Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Calcul du taux de rémunération - Promotion de CR-04 à FI-01 au cours de la période de rétroactivité de la convention collective des FI - Reclassification rétroactive de CR-04 à CR-05 au cours de la période de rétroactivité de la convention collective des FI - Méthode de calcul - Rajustement rétroactif du traitement - la fonctionnaire s'estimant lésée avait été promue de CR-04 à FI-01 au cours de la période de rétroactivité de la nouvelle convention collective des FI, et son traitement avait été calculé en conséquence - par la suite, elle a été informée que son ancien poste de CR-04 avait été reclassifié rétroactivement CR-05 à une date antérieure à sa nomination comme FI-01 - l'employeur maintenait que l'application du principe établi dans Lajoie (infra) justifiait sa décision de refuser d'augmenter le traitement de l'intéressée comme FI-01 - il s'agissait de décider si la reclassification rétroactive aurait dû être prise en compte dans le calcul du traitement de la fonctionnaire s'estimant lésée à sa promotion - l'arbitre a jugé que c'était le cas - les faits étaient différents dans cette affaire de ceux dans Lajoie (infra) - comme la responsabilité de la classification incombe entièrement à l'employeur et que c'est lui qui avait mal classifié le poste de la fonctionnaire s'estimant lésée, il devait corriger intégralement son erreur - la situation dans cette affaire était plus proche de celle qu'on avait constatée dans Buchmann (infra). Grief accueilli. Décisions citées :Canada (Procureur général) c. Lajoie, [1992] 149 N.R. 223; Bethell c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP no 166-2-22225 (1993) (QL); Buchmann c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 14; Tyrell c. Conseil du Trésor (Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2003 CRTFP 11; Copeland c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 19.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-08-05
  • Dossier:  166-2-32637
  • Référence:  2004 CRTFP 108

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique




ENTRE

MARYON GRANT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire)


employeur



Devant:   Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée :  Chris Rootham, avocat, Association des gestionnaires financiers de la fonction publique

Pour l'employeur :   Rosalie Armstrong, avocate


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 11 février 2004.


[1]    Maryon Grant conteste la décision de la direction rendue le 18 février 2003 relativement à son taux de rémunération au moment de sa promotion, qui, selon elle, contrevient à l'article 55 de la convention collective et à la « Politique sur les conditions d'emploi » (PCE) (pièce G-4, onglet B). Son grief a été déposé contre l'employeur le 18 mars 2003 et a été renvoyé en arbitrage devant la Commission le 12 août 2003. La fonctionnaire s'estimant lésée a demandé un nouveau calcul de son taux de rémunération et le paiement rétroactif de toutes les différences applicables au titre du salaire et des avantages sociaux.

[2]    Les parties ont convenu d'un exposé des faits, qui a été déposé sous la pièce G-4, et qui est ainsi rédigé :

[Traduction]

  1. Le 19 août 2002, Maryon Grant (« la fonctionnaire s'estimant lésée ») a été nommée à un poste de CR-04 pour une durée indéterminée au ministère de la Santé et a été placée à l'échelon maximal de l'échelle salariale de ce groupe, soit 39 349 $. (Pièce G-2, Annexe « A »)

  2. Le 23 septembre 2002, la fonctionnaire s'estimant lésée a été nommée pour une durée indéterminée à un poste de FI-01 au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire au salaire de 42 419 $. (Pièce G-4, Annexe « A ») C'était le troisième échelon de neuf dans l'échelle salariale des FI-01, soit : 38 828 $; 40 623 $; 42 419 $; 44 216 $; 46 009 $; 47 807 $; 49 603 $; 51 398 $; 53 400 $.

  3. Lorsqu'elle a été nommée FI-01, le taux de rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée a été établi conformément au Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique. (Pièce G-4, annexe « B »). Lorsque l'article 24 du Règlement a été appliqué, son taux de rémunération de FI-01 a été calculé à 42 419 $, suivant le taux de la rémunération qu'elle recevait comme CR-04, soit 39 349 $. (Pièce G-1, Annexe « A »)

  4. Les dispositions de la convention collective des FI ont expiré le 6 novembre 2001.

  5. Le 1er novembre 2002, la convention collective du groupe Gestion financière (FI) d'employés a été signée et les taux annuels de rémunération ont pris effet en date du 7 novembre 2001. Les taux de rémunération sont inscrits à la rangée A : 39 915 $; 41 760 $; 43 607 $; 45 454 $; 47 297 $; 49 146 $; 50 992 $; 52 837 $; $54,895. (Pièce G-3, Annexe « A »)

  6. À la suite de la révision des taux de rémunération, le salaire de FI-01 de la fonctionnaire s'estimant lésée a été rajusté à 43 607 $ rétroactivement au 23 septembre 2002, alors qu'elle a commencé à travailler comme FI-01. C'était le troisième de neuf échelons de l'échelle salariale des FI-01.

  7. Le 7 janvier 2003, la fonctionnaire s'estimant lésée a été informée par lettre que bien qu'elle était auparavant CR-04, elle avait été nommée à un poste de CR-05 rétroactivement au 19 août 2002. (Pièce G-4, Annexe
    « C »)

  8. Par conséquent, la fonctionnaire s'estimant lésée a été payée pour l'écart de salaire entre un CR-04 et un CR-05 du 19 août 2002 au 20 septembre 2002, soit le jour ouvrable ayant précédé immédiatement sa nomination au poste de FI-01 au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Son taux de rémunération au niveau CR-05 s'établissait à 40 935 $. (Pièce G-2, Annexe
    « A »)

  9. L'employeur a de nouveau calculé le salaire de FI-01 de la fonctionnaire s'estimant lésée en fonction de l'Annexe « A » de la convention collective du groupe d'employés FI qui a été signée le 1er novembre 2002 et de son salaire de CR-05 au ministère de la Santé en appliquant la « Règle du taux de rémunération à la promotion » énoncée à l'alinéa 24(1)a) du Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique. À la suite des calculs de l'employeur, le salaire de la fonctionnaire s'estimant lésée est demeuré à 43 607 $.

[3]    Pierrette Lemay, qui est analyste de politique au Conseil du Trésor, a expliqué à la Commission comment l'employeur a calculé les rajustements salariaux dans le dossier actuel. Le volume « L'administration de la paye » couvre différentes modifications au taux de rémunération résultant de promotions, de rétrogradations, de mutations ou de situations particulières. Lorsqu'il y a promotion, le volume « L'administration de la paye » précise ce qui suit :

Promotion

Si la promotion constitue une promotion, l'employé a droit au taux de rémunération qui se rapproche le plus du taux de rémunération qu'il recevait immédiatement avant sa nomination et qui lui assure une augmentation au moins égale à la plus faible augmentation prévue pour le poste, lorsque ce dernier comporte plus d'un taux de rémunération. (Alinéa 24(1) du Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique RCEFP) . (Pièce E-2)

[4]    Le Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique (RCEFP) est ainsi rédigé :

Taux de rémunération à la promotion

24. (1) La nomination d'un employé désigné à l'article 23 constitue une promotion lorsque le taux de rémunération maximal applicable au poste auquel cette personne est nommée dépasse le taux de rémunération maximal applicable au niveau de titularisation de l'employé avant cette nomination :

a)  d'un montant au moins égal à la plus faible augmentation prévue pour le poste auquel elle est nommée, lorsque le poste comporte plus d'un taux de rémunération; ou

b)  d'un montant au moins égal à quatre pour cent du taux maximal pour le poste qu'elle occupait immédiatement avant cette nomination, lorsque le poste auquel elle est nommée ne comporte qu'un seul taux de rémunération.

24. (2) Sous réserve des articles 27 et 28, à la promotion, le taux de rémunération sera le taux le plus proche du taux de rémunération auquel l'employé avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant la nomination qui lui vaut une augmentation tel que stipule le paragraphe 1) du présent article; ou d'un montant au moins égal à quatre pour cent du taux maximal pour le poste auquel il est nommé, lorsque la rémunération du poste auquel se fait la nomination est fondée sur le rendement.

[5]    L'employeur a appliqué le principe précisé par la Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Lajoie , [1992] A.C.J. no 1019, (1992) 149 N.R. 223. Ce principe sera expliqué dans la section sur l'argumentation de la présente décision.

[6]    Dans son témoignage, Mme Lemay a précisé le calcul effectué par l'employeur pour établir le salaire de départ comme FI le 23 septembre 2002 de la façon suivante :

Étape 1

Salaire de CR-04 (échelon maximal)   39 349 $
Augmentation FI-1 (pièce E-3, Annexe « A »)     1 793 $
Total de    41 142 $

Étape 2

Le taux de rémunération de l'échelle salariale des FI-01 le plus rapproché du total de 41 142 $ sans y être inférieur est de 42 419 $ au troisième échelon des taux expirés des FI de la ligne « de ». (Pièce E-3, Annexe « A »)

[7]    L'employeur a fait le calcul suivant pour voir si la reclassification de janvier 2003 de CR-04 à CR-05 modifierait le salaire de départ à titre de FI-01 :

Étape 1

Salaire de CR-05 (après reclassification)   40 935 $
Augmentation de FI (mise à jour de la ligne « A » (pièce G-3, Annexe « A »)     1 843 $
Total de   42 778 $

Étape 2

Le taux de rémunération de l'échelle salariale des FI-01 le plus rapproché du total de 42 778 $ sans y être inférieur est de 43 607 $ à la ligne « A ». (Pièce G-3, Annexe « A »)

[8]    Le taux de rémunération retenu de 43 607 $ est le même taux de rémunération que celui que reçoit Mme Grant depuis le rajustement salarial fondé sur la nouvelle convention collective des employés du groupe Gestion financière (FI) (ayant pris effet en date du 7 novembre 2001). Ce rajustement salarial rétroactif effectué après la conclusion de la nouvelle convention collective, le 1er novembre 2002, est expliqué dans l'exposé conjoint des faits (paragraphe 6 de la pièce G-4). Par conséquent, la reclassification de CR-04 à CR-05 ne modifierait pas le salaire de départ à titre de FI-01.

[9]    Le 7 novembre 2002, le salaire de Mme Grant régi par les taux de rémunération des FI a été révisé à la hausse à 44 697 $. Une augmentation automatique a porté son salaire à 46 590 $ le 23 septembre 2003. Une révision salariale prévue le 7 novembre 2003 a fait augmenter son salaire à 47 662 $ (pièce E-3).

Argumentation

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[10]    L'alinéa 24(1) a) de la PCE (pièce G-4, onglet B) précise que Mme Grant devrait recevoir un montant équivalent à au moins la plus faible augmentation de salaire applicable au poste auquel elle a été nommée. La décision Lajoie, supra , explique comment effectuer un nouveau calcul d'un taux de rémunération lorsqu'un rajustement rétroactif s'applique au nouveau poste. Le nouveau calcul du taux de rémunération devrait être effectué en fonction du nouveau salaire afin de s'appliquer rétroactivement à l'échelle salariale donnée à l'employé à la date de sa promotion. Dans le présent dossier, l'employeur devrait avoir calculé l'augmentation du salaire de Mme Grant, en considérant son salaire de CR-05 et ajoutant les augmentations annuelles applicables à partir de l'échelle salariale FS de la convention collective en vigueur à la date de sa promotion.

[11]    La décision rendue dans Buchmann et Agence des douanes et du revenu du Canada , 2002 CRTFP 14, décrit comment effectuer un nouveau calcul du taux de rémunération lorsqu'un rajustement salarial rétroactif devrait être appliqué au poste détenu par l'employé avant sa promotion. Quand un fonctionnaire est promu pendant la période de rétroactivité d'une convention collective applicable au poste qu'il quitte, son taux de rémunération dans son nouveau poste doit être calculé de nouveau compte tenu du rajustement rétroactif de son traitement pour l'ancien groupe et niveau dans le poste qu'il occupait au départ. Ce principe devrait également s'appliquer à la reclassification. Dans le dossier actuel, le nouveau calcul devrait s'appuyer sur le niveau de rémunération de CR-05 plutôt que sur celui de CR-04 pour établir l'échelle salariale initiale des FI à laquelle Mme Grant a droit.

[12]    Dans le présent dossier, la Commission devrait appliquer les deux décisions, comme cela a été fait dans Copeland c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Services correctionnels) , 2003 CRTFP 19. À la date de sa promotion à un poste de WP-05 par intérim, M. Copeland se trouvait à l'échelon le plus élevé (cinquième) du niveau WP-04. Après sa promotion, la nouvelle convention collective a entraîné une restructuration et a classé M. Copeland au nouveau sixième échelon du niveau WP-04. La Commission a ordonné à l'employeur de verser à M. Copeland le salaire calculé de nouveau de WP-05 suivant le nouvel échelon salarial de WP-04.

Pour l'employeur

[13]    L'arbitre doit établir si l'employeur a appliqué la clause 55.03 de la convention collective (pièce G-3) et le RCEFP de manière appropriée. Dans le présent dossier, l'employeur a bien calculé le salaire au moment de la promotion et l'a rajusté après les modifications rétroactives apportées à la nouvelle convention collective du groupe Gestion financière. Mme Grant n'a pas contesté le nouveau calcul de son salaire après le rajustement salarial rétroactif de novembre 2002. Elle a contesté seulement après le nouveau calcul effectué par l'employeur de sa nouvelle classification de janvier 2003.

[14]    Le libellé de la convention collective prévoit que la rétroactivité s'applique seulement lorsque la convention collective est modifiée. La clause 55.03 est ainsi rédigée :

55.03

  1. Les taux de rémunération indiqués à l'appendice « A » entrent en vigueur aux dates qui y sont stipulées.

    [...]

  1. Lorsque les taux de rémunération indiqués à l'appendice « A » entrent en vigueur avant la date de signature de la présente convention, les modalités suivantes s'appliquent :

    1. pour les fins des sous-alinéas (ii) à (v), l'expression « période de rémunération rétroactive » désigne la période qui commence à la date d'entrée en vigueur de la révision rétroactive à la hausse des taux de rémunération et se termine le jour de la signature de la présente convention ou le jour où la décision arbitrale est rendue à cet égard;

    2. la révision rétroactive à la hausse des taux de rémunération s'applique aux employé-e-s, aux anciens employé-e-s ou, en cas de décès, à la succession des anciens employé-e-s qui faisaient partie de l'unité de négociation pendant la période de rétroactivité.

[15]    Au moment de sa promotion au poste de FI-01, son salaire a été calculé en fonction de son taux de rémunération applicable à son poste de CR-04. L'employeur a appliqué le nouveau taux de rémunération FI en novembre 2002, en application de la nouvelle convention collective. Lors de sa promotion survenue en septembre 2002, l'employeur a appliqué la PCE (pièce G-4, onglet B) et le calcul exposé à l'article 24. Au moment de la promotion, le taux de rémunération reçu immédiatement avant la nomination devrait être pris en compte pour calculer le salaire à la nomination et la réglementation ne prévoyait pas de nouveau calcul lors d'une reclassification rétroactive.

[16]    Dans la présente affaire, l'employeur doit appliquer la décision rendue dans Lajoie, supra. La Cour d'appel fédérale a statué que la rétroactivité ne peut pas s'appliquer dans une affaire comme l'affaire actuelle. La Cour explique ce principe de la façon suivante :

[...]

D'abord il m'apparaît difficile d'interpréter les articles 65 et 66 du Règlement de manière à permettre une révision rétroactive de tous les effets d'une nomination chaque fois qu'une convention collective donne aux employés des augmentations rétroactives de salaire. L'article 65, à mon avis, doit être interprété de manière à permettre, tant à l'employeur qu'à l'employé, de savoir immédiatement si une nouvelle nomination constitue une promotion (article 65(1)), une réduction de rang (article 65(2)) ou une simple mutation (article 65(3)). Toute autre conclusion mènerait, me semble-t-il, à la confusion la plus complète : l'employeur qui croit avoir discipliné un employé pour incompétence en le réduisant de rang se rend compte deux ans plus tard que par l'effet de la rémunération rétroactive il s'agissait réellement d'une mutation ou même d'une promotion; par contre, l'employé qui accepte avec enthousiasme ce qui lui paraît être une promotion découvre, à sa grande déception deux ans plus tard, qu'il s'agissait réellement d'une réduction de rang.

[17]    Dans la décision rendue dans Buchmann, supra , l'employé avait droit à un nouveau calcul de son salaire lorsqu'il a été promu au cours d'une période de rétroactivité. Cette affaire ne peut être appliquée en l'espèce parce que la reclassification rétroactive (de CR-04 à CR-05) n'est pas liée à la convention collective applicable à la fonctionnaire s'estimant lésée (à titre de FI-01). La décision rendue dans Tyrrell c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) , 2003 CRTFP 11, ne peut être appliquée dans la présente affaire, car Mme Grant n'était pas en affectation intérimaire.

[18]    Dans la troisième édition de Collective Agreement Arbitration in Canada (Butterworths), il est énoncé que la rétroactivité devrait être précisée dans la convention collective pour trouver application. Le principe est ainsi rédigé :

[Traduction]

SAUF SI C'EST EXPRESSÉMENT PRÉCISÉ, LES DISPOSITIONS D'UNE CONVENTION COLLECTIVE NE DEVRAIENT PAS AVOIR D'EFFET RÉTROACTIF.

 4.26.   L'une des règles générales d'interprétation qui s'applique indique que les dispositions d'une convention collective ne devraient pas avoir d'effet rétroactif sauf si les dispositions comportent expressément ou nécessairement une interprétation. Cette règle est tirée du droit général des contrats.

Un contrat ou une convention prend effet à compter de la date de sa signature, sauf si l'application de la convention est retardée à une date ou à une heure en particulier énoncée dans la convention elle-même. Il s'agit d'un principe de droit bien connu.

Toutefois, de telles clauses de durée antidatée sont relativement fréquentes dans les conventions collectives et ont fait l'objet de beaucoup de jurisprudence.

[19]    L'employeur a fait valoir que la règle précisée dans Lajoie, supra, a été bien appliquée dans le dossier de Mme Grant en 2002, lors du rajustement rétroactif de son salaire de FI. Cette décision ne peut pas être appliquée en 2003 à la reclassification de son poste de CR, qui est survenue juste avant sa nomination au poste de FI. Par conséquent, le grief devrait être rejeté.

Réplique pour le compte de la fonctionnaire s'estimant lésée

[20]    En réplique, l'avocat de la fonctionnaire s'estimant lésée a fait valoir qu'une reclassification place la fonctionnaire s'estimant lésée dans une situation qui diffère d'une modification aux taux de rémunération dans la convention collective CR. La reclassification ne s'appuyait pas sur la convention collective et dans le cas de Mme Grant, la date d'effet de sa nouvelle nomination au niveau CR-05 est le 19 août 2002. Cette date d'effet est antérieure à la nomination du 23 septembre 2002 au poste de FI et devrait être prise en compte pour calculer le taux de rémunération au moment de la promotion en application du RCEFP.

Motifs de décision

[21]    Dans le cadre du présent grief, il s'agit de décider si la reclassification rétroactive et la nomination de Mme Grant d'un poste de CR-04 à un poste de CR-05 au ministère de la Santé, dont elle a été informée le 7 janvier 2003, devraient être prises en compte dans le calcul de son salaire après sa promotion au poste de FI-01 au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire le 23 septembre 2002.

[22]    L'employeur a informé Mme Grant dans une lettre datée du 7 janvier 2003 que son poste de CR-04 a été reclassifié à un CR-05 (pièce G-4, onglet C). Cette lettre précisait également que sa nomination au niveau CR-05 était rétroactive au 19 août 2002. Le chapitre 4 (« Changement du taux de rémunération ») du volume « L'administration de la paye » (pièce E-2) prévoit ce qui suit :

11 Reclassification/Transposition

11.1 Aspects généraux

Les taux de rémunération lors de la reclassification ou de la transposition doivent être administrés en conformité avec le Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition (Consulter l'annexe D de la section sur les autorisations).

[...]

11.2 Reclassification

Une reclassification est un changement apporté au groupe ou au niveau ou au groupe et au niveau d'un poste à la suite d'une évaluation ou d'une vérification.

11.2.1 Niveau supérieur

Si un poste est reclassifié à un groupe ou à un niveau ou à un groupe et à un niveau ayant un taux de rémunération maximal plus élevé, le taux de rémunération sera déterminé conformément avec les règles sur la promotion et la mutation, à moins d'indication contraire dans la convention collective ou le régime de rémunération.

(C'est moi qui souligne.)

[23]    Relativement à la promotion, il prévoit ce qui suit :

2.      Promotion

Si la promotion constitue une promotion, l'employé a droit au taux de rémunération qui se rapproche le plus du taux de rémunération qu'il recevait immédiatement avant sa nomination et qui lui assure une augmentation au moins égale à la plus faible augmentation prévue pour le poste, lorsque ce dernier comporte plus d'un taux de rémunération. (Alinéa 24(1) du Règlement sur les conditions d'emploi dans la fonction publique RCEFP) . (Pièce E-2)

[24]    L'alinéa 24(1) du RCEFP prévoit ce qui suit (pièce G-4, onglet B) :

Taux de rémunération à la promotion

24. (1) La nomination d'un employé désigné à l'article 23 constitue une promotion lorsque le taux de rémunération maximal applicable au poste auquel cette personne est nommée dépasse le taux de rémunération maximal applicable au niveau de titularisation de l'employé avant cette nomination :

  1. d'un montant au moins égal à la plus faible augmentation prévue pour le poste auquel elle est nommée, lorsque le poste comporte plus d'un taux de rémunération; ou

  2. d'un montant au moins égal à quatre pour cent du taux maximal pour le poste qu'elle occupait immédiatement avant cette nomination, lorsque le poste auquel elle est nommée ne comporte qu'un seul taux de rémunération.

24. (2) Sous réserve des articles 27 et 28, à la promotion, le taux de rémunération sera le taux le plus proche du taux de rémunération auquel l'employé avait droit à son niveau de titularisation immédiatement avant la nomination qui lui vaut une augmentation tel que stipule le paragraphe 1) du présent article; ou d'un montant au moins égal à quatre pour cent du taux maximal pour le poste auquel il est nommé, lorsque la rémunération du poste auquel se fait la nomination est fondée sur le rendement.

[25]    La convention collective qui s'applique dans le présent dossier ne précise pas que les règles de transfert dans les cas de promotion ne doivent pas être utilisées pour déterminer le taux de rémunération à la reclassification. C'est pourquoi la règle de reclassification 11.2.1 du volume « L'administration de la paye » devrait s'appliquer, comme le paragraphe 24(1) du RCEFP. L'employée a droit au taux de rémunération le plus rapproché du taux de rémunération qu'elle recevait juste avant la nomination donnant une augmentation salariale au moins égale à la plus faible augmentation salariale du nouveau poste.

[26]    La preuve établit que les règles de reclassification augmentent le taux de rémunération de la fonctionnaire s'estimant lésée de 39 349 $ (à titre de CR-04) à 40 935 $ (à titre de CR-05) rétroactivement au 19 août 2002. L'employeur a versé à Mme Grant un rajustement rétroactif de son salaire pour la période antérieure à sa nomination au poste de FI-01 le 23 septembre 2002.

[27]    Pierrette Lemay, qui a témoigné pour l'employeur, a précisé qu'elle a effectué les calculs suivants après la reclassification de Mme Grant (pièce E-1) :

[Traduction]

  1. Calcul pour voir si la reclassification de janvier 2003 de CR-04 à CR-05 modifierait le salaire de départ de G comme FI-01

Étape 1

  Déterminer l'augmentation
À la ligne « A » des taux de rémunération de la convention FI, déterminer quel écart de chiffres donne la plus petite augmentation
$ 40 935  Salaire de CR-05 (reclassifié)
+ 1 843 Augmentation de FI (nouveaux taux mis à jour à compter de novembre 2001)
$42 778 

Étape 2

  • Choisir le taux de rémunération de l'échelle salariale des FI le plus rapproché du calcul fait précédemment sans qu'il soit inférieur à celui-ci.

  • 42 778 $ est le montant le plus rapproché sur la ligne « A » des FI de 43 607 $; elle demeure donc à 43 607 $ à compter du 23 septembre 2002.

[28]    À l'étape 1 de ses calculs, Mme Lemay a utilisé les augmentations prévues dans les nouveaux taux de rémunération précisés dans la convention collective signée en novembre 2002. À l'étape 2, elle a également pris en compte le nouveau taux de rémunération pour le niveau FI-01 de 43 607 $, qui était précisé dans la convention collective de novembre 2002. Mme Lemay a mentionné dans son témoignage qu'en agissant ainsi, l'employeur estimait que le taux de rémunération d'un poste de CR-05 était de 40 935 $ le jour précédant immédiatement la nomination du 23 septembre 2002 au poste de FI-01. Le calcul du salaire de Mme Grant dans son nouveau poste de FI-01 s'appuyait sur son salaire de CR-05, conséquemment à la reclassification rétroactive de son poste précédent.

[29]    Dans l'affaire Lajoie, supra , il a été statué qu'une augmentation de salaire rétroactive ne signifiait pas que tous les calculs de salaire après la nomination doivent être refaits. Il a été statué que seuls les aspects relatifs au paiement doivent être repris. En l'espèce, la situation a trait à une reclassification rétroactive, ce qui est une question entièrement différente de celle de l'affaire Lajoie, supra , qui porte sur l'application rétroactive des nouveaux taux de rémunération. L'employeur, en reclassifiant le poste de CR de Mme Grant sur une base rétroactive, a reconnu qu'il avait mal classé le poste au départ. L'employeur est entièrement responsable de la classification des postes et s'il reconnaît avoir mal classifié ces postes, il devrait corriger son erreur « au complet » et donner pleinement effet à la rétroactivité de la reclassification. L'affaire Bethell c. Conseil du Trésor (Défense nationale) (dossier de la CRTFP 166-2-22225) (1993) (QL) traitait uniquement des calculs de la rémunération rétroactive au moment de la promotion, comme dans l'affaire Lajoie, supra , et ne peut s'appliquer dans le cas qui nous occupe, qui a trait à une question différente, soit la reclassification rétroactive.

[30]    Dans la décision qu'elle a rendu dans l'affaire Buchmann, supra, l'arbitre F. Chad-Smith a souligné que dans la décision Lajoie, supra , les modifications rétroactives apportées au salaire se rapportent uniquement au nouveau poste (AU) et non au poste initial (PM). Comme dans le dossier actuel, la décision Buchmann, supra , se rapporte à l'augmentation de salaire rétroactive ayant trait au poste initial et le principe précisé dans Lajoie , supra, ne peut trouver application. Le raisonnement de l'arbitre Chad-Smith fonde le calcul du salaire rattaché à la promotion sur le salaire rétroactif du poste que quitte l'employé de la façon suivante :

      Par conséquent, le point de départ de la révision de la rémunération du fonctionnaire s'estimant lésé était son taux de rémunération au moment où la nomination lui a été offerte et où il l'a acceptée. Le 9 septembre 1999, le fonctionnaire s'estimant lésé était un PM-02 rémunéré au troisième échelon de son niveau. L'effet rétroactif de la nouvelle convention collective a fait passer son traitement annuel de 41 949 $ à 42 788 $ dans ce poste. On lui a offert une promotion dans un poste d'AU; il s'ensuit que le calcul de son taux de rémunération dans ce nouveau poste doit être basé sur son traitement annuel de 42 788 $ comme PM, par suite de la révision rétroactive de la rémunération dans le contexte de la nouvelle convention collective. C'est à partir de ce traitement annuel qu'il faut calculer son traitement pour les fins de sa promotion au poste d'AU. En d'autres termes, quand un fonctionnaire est promu pendant la période de rétroactivité d'une convention collective applicable au poste qu'il quitte, son taux de rémunération dans son nouveau poste doit être calculé de nouveau compte tenu du rajustement rétroactif de son traitement dans le poste qu'il occupait au départ.

[...]

      L'argument de l'avocat de l'employeur selon lequel le fonctionnaire s'estimant lésé est lié par les conditions de la lettre de nomination du 9 septembre 1999 mérite d'être commenté. Bien que la lettre de nomination ait pu contenir des conditions d'emploi précises, notamment que la nomination constituait une promotion, une mutation ou une rétrogradation, il faut l'interpréter avec prudence. Lorsqu'il est question de rémunération, dans l'ensemble, les dispositions de la convention collective s'appliquent. Cela étant, dans la mesure où la lettre ne précise pas la nature de la nomination, cette nature peut être déduite du fait que l'employeur s'est conformé à un régime de rémunération conforme à la convention collective. Le choix d'un taux de rémunération particulier précise alors si la nomination constituait une promotion, une mutation ou une rétrogradation. Par la suite, l'employeur n'a plus le choix de réduire ou de diminuer d'une façon quelconque un avantage déjà accordé à un fonctionnaire. De toute évidence, un taux de rémunération (et non une rémunération touchée) et le droit à une augmentation rétroactive de traitement sont des avantages visés par la/les convention(s) collective(s) que j'ai devant moi.

[...]

      Pour cette raison, la présente décision est compatible avec celle qu'a rendue l'ancien vice-président Tenace dans Bethell et le Conseil du Trésor (Défense nationale), dans laquelle il a cité pour s'y fonder le même passage du jugement rendu par le juge d'appel Hugessen dans l'affaire Lajoie que j'ai moi-même cité plus haut.

[31]    Je souscris à cette conclusion et le même principe devrait s'appliquer à la reclassification rétroactive de Mme Grant, qui lui a accordé un rajustement rétroactif de salaire avant sa nomination au poste de FI. Le calcul du salaire de Mme Grant au poste de FI-01 doit donc être fondé sur son salaire de CR-05, soit 40 935 $. Le nouveau calcul du salaire de départ du poste FI-01 devrait être fondé sur le fait que l'employé a droit au taux de rémunération le plus rapproché du taux de rémunération reçu immédiatement avant la nomination qui accorde une hausse salariale au moins égale à la plus faible hausse salariale rattachée au nouveau poste et qui respecte la réglementation sur la promotion.

[32]    Le nouveau calcul devrait être effectué à la date de la promotion, soit le 23 septembre 2002. À cette date, le salaire de CR-05 était de 40 935 $ et la convention collective des FI alors en vigueur est celle qui a été déposée sous la pièce G-1 (date d'expiration : 6 novembre 2001). Pour donner pleinement effet à la reclassification de Mme Grant au niveau de CR-05, il nous faut tenir compte du fait qu'avant sa promotion, elle avait été nommée à ce niveau et avait droit à un salaire de 40 935 $. Dans le calcul appliqué par l'employeur dans la pièce E-1, l'employeur a retenu le salaire de niveau CR-04 pour déterminer le salaire de départ de FI-01. Ainsi, il n'a pas appliqué la reclassification de façon rétroactive.

[33]    Par conséquent, le nouveau calcul du niveau de salaire de Mme Grant comme FI-01 devrait être exécuté ainsi :

Étape 1Salaire de CR-0540 935 $
+ augmentation de FI (prise à la ligne « B » de la pièce G-1)  1 793 $
Total de42 728 $

Étape 2Le taux de rémunération retenu de l'échelle salariale des FI de la convention collective expirée (pièce G-1) le plus près de 42 728 $ sans excéder ce montant est 44 216 $.

[34]    Par conséquent, le salaire de départ de Mme Grant à son poste de FI-01 en date du 23 septembre 2002 devrait être de 44 216 $ plutôt que de 42 419 $ selon les calculs de l'employeur.

[35]    Dans le calcul effectué par l'employeur (expliqué dans la pièce E-1) pour constater si la reclassification de CR-04 à CR-05 modifierait le salaire de départ de Mme Grant comme FI-01, deux erreurs ont été commises. Premièrement, à l'étape 1 du point 2, l'employeur a ajouté au salaire de CR-05, soit 40 935 $, l'augmentation de FI de 1 843 $, qui provenait de la nouvelle convention collective du 1er novembre 2002. L'employeur ne peut invoquer cette nouvelle convention collective parce qu'en date du 23 septembre 2002, elle n'était pas encore signée. L'augmentation de 1 793 $ de FI dont il faut tenir compte est celle de la convention collective applicable à cette date et qui a été signée le 2 mars 2001. Par conséquent, le résultat du calcul des chiffres applicables à l'étape 1 devrait être 40 935 $ + 1 793 $ = 42 728 $.

[36]    Deuxièmement, à l'étape 2 du point 2, l'employeur a retenu le taux de rémunération (le plus près du résultat de l'addition à l'étape 1 mais non inférieur à celui-ci) de la nouvelle convention collective signée le 1er novembre 2002. En ce faisant, l'employeur a fait référence à un taux de rémunération de 43 607 $, qui a pris effet seulement après la nomination de Mme Grant le 23 septembre 2002. L'employeur devrait se reporter à la convention collective signée le 2 mars 2001 pour tenir compte du taux de rémunération applicable, ce qui fait que le salaire de la fonctionnaire s'estimant lésée devrait s'établir à 44 216 $ plutôt qu'à 43 607 $.

[37]    Le 23 septembre 2002, Mme Grant est devenue membre de l'unité de négociation de la Gestion financière et avait droit, à compter de cette date, à tous les avantages sociaux inclus dans la convention collective en vigueur à cette date (la date d'expiration étant le 6 novembre 2001). Une nouvelle convention collective a été signée entre le Conseil du Trésor et l'Association des gestionnaires financiers de la fonction publique (AGFFP) le 1er novembre 2002, après que Mme Grant ait obtenu sa nomination comme FI-01.

[38]    À titre de membre de l'AGFPP, Mme Grant avait droit au rajustement rétroactif de son taux de rémunération prévu dans la nouvelle convention collective. Son salaire de départ de 44 216 $ comme FI-01 doit correspondre au niveau de rémunération dont il faut tenir compte dans l'application de la hausse rétroactive à laquelle elle a désormais droit en vertu de la nouvelle convention collective. Dans la nouvelle convention collective, son taux de rémunération de 44 216 $ (« ligne de » de A, pièce G-3) est haussé à 45 454 $ rétroactivement au 23 septembre 2002 (son premier jour de nomination comme FI-01). Le 7 novembre 2002, son salaire a de nouveau augmenté à 46 590 $ (de la ligne « B » de la pièce G-3) et a encore été haussé à 47 662 $ le 7 novembre 2003 (de la ligne « C » de la pièce G-3).

[39]    Les décisions rendues dans Tyrrell, supra , et dans Copeland (supra) ne sont pas pertinentes dans le présent dossier parce que les nominations des fonctionnaires s'estimant lésés dans ces affaires touchaient des nominations par intérim, qui sont liées au paragraphe 46 de la PCE, qui couvre des situations de rémunération par intérim. Il n'y a pas de situations de rémunération par intérim dans les faits applicables à Mme Grant.

[40]    Pour tous ces motifs, ce grief est accueilli et l'employeur doit verser à la fonctionnaire s'estimant lésée le salaire et les avantages sociaux (le grief demande le « paiement de toutes les différences applicables au niveau du salaire et des avantages sociaux ») qui lui sont dû depuis le 23 septembre 2002, aux taux de rémunération indiqués précédemment.

Léo-Paul Guindon,
commissaire.

OTTAWA, le 5 août 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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