Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Licenciement (disciplinaire) - Surveillant correctionnel - Infraction aux règles de conduite professionnelle - Condamnation au criminel - Comportement hors fonction - Substitution de la rétrogradation - le fonctionnaire s'estimant lésé, surveillant correctionnel et directeur intérimaire, a été licencié après avoir été reconnu coupable de voies de fait et d'infraction aux règles de conduite professionnelle - une mini-émeute s'est produite dans l'établissement - les détenus ont été gardés dans une aire d'exercice pendant le nettoyage - chaque détenu devait être escorté à sa cellule par trois gardes (protocole 3 pour 1) - deux détenus sont demeurés dans l'aire d'exercice - des commentaires désobligeants au sujet des deux détenus étaient affichés à l'écran de l'ordinateur, bien à leur vue - le fonctionnaire s'estimant lésé a annulé le protocole 3 pour 1 pour les deux derniers détenus - alors que ceux-ci étaient escortés à leur cellule, le fonctionnaire s'estimant lésé, un autre agent correctionnel et les détenus ont été blessés - l'arbitre a conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé a provoqué les détenus en laissant à leur vue les commentaires affichés à l'écran d'ordinateur - le fonctionnaire s'estimant lésé a violé la directive sur l'utilisation de la force en escortant les détenus à leur cellule sans appliquer le protocole et sans enregistrement sur bande vidéo - la condamnation du fonctionnaire s'estimant lésé est rattachée à un comportement hors fonction - la preuve n'a pas démontré que son comportement ait porté atteinte à la réputation de l'employeur, ni que les employés ne voulaient plus travailler avec lui, ni que le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait plus gérer efficacement les fonctions liées à son travail - l'arbitre a conclu que le lien de confiance n'avait pas été brisé de manière irrévocable - le fonctionnaire s'estimant lésé a démontré qu'il avait été un employé de valeur - le licenciement a été jugé trop sévère - l'arbitre a déterminé que la rétrogradation était une sanction appropriée - l'arbitre a rejeté l'argument selon lequel une ordonnance de rétrogradation ira à l'encontre de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) - selon l'arbitre, la rétrogradation n'équivalait pas à une nomination au sens de la LEFP - le fonctionnaire s'estimant lésé pourrait assumer les fonctions d'un poste de niveau inférieur, mais il ne serait pas indiqué de le maintenir dans son poste de surveillant actuel - la rétrogradation est ordonnée. Grief accueilli en partie. Décisions citées :Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 C.S.C. 28; Bedirian c. Canada (Procureur général) 2004 CF 566.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-06-24
  • Dossier:  166-2-32675
  • Référence:  2004 CRTFP 74

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique




ENTRE

ROBERT BURTON

fonctionnaire s'estimant lésé

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général du Canada - Service correctionnel)


employeur



Devant:   D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :   lui-même et Andrew Schroeder, avocat

Pour l'employeur :   John Jaworski, avocat


Affaire entendue à Vancouver (C.-B.),
du 9 au 12 décembre 2003 et du 27 au 30 janvier 2004.
(Observations écrites déposées le 13, le 19 et le 30 avril 2004.)


[1]    Le présent grief traite du licenciement de Robert Burton qui, à l'époque, travaillait comme surveillant correctionnel (CX-3) à l'Établissement Matsqui, à Abbotsford, en Colombie-Britannique.

[2]    Les motifs du licenciement de M. Burton, qui a pris effet le 2 avril 2003, sont énoncés dans une lettre datée du 1er avril 2003 et rédigée par le directeur de l'établissement, Paul T.L. Urmson. Voici un extrait de la lettre (pièce E-28) :

[Traduction]

J'ai maintenant procédé à un examen complet du contenu de deux rapports d'enquête et de leurs conclusions selon lesquelles vous avez contrevenu aux Règles de conduite professionnelle.

Vous avez été accusé, le 27 octobre 2002, de un (1) chef de voies de fait, en contravention de l'article 226 du Code criminel du Canada. Le 9 janvier 2003, vous vous êtes reconnu coupable de cette accusation.

La conclusion de l'enquête sur les incidents qui sont survenus à l'unité d'isolement de l'Établissement Matsqui les 24 et 25 août 2002 a établi que vous avez contrevenu aux Règles de conduite professionnelle en :

[...]

  • omettant d'adhérer aux Directives du commissaire sur le recours à la force pour faire sortir des détenus de l'aire d'exercice, comme le prévoient les directives;

  • omettant de veiller à ce que la sortie des détenus de l'aire d'exercice soit filmée sur bande vidéo, comme le prévoient les directives;

  • omettant de prendre des mesures pour enlever un commentaire désobligeant visant un détenu et visible par celui-ci du bureau de l'informatique en isolement;

  • omettant de rectifier les mesures prises par le personnel qui était chargé de placer le commentaire désobligeant sur l'ordinateur.

[...]

[3]    Le fonctionnaire s'estimant lésé se représentait lui-même initialement à l'audience d'arbitrage, puis il a retenu les services d'un avocat, Me Andrew Schroeder, à la reprise de l'audience en janvier. Il a déposé sept pièces et a témoigné pour son propre compte. L'avocat de l'employeur a déposé 73 pièces et a convoqué 11 témoins.

[4]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé que soient exclus des témoins et sa demande a été accueillie.

Aperçu global

[5]    L'Établissement Matsqui est un établissement à sécurité moyenne situé à Abbotsford, en Colombie-Britannique. L'établissement accueille environ 400 détenus et compte un effectif d'approximativement 285 employés. L'établissement accueille le Centre régional de réception et d'évaluation (CRRE), l'Hôpital régional (région du Pacifique) et l'Unité d'isolement (généralement appelée l'USD).

[6]    Le CRRE se trouve dans un immeuble distinct et est situé au rez-de-chaussée, tandis que l'USD est au deuxième étage. Les détenus emprisonnés dans les 25 cellules du CRRE sont deux par cellules et les détenus incarcérés dans les 23 cellules de l'USD sont seuls dans leur cellule. L'USD est constituée d'une seule rangée que l'on peut voir du pupitre du bureau principal dans le bureau (enceinte vitrée) se trouvant dans l'aile extrême-ouest de la rangée. L'enceinte vitrée comprend un ordinateur et un écran, une caméra vidéo et un chargeur de piles, plusieurs téléphones, une trousse de premiers soins, un extincteur d'incendies et un écran vidéo permanent qui balaie la cellule d'observation adjacente à l'enceinte vitrée et orientée vers le nord. Orientée vers l'est par rapport à l'enceinte vitrée se trouve une porte de sécurité coulissante à mi-chemin dans la rangée qui peut être ouverte ou fermée pour diviser la rangée en deux composantes.

[7]    À l'intérieur de l'enceinte vitrée se trouvent deux fenêtres sur les murs est et ouest qui permettent aux agents d'observer la rangée et deux aires d'exercice. Il y a une porte de sécurité du côté sud de l'enceinte vitrée qui est adjacente au bureau menant de la rangée aux aires d'exercice. Ces aires sont ceintes de hauts murs en béton et sont séparées au moyen d'une clôture à mailles losangées. Dans la partie avant de chaque aire, on trouve également une clôture à mailles losangées comportant deux barrières idoines. Chaque barrière est munie d'une ouverture au niveau de la taille qui est utilisée pour mettre et/ou enlever les menottes pendant que le détenu se trouve dans l'aire. L'USD compte beaucoup d'employés, car des travailleurs des soins de santé, des gestionnaires de cas et des psychologues, entre autres, doivent y entrer pour visiter les détenus. Comportant environ 23 détenus aux périodes les plus achalandées dans l'USD, celle-ci compte trois agents correctionnels en fonction pendant le quart de jour (de 7 h à 15 h), deux agents correctionnels durant le quart de soir (de 15 h à 23 h) et un agent correctionnel pendant le quart de nuit (de 23 h à 7 h).

[8]    John Costello, qui est actuellement le directeur de l'Établissement Pacifique à Abbotsford, en C.-B., était le directeur de l'Établissement Matsqui de mars 2001 à février 2003.

[9]    Le témoin a décrit la hiérarchie de la prison de la façon suivante. Le sous-directeur de l'établissement (deuxième responsable) relève du directeur de l'établissement; il y a ensuite le directeur adjoint (dont les fonctions sont essentiellement administratives); les gestionnaires d'unité (chargés de l'aire de vie des détenus); les superviseurs correctionnels (CX-3) (chargés de toute l'organisation, de la livraison des médicaments aux escortes à fournir, de la mise en oeuvre de la procédure de sécurité, de la préparation des listes de service pour les quarts de travail, etc., du lundi au vendredi; les fins de semaine et après les heures normales de travail, ils assument le rôle du directeur de l'établissement); les CX2 (qui sont en contact avec les détenus et dressent les rapports et les évaluations) et les CX-1 (qui dotent surtout les postes statiques ou mobiles et qui sont moins susceptibles d'interagir avec les détenus).

[10]    Le témoin a décrit l'USD comme une aire où les détenus qui ont commis de graves infractions disciplinaires (comme des voies de fait sur un membre du personnel ou d'autres détenus ou qui ont été pris avec des stupéfiants ou des armes) sont incarcérés de manière à être séparés de l'ensemble de la population carcérale. Les détenus emprisonnés dans l'USD sont confinés à leur cellule verrouillée pendant la majeure partie de la journée et ne peuvent sortir que pour prendre une douche, faire un appel téléphonique à l'occasion et passer une courte période dans les aires d'exercice. Tous les repas leur sont servis dans leur cellule. Par conséquent, il y a beaucoup de personnel dans cette aire et des procédures spéciales doivent être appliquées à l'USD.

[11]    Le témoin a précisé que la pièce E-6 correspond à la « Directive du commissaire 567 - Gestion des incidents de sécurité ». L'annexe A de ce document illustre un « Modèle de gestion des situations », qui constitue une approche méthodique visant à prévenir certaines situations, à y réagir et à les régler en intervenant de la façon la plus sûre et raisonnable. Le modèle est dynamique, car il permet aux agents correctionnels d'évaluer les niveaux d'intervention, de l'intervention verbale à une intervention possible qui pourrait nécessiter l'usage d'armes à feu. Il permet en outre aux agents correctionnels d'avancer ou de reculer lorsqu'ils évaluent le genre de force qui pourrait être nécessaire dans un cas particulier.

[12]    La philosophie qui sous-tend le « Modèle de gestion des situations » consiste à tenir les agents correctionnels responsables du genre de force appliqué à un détenu et des motifs de ce geste. La sécurité représente l'objectif principal, la priorité absolue étant le public, la deuxième, le personnel et la dernière, mais non la moindre, les détenus. La philosophie de responsabilité découle de certains incidents antérieurs dans lesquels on a eu recours à trop ou trop peu de force avec les détenus et dans lesquels l'enregistrement sur bande vidéo ne constituait pas la procédure usuelle. Au cours des 10 dernières années, on a exigé des agents correctionnels qu'ils consignent et enregistrent sur bande vidéo les incidents survenus afin de pouvoir prouver qui a fait quoi à qui et à quel moment.

[13]    La « Directive du commissaire 567-1 - Recours à la force » (pièce E-7) définit une extraction de cellule comme « toute situation où il faut physiquement extraire un détenu non coopératif de sa cellule ou d'un secteur de l'établissement, en utilisant des moyens pouvant comporter un recours à la force ». [C'est moi qui souligne.] À l'article 6, « Recours à la force devant être signalé », il est dit :

  1. tout incident imprévu où le personnel doit recourir à la force pour maîtriser un détenu ayant un certain comportement, selon le Modèle de gestion de situations;

  2. tout recours à la force planifié, y compris l'extraction de cellule et le déploiement de l'équipe pénitentiaire d'intervention en cas d'urgence (ÉPIU), qui a été autorisé par le directeur de l'établissement après que l'intervention du négociateur en cas d'urgence a échoué ou a été jugée impropre aux circonstances. Le déploiement d'une équipe constitue un recours à la force même si le détenu devient coopératif à l'arrivée de l'équipe.

[14]    D'après le témoin, les extractions de cellule sont généralement planifiées au préalable. Les extractions de cellule non planifiées sont faites en réaction à des incidents comme un incendie ou un taillage de poignets par un détenu.

[15]    Le recours à la force peut avoir lieu à divers niveaux. Généralement, la présence du personnel suffit; toutefois, il arrive que les agents correctionnels doivent procéder à une intervention verbale, faire appel à des ressources supplémentaires, utiliser des vaporisateurs chimiques et des bâtons, voire une force mortelle. Peu importe le niveau de force qui est utilisé pour veiller à ce que les détenus se conforment aux règles, il incombe aux agents correctionnels de justifier les moyens. Les paragraphes 15 à 19 de la pièce E-7 (directive sur le « recours à la force ») énoncent, relativement à l'enregistrement sur bande vidéo, ce qui suit :

Situations à enregistrer sur bande vidéo

  1. Toutes les situations où un recours à la force est prévu ou peut avoir lieu doivent être enregistrées sur bande vidéo. Ces situations comprennent notamment les suivantes :

    1. les extractions de cellules;

    2. les interventions de l'ÉPIU;

    3. les incidents de sécurité majeurs;

    4. les fouilles à nu, lorsque l'on croit que le recours à la force pourrait être nécessaire;

    5. autres situations où le directeur de l'établissement estime que l'on pourrait devoir recourir à la force compte tenu du comportement actuel du détenu, de ses antécédents et de son placement pénitentiaire.

  1. L'enregistrement vidéo doit débuter dès que l'on détermine qu'il pourrait y avoir un incident.

  2. L'opérateur de la caméra doit commencer l'enregistrement en indiquant à voix haute la date et l'heure; il doit également entrer ces renseignements électroniquement sur la bande vidéo.

  3. Toutes les séances d'information du personnel doivent être enregistrées à moins que le retard que cela occasionnerait ne soit susceptible d'entraîner des lésions corporelles graves, la mort ou la destruction d'éléments de preuve.

  4. Dans le cas de l'enregistrement d'une fouille à nu ou de la douche d'un détenu, l'opérateur de la caméra doit être du même sexe que le détenu.

[16]    Le témoin a confirmé qu'il y a des magnétoscopes avec piles de rechange, des chargeurs de piles et des bandes vidéo dans tout l'établissement.

[17]    Le paragraphe 26, « Exigences en matière de rapports », énonce ce qui suit :

Les documents ci-dessous doivent être remplis ou établis et consignés dans les écrans de Rapport d'incidents du Système de gestion des détenus (SGD) comme il se doit après chaque intervention où il y a recours à la force :

  1. le Rapport sur le recours à la force (CSC/SCC 754);

  2. le Rapport d'observation ou déclaration d'un agent (CSC/SCC 875), lequel doit être préparé par chacun des agents présents durant l'incident;

[...]

[18]    Le « Rapport sur le recours à la force » (pièce E-17) est rempli par tous les membres du personnel qui ont recours à la force pendant un incident. Les données de base portant sur un détenu sont entrées, de même qu'une description de l'incident par le membre du personnel et, si nécessaire, l'examen par l'infirmière autorisée du membre du personnel et/ou du détenu ainsi que l'inscription de la date et de l'heure et la signature requise. Le Rapport mentionne aussi expressément qu'il doit être rempli avant que le membre du personnel quitte l'établissement, le jour où est survenu l'incident. Le Rapport comporte également une partie de révision qui doit être remplie par le CX-3 qui reconnaît que la bande vidéo a été examinée et la version signée du détenu est jointe.

[19]    Le Rapport est ensuite revu par le sous-directeur, qui le signe et l'achemine au directeur de l'établissement. Le directeur le revoit, le signe et l'achemine pour examen au sous-commissaire adjoint, Opérations.

[20]    La pièce E-8, « Directive du commissaire no 620 - Transmission et consignation de renseignements sur la sécurité », indique que le personnel doit prendre part à des exposés précédant les quarts de travail et consigner ses observations et les incidents dans des registres qui se trouvent aux postes de contrôle. Ces registres peuvent faire partie de toute enquête.

[21]    La pièce E-9 est la directive intitulée [traduction] « Ordre permanent numéro 590.1 - Directive opérationnelle », qui délègue au CX-3 le pouvoir d'isoler volontairement ou involontairement des détenus à l'extérieur des heures normales de travail. Elle prévoit ce qui suit au paragraphe 23 :

[Traduction]

ENREGISTREMENT DU PLACEMENT SUR BANDE VIDÉO

L'extraction, le mouvement et l'isolement administratif d'un détenu seront enregistrés sur bande vidéo. Le maintien des règles de preuve s'applique aux bandes vidéo. Le surveillant correctionnel participera au placement de tous les détenus en isolement administratif et en assurera la coordination et la surveillance, et remplira la liste de contrôle d'isolement (Annexe A).

[22]    Le paragraphe 25, intitulé [traduction] « Procédures de sécurité spéciales », énonce ce qui suit :

[Traduction]

Le directeur associé (CRRE) établira si un détenu en isolement administratif doit faire l'objet du protocole de 3 employés pour 1 détenu et reverra la situation quotidiennement. Pendant les heures à l'extérieur des heures normales de travail, cette autorité est déléguée au surveillant correctionnel.

[23]    Le témoin a déclaré que les détenus perturbés ou imprévisibles sont généralement régis par la politique selon laquelle trois employés s'occupent de un détenu (« 3 pour 1 »). L'utilisation de matériel de contrainte est laissée à la discrétion du CX-3. Le matériel de contrainte utilisé peut être des menottes, des entraves, des ceintures de force ou des menottes flexibles. Un agent correctionnel n'a généralement pas de vaporisateur de poivre, sauf s'il est autorisé à en avoir. L'autorisation pendant les heures normales de travail est accordée par le directeur de l'établissement; pendant les heures à l'extérieur des heures normales de travail, elle relève du surveillant correctionnel.

[24]    L'avocat de l'employeur a produit quatre ordres permanents par l'intermédiaire du témoin :

  • Pièce E-10 : Recours à la force;

  • Pièce E-11 : Extractions de cellules;

  • Pièce E-12 : Ordres sur les rapports de quarts, les registres permanents et les postes;

  • Pièce E-13 : Conservation des preuves.

[25]    Le document intitulé « Security Post Instruction Supplementary Document (SPI 831.11)) » (pièce E-16) décrit les fonctions des agents correctionnels affectés à l'USD. Le paragraphe f) décrit la procédure à suivre afin qu'une signature lisible soit inscrite dans le registre des visiteurs officiels au moment d'entrer dans l'USD et de la quitter. Le paragraphe s) énonce ce qui suit :

[Traduction]

Mettre et retirer les menottes par les fentes à aliments et les ouvertures de la barrière de l'aire au besoin en vue du contrôle de délinquants indisciplinés ou violents.

[26]    Le paragraphe 8 - « Immediate Response of Staff on Scene » - de ce document prévoit que les agents correctionnels devraient tenter de réprimer l'agitation en ayant recours à la force seulement lorsque c'est absolument nécessaire, conserver des notes exhaustives de l'incident, demeurer en fonction jusqu'à avis contraire ou jusqu'à ce qu'il soit non sécuritaire de le faire, tenter d'enregistrer l'incident sur bande vidéo et remettre la bande au surveillant correctionnel dès que l'incident a été réglé, et tous les rapports écrits doivent être présentés le jour où l'incident est survenu et avant que le quart de travail soit terminé.

[27]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu avoir lu et compris le « Code de discipline » (pièce E-18) et les « Règles de conduite professionnelle » (pièce E-19) pour les employés du Service correctionnel Canada (SCC). Sa signature figure dans une déclaration à cet effet datée du 15 septembre 1993 (pièce E-20).

[28]    Le témoin a confirmé que les agents correctionnels sont également désignés comme agents de la paix (pièce E-22). Dans leur rôle d'agents de la paix, ils doivent s'acquitter de certaines responsabilités. Comme le décrit l'Annexe A de la « Directive du commissaire 003 (Désignation des agents de la paix) » (pièce E-22), les responsabilités des agents de la paix sont les suivantes :

Responsabilités des agents de la paix

Étant investis de pouvoirs étendus, les agents de la paix ont le devoir de les exercer légalement. Ils doivent agir sur la base de motifs raisonnables, sans abuser de leurs pouvoirs; par ailleurs, le pouvoir de poser un geste est parfois jumelé à un devoir d'agir, et les agents de la paix peuvent être tenus criminellement responsables s'ils n'interviennent pas dans certaines situations. Les exemples qui suivent constituent des applications concrètes de la responsabilité des agents de la paix :

- Comme toute personne, un agent de la paix qui est autorisé à utiliser la force dans une situation donnée est criminellement responsable de tout excès de force [art. 26 du Code criminel]

[...]

[29]    Le témoin a déclaré qu'il a été informé des incidents qui sont survenus les 24 et 25 août 2002 par l'intermédiaire d'une connaissance, car il était en congé annuel à l'époque. À son retour à l'établissement, il a eu vent de rumeurs d'un présumé comportement inapproprié de la part du fonctionnaire s'estimant lésé à l'égard de plusieurs détenus. Dans son esprit, il se posait un problème, car des dommages avaient été causés à l'infrastructure de l'établissement. En outre, des allégations ont été formulées au sujet, entre autres, de la sécurité des détenus et du personnel, des comportements inappropriés, des responsabilités juridiques. Il faut faire enquête pour établir si ces allégations sont fondées.

[30]    L'administration régionale a décidé d'adopter un mécanisme d'établissement des faits des incidents. Toutefois, le témoin, a décidé de tenir sa propre enquête sur tous les événements qui sont survenus les 24 et 25 août 2002 parce qu'il croyait que le personnel avait agi de façon inappropriée.

[31]    Dans une note de service en date du 8 novembre 2002 (pièce E-25), le témoin demandait que le chef d'unité Lin Wallin entreprenne une enquête disciplinaire pour établir si le fonctionnaire s'estimant lésé avait contrevenu aux « Règles de conduite professionnelle », à la suite de renseignements reçus du Service de police de Vancouver selon lesquels le fonctionnaire s'estimant lésé avait été accusé d'un chef de voies de fait en contravention de l'article 226 du Code criminel du Canada. Le témoin a informé le fonctionnaire s'estimant lésé le même jour (pièce E-26) que M. Wallin mènerait une enquête disciplinaire sur les allégations de voies de fait.

[32]    Dans une note de service en date du 10 janvier 2003 (pièce E-23), le témoin a donné instruction à Erwin Berg, de l'Établissement Fraser River et à Dave Dick, de l'Établissement Kent, de tenir une enquête disciplinaire pour établir les faits portant sur l'agitation à l'USD les 24 et 25 août 2002. Leur rapport et les conclusions tirées de ce rapport devaient être achevés d'ici le 31 janvier 2003. Messieurs Berg et Dick ont été retenus comme enquêteurs en raison de leurs compétences et de leur connaissance du domaine.

[33]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé par le témoin le même jour (pièce E-24) qu'une enquête disciplinaire avait été convoquée pour déterminer les circonstances entourant les incidents survenus à l'USD les 24 et 25 août 2002.

[34]    Le témoin a déclaré qu'il est entré en fonctions dans son poste actuel de directeur de l'Établissement du Pacifique pendant que l'enquête était encore en cours. Il a déclaré que son dernier geste posé dans cette affaire a consisté à octroyer à MM. Berg et Dick une prolongation jusqu'au 17 février 2003 pour terminer leur enquête.

[35]    Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a déclaré que pendant qu'il était en congé annuel, Gerry Dewar était le directeur adjoint. Le témoin a convenu que durant les incidents des 24 et 25 août 2002, M. Dewar n'était pas disponible, car il avait été appelé à Ottawa. Le témoin n'était pas certain qui était la personne responsable, car c'est son adjoint de direction qui aurait fait les arrangements. Le témoin a déclaré que s'il y avait eu un incendie ou des dérangements importants, il se serait attendu à être appelé. Il a ajouté qu'il avait un téléavertisseur, mais que le fonctionnaire s'estimant lésé ne l'a jamais appelé ni n'a tenté de le joindre par téléavertisseur.

[36]    En date de mars 2003, David Dick était l'agent responsable de la mise en service à l'Établissement pour femmes Pacifique du SCC. Il a commencé sa carrière au SCC comme CX-1 en octobre 1983.

[37]    Au cours de sa carrière, le témoin a effectué de 20 à 25 enquêtes formelles de sécurité et disciplinaires. Relativement à l'enquête disciplinaire du fonctionnaire s'estimant lésé, le témoin a déclaré qu'il a commencé par recueillir des documents, des rapports, des copies de registres, ainsi que des déclarations d'agents correctionnels et de détenus et qu'il a déterminé qui était sur la scène des incidents et qui a déposé les rapports. Le témoin a commencé à identifier les structures de politique pour établir à quelles règles, dispositions législatives et réglementaires, directives du commissaire et consignes permanentes et de poste l'enquête sur les allégations contre le fonctionnaire s'estimant lésé pourraient être mesurées. Le registre du visiteur de l'USD (pièce E-30), le registre de l'USD (pièce E-31), les pages du registre des CX-3 (pièce E-34) et le registre du Poste principal de contrôle des communications (PPCC) (pièce E-35).

[38]    Le témoin a établi que les pièces E-36 et E-37 étaient des rapports de « genèse ». Il s'agit d'un système qui enregistre les appels téléphoniques reçus de l'établissement et effectués à l'établissement. La pièce E-36 est une liste d'appels téléphoniques du CRRE, tandis que la pièce E-37 constitue une liste d'appels de l'enceinte vitrée de contrôle et du bureau du surveillant correctionnel. La pièce E-38 est une liste de numéros d'urgence (numéros de cellulaire, de téléavertisseur et numéro de téléphone privé) de l'équipe de direction de l'établissement.

[39]    En comparant les rapports de « genèse », le témoin a fait un résumé des heures et de la durée des appels téléphoniques effectués à l'USD et reçus de l'USD, du bureau du surveillant correctionnel et du bureau de l'agent de service régional (ASR) les 24 et 25 août 2002.

[40]    L'ASR est la personne à qui le surveillant correctionnel fait rapport s'il survient un incident et de graves dommages aux biens de l'Établissement. L'ASR déterminera, d'après les renseignements fournis, la prochaine étape à franchir. La pièce E-40 est une transcription du rapport du fonctionnaire s'estimant lésé, d'après les souvenirs de L. Edwards, l'ASR en fonction les 24 et 25 août 2002.

[41]    Le témoin a déterminé que la pièce E-42 est la déclaration dactylographiée du fonctionnaire s'estimant lésé concernant les dérangements à l'USD les 24 et 25 août 2002 et la pièce E-43 est la déclaration manuscrite du fonctionnaire s'estimant lésé. La pièce E-44, en date du 6 février 2003, est un rapport dactylographié des notes prises par M. Dick au cours d'une entrevue avec le fonctionnaire s'estimant lésé, tandis que la pièce E-45 est une copie comportant des notes manuscrites et des corrections faites par le fonctionnaire s'estimant lésé.

[42]    Le témoin a déclaré qu'à son avis, des huit allégations au sujet desquelles il devait faire enquête aux termes de son mandat (pièce E-23), sept étaient fondées. Il a en outre affirmé qu'il ne lui incombait pas de recommander des mesures disciplinaires; toute mesure disciplinaire relève des pouvoirs existants.

[43]    En plus d'interroger le fonctionnaire s'estimant lésé et environ 30 membres du personnel, le témoin a déclaré que M. Berg et lui-même ont interrogé cinq détenus concernant les incidents des 24 et 25 août 2002.

[44]    Le témoin a décrit les entrevues de la façon suivante. Chaque personne interrogée a été avisée de la nécessité de participer à l'enquête et de son droit de se faire représenter. Le témoin posait les questions et M. Berg prenait des notes. Après chaque entrevue, les questions et les réponses étaient dactylographiées et envoyées à la personne interrogée afin qu'elle formule ses commentaires, et toutes les corrections requises étaient faites ou les commentaires étaient notés. On demandait alors à la personne interrogée de signer le document.

[45]    Le témoin a remis un « Rapport d'enquête disciplinaire » (pièce E-41) au directeur de l'Établissement Matsqui nouvellement nommé, Paul T.L. Urmson, en février 2003.

[46]    Henry Braun est employé comme CX-1 à l'Établissement Matsqui depuis avril 2000.

[47]    La pièce E-49 est un rapport dactylographié des notes prises pendant l'entrevue de M. Braun avec les membres du comité d'enquête disciplinaire. Le témoin s'est souvenu avoir vu la phrase [traduction] « J'ai entendu dire que vous êtes un pédophile. » affichée à l'écran de l'ordinateur situé dans le bureau de l'USD. L'écran d'ordinateur se trouvait face à l'aire d'exercice ouest, qui était un secteur verrouillé où se trouvait un détenu (que nous appellerons le « détenu X »). Le témoin s'est également rappelé avoir vu une autre phrase - [traduction] « Ta mère baise avec des gardes. » - plus tard pendant son quart de travail. Le témoin a déclaré que dans les deux cas, le fonctionnaire s'estimant lésé et deux autres agents (MM. Van Vugt et Mikszan) étaient présents. Le témoin a affirmé se souvenir avoir vu le détenu X à la fenêtre de l'aire d'exercice qui fait face à l'enceinte vitrée. Il a soutenu qu'il n'a pris aucune mesure concernant les phrases figurant à l'écran d'ordinateur, car deux surveillants principaux étaient de service (l'un d'eux étant le fonctionnaire s'estimant lésé) et son poste de travail se trouvait en bas au CRRE. Lorsqu'il a été interrogé sur les motifs pour lesquels il n'a informé personne des phrases affichées à l'écran de l'ordinateur, il a répondu en hésitant : [traduction] « Je ne l'aurais dit à personne sauf si on me l'avait expressément demandé. » M. Dick a expressément demandé au témoin pendant son entrevue s'il avait vu des propos désobligeants à l'écran de l'ordinateur.

[48]    Le témoin a décrit un scénario de 3 pour 1, trois agents correctionnels escortant un détenu, menottes aux poignets.

[49]    En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'il ne pouvait pas être absolument certain que le détenu X avait vu les phrases affichées à l'écran de l'ordinateur, mais il a de nouveau mentionné : [traduction] « Il était impossible de manquer les lettres, car elles étaient d'une hauteur approximative de un pouce et demi à deux pouces. » Il a également affirmé qu'il n'a pas vu qui a entré les phrases à l'écran de l'ordinateur.

[50]    Le témoin a convenu que même s'il a visité l'USD au moins trois ou quatre fois le 25 août 2002, il n'a jamais signé le registre comme il devait le faire. Il a ajouté qu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire pour ne pas avoir respecté cette directive.

[51]    En réinterrogatoire, le témoin a identifié la page 49 de la pièce E-31 comme une consigne écrite dans le registre de l'USD rédigée par le surveillant correctionnel, Rob Alcock, le 24 août 2002 : « Tous les détenus impliqués dans les dérangements sont maintenant surveillés par trois surveillants et sont menottés. »

[52]    Il a également convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé était parfois son surveillant.

[53]    John Creedy travaille à l'Établissement Matsqui comme CX-1 depuis le 22 décembre 2001. Le 25 août 2002, il a été affecté à l'USD, et plus précisément au quart de travail de 19 h à 7 h.

[54]    Le témoin a déclaré que c'est lui qui a communiqué avec M. Dick pour organiser une entrevue. La pièce E-50 est un rapport dactylographié des notes prises pendant son entrevue le 28 janvier 2003, et une note de service comportant des commentaires et des corrections ajoutés le 7 février 2003.

[55]    Le témoin a affirmé qu'il a vu à au moins cinq occasions au cours de la soirée du 25 août 2002 des propos désobligeants affichés à l'écran de l'ordinateur qui étaient destinés au détenu X.

[56]    Le premier propos désobligeant qu'il a vu était : « J'ai entendu dire que vous êtes un pédophile. » Seuls MM. Mikszan et Van Vugt étaient présents. Il a ensuite vu le propos désobligeant suivant : « Je t'ai vu sucer le pénis de [détenu Y]. » Le témoin a déclaré qu'à ce moment-là, il a remarqué que le fonctionnaire s'estimant lésé était debout entre MM. Mikszan et Van Vugt dans l'enceinte vitrée (poste de contrôle). Il a expliqué qu'à son point de vue, le fonctionnaire s'estimant lésé a participé au harcèlement, car il était présent lorsque ces propos désobligeants et intimidants étaient destinés au détenu X. Ce dernier frappait sa chaussure contre l'enceinte vitrée et criait, mais le témoin n'a pas entendu ses propos. Le témoin a déclaré qu'il croyait que les propos désobligeants visaient à faire en sorte que le détenu sorte. « C'était comme à l'heure où l'on nourrit les animaux au zoo », a-t-il affirmé.

[57]    Le témoin a dit que M. Van Vugt lui a demandé de quitter l'enceinte vitrée parce que les détenus X et Y devaient être escortés à l'extérieur des aires d'exercice. M. Van Vugt a affirmé que les détenus avaient passé suffisamment de temps dans les aires d'exercice et qu'ils voulaient retourner à leurs cellules. Pour désamorcer la situation, M. Van Vugt estimait que la présence d'un minimum d'agents correctionnels équivaudrait à montrer de la bonne volonté de leur part. Le témoin a déclaré que puisque M. Van Vugt était son surveillant, il a obéi aux ordres. En outre, il s'est souvenu que Wendy Denis, CX-1, a dit : [traduction] « Il semble qu'il faut qu'on parte » lorsque M. Van Vugt lui a également demandé de quitter.

[58]    Le témoin a expliqué le protocole 3 pour 1 de la façon suivante. Le registre se trouvant dans l'USD, que tous les agents correctionnels doivent lire à leur entrée, renferme les directives à suivre relativement à tout programme, incident ou protocole. Le système 3 pour 1 est un système utilisé par les agents correctionnels pour leur permettre de se protéger et de protéger les détenus. Un détenu qui se trouve dans l'USD doit passer ses mains dans la fente destinée à passer des aliments de la porte de la cellule pour se faire menotter avant d'être escorté aux douches ou aux aires d'exercice. Avant que la porte de la cellule soit déverrouillée, on demande au détenu de se reculer. Le détenu est escorté vers sa destination, un agent correctionnel de chaque côté de lui et un autre derrière. Lorsque le détenu arrive aux douches ou aux aires d'exercice, il est enfermé, se fait demander de passer ses mains dans la fente, puis se fait enlever ses menottes. Il y a toujours des agents correctionnels supplémentaires dans l'enceinte vitrée qui observent les mouvements du détenu et des agents correctionnels.

[59]    Le témoin a déclaré qu'il n'a jamais vu le détenu X ou le détenu Y lancer de l'urine au fonctionnaire s'estimant lésé, mais si un agent correctionnel avait vu un détenu uriner dans une tasse, il considérerait l'urine comme une arme. La possibilité de contracter une maladie infectieuse, comme le VIH et/ou l'hépatite C, de l'urine d'un détenu constitue une préoccupation de taille. Si un détenu tente de lancer de l'urine à un agent correctionnel, c'est généralement un indice d'une mise en scène organisée pour atteindre l'agent correctionnel.

[60]    Le témoin a convenu qu'il lui incombe de veiller à ce qu'un magnétoscope et une nouvelle bande ainsi que des piles soient accessibles au début de chaque quart de travail.

[61]    En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'il regrette notamment de ne pas avoir rédigé de rapport des incidents survenus à l'époque. L'un des motifs était que ses deux surveillants (M. Van Vugt et le fonctionnaire s'estimant lésé) étaient impliqués dans l'incident au sujet des propos désobligeants. Il a affirmé : [traduction] « J'étais un employé surnuméraire à ce moment. J'aurais pu faire quelque chose, peut-être aviser le directeur de l'établissement. Je n'ai pas appelé le directeur de l'établissement parce que j'aurais été qualifié de rat. »

[62]    Le témoin a dit que par le passé, le fonctionnaire s'estimant lésé l'avait toujours traité, ainsi que les détenus, avec respect et dignité.

[63]    Rob Alcock travaille au SCC depuis le 30 novembre 1981 et le 15 novembre 1989, il a été promu surveillant correctionnel (CX-3), poste qu'il occupe toujours aujourd'hui.

[64]    Le témoin a notamment décrit les fonctions du surveillant correctionnel (CX-3) de la façon suivante. Le surveillant correctionnel doit d'abord et avant tout veiller à la sécurité des activités de l'établissement. Après les heures normales de travail et au cours des fins de semaine, le surveillant correctionnel assume le rôle de directeur d'établissement par intérim, surveille le personnel, avise les autorités (la GRC, la police locale, etc.) de tout événement important, assume le rôle de responsable de la gestion des situations d'urgence ou de contrôleur sur place et fait des tournées.

[65]    Le témoin a déclaré que la désignation P-4 est attribuée à un CX-3 qui est l'agent de programme, tandis que la désignation P-10 est attribuée à un CX-3 qui est l'agent opérationnel responsable les fins de semaine et après les heures normales de travail. En théorie et dans les faits, ces désignations sont interchangeables. Toutefois, le P-10 est celui qui assume les fonctions du directeur d'établissement par intérim.

[66]    Les registres sont généralement tenus par le P-10, quoique le P-4 puisse y faire et y fera certaines entrées. Les entrées dans les registres portent généralement sur des événements importants, sur le comportement des détenus, sur des préoccupations des agents, sur une violation de protocole ou sur quoi que ce soit qui est considéré en dehors de la routine habituelle. En cas de crise, le P-10 prend les commandes du PPCC pour évaluer l'effet général de l'incident à l'Établissement tandis que le P-4 joue le rôle de contrôleur sur place. Toutefois, dans les faits, le P-10 (qui pourrait être sur les lieux d'un incident) assume le rôle de contrôleur sur place tandis que le P-4 joue le rôle de l'agent responsable au PPCC. Le caractère interchangeable des postes peut parfois être fluide et peut parfois être statique.

[67]    D'après la pièce E-33 (le tableau de service), pendant la soirée du 25 août 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé était le P-10 alors que M. Van Vugt était le P-4.

[68]    Le témoin a décrit sa participation dans la débâcle ou les dérangements survenus le 24 août 2002. Le fonctionnaire s'estimant lésé était dans l'USD lorsque les dérangements ont débuté, mais il a ensuite dû quitter pour faire le compte des détenus dans l'établissement. Le témoin a déclaré qu'il est arrivé à l'USD vers 22 h 20. Les détenus avaient incendié plusieurs cellules et avaient brisé plusieurs fenêtres de leurs portes de cellule. Les détenus ont poursuivi leurs dérangements jusque vers 2 h 45 le 25 août 2002. Ils ont également brisé les têtes de deux gicleurs. Par conséquent, de nombreuses cellules ont été inondées. De plus, cinq fentes à aliments ont été brisées en position ouverte ou très endommagées.

[69]    Le témoin s'est présenté au travail vers 6 h 30 après avoir dormi pendant quatre heures dans le salon des employés. Il a tout de suite rédigé une consigne dans le registre des surveillants correctionnels (pièce E-34) selon laquelle les détenus se trouvant dans l'USD devaient se faire servir leurs repas dans des assiettes de styromousse jusqu'à nouvel ordre et selon laquelle tous les détenus ayant participé à la casse devaient faire l'objet de la politique 3 pour 1. La consigne 3 pour 1 était une décision qu'il a prise après avoir tenu compte du fait que les détenus ayant participé à la casse étaient hostiles et d'humeur explosive et qu'il était possible qu'ils causent d'autres dommages à l'Établissement et/ou qu'ils menacent la sécurité des agents correctionnels. [Traduction] « Il s'agissait d'une décision pour assurer la sécurité du personnel », a-t-il déclaré. Pour que la consigne soit transmise aux agents correctionnels de l'USD, elle était rédigée dans le registre de l'USD (pièce E-31). Le registre doit être revu par tous les agents dans le cadre de leurs fonctions avant le début de leur quart de travail.

[70]    Le témoin a effectué une évaluation du risque et a décidé que pour ramener l'USD dans un programme usuel, les détenus devaient être escortés jusqu'aux aires d'exercices ou jusqu'aux douches à raison de 3 agents pour 1 détenu pendant que le personnel d'entretien nettoyait les cellules. Les détenus étaient ramenés à leur cellule à raison de 3 agents pour un détenu et on leur a remis des draps et des vêtements secs, sauf à deux détenus (le détenu X et le détenu Y) qui ont refusé de retourner. Le témoin a déclaré qu'il avait l'impression que le détenu X et le détenu Y étaient en sécurité dans les aires d'exercice et qu'ils n'étaient en mesure d'aller nulle part ailleurs (ils faisaient du « camping »); par conséquent, il a décidé de les laisser faire. Le détenu X se trouvait du côté ouest de l'une des aires d'exercice tandis que le détenu Y se trouvait du côté sud.

[71]    Le témoin a déclaré que lorsque des détenus urinent dans des tasses, c'est parce qu'ils n'ont pas accès à une toilette ou parce qu'ils conservent l'urine pour s'en servir comme arme.

[72]    Le témoin a affirmé qu'il a quitté l'Établissement à 18 h le 25 août 2002, et qu'il a cédé le contrôle de l'Établissement au fonctionnaire s'estimant lésé.

[73]    En contre-interrogatoire, le témoin a affirmé que le 25 août 2002, les détenus n'ont pas été enregistrés sur bande vidéo pendant qu'ils étaient escortés de leurs cellules aux aires d'exercice et aux douches, car il tentait de ramener les choses à la normale et il semblait y avoir peu de menace à l'époque. Il a également déclaré que le protocole 3 pour 1 pourrait être modifié en annulant la consigne ou en la faisant porter à un autre niveau par un CX-3, qui aurait fait sa propre évaluation des risques.

[74]    Lorsque le témoin a été renvoyé à l'alinéa (r) du document intitulé « Security Post Instruction Supplementary Document » (pièce E-16), qui énonce que [traduction] : « le matériel de contrainte n'est utilisé que de la manière jugée appropriée à la sécurité de l'unité », le témoin a déclaré que s'il tentait de calmer une situation de crise et que si un détenu se montrait docile, il l'escorterait probablement sans lui passer les menottes. Il a ajouté qu'il ne modifierait pas une consigne 3 pour 1 si celle-ci lui a été donnée par un gestionnaire principal. Toutefois, si la consigne provenait de quelqu'un qui était à son propre niveau, il s'en remettrait à son propre jugement.

[75]    En réinterrogatoire, le témoin a convenu qu'un détenu qui lance de l'urine à un employé n'est pas vu comme accommodant.

[76]    Paul T.L. Urmson est le directeur de l'établissement Matsqui depuis février 2003 et est au service du SCC depuis mai 1986.

[77]    Le témoignage du témoin peut se résumer de la façon suivante. L'établissement Matsqui est une entreprise de 45 millions de dollars par année exploitée 365 jours par année, 24 heures par jour. De fait, elle peut être décrite ou vue comme un petit village. Le rôle de l'établissement est d'emprisonner des personnes puis de les faire réintégrer la société une fois qu'ils ont fini de purger leur peine. La sécurité du public et du personnel relève du directeur de l'établissement. Il s'agit de gérer les relations, de maintenir constamment un équilibre entre le personnel et les détenus, les détenus et d'autres détenus, les membres du personnel et d'autres employés, ainsi que la direction et des membres du personnel. Les détenus doivent se sentir en sécurité; si ce n'est pas le cas, ils peuvent causer une émeute. Si les employés ne se sentent pas en sécurité, ils peuvent décider de faire la grève. Les CX-3 sont responsables de l'établissement environ 16 heures par jour et les fins de semaine.

[78]    Le témoin a déclaré que sa décision de prendre des mesures disciplinaires contre le fonctionnaire s'estimant lésé s'appuyait sur la pièce E-56, un « Guide d'application : Sanctions disciplinaires et rétrogradation ou licenciement non disciplinaires ». De plus, le « Code de discipline » (pièce E-18) et les « Règles de conduite professionnelle » (pièce E-19) ont été invoqués comme éléments clés de ce que l'on attend du personnel de l'établissement Matsqui. Le témoin s'en est également remis à des consultations tenues avec des membres du personnel de l'administration régionale et nationale.

[79]    Le témoin n'était pas le directeur de l'établissement les 24 et 25 août 2002; toutefois, il a été informé par M. Costello, qui était à l'époque le directeur de l'établissement, et il prévoyait recevoir et a reçu le « rapport d'enquête disciplinaire » (pièce E-41) de M. Dick en février 2003.

[80]    Le témoin a accepté les conclusions du rapport, mais a déclaré que pour se convaincre de son exactitude complète et des mesures disciplinaires à prendre, trois ou quatre réunions ont été tenues avec le fonctionnaire s'estimant lésé. Ces réunions avaient pour objet de poser une série de questions (pièce E-58) au fonctionnaire s'estimant lésé et de comparer ses réponses à d'autres documents et à des témoignages recueillis auparavant. De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait l'occasion de fournir ou de partager des renseignements supplémentaires.

[81]    À la suite des entrevues avec le fonctionnaire s'estimant lésé, le témoin a décidé que deux des allégations relevées par M. Dick dans le « rapport d'enquête disciplinaire » n'étaient pas fondées et elles ont par conséquent été rejetées et ne faisaient pas partie de la décision de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé. Toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas d'explication raisonnable à fournir sur les questions suivantes :

  1. pourquoi il n'a pas eu recours au protocole 3 pour 1 avec le détenu X et le détenu Y;

  2. pourquoi il considérait le détenu X comme obéissant même si le détenu avait donné un coup de pied sur une tasse d'urine vers lui;

  3. pourquoi il a décidé de remplacer le personnel initial par du personnel plus expérimenté si le détenu X respectait les règles;

  4. pourquoi il n'y avait pas d'entrées sur l'incident dans le registre de l'USD;

  5. pourquoi il n'y avait pas de bande vidéo de l'incident;

  6. pourquoi lui-même et M. Van Vugt, tous deux surveillants correctionnels, étaient au même endroit au même moment pour régler cet incident.

[82]    L'enregistrement sur bande vidéo d'un détenu après des dérangements calme généralement le détenu et documente les événements.

[83]    Le témoin a déclaré que si les détenus respectaient les règles, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait dû demander qu'ils renversent les tasses d'urine et ordonner aux détenus de passer leurs mains dans la fente à aliments. Si le fonctionnaire s'estimant lésé avait suivi le protocole 3 pour 1, il n'y aurait pas eu d'incident. Il a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu qu'il était importuné du fait que le détenu X et le détenu Y occupaient les aires d'exercice, car il avait maintenant la responsabilité de régler la question.

[84]    D'après les rapports d'enquête et les entrevues avec le fonctionnaire s'estimant lésé, le témoin a décidé que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était vengé du détenu X et du détenu Y pour leur comportement à l'égard du personnel, leur participation à la mini-émeute du 24 août 2002, et leur décision d'occuper les aires d'exercice en refusant de retourner à leurs cellules. En outre, il estimait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait volontairement amené le détenu X à prendre part à une altercation en lisant ou en participant à la saisie de commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur qui s'adressaient au détenu. Il estimait qu'il ne s'agissait pas d'une erreur de jugement de la part du fonctionnaire s'estimant lésé, mais plutôt d'une occasion de se venger.

[85]    En ce qui concerne l'accusation déposée contre le fonctionnaire s'estimant lésé d'un chef de voies de fait contre son ancienne conjointe de fait, le témoin a mentionné le rapport d'une enquête menée par M. Wallin sur les allégations de violation des « Règles de conduite professionnelle » (pièce E-64). Le fonctionnaire s'estimant lésé a plaidé coupable à l'accusation de voies de fait simples prévue à l'article 266 du Code criminel du Canada pour les gestes qu'il a posés contre son ancienne conjointe de fait. Par conséquent, il a reçu une absolution sous condition, 12 mois de probation et s'est fait ordonner d'assister à des cours de gestion de la colère et de les terminer. Le témoin a déclaré que cet incident contrevenait à la Règle 2 des « Directives du commissaire 060 - Code de discipline » (pièce E-64), selon laquelle :

Commet une infraction l'employé qui [...] commet un acte criminel ou une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité en vertu d'une loi du Canada ou d'un territoire ou d'une province, risquant ainsi de ternir l'image du Service ou d'avoir un effet préjudiciable sur le rendement au travail.

[86]    Le témoin a déclaré qu'alors que le fonctionnaire s'estimant lésé était interrogé par le policier présent, il déclinait son identité comme surveillant correctionnel au SCC. Selon le témoin, cela a jeté le discrédit sur l'image du SCC.

[87]    Le témoin a affirmé que cet incident, ainsi que l'incident survenu à l'USD le 25 août 2002, a illustré un type de comportement qui entrait en conflit avec le rôle du fonctionnaire s'estimant lésé à titre d'agent de la paix et de surveillant correctionnel.

[88]    Il a également déclaré que les détenus toléreront de nombreuses choses d'un établissement, mais n'accepteront pas quelqu'un qui participe à des voies de fait publiques délibérées contre un de leurs pairs. Le témoin croyait, après avoir rencontré les membres du comité interne des détenus, que si le fonctionnaire s'estimant lésé était réintégré, il risquerait d'être agressé, gravement blessé ou peut-être tué par des détenus à un moment donné. Le témoin craignait également que si un autre membre du personnel travaille avec le fonctionnaire s'estimant lésé, les risques de blessures de cette personne augmenteraient considérablement.

[89]    Enfin, le témoin a déclaré qu'il ne croit pas que le fonctionnaire s'estimant lésé respecte les valeurs et possède l'éthique qui sont obligatoires pour travailler dans un établissement et pour interagir positivement avec le personnel et les détenus. Par conséquent, le fait de mettre fin à l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé a constitué la bonne décision.

[90]    En contre-interrogatoire, le témoin a convenu que la raison principale de sa décision de mettre fin à l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé était sa participation aux commentaires désobligeants destinés au détenu X. Toutefois, les voies de fait contre son ancienne conjointe de fait lui ont montré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait un problème de comportement au niveau de la violence.

[91]    Le Comité interne des détenus a fait des démarches auprès du directeur de l'établissement peu après l'incident à l'USD, car les membres du Comité avaient des préoccupations au sujet du traitement réservé au détenu X et au détenu Y.

[92]    Le témoin a convenu que le détenu X a été accusé par le Service de police d'Abbotsford de voies de fait contre le fonctionnaire s'estimant lésé et les agents de l'USD le 25 août 2002.

[93]    Le témoin a déclaré que si le fonctionnaire s'estimant lésé croyait que le détenu X respectait les règles (quoiqu'il ait affirmé que ce n'est pas ce qu'il croyait), mais avait quand même décidé de faire appel à des agents plus expérimentés chargés de ramener le détenu à sa cellule et qu'un incident était survenu, il aurait compris. Toutefois, il ne pouvait pas comprendre pourquoi le fonctionnaire s'estimant lésé et M. Van Vugt avaient menotté le détenu Y, qui se trouvait dans l'aire d'exercice en position de couché abdominal (sur son estomac, les bras et les jambes écartés), au lieu de le ramener à sa cellule suivant le protocole 3 pour 1. Le détenu X et le détenu Y étaient les éléments catalyseurs lors de la nuit de la mini-émeute. Le détenu X avait envoyé d'un coup de pied une tasse d'urine vers le fonctionnaire s'estimant lésé plus tôt au cours de la soirée du 25 août 2002, et le fonctionnaire s'estimant lésé a alors décidé d'amener des agents plus expérimentés dans l'USD. Le témoin a demandé pourquoi le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu à l'aire d'exercice, car trois agents étaient disponibles. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est cassé la main dans la mêlée avec le détenu X; en conséquence, il semblerait d'autant plus logique d'avoir eu recours au protocole 3 pour 1 avec le détenu Y.

[94]    Le témoin a déclaré qu'il croyait que le fonctionnaire s'estimant lésé et d'autres agents avaient également battu le détenu Y, quoiqu'il ait admis qu'il ne disposait pas de preuves médicales pour soutenir sa conclusion. Il a affirmé que ce n'était que son opinion fondée sur son expérience de travail au SCC.

[95]    Lorsqu'il a été interrogé, le témoin ne pouvait pas faire la différence entre une accusation de voies de fait simples et une accusation de voies de fait causant des lésions corporelles. Il croyait qu'il n'y avait pas de différence - des voies de fait sont des voies de fait - et estimait que la réputation du SCC est une préoccupation sérieuse.

[96]    L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré au témoin qu'en s'identifiant en tant que surveillant du SCC à l'agent ayant procédé à l'arrestation, le fonctionnaire s'estimant lésé tentait de se protéger; s'il était gardien de prison (comme c'était le cas), les détenus de divers établissements pourraient le reconnaître et cela pourrait affecter sa sécurité. Le témoin a répondu : [traduction] « Je n'ai pas de récriminations ou de critiques. Peut-être n'était-ce pas inapproprié », a-t-il dit en se référant au fait que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est identifié comme surveillant du SCC.

[97]    Enfin, le témoin a convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé a suivi la Règle 2 (« Conduite et apparence ») du « Code de discipline » (pièce E-18) en demandant à la police de faire un appel à l'Établissement Matsqui pour informer la haute direction de son arrestation.

[98]    Richard Farrance a débuté son emploi au SCC en juillet 2002 en tant que CX-1. Il est entré en fonctions à l'Établissement Matsqui le 18 août 2002. Le 25 août 2002, il a travaillé de 19 h à 7 h.

[99]    Le témoin a déclaré que c'est le fonctionnaire s'estimant lésé ou M. Van Vugt qui lui a demandé de libérer un autre agent (Peter Stout) qui était au PPCC. On lui a demandé de quitter l'USD pour deux motifs : 1) il était à l'Établissement Matsqui Institution depuis seulement une semaine et personne ne le connaissait très bien et 2) il était trop inexpérimenté pour régler une situation de crise. Il a affirmé que pour autant qu'il se souvienne, il y avait de l'agitation dans les aires d'exercice, des détenus lançant de l'urine à des agents. Il est retourné à l'USD à environ 22 h 30 et a reçu les directives du fonctionnaire s'estimant lésé d'enregistrer sur bande vidéo l'interrogatoire du détenu X et du détenu Y par l'infirmière en fonction (pièce E-48).

[100]    Le témoin a déclaré qu'au cours de la séance d'information qu'il a reçue avant d'entreprendre son quart de travail, il croit qu'il a été informé que le détenu X et le détenu Y avaient lancé de l'urine à un agent (dont il ne se souvenait pas du nom). Quoi qu'il se souvenait avoir passé la majeure partie de son quart de travail dans l'enceinte vitrée, il a affirmé qu'il ne se rappelait pas avoir vu des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur.

[101]    Wendy Denis est entrée en fonctions au SCC en avril 2001 à l'Établissement Matsqui. Le 25 août 2002, elle travaillait de 19 h à 7 h à l'USD.

[102]    Mme Denis a témoigné qu'à environ 22 h, le fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé de quitter l'USD et de faire rapport au CRRE. Elle a déclaré qu'on lui a présenté cette demande non pas parce qu'elle était une femme, mais plutôt parce que le fonctionnaire s'estimant lésé désirait que des agents plus expérimentés prennent la relève.

[103]    Elle a également témoigné avoir été mise au courant que le détenu X et le détenu Y urinaient dans des tasses, mais elle ne les a jamais vus faire.

[104]    Elle a ajouté qu'elle n'a pas constaté l'existence de commentaires désobligeants affichés sur l'écran de l'ordinateur. Elle a passé la majeure partie de son quart de travail dans l'enceinte vitrée; toutefois, elle a quitté cette enceinte pour faire ses rondes, qui pouvaient durer environ une demi-heure.

[105]    Le témoin s'est souvenu de son entrevue de 45 minutes avec M. Dick (pièce E-69). Lorsque M. Dick lui a demandé si elle avait vu quelque chose à l'écran de l'ordinateur qui aurait pu être considéré comme désobligeant à l'endroit d'un détenu, elle a répondu que non. Vers la fin de l'entrevue, il a affirmé, d'une voix très sérieuse et agressive : [traduction] « Êtes-vous en train de me dire que vous vous souvenez de tout ce qui s'est passé et dit ce soir-là et que vous n'avez en aucune occasion vu quoi que ce soit de désobligeant à l'ordinateur ou me dites-vous plutôt que vous ne vous rappelez pas s'il y avait quelque chose d'écrit à l'écran de l'ordinateur? » Elle a répondu : [traduction] « Je n'ai vu aucun commentaire désobligeant à l'écran. » Deux semaines plus tard, elle a été convoquée dans le bureau du directeur d'établissement Urmson, où se trouvaient également Mme Mackenzie, chef du personnel, et Dusty Pruden, représentant de l'UCCO/SACC-CSN. Le directeur de l'établissement l'a interrogée au sujet de commentaires qui auraient été affichés à l'écran de l'ordinateur le 25 août 2002 et lui a demandé si elle se protégeait aux termes du « code d'honneur ». Elle a dit au directeur de l'établissement qu'elle n'avait rien vu à l'écran de l'ordinateur et qu'elle ne savait rien du « code d'honneur » ni, du reste, de sa signification. Le témoin a déclaré qu'elle croyait être victime de pressions de la part du directeur d'établissement pour mentir ou pour fournir des renseignements trompeurs pour faire avancer l'enquête.

[106]    Elle a déclaré qu'elle était très tendue du fait des allégations du directeur de l'établissement, car elle n'avait pas d'antécédents de méfaits sur ses lieux de travail. Elle a également témoigné que le directeur de l'établissement l'a informé qu'elle ferait face à des mesures disciplinaires si elle mentait. Ces mesures ne seraient pas nécessairement limitées à une amende ou à une suspension sans salaire, mais pourraient plutôt être un licenciement du SCC. Le directeur de l'établissement a garanti que si elle disait la vérité, elle serait entièrement protégée. Le témoin a fait observer qu'elle ne s'est jamais sentie non protégée par le passé.

[107]    Le témoin croyait que le directeur de l'établissement tentait de l'amener à modifier le témoignage qu'elle avait fait devant les enquêteurs. Tels ont été ses seuls rapports avec le directeur de l'établissement et elle l'a informé qu'elle disait la vérité, qu'il ne connaissait pas le genre de personne qu'elle était; elle a affirmé qu'il devrait parler à ses surveillants pour s'informer de son éthique du travail. À la fin de l'entrevue, le directeur de l'établissement a mentionné qu'il prenait trois semaines de congés annuels et que pendant cette période, il déciderait ce qu'il entendait faire de son emploi au SCC. Elle a en outre été informée que si elle souhaitait modifier sa déclaration, elle devrait communiquer avec lui sur-le-champ. Cette réunion lui a occasionné tellement de tension qu'elle n'a pas pu manger ou dormir.

[108]    Deux ou trois jours plus tard, un message a été laissé dans sa boîte vocale par Marie Shepard, secrétaire du directeur de l'établissement, l'informant que le nécessaire avait été fait. Elle a rappelé Mme Shepard et a demandé que le directeur de l'établissement produise une lettre pour rétablir les faits. Elle a par la suite reçu une lettre du directeur de l'établissement dans laquelle il s'excusait des dommages causés, mais il ne s'est jamais excusé auprès d'elle en personne. Elle estimait que la lettre n'était pas suffisante pour la dédommager de la tension qu'elle a dû subir.

[109]    En contre-interrogatoire, le témoin a convenu qu'aucune mesure disciplinaire n'a été prise contre elle et qu'elle n'était pas impliquée dans l'incident du 25 août 2002. Elle a également déclaré qu'elle n'a pas déposé de grief en matière de harcèlement contre le directeur de l'établissement; en rétrospective, elle aurait souhaité l'avoir fait, mais elle a dit que le stress était trop fort.

[110]    En rééinterrogatoire, le témoin a convenu que pendant sa réunion avec le directeur de l'établissement, il ne lui a pas dit quels étaient les commentaires affichés à l'écran de l'ordinateur. Toutefois, elle a dit qu'elle croyait que le directeur de l'établissement tentait de l'amener à dire quelque chose de différent, sur le fait qu'elle avait vu des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur, de ce qu'elle avait dit initialement aux enquêteurs ou qu'il ne l'a tout simplement pas cru. Elle a également confirmé qu'elle a passé la majeure partie de son temps dans l'enceinte vitrée, mais qu'elle est sortie à l'occasion.

[111]    Peter Stout, CX-1, a travaillé à l'Établissement Matsqui pendant 31 ans et le 25 août 2002, il était dans le PPCC pour un quart de travail de 19 h à 7 h.

[112]    La déposition du témoin peut être résumée de la façon suivante. M. Van Vugt lui a expressément demandé de faire rapport à l'USD parce qu'il désirait bénéficier d'agents plus expérimentés. M. Farrance l'a relevé de son poste à environ 22 h 05. Lorsqu'il est arrivé à l'enceinte vitrée, quatre agents différents étaient présents, soit le fonctionnaire s'estimant lésé et MM. Van Vugt, Mikszan et Davis. On lui a ordonné d'être de service à l'enceinte vitrée pendant que les détenus X et Y étaient ramenés sous escorte à leur cellule; apparemment, les détenus ont accepté de se montrer obéissants.

[113]    Les quatre agents sont sortis de l'enceinte vitrée et se sont réunis dans l'entrée, dirigés par M. Van Vugt et par le fonctionnaire s'estimant lésé et suivis par MM. Mikszan et Davis. Toutefois, les agents sont rapidement sortis de l'entrée et sont retournés dans le passage de l'enceinte vitrée. M. Van Vugt a crié au témoin : [traduction] « Ouvre l'eau du boyau d'incendie. » Le témoin a obéi à l'ordre et est retourné à l'enceinte vitrée. M. Van Vugt avait le boyau et le témoin l'a entendu ordonner au détenu X et au détenu Y de [traduction] « laisser tomber les tasses ». Le témoin présumait que les détenus utilisaient l'urine comme arme en la lançant aux agents. Le témoin a déclaré qu'on lui a alors demandé de retirer les menottes et les entraves qui étaient verrouillées dans l'enceinte vitrée. Les menottes et les entraves ont été retirées du coffre-fort verrouillé et remises à M. Mikszan, qui se trouvait dans l'aire d'exercice ouest. Le témoin a affirmé qu'il a ouvert la porte de la cellule no 2 et que le fonctionnaire s'estimant lésé ainsi que MM. Mikszan et Davis ont escorté le détenu X dans cette cellule. Le témoin a déclaré qu'il a embarré le détenu dans la cellule et qu'il a laissé les entraves et les menottes verrouillées. Il est retourné à l'enceinte vitrée et a entendu M. Van Vugt dire au détenu Y de déposer les tasses et de se coucher sur le ventre.

[114]    Le témoin a fourni à M. Mikszan un autre ensemble de menottes et d'entraves. Le détenu Y a ensuite été escorté jusqu'à une cellule et y a été enfermé par MM. Mikszan et Davis.

[115]    Le témoin a arrêté le boyau d'incendie et a entendu le fonctionnaire s'estimant lésé mentionner qu'il croyait s'être cassé la main. M. Mikszan avait une marque rouge à l'abdomen et a affirmé qu'il croyait avoir été poignardé par le détenu X. L'infirmière a été appelée pour vérifier l'état des détenus et a déclaré qu'ils étaient corrects; elle se préoccupait davantage de la main du fonctionnaire s'estimant lésé. Le témoin a dit qu'il est retourné au PPCC et qu'il a rédigé son rapport d'observation (pièce E-70).

[116]    Le témoin a déclaré qu'il a eu recours au protocole 3 pour 1 des centaines de fois, mais qu'il ne s'en est pas servi à cette occasion.

[117]    En contre-interrogatoire, le témoin a dit qu'à son arrivée à l'enceinte vitrée, il n'a remarqué aucun commentaire désobligeant affiché à l'écran de l'ordinateur. Il a ajouté que pendant son entrevue avec les enquêteurs, on ne l'a pas interrogé au sujet de commentaires désobligeants.

[118]    Le témoin a affirmé que l'incident avec les détenus X et Y a duré environ cinq minutes.

[119]    Blair Davis a travaillé à l'Établissement Matsqui pendant 25 ans et est CX-2 depuis 1989.

[120]    Le 25 août 2002, il était affecté au CRRE de 13 h à 23 h. Mme Denis lui a demandé de se rapporter à l'USD. À son arrivée, il a été rencontré par le fonctionnaire s'estimant lésé et par MM. Van Vugt, Mikszan et Stout, qui ont demandé son aide pour faire sortir le détenu X et le détenu Y des aires d'exercice et pour les ramener à leurs cellules. Il a été informé par le fonctionnaire s'estimant lésé que les détenus se conformaient maintenant aux règles et qu'ils voulaient retourner à leurs cellules. M. Stout se trouvait alors dans l'enceinte vitrée.

[121]    Alors qu'il entrait dans le hall avec les trois autres agents, un liquide (qu'il présumait être de l'urine) lui a été lancé. M. Van Vugt a alors commencé à projeter de l'eau sur le détenu X, qui était dans l'aire d'exercice ouest, au moyen du boyau d'incendie, puis a tourné le boyau vers le détenu Y, qui se trouvait dans l'aire d'exercice sud. M. Mikszan et le fonctionnaire s'estimant lésé luttaient alors avec le détenu X. Le témoin a tiré les jambes du détenu X de sous lui, les frappant contre le sol. Le détenu X a ensuite été escorté jusqu'à la cellule no 2 et y a été embarré par le témoin et M. Mikszan. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu à l'aire d'exercice sud et, avec l'aide de M. Van Vugt, a menotté le détenu Y.

[122]    Le témoin a déclaré qu'il a quitté l'USD à environ 22 h 30 après l'arrivée de M. Farrance et de l'infirmière. Il a rédigé son rapport d'observation (pièce E-72) et l'a présenté au fonctionnaire s'estimant lésé.

[123]    Le témoin a également déclaré qu'il n'a remarqué aucun commentaire désobligeant à l'écran de l'ordinateur lorsqu'il est arrivé à l'USD.

[124]    Robert Burton a débuté sa carrière au SCC le 27 décembre 1992 comme CX-1; cinq mois plus tard, il est devenu CX-2 par intérim, puis est devenu CX-2 permanent en mars 1994. À la suite d'un concours, il a été nommé, le 27 octobre 1997, à un poste de surveillant correctionnel (CX-3) à l'Établissement Matsqui.

[125]    Les événements du 24 août 2002 ne sont pas remis en question et ont déjà été résumés. La décision de mettre fin à l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé a été prise à la suite des événements survenus le 25 août 2002 et de l'accusation de voies de fait contre son ancienne conjointe de fait. C'est là où débute le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé pour nos dossiers.

[126]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il est arrivé à l'Établissement à 18 h le 25 août 2002 et qu'il a été informé par le surveillant correctionnel Alcock que ce dernier avait entrepris un programme à l'USD aux termes duquel les détenus ayant participé à la mini-émeute de la nuit précédente avaient été nourris, avaient pris leur douche, avaient reçu de la literie et des vêtements secs et avaient reçu des soins médicaux au besoin. Toutefois, deux détenus (X et Y), qui se trouvaient dans les aires d'exercice ouest et sud, respectivement, refusaient de retourner dans leurs cellules. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il trouvait la situation amusante et troublante. Troublante, parce que pour que le programme soit un programme usuel, les détenus n'ont le droit de se rendre dans les aires d'exercice qu'environ une heure par jour et seulement un détenu à la fois par aire. Comme le détenu X et le détenu Y étaient dans les deux aires d'exercice et ont refusé de retourner à leurs cellules, les autres détenus se sont fait refuser le droit d'accéder aux aires d'exercice.

[127]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que M. Alcock a également informé M. Dewar, directeur adjoint de l'établissement, de l'incident de la nuit précédente. La police d'Abbotsford a été appelée et a visité les lieux pour constater les dommages causés à l'Établissement. M. Alcock a avisé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il avait décidé que la meilleure mesure à prendre était de laisser les détenus X et Y dans les aires d'exercice jusqu'à ce qu'ils aient décidé de retourner à leurs cellules.

[128]    D'après le registre de l'USD (pièce E-34), le fonctionnaire s'estimant lésé a noté, en date du 25 août 2002, à 19 h 30 : [traduction] « À l'USD - Rondes - Les détenus [X et Y] refusent toujours de revenir de l'aire. » La prochaine entrée faite par le fonctionnaire s'estimant lésé, à 21 h 50, va comme suit : [traduction] « À l'USD - Les détenus [X et Y] reviendront de l'aire. » La pièce E-30 confirme que le fonctionnaire s'estimant lésé a signé le registre des visiteurs de l'USD à 19 h 40 le 25 août 2002 et a inscrit comme objet de la visite les « rondes ».

[129]    Vers 19 h 40, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est rendu aux aires d'exercice pour parler aux détenus X et Y afin d'établir s'ils étaient prêts à retourner à leurs cellules. Le détenu X a dit au fonctionnaire s'estimant lésé d'aller se faire voir. Ils avaient de la literie, des vêtements secs, étaient couchés l'un à côté de l'autre et conversaient à l'occasion, mais étaient séparés par une clôture à mailles losangées. Pour l'essentiel, ils protestaient calmement. Ils n'étaient pas des détenus bien connus ayant une mauvaise réputation. Les détenus ne se sont fait entendre et ne se sont livrés à de la violence verbale que lorsqu'un agent était à portée de voix.

[130]    La visite faite par le fonctionnaire s'estimant lésé à 19 h 40 à l'enceinte vitrée a duré environ 10 minutes. M. Mikszan était l'agent responsable de ce poste; Mme Denis et M. Van Vugt travaillaient avec lui. Le fonctionnaire s'estimant lésé ne pouvait se souvenir si M. Creedy était à l'intérieur de l'enceinte vitrée. Toutefois, il se rappelait que M. Farrance n'était présent que lorsque les détenus étaient enregistrés sur bande vidéo après l'incident, soit vers 22 h 30.

[131]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que lors de sa première visite à l'USD à 19 h 40, il n'a pas remarqué de commentaires désobligeants affichés à l'écran de l'ordinateur. Le fonctionnaire s'estimant lésé a également affirmé qu'il n'était pas à l'intérieur de l'USD entre 20 h et 22 h.

[132]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu un appel de M. Mikszan, dans le bureau du surveillant, à 21 h 50, l'informant que le détenu X désirait retourner dans sa cellule. À son arrivée, vers 22 h, MM. Van Vugt, Mikszan et Davis et Mme Denis étaient présents; cependant, il n'était pas certain si M. Stout était présent. C'est lui qui a décidé qu'il serait préférable de compter sur la présence d'agents plus expérimentés si le détenu X était prêt à retourner à sa cellule. M. Van Vugt a appelé MM. Davis et Stout, qui sont arrivés quelque temps après le fonctionnaire s'estimant lésé. MM. Creedy et Farrance étaient absents et Mme Denis a été envoyée en bas au CRRE. Le fonctionnaire s'estimant lésé a signé le registre des visiteurs de l'USD à 22 h et ne se souvenait pas d'avoir vu des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur.

[133]    Alors qu'il se trouvait dans le foyer adjacent aux aires d'exercice ouest et sud, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé au détenu X s'il était prêt à entrer et s'il allait résister. Le détenu a répondu : [traduction] « Je ne résisterai pas. » Le détenu s'est fait demander de se déplacer vers le centre de l'aire d'exercice. Le fonctionnaire s'estimant lésé est ensuite retourné au bureau et a planifié avec les autres agents qu'ils se présenteraient à l'aire d'exercice, feraient sortir le détenu X et le ramèneraient à sa cellule. M. Stout est demeuré dans l'enceinte vitrée. Le fonctionnaire s'estimant lésé et les autres agents se sont réunis dans l'entrée. M. Mikszan a déverrouillé la barrière de l'aire d'exercice ouest où demeurait le détenu X (dans le milieu de l'aire). Le fonctionnaire s'estimant lésé était derrière MM. Mikszan, Davis et Van Vugt. Comme ils se dirigeaient vers le détenu X, il leur a lancé une tasse d'urine. Le détenu X a ensuite lancé un coup vers M. Mikszan. Le fonctionnaire s'estimant lésé et M. Mikszan ont tenté de donner une leçon au détenu, qui résistait en se chamaillant et en donnant des coups de pied. C'est alors que M. Davis a tiré les jambes du détenu de sous lui, envoyant ainsi au sol le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Mikszan et le détenu. M. Stout a fourni à M. Mikszan des menottes et des entraves. Le détenu X a alors été immobilisé grâce à l'utilisation de ces articles et par conséquent, il est devenu obéissant. Pendant toute l'altercation avec le détenu X, le détenu Y arrosait les agents au moyen de tasses d'urine à partir de l'aire d'exercice sud. M. Van Vugt a de son propre gré pris le boyau d'incendie qui se trouvait à portée de la main en raison des activités de la nuit précédente et s'en est servi pour renverser les tasses d'urine restantes qui se trouvaient dans les aires d'exercice.

[134]    M. Mikszan et le fonctionnaire s'estimant lésé ont ramené le détenu X sous escorte à la cellule no 2, où il a été menotté et entravé sous les verrous. Ils sont ensuite retournés à l'aire d'exercice, où M. Van Vugt a fait placer le détenu Y en position couchée. Le détenu Y a été menotté et escorté sans résistance jusqu'à sa cellule. Il s'est écoulé en tout environ trois à quatre minutes pendant l'incident. Comme on a eu recours à la force à l'endroit des détenus, le fonctionnaire s'estimant lésé a tout de suite appelé l'infirmière en service, qui est arrivée dans les cinq minutes. L'examen fait par l'infirmière a été enregistré sur bande vidéo par M. Farrance (pièce E-48).

[135]    À la suite de l'échauffourée avec le détenu X, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est cassé la main droite. Le fonctionnaire s'estimant lésé a quitté l'USD, est retourné au bureau du surveillant correctionnel, a fait des entrées dans le registre puis a téléphoné à Wayne Marsdon, directeur adjoint de l'établissement, services de gestion, à la maison car le directeur de l'établissement Costello était en vacances et le directeur adjoint de l'établissement Dewar était à Ottawa. Les aires d'exercice ont été mises sous scellé en tant que scène du crime et à 23 h 50, le fonctionnaire s'estimant lésé était à l'hôpital pour recevoir des soins médicaux.

[136]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que le détenu X ne s'est pas fait passer les menottes pour un double motif. D'abord, l'USD avait passé quelques jours très intenses (mini-émeute) et le détenu X obéissait initialement aux ordres. Ensuite, le fonctionnaire s'estimant lésé croyait qu'avec la présence d'un surplus de personnel, l'absence d'enregistrement sur bande vidéo et de menottes, le détenu X, qui a déclaré qu'il respecterait les règles, pourrait être facilement ramené sur une distance de 60 pieds jusqu'à sa cellule sans incident.

[137]    Le détenu Y s'était montré obéissant en se couchant sur le ventre et il a été ramené à sa cellule sans incident.

[138]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que s'il avait eu connaissance que des commentaires désobligeants avaient été affichés à l'écran de l'ordinateur dans l'USD et visaient le détenu X, il aurait agi de la façon suivante. La personne ou les personnes chargées d'entrer les commentaires ou de fermer les yeux sur ceux-ci auraient été escortées sur-le-champ à l'extérieur de l'Établissement, interrogées pour déterminer les motifs de ces gestes, un rapport écrit aurait été déposé auprès de la haute direction et des excuses auraient été offertes au détenu pour la conduite de la ou des personnes. Le fonctionnaire s'estimant lésé a également confirmé que s'il avait su que le détenu X avait fait l'objet de harcèlement en ayant à prendre connaissance de commentaires désobligeants, il ne serait pas entré dans l'aire d'exercice pour le faire sortir. Il va sans dire, a-t-il déclaré, que le détenu X ne respecterait pas les règles.

[139]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il a été importuné par les agents ayant travaillé de jour car ils auraient dû régler le dossier des détenus X et Y dans les aires d'exercice et ne pas laisser le dossier aux agents moins nombreux travaillant de nuit. Le fonctionnaire s'estimant lésé craignait que s'il avait laissé les détenus dans les aires d'exercice toute la nuit, son geste soit vu comme une sanction cruelle et inhabituelle et il craignait qu'il fasse l'objet de critiques.

[140]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a confirmé qu'il a été accusé d'un chef de voies de fait contre son ancienne conjointe de fait. Il a également déclaré qu'il avait effectivement dit à la police qu'il était surveillant correctionnel à l'Établissement Matsqui. Il a informé la police de son identité pour se protéger s'il était arrêté et détenu. Il était très possible que s'il était emprisonné, il serait en contact avec des détenus avec lesquels il avait déjà fait affaires au cours de sa carrière, ce qui pourrait mettre sa sécurité en péril. De plus, il avait cru comprendre que les agents de la paix doivent informer les autres agents de la paix de leur statut.

[141]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a également demandé que le policier appelle l'Établissement Matsqui pour informer la haute direction de son arrestation.  Il n'a jamais présenté de résistance ni discuté avec la police.  Il s'est reconnu coupable à l'accusation comme son avocat, Me Steve McMurdo, lui avait conseillé de le faire.  Le tribunal n'a pas imposé de condamnation au criminel mais plutôt prononcé une sentence d'une absolution sous condtion et a imposé 12 mois de probation.

[142]    Outre les 12 mois de probation, le juge qui préside a imposé d'autres conditions au fonctionnaire s'estimant lésé; ce dernier a achevé, en décembre 2003, un cours de 17 semaines sur la violence dans les relations et un cours de 10 semaines sur l'éducation en matière de relations en juillet 2003.

[143]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un certain nombre de certificats, de citations de bravoure et de lettres de reconnaissance reçus du SCC (pièces G-75 à G-81).

[144]    En contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu qu'il connaissait le « Code de discipline » (pièce E-18), les « Règles de conduite professionnelle » (pièce E-19) et les « Directives du commissaire no 003 - Désignations de l'agent de la paix » (pièce E-22).

[145]    Il a également convenu que M. Van Vugt était surveillant correctionnel (CX-3) le 25 août 2002, en position P4 et travaillait de 10 h à 22 h.

[146]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a en outre convenu qu'à sa première visite à l'USD, vers 19 h 40, le détenu X a frappé d'un coup de pied une tasse d'urine en sa direction, atteignant sa main droite.

[147]    Le fonctionnaire s'estimant lésé, qui a déclaré en interrogatoire principal qu'il avait visité l'USD à deux reprises, soit à 19 h 40 et à 22 h, a été renvoyé à la pièce E-43, son rapport d'observation manuscrit dans lequel il affirme qu'il a visité l'USD à au moins trois reprises pour faire affaires avec les détenus X et Y. Il explique cet écart par le fait qu'il était à l'hôpital lorsqu'il a rédigé son rapport; son jugement a pu être attaqué en raison des médicaments antidouleur qui lui avaient été donnés pour traiter sa main cassée. Le rapport énonce : [traduction] « Un peu plus tard [après la visite de 19 h 40] je me suis présenté à l'USD et rien n'avait changé. » Le fonctionnaire s'estimant lésé avait dit qu'il n'a pas affirmé être allé à l'enceinte vitrée. Il a admis qu'il était possible qu'il ait visité les détenus en au moins deux autres occasions et qu'il a pu leur parler de l'entrée.

[148]    Lorsque l'avocat de l'employeur lui a demandé s'il avait vérifié les détenus au moins une fois l'heure, il a répondu qu'il ne l'avait pas fait. Toutefois, le rapport dactylographié des notes de l'entrevue du fonctionnaire s'estimant lésé avec M. Dick, qui comporte ses commentaires et ses corrections à la main, (pièce E-45), énonce : [traduction] « Je me présentais une fois l'heure pour vérifier. Ils disaient toujours non. » Lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé a été interrogé par l'avocat de l'employeur, il a reconnu qu'il a bien pu visiter les détenus à 19 h 30, 20 h 30 et 21 h 30.

[149]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que l'on a demandé à MM. Van Vugt, Mikszan et Davis, tous des agents correctionnels chevronnés, de remplacer MM. Creedy et Farrance et Mme Denis parce que M. Creedy et Mme Denis étaient des agents subalternes et M. Farrance n'était à l'Établissement que depuis environ une semaine.

[150]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que le détenu X obéissait à ses ordres et désirait retourner à sa cellule. Des agents chevronnés se trouvaient sur les lieux et il croyait que la situation se calmerait s'il n'utilisait pas de menottes.

[151]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé qu'il croyait que M. Mikszan avait été poignardé par le détenu X avec un morceau de gaine en métal provenant de la lumière de nuit dans l'aire d'exercice ouest. Même si la blessure de M. Mikszan a été signalée à la haute direction, aucune preuve d'existence de l'arme n'a été découverte.

[152]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a convenu avec l'avocat de l'employeur qu'il aurait pu faire menotter le détenu Y et le renvoyer à sa cellule suivant le protocole 3 pour 1, car il était toujours embarré dans l'aire d'exercice sud et il ne pouvait aller nulle part ailleurs. Toutefois, il ne pouvait expliquer pourquoi il a écrit « dérangement » dans la case « Objet de la visite » dans la pièce E-30 à 22 h le 25 août 2002, lorsqu'à 19 h 40 il a indiqué « rondes » comme objet de sa visite.

[153]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il [traduction] « n'a pas vécu cette expérience » de voir des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur. Il a affirmé que MM. Braun et Creedy étaient manifestement dans l'erreur lorsqu'ils ont déclaré qu'il était présent lorsque des commentaires désobligeants étaient affichés à l'écran de l'ordinateur dans l'enceinte vitrée. Ils étaient de nouveaux CX-1 et le fonctionnaire s'estimant lésé a répété qu'ils étaient dans l'erreur.

Arguments

Pour l'employeur

[154]    Il a été mis fin à l'emploi du fonctionnaire s'estimant lésé en raison de sa participation à deux incidents : l'incident du 25 août 2002, à l'USD, et le dépôt d'un chef d'accusation de voies de fait à l'endroit de son ancienne conjointe de fait en contravention de l'article 226 du Code criminel du Canada.

[155]    Le fonctionnaire s'estimant lésé était responsable de l'Établissement lorsque le directeur de l'établissement était absent en dehors des heures normales de travail. C'était lui le patron. La sécurité du personnel et des détenus et la direction de l'Établissement lui incombaient. En raison de son erreur de jugement majeure, un autre agent (M. Mikszan) et lui-même ont été blessés, de même que deux détenus (X et Y).

[156]    Les détenus de l'Établissement Matsqui croient que le fonctionnaire s'estimant lésé a battu les détenus X et Y et que c'est la raison pour laquelle il a perdu leur confiance. L'avocat a fait valoir que si le fonctionnaire s'estimant lésé est rétabli en fonctions, sa sécurité de même que celle de tous ses collègues de travail pourrait être mise en péril. Il a brisé le lien de confiance avec l'employeur en se vengeant délibérément des détenus X et Y qui, d'après le fonctionnaire s'estimant lésé, lui ont causé, de même qu'au personnel, un deuil en plus d'occasionner des dommages à l'Établissement.

[157]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a enfreint le « Code de discipline » et les « Règles de conduite professionnelle » que doit respecter non seulement un surveillant/agent correctionnel, mais également un agent de la paix accusé d'un chef de voies de fait contre son ancienne conjointe de fait. Des voies de fait sont des voies de fait, qu'elles soient au bas de l'échelle ou non. Elles déconsidèrent l'image du SCC. Le SCC emprisonne les personnes ayant été accusées de voies de fait.

[158]    L'avocat a fait valoir que le grief devrait être rejeté et que le fonctionnaire s'estimant lésé ne devrait pas être réintégré dans ses fonctions. Toutefois, si l'on estime que la sanction est trop sévère mais que le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut reprendre ses fonctions car le lien de confiance a été brisé, je ne devrai envisager à titre d'arbitre qu'un dédommagement minimal, car le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu des indemnités pour accidents du travail jusqu'en juin 2003, et a trouvé un autre emploi depuis.

[159]    L'avocat de l'employeur a présenté la jurisprudence suivante pour examen : Brian William Kelly et Conseil du Trésor (Service correctionnel Canada), 2002 CRTFP 74; Luc Rivard et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 75; Debbie Côté et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 103; Richard Simoneau et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 57; Cottenoir (dossier de la Commission 166-2-27324) et Flewwelling v. Canada, [1985] F.C.J. No. 1129.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[160]    L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que les motifs de renvoi énoncés dans la pièce E-28 s'articulent sur « une allégation de tout ou rien ». L'employeur s'est-il acquitté du fardeau de la preuve que le fonctionnaire s'estimant lésé a participé à l'incitation du détenu X - les commentaires désobligeants affichés à l'écran de l'ordinateur - afin que ces commentaires tiennent lieu d'agent catalyseur pour donner au fonctionnaire s'estimant lésé un motif de se venger et de battre ce détenu? La réponse à cette question, c'est que l'employeur ne s'est pas acquitté de ce fardeau de la preuve.

[161]    Si le fonctionnaire s'estimant lésé croyait que le détenu X était exaspéré par les commentaires désobligeants, pourquoi serait-il entré dans l'aire d'exercice quand le détenu disposait d'une arme (de l'urine dans une tasse) qu'il était prêt à lui lancer? De plus, si telle est la théorie de l'employeur, pourquoi le détenu Y n'a-t-il pas été battu lui aussi? Le détenu Y n'a subi aucune blessure.

[162]    D'après la preuve présentée, l'employeur n'a pas établi l'allégation; par conséquent, le reste de sa preuve s'écroule. Rien dans la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé ne justifierait des mesures disciplinaires. Le fonctionnaire s'estimant lésé a un dossier d'emploi exempt d'infractions disciplinaires. Cependant, si je conclus qu'il n'a pas commis d'infraction grave, il devrait avoir le droit à des mesures disciplinaires progressives.

[163]    L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas d'accord avec la théorie de l'employeur selon laquelle le fonctionnaire s'estimant lésé a volontairement participé au harcèlement du détenu X en permettant que des commentaires désobligeants soient affichés à l'écran de l'ordinateur et visent le détenu, dans le cadre d'un stratagème plus général visant à amener des hauts dirigeants à battre le détenu agité pour lui donner une leçon.

[164]    Le directeur de l'établissement Urmson a témoigné qu'il aurait pu accepter le jugement du fonctionnaire s'estimant lésé d'escorter le détenu X sans menottes si le fonctionnaire s'estimant lésé avait cru que le détenu respectait les règles.

[165]    M. Alcock a déclaré qu'il n'a rien vu de mal à substituer des hauts dirigeants à des menottes en vue d'apaiser la situation. M. Alcock a dit qu'il aurait fait la même chose que le fonctionnaire s'estimant lésé pour ramener la situation à la normale.

[166]    En conclusion, l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas rendu coupable d'inconduite et qu'il devrait être réintégré dans son poste de surveillant correctionnel (CX-3), sans perte d'avantages sociaux et de rémunération.

Réplique

[167]    L'avocat de l'employeur a déclaré que le détenu Y a effectivement subi des blessures, comme la pièce E-48 peut le montrer.

[168]    MM. Creedy et Braun affirmaient catégoriquement que le fonctionnaire s'estimant lésé était présent lorsque les commentaires désobligeants étaient affichés à l'écran de l'ordinateur. En réinterrogatoire, M. Alcock a affirmé que si un détenu avait botté ou lancé une tasse d'urine sur un agent, il n'estimerait pas que le détenu respecte les règles. Outre le fonctionnaire s'estimant lésé, personne n'a témoigné que le détenu X respectait les règles.

[169]    Le Comité interne des détenus a parlé au directeur de l'établissement Urmson au sujet des mauvais traitements subis par les détenus X et Y, ce qui a amené le directeur de l'établissement à se préoccuper non seulement du bien-être et de la sécurité du fonctionnaire s'estimant lésé qui devrait être rétabli dans ses fonctions, mais également de tous ses collègues.

[170]    Après la conclusion de l'audience, les parties se sont fait demander de répondre aux questions suivantes :

  1. Un arbitre a-t-il, dans ses pouvoirs de redressement, le pouvoir d'ordonner une rétrogradation?

  2. Un tel redressement serait-il approprié dans l'affaire Burton?

[171]    Leurs observations écrites sont reproduites ci-dessous.

Pour l'employeur

Pouvoirs/autorité de redressement de l'arbitre d'ordonner une rétrogradation

Législation

La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a été créée par la loi. Elle tire son autorité de différentes lois, la principale étant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publiqueLRTFP »).

Le paragraphe 92(1) de la LRTFP confère à la Commission le pouvoir d'exercer sa compétence sur l'audition d'un grief de la façon suivante :

92(1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

  1. l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

  2. dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

  3. dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

L'alinéa 92b) renvoie au licenciement ou à la rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) et 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiquesLGFP »).

Les alinéas 11(2)f) et 11(2)g) sont ainsi rédigés :

11 (2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique :

  1. établir des normes de discipline dans la fonction publique et prescrire les sanctions pécuniaires et autres y compris le licenciement et la suspension, susceptibles d'être appliquées pour manquement à la discipline ou pour inconduite et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces sanctions peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

  2. prévoir, pour des raisons autres qu'un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur des personnes employées dans la fonction publique et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces mesures peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

Les alinéas 11(2)f) et g) permettent au Conseil du Trésor d'exercer sa responsabilité d'établir des mesures disciplinaires et des pénalités, y compris le licenciement (alinéa 11(2)f)) et de prévoir le licenciement et la rétrogradation dans les cas de manquements autres que des manquements à la discipline ou une inconduite.

Le Conseil du Trésor a donc compétence pour trancher des questions de discipline et pour prévoir des pénalités, comme une suspension et un licenciement. Il peut également statuer en faveur d'un licenciement pour des questions autres que la discipline ou une rétrogradation pour des motifs autres que la discipline et l'inconduite.

La dernière loi qui a des répercussions directes sur la compétence de la Commission est la Loi sur l'emploi dans la fonction publiqueLEFP »). La LEFP établit la « Commission de la fonction publique ». Les pouvoir et les fonctions de la Commission de la fonction publique sont énoncés à l'article 5 de la LEFP, qui prévoit que la Commission nomme ou prévoit la nomination de personnes compétentes à ou de la fonction publique conformément aux dispositions et aux principes de la LEFP. L'article 8 de la LEFP prévoit que la Commission a le droit exclusif et l'autorité de procéder à des nominations à la fonction publique de personnes appartenant ou non à celle-ci dont la nomination n'est prévue par aucune autorité ou loi du Parlement.

L'article 10 de la LEFP prévoit que les nominations à la fonction publique de personnes appartenant ou non à celle-ci doivent s'appuyer sur une sélection fondée sur le mérite selon ce qu'établit la Commission et doivent être faites par la Commission, à la demande de l'administrateur général concerné, par concours ou au moyen d'un autre mécanisme de sélection de personnel conçu pour déterminer le mérite des candidats selon ce que la Commission estime être les meilleurs intérêts de la fonction publique.

L'article 21 de la LEFP prévoit des appels devant la Section de première instance de la Cour fédérale conformément à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale relativement aux nominations.

Bien que l'article 7 de la LGFP confère des pouvoirs importants au Conseil du Trésor, qui agit au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada, y compris les politiques administratives de la fonction publique et l'organisation générale et la gestion personnelle de la fonction publique, le Parlement se réserve distinctement le pouvoir de nommer des personnes à la Commission de la fonction publique à des postes au sein de la fonction publique conformément à la LEFP.

La LGFP énonce clairement à l'alinéa 11(2)f) que le Conseil du Trésor peut prendre certaines mesures disciplinaires. Elle ne prévoit pas que le Conseil du Trésor peut « rétrograder » pour des motifs disciplinaires. En comparaison, l'alinéa 11(2)g) mentionne expressément et confère au Conseil du Trésor l'autorité spécifique de licencier ou de « rétrograder » pour des motifs autres que la discipline.

La Cour d'appel fédérale, dans Peach Hill Management Ltd. v. Canada, a déclaré que :

[Traduction]

Lorsqu'une loi utilise divers termes portant sur le même sujet, un tel choix effectué par le Parlement doit être jugé intentionnel et révélateur d'un changement de signification ou d'une signification différente.

C'est ce que l'on appelle la « présomption d'expression cohérente ».

Il est respectueusement soumis qu'en mentionnant expressément une « rétrogradation » à l'alinéa 11(2)g) et en omettant expressément de la mentionner dans l'alinéa précédent, soit l'alinéa 11(2)f), le Parlement entendait exclure les rétrogradations de l'autorité du Conseil du Trésor en ce qui a trait à la discipline.

Comme la compétence de la Commission en vertu du paragraphe 92(1) de la LRTFP provient directement des alinéas 11(2)f) et g) de la LGFP, il est par conséquent respectueusement soumis que la Commission n'a pas compétence pour modifier la sanction de licenciement et d'y substituer une rétrogradation.

Jurisprudence

Dans la série d'affaires Tourigny c. Conseil du Trésor, il était question de la compétence de la Commission de nommer un fonctionnaire s'estimant lésé à sa réintégration.

Aux termes de la décision initiale de la Commission (166-2-16434), une ordonnance enjoignait au Conseil du Trésor de réintégrer M. Tourigny dans un poste de PM-3 à son lieu de travail précis à une date précise. Cela se trouvait dans le paragraphe 73 de la décision de l'arbitre Galipeault. Au paragraphe 74 de cette décision, l'arbitre Galipeault présentait à l'employeur l'option et la suggestion qu'il serait préférable pour toutes les parties concernées que M. Tourigny travaille en un lieu différent de celui où il travaillait auparavant. Toutefois, l'arbitre Galipeault a ajouté que si l'employeur n'exerçait pas cette option, il devait réintégrer M. Tourigny dans son poste initial d'ici une date précise.

L'employeur a réintégré M. Tourigny dans son poste en son lieu initial, mais ne lui a fourni aucun travail. Par conséquent, pour l'essentiel, il demeurait à la maison en congé rémunéré. M. Tourigny a déposé une plainte en vertu de l'article 23 (161-2-462) qui a été entendue devant le commissaire Brown. La plainte déposée en vertu de l'article 23 a été accueillie. Toutefois, le commissaire Brown a statué que la recommandation de l'arbitre de trouver un autre poste à M. Tourigny n'était qu'une recommandation, constituait une remarque incidente, et ne faisait pas partie du dispositif de la décision. Le commissaire Brown a statué qu'un arbitre ne pouvait pas, en vertu de la LRTFP, réintégrer un employé licencié dans un poste autre que celui qu'il occupait au moment du licenciement. Il s'agirait d'une nomination, qui est réservée à la Commission de la fonction publique.

La Couronne a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du commissaire selon laquelle l'employeur ne s'était pas conformé à la décision de l'arbitre en réintégrant M. Tourigny. La décision de la Cour établit clairement que la Commission a rendu une ordonnance accordant à l'employeur l'option de muter M. Tourigny en un endroit autre que le lieu initial. La cour a conclu que l'arbitre a le pouvoir de donner une orientation à l'employeur. Toutefois, la Cour d'appel fédérale n'a pas établi si la Commission avait la compétence de procéder à une nomination. Sa décision énonce clairement que la Commission a la compétence de donner une orientation et la suggestion formulée en l'espèce, qui constituait une solution de rechange. Il n'est pas nécessaire que cette solution de rechange soit suivie par l'employeur.

La série d'affaires Tourigny a été suivie par la Commission et interprétée dans la décision de 1995 Del c. Conseil du Trésor (166-2-25189); dans la décision de 1998 Fontaine-Ellis c. Conseil du Trésor (166-2-27804); et dans la décision de 1999 de Jalal c. Conseil du Trésor (166-2-27992). Aucune de ces affaires ne s'est rendue au stade du contrôle judiciaire.

Dans ces trois affaires, la Commission a fait référence à la série de décisions Tourigny. Dans toutes ces affaires, la Commission a suivi, pour l'essentiel, la direction donnée par l'arbitre Galipeault dans la décision Tourigny initiale permettant la réintégration au lieu de travail initial, mais offrant à l'employeur l'option que l'employé réintégré soit affecté à un emploi en un endroit autre que le lieu de la réintégration par l'arbitre.

L'employeur soumet respectueusement que la Commission n'a pas compétence pour ordonner une rétrogradation disciplinaire et qu'à ce titre, la deuxième question posée par l'arbitre Quigley dans la soumission respectueuse de l'employeur demeure théorique.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

Voici la position de M. Burton :

  1. L'arbitre a l'autorité (la compétence) de substituer une rétrogradation de son poste de SCO à CO2 pour le licenciement imposé par l'employeur.

    Quoi qu'il en soit,

  2. L'arbitre a l'autorité d'accorder à l'employeur l'option de rétrograder M. Burton à CO2 plutôt que de le réintégrer dans son poste de SCO.

  3. Selon la conclusion de faits de l'arbitre, une rétrogradation à CO2 pour une période fixe, un an, par exemple, pourrait constituer une mesure disciplinaire appropriée dans ce cas.

L'arbitre a l'autorité d'ordonner une rétrogradation

L'autorité de l'arbitre d'ordonner une rétrogradation est inscrite dans les dispositions suivantes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique :

« Arbitrage de griefs

Renvoi à l'arbitrage

92(1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

  1. l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

  2. dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la vLoi sur la gestion des finances publiques;

  3. dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire. »

« Décision de l'arbitre

97(1) L'arbitre donne aux deux parties au grief l'occasion de se faire entendre.

  1. Après étude du grief, l'arbitre rend une décision à son sujet, dont il transmet copie :

    1. à chaque partie et à son représentant ainsi que, s'il y a lieu, à l'agent négociateur de l'unité de négociation à laquelle appartient le fonctionnaire qui a déposé le grief;

    2. au secrétaire de la Commission.

  2. La décision, au sujet d'un grief, de la majorité des membres d'un conseil d'arbitrage vaut décision du conseil. Elle est signée par le président du conseil.

  3. L'employeur prend toute mesure que lui impose une décision rendue à l'arbitrage sur un grief.

  4. Le fonctionnaire ou l'agent négociateur, ou les deux, prennent toute mesure que leur impose une décision rendue à l'arbitrage sur un grief.

  5. La Commission peut prendre toute mesure prévue par l'article 23 pour donner effet à la décison rendue par un arbitre sur un grief, sans toutefois discuter le fondement ou la substance de cette décision. »

La décision de la Cour suprême du Canada dans Heustis c. Nouveau-Brunswick (Commission d'énergie électrique) [1979] 2 R.C.S. 768 et de la Cour d'appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Tourigny (1989) 97 NR 147 reconnaît les vastes pouvoirs de redressement de l'arbitre prévus par la loi, y compris l'autorité d'ordonner une rétrogradation en remplacement d'un licenciement. Dans l'arrêt Heustis, il s'agissait de statuer sur l'autorité de l'arbitre de substituer une suspension à un licenciement. La disposition législative en cause, à savoir le paragraphe 92(1) de la Loi relative aux relations de travail dans les services publics du Nouveau-Brunswick est, à tous égards, essentiellement la même que l'article 92 de la LRTFP (page 8 de la décision Heustis). Le juge Dickson (tel était alors son titre), rédigeant le jugement au nom de la Cour, a statué que la loi conférait de vastes pouvoirs de redressement à l'arbitre, y compris le droit de substituer une suspension au licenciement :

« Une très bonne raison de principe explique l'hésitation judiciaire à contrôler les arbitres dans l'exercice de leurs pouvoirs. Le but de l'arbitrage des griefs en vertu de la Loi est d'assurer un règlement rapide, définitif et exécutoire des différends résultant de l'interprétation et de l'application d'une convention collective ou d'une mesure disciplinaire imposée par l'employeur, le tout dans le but de maintenir la paix.

[...] Pour que cette procédure ait un sens, le droit de modifier la sévérité de la mesure disciplinaire par l'imposition d'une peine moindre doit certainement être inhérent à l'exercice du pouvoir d'arbitre [...] »

Une rétrogradation disciplinaire s'inscrit dans la chaîne de discipline progressive établie par le juge Dickson dans l'arrêt Heustis. De fait, il s'agit de la dernière étape avant la mesure disciplinaire ultime, soit le licenciement. La compétence de l'arbitre reconnue par la Cour dans Heustis ne se limite pas au pouvoir de substituer une suspension au licenciement. La Cour reconnaît le pouvoir de l'arbitre d'utiliser tous les aspects de la discipline progressive. Rien ne justifie, en droit ou en principe, l'exclusion d'un genre de discipline, la rétrogradation, de la compétence de l'arbitre.

Dans Tourigny, l'arbitre a donné à l'employeur l'option de réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé dans un autre poste équivalent (non une rétrogradation). La Cour d'appel fédérale a maintenu la décision de l'arbitre. Dans des décisions subséquentes, comme Dell, Fontaine-Ellis et Jalal, mentionnées par l'avocat de l'employeur, les arbitres semblent traiter la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Tourigny comme si elle restreignait l'autorité de l'arbitre de donner à l'employeur l'option de réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé dans un autre poste. Avec égards, si ces dernières décisions d'arbitrage appuient effectivement la proposition selon laquelle l'autorité de l'arbitre est limitée à donner à l'employeur l'option, elles interprètent mal la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Tourigny. Dans Tourigny, le juge Pratte cite le paragraphe 97(4) de la LRTFP comme fondement juridique de l'autorité de l'arbitre. L'autorité qui s'y trouve n'est pas limitée aux mesures prises volontairement par l'employeur. À l'opposé, la disposition est d'application obligatoire; en effet, elle dispose que « l'employeur prend toute mesure ». De plus, la « mesure » ordonnée par l'arbitre n'est pas restreinte ou limitée de quelque manière que ce soit par le libellé de la loi. Une substitution d'une rétrogradation en remplacement du licenciement cadre tout à fait avec le genre de « mesure » envisagé par la loi, dont l'esprit et l'objet consistent à donner au fonctionnaire s'estimant lésé une avenue de contrôle et de redressement complets de la discipline imposée par l'employeur.

Dans ses observations, l'avocat de l'employeur mentionne la disposition de la Loi sur la gestion des finances publiques et de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique au soutien de la position de l'employeur selon laquelle l'arbitre n'a pas compétence pour ordonner une rétrogradation. En règle générale, les dispositions de la LRTFP occupent le premier rang de ces autres dispositions législatives, c'est-à-dire que la LEFP prévoit la nomination dans la fonction publique, la LGFP prévoit la gestion de la fonction publique et la LRTFP prévoit l'arbitrage indépendant du grief d'un fonctionnaire portant sur la discipline imposée par l'employeur. De ce point de vue, il n'y a pas de conflit entre ces dispositions et l'autorité de l'arbitre de remplacer un licenciement par une rétrogradation. Pour ce qui est de la LEFP, M. Burton a été nommé à juste titre à son poste de SCO. Il a été promu à ce poste de son poste précédent de CO2. On ne peut remettre en question le fait qu'il est entièrement compétent pour le poste de CO2.

En ce qui a trait aux dispositions de la LGFP, le présent arbitrage a lieu conformément à l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP :

« [...] soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques ».

Cette disposition met l'accent sur la mesure de « licenciement » prise par l'employeur; il ne s'agit pas d'une description ou d'une restriction de l'autorité de redressement de l'arbitre. En ce qui a trait aux alinéas 11(2)f) et g) de la LGFP, ils habilitent le Conseil du Trésor à établir des règles et des procédures de discipline et de licenciement ou de rétrogradation pour des motifs non blâmables. Ces dispositions n'affectent ni ne limitent la compétence de l'arbitre d'entendre, de trancher et de redresser un grief individuel en matière de discipline.

Quoique, à vrai dire, il ne soit pas nécessaire de décider de la portée de l'autorité du Conseil du Trésor en vertu de l'alinéa 11(2)f) pour inclure la rétrogradation comme mesure disciplinaire éventuelle, le fait est que l'alinéa 11(2)f) de la LGFP permet à l'employeur d'inclure la rétrogradation dans une procédure de discipline progressive. La rétrogradation tombe sous le coup des « sanctions pécuniaires et autres ». En ce qui concerne le contexte non blâmable de l'alinéa 11(2)g), comme le licenciement et la rétrogradation sont des sanctions très sévères, elles ne peuvent être implicites ou présumées dans un contexte non blâmable. Par conséquent, en contexte non blâmable, la « rétrogradation » doit être expressément formulée. La disposition de « rétrogradation » dans l'alinéa g) ne peut être considérée comme une intention du Parlement de restreindre l'autorité de l'employeur, prévue à l'alinéa f), d'inclure la rétrogradation dans un programme de discipline progressive et ne peut certes pas être considérée comme le fondement d'une restriction des pouvoirs de redressement de l'arbitre en vertu de la LRTFP.

L'autorité de l'arbitre d'offrir la rétrogradation comme option

L'arbitre a l'autorité d'offrir à l'employeur l'option d'une rétrogradation plutôt que la réintégration dans le poste occupé avant le licenciement. Tourigny - et les autres causes de jurisprudence invoquées par l'avocat de l'employeur - confirment l'autorité de l'arbitre à cet égard.

D'un point de vue pratique, il n'existe pas de différence significative entre l'arbitre qui ordonne une rétrogradation et l'arbitre qui l'offre comme option.

Une rétrogradation est-elle appropriée?

Les arbitres abordent la rétrogradation disciplinaire avec une grande prudence. Ils s'inquiètent non pas des droits de la direction, mais bien de l'équité à l'égard des employés. La rétrogradation est une sanction sévère. L'employé subit des pertes constantes de revenus et d'autres avantages considérables, comme la pension, qui sont liées au niveau du revenu. Un dur coup est porté aux perspectives d'avancement. De plus, il y a la perte de fierté et de satisfaction professionnelle additionnelle qui vient avec l'exécution des fonctions de surveillant.

Compte tenu des graves conséquences d'une rétrogradation, M. Burton demande :

  1. l'examen d'autres solutions à la rétrogradation; et, quoi qu'il en soit,

  2. une période fixe de rétrogradation ou de réaffectation de ses fonctions habituelles de SCO.

Sans les conclusions de fait et la décision de l'arbitre sur la nature et la gravité de toute inconduite, il est difficile de se prononcer avec une parfaite précision sur le caractère approprié d'une rétrogradation. Comme la rétrogradation est effectivement très grave, c'est-à-dire la dernière mesure de discipline progressive avant la sanction ultime du licenciement, nous ne pouvons que présumer, aux fins de ces observations, une conclusion par l'arbitre de grave inconduite par M. Burton, c'est-à-dire que M. Burton était au courant des commentaires affichés à l'écran de l'ordinateur et destinés au détenu.

Dans l'application de la discipline progressive, l'action réciproque d'une suspension et d'une rétrogradation doit être prise en compte. Si M. Burton est réintégré sans recevoir d'arrérages et est rétrogradé, il subit de lourdes pertes financières. M. Burton a été hors du milieu du travail pendant plus de un an. S'il est réintégré sans recevoir d'arrérages, il subit une perte financière avoisinant les 60 000 $ à 70 000 $. S'il est également rétrogradé, il perdra de façon continue environ 2 000 $ par mois. Dans les circonstances, il faut se demander : « La rétrogradation est-elle nécessaire? » M. Burton a un dossier disciplinaire vierge et a accumulé dix ans de service digne de mention. L'application régulière de la discipline progressive pourrait se traduire par une suspension d'une période d'environ un mois. Il va sans dire qu'une suspension de plus de un an, entraînant une sanction pécuniaire avoisinant les 60 000 $ à 70 000 $, met en lumière de façon plus qu'adéquate l'évaluation, par l'arbitre, de la gravité de l'inconduite.

Et si la rétrogradation est envisagée non pas tant comme une sanction pécuniaire supplémentaire, mais plutôt en raison de la crainte de l'arbitre que M. Burton doive regagner la confiance de la direction en sa capacité de s'acquitter de fonctions de surveillance? Si le fait de rebâtir un lien d'emploi constitue la préoccupation principale, une rétrogradation ne convient pas. M. Burton devrait plutôt être réintégré dans le poste de SCO (pour ne pas subir de sanction pécuniaire), mais être réaffecté, pour un an, par exemple, à des fonctions autres que de surveillance. M. Burton est, par exemple, un animateur de programme agréé et a reçu des affectations par le passé (programmes sur la toxicomanie et l'alcoolisme pour les détenus). Une période de réaffectation accorderait également à M. Burton une période de formation en surveillance dont il n'a pas bénéficié avant les événements du 25 août 2002.

Toute rétrogradation ou réaffectation devrait s'échelonner sur une durée fixe, par exemple un an. Une rétrogradation indéterminée entre en conflit avec la discipline progressive, qui a pour objectif la réadaptation, la reconstruction du lien d'emploi. Pour faciliter cette reconstruction, l'employé devrait pouvoir envisager la discipline comme une mesure équitable et raisonnable. Si la rétrogradation est d'une durée indéterminée, la sanction pécuniaire continue de s'alourdir au fil du temps. Tout naturellement, l'employé voit la sanction qui s'alourdit et qui n'a pas de fin comme injuste. De fait, il existe un risque très réel qu'au fur et à mesure que les mois s'écoulent, l'employé ressente un sentiment d'injustice, c'est-à-dire qu'il est puni à répétition pour l'inconduite du 25 août 2002. Un tel sentiment d'injustice continu va à l'encontre du but recherché dans le cadre du processus de reconstruction. La discipline progressive est profitable tant à l'employeur qu'à l'employé. M. Burton est un agent correctionnel chevronné. Comme l'illustre sa promotion dans les rangs des surveillants, M. Burton a beaucoup de compétences et d'aptitudes à offrir. Il est fortement dans l'intérêt de l'employeur d'assister à une reconstruction du lien d'emploi, afin de recommencer à utiliser complètement l'expérience et les capacités de M. Burton. Dans l'arrêt University of British Columbia and CUPE 116 (re: Brock) (2002) 106 LAC (4e) 289, aux p. 341 et 342, dans une affaire semblable à celle de M. Burton, l'arbitre Gordon tenait les propos suivants :

[Traduction]

Du même coup, j'accepte la position du Syndicat selon laquelle les rétrogradations disciplinaires à durée indéterminée ont souvent été considérées comme des sanctions inhabituelles et, dans certains cas, excessives. Cependant, lorsque, comme dans le cas qui nous occupe, les fonctions d'un sous-chef électricien comportent un niveau élevé de confiance et sont celles d'une personne qui peut donner l'exemple pour les autres électriciens, une rétrogradation disciplinaire témoignant de l'inaptitude de la personne pour le poste constitue une solution adéquate; voir Manitoba and M.G.E.U., supra, page 17 [p. 127 LAC]. L'inconduite de Brock l'a rendu inapte, au moins temporairement, à occuper le poste de sous-chef électricien et il doit prudemment rebâtir son aptitude à occuper ce poste.

Une sanction juste et équitable substituée au licenciement, que je considère excessif dans l'ensemble des circonstances de la présente affaire, est la suivante. Brock doit être réintégré dans son emploi à l'Université à compter de la date de la présente décision, sans arrérages. [...] À son retour au travail aux termes de la présente décision arbitrale, et comme son inconduite a trait à son aptitude à occuper le poste de sous-chef électricien, Brock est rétrogradé au poste d'électricien. Toutefois, une rétrogradation disciplinaire devrait rarement être de durée indéterminée. Comme Brock possède un dossier disciplinaire sans tache, les principes de la discipline progressive s'appliquent à lui, et il devrait obtenir la possibilité de rebâtir son aptitude à occuper le poste de sous-chef électricien. Si, après une période de 12 mois à compter de la date de la présente décision arbitrale, son dossier disciplinaire demeure sans tache pour ce qui est des inconduites indignes de confiance, malhonnêtes ou d'autres inconduites graves, Brock doit être réintégré dans son poste de sous-chef électricien.

Dans notre réplique, toute rétrogradation ou réaffectation devrait être structurée de la même manière que la rétrogradation ordonnée par l'arbitre Gordon. Il devrait y avoir rétrogradation au poste de CO2 pour une période de un an. Si M. Burton conserve un dossier disciplinaire vierge pendant cette année, il aura le droit d'être réintégré à son poste de SCO.

Réplique

La présente fait suite à la correspondance de M. Schroeder datée du 19 avril 2004 qui comprend ses observations relatives à la demande de Mme Doherty présentée le 16 mars 2004.

Je ne reprendrai pas les observations que j'ai formulées dans ma correspondance antérieure. Toutefois, j'aborderai les questions soulevées par M. Schroeder dans ses observations, si elles n'ont pas déjà été abordées dans mes observations précédentes.

L'arrêt Heustis c. Nouveau-Brunswick (Commission de l'énergie électrique)1 cité par M. Schroeder ne traite pas complètement de la question et peut être distingué des faits entourant l'affaire qui vous est présentée. L'arrêt Heustis a lui-même été distingué de l'arrêt Port Arthur Shipbuilding Co. v. Arthurs et al2.

Dans l'arrêt Heustis (page 3), il y avait une convention collective. La convention collective mentionnait expressément la rétrogradation dans les mêmes clauses que les mesures disciplinaires, la suspension, le licenciement ou le congédiement, qui, aux termes des clauses, doivent se justifier par une cause juste et suffisante.

En ce qui a trait à l'affaire de M. Burton, il n'y a pas de convention collective et la loi habilitante est celle qui est énoncée dans mes observations précédentes. De plus, dans Heustis, aucune distinction n'est établie entre les suspensions, les rétrogradations et les congédiements pour des motifs disciplinaires et autres que la discipline.

À la page 4 de ses observations, l'avocat de M. Burton fait valoir que M. Burton a été promu de son poste précédent à titre de CX-2 et qu'il est tout à fait compétent pour occuper le poste de CX-2. Telle n'est pas la question. M. Burton était également compétent pour son poste de SCO. Les nominations sont du domaine exclusif de la Commission de la fonction publique, ce domaine lui étant délégué par la Loi sur l'emploi dans la fonction publiqueLEFP »).

M. Burton est peut-être compétent comme CX-2 et comme CX-1, mais sa rétrogradation dans un poste équivaudrait à une nomination et donnerait lieu à un problème de dotation. Tout poste de CX-2 qui serait autrement libre peut faire l'objet de mutations latérales ou d'une promotion d'un poste de CX-1. Ce sont ces règles énoncées dans la LEFP ainsi que ces règlements qui s'appliquent. Le fait de placer M. Burton dans cette position ferait en sorte que d'autres personnes acquerraient des droits d'appel en vertu de la LEFP et des règlements afférents. Ces droits d'appel comportent également des droits de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

L'alinéa 92(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publiqueLRTFP ») ne donne pas davantage compétence à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« CRTFP ») que ne le fait la disposition des alinéas 11(2)f) ou 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques (« LGFP »). Une rétrogradation n'est pas mentionnée du tout dans l'alinéa 11(2)f), soit la disposition qui énonce le pouvoir de discipline, et est expressément mentionnée dans l'alinéa 11(2)g) qui prévoit le licenciement ou la rétrogradation pour des motifs « autres que la discipline ». L'arrêt Heustis, comme l'arrêt Port Arthur Shipbuilding Co., doit être interprété dans le contexte de la législation qui confère l'autorisation et de toute convention collective qui régissent les parties.

L'arrêt UBC c. C.U.P.E. Loc. 1163 peut également être distingué en ce sens qu'encore une fois, une convention collective entre en jeu. Malheureusement, dans l'arrêt UBC, le libellé de la convention collective n'est pas exposé dans cet arrêt et à ce titre, le redressement demandé aurait bien pu être dans les limites de la compétence de l'arbitre.

Nous réitérons notre position selon laquelle l'arbitre n'a pas compétence pour prononcer une rétrogradation disciplinaire.

Motifs de décision

[172]    Dans la lettre de licenciement (pièce E-28), le directeur de l'établissement a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il mettait fin à son emploi parce qu'il a contrevenu aux « Règles de conduite professionnelle » du SCC en raison d'une accusation et de son plaidoyer de culpabilité à un chef d'accusation de voies de fait en violation de l'article 226 du Code criminel du Canada et de sa participation aux incidents de l'USD les 24 et 25 août 2002.

[173]    Je traiterai de l'allégation d'inconduite à l'USD et de l'allégation d'inconduite découlant du chef d'accusation de voies de fait contre son ancienne conjointe de fait.

[174]    Pendant la soirée du 24 août 2002, de nombreux détenus de l'USD ont pris part à une mini-émeute. Les détenus ont causé des dommages considérables à l'Établissement en endommageant les portes-fenêtres des cellules, les portes des cellules donnant accès aux fentes à aliments, en allumant des incendies, en endommageant des celluless, en brisant des têtes de gicleurs, et ainsi de suite.

[175]    Les détenus se sont finalement calmés aux petites heures du matin le 25 août 2002. Le personnel de l'entretien a commencé à nettoyer les aires endommagées pendant que les détenus se trouvaient dans les aires d'exercice. Dès qu'une cellule était nettoyée et de nouveau munie de draps secs, un détenu était ramené à sa cellule aux termes du protocole 3 pour 1.

[176]    M. Alcock, surveillant correctionnel travaillant de jour, a témoigné qu'il a inscrit dans le registre du surveillant correctionnel (pièce E-34) que tous les détenus ayant participé à la casse devaient être traités suivant le protocole 3 pour 1. De plus, les détenus devaient se faire servir leurs aliments dans des assiettes en styromousse jusqu'à nouvel ordre. Après le nettoyage, les détenus étaient ramenés des aires d'exercice à leurs cellules sous escorte aux termes du protocole 3 pour 1, sauf les détenus X et Y, qui ont refusé de retourner à leurs cellules. M. Alcock a décidé de laisser les détenus dans les aires d'exercice, car, selon ses dires, ils faisaient du camping et n'étaient en mesure d'aller nulle part ailleurs. Après que M. Alcock eut informé le fonctionnaire s'estimant lésé, ce dernier a assumé les fonctions de directeur de l'établissement par intérim.

[177]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que lorsqu'il a entendu que les détenus X et Y « campaient » dans les aires d'exercice, il a été amusé et troublé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il était [traduction] « importuné que le personnel du quart de travail de jour n'ait pas réglé la situation du détenu X et du détenu Y en les renvoyant à leurs cellules, car il y avait moins d'employés pendant le quart de soir ». Cette situation dérangeait en outre la routine habituelle, car le détenu X et le détenu Y empêchaient les autres détenus d'utiliser les aires par leur seule présence dans les aires d'exercice. L'Établissement Matsqui a pour politique d'avoir un seul détenu à la fois dans une aire à un moment donné.

[178]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé qu'il a visité l'USD à deux reprises le 25 août 2002, une fois à 19 h 40 et l'autre fois à 22 h, après avoir reçu un appel de l'USD l'informant que le détenu X était prêt à retourner à sa cellule. Plus tard, il a reconnu qu'il avait peut-être visité l'USD à au moins trois occasions. Il a affirmé qu'il n'a jamais vu les commentaires désobligeants « Je vous ai vu sucer le pénis de [détenu Y] », « Votre mère baise avec des gardes » et « J'ai entendu dire que vous êtes un pédophile » affichés à l'écran de l'ordinateur, qui étaient prétendument bien à la vue du détenu X qui était embarré dans l'aire d'exercice ouest.

[179]    Je crois que MM. Braun et Creedy sont plus crédibles que le fonctionnaire s'estimant lésé. M. Braun, CX-1 subalterne de M. Burton, a témoigné en interrogatoire principal qu'il a observé à deux reprises le fonctionnaire s'estimant lésé dans l'enceinte vitrée avec MM. Van Vugt et Mikszan lorsque les commentaires désobligeants étaient affichés à l'écran de l'ordinateur. Bien que le témoin ne puisse être tout à fait certain que le détenu X a vu les commentaires, il a affirmé : [traduction] « Vous ne pouviez vraiment pas les manquer. »

[180]    M. Creedy, un autre CX-1, a témoigné qu'il a communiqué avec M. Dick pour organiser une entrevue lorsqu'il a entendu parler de l'enquête. Il a déclaré qu'à au moins cinq occasions pendant la soirée du 25 août 2002, il a vu des commentaires désobligeants affichés à l'écran de l'ordinateur dans l'USD et qu'à un moment donné, le fonctionnaire s'estimant lésé était debout entre MM. Van Vugt et Mikszan. Il a également témoigné qu'il était d'avis que le fonctionnaire s'estimant lésé avait participé au harcèlement du détenu X uniquement en étant présent dans l'enceinte vitrée pendant que ses subalternes affichaient des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur.

[181]    En visitant le secteur, j'ai constaté que quiconque entrait dans l'enceinte vitrée ne pouvait faire autrement que de voir l'écran d'ordinateur, peu importe l'angle.

[182]    Mme Denis a témoigné qu'elle n'a jamais observé de commentaires désobligeants affichés à l'écran de l'ordinateur. Dans son témoignage, elle a déclaré qu'elle pensait que ni M. Dick ni le directeur de l'établissement la croyaient.

[183]    Je suis d'avis qu'elle n'a pas vu les commentaires désobligeants, car elle a témoigné qu'elle faisait ses rondes tout au long de son quart de travail et que les commentaires n'avaient vraisemblablement pas été formulés. Toutefois, je crois également que ce témoin et M. Braun ne faisaient que répondre aux questions précises qui leur ont été posées.

[184]    Quand M. Braun s'est fait demander pourquoi il n'a pas informé les personnes intéressées qu'il avait vu des phrases désobligeantes à l'écran de l'ordinateur, il a répondu : [traduction] « Je ne l'aurais dit à personne sauf si on me l'avait expressément demandé. » M. Dick a expressément demandé à M. Braun s'il y avait des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur et M. Braun lui a dit qu'il a vu le commentaire [traduction] « J'ai entendu dire que vous êtes un pédophile. » La question était précise et M. Braun a répondu en disant la vérité.

[185]    Mme Denis ne s'est jamais fait demander expressément par M. Dick ou par l'avocat de l'employeur si elle était au courant de l'existence des commentaires désobligeants, même si elle ne les a pas vus. Si elle s'était fait poser une telle question, je crois que sa réponse aurait été différente.

[186]    Il existait et existe toujours une préoccupation pour ces agents subalternes, à savoir le « code d'honneur » et/ou les affectations éventuelles sous la surveillance du fonctionnaire s'estimant lésé et/ou de M. Van Vugt.

[187]    Je commenterai maintenant l'entrevue de Mme Denis avec le directeur de l'établissement concernant sa participation à savoir si elle a observé ou non des commentaires désobligeants affichés à l'écran de l'ordinateur.

[188]    Mme Denis n'a fait l'objet d'aucun contre-interrogatoire par l'avocat de l'employeur quant à son témoignage.

[189]    Elle a déclaré qu'elle avait informé le directeur de l'établissement pendant leur réunion qu'elle n'avait observé aucun commentaire désobligeant affiché à l'écran de l'ordinateur le 25 août 2002 et que le directeur de l'établissement, quant à lui, croyait qu'elle se protégeait de ses collègues agents sous l'égide du « code d'honneur ».

[190]    Selon moi, l'offre faite par le directeur de l'établissement à Mme Denis de revoir son témoignage concernant les commentaires désobligeants et de la protéger si elle décidait de changer son témoignage était appropriée. Toutefois, le fait de dire à Mme Denis qu'elle pourrait faire face à des mesures disciplinaires, y compris le licenciement, si elle était prise à mentir au sujet de son témoignage concernant les commentaires désobligeants équivaut à aller trop loin dans les relations de travail. Mme Denis, qui était une nouvelle employée, a déclaré que l'affirmation du directeur de l'établissement lui a imposé du stress. On pourrait raisonnablement présumer que la menace proférée par le directeur de l'établissement de procéder à un licenciement aurait pu l'inciter à modifier son témoignage.

[191]    Le directeur de l'établissement, qui a pris trois semaines de congés annuels après son entrevue avec Mme Denis, l'a rendue plus tendue. Elle a reçu instruction de le contacter immédiatement si elle désirait modifier sa déclaration. Deux ou trois jours plus tard, la secrétaire du directeur de l'établissement a appelé Mme Denis pour l'informer que tout avait été réglé. Même si le directeur de l'établissement avait transmis à Mme Denis des excuses écrites, aucunes excuses n'ont été offertes en personne.

[192]    J'estime que ces tactiques constituent de l'intimidation de la part du directeur de l'établissement, ce qui est un comportement tout à fait inacceptable. Si Mme Denis s'était sentie suffisamment intimidée pour modifier son témoignage, elle aurait commis un parjure. J'aimerais rappeler au directeur de l'établissement que les postes de pouvoir sont des postes de confiance et que ces postes exigent que ces pouvoirs soient appliqués de façon équitable et de façon judiciaire.

[193]    M. Farrance n'était à l'Établissement Matsqui que depuis environ une semaine. Je suis persuadé qu'il n'a aucunement participé. Je crois que les commentaires offensants n'ont jamais été affichés en sa présence.

[194]    Bien que MM. Stout et Davis aient été présents sur les lieux, suivant la demande présentée par M. Van Vugt par l'intermédiaire du fonctionnaire s'estimant lésé, ils sont arrivés seulement vers 22 h pour aider à ramener le détenu X à sa cellule. On peut raisonnablement présumer que les commentaires n'étaient plus affichés à ce moment-là.

[195]    J'estime que le fonctionnaire s'estimant lésé a commis une grave inconduite en participant au harcèlement du détenu X en omettant de prendre des mesures pour retirer les commentaires désobligeants destinés au détenu ou visibles par celui-ci et en omettant de rectifier les mesures prises par le personnel, car il était le directeur de l'établissement par intérim.

[196]    Le fonctionnaire s'estimant lésé m'aurait amené à croire que le détenu X pouvait être escorté de l'aire d'exercice sans incident (recours à la force) parce que le détenu a déclaré qu'il respecterait les règles. Ce n'est que le fonctionnaire s'estimant lésé qui a témoigné que le détenu lui a dit qu'il voulait retourner à sa cellule. Si c'est vrai, pourquoi le fonctionnaire s'estimant lésé a-t-il écrit dans son registre « dérangement » comme motif de visite de l'USD alors qu'à sa visite précédente, à 19 h 40, il avait écrit « rondes »? Je crois qu'en fait, le détenu X est devenu de plus en plus agité en raison des commentaires désobligeants.

[197]    À titre de directeur de l'établissement par intérim, l'évaluation, par le fonctionnaire s'estimant lésé, des mesures à prendre pour l'expulsion du détenu X était la suivante : 1) annuler le protocole 3 pour 1 (pas de menottes au détenu); 2) remplacer les agents subalternes qui se trouvent dans l'USD par trois agents plus chevronnés; 3) s'abstenir d'enregistrer la procédure sur bande vidéo et 4) participer soi-même à l'expulsion. Il est contre la politique du SCC de compter deux surveillants correctionnels au même endroit au même moment. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que cette mesure avait été prise et que les politiques de l'employeur avaient été violées en vue d'apaiser la situation à l'USD. D'après son propre registre, il y avait déjà des dérangements et tel était le motif de sa visite.

[198]    À l'examen de la preuve, toute personne raisonnable doit se demander pourquoi le fonctionnaire s'estimant lésé, qui occupait le poste de directeur de l'établissement par intérim, croyait qu'il pouvait apaiser une situation impliquant un détenu qui 1) avait été un instigateur de la mini-émeute le soir précédent; 2) avait refusé de retourner à sa cellule et décidé de camper dans l'aire d'exercice; 3) avait frappé du pied une tasse d'urine vers le fonctionnaire s'estimant lésé et avait proféré des injures seulement quelques heures plus tôt; et 4) ne résisterait pas et obéirait aux règles après avoir été harcelé et ridiculisé par des agents correctionnels ayant affiché des commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur, destinés à ce détenu.

[199]    Il est absurde de croire qu'un détenu ayant démontré ce genre de comportement pourrait être digne de confiance. Il est encore plus absurde de croire qu'un détenu ayant fait l'objet de ridicule et de harcèlement ne réagirait pas violemment contre les instigateurs. Si le détenu X voulait retourner à sa cellule (et je crois que tel n'était pas le cas), pourquoi ne ferait-il pas l'objet du protocole 3 pour 1? Après tout, tous les autres détenus impliqués dans la mini-émeute ont été expulsés sans incident à l'aide du protocole 3 pour 1.

[200]    M. Alcock a convenu en contre-interrogatoire que tout détenu qui lancerait de l'urine à un agent correctionnel ne serait pas considéré comme un détenu respectant les règles.

[201]    En raison de son évaluation et des gestes qu'il a posé, le fonctionnaire s'estimant lésé a compromis la sécurité des détenus X et Y et de ses collègues agents. Le détenu X a souffert de lacérations à l'oreille, de contusions aux côtes et de nombreuses bosses sur le dessus et le derrière de la tête; le détenu Y avait de nombreuses bosses à la tête et des éraflures mineures aux coudes et aux genoux; M. Mikszan s'est fait couper à l'abdomen et le fonctionnaire s'estimant lésé s'est cassé la main droite.

[202]    Par conséquent, le raisonnement du fonctionnaire s'estimant lésé justifiant le retrait des détenus X et Y des aires d'exercice peut tomber sous le coup de plusieurs hypothèses. Premièrement, le fonctionnaire s'estimant lésé, s'efforçant de donner une leçon aux détenus X et Y pour leur comportement, a décidé de les placer dans une situation dans laquelle le recours à la force pourrait être utilisé et justifié. D'après la preuve fournie et l'absence, remarquable, de témoignages de MM. Van Vugt et Mikszan et des détenus X et Y, il existe suffisamment de preuves à l'appui de cette hypothèse. La deuxième hypothèse veut que le fonctionnaire s'estimant lésé, à titre de directeur de l'établissement par intérim, ait commis une série d'erreurs et ait fait preuve d'un mauvais jugement, et ait ainsi mis en péril la sécurité des détenus et des agents dont il était responsable. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas respecté la « Directive du commissaire no 567 - Recours à la force » (pièce E-7).

[203]    Je conclus que le fonctionnaire s'estimant lésé a contrevenu à la directive sur le recours à la force en ce sens qu'il a planifié au préalable le retrait des détenus X et Y avec MM. Mikszan, Stout et Davis. Le paragraphe 15 de cette directive est ainsi rédigé :

Situations à enregistrer sur bande vidéo

Toutes les situations où un recours à la force est prévu ou peut avoir lieu doivent être enregistrées sur bande vidéo. Ces situations comprennent notamment les suivantes :

  1. les extractions de cellules;

[...]

  1. autres situations où le directeur de l'établissement estime que l'on pourrait devoir recourir à la force compte tenu du comportement actuel du détenu, de ses antécédents et de son placement pénitentiaire. [C'est moi qui souligne.]

[204]    Le détenu X se trouvait dans une aire d'exercice, qui était en fait une cellule de détention provisoire. Il a été sorti de sa cellule et y a été ramené. Son comportement avait été noté précédemment. Le fonctionnaire s'estimant lésé aurait pu suivre le protocole 3 pour 1 sans passer les menottes au détenu, mais aurait dû demander à l'un des autres agents d'enregistrer le tout sur bande vidéo. Il a choisi de ne pas le faire, violant ainsi la directive sur le recours à la force, et ne s'est pas servi de son bon sens.

[205]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu dans son témoignage qu'il s'est livré à des voies de fait sur son ancienne conjointe de fait en contravention de l'article 226 du Code criminel du Canada et a plaidé coupable à cette accusation.

[206]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a également admis avoir présenté son identification du SCC pendant qu'il était détenu par la police et a demandé au policier ayant procédé à l'arrestation d'informer la haute direction de son arrestation.

[207]    Bien que les arbitres soient généralement d'avis que les employeurs ne sont pas les gardiens du caractère d'un employé, que l'employé fasse l'objet de mesures disciplinaires pour son « comportement hors fonction » sera fonction du fait à savoir si sa conduite est « liée au travail ». On tiendra compte de la nature de l'infraction, des fonctions liées à l'emploi et de la nature des affaires de l'employeur. La conduite de l'employé 1) a-t-elle nui à la réputation de l'employeur?; 2) a-t-elle fait en sorte que l'employé est devenu incapable de s'acquitter de ses obligations liées à l'emploi?; 3) a-t-elle amené les autres employés à refuser de travailler avec lui? et/ou 4) a-t-elle nui à la capacité de l'employeur de gérer et de diriger efficacement l'attribution des tâches à l'employé? Bref, il faut établir un lien entre les gestes posés par l'employé et les relations avec le personnel.

[208]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a plaidé coupable à des voies de fait (simples, et non à des voies de fait causant des lésions corporelles) sur son ancienne conjointe de fait. Il a fait ses 12 mois de probation sans incident et a participé à deux programmes obligatoires sur les relations et la violence. Il a également suivi la politique de l'employeur de déclarer son arrestation à la haute direction au moment où elle est survenue.

[209]    Je conclus par conséquent que même si l'employeur avait le droit de prendre en compte l'effet possible des gestes du fonctionnaire s'estimant lésé sur sa réputation, l'employeur n'a pas produit de preuve que la conduite du fonctionnaire s'estimant lésé était tellement notoire et bien connue au sein de la collectivité que sa réputation en a été entachée. En outre, aucune preuve n'a été produite selon laquelle d'autres employés ne souhaiteraient pas travailler avec le fonctionnaire s'estimant lésé ou selon laquelle l'employeur ne pouvait pas gérer efficacement ses fonctions liées au travail. Seul le directeur de l'établissement a témoigné que les détenus pourraient exercer des représailles contre le fonctionnaire s'estimant lésé ou toute personne travaillant avec lui. On ne m'a pas présenté de preuves à l'appui de cette supposition.

[210]    Je crois toutefois comprendre que les attentes de l'employeur à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé comme surveillant correctionnel, agent de la paix et, parfois, directeur de l'établissement par intérim sont beaucoup plus élevées, comme l'énoncent le « Code de discipline » et les « Règles de conduite professionnelle ».

[211]    Pour évaluer la sanction appropriée, j'ai établi que le fonctionnaire s'estimant lésé a contrevenu aux « Règles de conduite professionnelle » en posant un geste d'inconduite, à savoir être présent alors que les commentaires désobligeants à l'écran de l'ordinateur étaient destinés au détenu X et visibles par ce dernier et à titre de surveillant ayant omis de prendre les mesures nécessaires contre la personne ou les personnes responsables des commentaires.

[212]    Je conclus que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas acquitté de son rôle de surveillant correctionnel en faisant preuve d'un très mauvais jugement en retirant le détenu X de l'aire d'exercice. Il a contrevenu à la directive sur le recours à la force en n'enregistrant pas sur bande vidéo le retrait du détenu X et du détenu Y et en se placant avec l'autre surveillant correctionnel de manière à mettre en péril la sécurité des détenus et des agents, ce qui, dans les faits, a entraîné des blessures.

[213]    Je crois que le fonctionnaire s'estimant lésé, qui travaille au SCC depuis huit ans, possède l'expérience et les connaissances nécessaires pour exécuter les tâches d'un CX-1, d'un CX-2 ou d'un CX-3. Toutefois, je suis d'avis que l'employeur, qui doit avoir foi en un surveillant correctionnel qui assume le rôle de directeur de l'établissement par intérim, a le droit de pouvoir faire confiance à un surveillant correctionnel qui se comportera de façon professionnelle et exemplaire avec ses collègues agents, et en particulier avec les agents subalternes, ainsi qu'avec les détenus.

[214]    Le lien de confiance entre le fonctionnaire s'estimant lésé, dans son rôle de surveillant correctionnel, et l'employeur a été rompu. Toutefois, je ne crois pas que le lien d'emploi a été irrévocablement brisé.

[215]    Il me reste à traiter de la question des préoccupations légitimes de l'employeur concernant l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé et, compte tenu de son poste de surveillant correctionnel, de la question de savoir s'il peut avoir confiance que le fonctionnaire s'estimant lésé peut assumer ces fonctions.

[216]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait la preuve, en produisant de nombreux certificats et titres de bravoure et de nombreuses lettres de reconnaissance du SCC (pièces G-75 à G-81) établissant qu'il est un employé précieux. De plus, il a rempli toutes les exigences qui lui ont été imposées par le tribunal relativement à l'accusation de voies de fait.

[217]    Je conclus par conséquent que la sanction du licenciement est trop sévère. Pour établir quel est le redressement approprié, j'ai demandé aux parties leurs observations quant à l'autorité et au caractère approprié d'une ordonnance de rétrogradation.

[218]    Tel qu'il est énoncé dans les observations de l'avocat de l'employeur, la compétence de l'arbitre est prévue par la loi et énoncée dans l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). La compétence d'un arbitre quant à l'audition de causes disciplinaires et non disciplinaires est prévue aux alinéas 11(2)f) et g) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Toutefois, l'avocat de l'employeur a tort de conclure ce qui suit : [traduction] « comme la compétence de la Commission prévue par le paragraphe 92(1) de la LRTFP est tirée directement des alinéas 11(2)f) et g) de la LGFP, nous soumettons respectueusement que la Commission n'a pas compétence pour modifier la peine de licenciement ». L'avocat a confondu la question de la compétence de l'arbitre avec l'autorité de l'arbitre de rendre une décision et d'établir un redressement.

[219]    La compétence n'est pas en question dans cette affaire. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été licencié en vertu de l'alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques et la question m'a été soumise à juste titre, en vertu du sous-alinéa 92(1)b) (ii) de la LRTFP.

[220]    Tout le pouvoir de redressement d'un arbitre n'est pas énoncé dans la loi. L'article 7 et le paragraphe 96(2) sont les seules dispositions de la LRTFP qui restreignent la portée de la décision d'un arbitre, et ni l'une ni l'autre de ces dispositions ne s'applique en l'espèce.

[221]    Il existe une autre restriction à l'ampleur du pouvoir de redressement d'un arbitre : les pouvoirs d'un arbitre ne peuvent s'étendre à des questions prévues par une autre loi. L'avocat de l'employeur a fait valoir qu'une ordonnance de rétrogradation équivaut à une ordonnance de nomination, ce qui irait à l'encontre de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Toutefois, je ne puis souscrire à cette position. Ce ne sont pas toutes les méthodes de placement d'employés dans des postes qui correspondent à des « nominations », au sens de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. De fait, l'employeur a plusieurs façons de placer des employés dans des postes autres que par la nomination. Par exemple, un employé peut être détaché à un autre poste ou peut être muté dans un autre poste. Les « détachements » et les « mutations » ne sont pas des nominations au sens de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En prévoyant le pouvoir du Conseil du Trésor de rétrograder conformément à l'alinéa 11(2)g) de la Loi sur la gestion des finances publiques, le Parlement a clairement extrait des « nominations » une autre méthode de placement d'un employé dans un poste. Par conséquent, j'en viens à la conclusion qu'une rétrogradation n'est pas une nomination, au sens de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Bien que le Parlement n'ait pas expressément conféré au Conseil du Trésor le pouvoir d'ordonner une rétrogradation dans des situations de mesures disciplinaires, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne constitue pas une restriction à mon pouvoir de redressement de le faire.

[222]    L'ampleur du pouvoir de réparation d'un arbitre a été étudié récemment par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 C.S.C. 28. Au paragraphe 41, la Cour a fait observer, dans cette affaire, que les décisions prises « s'inscrivent dans un courant jurisprudentiel reconnaissant aux arbitres une compétence plus vaste et un large pouvoir de réparation ». La raison en est simple, tel qu'il est énoncé à la fin du paragraphe 41 : « [d];oter les arbitres des moyens de s'acquitter de leur mandat est un aspect fondamental du règlement des conflits en milieu de travail ». Plus récemment, la Cour fédérale, dans Bedirian c. Canada (Procureur général), 2004 CF 566, a explicitement reconnu les vastes pouvoirs de réparation des arbitres prévus dans la LRTFP.

[223]    Les conflits en matière de relations de travail dans la fonction publique varient d'un cas à l'autre, et mettent en présence divers scénarios et facteurs atténuants. Ces conflits doivent être évalués et des décisions doivent être rendues afin que soit appliqué le meilleur règlement. Les arbitres doivent utiliser équitablement et judicieusement leurs pouvoirs de redressement et rendre des décisions en étant conscients des principes d'équité, tout en ne minant pas les valeurs et l'éthique de la fonction publique.

[224]    En l'espèce, je crois qu'un dur coup a été porté à la relation employeur-employé, mais que celle-ci n'a pas été irrémédiablement rompue. L'inconduite et le mauvais jugement du fonctionnaire s'estimant lésé ont miné la confiance dans la relation; le directeur d'établissement doit pouvoir s'en remettre au surveillant correctionnel pour assumer ses fonctions et ses responsabilités de façon professionnelle pendant son absence.

[225]    Je crois qu'en rétrogradant le fonctionnaire s'estimant lésé à un poste de CX-2 (pour lequel, à mon avis, il est tout à fait compétent), il sera possible de rebâtir le cadre de la relation employeur-employé. Après tout, le fonctionnaire s'estimant lésé a gravi très rapidement les échelons dans les rangs du SCC pour devenir surveillant correctionnel. Peut-être dans l'avenir pourra-t-il présenter une demande et livrer concurrence pour obtenir un poste de surveillant correctionnel.

[226]    J'ordonne que le fonctionnaire s'estimant lésé soit rétrogradé de son poste d'attache de CX-3 à l'Établissement Matsqui à un poste de CX-2 à l'Établissement Matsqui ou à tout autre établissement dont les parties peuvent convenir, cette ordonnance devant être mise en oeuvre dans les deux semaines de la date de la présente décision. Comme il ne sera plus CX-3 (surveillant correctionnel), il n'assumera plus les fonctions de directeur d'établissement par intérim. En outre, compte tenu de la nature grave de l'inconduite, il ne doit pas recevoir de rémunération et/ou d'avantages sociaux du 2 avril 2003 jusqu'à la date de la présente decision.

[227]    J'espère que le fonctionnaire s'estimant lésé reconnaît qu'il s'agit pour lui d'une occasion de montrer à son employeur qu'il est capable de travailler avec des détenus et avec d'autres agents et de respecter les politiques et les règles de conduite professionnelle auxquelles les Canadiens et les Canadiennes s'attendent d'un agent correctionnel/agent de la paix et d'un fonctionnaire.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 24 juin 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.


1Heustis v. New Brunswick (Electric Power Commission), [1979] 2 R.C.S.

2 Port Arthur Shipbuilding Co. v. Arthurs et al., [1968] 70 D.L.R. (2d) 693

3 University of British Columbia v. C.U.P.E., Loc. 116 (Brock) (RE), [2002] 104 L.A.C. (4th) 289

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