une suspension ou d'un licenciement. En l'espèce, la fonctionnaire a demandé d'être accompagnée d'un représentant syndical à la réunion avec M. Rodrigue le 7 mars 2001. L'employeur a eu tort de ne pas l'informer de ses droits à cet égard. À ce propos, le syndicat cite le passage suivant de la décision rendue dans l'affaire Riverdale, supra, au bas de la page 6 :

[Traduction]

Même en rétrospective, dans le calme relatif d'une salle d'audience ou dans la contemplation tranquille d'un arbitre, il peut être difficile de tracer la ligne entre un processus d'enquête et un processus disciplinaire. En fait, je suis d'avis qu'il n'est ni possible ni utile de s'employer à faire une telle distinction, même en rétrospective. S'il y a des enquêtes, c'est parce que l'employeur soupçonne quelque conduite répréhensible. De deux choses l'une, ou bien l'enquête lui démontre le contraire, ou bien elle confirme ses soupçons. Les employeurs paranoïaques sont l'exception et l'expérience nous montre que dans la plupart des cas l'enquête confirme les craintes de l'employeur, ce qui, dans la réalité, se traduit par des sanctions pour l'employé qui fait l'objet du genre d'enquête dont il est question en l'espèce. Y a t il quelqu'un qui possède une boule de cristal pour prédire avec exactitude les résultats d'une enquête (ce qui éliminerait la nécessité d'en tenir une)? Poser la question c'est y répondre. Le fait est que le processus d'enquête est indissociable du processus disciplinaire.

[200]   Dans l'affaire qui nous occupe, il faut se rappeler que l'employeur a tenu compte du rapport de M. Rodrigue pour sévir contre la fonctionnaire s'estimant lésée. La réparation doit aussi avoir pour but d'annuler la décision. Comme il est écrit à la page 8 :

[Traduction]

Il est aussi un fait bien établi que la violation alléguée de la disposition sur la représentation syndicale ne doit pas être expressément « plaidée » ni même soulevée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

C'est une question tellement fondamentale qu'il faut en arriver là.

[201]   La question soulevée dans l'affaire Riverdale, supra, concernait le préavis et, comme c'est le cas en l'espèce, il s'agissait d'une violation de la convention collective parce qu'il a été établi que le processus d'enquête faisait partie intégrante du processus disciplinaire. Or, l'entrevue avec M. Rodrigue était une enquête de nature disciplinaire.

[202]   La fonctionnaire s'estimant lésée renvoie aussi à l'affaire Medis Health and Pharmaceutical Services and Teamsters, Chemicals and Allied Workers, Loc. 424 (Satar) (Re) (2001) 100 L.A.C. (4th) 178, qui portait sur la nécessité pour un employé d'être accompagné d'un représentant syndical quand il fait l'objet d'une sanction disciplinaire. Il a été statué que l'employeur avait violé les droits reconnus par la convention collective en convoquant les employés à une réunion après les avoir filmés sur bande magnétoscopique et s'être rendu compte que des vols étaient commis. L'arbitre a conclu que la réunion initiale en vue d'obtenir des confessions des employés leur donnait droit à la présence d'un représentant syndical. Même s'ils n'avaient pas été licenciés sur le champ mais seulement à une date ultérieure, l'employeur avait tenu compte des déclarations qu'ils avaient faites durant l'entrevue et de la surveillance vidéo. La fonctionnaire s'estimant lésée a renvoyé aux pages 7 et 9 de la décision, ainsi qu'aux pages 13 et 14. Il ressort de cette affaire que le droit à la représentation syndicale est si fondamental que la seule réparation possible en cas de violation est de déclarer que la sanction disciplinaire est nulle d'emblée.

[203]   La fonctionnaire s'estimant lésée renvoie à l'affaire Axis Logistics Inc. and U.F.C.W., loc. 175 (Horwood) (Re) (2000) 87 L.A.C. (4th) 100, dans laquelle la disposition mentionnée à la page 2 n'est pas très différente de celle dont il question en l'espèce. La fonctionnaire s'estimant lésée cite les pages 10 et 11 de la décision. À la page 11, l'arbitre dit ceci :

[Traduction]

Je suis convaincu que l'employeur a tenu compte de la déclaration du fonctionnaire s'estimant lésé lors de la deuxième entrevue avec M. Tidy le 6 septembre pour en arriver à la conclusion qu'il avait fait preuve de négligence en conduisant le chariot élévateur à fourche et je suis également convaincu que l'entrevue fait partie des éléments sur lesquels l'employeur s'est fondé pour le licencier.

[204]   Dans l'affaire qui nous occupe, il est clairement indiqué au bas de la page 000011 du rapport de la DAI (pièce G 5) que les propos de Mme Shneidman ont été retenus contre elle. Au premier paragraphe de la page suivante (00012), M. Rodrigue entreprend de dresser la liste des contradictions relevées. Aux deuxième et troisième paragraphes, il renvoie à nouveau aux déclarations de la fonctionnaire s'estimant lésée. Au bas de la même page, sous la rubrique [traduction] « Conclusion de l'enquêteur », on peut lire ceci à l'avant dernier paragraphe [traduction] : « D'après ces mêmes renseignements, Mme Lillian Shneidman a divulgué de l'information fiscale confidentielle contenue dans les dossiers de [...] » Au dernier paragraphe, il est dit que [traduction] « Mme Lillian Shneidman a personnellement admis avoir visité [...] ».

[205]   La fonctionnaire s'estimant lésée fait valoir que cette entrevue n'avait pas juste pour but de recueillir des faits puisqu'on en a tenu compte pour décider de la licencier. La situation est identique à celle décrite dans l'affaire Axis Logistics, supra, et un peu différente de celle décrite dans l'affaire Riverdale, supra.

[206]   En dernier lieu, la fonctionnaire s'estimant lésée invoque l'affaire Re Toronto (City) and C.U.P.E., loc. 79 (Nzeakor), (1995), 47 L.A.C. (4th) 197, où elle me renvoie, à la page 8, à une citation partielle tirée de l'ouvrage « Canadian Labour Arbitration » de Brown and Beatty, au paragraphe 7: 2100 :

[Traduction]

Dans ce contexte, de nombreux arbitres ont eu tendance à considérer que les dispositions prévoyant la présence de représentants syndicaux aux réunions de nature disciplinaire où les employés sont appelés à répondre à des allégations de mauvaise conduite ou avisés de l'imposition d'une sanction disciplinaire revêtent une importance fondamentale et un caractère obligatoire.

La fonctionnaire s'estimant lésée renvoie ensuite aux pages 9 et 11, où il est statué que l'employeur ne pouvait pas faire valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé avait renoncé à ses droits de représentation puisque la renonciation devait être très explicite.

[207]   La fonctionnaire s'estimant lésée me demande ensuite de réserver ma décision dans cette affaire aux fins de la mise en ouvre de toutes les réparations mentionnées dans le grief (pièce E 1) ou au cas où l'employeur ferait valoir qu'elle s'est abstenue d'atténuer ses pertes.

[208]   La fonctionnaire s'estimant lésée me demande à nouveau de statuer sur la requête préliminaire parce que son argumentation sur la question de la violation du droit de représentation est limpide et que le manquement de l'employeur est flagrant. Il est difficile de justifier qu'on consacre plus de temps à cette affaire. Ce n'est pas clair quand elle pourra être entendue sur le fond. Comme il reste encore un certain nombre de documents à recevoir de l'employeur, il faudrait commencer par régler cette question avant de pouvoir présenter des observations sur le fond.

[209]   Il ne s'agit pas d'une affaire où il y aurait lieu de tenir une nouvelle audience. Ce sont des droits fondamentaux qui ont été violés en l'espèce plutôt que de simples droits procéduraux. C'est une affaire où il est absolument nécessaire de statuer sur la requête préliminaire.

Exposé de l'employeur

[210]   L'employeur m'exhorte lui aussi à statuer sur la requête préliminaire de la fonctionnaire s'estimant lésée. Ma décision pourrait avoir une incidence non seulement sur le processus d'enquête de l'ADRC, mais aussi sur l'ensemble de la fonction publique.

[211]   À ce jour, la CRTFP a toujours statué que les enquêtes administratives n'étaient pas assorties de droits de représentation. Or, infirmer ce principe bien établi dans la jurisprudence de la CRTFP serait lourd de conséquences.

[212]   On m'exhorte à statuer sur la requête préliminaire avant d'instruire l'affaire sur le fond afin d'aider l'employeur à plaider sa cause.

[213]   L'employeur soutient que, à première vue, le grief de licenciement (pièce E 1) ne fait nulle mention d'une violation de la convention collective. Or, comme il s'agit d'une question arbitrable, j'en aurais dès lors été saisie si le grief en avait fait état. La fonctionnaire a présenté d'autres griefs, mais le seul sur lequel je suis appelée à me prononcer en l'espèce ne porte pas sur une violation de la convention collective.

[214]   Mme Shneidman a déclaré en contre interrogatoire que c'était M. Dee qui avait rempli le formulaire de présentation du grief et préparé l'Appendice « A ». Or, si on examine à nouveau la pièce G 21, une lettre adressée à la direction relativement à l'examen du rapport « protégé », on peut voir que Mme Shneidman y soulève la question de ses droits de représentation.

[215]   M. Gordon Hawkins, représentant syndical très chevronné, a témoigné que le grief avait été renvoyé au comité régional des griefs pour obtenir son approbation avant d'être présenté à l'employeur. Il n'est venu à l'idée ni de M. Hawkins ni du comité des griefs de se pencher sur la question de la représentation syndicale avant d'autoriser Mme Shneidman à donner suite à son grief.

[216]   Il aurait pu y avoir matière à déposer un grief ou à modifier le grief à l'arbitrage, mais aussi à présenter une plainte fondée sur l'article 23 de la LRTFP. L'employeur soutient que je n'ai pas compétence pour statuer sur une plainte fondée sur l'article 23 à ce stade ci parce qu'une plainte de ce genre peut seulement être présentée par l'agent négociateur plutôt que par un fonctionnaire particulier comme Mme Shneidman.

[217]   À cet égard, l'employeur renvoie à l'affaire Buchanan c. Service correctionnel du Canada, dossier de la Commission 161 2 1199 (2001 CRTFP 128), où l'on peut lire ce qui suit au paragraphe 12 :

La plainte de M. Buchanan soulève l'importante question de savoir si la Commission a compétence pour l'instruire. En fait, les présumées omissions sur lesquelles se fonde la plainte ont trait au droit d'un employé d'être représenté au cours d'une enquête disciplinaire. Dans

Reekie c. Thomson (supra), la Commission a conclu que le paragraphe 8(1) de la Loi protège le droit d'une organisation syndicale, et non ceux d'un fonctionnaire, contre l'ingérence de l'employeur et que seule une organisation syndicale ou un représentant officiel d'une organisation syndicale peut déposer une plainte alléguant que l'employeur n'a pas respecté ce droit. Cette décision a été appliquée dans Czmola c. Garwood–Filbert (dossiers de la Commission 161–2–938, 939, 942 et 953), Feldsted c. Conseil du Trésor et Service correctionnel du Canada (supra) et Feldsted c. Alliance de la Fonction publique du Canada et Syndicat des employés du Solliciteur général (dossiers de la Commission 161–2–945, 946 et 955). Dans ces affaires, la Commission a conclu ce qui suit :

[...]

[...] Il est clair à la lecture des paragraphes 23(1) et 8(1) de la LRTFP que seule une organisation syndicale ou une personne agissant en son nom a le pouvoir légal de déposer une plainte alléguant que l'employeur est intervenu dans les affaires de l'organisation syndicale. Je souscris entièrement aux conclusions auxquelles est arrivé le commissaire Turner dans l'affaire

Reckie [sic] (supra).

[…]

[218]   L'employeur soutient que si l'agent négociateur a péché par négligence en ne présentant pas le grief pertinent ou une plainte fondée sur l'article 23, Mme Shneidman dispose d'un recours contre lui. C'est une affaire qui concerne uniquement la fonctionnaire s'estimant lésée et son agent négociateur et dans laquelle nous n'avons pas à intervenir en l'espèce.

[219]   En ce qui concerne la modification d'un grief à l'arbitrage, la Cour fédérale s'est prononcée clairement sur cette question dans l'affaire James Francis Burchill c. Le procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.F.), au paragraphe 5 :

À notre avis, après le rejet de son seul grief présenté au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, le requérant ne pouvait présenter à l'arbitrage un nouveau grief ou un grief différent, ni transformer son grief en un grief contre une mesure disciplinaire entraînant le congédiement au sens du paragraphe 91(1). En vertu de cette disposition, seul un grief présenté et réglé conformément à l'article 90 ou visé à l'alinéa 91(1)a) ou b) peut être renvoyé à l'arbitrage. À notre avis, puisque le requérant n'a pas énoncé dans son grief la plainte dont il aurait voulu saisir l'arbitre, à savoir que sa mise en disponibilité n'était, en vérité, qu'une mesure disciplinaire camouflée, rien ne vient donner à l'arbitre compétence pour connaître du grief en vertu du paragraphe 91(1). Par conséquent, l'arbitre n'a pas compétence.

[220]   Dans la décision rendue récemment dans l'affaire Schofield c. Canada (Procureur général), 2004 C.F. 622, les principes énoncés dans l'affaire Burchill, supra, sont réitérés au paragraphe 10 :

Aux termes de l'article 92 de la LRTFP, le pouvoir de l'arbitre se limite à étudier un grief qui s'inscrit dans le cadre des procédures de grief internes.

[221]   L'employeur renvoie ensuite à la décision rendue dans l'affaire Todd Boyce, 2004 CRTFP 39, au paragraphe 65 de la page 17 :

[65] Lors de l'audience, M. Rochon a aussi fait valoir que M. Boyce n'avait pas eu droit à une représentation syndicale. Aucun grief n'a été déposé à l'égard d'une infraction à l'article de la convention collective sur la représentation syndicale. Par conséquent, je ne possède pas la compétence nécessaire pour statuer sur cette allégation. Cependant, comme rien ne démontrait que la réunion portait sur des questions disciplinaires, cet article ne se serait pas appliqué de toute façon.

[222]   Comme dans l'affaire qui nous occupe, il n'y avait aucun grief alléguant violation du paragraphe 17.02. La fonctionnaire s'estimant lésée et ses représentants syndicaux se sont pourtant préoccupés de ses droits de représentation avant de déposer le grief, n'empêche qu'il n'en est fait aucune mention dans le formulaire de présentation du grief. De plus, comme aucune plainte fondée sur l'article 23 n'a été présentée par l'agent négociateur, je n'ai pas compétence pour statuer sur cette allégation.

[223]   L'employeur soutient que dans l'hypothèse où je déciderais de me saisir de cette affaire, je me dois d'examiner attentivement le paragraphe 17.02, où sont énoncés un certain nombre de critères. Le premier critère est que l'employé doit être tenu d'assister à une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant. Le deuxième critère est qu'il doit demander d'être accompagné d'un représentant syndical.

[224]   L'employeur est d'avis que l'entrevue avec Mme Shneidman n'était pas une audition disciplinaire et, deuxièmement, que la fonctionnaire n'a pas demandé d'être accompagnée d'un représentant syndical.

[225]   M. Rodrigue a déclaré qu'il n'était aucunement intervenu dans la décision de sévir contre la fonctionnaire s'estimant lésée. Le fait est, comme l'a précisé M. Collins, que seul le directeur est habilité à licencier des employés au BSFNT.

[226]   L'employeur avait le droit de chercher à établir les faits et c'est à cette fin que la fonctionnaire s'estimant lésée a été convoquée à la réunion. Une contribuable s'était plainte que son dossier avait été consulté sans autorisation. M. Rodrigue a rencontré d'autres témoins pour obtenir de l'information, de la même façon qu'il avait rencontré Mme Shneidman. Il a témoigné qu'il avait communiqué avec la fonctionnaire s'estimant lésée le 6 mars 2001 et lui avait dit qu'elle pouvait être accompagnée d'un observateur. Mme Shneidman a témoigné qu'elle avait lu et signé, le 7 mars 2001, l'avertissement lui indiquant qu'elle avait droit à la présence d'un observateur. En contre interrogatoire, elle a affirmé que M. Rodrigue ne lui avait pas interdit de se faire accompagner d'un représentant syndical. Dans le laps de temps qui s'est écoulé entre l'entretien du 6 mars 2001 avec M. Rodrigue et la réunion du 7 mars 2001, elle aurait pu décider de se faire accompagner d'un observateur et en trouver un.

[227]   En fait, Mme Sheila Merrick, gestionnaire hiérarchique de la fonctionnaire s'estimant lésée, était présente à la réunion. L'employeur renvoie au témoignage de M. Collins selon lequel c'est M. Troy et M. Collins qui ont pris la décision de sévir contre la fonctionnaire s'estimant lésée.

[228]   C'est en s'appuyant sur l'information recueillie à la réunion du 7 mars, d'une part, et sur le rapport original de la DAI, d'autre part, que la direction a décidé de sévir contre la fonctionnaire. Aucun des autres témoins ne s'est plaint qu'on lui avait refusé le droit d'être accompagné d'un représentant syndical ou que ses propos avaient été déformés. Il y avait en plus les résultats de la RPV.

[229]   Mme Shneidman a témoigné qu'elle avait été convoquée à trois ou à quatre réunions avec la direction, notamment avec M. Collins, en avril et mai 2001. Elle était accompagnée chaque fois de son représentant syndical.

[230]   Le syndicat allègue que la fonctionnaire s'estimant lésée était sous le coup d'une suspension du fait qu'on lui avait interdit l'accès au système. Aucun grief n'ayant été déposé à ce sujet, je n'ai pas à me prononcer sur cette question. M. Collins a déclaré qu'il était courant d'interdire l'accès au système dans le cas d'allégations d'accès non autorisés, car l'ADRC ne prend pas ce genre d'affaire à la légère. De plus, de telles allégations constituent des infractions criminelles en vertu de l'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Aucune accusation n'a cependant été portée contre la fonctionnaire s'estimant lésée, selon l'employeur.

[231]   En ce qui concerne la deuxième réunion avec M. Rodrigue dans l'après midi du 8 mars 2001, M. Rodrigue a témoigné que c'est à la demande de la fonctionnaire s'estimant lésée que la rencontre avait eu lieu. En contre interrogatoire, la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré que c'était possible. Elle aurait pu se faire accompagner d'un représentant syndical, mais elle a déclaré qu'elle s'y était présentée seule.

[232]   M. Hawkins a témoigné que, à l'issue de la réunion entre M. Rodrigue et la fonctionnaire s'estimant lésée, ils n'étaient pas en mesure d'infliger quelque sanction que ce soit parce que la direction n'avait pris aucune mesure concrète contre Mme Shneidman. L'employeur fait valoir que dans la fonction publique, il existe une nette différence entre le processus d'enquête administrative et les décisions disciplinaires qui s'ensuivent.

[233]   L'employeur admet que l'enquête a joué un rôle déterminant dans le choix de la sanction disciplinaire qui a ultérieurement été infligée à la fonctionnaire s'estimant lésée tout en précisant que l'enquêteur n'a aucunement pris part au processus décisionnel. L'employeur soutient que la convention collective ou la LRTFP ne contient aucune disposition reconnaissant aux employés des droits de représentation quand ils sont convoqués par la direction pour répondre à des questions concernant leur conduite dans l'exécution de leurs fonctions.

[234]   L'agent négociateur a affirmé que l'employeur s'était doté d'une politique sur la représentation syndicale durant les processus d'enquête et que M. Rodrigue en avait confirmé l'existence. Il se trouve que l'agent négociateur a invoqué ce même argument dans l'affaire Naidu c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 124. L'employeur renvoie aux paragraphes 2, 3 et 4, pages 1 et 2, puis à la page 18. On peut lire ceci au premier paragraphe des « Motifs de la décision » :

  1. Un employé a–t–il le droit d'être représenté pendant une enquête menée par l'employeur sur une faute professionnelle? […]

[235]   Pour connaître la réponse à cette question, l'employeur renvoie aux paragraphes 78 à 80, pages 27 et 28, et aux paragraphes 82, 83 et 86, pages 31, 32 et 33.

[236]   L'employeur fait valoir que le libellé de la disposition en cause dans l'affaire Naidu, supra, est très semblable à celui du paragraphe 17.02. Dans l'affaire Buchanan, supra, l'arbitre de griefs déclare ce qui suit au paragraphe 15 :

Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne le bien–fondé de la plainte de M. Buchanan, j'aimerais souligner que, en vertu de la Loi, des Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) et des clauses que l'on retrouve généralement dans les conventions collectives, un employé n'a pas le droit d'être représenté au cours d'une enquête disciplinaire : Naidu 2001 CRTFP 124 (166 34 30505) s. 71 86.

[237]   La fonctionnaire s'estimant lésée fera certainement valoir que le libellé du paragraphe 17.02 est différent de celui de la disposition en cause dans l'affaire Naidu, supra, mais le paragraphe 15 de la décision rendue dans l'affaire Buchanan, supra, permet de répondre à cet argument. Dans cette affaire, M. Tarte expose le point de vue de la CRTFP sur la question des droits de représentation durant une enquête.

[238]   Pour en venir à la question de l'examen du rapport « protégé », l'employeur affirme à nouveau que la réunion avec M. Rodrigue n'était pas de nature disciplinaire. La direction cherchait plutôt à répondre aux questions soulevées par la fonctionnaire s'estimant lésée concernant la lisibilité du rapport. La réunion n'avait pas pour but d'imposer une sanction disciplinaire ni de discuter d'une telle éventualité, mais de permettre à Mme Shneidman de prendre connaissance du rapport original.

[239]   M. Dee a témoigné qu'on ne l'avait pas empêché d'accompagner la fonctionnaire s'estimant lésée à l'examen du rapport « protégé », seulement de prendre connaissance du document. Dans les faits, il s'agit plutôt d'une question théorique car la preuve a établi que cette réunion n'avait pas eu lieu.

[240]   En ce qui concerne l'affaire Wendy Evans, supra, l'employeur prétend que c'est le seul cas où un licenciement a été déclaré nul d'emblée pour manquement à la représentation syndicale. Cette affaire se distingue clairement par cinq points. Premièrement, la fonctionnaire s'estimant lésée alléguait violation de la convention collective dans le formulaire de présentation du grief. Deuxièmement, la réunion en litige, convoquée par la direction, était de nature disciplinaire et le gestionnaire était habilité à licencier la fonctionnaire. Troisièmement, Mme Evans a expressément demandé que son représentant syndical soit présent à la réunion. Quatrièmement, la direction a informé la fonctionnaire s'estimant lésée durant la réunion qu'à défaut de démissionner, elle serait licenciée. Enfin, il est manifeste que la direction avait pris la décision de licencier la fonctionnaire avant même de la rencontrer.

[241]   L'employeur renvoie ensuite à l'affaire Tipple et le Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166–2–14758 (1985) (QL), plus particulièrement au troisième paragraphe de la page 12 et aux pages 14, 15 et 16 de la version anglaise de l'affaire. La décision de la CRTFP a fait l'objet d'un examen de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Tipple et le Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.F.), où le juge Urie a fait observer ce qui suit :

En supposant qu'il y ait eu injustice sur le plan de la procédure lorsque les supérieurs du requérant ont recueilli les déclarations de ce dernier (hypothèse dont nous doutons beaucoup), cette injustice a été entièrement réparée par l'audition de novo qui a eu lieu devant l'arbitre, où le requérant a été pleinement informé des allégations qui pesaient contre lui et où il a eu pleinement l'occasion d'y répondre. De façon plus particulière, l'arbitre n'a pas erré en droit en accordant la valeur probante qu'il considérait appropriée aux déclarations qu'il a, à bon droit selon nous, jugées recevables en preuve. La demande fondée sur l'article 28 sera rejetée

[242]   L'employeur fait valoir que dans l'hypothèse où je conclurais qu'il y a eu injustice sur le plan de la procédure en ce qui concerne l'entrevue avec Mme Shneidman ou la réunion pour examiner le rapport « protégé », cette injustice peut être entièrement réparée par la tenue d'une nouvelle audience, ainsi qu'il est précisé dans l'arrêt Tipple, supra, de la Cour fédérale.

[243]   Pour en revenir aux affaires L.A.C. citées par la fonctionnaire s'estimant lésée, ce qui les différencie de l'affaire qui nous occupe c'est qu'elles ont toutes été rendues par une autre jurisprudence. Il est manifeste qu'elles ne s'appliquent pas en l'espèce comme en témoigne le fait qu'il n'y a qu'une seule décision dans la jurisprudence de la CRTFP où un licenciement a été déclaré nul d'emblée pour manquement à la représentation syndicale. Dans le passé, la CRTFP n'a accordé peu ou pas d'importance à la jurisprudence de L.A.C. sur cette question. Il n'y a donc aucune raison de déroger à cette ligne de conduite en l'espèce.

[244]   Dans l'affaire Corporation of the City of Toronto, supra, l'entrevue avec l'employé s'estimant lésé avait eu lieu en présence des conseillers en gestion et du directeur, les personnes mêmes qui avaient infligé la sanction disciplinaire.

[245]   À la page 7 de la décision Medis, supra, est reproduit le paragraphe 10.01 de la convention collective applicable dans cette affaire. Or, le libellé de cette disposition est plus contraignant que celui de la disposition en cause en l'espèce. Il y est dit que l'employé [traduction] « doit être accompagné de son représentant syndical ».

[246]   Bref, l'employeur soutient que j'outrepasserais ma compétence si je statuais sur la question de la représentation syndicale alors que je ne suis saisi d'aucun grief en la matière.

[247]   Dans l'hypothèse où j'aurais compétence pour trancher la question, l'employeur fait valoir que les réunions du 7 et du 8 mars 2001 n'étaient pas de nature disciplinaire.

[248]   Dans les ministères fédéraux assujettis à la LRTFP et à la Loi sur la gestion des finances publiques, c'est la législation qui confère à la direction le pouvoir particulier d'imposer des sanctions disciplinaires. Ce pouvoir est délégué à certains gestionnaires et c'est en cela que la présente affaire se distingue de la jurisprudence de L.A.C., laquelle s'appuyait sur des lois et des cadres juridiques différents.

[249]   Le travail de M. Rodrigue n'est pas de gérer ou d'infliger des sanctions disciplinaires, mais de mener des enquêtes. Comme il a déjà été mentionné, on n'a jamais interdit à la fonctionnaire s'estimant lésée de se faire accompagner d'un observateur aux réunions des 7 et 8 mars 2001.

[250]   Dans l'hypothèse où il serait statué que les réunions étaient de nature disciplinaire et, dès lors, que les dispositions du paragraphe 17.02 s'appliquent, l'employeur soutient que toute injustice sur le plan de la procédure peut être réparée par la tenue d'une nouvelle audience et que toute réparation pouvant être accordée devrait être proportionnelle et directement liée au manquement allégué.

[251]   L'employeur soutient qu'il serait disproportionné d'exclure la totalité du rapport et des déclarations des témoins car toute injustice sur le plan de la procédure qu'il pourrait y avoir eu ne dépasse pas le cadre de la réunion entre M. Rodrigue et la fonctionnaire s'estimant lésée.

[252]   En définitive, la prétention de la fonctionnaire s'estimant lésée selon laquelle le licenciement doit être déclaré nul d'emblée est sans fondement.

Réfutation de la fonctionnaire s'estimant lésée

[253]   La fonctionnaire s'estimant lésée ne partage pas le point de vue de l'employeur. Les employés de la fonction publique ont les mêmes droits que ceux du secteur public. La LRTFP est libellée de la même manière que les autres lois pour ce qui touche l'exclusivité de la relation entre les syndicats et les employeurs. Lorsque les conventions collectives de la fonction publique et du secteur public sont libellées de la même façon, les droits reconnus sont aussi les mêmes.

[254]   Dans l'affaire Wendy Evans, supra, la seule décision dans laquelle la CRTFP s'est penchée sur ce principe fondamental, le résultat cadre avec la thèse du syndicat en l'espèce.

[255]   La question qui retient notre attention en l'espèce ne concerne nullement l'équité procédurale, au contraire de l'affaire Tipple, supra, mais plutôt les droits fondamentaux de représentation. Il ne s'agit pas d'une question d'application régulière de la procédure lors d'une entrevue, mais de la violation de droits fondamentaux.

[256]   Il se peut que la fonctionnaire s'estimant lésée ait mal interprété la décision Wendy Evans, supra, mais rien n'indique que la fonctionnaire en cause a présenté un grief sur la question de la représentation. L'employeur confond les questions quand il affirme que la fonctionnaire s'estimant lésée aurait dû déposer un grief pour contester la violation de ses droits à une procédure régulière.

[257]   Sans vouloir remettre en cause la décision rendue dans l'affaire Boyce, supra, il faut bien dire que le droit est fonction des faits. Au paragraphe 65, on admet qu'il n'existe aucune preuve que la réunion était de nature disciplinaire. Les faits de l'affaire Boyce, supra, sont différents de ceux en espèce.

[258]   La fonctionnaire s'estimant lésée renvoie à la page 8 de l'affaire Riverdale, supra, et à l'affaire Valdi Food (1991), 16 L.A.C. (4th) 318. Dans cette affaire, la question de la représentation a été soulevée le matin même de l'audience, pas avant. Il a été statué que les droits fondamentaux à une procédure régulière n'étaient pas une question de procédure à laquelle on peut renoncer et que la violation de ces droits pouvait être réparée à n'importe quel moment.

[259]   En l'espèce, la fonctionnaire s'estimant lésée et l'agent négociateur ont soulevé la question de la représentation dans le contexte de l'examen du rapport « protégé », avant le licenciement, c'est à dire avant que Mme Shneidman dépose son grief. Il n'y a donc aucun élément de surprise puisque la question a été soulevée d'entrée de jeu.

[260]   L'employeur a formulé quelques observations au sujet d'une plainte fondée sur l'article 23 dans l'affaire Buchanan, supra. Or, dans un contexte de ce genre, l'employé n'a pas qualité pour agir; il lui faut présenter un grief, et c'est exactement ce que la fonctionnaire a fait en l'espèce.

[261]   L'employeur soutient qu'aucune convention collective ou loi en vigueur dans la fonction publique ne reconnaît expressément des droits de représentation aux employés qui sont convoqués à une réunion par l'employeur. C'est faux s'il s'agit d'une audition disciplinaire ou d'une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire. Les faits sont importants et c'est pourquoi l'affaire Riverdale, supra, doit être prise en considération.

[262]   Les faits de l'affaire Naidu, supra, sont quant à eux différents, car le libellé de la clause 33.03 en litige est très différent.

[263]   Pour ce qui est des arguments concernant l'examen du rapport « protégé », il n'y a jamais eu de réunion avec l'employeur où les droits de la fonctionnaire s'estimant lésée ont été pris en considération. Les réunions ont eu lieu le 1er, le 10 et le 18 mai 2001. Elles étaient de nature disciplinaire et la sanction disciplinaire a été infligée lors de la dernière. Par ailleurs, les réunions du 1er et du 10 mai 2001 ont porté exclusivement sur le rapport de M. Rodrigue, l'employeur s'efforçant par des moyens détournés d'obtenir une réponse de la fonctionnaire s'estimant lésée. Si l'employeur était sincère en insistant pour obtenir une réponse à un rapport dont il refusait l'accès au syndicat, on ne peut qu'en conclure que les droits de la fonctionnaire ont été violés.

[264]   La fonctionnaire s'estimant lésée ne partage pas le point de vue l'employeur pour ce qui touche les cinq aspects qui distinguent l'affaire Wendy Evans, supra. La réunion avec M. Rodrigue a été convoquée par un gestionnaire relevant d'une personne qui était habilitée à licencier du personnel. Peu importe comment l'employeur a décidé de mener son enquête, quand un gestionnaire de première ligne et une personne comme M. Rodrigue convoquent une personne, il s'agit très certainement d'une réunion de nature disciplinaire, surtout lorsque la direction s'empresse de donner suite aux conclusions du rapport. L'employeur aurait pu avoir un argument valable s'il n'avait pas tenu compte du rapport et si les faits étaient différents.

[265]   En ce qui concerne l'argument de l'employeur selon lequel la fonctionnaire en cause dans l'affaire Wendy Evans, supra, avait expressément réclamé la présence d'un représentant syndical, il se trouve que Mme Shneidman s'est informée à ce sujet mais qu'on lui a répondu que ce n'était pas nécessaire.

[266]   L'employeur prétend que la réunion n'avait pas pour but de rendre une décision concernant une mesure disciplinaire, au contraire de l'affaire Wendy Evans, supra. Cet argument pourrait davantage se justifier si le libellé du paragraphe 34.03 dans l'affaire Wendy Evans, supra, était identique à celui du paragraphe 17.02, lequel mentionne expressément les auditions disciplinaires.

[267]   En faisant une distinction avec l'affaire Wendy Evans, supra, l'employeur soutient que la direction avait déjà pris la décision de licencier la fonctionnaire quand la réunion a eu lieu. En l'espèce, on sait que l'employeur avait pris la décision de licencier Mme Shneidman le 10 avril 2001 et que les réunions ont eu lieu en mai. La pièce G 14 montre que si la direction n'avait pas pris la décision de licencier la fonctionnaire, elle avait pris celle de lui infliger une sanction disciplinaire.

[268]   L'échange de notes de service entre M. McCaie et M. Burke le 18 avril 2001 montre que la lettre de licenciement a été rédigée cinq jours avant que la fonctionnaire s'estimant lésée prenne connaissance de la copie expurgée du rapport.

[269]   Dans la décision Buchanan, supra, les observations générales sur la question de la représentation sont de nature incidente et ne sont pas fondées sur les faits de l'affaire. La CRTFP y renvoie à l'affaire Naidu, supra, dans laquelle la convention collective ne reconnaissait pas de droits de représentation sauf dans le cas de sanctions disciplinaires. Ce que dit l'arbitre de griefs c'est que la plupart des conventions collectives, comme celle dont il question dans l'affaire Naidu, supra, ne reconnaissent pas de droits de représentation aux employés dans le cas d'une enquête disciplinaire; or, ce n'est pas le cas en l'espèce.

[270]   En ce qui concerne la décision Schofield, supra, qui porte sur l'application de la décision Burchill, supra, la fonctionnaire s'estimant lésée soutient que l'employeur passe à côté de la question car un droit fondamental ne peut pas être matière à grief.

Motifs de décision

[271]   Étant donné que les deux parties étaient d'accord pour que je statue sur la requête préliminaire mais n'étaient pas prêtes à faire valoir immédiatement leurs arguments au fond, j'ai accepté d'ajourner l'audience pour rendre une décision écrite et informé les parties que dans l'éventualité où des audiences supplémentaires seraient nécessaires, il leur faudrait probablement présenter leurs observations devant un autre arbitre de griefs car mon mandat tirait à sa fin.

[272]   La première question que je suis appelée à trancher est de savoir si j'ai compétence pour statuer sur la requête préliminaire.

[273]   Le 23 juillet 2003, l'AFPC a renvoyé à l'arbitrage, conformément à l'alinéa 92(1)c) de la Loi, le grief de Mme Shneidman, qui est libellé comme suit :

[Traduction]

B   ÉNONCÉ DU GRIEF

Je conteste la lettre de licenciement signée par M. Gerry Troy, qui m'a été remise par M. Don Collins le 18 mai 2001. Je soutiens que la décision de me licencier est non justifiée, déraisonnable, excessive et qu'elle est fondée sur des motifs injustes, déraisonnables et insuffisants.

C   MESURES CORRECTRICES DEMANDÉES

Voir l'Appendice « A »

APPENDICE « A »

JE VEUX ÊTRE RÉINTÉGRÉE DANS MON POSTE D'AGENTE D'ENQUÊTE — NON–DÉCLARANTS, GROUPE ET NIVEAU PM 2, À COMPTER DU 18 MAI 2001.

JE VEUX QUE TOUS LES DOCUMENTS FAISANT RÉFÉRENCE À MON LICENCIEMENT ET AUX AUTRES QUESTIONS CONNEXES SOIENT RETIRÉS DE TOUS LES DOSSIERS DANS LESQUELS ILS ONT ÉTÉ VERSÉS ET DÉTRUITS EN MA PRÉSENCE.

JE VEUX ÊTRE INDEMNISÉE POUR LES PERTES SUBIES AU TITRE DE LA RÉMUNÉRATION ET DES AVANTAGES ET OBTENIR TOUTE AUTRE RÉPARATION JUGÉE NÉCESSAIRE POUR M'INDEMNISER INTÉGRALEMENT.

[274]   L'alinéa 92(1)c) indique clairement qu'un « licenciement » peut être matière à arbitrage. Il ne fait aucun doute que le grief de licenciement de Mme Shneidman m'a été présenté à bon droit, mais est ce que son libellé me permet de conclure que le licenciement était nul d'emblée? Je crois que oui. Le texte du grief est clair et suffisamment général pour englober une contestation de la validité de la mesure disciplinaire en raison du non respect des garanties contractuelles d'une procédure régulière. Mme Shneidman conteste clairement la décision de la licencier et comme mesure corrective, elle demande notamment que lui soit accordée toute autre réparation jugée nécessaire pour l'indemniser intégralement.

[275]   Le grief est libellé de telle façon qu'il englobe tout argument contestant la validité du licenciement, y compris la prétention selon laquelle il était nul d'emblée en raison du non respect des garanties contractuelles d'une procédure régulière.

[276]   L'autre question que je dois trancher est celle de savoir s'il y a eu atteinte aux droits fondamentaux de représentation de Mme Shneidman. Le paragraphe 17.02 de la convention collective est libellé comme suit :

17.02

Lorsque l'employé–e est tenu d'assister à une audition disciplinaire ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, l'employé–e a le droit, sur demande, d'être accompagné d'un représentant de l'Alliance à cette réunion. Dans la mesure du possible, l'employé–e reçoit au minimum une journée de préavis de cette réunion.

[277]   La disposition prévoit clairement deux types de réunion, à savoir une « audition disciplinaire » et une « réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant ».

[278]   Dans l'affaire qui nous occupe, le litige porte essentiellement sur le sens à attribuer à la notion d'« audition disciplinaire », dont on ne trouve aucune définition dans la convention collective. Le dictionnaire définit notamment le mot hearing [audition] comme [traduction] « l'occasion de présenter sa cause ». Il lui attribue aussi comme troisième sens [traduction] « l'action d'écouter les témoignages, s'agissant surtout d'un procès devant seulement un juge ».

[279]   La réunion entre Mme Shneidman et M. Rodrigue constitue t elle une « audition disciplinaire »? L'employeur dit qu'il s'agissait d'une enquête. M. Rodrigue a témoigné au sujet de son rôle comme enquêteur et déclaré que le mandat de sa division était de faire la lumière sur les allégations de conduite répréhensible de la part d'employés. Il a également indiqué que les plaintes sont acheminées par la direction à la DAI et qu'il y a des discussions entre le gestionnaire et le directeur de la DAI avant que les dossiers soient attribués au hasard.

[280]   M. Collins a témoigné au sujet de la politique en matière de discipline de l'ADRC en précisant que seul le directeur du BSFNT était habilité à licencier des employés.

[281]   La politique en matière de discipline de l'ADRC ne définit pas ce qu'est une audition disciplinaire. Le seul endroit où l'expression est utilisée c'est dans le chapitre portant sur le processus disciplinaire. Dans la section « A » décrivant les rôles et responsabilités, il y a un paragraphe– d) – sur les syndicats où l'on fait référence aux droits reconnus par la convention collective. Il y est écrit que [traduction] « [...] l'employé qui fait partie d'une unité de négociation a le droit d'être accompagné de son représentant local lorsqu'il est convoqué à une audition disciplinaire le concernant [...] »

[282]   Nulle part dans la politique est il précisé comment, quand et dans quelles conditions les auditions disciplinaires se déroulent, mais on consacre une section complète au processus d'enquête et une autre à la recherche préliminaire des faits. Le premier paragraphe de la section sur les enquêtes concorde avec le témoignage de M. Rodrigue. On peut y lire ceci :

[Traduction]

S'il est déterminé à l'issue d'une recherche préliminaire des faits que la faute de conduite alléguée nécessite la tenue d'une enquête, le directeur local, en collaboration avec la Division des affaires internes, détermine qui sera chargé de mener l'enquête.

Plus loin, il est écrit que la personne chargée d'une enquête doit notamment [traduction] « interroger le ou les employés visés par l'allégation de mauvaise conduite » et [traduction] « préparer un rapport factuel [...] à l'intention du gestionnaire délégué, qui détermine ensuite la mesure qu'il convient de prendre. »

[283]   Au paragraphe c) de la section portant sur les droits et obligations des employés, il y a deux paragraphes intéressants, reproduits ci après, qui nous donnent à penser que les entrevues s'inscrivant dans le cadre d'une enquête sont peut être en fait des auditions disciplinaires :

[Traduction]

c)   Droits et obligations des employés

L'employé qui fait l'objet d'une enquête a le droit d'être présumé innocent jusqu'à preuve du contraire. Par conséquent, il a le droit d'être mis au courant des détails de l'affaire, d'y répondre et de réfuter toutes les allégations, ainsi que d'être informé des conséquences d'une conclusion de mauvaise conduite. L'employé faisant l'objet d'une enquête, et les autres employés, sont tenus de collaborer pleinement avec l'enquêteur désigné durant le processus d'enquête. Le contenu du rapport d'enquête doit être communiqué à l'employé, auquel on doit accorder une dernière possibilité de répondre aux conclusions lors d'une réunion avec le gestionnaire qui aura charge de recommander ou de déterminer la sanction disciplinaire à infliger.

Les discussions avec l'employé doivent se dérouler dans un lieu privé. Toutes les communications écrites revêtent un caractère confidentiel. L'obligation de tenir les réunions en privé n'exclut pas la présence d'un représentant syndical ou d'un autre particulier agissant comme observateur (à la condition qu'il ne fasse pas partie des témoins ou ne soit pas concerné par l'enquête) à la demande de l'employé. Celui ci peut consulter le particulier, qui n'a toutefois pas le droit de prendre la parole en son nom.

[284]   Il y a un autre fait important dans la pièce E 4, où l'on peut lire ce qui suit aux 6e et 7e points vignettes :

[Traduction]

  • l'objet de l'entrevue ne s'inscrit pas dans le cadre d'une poursuite criminelle mais dans celui d'une enquête administrative et [...] les faits sont rassemblés pour établir s'il y a eu faute de conduite ou non;

  • toute information fournie par eux peut être utilisée dans le cadre d'un processus disciplinaire.

[285]   Ces faits me convainquent que l'enquête de M. Rodrigue était de nature disciplinaire et que l'entrevue avec Mme Shneidman avait pour but de lui permettre de répondre aux allégations de mauvaise conduite qui pesaient contre elle. Je conclus dès lors qu'une enquête disciplinaire, qui englobe des réunions avec un employé pour lui permettre de répondre à une allégation de mauvaise conduite, doit être considérée comme une « audition disciplinaire le concernant ».

[286]   Les faits de la présente affaire me convainquent également qu'il s'agissait d'une audition disciplinaire parce que le fondé de pouvoir a tenu compte du rapport de M. Rodrigue pour licencier Mme Shneidman.

[287]   L'employeur est habilité par la loi à structurer son organisation comme il l'entend. L'équipe de gestion de l'ADRC a choisi de déléguer certaines fonctions à certains secteurs en tenant compte de certaines spécialisations. L'employeur a le droit de procéder de la sorte, mais il ne peut invoquer cette prérogative pour se dérober à ses obligations contractuelles. Peu importe qui dirige l'audition disciplinaire, les droits prévus par la convention collective continuent de s'appliquer. M. Rodrigue et Mme Sheila Merrick, gestionnaire, interrogeaient Mme Shneidman pour le compte de M. Troy, directeur du BSFNT, qui s'est appuyé sur le rapport d'enquête pour rendre sa décision.

[288]   La convention collective de Mme Shneidman stipule qu'elle « a le droit, sur demande, d'être accompagné[e] d'un représentant de l'Alliance à cette réunion ». La preuve non contredite établit clairement que Mme Shneidman a demandé si elle devait être accompagnée d'un représentant syndical et qu'on lui a répondu que ce n'était pas nécessaire vu qu'il n'aurait pas le droit de prendre la parole.

[289]   Cette réponse allait à l'encontre de la politique en matière de discipline et de la convention collective. Certes, le représentant syndical ne peut répondre aux questions à la place de l'employé qu'il représente, mais l'employé représenté peut certainement consulter son représentant quand on l'interroge. Le représentant syndical peut aussi s'assurer que les questions sont claires et dépourvues d'ambiguïté et qu'elles sont comprises par l'employé. Son rôle est de s'assurer que les entrevues sont menées de façon régulière.

[290]   La question de Mme Shneidman doit elle être considérée comme une demande pour être accompagnée d'un représentant syndical? Je me dois de répondre à cette question par l'affirmative. La réponse de l'enquêteur visait clairement à décourager toute tentative de la part de la fonctionnaire s'estimant lésée d'obtenir le soutien de son syndicat.

[291]   M. Collins s'est lui aussi employé à dissuader Mme Shneidman de solliciter l'appui de son syndicat en l'empêchant d'examiner le rapport d'enquête en compagnie de son représentant syndical. La preuve établit hors de tout doute que l'employeur lui a refusé l'accès au rapport d'enquête original. Les motifs invoqués par l'employeur me laissent d'ailleurs perplexe. Quantité d'employés du service des relations de travail de l'employeur ont eu accès au rapport sans que la direction y voit quelque manquement à l'obligation de protéger les renseignements confidentiels sur les contribuables. Or, sa réaction est totalement différente dès qu'il s'agit d'un employé de l'ADRC agissant pour le compte du syndicat. Cela ne fait pas de sens. On permettait à Mme Shneidman de se faire accompagner d'un observateur ou d'un représentant syndical, lequel avait le droit d'entendre ou d'examiner toute l'information confidentielle sur les contribuables durant l'entrevue, mais pas celui de prendre connaissance du rapport d'enquête. Je ne comprends pas la logique de l'employeur dans cette affaire.

[292]   En avril et mai 2001, l'employeur voulait que la fonctionnaire s'estimant lésée réponde au rapport d'enquête; il a clairement admis que cette demande s'inscrivait dans le processus de l'audition disciplinaire, mais il a refusé que le représentant syndical prenne connaissance du rapport. Or, ce rapport était l'élément clé de la réunion et empêcher le représentant syndical d'en prendre connaissance équivalait à lui interdire d'assister à une partie de la réunion, ce qui était également contraire aux dispositions du paragraphe 17.02 de la convention collective.

[293]   La question que je dois maintenant trancher est celle de savoir si une violation du paragraphe 17.02 constitue un manquement au principe de l'équité procédurale ou une atteinte à des droits fondamentaux.

[294]   Les faits de la présente affaire sont différents de ceux de l'affaire Tipple, supra. Dans cette affaire, il a été établi qu'aucun droit fondamental n'avait été violé et l'arbitre de griefs a aussi conclu que l'enquête « avait été équitable envers son employé [...] et n'avait enfreint aucune règle pertinente » (quatrième paragraphe des « Motifs de la décision », à la page 39). La Cour fédérale était plutôt saisie d'un manquement au principe de l'équité procédurale, qui appelle comme réparation la tenue d'une nouvelle audience.

[295]   La question de la violation des droits fondamentaux a été examinée par la CRTFP dans l'affaire Wendy Evans, supra, qui est ultérieure à l'affaire Tipple, supra. L'arbitre de griefs a déclaré ce qui suit à la page 11 :

Dans de telles circonstances, le droit d'être représenté est un droit fondamental, et une atteinte à ce droit ne peut être réparée plus tard grâce à une audience de novo. Contrairement à l'arrêt Tipple (Cour d'appel fédérale A–66–85), la présente affaire ne porte pas simplement sur l'équité de la procédure.

[296]   Je partage entièrement ce point de vue.

[297]   Il est intéressant de noter que le commissaire qui a tranché l'affaire Wendy Evans, supra, est celui là même qui a entendu l'affaire Buchanan, supra. Dans cette décision, il formule une remarque incidente en renvoyant aux principes énoncés dans Naidu, supra. La disposition de la convention collective en cause dans l'affaire Naidu, supra, qui semblait être la clause type dans la fonction publique, est différente de celle dont il est question en l'espèce.

[298]   L'employeur en cause dans l'affaire Naidu, supra, est le même qu'en l'espèce, mais l'agent négociateur est différent. On peut juste tenir pour acquis que les droits fondamentaux reconnus par la convention collective en l'espèce sont plus étendus que ceux dont il est question dans l'affaire Naidu, supra, puisque le libellé est différent et plus général.

[299]   Dans l'affaire Naidu, supra, l'arbitre de griefs reconnaît, au paragraphe 79, les restrictions de la clause 33.03 en faisant observer ce qui suit :

Les réunions d'enquête et les réunions au cours desquelles on demande à des employés de motiver leur conduite sont monnaie courante dans les lieux de travail. Si les parties avaient eu l'intention de faire en sorte que les dispositions de la convention collective comprennent le droit de représentation à ces réunions ou à toute réunion entre l'employeur et ses employés, collectivement ou individuellement, elles n'auraient eu qu'à inclure ce droit dans la convention. Pour en arriver à la conclusion que je ne retiendrai pas l'interprétation que le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé aurait voulu que je confirme, j'ai tenu compte du mécanisme général de règlement des griefs que prévoient la convention collective et les lois et règlements ainsi que des principes généraux d'interprétation. J'ai aussi tenu compte des traditionnelles prérogatives des employeurs et déterminé que ni la formulation de la convention collective ni le libellé des dispositions législatives applicables ne modifient ces prérogatives en l'espèce. En dernier lieu, j'ai tenu compte des décisions sur lesquelles s'est fondé le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé.

[300]   Au paragraphe 17.02, les réunions ou entrevues où le gestionnaire ou son représentant demandent à des employés d'expliquer leur conduite sont englobées dans la phrase « Lorsque l'employé–e est tenu d'assister à une audition disciplinaire le concernant ».

[301]   L'affaire Boyce, supra, ne porte pas sur une question de sanction disciplinaire, mais sur un renvoi en cours de stage. L'arbitre de griefs en est arrivé à la conclusion que « rien ne démontrait que la réunion portait sur des questions disciplinaires ». Cette décision ne s'applique pas en l'espèce vu que les réunions avec Mme Shneidman portaient sur des allégations de mauvaise conduite.

[302]   La dernière question sur laquelle je dois me pencher est celle de la réparation qu'il convient d'appliquer quand il y a eu violation des droits fondamentaux d'une employée dans le cadre d'un processus disciplinaire. Dans l'affaire qui nous occupe, la décision de licencier la fonctionnaire s'estimant lésée a été prise en grande partie après examen du rapport d'enquête, dont l'analyse et les conclusions étaient fondées sur ce qui s'était dit lors de l'entrevue avec la fonctionnaire. La tenue d'une nouvelle audience ne pourrait pas réparer le préjudice subi par Mme Shneidman, même si le rapport était exclu de la preuve. Je souscris aux observations formulées par l'arbitre Tarte dans l'affaire Wendy Evans, supra : « Dans de telles situations, la jurisprudence arbitrale veut qu'une mesure disciplinaire imposée de la sorte soit déclarée nulle d'emblée. » Le grief de Mme Shneidman est dès lors accueilli.

[303]   Mme Shneidman doit être réintégrée dans ses fonctions à compter du 18 mai 2001, date de son licenciement.

[304]   On m'a demandé de réserver ma décision aux fins de la mise en ouvre de toutes les réparations mentionnées dans le grief. Je ne le ferai pas, pour la bonne raison que j'aurai terminé mon mandat lorsque la présente décision sera publiée. J'ordonne dès lors que les parties se réunissent et décident de quelle manière les mesures correctrices seront appliquées et quels montants seront versés à la fonctionnaire s'estimant lésée au titre de la rémunération et des avantages perdus. Rien ne les empêche de se prévaloir des services de médiation de la Commission, mais je n'entends pas réserver ma décision dans cette affaire. Mme Shneidman doit être indemnisée au titre de la rémunération et des avantages perdus comme s'il n'y avait pas eu de licenciement. Il faut déduire des montants qui lui seront versés la rémunération et le revenu qu'elle a gagnés depuis son licenciement et tenir compte aussi, le cas échéant, des périodes pendant lesquelles Mme Shneidman s'est volontairement retirée du marché du travail. Il faut aussi supprimer des dossiers de Mme Shneidman tout document se rapportant à cette sanction disciplinaire et aux questions connexes.

[305]   Je suis consciente qu'il s'est écoulé plus de trois ans depuis le licenciement de Mme Shneidman et je constate avec stupéfaction qu'il a fallu deux ans à l'ADRC pour répondre au grief, selon toute apparence, avec la bénédiction de l'agent négociateur. En bout de ligne, ce sont les contribuables qui vont faire les frais de cette nonchalance, mais ce genre de question n'est pas de mon ressort. Je peux juste souhaiter que les parties feront le nécessaire pour réviser les paragraphes 18.13 et 18.23 de leur convention collective et qu'on fera de même avec l'article 76 du Règlement et règles de procédure de la CRTFP.

[306]   En résumé, le licenciement de Mme Shneidman est déclaré nul d'emblée au motif que ses droits fondamentaux de représentation ont été violés; son grief est dès lors accueilli.

Evelyne Henry,
commissaire

OTTAWA, le 9 septembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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