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Résumé :

Interprétation de la convention collective - Rémunération provisoire - Recevabilité - la fonctionnaire s'estimant lésée, une AU-01, réclamait une rémunération provisoire au niveau AU-02 pour le travail qu'elle avait effectué sur un dossier entre mars et septembre 2001 - la fonctionnaire s'estimant lésée n'était pas d'accord avec les points alloués au dossier par son superviseur sur le formulaire d'évaluation de la complexité - de l'avis de la fonctionnaire s'estimant lésée, les points alloués pour le recours à un spécialiste de la perquisition et du recouvrement de preuves par ordinateur (PRPO) et les points alloués pour le nombre d'endroits à perquisitionner étaient insuffisants - l'employeur ne lui a accordé aucun point pour le recours à un spécialiste en PRPO - bien qu'un tel spécialiste ait été présent lors de la recherche, aucun registre sur support informatique n'a été trouvé, et l'ordinateur était pour usage personnel seulement - le manuel de l'employeur prévoit que des points sont alloués seulement lorsque l'on prévoit que les livres ou registres seront probablement sur support informatique, ce qui n'était pas le cas lorsque le dossier a été assigné à la fonctionnaire s'estimant lésée - la fonctionnaire s'estimant lésée a reçu un point pour le nombre d'endroits à perquisitionner puisque la résidence du contribuable était le seul endroit ciblé - la fonctionnaire s'estimant lésée croyait qu'il fallait aussi perquisitionner le bureau du comptable du contribuable, mais l'employeur estimait qu'une demande péremptoire suffisait - la fonctionnaire s'estimant lésée a quitté l'unité d'enquête et le dossier a été transféré à un collègue qui était un PM-03 (niveau équivalent à AU-01) mais qui est devenu, trois mois plus tard, PM-04 (équivalent d'un AU-02) - quelque temps après son départ de l'unité, la fonctionnaire s'estimant lésée a entendu une conversation au sujet de la rémunération provisoire et du fait que le bureau du comptable était toujours perquisitionné, et elle a déposé une demande de rémunération provisoire - face au rejet de cette demande, elle a déposé un grief - l'arbitre a conclu qu'un seul endroit avait été perquisitionné et que, par conséquent, rien ne justifiait d'augmenter le nombre de points alloués à cet égard - l'arbitre a également conclu qu'il n'y avait pas eu d'erreur dans le nombre de points alloués pour le recours à un spécialiste en PRPO - compte tenu de sa décision sur le fond de l'affaire, il n'était pas nécessaire de traiter de la question de la recevabilité. Le grief a été rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-02-18
  • Dossier:  166-34-32660
  • Référence:  2005 CRTFP 19

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

RONDA SARGEANT

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

Devant : Joseph W. Potter, vice-président

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée : Steve Eadie, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Caroline Engmann, avocate


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 3 décembre 2004 et 31 janvier 2005.


[1]    Ronda Sargeant, une vérificatrice de niveau 1 (AU-01) a présenté le 2 avril 2002 un grief réclamant une rémunération d'intérim comme AU-02. Au moment où elle a présenté son grief, elle était au service de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), devenue l'Agence du revenu du Canada (ARC) par suite de la réorganisation de la fonction publique annoncée le 12 décembre 2003. Au début de l'audience, le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré qu'elle réclame une rémunération d'intérim pour la période du 2 mars 2001 au 21 septembre 2001, soit un total de 3 825,27 $.

[2]    La représentante de l'employeur a déposé une objection préliminaire contestant la recevabilité du grief parce que présenté tardivement. Dans une lettre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) datée du 24 novembre 2004, l'employeur précisait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Veuillez prendre note que l'Employeur compte soulever une objection préliminaire à la compétence de la Commission pour entendre le grief en rubrique, étant donné que celui-ci n'a pas été déposé dans le délai prescrit par la convention collective. L'Employeur a toujours maintenu la position que le grief est irrecevable. La fonctionnaire s'estimant lésée conteste une mesure prise par son chef d'équipe le 10 mai 2001. Or, elle a présenté son grief le 27 mars 2002.

[...]

[3]    Au nom de la fonctionnaire s'estimant lésée, M. Eadie a déclaré que le grief a été présenté dans le délai prévu par la convention collective et qu'il n'était donc pas nécessaire qu'elle demande une prorogation de délai. J'ai réservé ma décision sur cette question.

[4]    Les parties ont demandé l'exclusion des témoins; j'ai accédé à cette requête. Elles ont ensuite déposé leurs preuves sur la question faisant l'objet du grief.

[5]    Après le dépôt de la preuve, Mme Sargeant a déclaré avoir vu dans la salle d'audience un agent des relations de travail qui prenait des notes pour l'employeur pendant tout ce temps-là. Quand l'employeur a fait comparaître ses témoins, elle a constaté qu'ils employaient une formulation identique ou ressemblant beaucoup à celle qu'elle avait utilisée.

[6]    L'avocate de l'employeur a répondu qu'il aurait été préférable que le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée ait soulevé cette question en privé à l'avance pour qu'on ait pu en discuter et peut-être trouver une solution. Néanmoins, elle m'a assuré qu'il n'y avait pas eu de discussions avec les témoins avant leur comparution.

[7]    M. Eadie a déclaré pour sa part qu'il n'était pas au courant de cette allégation avant qu'elle ne soit faite; il n'aurait donc pas pu la soulever auprès de l'avocate de l'employeur.

[8]    J'ai pris cette question en délibéré. Maintenant que j'y ai réfléchi, je conclus que rien n'en dépend. Les faits ne sont pas contestés, et les parties auraient fort bien pu décider d'opter pour un exposé conjoint des faits. J'ai peut-être péché par excès de prudence en accédant à une demande conjointe d'exclusion des témoins, mais on ne peut le savoir qu'après coup. En bout de ligne, je suis convaincu que les faits, qui ne sont pas contestés, je le répète, ont été présentés équitablement et ouvertement et m'ont inévitablement mené à mes conclusions.

La preuve

[9]    Durant la période pour laquelle Mme Sargeant réclame une rémunération d'intérim, elle était enquêteure criminelle AU-01; elle avait commencé à exercer ces fonctions vers le 1er janvier 2001.

[10]    En sa qualité d'enquêteure criminelle, Mme Sargeant étudiait des « indices » en vue de déterminer si les preuves étaient suffisantes pour qu'on puisse porter des accusations pénales contre des contribuables qui tentaient de frauder le gouvernement.

[11]    Au moment où le différend a commencé, Ron Jonikas était son superviseur; il lui avait confié des tâches comme aux autres membres de son équipe (voir l'organigramme, pièce E-3).

[12]    Selon M. Jonikas, une fois qu'un dossier est confié à l'enquêteur, il remplit un formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers (pièce E-4) en attribuant des points pour sept catégories de complexité. On fait ensuite le total pour déterminer le niveau de complexité du dossier et, partant, le niveau de l'enquêteur qui en sera chargé. Une fois que l'enquêteur a fait le total des points, il remet le formulaire à son chef d'équipe, et celui-ci le signe s'il estime que l'attribution des points est exacte.

[13]    Ce formulaire est rempli avant que le contribuable ne sache qu'il fait l'objet d'une enquête, et certaines des catégories concernent des événements qui peuvent se produire ou non longtemps après la date où il est rempli. On apprend à évaluer correctement des facteurs comme ceux-là avec l'expérience et en comprenant la documentation qui figure au dossier, d'après M. Jonikas. En outre, un manuel explique chaque catégorie et l'attribution des points (pièce G-2).

[14]    Vers la fin de février ou au début de mars 2001, la fonctionnaire s'estimant lésée s'est vu confier un dossier découlant d'une autre enquête de la Division. Il s'agissait de sa première véritable enquête depuis qu'elle avait commencé en janvier.

[15]    La fonctionnaire s'estimant lésée s'est fait demander de remplir un formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers (pièce G-4). Quand elle a additionné les points, elle est arrivée à un total de 30; or, un total de 30 à 42 points signifie que le dossier aurait dû être confié soit à un AU-02, soit à un PM-04.

[16]    Mme Sargeant a remis le formulaire dûment rempli à M. Jonikas, qui a vérifié les points qu'elle avait accordés, fait quelques révisions et s'est retrouvé avec un total de 27 points (pièce G-3), ce qui signifiait que le dossier pouvait être confié à un AU-01 ou à un PM-03. On a confié le dossier à Mme Sergeant, qui a accompli les tâches requises. Elle a été rémunérée au niveau AU-01.

[17]    Mme Sargeant a expliqué que le contenu du formulaire qu'elle a rempli et celui de la version révisée par M. Jonikas diffèrent à deux endroits.

[18]    Premièrement, quand on a recours à un spécialiste des perquisitions informatiques et de la récupération d'éléments de preuve (PIREP), le manuel d'évaluation de la complexité des dossiers (pièce G-2) précise, à l'alinéa 19.2.3d) comment attribuer les points :

[Traduction]

19.2.3d)  Recours à des spécialistes des PIREP pour les perquisitions

S'il faut avoir recours à un enquêteur spécialisé en perquisitions et en récupération d'éléments de preuve pour perquisitionner parce que les livres et les registres seront probablement sur support informatique, attribuer deux points. L'utilisation d'un ordinateur pour des raisons purement personnelles n'est pas un facteur de complexité admissible.

Mme Sargeant estimait qu'il aurait fallu deux points pour ce facteur parce qu'on a eu recours à un spécialiste des PIREP pour perquisitionner la résidence du contribuable.

[19]    M. Jonikas a expliqué qu'on attribue deux points dans les cas où l'on s'attend à trouver des livres et des registres dans l'ordinateur du contribuable. Le spécialiste des PIREP récupère ces documents pour qu'on puisse s'en servir dans les poursuites au pénal. Quand on découvre un ordinateur en perquisitionnant la résidence du contribuable, mais que l'intéressé s'en sert seulement pour des fins personnelles, le manuel stipule qu'on ne doit pas accorder ces deux points. Lorsqu'on a confié le dossier en question à Mme Sargeant, rien n'indiquait que des livres et des registres comptables seraient conservés sur support informatique dans l'ordinateur du contribuable. En outre, et bien qu'un spécialiste des PIREP ait été présent pour la perquisition, on n'a effectivement pas trouvé de documents comptables sur support informatique. Le contribuable se servait de son ordinateur pour des fins purement personnelles. M. Jonikas n'a pas attribué les deux points.

[20]    Deuxièmement, la fonctionnaire s'estimant lésée ne s'entendait pas avec son superviseur quant au nombre d'endroits à perquisitionner. L'alinéa 19.2.3b) du manuel (pièce G-2) porte sur cet aspect et précise notamment ce qui suit :

[Traduction]

[...]

b)  Nombre d'endroits à perquisitionner

Compter un point si la perquisition et la saisie ne visent qu'un endroit. S'il n'est pas nécessaire de perquisitionner, inscrire « 0 » pour cette catégorie.

Compter un point de plus si la perquisition et la saisie projetées visent de deux à cinq endroits, y compris le ou les bureaux des contribuables nommés dans la dénonciation et celui ou ceux du comptable, compte non tenu des coffrets de sécurité et des autres endroits contrôlés par l'ADRC.

[...]

Mme Sargeant estimait qu'on aurait dû perquisitionner la résidence du contribuable ainsi que le bureau de son comptable. Dans le formulaire qu'elle a rempli, elle avait attribué deux points pour ce facteur.

[21]    M. Jonikas a maintenu qu'il n'était pas nécessaire de perquisitionner le bureau du comptable dans ce cas-là et qu'une demande péremptoire aurait suffi, de sorte qu'il n'a attribué qu'un point pour ce facteur, puisque la résidence du contribuable était le seul endroit à perquisitionner. Mme Sargeant a produit le plan de perquisition elle-même, et il ne mentionne qu'un endroit (pièce G-6). Tout compte fait, il n'y a eu qu'une perquisition dans ce dossier, à la résidence du contribuable.

[22]    Quand le formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers a été rendu à Mme Sargeant, le 10 mai 2001 (pièce G-3), elle n'a pas contesté l'attribution définitive des points.

[23]    Mme Sargeant a quitté l'unité d'enquête le 21 septembre 2001. Elle a témoigné que le dossier avait été confié après son départ à un collègue, Doug Houselander, un PM-04. Le formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers montre que le niveau PM-04 serait l'équivalent d'AU-02 (pièce G-4).

[24]    M. Jonikas a expliqué que M. Houselander faisait partie en septembre 2001 d'une équipe à laquelle on avait confié le dossier dont Mme Sargeant s'occupait. À ce moment, M. Houselander était PM-03. Il est devenu PM-04 plus tard, vers le mois de décembre 2001. D'après M. Jonikas, confier un dossier d'un niveau de complexité relativement peu élevé à un employé d'un niveau supérieur ne pose pas de problème, puisque c'est seulement dans la situation inverse qu'il faut verser une rémunération d'intérim.

[25]    Quelque temps après avoir quitté l'unité, Mme Sargeant a entendu des gens parler de rémunération d'intérim et du fait qu'on perquisitionnait toujours le bureau d'un comptable; elle s'est dit qu'elle devrait contester la décision de M. Jonikas. Elle a écrit à Carl Gomes, le superviseur de M. Jonikas, le 12 mars 2002, pour lui expliquer son cas (pièce E-8).

[26]    M. Gomes a demandé à M. Jonikas ce qu'il en pensait; après avoir reçu son rapport (pièce E-9), il a répondu à Mme Sargeant le 21 mars 2002 en lui déclarant notamment que le dossier avait été évalué correctement (pièce E-10).

[27]    Mme Sargeant a présenté son grief après avoir reçu cette réponse de M. Gomes.

Arguments pour la fonctionnaire s'estimant lésée

[28]    Sur la question du délai de présentation du grief, Mme Sargeant soutient qu'il lui aurait été impossible d'agir plus tôt. Quand elle a su qu'on perquisitionnait toujours le bureau du comptable, elle a cherché à obtenir plus d'information, puis elle a présenté un grief tout de suite après avoir reçu une réponse. Le délai précisé au paragraphe 34.08 de la convention collective applicable a donc été respecté. Mme Sargeant aurait pu déposer un grief plus tôt en réclamant qu'on attribue deux points pour le recours à un spécialiste des PIREP, mais cela ne lui aurait pas fait atteindre le seuil de 30 points qui l'aurait rendue admissible à une rémunération d'intérim.

[29]    Il n'y a aucun préjudice pour l'employeur dans cette situation, de sorte que la question du délai de présentation du grief ne devrait pas empêcher la procédure de se poursuivre.

[30]    Mme Sargeant s'est fait confier le dossier le 2 mars 2001; elle y a travaillé jusqu'au 21 septembre de la même année. Ce fait n'est pas en litige. La difficulté de sa tâche était sous-évaluée dans le formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers, car il s'agissait en réalité d'un travail de niveau AU-02. La fonctionnaire s'estimant lésée satisfait donc aux conditions du paragraphe 45.07 de la convention collective, sur l'admissibilité à une rémunération d'intérim.

[31]    Mme Sargeant avait commencé par remplir le formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers en attribuant 30 points pour le dossier, comme on peut le voir dans la pièce G-4. Elle l'a ensuite remis à son superviseur, M. Jonikas, pour approbation.

[32]    M. Jonikas a vérifié le formulaire et ramené le total des points à 27, puis l'a rendu à Mme Sargeant pour qu'elle fasse le travail nécessaire. Elle l'a fait, mais elle estime que M. Jonikas a commis deux erreurs dans sa révision; ce sont ces erreurs qu'elle voudrait corriger.

[33]    Premièrement, on a eu recours à un spécialiste des PIREP pour la perquisition de la résidence du contribuable; pourtant, M. Jonikas n'a attribué aucun point pour cela quand il a révisé le formulaire. Le manuel d'évaluation stipule qu'il faut accorder deux points quand on a recours au service d'un spécialiste des PIREP, de sorte qu'il faudrait ajouter deux points à l'évaluation du dossier.

[34]    Deuxièmement, Mme Sargeant a déclaré qu'on perquisitionnait toujours le bureau du comptable quand un contribuable ciblé en avait un, jusque-là. M. Jonikas a déclaré qu'une demande péremptoire aurait suffi, alors que cette question même a été contestée devant les tribunaux, l'arrêt R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757 en témoigne. M. Jonikas était sûrement au courant de cette affaire et de toute son histoire, de sorte qu'il aurait dû attribuer deux points, en prévoyant qu'il faudrait perquisitionner le bureau du comptable.

[35]    En outre, il faut tenir compte du fait que le dossier a été confié à M. Houselander après le départ de Mme Sargeant. Celui-ci était alors PM-03, mais il est devenu peu de temps après PM-04, niveau équivalant à AU-02 (voir la pièce E-4).

[36]    Le représentant de la fonctionnaire s'estimant lésée a invoqué les décisions suivantes : Guillemette et Conseil du Trésor (Agence spatiale canadienne) , dossier de la CRTFP 166-2-23827 (1993) (QL); Beaulieu c. Conseil du Trésor (Cour fédérale du Canada) , 2000 CRTFP 76; R. Bégin, N. Fortin, S. Gaudreault, V. Girard, R. Munger, A. Roberge et P. Tremblay c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt) , dossiers de la CRTFP 166-2-18911 à 18917 (1990) (QL); Cuthill c. Conseil du Trésor (Ministère des Transports) , dossiers de la CRTFP 166-2-12640 et 166-2-12641 (1982) (QL); Vanier c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise) , dossier de la CRTFP 166-2-23562 (1994) (QL) et R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757.

Arguments pour l'employeur

[37]    Durant toute la procédure de règlement des griefs, l'employeur a maintenu que le grief était irrecevable parce que présenté tardivement. Quand la fonctionnaire s'estimant lésée a quitté l'unité des enquêtes, en septembre 2001, elle savait qu'on avait eu recours à un spécialiste des PIREP dans son dossier et qu'on ne lui avait pas attribué de points en conséquence, mais elle n'a pourtant pas présenté de grief. Elle a quitté l'unité, et ce n'est qu'environ onze mois plus tard qu'elle en a présenté un. Le délai n'a manifestement pas été respecté.

[38]    L'employeur subirait un préjudice si ce grief irrecevable était entendu, parce qu'il doit avoir l'assurance d'un règlement définitif quand on remplit des formulaires de ce genre.

[39]    Lorsque la fonctionnaire s'estimant lésée a été affectée à l'unité des enquêtes, elle n'avait aucune expérience préalable dans le domaine. Il s'agissait de son premier dossier, et d'un dossier découlant d'un autre dossier. C'était aussi la première fois qu'elle remplissait un formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers.

[40]    La fonctionnaire s'estimant lésée a préparé le plan de perquisition (pièce G-6), qui stipule que la perquisition se limiterait à la résidence du contribuable. Il n'était pas nécessaire qu'on perquisitionne le bureau de son comptable. M. Jonikas était d'avis qu'une demande péremptoire suffirait, et c'est exactement ainsi qu'on a procédé. Il n'y avait rien qui justifiait un mandat de perquisition du bureau du comptable, et quand l'administration centrale a étudié la question, elle n'a pas du tout modifié le mandat de perquisition demandé. La fonctionnaire s'estimant lésée avait droit à un point pour ce facteur-là, d'après le manuel.

[41]    On a effectivement eu recours à un spécialiste des PIREP, mais les renseignements trouvés dans l'ordinateur du contribuable n'étaient pas pertinents, puisqu'il s'en servait uniquement pour des fins personnelles. Là encore, conformément au manuel, on n'a pas attribué les deux points que Mme Sargeant aurait voulus.

[42]    Quand Mme Sargeant a quitté l'unité des enquêtes, en septembre 2001, son dossier a été confié à M. Houselander. À l'époque, celui-ci était PM-03. Il est devenu PM-04 en décembre 2001, et rien dans la preuve n'indique qu'il ait reçu une rémunération d'intérim au niveau PM-04 quand il a pris le dossier en charge.

[43]    L'avocate de l'employeur invoque les décisions suivantes : Cameron c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel) , dossier de la CRTFP 166-2-25643 (1994) (QL); Currie c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 75; Gray c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes, Accise et Impôt) , dossier de la CRTFP 166-2-28685 (1999) (QL); Lindeblom c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans) , dossier de la CRTFP 166-2-26336 (1996) (QL); Lusted c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-21370 (1991) (QL); Moritz c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 147; Ouellet c. Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel) , 2003 CRTFP 63; Sallenback et Conseil du Trésor (Solliciteur général - Service correctionnel) , dossier de la CRTFP 166-2-28734 (1999) (QL); Sittig c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-24117 (1996) (QL); et Smith c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel) , dossier de la CRTFP 166-2-26714 (1996) (QL).

Motifs de décision

[44]    Les faits sont simples et non contestés. Mme Sargeant a travaillé à un dossier qu'on lui avait confié de mars à septembre 2001; elle a été rémunérée au niveau AU-01. Elle soutient que ses tâches étaient au niveau AU-02 et qu'elle devrait par conséquent se faire verser une rémunération d'intérim pour la période durant laquelle elle a effectivement travaillé au dossier.

[45]    Mme Sargeant fonde sa demande sur la conviction que le formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers approuvé par son superviseur, M. Jonikas, contenait deux erreurs qui ont toutes deux fait qu'elle a été rémunérée au niveau AU-01.

[46]    Pour sa part, en plus de maintenir que le grief devrait être rejeté pour non-compétence, l'employeur soutient que les deux facteurs contestés ont été correctement évalués.

[47]    Je vais laisser la question du respect du délai de côté pour le moment afin de me prononcer sur le fond du grief.

[48]    Mme Sargeant est en désaccord avec M. Jonikas sur deux aspects seulement du formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers, à savoir les points à attribuer pour le recours à un spécialiste des PIREP et l'attribution d'un point plutôt que de deux au facteur du nombre d'endroits à perquisitionner.

[49]    Pour que son grief soit accueilli, Mme Sargeant doit me convaincre que M. Jonikas a fait erreur pour ces deux facteurs. Il serait fatal pour le grief qu'elle n'y arrive pas sur l'une ou l'autre de ces questions, puisqu'elle doit faire porter le total des points de 27 à 30 afin d'avoir droit à une rémunération d'intérim.

[50]    On a attribué un point au facteur du nombre d'endroits à perquisitionner. L'alinéa 19.2.3b) du manuel (pièce G-2) stipule notamment ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Compter un point si la perquisition et la saisie projetées ne visent qu'un endroit.

[...]

[51]    Personne ne conteste que le plan de perquisition ne prévoyait qu'un endroit à perquisitionner, la résidence du contribuable (pièce G-6).

[52]    Le fait est qu'on a perquisitionné un endroit seulement, et c'était la résidence du contribuable. À mon avis, rien ne justifie qu'on augmente le nombre de points attribués. Mme Sargeant s'est fait attribuer un point pour ces facteurs, et c'était justifié.

[53]    Mme Sargeant fait valoir aussi que, comme on a perquisitionné au bureau du comptable du contribuable dans virtuellement tous les autres dossiers antérieurs, on devrait avoir attribué deux points pour ce facteur, en prévoyant qu'il faudrait également perquisitionner ce bureau.

[54]    Je n'accepte tout simplement pas cet argument. Selon moi, qu'on ait perquisitionné ou non le bureau d'un comptable dans tous les autres cas n'a aucune pertinence en l'espèce. Le manuel lui-même stipule qu'il est possible qu'aucune perquisition ne soit nécessaire (0 point), qu'il faille perquisitionner un endroit (1 point), de deux à cinq endroits (2 points), et ainsi de suite (voir la pièce G-2). Quand on perquisitionne un seul endroit, comme c'était le cas en l'espèce, on attribue un point à ce facteur dans le formulaire d'évaluation de la complexité des dossiers. C'est exactement ce que M. Jonikas a fait, et je souscris au résultat.

[55]    Le grief doit être rejeté ne serait-ce que pour cette raison. Toutefois, si je devais me prononcer aussi sur le nombre de points attribués pour le recours à un spécialiste des PIREP, je conclurais que M. Jonikas n'a pas fait d'erreur puisque l'alinéa 19.2.3d) du manuel d'évaluation de la complexité des dossiers (pièce G-2) stipule notamment ce qui suit :

[Traduction]

L'utilisation d'un ordinateur pour des raisons purement personnelles n'est pas un facteur de complexité admissible.

[56]    Mme Sargeant déclare qu'on aurait dû attribuer deux points pour ce facteur, puisqu'on a eu recours à un spécialiste des PIREP pour perquisitionner. Nul ne conteste qu'on a eu recours à un spécialiste des PIREP, mais la preuve a aussi révélé que l'ordinateur sur lequel on a fait des recherches à la résidence du contribuable ne contenait ni livres, ni registres comptables, et que l'intéressé s'en servait pour des fins purement personnelles. Je conclus donc que M. Jonikas a eu raison de ne pas attribuer deux points pour ce facteur.

[57]    Compte tenu de ce qui précède, je ne crois pas indispensable de me prononcer sur la question de compétence dans cette affaire. Le grief ne peut pas être accueilli en raison de ma conclusion sur le fond.

[58]    Pour tous ces motifs, le grief doit être rejeté.

Joseph W. Potter,
vice-président

OTTAWA, le 18 février 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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