Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Réorganisation - Reclassification - Rémunération provisoire - Délai de présentation d'un grief - Pouvoirs d'un arbitre de grief - le groupe MG a été créé en octobre 2001 à l'occasion d'une réorganisation - le 31 mars 2002, le poste du fonctionnaire s'estimant lésé a été reclassifié, des groupe et niveau AU-3, aux nouveaux groupe, sous-groupe et niveau MG-AFS-5 - l'employeur et l'agent négociateur s'étaient entendus pour que les taux de salaire du nouveau groupe MG s'appliquent à compter du 31 mars 2002 - le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief réclamant une rémunération provisoire pour une période antérieure de sept mois au 31 mars 2002 - il a allégué qu'il exécutait les fonctions reliées à la nouvelle classification de son poste depuis octobre 2001 - il a aussi expliqué que la reclassification de son poste lui a donné droit à la rémunération au rendement, à laquelle il n'avait pas droit auparavant, et qu'une prime au rendement lui a été versée pour la période 2001/2002 - l'employeur a soulevé une objection au grief à l'effet que les délais de présentation n'avaient pas été respectés - l'employeur a répondu que les taux de salaire du nouveau groupe MG ne s'appliquaient pas avant le 31 mars 2002 - l'employeur a aussi expliqué que toute prime au rendement est calculée à partir du salaire d'un fonctionnaire au 31 mars - l'arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas droit à un taux de salaire qui ne s'appliquait pas avant le 31 mars 2002 - un arbitre de grief ne peut modifier une convention collective - l'arbitre de grief a aussi conclu qu'il ne disposait d'aucun élément lui permettant de déterminer que le grief ait été présenté tardivement. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-05-20
  • Dossier:  166-34-32432
  • Référence:  2004 CRTFP 40

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique




ENTRE

JACQUES HEPPELL
fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

Devant:   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire
s'estimant lésé :  
Lyne Morin et Martin Ranger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Carl Chemsi, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 20 novembre 2003.

[1]    M. Jacques Heppell est à l'emploi de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (Agence) à un poste de chef d'équipe dans la Division de programme des enquêtes. Ce poste, classifié aux groupe et niveau AU-3, est reclassifié aux groupe, sous-groupe et niveau MG-AFS-5 le 31 mars 2002, à l'occasion d'une restructuration opérée par l'Agence.

[2]    Le 16 décembre 2002, M. Heppell dépose un grief réclamant une rémunération intérimaire pour la période du 14 octobre 2001 au 31 mars 2002, puisque les fonctions de son poste correspondent à celles d'un poste de groupe et niveau MG-5 depuis octobre 2001.

[3]    Ce grief est renvoyé à l'arbitrage le 11 juin 2003, et l'audience a lieu le 20 novembre 2003.

Les faits

[4]    Dans sa réponse au grief et lors de l'audience, l'employeur soulève l'absence de compétence de l'arbitre de grief sur une question de classification. De plus, s'il s'agit d'une rémunération intérimaire, le grief serait hors délais.

[5]    Lors de son témoignage, M. Heppell indique avoir reçu, à l'automne 2002, un rapport sur son rendement pour la période du 4 septembre 2001 au 31 mars 2002 (pièce F-3). Par la suite, on lui octroie une prime au rendement pour la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2002. Cette prime est rattachée à la classification du groupe MG (« management/gestion »). Sur une note explicative d'octobre 2002 (pièce F-5), on y mentionne que le fonctionnaire s'estimant lésé a occupé un poste MG pour une période de sept mois. M. Heppell explique qu'il n'a pas reçu de prime de rendement antérieurement, car cela n'existait pas lorsque son poste était classifié dans le groupe AU.

[6]    Puisqu'il reçoit, à l'automne 2002, une prime au rendement rattachée au groupe MG, et qu'elle couvre la période d'avril 2001 au 31 mars 2002, il en conclut qu'il occupait un poste rattaché au groupe MG en 2001-2002.

[7]    M. Heppell dépose un grief par la suite pour recevoir une rémunération intérimaire aux groupe et niveau MG-5. Il reproche à l'employeur d'avoir fait entrer en vigueur la rémunération attachée au poste MG uniquement au 31 mars 2002, alors que la description du poste était connue antérieurement.

[8]    M. Vince Renda détient un poste de direction à l'Agence et il a participé au processus de restructuration des postes. Il explique qu'il n'existait pas de norme pour la classification du groupe MG et que l'Agence, après 1999, établit sa propre classification.

[9]    En septembre 2001, un document est préparé à l'intention des fonctionnaires qui seront visés par la création du groupe MG (« Avis personnel anticipé pour les membres du groupe MG » - pièce E-1). En octobre 2001, l'Agence identifie les postes pouvant être couverts par la restructuration, notamment le groupe MG. Il faut attendre décembre 2001 pour recevoir la décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique relative aux nouvelles unités de négociation à l'Agence (2001 CRTFP 127) (pièce E-6).

[10]    Par la suite, une entente relative aux taux de salaire intervient le 13 juin 2002 entre l'Agence et l'agent négociateur (pièce E-8). Cette entente prévoit notamment les taux de salaire du groupe MG et spécifie que ceux-ci s'appliquent rétroactivement au 31 mars 2002. M. Renda explique que cette date du 31 mars 2002 est choisie pour permettre de calculer les primes de rendement qui vont être octroyées. Ces primes, pour une année en cours, 1er avril au 31 mars, sont basées sur les taux de salaire au 31 mars. Cela a pour effet de bonifier les primes octroyées pour la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2002.

[11]    M. Peter Cenne est négociateur pour l'Agence. Il confirme les propos de M. Renda relativement à la prime de rendement. La clause 45.02 de la convention collective (pièce F-1) est explicite sur le fait que la prime de rendement est calculée sur le salaire du dernier jour de la période annuelle d'évaluation.

[12]    Bien que les taux de salaire du groupe MG n'ont pas été déterminés en 2001-2002, les personnes occupant des postes dans ce groupe sont identifiées et les instruments de mesures relatifs à la prime de rendement sont connus. Il est donc possible de verser une telle prime pour la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2002.

Plaidoiries

[13]    Le fonctionnaire s'estimant lésé fait valoir qu'il a obtenu, pour l'année 2001-2002, une prime de rendement applicable au groupe MG.

[14]    La preuve présentée par l'employeur ne contredit pas la prétention du fonctionnaire s'estimant lésé voulant qu'il ait exercé, au cours de la période 2001-2002, les fonctions d'un poste MG.

[15]    La note remise à M. Heppell à l'automne 2002 (pièce F-5) indique qu'il a occupé un poste MG depuis au moins sept mois au cours de la période du 1er avril 2001 au 31 mars 2002.

[16]    De son côté, l'employeur expose que, dans le présent dossier, il s'agit d'une question de reconversion de classification, une restructuration en quelque sorte, ce qui signifie que l'on regroupe plusieurs postes déjà existants pour déterminer les nouveaux groupe et niveau.

[17]    La convention collective fixe l'application des taux de salaire du groupe MG au 31 mars 2002; la demande du fonctionnaire s'estimant lésé vise à faire appliquer ces taux à une autre date.

Motifs

[18]    De prime abord, je ne peux retenir aucune demande relative à la classification du poste du fonctionnaire s'estimant lésé, car l'article 7 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.T.F.P.) exclut la classification du champ de compétence d'un arbitre de grief.

[19]    Le fonctionnaire s'estimant lésé demande par ailleurs que son grief soit examiné sous l'angle de la rémunération intérimaire. En bref, le fonctionnaire s'estimant lésé allègue qu'il a exécuté les tâches propres au groupe MG pour la période du 14 octobre 2001 au 31 mars 2002. Pour soutenir cette prétention, il démontre qu'il a obtenu une prime de rendement applicable au groupe MG pour ladite période.

[20]    Je ne crois pas qu'il faille envisager le grief sous l'angle de la rémunération intérimaire. La preuve démontre que les taux de salaire reliés au groupe MG ne s'appliquent qu'à compter du 31 mars 2002. Il importe peu de déterminer si M. Heppell a accompli des tâches reliées au groupe MG en 2001-2002. Même s'il en était ainsi, l'arbitre de grief ne peut ajouter à la convention collective et déterminer un taux de salaire pour la période antérieure au 31 mars 2002.

[21]    Le fonctionnaire s'estimant lésé réclame un taux de salaire du groupe MG pour une période antérieure au 31 mars 2002. Je constate que ce taux n'existait pas alors; le grief devient donc sans objet et doit être rejeté. De fait, l'arbitre de grief ne peut modifier la convention collective selon l'article 96, paragraphe 2 de la L.R.T.F.P., qui se lit comme suit :

96. (2) En jugeant un grief, l'arbitre ne peut rendre une décision qui aurait pour effet d'exiger la modification d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

[22]    Je n'ai pas retenu l'argument de l'employeur relativement à la prescription du grief, puisque le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé son grief après avoir constaté qu'il reçoit une prime de rendement à l'automne 2002. La pièce F-5 (« calcul de la prime ») fait référence à un chèque d'octobre 2002. Je n'ai aucune indication dans la preuve présentée de la date d'envoi de ce chèque par l'employeur et de la date de réception par le fonctionnaire s'estimant lésé. En conséquence, je ne peux conclure que le grief du 16 décembre 2002 a été présenté tardivement.

[23]    Sur le fond du dossier, tel que je l'ai exprimé précédemment, le grief est sans fondement, puisqu'il réclame un taux de salaire qui n'existait pas dans la convention collective pour la période visée.

[24]    Le grief est donc rejeté.

Jean-Pierre Tessier,
commissaire.

OTTAWA, le 20 mai 2004.
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