Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suite aux événements du 11 septembre 2001, l’employeur a mis en place un horaire de postes pour les inspecteurs de la sécurité régionaux travaillant dans les aéroports internationaux - ces inspecteurs doivent assurer la sécurité dans les aéroports, les gares ferroviaires et les ports - ils étaient auparavant considérés comme des travailleurs de jour - l’employeur a d’abord communiqué avec l’agent négociateur au niveau national au début octobre, et la première réunion de consultation a eu lieu le 26 octobre 2001 - les parties ont poursuivi leurs discussions sans conclure d’entente - au cours des discussions en octobre, l’agent négociateur a soulevé la question des griefs non réglés, et l’employeur lui a envoyé une lettre confirmant la suspension du délai prévu pour la présentation d'un grief jusqu’à l’issue du processus de consultation - une note de service conjointe annonçant l’entente relative à la suspension du délai a été préparée mais n’a jamais été parachevée - les griefs en cause ont été déposés en mars et avril 2002 - selon l’employeur, les griefs devraient être rétroactifs seulement à la période commençant 25 jours avant le dépôt des griefs et ne devraient pas être entièrement rétroactifs - la Commission a conclu que l’entente était claire et que les griefs étaient entièrement rétroactifs - l’agent négociateur a présenté un renvoi en vertu de l’article 99 alléguant que l’employeur avait contrevenu à la clause 25.04 de la convention collective en ne concluant pas d’entente avec lui concernant la modification des heures de travail - les << griefs-types >> également visés par la présente décision contestaient la modification des heures de travail et le défaut de l’employeur de verser des paiements d’heures supplémentaires pour le temps travaillé en dehors des heures normales de travail - les fonctionnaires s’estimant lésés ont été embauchés à la condition de travailler de jour et ont fait valoir qu’il s’agissait d’une condition d’emploi - l’employeur a répondu que la clause 25.04 ne s’appliquait pas à la transition du travail de jour au travail par poste et que la clause 25.02, exigeant la tenue de discussions avec le représentant approprié de l'agent négociateur, était la disposition pertinente - la Commission a statué que ni la clause 25.02, ni la clause 25.04 ne s’appliquait - elle a conclu que la clause 25.04 ne régissait pas la modification des heures de travail ayant pour effet de transformer un travailleur de jour en travailleur par poste - la clause 25.02 ne s’appliquait pas parce qu’elle régissait uniquement la modification de l’horaire de travail, ce qui est la répartition des heures de travail à l'intérieur d'une période fixe et ne comprend pas la transformation des travailleurs de jour en travailleurs par poste - l’examen de décisions antérieures de la Commission et d’une décision de la Cour fédérale a mené à la conclusion que l’employeur pouvait transformer des travailleurs de jour en travailleurs par poste sans l’accord de l’agent négociateur - les droits de la direction ont préséance, car la convention collective ne limite pas le droit de l’employeur de déterminer les heures de travail et de transformer des travailleurs de jour en travailleurs par poste. Griefs et renvoi rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-03-31
  • Dossiers:  166-2-32447
    166-2-32448
    169-2-667
  • Référence:  2005 CRTFP 30

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

IAN HODGSON ET JOHN KNIGHTON
ET
ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

fonctionnaires s’estimant lésés/agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Transports Canada)

employeur

Devant : Ian R. Mackenzie, commissaire

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés et l’agent négociateur : David Landry, Alliance de la Fonction publique du Canada, et Paul Champ, avocat

Pour l’employeur : Rosalie Armstrong, avocate


Affaire entendue à Vancouver (C.-B.) et à Ottawa (Ontario),
les 26 et 27 mai et du 18 au 22 octobre 2004.


[1]   Les griefs en instance et le renvoi en vertu de l’article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) découlent des suites de la tragédie du 11 septembre 2001. Avant cette date (« 11 septembre »), les inspecteurs de la sécurité régionaux employés dans les aéroports internationaux (aéroports de classe 1) au Canada étaient considérés comme des travailleurs de jour, leur semaine de travail normale étant répartie du lundi au vendredi. Peu de temps après le 11 septembre, Transports Canada a mis en place un horaire de postes pour ces inspecteurs. L’Union canadienne des employés des transports (UCET), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), représente les fonctionnaires s’estimant lésés. La convention collective applicable est celle du groupe Services techniques (date d’expiration : le 21 juin 2000) (pièce A-1/G-1). L’AFPC affirme que l’employeur a contrevenu aux dispositions de la convention collective en négligeant de conclure une entente avec l’agent négociateur sur la modification des heures de travail (en contravention du paragraphe 25.04). Les fonctionnaires s’estimant lésés allèguent que l’horaire de postes leur a été imposé sans consultation, en contravention de la convention collective, et que l’employeur a donc violé les dispositions applicables de la convention collective.

[2]   L’AFPC a présenté un renvoi en vertu de l’article 99 de la LRTFP, le 10 juin 2003, dans lequel elle demande la mesure corrective suivante :

[Traduction]

  1. Une déclaration que la convention collective a été violée.
  2. Une ordonnance enjoignant l’employeur à respecter ses obligations en vertu de la convention collective.
  3. Toute autre ordonnance jugée nécessaire par la Commission.

[3]   Les deux griefs renvoyés à l’arbitrage étaient considérés par les parties comme des « griefs-types » (environ 14 autres griefs ont été déposés par les employés touchés). Les détails de ces griefs et la mesure corrective demandée sont identiques dans les deux cas. Voici un extrait du grief de M. Ian Hodgson :

[Traduction]

B. DÉTAILS DU GRIEF

Je conteste la décision de la direction de modifier unilatéralement (sans consultation et sans entente) ma semaine et mes journées de travail normales, en contravention du paragraphe 25.04 de la convention collective.

Je conteste le défaut de la direction de m’indemniser au taux des heures supplémentaires approprié conformément aux articles 25 et 28 de la convention collective (et à toutes les autres dispositions pertinentes).

Je conteste la décision de la direction de continuer d’imposer un horaire de postes sans consultation.

C. MESURE CORRECTIVE DEMANDÉE

Que la direction mette un terme immédiatement à l’horaire de postes imposé sans consultation.

Que je sois indemnisé au taux des heures supplémentaires approprié conformément à la convention collective.

Que la direction respecte et applique la semaine et les journées de travail normales stipulées au paragraphe 25.04 de la convention collective.

Que la direction consulte l’Alliance et conclue une entente avant de modifier la semaine, les journées et les heures de travail stipulées au paragraphe 25.04.

Que je sois indemnisé pour toutes les pertes subies à cause de la décision de la direction d’imposer un horaire de postes, sans consultation.

Que je sois indemnisé intégralement.

[4]   M. Knighton a déposé son grief le 27 mars 2002 et M. Hodgson, le 9 avril 2002. Les deux griefs ont été renvoyés à l’arbitrage le 11 juin 2003.

[5]   Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, Transports Canada indique que le paragraphe 25.04 ne s’applique pas à la transition de l’horaire de jour à l’horaire de postes et que le paragraphe 25.02, exigeant la tenue de discussions avec l’agent négociateur au niveau approprié, est la disposition pertinente.

[6]   Les affaires devaient initialement être instruites en novembre 2003, mais en raison de problèmes de mise au rôle, l’audience a commencé en mai 2004 seulement. Des difficultés du même ordre ont fait que la deuxième partie de l’audience s’est déroulée en octobre 2004.

[7]   À l’ouverture de l’audience, les fonctionnaires s’estimant lésés et l’agent négociateur étaient représentés par M. David Landry, de l’AFPC. À la reprise de l’audience en octobre 2004, M. Landry avait pris sa retraite et était remplacé par Me Paul Champ.

[8]   Cinq personnes ont témoigné pour le compte des fonctionnaires s’estimant lésés et de l’agent négociateur et cinq pour le compte de l’employeur. Une ordonnance d’exclusion des témoins a été demandée et accordée.

CONTEXTE

[9]   L’interprétation de l’article 25 de la convention collective du groupe Services techniques et au cœur de l’affaire en instance. Par souci de commodité, je reproduis ci-après les dispositions sur lesquelles les parties se sont appuyées lors des consultations. (J’utilise le terme « consultations » dans son sens générique.)

25.01 La durée du travail prévue à l'horaire d'un employé-e ne doit pas être considérée comme une garantie d'une durée minimale ou maximale du travail.

25.02 L'Employeur convient, avant de modifier l'horaire des heures de travail, de discuter des modifications avec le représentant approprié de l'Alliance si la modification touche la majorité des employé-e-s assujettis à cet horaire.

25.03 Pourvu qu'un préavis soit donné dans un délai suffisant, et avec l'autorisation de l'Employeur, les employé-e-s peuvent s'échanger des postes si cela n'augmente pas les frais de l'Employeur.

25.04 a ) Sous réserve du paragraphe 25.09, la semaine de travail normale est de trente-sept heures et demie (37 1/2), à l'exclusion des périodes de repas, réparties sur cinq (5) jours de sept heures et demie (7 1/2) chacun, du lundi au vendredi. La journée de travail est prévue à l'horaire au cours d'une période de neuf (9) heures située entre 6 h 00 et 18 h 00, à moins qu'il n'en ait été convenu autrement au cours de consultations au niveau approprié entre l'Alliance et l'Employeur.

b ) Les durées du travail prévues à l'horaire hebdomadaire et à l'horaire journalier stipulées à l'alinéa 25.04a) peuvent être modifiées par l'Employeur, à la suite de consultations avec l'Alliance, pour permettre de mettre en vigueur des heures d'été et des heures d'hiver, pourvu que le total annuel ne change pas.

[…]

25.09 Dans le cas des employé-e-s qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière :

a ) la durée normale du travail est portée à l'horaire de manière que les employé-e-s travaillent :

(i) en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine et en moyenne cinq (5) jours par semaine,

et

(ii) sept heures et demie (7 1/2) par jour.

[…]

d ) L'Employeur fait tout effort raisonnable :

[…]

(iii) pour tenir compte des désirs de la majorité des employé-e-s touchés par la répartition des postes à l'intérieur d'un horaire de postes;

(iv) pour répartir les postes sur une période ne dépassant pas cinquante-six (56) jours et pour afficher les horaires au moins quatorze (14) jours avant la date de début du nouvel horaire;

(v) pour accorder à l'employé-e au moins deux (2) jours de repos consécutifs.

[… ]

g) Nonobstant les dispositions du présent article, il peut être avantageux, sur le plan de l'exploitation, d'appliquer des horaires de travail qui diffèrent de ceux prévus dans le présent paragraphe. Toute entente spéciale peut être établie à la demande de l'une ou l'autre partie et doit être acceptée mutuellement par l'Employeur et la majorité des employé-e-s touchés.

PREUVE

[10]   Les inspecteurs de la sécurité régionaux (ISR) sont responsables de la sûreté et de la sécurité dans les aéroports, les gares ferroviaires et les ports. Les aéroports sont répartis en plusieurs classes, soit les classes 1, 2 ou « autres ». Tous les aéroports internationaux font partie de la classe 1 (Calgary, Edmonton, Halifax, Montréal (Dorval), Montréal (Mirabel), Ottawa, Toronto (Pearson), Vancouver et Winnipeg). Les fonctions des ISR englobent l’inspection du contrôle pré-embarquement, des bagages enregistrés, du fret, de la sécurité des aéronefs, du ravitaillement et de la limitation d’accès.

[11]   Avant le 11 septembre 2001, les ISR étaient des travailleurs de jour, c’est-à-dire qu’ils travaillaient 7,5 heures par jour au cours de la période fixe située entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi. Des inspections étaient parfois prévues les fins de semaine, dans lequel cas les inspecteurs étaient rémunérés au taux des heures supplémentaires.

[12]   Les horaires de travail des ISR retenaient déjà l’attention du Comité de gestion exécutif de Transports Canada depuis septembre 2000, au moins. Le procès-verbal de la réunion du Comité de gestion exécutif de la Direction de la sûreté et des préparatifs d’urgence, tenue du 26 au 28 septembre 2000 (pièce G-8), renvoie à un document intitulé [traduction] « Examen et approbation de la politique sur l’application d’horaires de postes aux ISR ». Le procès-verbal indique que des représentants des Relations de travail insistent sur la nécessité de consulter l’UCET et d’inclure le groupe des ISR dans le processus avant d’établir un horaire d’inspection définitif. Sous la rubrique [traduction] « Prochaines étapes », on confie à M. Jean Barrette, directeur des Opérations de sécurité, la responsabilité de poursuivre les discussions avec les directeurs régionaux, d’établir le coût de revient des horaires de travail et de définir les paramètres des services d’inspection à assurer dans les aéroports de classe 1 et 2. M. D. Johns, des Relations de travail, est chargé de rédiger un document sur la marge de manœuvre dont dispose la direction, compte tenu de la convention collective des TI.

[13]   Lors de la réunion du Comité de gestion exécutif qui s’est tenue du 16 au 18 janvier 2001, M. Barrette a déclaré que les conseillers en relations de travail recommandaient de procéder de la façon suivante (pièce G-9) :

[Traduction]

[…]

  • Dresser la liste des dispositions de la convention collective des TI offrant des options à la direction pour appliquer des horaires de postes;
  • Envoyer la liste aux bureaux régionaux pour obtenir leurs observations;
  • Faire part rapidement à l’UCET des intentions de la direction;
  • Rédiger un avant-projet de politique;
  • Concevoir un plan stratégique de communication avec le personnel.

[…]

[14]   Lors de la réunion du Comité de gestion exécutif qui s’est tenue du 10 au 12 avril 2001, M. Barrette a indiqué que la question du travail par poste était mise en suspens jusqu’à la fin de l’automne en raison de l’éventualité d’une grève (pièce G-10).

[15]   Le groupe Services techniques était en grève le 11 septembre 2001. Quand l’ampleur de la tragédie qui venait de se produire est apparue clairement, les employés sont retournés au travail. Ce jour-là et les quelques jours suivants, les services de Transports Canada ont été extrêmement sollicités. Des employés à la retraite, de même que du personnel d’autres services du ministère ont été appelés en renfort. Des postes de travail ont été prévus à l’horaire, 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

[16]   Mme Paulette Hébert-Théberge, directrice régionale, Région des prairies et du Nord, a déclaré que, jusqu’au 17 septembre 2001, les employés de la région avaient été rémunérés à leur taux habituel et avaient eu droit à une indemnité d’heures supplémentaires pour le travail exécuté après les heures de travail normales. Après le 17 septembre 2001, des horaires de postes ont été officiellement prévus à l’horaire et les employés ont eu droit à des primes de poste. Mme Hébert-Théberge a également indiqué que vers le 14 ou le 15 septembre, la direction considérait déjà que ces nouveaux horaires étaient là pour rester. En contre-interrogatoire, elle a déclaré que la décision d’instaurer des horaires de postes était bien arrêtée le 20 septembre 2001, mais que sa mise en œuvre avait pris un certain temps.

[17]   Mme Hébert-Théberge a indiqué que les premières tentatives pour discuter des heures de travail avec le syndicat avaient eu lieu au début d’octobre 2001. Elle dit avoir demandé au conseiller en relations de travail de communiquer avec le représentant local de l’UCET, KerryWilliams, le 9 octobre 2001.

[18]   Le 25 octobre 2001, les Opérations de la sécurité ont diffusé une lettre de politique intitulée [traduction] « Politique et principes régissant l’application de la loi » (« Lettre de politique 16 ») (pièce G-16), dans laquelle on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

HEURES DE TRAVAIL

Les directeurs régionaux doivent faire le nécessaire pour assurer les services de sécurité sept jours sur sept durant les heures d’exploitation de l’aérodrome dans tous les aéroports de classe 1. De plus, durant les périodes de moindre affluence, il doit y avoir un inspecteur en poste dans chaque aéroport international, la moitié du temps, de façon aléatoire.

En raison des mesures de dotation en cours, certains bureaux régionaux pourraient avoir de la difficulté à assurer les services durant la période requise. Le cas échéant, ils doivent en informer ABC [directeur des Opérations de sécurité] en indiquant comment ils entendent satisfaire aux exigences.

[19]   La lettre de politique annonçait aussi une augmentation de la fréquence des inspections du contrôle du pré-embarquement, des bagages enregistrés, du fret, de la sécurité des aéronefs, du ravitaillement et de la limitation d’accès.

[20]   Le ministère a initialement communiqué avec l’agent négociateur au niveau national le 3 octobre 2001. Mme Lynn Landriault, chef des Relations de travail, a déclaré qu’elle avait discuté de la question des horaires de postes avec M. Wayne Elliott, vice-président de l’UCET, ce jour-là. Il y avait encore énormément de confusion autour des heures de travail; elle lui a donc indiqué que d’autres discussions en profondeur étaient nécessaires. La première réunion de consultation a eu lieu le 26 octobre 2001 (pièce A-2). M. Barrette a alors fait le point sur les conséquences des événements du 11 septembre sur les opérations de sécurité dans les aéroports de classe 1, et fourni des renseignements sur le nombre de nouvelles recrues projeté. M. Mike Wing, président de l’UCET, a déclaré qu’il doutait fortement de la capacité de la direction d’instaurer un régime de travail par poste vu l’effectif actuel. Il a également mentionné que l’embauche prévue de 27 nouveaux inspecteurs n’était pas une mesure suffisante pour mettre en place un tel régime. M. Eric Daoust, conseiller en relations de travail à Transports Canada, a présenté un document décrivant les options s’offrant à la direction pour répondre aux nécessités du service [traduction] (« Horaires de postes — Sécurité (groupe TI) », pièce A-3).

[21]   La première option était celle des heures supplémentaires, au début ou à la fin de la journée, accolées ou non aux heures de travail normales. Le document indiquait qu’aucune consultation n’était nécessaire pour appliquer cette option. La deuxième option consistait en l’établissement d’horaires de postes de 37,5 heures par semaine en moyenne, réparties sur cinq jours de 7,5 heures chacun. On précisait que des consultations étaient nécessaires pour modifier les heures de travail (paragraphe 25.02). La troisième option consistait en la mise en place d’un horaire de postes différent du précédent et décrit comme « avantageux sur le plan de l’exploitation ». Cette option consistait également en un horaire de travail variable. On indiquait que l’application d’un horaire de travail différent de celui prévu par le paragraphe 25.09 nécessitait la tenue de consultations et l’accord mutuel de l’employeur et de la majorité des employés concernés. La direction a demandé à l’agent négociateur de lui faire part de ses observations sur les diverses options proposées.

[22]   À la réunion du 26 octobre 2001, M. Wing a également indiqué que l’UCET avait entendu dire par ses membres qu’il y avait des incohérences dans la rémunération des heures de travail dans l’ensemble des régions. Il a demandé au ministère de tirer cette question au clair. L’information voulue lui a été communiquée par écrit le 2 mai 2002 (pièce R-5).

[23]   L’UCET a également soulevé la question des griefs non réglés lors de la réunion de consultation du 26 octobre 2001. Mme Landriault a écrit à M. Wing, le 12 novembre 2001 (pièce A-7), pour lui confirmer la suspension du délai prévu pour la présentation d’un grief ainsi que la recevabilité de tous les griefs présentés dans les 25 jours suivant la conclusion du processus de consultation. Un projet de note de service conjointe annonçant la conclusion d’une entente à cet égard a été préparé par le personnel des relations de travail pour la signature de MM. Barrette et Wing (pièce A-6), mais n’a jamais été parachevé. Par la suite, l’UCET a informé ses membres, dans son site Web, de l’entente intervenue relativement à la suspension du délai (pièce R-4). M. Knighton a déposé son grief le 27 mars 2002 et M. Hodgson, le 9 avril 2002.

[24]   Le 30 octobre 2001, M. Brian Bramah, directeur régional de la Région du Pacifique, a envoyé un courriel à tout le personnel de l’aéroport international de Vancouver, dans lequel il indiquait avoir demandé à M. John Getty de dresser la liste des préférences des inspecteurs eu égard à un horaire de postes continus à l’aéroport (pièce E-1). Son objectif était d’établir si la majorité des employés étaient en faveur de postes d’une durée de 9,375 h ou de 7,5 h. Il disait, dans son courriel, être d’avis que la situation allait perdurer. Il indiquait aussi avoir rencontré le vice-président local de l’UCET, M. David Lee, et pris part à la réunion de consultation syndicale-patronale du 26 octobre 2001 à Ottawa. Par retour de courriel le lendemain (pièce E-1), M. Getty lui a communiqué les préférences de sept inspecteurs, qu’il qualifiait de disparates. Il mentionnait également qu’il fallait abandonner l’idée d’une application volontaire.

[25]   Une deuxième réunion de consultation s’est tenue le 13 novembre 2001 (pièce R-1). M. Wing ne pouvant y assister, il y a dépêché Mme Angela Tancorre et M. Ferrand. Au cours de la réunion, M. Ferrand a indiqué qu’il était difficile pour l’UCET de communiquer avec les membres pour obtenir de l’information sur les heures de travail; il demandait donc l’aide de l’employeur pour faciliter le processus de consultation. Mme Landriault lui a demandé quand, où et avec qui ces consultations devaient avoir lieu. M. Ferrand a également précisé que l’UCET attendait de recevoir l’avis de la section des griefs et de l’arbitrage de l’AFPC avant de faire connaître sa position sur les options proposées lors de la réunion de consultation du 26 octobre 2001.

[26]   Une fois l’avis attendu de la section des griefs et de l’arbitrage reçu, l’UCET a communiqué sa position sur les options proposées par le ministère (pièce A-3). M. Wing a déclaré avoir dit aux représentants du ministère que le syndicat était d’avis qu’on pourrait assujettir les nouveaux employés à un horaire de postes tout en laissant aux employés actuels le choix de se prévaloir ou non de cette option, mais que ceux qui préféraient conserver leur horaire de jour ne pouvaient pas être assujettis à l’horaire de postes sans l’accord du syndicat.

[27]   M. Daoust a écrit au Conseil du Trésor, le 10 décembre 2001 (pièce G-21), pour obtenir son avis sur la position de l’agent négociateur, qu’il a décrite de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

  1. Ils indiquent que nous ne pouvons pas assujettir le groupe principal, c’est-à-dire les travailleurs de jour, à un horaire de postes. Ils se fondent sur le libellé du paragraphe 25.04 pour affirmer que les 46 TI (le groupe principal) sont des travailleurs de jour et que la journée de travail doit être prévue à l’horaire au cours d’une période de neuf heures située entre 6 h et 18 h, à moins qu’il n’en ait été convenu autrement au cours de consultations au niveau approprié entre l’Alliance et l'employeur. Comme ils refusent de donner leur accord, ils estiment que nous ne pouvons pas modifier les heures de travail et, partant, appliquer le paragraphe 25.09 à ces employés.
  2. Ils sont d’avis que tout le travail exécuté en-dehors de la période de neuf heures située entre 6 h et 18 h doit être rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable.
  3. Cependant, ils sont d’accord pour que les nouveaux employés soient assujettis à un horaire de postes et, en fait, qu’on leur attribue les postes entourant l’horaire de travail normal des TI (le groupe principal).

[…]

[28]   M. Daoust a reçu la réponse suivante de Mme Kathryn Wilder Patterson, négociatrice du Conseil du Trésor, le 12 décembre 2001, (pièce G-21) :

[Traduction]

[…] L’obligation à laquelle vous êtes tenu est de consulter le syndicat; s’il est préférable d’obtenir son accord, ce n’est toutefois pas une nécessité. Le paragraphe 25.09 peut s’appliquer aux employés actuels; il ne vise pas uniquement les nouveaux employés. D’autres ententes peuvent être conclues en vertu de l’alinéa 25.09g) avec l’accord de la majorité.

[…]

[29]   Lors d’une réunion de consultation syndicale-patronale tenue le 13 décembre 2001, M. Wing a mentionné à nouveau que l’agent négociateur était d’avis que les employés actuels ne pouvaient pas être assujettis à un horaire de postes sans consentement et que les nouveaux employés pouvaient être embauchés comme des travailleurs par poste (pièce A-4/R-3). M. Wing a déclaré en témoignage que l’agent négociateur admettait qu’il ne pouvait pas s’opposer à ce que les nouveaux inspecteurs soient assujettis à des horaires de postes. Il a ajouté que certains des inspecteurs actuels étaient prêts à devenir des travailleurs par poste et que l’agent négociateur n’entendait pas s’opposer à leur décision. Les autres employés étaient disposés à travailler par postes de travail jusqu’à l’arrivée des nouvelles recrues, après quoi ils voulaient revenir à leur horaire habituel.

[30]   Un document portant sur les heures de travail et la fréquence des inspections, dans lequel sont reproduits des passages de la lettre de politique 16 (pièce G-16), a également été déposé à la réunion du 13 décembre 2001 (pièce jointe à la pièce R-3).

[31]   Pendant ce temps, de nouveaux inspecteurs étaient embauchés. Les avis de concours/mutation mentionnaient la condition d’emploi suivante : [traduction] « [...] Capacité et volonté de travailler de façon intermittente/irrégulière, y compris d’être assujetti à un horaire de postes, au besoin [...] » (pièce E-22).

[32]   La lettre de politique 16 a été révisée le 9 mai 2002 (pièce R-8). La période de services requise a été ramenée à 16 heures par jour, sept jours sur sept. Durant les heures de moindre affluence, on exigeait la présence d’un inspecteur dans chaque terminus international, un jour par semaine, de façon aléatoire.

[33]   M. Ian Hodgson, ISR, travaille à Edmonton. Il a reçu une offre d’emploi de durée indéterminée comme agent de la sécurité régional le 30 septembre 1997 (pièce G-5). Il a déclaré qu’il a été embauché à la condition que ses heures de travail se situent à l’intérieur de la période comprise entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi. La lettre d’offre ne fournit toutefois aucune indication sur les heures de travail. L’avis de concours et la lettre d’offre ne faisaient aucune mention de la possibilité d’être assujetti à un horaire de postes et le sujet n’a nullement été abordé durant l’entrevue. M. Hodgson a accepté le poste aux conditions proposées car il a déjà travaillé par postes comme policier et il ne voulait plus être assujetti à un tel horaire.

[34]   Avant le 11 septembre 2001, M. Hodgson travaillait de 7 h 30 à 16 h 30, du lundi au vendredi et a bénéficié pendant un certain temps d’une semaine de travail comprimée. Selon Mme Hébert-Théberge, on a mis fin à cet horaire de travail aux environs du 16 septembre 2001. M. Hodgson était parfois appelé à voyager les fins de semaine, ce qui lui ouvrait droit à une indemnité d’heures supplémentaires, conformément à la convention collective. Après le 11 septembre 2001, on s’est mis à discuter, au bureau d’Edmonton, de la nécessité d’ajouter des postes de travail à l’aéroport pendant un certain temps. Cela n’a eu aucune incidence sur M. Hodgson pendant la première moitié du mois de septembre, car il a continué de travailler au bureau du centre-ville. Le 19 septembre 2001, il a été prié de se présenter à l’aéroport international de Calgary. Pour autant qu’il se souvienne, il a été rémunéré pour les heures supplémentaires effectuées en septembre. Durant la première semaine d’octobre, il a exécuté du travail en-dehors de la période fixe, mais sans recevoir d’indemnité d’heures supplémentaires. Du 9 octobre jusqu’à la fin du mois, sa journée de travail cadrait avec la période fixe, de sorte qu’il n’a pas été rémunéré au taux des heures supplémentaires. Mme Hébert-Théberge a déclaré que M. Hodgson refusait d’accepter le travail par poste comme mode de vie et qu’il essayait continuellement de faire valoir son point de vue (en présentant des demandes d’indemnisation des heures supplémentaires). Elle a toutefois indiqué qu’il acceptait les postes qui lui étaient attribués.

[35]   Les postes tournants de M. Hodgson ont commencé en avril 2002. Il a déclaré que ses heures de travail changeaient assez constamment depuis, de quatre à six horaires différents lui ayant été attribués depuis la mise en œuvre du régime de travail par poste. M. Hodgson a fait l’historique de ses heures de travail en vertu des horaires de postes. À la date de la présente audience, il était affecté à un poste de soir et travaillait trois jours consécutifs, après quoi il avait droit à deux jours de repos. Il a déclaré que l’horaire de jour lui avait permis de passer plus de temps avec sa jeune famille alors que l’horaire de postes, ainsi que les postes de fins de semaine, perturbaient sa vie familiale et ses activités bénévoles à l’église, en plus de nuire à sa santé.

[36]   M. John Knighton est inspecteur à l’aéroport international de Vancouver depuis novembre 2000. Il a déclaré que ses fonctions étaient demeurées essentiellement les mêmes après le 11 septembre 2001, mais que le volume de travail avait doublé. Au moment de son embauche en juillet 2000, on lui a indiqué que ses heures de travail allaient être de 7,5 heures par jour au cours de la période située entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi. Lorsqu’il a commencé à travailler à l’aéroport international de Vancouver, son horaire de travail était de 7 h à 15 h, du lundi au vendredi. Ayant été assujetti à des horaires de postes dans le passé, il aurait postulé un autre emploi si on lui avait imposé ce type d’horaire. Avant le 11 septembre 2001, il avait droit à une indemnité d’heures supplémentaires lorsqu’il était obligé de travailler le soir.

[37]   Après le 11 septembre 2001, M. Knighton a été assujetti à un horaire tournant composé de postes de 12 heures non compris dans la période fixe située entre 6 h et 18 h. Il a d’abord travaillé de 19 h 30 à 7 h 30. À la fin d’octobre 2001, on lui a versé une indemnité d’heures supplémentaires pour tout le travail exécuté en-dehors de la période fixe de 6 h à 18 h. Après le 30 octobre 2001, l’indemnité d’heures supplémentaires a été remplacée par une prime de poste pour les postes de soir et de nuit, et une prime de fin de semaine pour les postes du samedi et du dimanche. La seule indemnité d’heures supplémentaires qu’il a reçue par la suite se rapportait à du travail exécuté un jour de repos. À la date de l’audience, il était affecté à un poste comportant quatre jours de travail et trois jours de repos. Ses heures de travail varient. À l’aéroport international de Vancouver, les services de sécurité sont assurés de 5 h à 22 h. Les postes commencent à 5 h, 6 h, 7 h et midi et sont d’une durée de 10 heures, dont 9,5 heures sont rémunérées. M. Knighton a déclaré que les autres inspecteurs et lui avaient mis l’épaule à la roue durant la période qui a suivi immédiatement les événements du 11 septembre. Lors d’une réunion tenue en octobre 2001, avec M. Brian Bramah et des représentants du Service des ressources humaines, des collègues et lui ont indiqué qu’ils voulaient revenir à leur horaire habituel de jour. On leur a demandé s’ils accepteraient de continuer de travailler par postes jusqu’à la fin d’octobre, soit jusqu’à la conclusion d’une entente entre l’employeur et l’agent négociateur, ce à quoi ils ont donné leur accord.

[38]   Le 12 février 2002, M. Knighton a envoyé un courriel à M. Bramah lui indiquant qu’il acceptait de continuer d’être assujetti à un horaire tournant jusqu’à la fin d’octobre 2001, mais qu’il voulait maintenant être régi à nouveau par les dispositions de l'alinéa 25.04a) et que sa journée de travail soit prévue au cours de la période située entre 6 h et 18 h, du lundi au vendredi (pièce E-10/G-3). M. Bramah lui a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Comme vous le savez, les nécessités du service applicables à votre poste ont changé depuis la tragédie survenue aux États-Unis. Vous demeurez donc assujetti à l’horaire de postes actuel jusqu’à nouvel ordre. Des discussions ont été entamées avec le syndicat au niveau de l’administration centrale. Les discussions se poursuivent concernant les diverses interprétations de votre convention collective. J’examine actuellement la possibilité de réduire la période de services requise pour qu’il y ait un peu plus d’inspecteurs sur place durant les heures d’affluence. Par exemple, la période de 20 heures actuelle pourrait être ramenée à 16 heures. Beth travaille actuellement de concert avec toutes les personnes concernées pour assurer les services requis.

[39]   M. Knighton a également déclaré que, le 20 février 2001, les inspecteurs avaient demandé à M. Bramah, lors d’une réunion, de revenir à l’horaire habituel de jour. M. Bramah leur avait indiqué qu’ils s’exposaient à des mesures disciplinaires s’ils refusaient de travailler par postes. À l’audience, M. Bramah a déclaré qu’il ne se rappelait pas avoir tenu de tels propos. Dans un courriel adressé à M. David Lee, représentant local de l’UCET, il indique considérer la question de l’horaire de postes comme réglée depuis la réunion du 20 février 2001 avec le personnel (pièce E-10). M. Bramah a déclaré qu’il estimait que le travail par poste n’était pas une question de choix et qu’il essayait d’instaurer cette formule sur une base volontaire en cherchant à connaître les préférences des employés quant à la durée des postes et à des postes particuliers (pièce E-1).

[40]   M. Knighton a déclaré qu’il voulait demeurer un travailleur de jour car c’est à ce titre qu’il avait été embauché. C’est aussi à cette condition qu’il avait signé son contrat de travail. Le dimanche est son jour de repos. Il est membre des Réserves depuis 1994 et sergent major de la Compagnie. Ses obligations envers les Réserves le retiennent à l’extérieur de chez lui les fins de semaine et les jeudis soirs. Quand il est obligé de travailler le dimanche, il ne peut assister à l’entraînement; il a également été contraint de manquer des réunions les jeudis soirs. Pour participer aux activités les jours o ù il travaille, il doit demander un congé annuel. M. Knighton a également indiqué qu’il exploitait une entreprise d’élevage et de dressage de pur-sang dans ses temps libres. Avant que ses heures de travail soient modifiées, il s’occupait lui-même du dressage des chevaux alors qu’il doit désormais payer quelqu’un pour faire ce travail.

[41]   En contre-interrogatoire, on a demandé à M. Knighton s’il avait pensé à changer de travail. Me Landry s’est opposé à cette question, la qualifiant de non pertinente. J’ai admis la question et réservé ma décision quant à la valeur probante à accorder au témoignage. M. Knighton a déclaré qu’il [traduction] « ador[ait] » son travail et qu’il était bien rémunéré pour accomplir un travail qu’il aimait. Il avait certes envisagé à certains moments de postuler un autre genre de poste à Transports Canada, mais il ne voulait pas faire autre chose. Il était d’avis que le travail pouvait être accompli en respectant les dispositions de la convention collective.

[42]   Une note de service conjointe, signée par MM. Barrette et Elliott, a été envoyée aux inspecteurs de la sécurité le 11 avril 2003 (pièce A-8). On y fait le point sur les consultations syndicales-patronales en précisant qu’un marché de services a été accordé à Orbis Partners Inc. pour [traduction] « effectuer un examen des nécessités du service, proposer divers horaires de postes, au besoin, et adapter les outils de mise en œuvre et la formation ». Il y est également question du manque d’harmonisation des heures de travail dans l’ensemble du Canada :

[Traduction]

[…]

[…] [des incohérences] existent, à l’heure actuelle, de manière à répondre aux besoins des services régionaux. À la suite de consultations avec le syndicat et les bureaux régionaux et d’un examen des données recueillies, la haute direction a décidé que ces ententes demeuraient en vigueur jusqu’à la prise d’une décision définitive au terme du processus de consultation, et ce, après un examen attentif des solutions de rechange possibles. […]

[…]

[43]   La note de service conjointe annonçait aussi l’embauche de nouveaux inspecteurs, lesquels participaient pour l’instant à des séances de formation exhaustive : [traduction] « […] L’arrivée de nouveaux inspecteurs qualifiés nous donnera l’occasion de réexaminer les heures de travail ».

[44]   L’avocat de l’agent négociateur s’est opposé à la mise en preuve du rapport Orbis et au témoignage de l’un de ses auteurs, M. William (Bart) Millson, au motif que le contenu du rapport n’était d’aucune utilité pour trancher la question principale dont je suis saisi. Me Champ a fait valoir que le rapport n’avait aucune incidence sur l’interprétation appropriée de la convention collective. S’il était admis en preuve, l’agent négociateur, qui en contestait la véracité, serait obligé de soumettre M. Millson à un long contre-interrogatoire sur la méthodologie utilisée, ce qui retarderait ou prolongerait exagérément l’audience. Le fait que les services du cabinet d’experts-conseils ont été retenus et qu’une étude a été effectuée a déjà été mis en preuve. L’avocate de l’employeur a soutenu que le rapport Orbis s’inscrivait dans le cadre du processus de consultation. Le ministère voulait savoir si les employés étaient satisfaits de l’horaire de postes, quelle incidence il avait sur eux et de quelle manière il pouvait être amélioré. L’agent négociateur a accepté et même accueilli l’idée avec enthousiasme; il a en outre signé la correspondance relative à l’étude. Le rapport est nécessaire pour établir si l’application de l’horaire de postes a fait l’objet de discussions ou de consultations.

[45]   J’ai admis le rapport ainsi que le témoignage de M. Millson en faisant observer que cela n’empêchait pas l’avocat de l’agent négociateur de s’opposer à la divulgation de parties ou d’aspects du rapport par la suite. J’ai pris acte des objections soulevées quant à la pertinence du rapport et déclaré que les observations sur cette question pouvaient être présentées lors des conclusions finales seulement. J’ai indiqué que j’entendais apprécier la pertinence de la preuve et la valeur probante à y accorder dans ma décision définitive.

[46]   Les paramètres de l’étude sont définis comme suit dans une « Demande de propositions » (pièce G-22) :

[Traduction]

[…]

2.   Les besoins

Transports Canada recherche l’avis et l’aide à court terme de spécialistes pour examiner les conséquences de la prolongation des heures d’exploitation sur les activités d’inspection de la sécurité dans les aéroports de classe 1. Cet examen comporte les tâches suivantes :

  • L’élaboration d’un sondage national destiné aux inspecteurs travaillant dans les aéroports de classe 1.
  • Des visites dans les régions pour tenir des groupes de discussion et analyser les horaires de postes actuels.
  • L’élaboration de divers projets d’horaires à l’intention de la haute direction.
  • L’établissement d’une liste de logiciels du commerce pouvant être utilisés pour la gestion de divers horaires.
  • La tenue de séances de formation à l’intention des directeurs régionaux sur l’élaboration d’horaires de postes.
  • La conception et la tenue d’ateliers sur la conciliation travail par postes et vie personnelle à l’intention des inspecteurs afin de les aider à s’adapter au nouveau régime de travail. Les ateliers, d’une durée prévue d’une demi-journée — à déterminer par le responsable du projet de TC de concert avec l’entrepreneur —, seront donnés soit en anglais, soit en français.

[… ]

[47]   Des groupes de discussion ont été constitués dans les neuf aéroports de classe 1 et des visites sur place organisées dans six d’entre eux (pièce E-14). Les inspecteurs ont également été appelés à répondre à un questionnaire sur les heures de travail. Le taux de réponse s’est établi à 81,3 % (à l’aéroport international d’Ottawa, les inspecteurs ont tous refusé de répondre). Le sondage a révélé que 56,5 % des répondants avaient moins d’une année de service comme ISR, 17,4 %, entre une et trois années de service, et 26,1 %, plus de trois. La plupart des répondants indiquent préférer en premier lieu être affectés à des postes de jour (86,1%). Les mots [traduction] « poste de jour » n’étaient pas définis dans le sondage. M. Millson a déclaré qu’il s’agissait d’une période où les heures de travail se situent pour la plupart entre 9 h et 17 h.

[48]   M. Knighton a témoigné que les experts-conseils leur avaient demandé, à lui et à d’autres inspecteurs, quelle incidence le travail par poste avait sur leur vie personnelle. À aucun moment, le retour à l’horaire en vigueur avant le 11 septembre 2001 n’a été présenté comme une option possible. Le sondage a également révélé que 91,5 % des inspecteurs préféraient un horaire composé de postes d’une durée de 10 heures et un régime de travail comprenant trois ou quatre postes consécutifs suivis de quelques jours de repos.

[49]   Les experts-conseils ont également examiné les horaires en vigueur dans six aéroports de classe 1, soit celui de Halifax, Dorval, Ottawa, Toronto, Calgary et Vancouver, de même que les services assurés la semaine, les fins de semaine et les périodes de moindre affluence, conformément à la lettre de politique 16. Les exigences en matière de services durant la semaine étaient remplies et même dépassées dans cinq des six aéroports; les inspecteurs affectés à l’aéroport international d’Ottawa travaillaient 12 heures en moyenne par jour seulement (soit quatre heures de moins que les 16 heures de services requises). Seul l’aéroport international de Calgary répondait aux exigences de 16 heures par jour pendant la semaine. L’aéroport international d’Ottawa assurait les services requis de six à huit heures de moins par jour les fins de semaine, et les autres aéroports, quatre heures de moins par jour. Pendant les heures de moindre affluence, l’aéroport international de Montréal-Dorval était le seul à répondre aux exigences. Dans le résumé à l’intention de la direction, les experts-conseils font observer que certains terminaux ont indiqué que l’écart entre les services fournis et les services requis n’était [traduction] « pas considéré comme préjudiciable aux opérations de sécurité » à l’aéroport; [traduction] « les horaires étaient conçus pour répondre de manière optimale aux exigences particulières de l’aéroport en matière de services et satisfaire dans la mesure du possible aux exigences de Transports Canada ». Dans d’autres terminaux, les inspecteurs ont admis qu’il y avait des « lacunes » sur le plan des services à assurer et ont dit espérer que l’embauche de nouveaux inspecteurs permettrait de corriger la situation.

[50]   Dans le résumé à l’intention de la direction présenté dans le rapport final (pièce E-14), les experts-conseils arrivent à la conclusion suivante :

[Traduction]

[…] le projet en cours a montré que les inspecteurs affectés aux aéroports de classe 1 dans l’ensemble du Canada étaient généralement satisfaits des horaires mis en place à la suite de la prolongation de la période de services requise par Transports Canada. Quelques-uns disent souhaiter que les horaires actuels soient modifiées; la plupart sont d’avis que les horaires leur procurent la flexibilité nécessaire pour accomplir leur travail. […] Par conséquent, nous sommes d’avis que les horaires actuellement appliqués aux inspecteurs de la sécurité dans les aéroports de classe 1 dans l’ensemble du Canada devraient, pour la plupart, demeurer en place, à moins d’un changement dans les nécessités du service.

[51]   Orbis Partners Inc. a rencontré M. Elliott à trois ou quatre reprises, et l’associé de M. Millson, M. Alex Stringer, s’est réuni avec M. Elliott pour examiner les résultats du sondage.

[52]   Orbis Partners Inc. a également présenté une série d’ateliers, jusqu’en mars 2004, sur la santé ainsi que la conciliation travail par poste et vie personnelle, à l’intention des employés et des membres de leurs familles.

[53]   Le rapport Orbis a été remis au ministère en septembre 2003. M. Daoust en a fait parvenir une copie à M. Elliott le 14 novembre 2003, pour discussion. Une note de service conjointe (jointe au rapport Orbis), signée par MM. Barrette et Elliott, a été envoyée à tous les ISR le 20 mai 2004 (pièce R-12). Il y est indiqué que le rapport [traduction] « pourrait être utilisé comme document de référence par vous-même ou vos gestionnaires ». La note se termine ainsi : [traduction] « Nous tenons à vous remercier d’avance de votre collaboration soutenue. »

[54]   En contre-interrogatoire, M. Millson a été appelé à reconnaître une étude de Statistique Canada portant sur le travail par poste et la santé (pièce G-27). Il a déclaré qu’il était au courant de cette étude et de ses conclusions.

[55]   M. Elliott a indiqué que les consultations entre l’UCET et Transports Canada n’étaient pas terminées. La dernière chose dont les parties avaient discuté était une demande de M. Barrette visant à ce que l’agent négociateur lui communique le nom du représentant approprié avec lequel tenir des consultations au sujet des heures de travail, en application du paragraphe 25.02 de la convention collective. À la date de l’audience, les parties n’avaient pas eu d’autres discussions ou consultations au sujet des heures de travail.

[56]   M. Barrette a déclaré que le retour à l’horaire de jour aurait [traduction] « des conséquences destructrices ». Transports Canada ne serait plus en mesure d’assurer le niveau de services requis, ce qui l’empêcherait de s’acquitter de ses obligations en matière de sûreté et de sécurité. M. Barrette a également indiqué que l’employeur était d’avis qu’il ne pouvait pas assujettir les inspecteurs embauchés avant le 11 septembre 2001 à un horaire de jour et ceux embauchés par la suite à un horaire de postes, parce que la convention collective ne contenait aucune disposition sur les droits acquis ou l’ancienneté.

PLAIDOIRIES

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés et l’agent négociateur

[57]   Me Champ affirme que les fonctionnaires s’estimant lésés ont été contraints de travailler en plus de leurs heures de travail normales, en contravention de l'alinéa 25.04a), sans être indemnisés convenablement pour les heures supplémentaires. Le renvoi en vertu de l’article 99 allègue violation de l’alinéa 25.04a), lequel impose à l’employeur l’obligation de procéder à des consultations et de conclure une entente avec l’agent négociateur avant de modifier les heures de travail « normales ». L’issue de l’affaire repose sur l’interprétation du mot « normales ». Les griefs et les renvois sont interreliés, bien que l’employeur ait des obligations différentes envers l’agent négociateur, d’une part, et les employés, d’autre part. Les différences sont particulièrement évidentes sur le plan des réparations.

[58]   Me Champ fait observer que la tragédie du 11 septembre a incité les gestionnaires et les employés à se dépasser; tous ont mis l’épaule à la roue pour assurer les services de sécurité requis. D’après les éléments de preuve, l’employeur envisageait de prolonger les heures d’exploitation et d’instaurer un régime de travail par poste avant les événements du 11 septembre, mais qu’il ne l’a pas fait et que, n’eût été la tragédie du 11 septembre, il aurait peut-être bien entrepris de consulter le syndicat. Me Champ soutient que, dans une certaine mesure, l’employeur a exploité la situation.

[59]   Me Champ affirme que les heures de travail constituent une condition d’emploi fondamentale. Après le taux de rémunération, c’est probablement la condition la plus fondamentale, celle qui permet aux employés d’organiser leur vie. Les premières luttes syndicales ont porté sur les heures de travail. En interprétant la convention collective, il faut tenir compte de l’importance que revêtent les heures de travail. Dans l’affaire Merilees v. Sears Canada Inc. (1988), 49 D.L.R. (4th) 453, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a reconnu que les heures de travail étaient considérées comme une condition d’emploi fondamentale. Lorsque l’employeur a essayé de modifier la semaine de travail du demandeur pour y inclure le dimanche, la Cour a conclu que cela équivalait à un congédiement implicite.

[60]   Me Champ déclare que l’objet de l’affaire est circonscrit à la convention collective. En définitive, l’issue de l’affaire repose sur l’interprétation d’une disposition de la convention collective. L’agent négociateur a déclaré que la plupart des éléments de preuve n’étaient pas pertinents ou, au mieux, ne l’étaient qu’accessoirement. L’employeur a produit une profusion d’éléments de preuve dans le but de créer la confusion. Le litige porte en fait sur l’interprétation appropriée de l'alinéa 25.04a). L’agent négociateur doit établir deux faits, à savoir que les employés ont travaillé en plus de leur semaine de travail normale et qu’aucune entente n’a été conclue avec l’agent négociateur. Il ne s’agit pas d’un cas de « consultation », mais d’un cas de « consultation et d’entente ». La décision rendue dans l’affaire Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228 c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 169-2-11 (1971), se rapporte à un cas de consultation où les parties n’étaient pas tenues de conclure une entente. L’obligation de procéder à des consultations est semblable à l’obligation faite aux décisionnaires d’exposer leurs motifs de décision. Même s’il s’agissait d’un cas indiscutable de consultation, l’employeur ne s’est pas acquitté de l’obligation à laquelle il est tenu en vertu de la disposition sur la consultation, c’est-à-dire consulter avant de prendre sa décision. Ce n’est que le 26 octobre 2001 que l’agent négociateur a été avisé de l’instauration d’un horaire de postes, alors que la décision avait été prise quelques semaines après le 11 septembre 2001.

[61]   Me Champ fait observer que le libellé et les dispositions de la convention collective existent pour une raison et qu’ils nécessitent interprétation. La convention collective doit être interprétée dans sa totalité, c’est-à-dire que ses dispositions ne doivent pas être prises en considération isolément. La convention collective établit deux groupes d’employés, c’est-à-dire les travailleurs de jour et les travailleurs par poste. Des dispositions de la convention collective indiquent si l’employeur peut transférer des employés d’un groupe à l’autre et, le cas échéant, de quelle manière il doit le faire. L'alinéa 25.04a) est la disposition implicite de la convention collective; elle stipule que la semaine de travail normale « est de » 37,5 heures par semaine, à raison de 7,5 heures par jour, du lundi au vendredi. Cet horaire de travail est aussi obligatoire (« est prévu [...] »), à moins qu’il n’en ait été convenu autrement au cours de consultations au niveau approprié. L’horaire implicite ou normal est donc de 7,5 heures par jour, du lundi au vendredi. Cette disposition confère un droit ou un avantage aux employés. L’employeur dispose d’une marge de manœuvre réduite pour fixer les heures de travail entre 6 h et 18 h. Toute modification de cet horaire de travail implicite nécessite l’accord de l’agent négociateur au niveau approprié. Il peut s’agir du niveau local ou du niveau régional si la modification touche un terminus particulier; or, comme dans l’affaire qui nous occupe, la modification touche l’ensemble des inspecteurs, le niveau approprié est le niveau national. C’est un fait que l’employeur a clairement reconnu, ayant jugé nécessaire de procéder à des consultations au niveau national.

[62]   Me Champ affirme que le paragraphe 25.09 concerne les employés travaillant par roulement ou de façon irrégulière et s’applique uniquement à eux. Un horaire irrégulier n’est pas un horaire « normal »; l’employeur doit obtenir l’accord des employés pour appliquer des horaires de travail par roulement ou irréguliers, comme en témoigne l’ensemble des dispositions de la partie III de la convention collective. À l'alinéa 25.12b), il est question d’un « horaire de postes » et d’« autres types d’horaire ». Chacun est assorti de droits et d’avantages différents. Ainsi, l’article 27 (« Primes de poste ») et l’article 26 (« Principe de poste ») ne s’appliquent pas aux travailleurs de jour.

[63]   Me Champ fait observer que le paragraphe 25.12 fait mention de la durée maximale d’un horaire, ce qui soulève la question du sens à attribuer au mot « horaire [schedule] ». Un horaire est un document écrit qui définit les heures de travail d’un employé. Il existe un horaire pour les travailleurs de jour et un autre pour les travailleurs par poste. Le paragraphe 25.02 fait mention de « l’horaire des heures de travail ». L’employeur affirme que le mot « horaire » signifie travail de jour ou travail par poste. L’agent négociateur est d’avis que si c’était le cas, on l’aurait clairement indiqué. L’alinéa 25.04a) accorde un avantage important, qui ne peut être retiré par la suite que par un libellé explicite. Le paragraphe 25.02 crée une ambiguïté. L’horaire prévu à l’alinéa 25.12b) peut s’appliquer aussi bien aux travailleurs de jour qu’aux travailleurs par poste. Les sous-alinéas 25.12a)(i) et (ii) font mention de la durée maximale d’un horaire, ce qui signifie clairement un horaire écrit indiquant des heures de travail.

[64]   Me Champ déclare que, même si le paragraphe 25.02 fait mention de discussions avec le représentant approprié, l’employeur se dit d’avis que pour apporter des modifications à l’échelle nationale, il suffit d’en discuter avec le représentant approprié. L’agent négociateur considère pour sa part qu’il s’agit seulement d’une disposition visant à permettre aux travailleurs de définir leur horaire de travail, avec l’accord de la majorité.

[65]   Me Champ fait observer que les dispositions relatives aux heures supplémentaires se trouvent à l’article 28. La définition d’heures supplémentaires est énoncée à l’alinéa 2.01a); il s’agit du travail exécuté en plus ou en-dehors des « heures » de travail « prévues à l’horaire ». En vertu du paragraphe 25.04, l’horaire des travailleurs de jour peut seulement être prévu dans la période comprise entre 6 h et 18 h. Tout travail accompli en-dehors de cette période fixe est nécessairement exécuté en plus des heures prévues à l’horaire. L’employeur avait le droit de fixer des heures de travail en-dehors de la période fixe, mais il était tenu au paiement d’indemnités d’heures supplémentaires pour tout travail exécuté en-dehors de la période fixe. Les primes de poste ne s’appliquent pas aux travailleurs de jour. Me Champ me renvoie aux affaires Re Northern Electric Office Employee Association v. Northern Electric Co. Ltd. (1968), 19 L.A.C. 125, et Re U.E.W., Local 512 v. Anchor Cap and Closure Corp. of Canada (1965), 16 L.A.C. 157, deux décisions dans lesquelles il a été statué qu’un employeur peut fixer des heures de travail en-dehors de la période fixe, à la condition de rémunérer l’employé pour les heures supplémentaires. Me Champ me renvoie aussi à l’affaire ReUnited Glass and Ceramic Workers, Local 248 v. Canadian Pittsburgh Industries Ltd. (1972), 24 L.A.C. 402. La conclusion commune à ces trois décisions est que les heures de travail prévues dans la convention collective doivent être considérées comme un avantage.

[66]   Me Champ me renvoie également à l’affaire Office national du film c. Le Syndicat général du cinéma et de la télévision, section Office national du film, dossier de la CRTFP 169-8-389 (1984), où l’arbitre de griefs a conclu que modifier ce qui constitue la « semaine normale de travail » d’un employé équivaut à modifier la convention collective.

[67]   Me Champ me renvoie aussi à Tornblom c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture), dossier de la CRTFP 166-2-2016 (1976). Dans cette affaire, l’horaire de travail des employés a été modifié sans un préavis de sept jours. L’arbitre de griefs a conclu qu’ils n’avaient pas droit à une prime de poste puisqu’ils étaient des travailleurs de jour. La décision Tornblom, supra, définit ce qu’est un horaire; il s’agit nécessairement d’un document écrit; ce terme ne différencie pas les travailleurs de jour des travailleurs par poste. Les mots « jour » et « postes » figurent tout au long de la convention collective. Si les parties avaient voulu prendre une décision aussi importante sur la transformation du travail de jour en travail par poste, elles l’auraient clairement indiqué.

[68]   Me Champ affirme que l’agent négociateur doit seulement prouver que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient des travailleurs de jour et qu’ils ont exécuté du travail en-dehors de la période fixe comprise entre 6 h et 18 h. Autrement dit, il lui suffit d’établir une preuve prima facie. Il revient ensuite à l’employeur de démontrer qu’il avait des motifs légitimes de faire passer ces employés d’un horaire de jour à un horaire de postes.

[69]   Me Champ déclare que l’agent négociateur n’a pas contesté la nécessité de prolonger la période de services. L’employeur a fait le pari, en négociant l’entente, qu’il serait capable de répondre à un besoin immédiat de façon permanente sans avoir recours aux heures supplémentaires. Il aurait pu procéder à des consultations utiles et peut-être conclure une entente temporaire, ce qui lui aurait permis de s’acquitter de son obligation en vertu de l’alinéa 25.04a) tout en réalisant des économies. L’agent négociateur n’a pas juste proposé le statu quo. À la réunion du 13 décembre 2001, M. Wing a aussi proposé d’assujettir tous les nouveaux employés à un horaire de postes et de laisser le choix aux autres. Il s’agissait d’un point de départ et nul ne sait quel aurait pu être l’issue des négociations si l’employeur avait accepté de discuter de cette option.

[70]   Me Champ déclare que l’employeur avait pris la décision d’instaurer un horaire par postes avant même d’entamer des discussions. S’il s’agissait de la consultation prévue au paragraphe 25.02, l’employeur ne serait pas acquitté de son obligation. Les éléments de preuve démontrent clairement que l’employeur avait déjà arrêté sa décision lors de sa première rencontre avec l’agent négociateur, le 26 octobre 2001, et que M. Knighton a été essentiellement informé, lors de la réunion du 20 février 2002, qu’il s’exposait à une sanction disciplinaire s’il refusait de travailler par postes (pièce G-3).

[71]   Me Champ soutient qu’aucune entente n’a été conclue avec l’agent négociateur en vue d’instaurer un horaire de postes et que les consultations se poursuivent encore aujourd’hui.

[72]   Le rapport Orbis contient des inexactitudes et ne permet pas de tirer de conclusion quant à la mesure dans laquelle les employés sont satisfaits de l’horaire de postes. Les données sur l’effectif indiquent que seulement 26 % des employés comptaient plus de trois années de service, ce qui signifie que la majorité était composée de nouvelles recrues embauchées après le 11 septembre 2001.

[73]   Me Champ affirme que les deux fonctionnaires s’estimant lésés n’ont jamais accepté d’être assujettis à un horaire de postes. Ils ont tous les deux décrit durant leur témoignage à quel point leur vie personnelle s’en trouvait perturbée.

[74]   Me Champ indique que la réparation qui s’impose dans le cas du renvoi en vertu de l’article 99 de la LRTFP est une déclaration. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés, la réparation devrait englober les frais engagés par suite de l’application de l’horaire de postes (Re Northern Electric Office Employee Association, supra). Ils devraient en outre avoir droit à une indemnité d’heures supplémentaires pour le travail exécuté en plus de leurs heures de travail normales (Anchor Cap, supra). Me Champ demande également une déclaration selon laquelle l’employeur a fait défaut de verser une indemnité d’heures supplémentaires au taux prévu par l’alinéa 28.01a) pour le travail exécuté en plus des heures de travail normales stipulées à l’alinéa 25.04a). Le dédommagement ordonné devrait être égal à la différence entre l’indemnité d’heures supplémentaires et la prime de poste versée aux fonctionnaires s’estimant lésés. La période de dédommagement devrait commencer 25 jours avant la lettre de Mme Landriault (pièce A-7), soit le 18 octobre 2001, et se terminer à la date de la présente décision. L’ordonnance devrait aussi comprendre une déclaration selon laquelle l’employeur est désormais tenu de rémunérer les fonctionnaires s’estimant lésés au taux des heures supplémentaires pour le travail exécuté en plus des heures de travail normales. Les fonctionnaires s’estimant lésés devraient également être dédommagés pour toute perte connexe et je devrai demeurer saisi de l’affaire au cas où les parties seraient incapables d’en venir à une entente.

[75]   En ce qui concerne le renvoi en vertu de l’article 99, il devrait y avoir une déclaration selon laquelle l’employeur a contrevenu à l’alinéa 25.04a) en s’abstenant de tenir des consultations et de conclure une entente avec l’agent négociateur au niveau national avant de modifier les heures de travail normales. De plus, il devrait y avoir une déclaration enjoignant à l’employeur de se conformer aux dispositions de la convention collective ainsi que de procéder à des consultations et de conclure une entente avec l’agent négociateur s’il veut convertir les travailleurs de jour en travailleurs par poste.

Pour l’employeur

[76]   Me Armstrong déclare que les inspecteurs de la sécurité dans les aéroports étaient des travailleurs de jour avant le 11 septembre 2001 et que, pour des raisons très tragiques, l’employeur a été obligé de modifier leurs heures de travail. Le nœud de l’affaire est que la convention collective habilite l’employeur à modifier les heures de travail, ce que corroborent l’article 7 de la LRTFP et l’article 7 de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) en reconnaissant à l’employeur le droit d’attribuer le travail. L’employeur a rempli et même excédé toutes ses obligations envers les fonctionnaires s’estimant lésés et l’agent négociateur.

[77]   Me Armstrong affirme que l’obligation de l’employeur se limite au paragraphe 25.02. Pour répondre aux nouvelles menaces, il a été obligé d’appliquer un horaire de postes et de prolonger la période de services pour garantir un nombre suffisant d’inspections. Il s’est efforcé d’appliquer les dispositions du paragraphe 25.02 en invitant l’agent négociateur à participer à des discussions. Le ministère a fait le nécessaire pour tenir rapidement une réunion. Il a en outre embauché de nouveaux inspecteurs et désigné des chefs d’équipe (par la suite des gestionnaires), en plus de retenir les services d’un expert-conseil. L’agent négociateur a refusé de donner son accord à l’horaire de postes, mais jamais cet accord n’a été nécessaire. La disposition pertinente est le paragraphe 25.02. Dans l’affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 169-2-568 (1997) (QL), il a été statué que la consultation ne présuppose pas la conclusion d’une entente et qu’il s’agit juste de tenir des discussions.

[78]   Me Armstrong déclare que l’employeur considère l’agent négociateur comme une entité organique et non pas comme une série de groupes. Le ministère a eu des discussions avec les représentants locaux ainsi qu’avec les dirigeants syndicaux. Me Armstrong affirme que l’agent négociateur suggère qu’il ne s’agit pas d’un cas de consultation. S’il dit vrai, l’employeur se demande bien de quel genre de cas il s’agit.

[79]   Me Armstrong indique que l’employeur ne partage pas le point de vue de l’avocat de l’agent négociateur selon lequel il y a [traduction] « déplacement de la charge de la preuve ». Il importe aussi d’établir une distinction entre le renvoi en vertu de l’article 99 et les griefs. La réparation applicable dans le cas d’une violation de l’article 99 est une déclaration selon laquelle l’employeur a manqué à son obligation envers l’agent négociateur. Les griefs concernent les employés.

[80]   Me Armstrong constate qu’il y a chevauchement entre les griefs et le renvoi en vertu de l’article 99. L’agent négociateur allègue violation du paragraphe 25.04 dans le renvoi en vertu de l’article 99. Or, dans leurs griefs, qui concernent pourtant des heures supplémentaires prétendument non rémunérées, les fonctionnaires s’estimant lésés renvoient aussi au paragraphe 25.04. Quel est en fait l’objet de ces griefs? Les heures supplémentaires ou une violation du paragraphe 25.04? Si c’est une violation du paragraphe 25.04, règle générale, on ne peut présenter de grief de principe si la question peut être réglée au moyen d’un grief individuel. L’employeur a donné son accord pour que les griefs soient instruits en même temps que le renvoi en vertu de l’article 99, mais cela a une incidence sur la réparation pouvant être accordée en l’espèce. La seule réparation possible, si les griefs des fonctionnaires s’estimant lésés se rapportent au paragraphe 25.04, serait une déclaration. Aucune réparation pécuniaire susceptible de les indemniser intégralement n’est possible en vertu du paragraphe 25.04.

[81]   Me Armstrong poursuit en disant que l’employeur a été surpris d’entendre l’agent négociateur réclamer des dommages-intérêts ou l’indemnisation des pertes. Les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont produit aucun élément de preuve pour établir leurs pertes. L’employeur estime qu’il ne devrait pas y avoir de dédommagement pécuniaire pour une violation du paragraphe 25.04. La réparation applicable, le cas échéant, pourrait inclure le paiement d’une indemnité d’heures supplémentaires, mais pas celui de dommages-intérêts.

[82]   Me Armstrong déclare que la question de savoir si le paragraphe 25.04 s’applique en l’espèce constitue une question préliminaire. Il faut lire la convention collective dans sa totalité et attribuer un sens à chaque mot. « La semaine de travail normale » des travailleurs de jour est définie à l’alinéa 25.04a). Cette disposition assortit la modification de cet horaire de certaines conditions, mais elle ne consacre pas le droit inaliénable des employés à être assujettis à un horaire de jour. Elle n’érige pas la semaine de travail normale en principe sacro-saint. L’employeur a le droit d’assujettir les travailleurs de jour à un horaire de postes. Les restrictions invoquées par l’avocat de l’agent négociateur ne s’appliquent pas à l’administration fédérale.

[83]   Me Armstrong ajoute que l’agent négociateur propose d’instaurer un régime fondé sur l’ancienneté qui permettrait à certains employés d’être des travailleurs de jour et feraient des autres des travailleurs par poste. La notion d’ancienneté est inexistante dans la convention collective; il ne s’agit pas ici d’une fabrique de chocolat ou de biscuits où les employés ayant de l’ancienneté se voient attribuer les postes de travail selon leur préférence.

[84]   Me Armstrong affirme qu’il n’existe pas de catégorie de travailleurs de jour dans la classification des inspecteurs. L’horaire de travail est établi par la convention collective. Le paragraphe 25.04 stipule seulement qu’une entente est requise avant de modifier la durée de la journée de travail. Cette disposition ne s’applique pas en l’espèce à cause des mots « sous réserve du paragraphe 25.09 », qui excluent la possibilité de n’avoir que des travailleurs de jour.

[85]   Me Armstrong déclare que les autres options prévues dans la convention collective s’appliquent à d’autres types de travailleurs. Le paragraphe 25.09 fait mention des employés qui « travaillent par roulement » et l’alinéa 25.09g), d’une « entente spéciale ». Le fait d’être embauché comme travailleur de jour ne confère aucun avantage. L’article 7 de la LRTFP et l’article 7 de la LGFP permettent de passer d’un type d’horaire à un autre, dans la mesure où les règles sont respectées. L’agent négociateur a affirmé que l’employeur avait eu tort de négocier ces dispositions; or, l’agent négociateur est un partenaire égal en ce qui a trait aux négociations.

[86]   Me Armstrong indique que le paragraphe 25.02 est une disposition générale prévoyant la tenue de discussions avec le représentant syndical au niveau approprié. À cette fin, il est nécessaire de déterminer s’il s’agit du niveau local ou du niveau national. Le paragraphe 25.09 fait mention uniquement de la durée de la journée de travail, alors que le paragraphe 25.02 indique ce qu’il faut faire pour modifier l’horaire des heures de travail. Or, cela excède le cadre de la modification des heures de travail journalières. Le paragraphe 25.02 est la disposition prédominante et celle qui s’applique, à moins d’indication contraire. L’alinéa 25.09g) explique en fait comment procéder pour en venir à une entente mutuelle; il s’agit d’une disposition dérogatoire retranchée du paragraphe 25.02. Le paragraphe 25.02 est la disposition implicite et celle qui s’applique aux travailleurs en vertu de l’alinéa 25.09a). Il y a trois niveaux de corrélation; le paragraphe 25.04 nécessite la conclusion d’une entente et l’employeur doit faire participer l’agent négociateur aux discussions. Lorsque l’employeur établit des postes de 9,375 heures, la majorité des employés doivent donner leur accord, mais l’agent négociateur ne participe pas aux discussions. Le paragraphe 25.02 stipule seulement qu’il doit y avoir des discussions avec le représentant syndical approprié, c’est-à-dire avec une personne qui exerce une charge syndicale, qui participe aux activités du syndicat. Les discussions doivent avoir lieu avant que la modification soit apportée. Aucune date limite n’est fixée pour mener à terme ces discussions, qui peuvent se poursuivent indéfiniment. Cependant, il arrive qu’il soit nécessaire de tourner la page.

[87]   Me Armstrong soutient que, même si le paragraphe 25.02 nécessite la tenue de discussions avant la mise en œuvre de la modification, cela n’est pas toujours possible. Les événements du 11 septembre ont pris tout le monde par surprise. Le fait que la direction ait discuté en 2000, dans le cadre de réunions de gestion, de la possibilité d’appliquer un horaire de postes était juste une pratique de gestion raisonnable. Il n’existait aucune menace à la sécurité à ce moment-là et les discussions se tenaient entre membres de la haute direction. De plus, la convention collective était en cours de négociation à l’époque, de sorte que même si l’employeur avait voulu appliquer un horaire de postes, rien ne lui permettait de le faire.

[88]   Me Armstrong indique que l’article 4 (« Sûreté de l’État »), qui ne met aucunement un terme aux obligations de l’employeur, en atténue quelque peu les aspects contraignants; il l’oblige à faire de son mieux, mais pas nécessairement avant la mise en œuvre de la modification. Compte tenu des questions qui ont sollicité l’attention de la direction dans les jours et les semaines qui ont suivi le 11 septembre dans ses efforts pour contrer les menaces à la sécurité, il est étonnant qu’on ait réussi à entamer aussi rapidement des discussions avec l’agent négociateur. L’employeur s’est donné du mal pour limiter au minimum l’effet du nouvel horaire en recrutant du personnel, en retenant les services d’un expert-conseil et en établissant des contacts avec le Programme d’aide aux employés (PAE). Compte tenu de l’effet du paragraphe 4.01 et des bouleversements qu’ont entraînés les événements du 11 septembre, il n’y a pas lieu d’insister sur l’interprétation rigoureuse du paragraphe 25.02 pour ce qui touche la tenue de discussions « avant » la mise en œuvre d’une modification.

[89]   Me Armstrong déclare que les employés étaient au courant de la lettre de politique 16 sur les heures de services dans les aéroports de classe 1 lors des premières téléconférences. Le contenu de cette lettre ne peut faire l’objet de discussions ni de consultations; on y explique les nécessités du service, lesquelles sont la responsabilité de l’employeur. En vertu de la convention collective, tout ce que l’employeur avait à faire était de discuter de la modification des horaires de travail; or, il a fait bien plus que cela. En Colombie-Britannique, la question a été discutée avec M. David Lee, le délégué syndical approprié. Dans la Région des prairies, le délégué approprié était M. Kerry Williams. La majorité des employés ont aussi été consultés. Qu’est-ce que l’employeur aurait pu faire de plus?

[90]   Me Armstrong affirme que, dans un milieu de travail où l’ancienneté n’existe pas, l’employeur peut difficilement accepter qu’un groupe d’employés soit dispensé de l’application de l’horaire de postes. Vu leur manque d’expérience, les nouveaux inspecteurs ne pouvaient pas être laissés à eux-mêmes. L’employeur n’a pas imposé l’horaire de postes sans consultation. Il a laissé les employés choisir l’horaire qui convenait le mieux à leurs obligations. Le statu quo consistant à continuer d’appliquer le régime d’heures supplémentaires ne semble pas une option équitable. L’employeur ne pouvait pas se montrer insensible au point de laisser ses employés courir droit à l’épuisement professionnel.

[91]   Me Armstrong affirme que le critère pertinent devrait être de savoir si l’employeur a fait tous les efforts raisonnables pour entamer des discussions avec l’agent négociateur. À son point de vue, les moyens mis en œuvre excèdent le cadre de la « discussion » en l’espèce et constituent un modèle de gestion proactive en situation de crise. L’employeur a publié une brochure dans le but de mettre en évidence les efforts déployés par les employés au lendemain des événements du 11 septembre (pièce R-9). Ce témoignage de reconnaissance était une initiative de la haute direction du ministère; c’est bien la preuve que l’employeur a pris des mesures qui excédaient largement le cadre de la discussion.

[92]   Me Armstrong me renvoie à l’affaire Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra. L’employeur s’était acquitté de son obligation en consultant l’agent négociateur, qu’il n’avait nulle intention d’exclure. Il avait accompli la plus grosse partie du travail en tenant des consultations. L’arbitre de griefs a conclu qu’il n’y avait aucune raison de poursuivre les consultations. En l’espèce, l’agent négociateur n’a proposé aucune option. Le rapport Orbis indique clairement que les employés s’accommodent des horaires et que la majorité aiment travailler par postes. L’agent négociateur n’a pas écrit à ses membres pour dénoncer l’étude ni n’a appelé de témoin à l’audience pour en contester la validité statistique. L’employeur s’est acquitté de son obligation. Même si je concluais que l’employeur était tenu de consulter au lieu de discuter, cela ne présuppose pas que le syndicat devait donner son accord ou mettre son veto. Si tel était le cas, le libellé de la convention collective serait différent.

[93]   Me Armstrong observe que la proposition de l’agent négociateur visant à ce qu’il soit tenu compte de l’ancienneté pour assurer les services pendant la période de 16 heures requise s’appuie sur les lettres d’offre plutôt que sur le libellé de la convention collective. M. Wing a convenu que la convention collective l’emportait sur les documents accessoires. L’affaire Merilees v. Sears Canada Inc., supra, invoquée par l’agent négociateur concerne un contrat privé et peut aisément être considérée comme espèce différente.

[94]   Me Armstrong affirme que l’affaire Piotrowski c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2001 CRTFP 94, confirme que les travailleurs de jour qui son convertis en travailleurs par poste perdent le droit à des indemnités d’heures supplémentaires et deviennent admissibles à une prime de poste. Les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas démontré en l’espèce qu’ils continuaient d’être des travailleurs de jour. Par conséquent, quelle perte ont-ils subi? Le fait que les conditions de l’article 25 n’ont pas été remplies pour ce qui touche la consultation ne change rien au fait que les fonctionnaires s’estimant lésés sont désormais des travailleurs par poste. Les discussions ont commencé le 3 octobre 2001, ce qui signifie que les fonctionnaires s’estimant lésés auraient droit, tout au plus, à une déclaration et à une indemnité d’heures supplémentaires équivalant à trois ou quatre jours de travail, moins les jours de repos et la prime de poste. L’agent négociateur a produit très peu d’éléments de preuve permettant d’établir le nombre réel d’heures supplémentaires.

[95]   Me Armstrong conteste la thèse de l’agent négociateur selon laquelle les griefs devraient s’appliquer à une période commençant 25 jours avant la lettre de Mme Landriault (pièce A-7). Elle indique que M. Knighton a présenté son grief en mars 2000 et M. Hodgson, en avril 2002. Rien ne permet de croire que c’est à cause de cette lettre qu’ils se sont abstenus de présenter leurs griefs plus tôt. Ils auraient pu le faire avant; il semble injuste que les griefs puissent s’appliquer à une période aussi longue que celle suggérée par l’agent négociateur. Me Armstrong est d’avis que les griefs devraient s’appliquer seulement à la période commençant 25 jours avant leur dépôt.

[96]   Me Armstrong affirme que M. Millson, de Orbis Partners Inc., était un témoin crédible, mais que ce n’était pas un spécialiste des effets des horaires de postes sur la santé. L’agent négociateur aurait pu appeler son propre témoin sur cette question. Me Armstrong me demande de n’accorder aucune valeur probante à l’étude de Statistique Canada (pièce G-27) car M. Millson n’en connaissait pas les détails. Qu’il soit vrai ou non que les horaires de postes ont un effet néfaste sur la santé des travailleurs est sans aucune pertinence en l’espèce. On ne peut tirer des conclusions sur l’attrait du travail par poste à partir de données recueillies auprès de nouvelles recrues, d’une part, et d’employés embauchés avant le 11 septembre 2001, d’autre part. L’expert-conseil n’a établi aucune corrélation. Cela dit, tous les travailleurs sont considérés comme importants par l’employeur et celui-ci ne fait aucune distinction entre les nouvelles recrues et les employés de longue date. M. Millson a aussi fait observer que la définition de [traduction] « jours » dans le sondage pouvait être interprétée au sens de postes de jour.

[97]   Me Armstrong déclare que la thèse de l’agent négociateur selon laquelle le paragraphe 25.04 est la disposition implicite est indéfendable. Si c’est la disposition implicite, cela signifie qu’il ne pourrait jamais y avoir d’autres catégories de travailleurs alors que la convention collective prévoit clairement le contraire. L’agent négociateur a également affirmé que le travail de jour constituait un « avantage »; l’employeur considère pour sa part qu’il ne s’agit pas d’un droit acquis.

[98]   Me Armstrong observe également que la demande de dédommagement formulée par les fonctionnaires s’estimant lésés manque de précision.

[99]   Me Armstrong déclare que, en définitive, l’agent négociateur n’a pas démontré que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation envers ses employés, d’une part, et l’agent négociateur, d’autre part. L’employeur a fait de son mieux pour répondre aux besoins des employés et atteindre ses objectifs en matière de protection des utilisateurs du transport aérien.

Réplique

[100]   Me Champ déclare que l’argument de l’employeur selon lequel l’agent négociateur est considéré comme une « entité organique » n’est pas étayé par le libellé de la convention collective. L’agent négociateur agit certes de façon collégiale, mais sa structure comporte différents niveaux et éléments. La convention collective indique que les discussions doivent être tenues au niveau approprié, ce qui signifie quelque chose.

[101]   Me Champ affirme que la prétention de l’employeur selon laquelle la demande de dédommagement ou de remboursement des pertes subies constitue une surprise pour lui est sans fondement. Dans les deux griefs, les fonctionnaires s’estimant lésés demandent comme mesure corrective d’être [traduction] « indemnisés pour toutes les pertes subies » et d’être « indemnisés intégralement », ce qui englobe toutes les pertes découlant de la violation de la convention collective. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont tous deux subi des pertes. L’agent négociateur m’a demandé de demeurer saisi de l’affaire au cas où les parties seraient incapables de s’entendre sur le montant du dédommagement.

[102]   L’argument de l’employeur selon lequel le paragraphe 25.02 est une disposition plus générale que l’alinéa 25.04a) est indéfendable. Selon cette interprétation, l’employeur ne serait pas obligé d’avoir des discussions avec le président national si une modification d’envergure était envisagée.

[103]   Me Champ note que l’employeur a déclaré qu’il avait été impossible de discuter de la modification proposée avant la prise de décision. Le libellé de la convention collective doit être interprété de telle manière que, dans les cas où il est impossible de tenir des discussions au préalable, l’employeur soit tenu de rémunérer les employés au taux des heures supplémentaires jusqu’à ce qu’il ait discuté de la question avec l’agent négociateur.

[104]   Me Champ admet que rien n’interdit à l’employeur de prendre des décisions d’ordre opérationnel fondées sur les nécessités du service. Cependant, cela ne le décharge pas de la responsabilité de rémunérer les employés conformément à la convention collective.

[105]   Me Champ indique que la décision A.F.P.C., supra, citée par l’employeur concernait une convention collective assortie d’une dérogation fondée sur les nécessités du service. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. De même, l’affaire Piotrowski c. Agence canadienne d’inspection des aliments, supra, concernait une disposition fondée strictement sur les nécessités du service.

[106]   Me Champ fait valoir, relativement à la thèse de l’employeur sur le caractère rétroactif des griefs, que la lettre de Mme Landriault (pièce A-7) est limpide, qu’elle ne comporte aucune réserve et qu’elle fait mention [traduction] « des griefs connexes ». L’employeur devrait donc être tenu de respecter cet engagement.

MOTIFS DE DÉCISION

[107]   L’avocate de l’employeur a abordé dans ses conclusions finales la question du caractère rétroactif des griefs. L’entente de suspendre le délai établi pour la présentation d’un grief (pièce A-7) est on ne peut plus limpide et ne se prête à aucune interprétation quant à son effet. N’eût été cette entente, on peut tenir pour acquis que les griefs auraient été présentés plus tôt. Il s’ensuit que les griefs sont entièrement rétroactifs au 11 septembre 2001.

[108]   Le rapport Orbis (pièce E-14) n’est pas très pertinent en l’espèce. Si les griefs et le renvoi en vertu de l’article 99 se rapportaient à la question de savoir si la majorité des employés étaient en faveur des horaires de travail variables, ce rapport aurait certes présenté un intérêt secondaire. Or, je ne suis pas saisi de cette question en l’espèce. Par conséquent, je n’ai accordé aucune valeur probante à la preuve sur le contenu du rapport ainsi qu’à l’étude sur les effets du travail par poste sur la santé des travailleurs déposée en preuve par l’agent négociateur (pièce G-27). J’ai également réservé ma décision sur la valeur probante à accorder à la réponse de M. Knighton lorsque Me Armstrong lui a demandé s’il avait songé à changer d’emploi. Je ne peux accorder de valeur probante à ce témoignage, qui ne présente aucun intérêt en l’espèce. J’observe toutefois que sa réponse témoigne d’une détermination exemplaire à s’acquitter de ses tâches et responsabilités comme inspecteur.

[109]   En définitive, peu de faits sont contestés en l’espèce. Le différend porte sur l’interprétation appropriée de la convention collective. En fin de compte, l’agent négociateur ne remet pas en cause les nécessités du service découlant des événements du 11 septembre. Il semble se dégager un consensus autour du fait que des consultations ou des discussions ont eu lieu avec l’agent négociateur et qu’aucune entente n’a été conclue sur la modification des heures de travail. L’employeur prétend qu’aucune consultation ni aucune entente n’est nécessaire. Il y a divergence de vues sur la question de savoir si la direction avait envisagé d’instaurer un régime d’horaire de postes avant même les événements du 11 septembre 2001. Or, rien ne dépend de cet élément. La question à trancher demeure inchangée, c’est-à-dire à savoir si l’employeur est habilité à appliquer un tel horaire.

[110]   L’agent négociateur appuie son argumentation sur l’alinéa 25.04a) et l’employeur, sur le paragraphe 25.02. J’ai conclu qu’aucune de ces dispositions ne s’appliquait. L’alinéa 25.04a) est libellé comme suit :

25.04 a) Sous réserve du paragraphe 25.09, la semaine de travail normale est de trente-sept heures et demie (37 1/2), à l'exclusion des périodes de repas, réparties sur cinq (5) jours de sept heures et demie (7 1/2) chacun, du lundi au vendredi. La journée de travail est prévue à l'horaire au cours d'une période de neuf (9) heures située entre 6 h 00 et 18 h 00, à moins qu'il n'en ait été convenu autrement au cours de consultations au niveau approprié entre l'Alliance et l'Employeur.

[111]   Cette disposition est assujettie à la dérogation générale prévue au paragraphe 25.09, c’est-à-dire la disposition établissant les heures de travail des employés « qui travaillent par roulement ou de façon irrégulière ». Le paragraphe 25.04 indique que la semaine de travail « normale » commence le lundi et se termine le vendredi et que chaque journée est d’une durée de 7,5 heures. À la phrase suivante, il est question de la période fixe, définie comme une période de neuf heures située entre 6 h et 18 h, à moins — et il s’agit ici d’une réserve importante — qu’il n’en ait été convenu autrement au cours de consultations avec l’agent négociateur approprié. Cette obligation de conclure une entente concerne seulement la modification de la période fixe, non pas le nombre moyen d’heures ou de jours de travail. En d’autres termes, cette disposition permet de modifier l’heure à laquelle commence ou se termine la période fixe, avec l’accord de l’agent négociateur. Elle ne s’applique toutefois pas à la modification des heures de travail visant à convertir un travailleur de jour en travailleur par poste.

[112]   Le paragraphe 25.02 prévoit ce qui suit :

25.04 L'Employeur convient, avant de modifier l'horaire des heures de travail, de discuter des modifications avec le représentant approprié de l'Alliance si la modification touche la majorité des employé-e-s assujettis à cet horaire.

[113]   Cette disposition ne fait pas mention des heures de travail, mais de « l’horaire des heures de travail ». L’horaire est le moyen par lequel les heures et les journées de travail sont organisées. Comme il est indiqué dans l’affaire Tornblom, supra, il s’agit d’un document écrit. The Concise Oxford Dictionary (10 th ed.) définit « schedule [horaire] » comme un calendrier [« timetable »]. Le Webster’s Third New International Dictionary attribue à ce terme le sens de [traduction] « plan habituellement écrit [...] en vue d’une procédure future indiquant généralement les objectifs visés, l’heure et l’enchaînement de chacune des activités [...] ». En français, la convention collective fait mention de « l’horaire des heures de travail ». Le Dictionnaire Canadien des relations du travail définit « horaire de travail » comme la « répartition des heures de travail à l’intérieur d’une période donnée : journée, semaine ou mois. » Un horaire peut donc être considéré comme la répartition des heures de travail à l’intérieur d’une période fixe. L’utilisation des mots « la durée de l’horaire » (alinéa 25.12b)) ailleurs dans la convention collective vient corroborer cette interprétation. Je conclus dès lors que cette disposition s’applique uniquement à des changements proposés dans la répartition des heures et des jours de travail à l’intérieur d’une période fixe. Autrement dit, des discussions sont requises lorsque l’employeur se propose de modifier un horaire de postes ou les jours de repos, mais pas lorsque des employés de jour deviennent des employés « travaillant par roulement ou de façon irrégulière ».

[114]   La disposition relative aux heures de travail (article 25) établit deux régimes génériques, l’un pour les travailleurs de jour (paragraphe 25.04) et l’autre pour les travailleurs par poste (paragraphe 25.09). Se superpose à ces régimes la possibilité d’instaurer des horaires de travail variables pour les deux groupes (paragraphe 25.06 et alinéa 25.09g)). (Il y a aussi une disposition concernant les travailleurs à temps partiel, qui n’est pas en litige en l’espèce.) J’entends me pencher en premier lieu sur la relation qui existe entre les paragraphes 25.04 et 25.09.

[115]   La disposition à laquelle est assujetti un employé n’est généralement pas en litige; de deux choses l’une, soit il travaille de jour, soit il travaille par postes. À sa nomination, il sait quelles sont ses heures de travail. L’agent négociateur convient que l’employeur avait le droit d’embaucher de nouveaux employés comme travailleurs par poste et il est clair que c’était l’une des conditions d’emploi des inspecteurs embauchés après le 11 septembre 2001. En l’espèce, il s’agit de déterminer si les heures de travail d’un employé embauché comme travailleur de jour peuvent être modifiées de manière à en faire un travailleur par poste. L’agent négociateur soutient que le travail de jour fait partie des conditions d’emploi. La lettre d’offre de M. Hodgson (pièce G-5) ne fait aucune mention de ses heures de travail. J’accepte son témoignage selon lequel il a accepté l’offre d’emploi croyant qu’il s’agissait d’un poste de jour. Cependant, la convention collective demeure le document de base dans lequel sont énoncées les conditions d’emploi.

[116]   La transition du travail de jour au travail par poste ne s’est pas posée souvent sous le régime de la LRTFP. Il existe toutefois quelques décisions qu’il convient de prendre en considération. Deux de ces décisions mettent en cause des inspecteurs de produits primaires et des dispositions de la convention collective identiques à celles qui retiennent notre attention en l’espèce; il s’agit des affaires Freitag, Jorgenson, Souster, Waruk et Willis c. Conseil du Trésor (ministère de l’Agriculture), dossiers de la CRTFP 166-2-8086 à 8090 (1980), et Paynter c. Conseil du trésor (Agriculture et Agroalimentaire), dossiers de la CRTFP 166-2-27186, 166-2-27378 et 166-2-27379 (1997) (QL). Avant d’examiner ces décisions, il est nécessaire de se pencher sur une décision antérieure de la Commission, soit Zirpdjic. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 168-2-98 (1976) (QL). Une analyse de ces décisions nous incite à conclure que l’employeur peut convertir des travailleurs de jour en travailleurs par poste sans l’accord de l’agent négociateur.

[117]   L’affaire  Zirpdji , supra, concernait une plainte fondée sur l’article 23 de la LRTFP relativement à une question de droit et de compétence découlant de la décision d’un arbitre de griefs (dossiers de la CRTFP 166-2-1768 et 79). Dans cette affaire, l’employeur avait modifié les heures de travail d’enquêteurs de l’immigration et de sténographes judiciaires travaillant du lundi au vendredi, de manière à inclure la fin de semaine. Les fonctionnaires s’estimant lésés ont réclamé des indemnités d’heures supplémentaires pour le travail exécuté la fin de semaine au motif que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en les faisant passer d’un horaire de jour à un horaire de postes. La convention collective contenait la disposition suivante :

Lorsqu'il faut changer des heures d'horaire de telle façon qu'elles diffèrent de celles qui sont indiquées à la clause 25.02 [heures de travail normales] , l'employeur, sauf dans les cas d'urgence, doit, au préalable, tenir des consultations avec l'Alliance au sujet de ces heures de travail et, lors de ces consultations, doit établir que les heures en question sont nécessaires pour répondre aux besoins du public et (ou) de l'exploitation efficace du Service.

[118]   La Commission en est venue à la conclusion suivante :

[…]

[…] Toute journée de travail qui débute avant 7 h et ou se termine après 18 h n'entre pas dans la définition du travail de jour donnée à la clause 25.02. Comme le seul autre genre de travail possible est le travail par poste, l'arbitre n'a pas commis d'erreur de droit lorsqu'il est arrivé à la conclusion suivante :

Tout travail n'entrant pas dans la définition du travail de jour aux termes de la clause 25.02 est à mon avis du travail par poste aux termes de la clause 25.06 et se trouve englobé par la définition des mots « par roulement ou de façon irrégulière » selon ce que je considère avoir été l'intention des parties au moment de la signature de la convention, eu égard à toutes les dispositions qui y sont contenues.

[… ]

Comme l'arbitre l'a mentionné, la clause 25.06 est la disposition la plus importante du présent grief. La première phrase de cette clause dit ceci : « Lorsque, à cause des nécessités du service, la durée du travail des employés est répartie par roulement... ». Aux pages 19 et 20 de sa décision, l'arbitre établit, comme conclusion de fait, que les nécessités du service exigeaient le changement apporté par l'employeur. Le reste de la phrase précitée établit que dans certaines conditions, c'est-à-dire en raison des nécessités du service, l'employeur peut répartir la durée de travail par roulement ou de façon irrégulière. À la lumière des autres dispositions de l'article 25, on peut conclure que le nouvel horaire de travail applicable aux employés s'estimant lésés tombe sous le coup de la clause 25.06. Après avoir établi ce principe, la clause définit les normes que l'horaire doit suivre. En conséquence, nous sommes d'avis qu'en concluant que, compte tenu des prérogatives de la direction, l'employeur avait le droit d'apporter le changement en cause, l'arbitre a donné une interprétation, conforme aux dispositions de la convention collective.

[…]

[119]   L’affaire Piotrowski , supra, est semblable à l’affaire Zirpdji, supra, en ce sens que la disposition permet de modifier les heures de travail compte tenu des nécessités du service. Dans Piotrowski, l’arbitre de griefs a conclu que la disposition reconnaissait à la direction le droit de modifier les heures de travail et d’instaurer un horaire de postes pour répondre aux nécessités du service. Cette décision a été confirmée par la Cour fédérale : [2003] A.C.F. n o 990.

[120]   Dans l’affaire Freitag, supra, les heures de travail d’inspecteurs de produits primaires qui travaillaient du lundi au vendredi avaient elles aussi été modifiées pour inclure la fin de semaine. L’arbitre de griefs a conclu qu’il n’y avait aucune différence notable entre les dispositions des deux conventions collectives relatives aux heures de travail et que la « proposition radicale » sur laquelle est fondée l’affaire Zirpdji, supra, « n’admet[tait] aucune exception » :

[…]

[…] je conclus que […] [la décision Zirpdji] fait autorité. « Le seul autre genre de travail possible est le travail par poste  [...]   ». Il semblerait donc, même si la rotation n’est pas fréquente, que l’employeur, en faisant travailler un employé, de manière régulière, un jour de repos, transforme ce travailleur de jour en un travailleur par poste dans la fonction publique. […]

[121]   Dans l’affaire Paynter, supra, l’horaire d’inspecteurs de produits primaires de l’Île-du-Prince-Édouard, qui travaillaient du lundi au vendredi, avait été modifié de manière que la moitié du personnel travaille du lundi au vendredi et l’autre moitié, du mardi au samedi. Avant cette modification, les inspecteurs étaient considérés comme des « travailleurs de jour » et étaient assujettis à une disposition équivalente à celle du paragraphe 25.04. L’arbitre de griefs a conclu que l’employeur avait manqué à son obligation de discuter de la modification avec l’agent négociateur (tel que stipulé dans une disposition équivalente à celle du paragraphe 25.02 en l’espèce). Il a également conclu que l’employeur était habilité à modifier les heures de travail conformément à l’article 7 de la LRTFP, à l’article 7 de la LGFP et aux diverses dispositions de la convention collective relatives à la durée du travail.

[122]   L’employeur m’a renvoyé à l’affaire A.F.P.C. c. Conseil du Trésor , supra . Cette affaire mettait en cause des enquêteurs de l’immigration et concernait l’application d’un horaire de postes. La convention collective contenait une disposition semblable à celle examinée dans l’affaire Zirpdji, supra , puis dans l’affaire Piotrowski, supra, et qui obligeait l’employeur à consulter l’agent négociateur au préalable et à  « établir, [...], que de telles heures sont nécessaires pour répondre aux besoins du public et/ou de l'exploitation efficace du Service. » L’agent négociateur a fait valoir que l’employeur n’avait pas démontré qu’il était nécessaire d’appliquer un horaire de postes pour répondre aux nécessités du service; il ne contestait toutefois pas le pouvoir de l’employeur de mettre en place un tel horaire pour répondre à des nécessités du service démontrées. Dans l’affaire dont je suis saisi, l’agent négociateur n’a pas contesté la nécessité de la période de services indiquée dans la lettre de politique 16 (pièce G-16).

[123]   L’avocat de l’agent négociateur m’a renvoyé à la décision rendue dans Office national du film ,supra. Cette affaire concernait l’imposition d’une semaine de travail différente de celle prévue par la convention collective. Je conviens que l’employeur n’est pas autorisé à modifier les heures de travail de manière à instaurer un horaire qui n’est pas envisagé par la convention collective. Or, dans l’affaire qui nous occupe, les heures de travail sont stipulées dans la convention collective. De même, dans l’affaire Re Northern Electric Office Employee Association , supra, les heures de travail imposées n’étaient pas prévues par la convention collective. Dans l’affaire Anchor Cap , supra, les employés étaient divisés en deux groupes, soit ceux dont l’horaire de travail était réparti sur sept jours et ceux dont l’horaire était réparti sur cinq jours. La Commission a conclu que l’employeur ne pouvait pas assujettir les employés du deuxième groupe à l’horaire du premier sans leur verser des indemnités d’heures supplémentaires. Dans l’affaire dont je suis saisi, les employés ne sont pas classifiés en fonction de leurs heures de travail; il s’ensuit que le principe énoncé dans l’affaire Anchor Cap ne s’applique pas. De même, dans l’affaire Re United Glass and Ceramic Workers, Local 248 , supra, le fonctionnaire s’estimant lésé était classifié comme un travailleur de jour.

[124]   La décision Zirpdji , supra, et les décisions rendues ultérieurement sous le régime de la LRTFP ne donnent pas d’indication claire sur l’origine du pouvoir dont est investie la direction de remplacer un horaire de jour par un horaire de postes. L’étendue des droits de la direction sous le régime de la LRTFP a été définie comme suit par la Cour fédérale : le Conseil du Trésor peut prendre les mesures qui ne lui sont pas expressément ou implicitement interdites par la législation ou la convention collective (Brescia v. Canada (Treasury Board), 2004 FC 277).

[125]   L’employeur s’appuie sur l’article 7 de la LRTFP :

7. La présente loi n'a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l'autorité de l'employeur quant à l'organisation de la fonction publique, à l'attribution des fonctions aux postes et à la classification de ces derniers.

[126]   Il s’appuie également sur l’article 7 de la LGFP :

7 (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l'égard des questions suivantes :

[…]

e ) la gestion du personnel de l'administration publique fédérale, notamment la détermination de ses conditions d'emploi;

[127]   J’estime que c’est le paragraphe 11(2) de la LGFP qui s’applique plus particulièrement à l’affaire en instance :

  1. […] Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

    a) déterminer les effectifs nécessaires à la fonction publique et assurer leur répartition et leur bonne utilisation;

    […].

    d) déterminer et réglementer les traitements auxquels ont droit les personnes employées dans la fonction publique, leurs horaires et leurs congés, ainsi que les questions connexes;

    […]

[128]   Il est clair que les droits généraux de gestion attribués au Conseil du Trésor peuvent être considérablement limités par les conditions d’emploi négociées qui se trouvent dans une convention collective (voir notamment Public Service Alliance of Canada v. Canadian Grain Commission , supra. En l’espèce, j’ai déterminé que la convention collective ne limite pas le droit de l’employeur de déterminer les heures de travail de manière à convertir un travailleur de jour en travailleur par poste. Cela ne décharge cependant pas la direction de l’obligation de consulter l’agent négociateur au sujet d’une modification aussi fondamentale des conditions d’emploi (voir l’article 21 sur la consultation mixte).

[129]   Il y avait divergence de vues entre les parties sur la question de l’uniformité de traitement des employés dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre, pour ce qui touche les heures supplémentaires. Les éléments de preuve présentés à l’audience n’ont pas permis de régler ce différend. Je ne suis toutefois saisi d’aucun grief ni d’aucune demande à cet égard. Il n’est donc pas nécessaire que je me prononce sur cet aspect de la preuve. J’encourage les parties à discuter de l’harmonisation du paiement des heures supplémentaires et des autres avantages aux employés qui étaient dans les mêmes situations.

[130]   Me Champ prétendait, subsidiairement, que l’employeur ne s’était même pas acquitté de son obligation de consulter conformément au paragraphe 25.02. J’ai déjà conclu que cette obligation (de discuter de la modification d’un horaire des heures de travail) ne s’appliquait pas. J’ai aussi conclu que la disposition relative à la consultation mixte (article 21) de la convention collective pouvait s’appliquer à de telles modifications des conditions d’emploi. Or, les griefs et le renvoi en vertu de l’article 99 ne font aucune mention d’une violation de cette disposition; je ne peux donc pas me prononcer sur cette question.

[131]   L’avocate de l’employeur invoquait l’absence d’ancienneté dans la fonction publique fédérale et l’inexistence de dispositions protégeant les droits acquis pour justifier la décision de modifier les heures de travail de tous les inspecteurs. À son point de vue, l’employeur était tenu de traiter tous les employés de la même façon; il ne pouvait pas avoir des inspecteurs travaillant le jour et d’autres travaillant par postes. Je ne vois rien dans la convention collective qui empêche une telle formule hybride. L’employeur a instauré avec succès une formule de ce genre dans l’affaire Paynter , supra. Je ne remets pas en cause les motifs d’ordre opérationnel qui ont incité l’employeur à imposer un horaire de postes à tous les employés dans ce cas-ci; je fais seulement remarquer que la contrainte invoquée par l’employeur n’est pas d’ordre juridique.

[132]   L’employeur a présenté des éléments de preuve et des arguments visant à établir que la majorité était en faveur d’un horaire de travail variable en vertu de l’alinéa 25.09g) de la convention collective. Ce n’est pas une question dont j’ai été saisi de façon correcte. La matière des griefs et de la demande se limitait à la question du pouvoir de l’employeur d’imposer un horaire de postes. Je ne tire dès lors aucune conclusion concernant la question de savoir si la majorité était en faveur d’un horaire variable.

[133]   La preuve m’a été fournie tout au long de l’audience de la bonne volonté des employés, de l’agent négociateur et du ministère d’assurer la sûreté et la sécurité maximales de la population canadienne. Les ISR ont consenti de lourds sacrifices dans leur vie personnelle pour offrir un tel niveau de service et ils méritent toute notre admiration pour leur détermination à s’acquitter de leurs tâches et responsabilités. J’encourage les parties à poursuivre leurs échanges afin de trouver les formules qui permettraient le mieux de concilier cet engagement à accroître la sûreté et la sécurité de la population et les intérêts supérieurs des employés assumant ces fonctions cruciales.

[134]   En conclusion, les griefs sont rejetés, de même que le renvoi en vertu de l’article 99 de la LRTFP.

Ian Mackenzie,
commissaire

OTTAWA, le 31 mars 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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