Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Renvoi en cours de stage - Compétence - Gardien de prison - Allégation de mauvaise foi - Fardeau de la preuve - Manque de diligence - le fonctionnaire s'estimant lésé était un agent de correction renvoyé en cours de stage - il avait été informé qu'il n'était pas fiable et ne répondait pas personnellement aux exigences, parce qu'il avait pris un nombre anormalement élevé de congés - un mois après avoir commencé sa formation, le fonctionnaire s'estimant lésé avait vu sa mère mourir dans ses bras; son père, qui l'avait blâmé pour le décès, était devenu suicidaire - le fonctionnaire s'estimant lésé a brièvement interrompu sa formation à la suite de la mort de sa mère, mais l'a ensuite reprise, et il a terminé son cours en se classant deuxième; ses confrères de classe l'ont choisi pour prononcer le discours d'adieu - sept mois après le début de sa période de stage, sa femme et son neveu ont été impliqués dans un grave accident de voiture - la réadaptation de sa femme s'est étendue sur près d'un an; il a dû la conduire à de nombreux rendez-vous chez le physiothérapeute et le médecin au cours de cette période - sa situation personnelle l'avait forcé à épuiser tous ses congés pour obligations familiales et tous ses crédits de congé de maladie, et il avait dû demander 23,5 heures de congé non payé - bien que son superviseur l'ait rencontré deux fois pour lui parler de son utilisation des congés et qu'il ait épuisé ses crédits de congé au point de devoir prendre des congés non payés, on ne l'a jamais informé qu'il ne répondait pas aux exigences de son poste, ni de ce qu'on attendait de lui - le directeur de l'établissement n'a jamais été informé des problèmes personnels du fonctionnaire s'estimant lésé, et c'est pourtant lui qui a pris la décision de le renvoyer en cours de stage - l'employeur a assumé le fardeau de la preuve, en démontrant qu'il avait raison pour renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage - il revenait alors au fonctionnaire s'estimant lésé de démontrer que l'employeur avait agi de mauvaise foi - la décision de l'employeur n'était pas basée sur tous les faits pertinents - l'employeur n'a pas respecté sa propre politique, qui établit des principes d'équité et définit la bonne foi - le manque de diligence de l'employeur équivalait à de la mauvais foi - le fonctionnaire s'estimant lésé a été réintégré. Grief accueilli. Décisions citées :Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, [2001] A.C.F. no 802; Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Smith, dossier de la CRTFP no 166-2-3017 (1977) (QL); Jacmain [1978] 2 R.C.S. 15; McMorrow c. Conseil du Trésor (Affaires des anciens combattants Canada), dossier de la CRTFP no 166-2-23967 (1994) (QL).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-08-06
  • Dossier:  166-2-32549
  • Référence:  2004 CRTFP 109

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique




ENTRE

DAVE DHALIWAL

fonctionnaire s'estimant lésé

et

Le Conseil du Trésor
(Solliciteur général du Canada - Services correctionnels)


employeur



Devant:  D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Corinne Blanchette, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur :   Richard Fader, avocat


Affaire entendue à Abbottsford (C.-B.), le 27 mai 2004.


[1]    Dave Dhaliwal a été informé le 7 mai 2003 qu'il était renvoyé en cours de stage, à partir du 28 mai 2003. Il était employé comme agent correctionnel (CX-1) à l'Établissement Matsqui à Abbotsford (C.-B.) et était régi par la convention collective du groupe Services correctionnels conclue entre le Conseil du Trésor et l'Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (Codes : 601 et 651; date d'expiration : 31 mai 2002) (pièce G-1). Dans la lettre de renvoi signée par le directeur de l'établissement, Paul T.L. Urmson (pièce E-10), le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé qu'il n'était pas fiable et qu'il ne [traduction] « répondait pas personnellement aux exigences d'un emploi à titre d'agent correctionnel », parce qu'il a pris un nombre anormalement élevé de congés.

[2]    Dans ses observations préliminaires, l'avocat de l'employeur a déclaré que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire s'estimant lésé était justifié, conformément à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et non de nature disciplinaire. Il a fait observer que c'est à l'employeur qu'il incombe de présenter le motif du renvoi en cours de stage. Une fois le motif établi, il appartient désormais au fonctionnaire s'estimant lésé de prouver que le renvoi en cours de stage constituait une « imposture » ou un « camouflage ». Dans le cas qui nous occupe, le fonctionnaire s'estimant lésé doit établir que la décision du directeur de l'établissement de le renvoyer en cours de stage se justifiait par des motifs d'ordre disciplinaire.

[3]    Dans ses observations préliminaires, la représentante du fonctionnaire s'estimant lésé a convenu que ce dernier a été renvoyé en cours de stage et à reçu une lettre à cet effet pendant son stage. Toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé prétend que la décision du directeur de l'établissement de le renvoyer en cours de stage a été prise de mauvaise foi.

[4]    L'avocat de l'employeur a convoqué un témoin, le directeur de l'établissement, et a déposé 10 pièces. Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné et trois pièces ont été déposées pour son compte.

Les faits

[5]    Paul T.L. Urmson a passé ses 19 ans de carrière au sein de la fonction publique exclusivement à Services correctionnels Canada (SCC) dans divers établissements de l'ouest du Canada. Il est actuellement directeur de l'Établissement Matsqui, un établissement à sécurité moyenne qui loge environ 370 détenus.

[6]    Le directeur de l'établissement a mentionné qu'il a pour responsabilité principale de gérer l'établissement conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions, qui a remplacé la Loi sur les pénitenciers en 1985. Il est également chargé de faire appliquer d'autres lois et règlements et de veiller à la sécurité du personnel, des détenus et du grand public. Le sous-directeur, le directeur adjoint d'établissement et le personnel de bureau relèvent directement de lui. Les employés relevant indirectement de lui, qui englobent les agents correctionnels, sont au nombre d'environ 300. Quant à lui, il a pour supérieur hiérarchique Don Demers, le sous-commissaire régional. Le directeur de l'établissement dispose d'un budget annuel d'environ 15 millions de dollars et d'un budget de 2,5 millions de dollars pour les coûts d'exploitation et d'entretien. En outre, il est chargé d'éléments d'actif d'une valeur approximative de 50 millions de dollars.

[7]    Le directeur a affirmé qu'au sein de l'établissement, il existe deux genres de postes dotés par des agents correctionnels. Le « poste 250 » est doté du lundi au vendredi par des agents correctionnels ayant des quarts de travail de 10 à 12 heures. Une formule de 1,21 année-personne (A.-P.) est utilisée pour s'assurer que la main-d'oeuvre nécessaire est disponible pour remplacer les agents en congé (congés de maladie, congés annuels, congés pour obligations familiales, etc.). Le « poste 365 » est occupé par des agents correctionnels 24 heures par jour, 365 jours par année. La formule applicable à ce poste est 1,77 A.-P. Un nombre adéquat d'agents correctionnels doivent être en fonction à chaque poste pour de nombreux motifs, le principal étant la sécurité. En conséquence, l'horaire constitue un défi si l'on veut assurer la dotation appropriée de ces postes, car les coûts doivent s'inscrire dans le budget prévu.

[8]    Chaque poste comporte un tableau de service (horaire des quarts). Le tableau de service couvre 14 jours et fait partie de la convention collective. Le tableau de service inclut les agents qui remplacent les agents absents. Si aucun agent ne peut remplacer un autre agent, des heures supplémentaires sont prévues. Il est essentiel que le tableau de service soit bien géré et contrôlé pour que la formule corresponde aux changements ayant été effectués à la convention collective. Les représentants de l'agent négociateur et de l'employeur participent actuellement à des discussions pour tenter d'assurer la validité de la formule.

[9]    Le directeur de l'établissement a établi que la pièce E-1 est la lettre ayant été envoyée au fonctionnaire s'estimant lésé le 21 mai 2002 pour lui offrir un poste d'une durée indéterminée comme CX-1. La lettre se lit en partie comme suit :

[Traduction]

En vertu de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, un employé doit être considéré en stage à compter de la date de sa nomination jusqu'à la fin de la période que la Commission peut établir pour un employé ou une catégorie d'employés. L'administrateur général peut, à tout moment au cours de la période de stage, donner avis à l'employé qu'il entend le renvoyer pour un motif suffisant à la fin de la période d'avis. La période de stage rattachée à votre classification est de douze (12) mois....

[10]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté l'offre d'emploi, telle qu'elle a été formulée, le 27 mai 2002 (pièce E-1).

[11]    Le directeur de l'établissement a identifié la pièce E-2, un imprimé d'ordinateur de l'historique des congés pris par le fonctionnaire s'estimant lésé au cours de l'exercice 2002-2003. Il a fait observer que conformément à la clause 30.15(b) de la convention collective, les employés ont droit à cinq jours de congés pour obligations familiales au début de chaque exercice (1er avril), qu'ils soient en stage ou non.

[12]    Le directeur de l'établissement a identifié les pièces E-3, E-4 et E-5, des notes de service envoyées pour son compte par Christina Photinopoulos, coordonnatrice par intérim des opérations correctionnelles, à Lin Wallin, gestionnaire d'unité, unité résidentielle du premier étage. Les notes de service informaient M. Wallin que le directeur de l'établissement ne signerait pas les demandes de congé non rémunéré présentées par le fonctionnaire s'estimant lésé, sauf si M. Wallin lui fournit une explication écrite décrivant les situations ayant mené à la surutilisation, par le fonctionnaire s'estimant lésé, de ses crédits de congés pour obligations familiales. Les demandes de congés non rémunérés ont été présentées pour compenser les absences du fonctionnaire s'estimant lésé, car il ne disposait pas d'assez de crédits de congés pour obligations familiales. Les absences ont eu lieu le 1er janvier 2003 (pièce E-4), le 24 janvier 2003 (pièce E-3) et le 5 février 2003 (pièce E-5).

[13]    Le directeur de l'établissement a fait observer qu'il a parlé à M. Wallin et à Brooke Weeks, qui était gestionnaire d'unité par intérim, relativement à l'usage élevé, par le fonctionnaire s'estimant lésé, de ses crédits de congés de maladie et de congés pour obligations familiales. Il a également contacté Susan Mackenzie, chef du personnel, pour passer en revue le relevé de congés du fonctionnaire s'estimant lésé pendant qu'il participait à un programme de formation de 12 semaines des nouveaux agents correctionnels. Cette formation, connue sous le nom de « CORE », est obligatoire, c'est-à-dire que les recrues doivent la terminer et la réussir avant d'être portées à l'effectif.

[14]    Le directeur de l'établissement a témoigné que M. Wallin et Mme Weeks ont conseillé le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à son utilisation de congés pour obligations familiales et à la nécessité de demander un congé non rémunéré. Il a identifié la pièce E-6, une note de service que lui a fait parvenir Mme Weeks le 13 février 2003 après une rencontre avec le fonctionnaire s'estimant lésé. La note de service est ainsi rédigée :

[Traduction]

Dave Dhaliwal a été interviewé le 12 février 2003 concernant ses congés non rémunérés du 1er janvier 2003, du 24 janvier 2003 et du 5 février 2003. Dave a déclaré que le premier anniversaire du décès de sa mère approche et que ça lui pose beaucoup de problèmes. Par conséquent, il a pris des congés pour obligations familiales les jours susmentionnés. Il a dit qu'il ignorait qu'il avait utilisé tous ses congés pour obligations familiales et il s'est conformé à la procédure en approuvant les congés non rémunérés désignés. Dave a indiqué qu'il a demandé de l'aide par l'intermédiaire du Programme d'aide aux employés. Il croit qu'avec l'aide du PAE, ses congés ne constitueront plus un problème. Dave a reçu une copie de son registre de congés.

[15]    Le directeur de l'établissement a identifié la pièce E-7, une autre note de service envoyée pour son compte par Mme Photinopoulos à Mme Weeks le 17 mars 2003. Encore une fois, Mme Photinopoulos a mentionné que le directeur de l'établissement ne signerait pas la demande de congé non rémunéré présentée par le fonctionnaire s'estimant lésé pour couvrir son absence du 5 mars 2003 sans avoir d'explication écrite de Mme Weeks.

[16]    Le 17 avril 2003, Mme Weeks a répondu au directeur de l'établissement en ces termes (pièce E-8) :

[Traduction]

M. Dhaliwal a épuisé ses crédits de congés de maladie en un certain nombre d'occasions. On lui a parlé par le passé concernant cette question, mais le problème subsiste. Comme Dave est toujours en stage jusqu'en mai 2003, on a discuté de la meilleure façon de procéder. Le chef du personnel étudie actuellement le dossier. Dans l'intervalle, un congé non rémunéré est demandé pour une période de 1,5 heure le 5 mars 2003. Il est recommandé que le CNR soit approuvé jusqu'à ce qu'une décision soit prise quant à la façon de procéder dans le dossier (l'approbation du CNR aidera également à parachever le processus des congés de fin d'exercice).

[17]    Le directeur de l'établissement a affirmé que ses préoccupations étaient de deux ordres. Non seulement le fonctionnaire s'estimant lésé, un jeune homme, a-t-il épuisé ses crédits de congés pour obligations familiales, mais il avait aussi épuisé ses congés de maladie. Le directeur de l'établissement s'interrogeait sur la fiabilité du fonctionnaire s'estimant lésé, se demandait s'il était dévoué à SCC et s'il exploitait les dispositions sur les congés prévues dans la convention collective.

[18]    Le directeur de l'établissement a de plus affirmé que lorsqu'il a reçu la note de service de Mme Weeks datée du 17 avril 2003 (pièce E-8), il se demandait s'il allait renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage. En étudiant l'historique des congés pris par le fonctionnaire s'estimant lésé au cours de l'exercice 2002-2003 (pièce E-2), il a comparé l'utilisation faite par le fonctionnaire s'estimant lésé de ses congés de maladie, congés pour obligations familiales, congés non rémunérés et vacances à son horaire de travail pour la période du 22 mai 2002 au 7 mai 2003. Il a également inclus dans son analyse les jours de repos du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce E-9). Cette analyse visait à établir s'il existait une tendance dans l'utilisation des congés par le fonctionnaire s'estimant lésé. Le directeur de l'établissement a déclaré qu'il apparaît très clairement que les demandes de congés pour obligations familiales et (ou) de congés de maladie du fonctionnaire s'estimant lésé coïncidaient avec ses jours de repos. Par exemple, le 16 août 2002, après cinq jours de repos, le fonctionnaire s'estimant lésé a pris quatre heures de congé pour obligations familiales; le 24 septembre 2002, avant cinq jours de repos, il a pris quatre heures de congé pour obligations familiales; le 5 novembre 2002, il a prolongé ses cinq jours de repos en prenant quatre heures de congé pour obligations familiales; le 8 novembre 2002, avant ses cinq jours de repos, il a pris sept heures de congé pour obligations familiales; le 26 novembre 2002, avant ses cinq jours de repos, il a pris trois heures de congé pour obligations familiales; le 5 décembre 2002, avant ses cinq jours de repos, il a pris 12 heures de congé de maladie; le 20 décembre 2002, après cinq jours de repos, il a pris quatre heures de congé pour obligations familiales; le 22 décembre 2002, il a pris deux jours de vacances avant le début de ses cinq jours de repos, et le 1er janvier 2003, il a pris un congé de maladie avant ses cinq jours de repos.

[19]    Le directeur de l'établissement a déclaré que la coïncidence entre l'utilisation par le fonctionnaire s'estimant lésé de ses congés pour obligations familiales et de ses congés de maladie et ses jours de repos était inacceptable. Les gestes posés par le fonctionnaire s'estimant lésé établissaient qu'il n'était ni fiable ni dévoué à SCC. Le directeur de l'établissement a fait observer que les absences du fonctionnaire s'estimant lésé constituaient non seulement un inconvénient, mais également une charge pour l'établissement. Après avoir consulté l'administration centrale, il a décidé de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage, conformément au pouvoir qui lui est délégué en vertu de l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[20]    Le directeur de l'établissement a expliqué pourquoi il a renvoyé le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage. En moyenne, l'agent correctionnel prend environ de 9 à 9,5 jours de congé de maladie et de 2,4 à 2,5 jours de congé pour obligations familiales pendant un exercice. Le fonctionnaire s'estimant lésé a toutefois, quant à lui, épuisé ses congés pour obligations familiales et ses congés de maladie avant la fin de l'exercice. Le directeur de l'établissement a fait observer que son budget ne lui permet pas de remplacer les agents correctionnels qui dépassent ces moyennes. Il a également fait remarquer que même s'il comprend que les agents correctionnels ont le droit de prendre des congés de maladie, ces congés servent généralement, par exemple, pour une période d'absence causée par la maladie. En moins d'un an, le fonctionnaire s'estimant lésé a épuisé tous ses crédits de congés pour obligations familiales et de congés de maladie. En outre, il a demandé 23,5 heures de congés non rémunérés. En conséquence de l'épuisement, par le fonctionnaire s'estimant lésé, de ses crédits de congé, le directeur de l'établissement a engagé des coûts supplémentaires pour le remplacer pendant ses absences. Le directeur de l'établissement a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé n'est pas le genre d'employé qu'il peut s'offrir le luxe de compter au sein de son personnel.

[21]    Le 7 mai 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une lettre signée par le directeur de l'établissement, datée du 30 avril 2003 (pièce E-10), l'informant qu'il était renvoyé en cours de stage, à partir du 28 mai 2003.

[22]    En conclusion, le directeur de l'établissement a déclaré qu'après que le fonctionnaire s'estimant lésé ait reçu la lettre l'informant qu'il était renvoyé en cours de stage, il (le directeur de l'établissement) a eu une discussion avec Claus Hallshmidt, le psychologue de l'établissement et représentant du Programme d'aide aux employés (PAE), qui l'a avisé que le fonctionnaire s'estimant lésé était déprimé, acceptait difficilement son licenciement et ne reviendrait pas au travail. Compte tenu de ces renseignements, le directeur de l'établissement a décidé d'accorder au fonctionnaire s'estimant lésé un congé rémunéré du 8 mai au 28 mai 2003; en d'autres termes, il était rémunéré pendant la période d'avis prévue à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[23]    Pendant le contre-interrogatoire, le directeur de l'établissement a convenu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait accumulé un jour et un quart (1 1/4) de crédits de congé de maladie par mois conformément à la clause 31.01(a) de la convention collective.

[24]    Il a également convenu que l'horaire de travail du fonctionnaire s'estimant lésé était de quatre jours en fonction suivis de cinq jours de repos. Par conséquent, lorsque le fonctionnaire s'estimant lésé prenait un congé de maladie ou un congé pour obligations familiales, il y avait une chance sur deux que ce congé survienne au début ou à la fin de ses cinq jours de repos prévus.

[25]    Il a en outre convenu que son enquête portant sur le nombre d'absences du fonctionnaire s'estimant lésé pendant sa formation CORE de 12 semaines a révélé qu'il avait pris trois jours de congé. Il a toutefois déclaré que même s'il n'avait jamais demandé le motif de ces absences, il estimait que trois jours était un nombre anormalement élevé au cours d'une période de 12 semaines.

[26]    Quand le directeur de l'établissement s'est fait demander de produire l'explication écrite requise de M. Wallin, qui cernait ou décrivait les questions ayant mené à l'épuisement, par le fonctionnaire s'estimant lésé, de ses congés pour obligations familiales, il a affirmé qu'il ne possédait pas de copie d'une note de service de M. Wallin à cet effet. Il a expliqué que M. Wallin avait rédigé une note et l'avait entreposée sur l'unité « I » de l'ordinateur. Toutefois, en raison d'une entente conclue entre l'employeur et l'agent négociateur relativement à des questions de protection de renseignements personnels, tous les renseignements personnels de nature délicate entreposés sur l'unité « I » sont supprimés. Par conséquent, il ne pouvait pas produire de copie de la note rédigée par M. Wallin.

[27]    En ce qui a trait au congé non rémunéré demandé par le fonctionnaire s'estimant lésé pour le 1er janvier, le 24 janvier et le 5 février 2003, le directeur de l'établissement a confirmé qu'il les avaient ultérieurement approuvés. Il a également reconnu que Mme Weeks a interviewé le fonctionnaire s'estimant lésé pour la première fois le 12 février 2003.

[28]    De plus, le directeur de l'établissement a convenu que même si la lettre de renvoi était datée du 30 avril 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé ne l'a pas reçue avant le 7 mai 2003, lorsqu'il la lui a présentée.

[29]    Il a confirmé qu'il a laissé le fonctionnaire s'estimant lésé prendre un congé non rémunéré après avoir discuté avec M. Hallshmidt de l'état mental du fonctionnaire s'estimant lésé.

[30]    En conclusion, le directeur de l'établissement a déclaré qu'il ne se souvenait pas d'avoir déjà rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé avant de lui remettre la lettre de renvoi en cours de stage le 7 mai 2003.

[31]    Dave Dhaliwal a entrepris son témoignage en décrivant la formation qu'il a reçue lorsqu'il participait au programme CORE, d'une durée de 12 semaines. Au cours du premier mois, il s'est familiarisé avec la loi et avec la façon dont elle s'applique à l'énoncé de mission de SCC. Pendant le deuxième mois, il a suivi une formation pratique sur les techniques physiques et relatives aux armes à feu. Le troisième mois traitait de questions de sécurité et de questions personnelles qui pouvaient toucher un employé et sa carrière au sein de SCC, ainsi que de questions sur le bien-être du personnel. Ces discussions incluaient les voies accessibles pour aider les employés ayant des problèmes personnels (c.-à-d. le PAE, le psychologue de l'établissement, etc.). Il était généralement convenu que les problèmes personnels d'un employé étaient considérés comme préjudiciables à un établissement correctionnel.

[32]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que sa formation a débuté le 13 janvier 2002. Toutefois, il s'est retiré du programme le 18 février 2002 en raison du décès subit de sa mère le 17 février 2002.

[33]    Pendant son témoignage chargé d'émotion, le fonctionnaire s'estimant lésé a explicité, les larmes aux yeux, les événements entourant le décès de sa mère. Le 16 février 2002, ses parents ont célébré leur trente-et-unième anniversaire de mariage. Le lendemain soir, au cours d'un dîner auquel participaient sa femme, ses parents et son frère, une mésentente est survenue. Le fonctionnaire s'estimant lésé et sa mère se sont disputés, et il a quitté la table pour se rendre à l'étage. Toutefois, peu après, il a entendu un appel affolé de son père. Il est tout de suite redescendu pour trouver sa mère gisant sur le plancher. Son père lui criait : [traduction] « Sauve ma femme. Sauve ma femme. » Le fonctionnaire s'estimant lésé a fait observer qu'avant de commencer à travailler à SCC, il était responsable de la sécurité et avait suivi une formation en premiers soins et en réanimation cardio-respiratoire (RCR). Malheureusement, même s'il a pratiqué la RCR sur sa mère, il n'a pas pu la ressusciter. Il a déclaré: [traduction] « Je lui ai donné son dernier souffle. »

[34]    Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas informé ses collègues de classe du décès de sa mère. Il l'a toutefois mentionné au directeur adjoint du recrutement du personnel de CORE, Brian Ferguson, qui lui a conseillé de prendre tous les congés nécessaires avant de reprendre sa formation. Il a repris sa formation deux semaines plus tard et a terminé le cours, se classant deuxième. De plus, ses collègues de classe lui ont demandé de prononcer le discours d'adieu. Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a présenté les notes et l'évaluation CORE du fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-2).

[35]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il a entamé sa formation en cours d'emploi le 8 mai 2002 et son premier quart de travail officiel comme employé recruté pour une durée indéterminée le 22 mai 2002.

[36]    Il a mentionné qu'avant de se joindre à la fonction publique, il était gestionnaire à la Insurance Corporation of British Columbia (ICBC). De 50 à 70 employés environ relevaient directement de lui. De plus, il a occupé divers postes dans le domaine de la sécurité dans le secteur de l'application de la loi.

[37]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'à l'Établissement Matsqui, il travaillait quatre jours (deux quarts de jour (de 7 h à 19 h) et deux quarts de nuit (de 19 h à 7 h)) puis avait droit à cinq jours de repos. Il a mentionné que si un agent correctionnel décide d'exercer son droit de se prévaloir d'une disposition sur les congés, il doit en informer le superviseur qui est en fonction, de préférence en lui donnant le plus long préavis possible. Toutefois, dans les faits, dans 99 % des cas, un message téléphonique est tout simplement laissé à l'agent correctionnel en fonction au poste de contrôle central, qui note l'appel et le genre de congé demandé à l'horaire des quarts de travail.

[38]    Il a fait observer que l'historique des congés d'un employé pouvait se trouver dans le programme PeopleSoft. Chaque agent correctionnel a son propre compte et identificateur d'utilisateur. Il a déclaré que dans son cas, toutefois, même après des demandes répétées présentées à Mme Photinopoulos et à une personne non identifiée au centre de santé individuelle où le programme était offert, il n'a jamais obtenu de compte ni d'identificateur d'utilisateur grâce auxquels il aurait pu accéder à son solde de congés.

[39]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué qu'il a pris autant de congés (congés pour obligations familiales et congés de maladie) pour pouvoir faire face à la situation entourant le décès subit de sa mère. D'après son père, si le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'était pas disputé avec elle, elle serait toujours vivante aujourd'hui. Il a constaté qu'après le décès de sa mère, son père et lui se sont rarement parlés. Il a parfois pris des congés pour passer du temps avec son père, qui montrait des tendances suicidaires. Le fonctionnaire s'estimant lésé était très émotif au cours de son témoignage. Il s'est effondré et a raconté en sanglotant : [traduction] « Dans ma culture, la famille compte plus que tout. Je la place au-dessus de toute autre chose. J'ai perdu ma mère; je ne veux pas perdre mon père. »

[40]    En mars 2002, la famille du fonctionnaire s'estimant lésé, y compris son père, sa soeur et son frère, se sont rendus en Inde pour répandre les cendres de sa mère et ils ne sont pas revenus au Canada avant juin 2002. Le fonctionnaire s'estimant lésé est demeuré au Canada et a continué à travailler à l'Établissement Matsqui. Au cours de cette période, il avait des cauchemars et se sentait responsable du décès de sa mère. Il a consulté Sharon Linklater et Claus Hallshmidt du PAE. Il a également demandé l'aide de l'aumônier de l'Établissement et du consultant spirituel sikh, Kuldip Singh Meelu.

[41]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré : [traduction] « 2002 a été une catastrophe pour ma famille ». Non seulement a-t-il perdu sa mère, mais le 12 juillet 2002, sa femme et son neveu ont été impliqués dans un grave accident de voiture. La réadaptation de sa femme s'est échelonnée sur près d'un an et il devait la conduire à de nombreux rendez-vous chez le physiothérapeute et le médecin au cours de cette période.

[42]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que le 6 mai 2003, vers 19 h, un de ses superviseurs l'a informé que le directeur de l'établissement voulait le voir dans son bureau le lendemain à 7 h. Il a rencontré le directeur de l'établissement le lendemain, à sa demande, et il a alors reçu la lettre l'informant qu'il était renvoyé en cours de stage. Il a quitté l'établissement après sa rencontre avec le directeur, mais est revenu à 19 h pour entreprendre son quart de travail prévu. Toutefois, à 23 h, il a dû quitter parce qu'il était trop perturbé et se sentait trahi.

[43]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a mentionné qu'il était étonné d'entendre le directeur de l'établissement déclarer qu'il était rémunéré du 8 au 28 mai 2003 en guise de période d'avis prévue dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, car il a travaillé tous les quarts prévus.

[44]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a raconté la réunion qu'il a eue avec Mme Weeks le 12 février 2003. Il était à son poste, au deuxième étage, quand Mme Weeks l'a abordé et lui a dit que comme il ne lui restait plus de congés pour obligations familiales, il lui faudrait demander un congé non rémunéré. Il s'est excusé auprès d'elle et a mentionné qu'elle pourrait déduire le montant de sa paie et il a signé la formule de congé non rémunéré que Mme Weeks lui a fournie. Cette conversation n'a duré que deux ou trois minutes. Ils ont ensuite commencé à parler du décès de sa mère et du fait qu'il a demandé l'aide du PAE et de l'aumônier. Cette conversation a duré environ 10 minutes. Mme Weeks n'a jamais affirmé au fonctionnaire s'estimant lésé que le fait de demander un congé non rémunéré entraînerait des conséquences. Elle a seulement dit qu'il devrait porter attention à l'utilisation qu'il fait de ses congés et qu'il devrait surveiller le tout. Il a déclaré qu'il n'a jamais rencontré aucun de ses superviseurs relativement à l'utilisation qu'il faisait de ses congés.

[45]    En outre, le fonctionnaire s'estimant lésé a dit qu'il n'a jamais parlé à M. Wallin concernant l'utilisation qu'il faisait de ses congés. De plus, le fonctionnaire s'estimant lésé et ses superviseurs, Bob Montgomery, Doug Jaes et Trevor Houston, ont effectué une recherche sur l'unité « I » de l'ordinateur, mais n'ont pas été en mesure de trouver une note que M. Wallin aurait pu rédiger.

[46]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a terminé son témoignage en faisant observer que ce sont le décès subit de sa mère, les problèmes internes de sa famille et un grave accident de voiture impliquant sa femme et un neveu qui l'ont amené à épuiser ses crédits de congé pour obligations familiales et de congés de maladie. Il a formulé les commentaires suivants : [traduction] « Les gens du Collège du personnel étaient ma famille à cette époque. Je me sens trahi. Je me sens encore trahi, sinon je ne serais pas assis ici aujourd'hui. »

[47]    L'avocat de l'employeur n'a pas contre-interrogé le fonctionnaire s'estimant lésé.

Arguments

Pour l'employeur

[48]    L'avocat de l'employeur a fait référence à la décision rendue dans Todd Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale) , 2004 CRTFP 39, et a déclaré que les arbitres ne devraient pas contester la décision d'un gestionnaire de renvoyer un employé en cours de stage. La question sur laquelle un arbitre devrait se concentrer est celle de savoir si le décideur a menti et si le renvoi en cours de stage constituait une imposture ou un camouflage.

[49]    Dans cette affaire, le décideur était le directeur de l'établissement, et il affirme clairement dans la lettre de renvoi que le motif du renvoi est que le fonctionnaire s'estimant lésé a épuisé ses crédits de congés de maladie et de congés pour obligations familiales et, de plus, qu'il a demandé 23,5 heures de congé non rémunéré. En raison de cet usage anormalement élevé de congés, le directeur de l'établissement n'estimait pas que le fonctionnaire s'estimant lésé était apte à être employé comme agent correctionnel.

[50]    L'avocat a également fait observer que l'horaire du fonctionnaire s'estimant lésé pour la période du 22 mai 2002 au 20 mai 2003 (pièce E-9) montre clairement qu'il existait une tendance concernant son utilisation de congés pour obligations familiales et de congés de maladie, qui coïncidait avec ses jours de repos (avant ou après).

[51]    Bien que le fonctionnaire s'estimant lésé ait témoigné du motif pour lequel il a épuisé ses crédits de congés pour obligations familiales et de congés de maladie, le directeur de l'établissement ignorait le motif lorsqu'il a décidé de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage. C'est à cette audience d'arbitrage que le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué pour la première fois la raison de ses absences. L'avocat a fait valoir que sans égard à la question de savoir si la décision du directeur de l'établissement était bonne ou mauvaise, un arbitre n'a pas compétence en matière de licenciement en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, du paragraphe 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) ou du paragraphe 11(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Si le Parlement avait eu l'intention de donner aux arbitres des pouvoirs plus larges, il l'aurait fait.

[52]    L'avocat a déclaré que rien dans le témoignage du directeur de l'établissement n'indique qu'il mentait lorsqu'il a pris sa décision et aucune preuve n'établit que la décision constituait une imposture ou un camouflage. La preuve établit clairement que les nombreuses absences du fonctionnaire s'estimant lésé témoignaient de son manque de fiabilité, ce qui a fait en sorte que l'établissement a dû engager des frais supplémentaires.

[53]    En conclusion, l'avocat de l'employeur a soutenu que le fonctionnaire s'estimant lésé a épuisé ses crédits de congé aussi rapidement qu'il les a acquis.

[54]    L'avocat de l'employeur a également référé aux affaires suivantes : Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Canada (Conseil du Trésor) c. Rinaldi, [1997] A.C.F. no 225 (1re inst.); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, [2001] A.C.F. no 802; Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33; Ross c. Conseil du Trésor (Services correctionnels du Canada), 2003 CRTFP 97; Spurrell c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2003 CRTFP 15 et Archambault c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 28.

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[55]    La représentante du fonctionnaire s'estimant lésé a fait observer que conformément à la convention collective, un agent correctionnel a droit à 15 jours de congé de maladie et à cinq jours de congé pour obligations familiales au cours d'un exercice. Elle a déclaré que les demandes de congé de maladie et de congé pour obligations familiales du fonctionnaire s'estimant lésé ont toujours été approuvées.

[56]    Le directeur de l'établissement a dit que M. Wallin et Mme Weeks ont conseillé le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à son usage de congés. Dans les faits, il n'a été conseillé qu'une fois par Mme Weeks le 12 février 2003, mais cela n'a guère été concluant. Mme Weeks était au courant du décès subit de sa mère et de l'existence des problèmes familiaux et leur rencontre a donc tourné autour de cette préoccupation.

[57]    Bien que le directeur de l'établissement ait demandé à trois reprises différentes que M. Wallin lui fournisse une explication écrite du motif pour lequel le fonctionnaire s'estimant lésé avait besoin d'un congé non rémunéré, aucune preuve documentaire n'a été présentée à cet effet; le directeur de l'établissement a déclaré qu'il était incapable de produire la note censément rédigée par M. Wallin.

[58]    La représentante du fonctionnaire s'estimant lésé a fait observer que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait jamais travaillé au sein de la fonction publique fédérale avant de se joindre à SCC et n'a donc pas pris conscience que son usage de congés était déraisonnable. De plus, il n'a jamais fait l'objet de mesures disciplinaires, de manière corrective ou progressive, pour l'usage de ses congés.

[59]    Mme Blanchette a fait valoir que le directeur de l'établissement n'a pas donné au fonctionnaire s'estimant lésé l'avis de 30 jours requis pour un renvoi en cours de stage. Le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu sa lettre de renvoi le 7 mai 2003; par conséquent, il aurait dû être rémunéré jusqu'au 7 juin 2003.

[60]    Elle a fait observer que le directeur de l'établissement a déclaré qu'une fois que le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu sa lettre de renvoi, le 7 mai 2003, il a été rémunéré jusqu'au 28 mai 2003 sans travailler. Toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné qu'il a travaillé tous ses quarts prévus juisqu'au 28 mai 2003, ce qui n'a pas été contredit.

[61]    Un licenciement est une question très grave; il s'agit du dernier recours dans un lien employeur-employé. Que ce soit par négligence ou tout simplement par manque d'information, l'employeur n'a montré aucune compassion envers le fonctionnaire s'estimant lésé et sa famille. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas bénéficié d'une période de temps appropriée pour améliorer son usage de congés compte tenu de l'effet dévastateur de sa situation personnelle. De plus, il n'a pas reçu de copie de la note de service de Mme Weeks datée du 17 avril 2003 (pièce E-8).

[62]    Mme Blanchette a conclu son argumentation en faisant observer que la décision du directeur de l'établissement de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage a été prise de mauvaise foi. Par conséquent, il devrait être réintégré dans son ancien poste de CX-1 à l'Établissement Matsqui sans perte de rémunération et d'avantages sociaux.

[63]    Mme Blanchette a renvoyé aux affaires suivantes : McMorrow c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens combattants), dossier de la CRTFP no 166-2-23967 (1994) (QL); Dekoning c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada) , dossiers de la CRTFP nos 166-2-22971 et 149-2-129 (1993) (QL); et Anonsen c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP no 166-2-17193 (1987) (QL).

Motifs de décision

[64]    La compétence d'un arbitre d'entendre un grief concernant un renvoi en cours de stage est limitée par l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, selon lequel :

28.(1) À partir de la date de sa nomination à un poste pourvu par nomination externe, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire durant la période fixée par règlement par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie.

[...]

  (2) À tout moment au cours du stage, l'administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de le renvoyer, pour un motif déterminé, au terme du délai de préavis fixé par la Commission pour lui ou la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de cette période.

[65]    Le paragraphe 92(3) de la LRTFP se lit comme suit :

(3)   Le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre le renvoi à l'arbitrage d'un grief portant sur le licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[66]    Dans les affaires concernant le renvoi en cours de stage, les arbitres nommés aux termes de la LRTFP ont rendu un certain nombre de décisions, dont certaines ont fait l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. La décision du juge Lemieux de la Section de première instance de la Cour fédérale dans Leonarduzzi (précité) énonce les principes qu'un arbitre doit appliquer lorsqu'il détermine s'il a compétence pour instruire ce genre de grief, en particulier à la lumière du paragraphe 92(3) de la LRTFP. Le juge Lemieux déclare, à l'alinéa 37 de sa décision :

... l'employeur n'a pas à produire une preuve prima facie d'un motif déterminé valable, mais seulement à produire un minimum de preuve que le renvoi est lié à l'emploi et non à un autre motif.

[67]    Il déclare également, à l'alinéa 42 :

Le défendeur soutient que l'employeur doit produire une preuve prima facie que le fonctionnaire a été licencié pour un motif déterminé valable. Ce n'est pas le cas. Il y a lieu de distinguer entre un motif lié à l'emploi et un « motif déterminé valable »...

[68]    Le juge Lemieux poursuit en considérant la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Penner (précité), pour laquelle le J.C.A. Marceau a endossé l'approche prise par l'arbitre dans Smith (dossier de la Commission 166-2-3017) et a exprimé l'opinion qu'il s'agissait de la seule décision appuyée par la législation. Le J.C.A. Marceau a exprimé cette approche de la façon suivante, à la page 438 de Penner :

arbitres ont... accepté la thèse selon laquelle, dès le moment où ils sont convaincus que la décision contestée était effectivement fondée sur un motif réel de renvoi, c'est-à-dire procédait d'une insatisfaction éprouvée de bonne foi à l'égard de l'aptitude de l'employé, les arbitres n'ont pas compétence pour examiner la question de savoir si la décision de renvoyer l'employé était appropriée ou était bien fondée...

[69]    Dans son refus de demande de révision judiciaire dans Leonarduzzi (précité), le juge Lemieux déclare, au paragraphe 45 de sa décision :

Toutefois, selon moi l'arbitre a tout simplement demandé que l'employeur démontre que le licenciement avait été décidé pour un motif lié à l'emploi, à savoir une insatisfaction à l'égard de l'aptitude du fonctionnaire et, comme tel, qu'il agissait en vertu des dispositions de la LEFP...

[70]    Dans Penner (précité), la Cour d'appel fédérale a retenu le critère que la Commission avait établi dans Smith (précité) :

En effet, une fois que l'employeur a présenté à l'arbitre une preuve concluante indiquant un motif de renvoi valable à première vue, l'audition sur le fond dans l'affaire de congédiement ne peut alors aboutir qu'à une impasse soudaine.

[71]    Une fois que l'employeur en a fait ainsi, il revient au fonctionnaire s'estimant lésé de démontrer que les actions de l'employeur sont effectivement une imposture ou du camouflage ou ont été faites de mauvaise foi et qu'elles sont par conséquent contraires à l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

[72]    Dans la présente affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est fait offrir, dans une lettre datée du 21 mai 2002, un poste d'une durée indéterminée comme agent correctionnel (CX-1). La lettre mentionnait que son poste comportait une période de stage de 12 mois. Le fonctionnaire s'estimant lésé a accepté l'offre d'emploi telle qu'elle a été formulée le 27 mai 2002.

[73]    Le 7 mai 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu une lettre datée du 30 avril 2003 (pièce E-10) l'informant qu'il était renvoyé en période de stage, à partir du 28 mai 2003.

[74]    Le directeur de l'établissement a déclaré qu'en moins d'un an comme agent correctionnel (CX-1), le fonctionnaire s'estimant lésé a épuisé ses crédits de congés pour obligations familiales et ses congés de maladie, en plus de demander 23,5 heures de congé non rémunéré. Il a également déclaré que Mme Weeks et M. Wallin ont conseillé le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à son utilisation de congés. En outre, il a affirmé qu'il a examiné l'utilisation des congés par le fonctionnaire s'estimant lésé, ce qui lui a permis de remarquer une certaine tendance, c'est-à-dire que le fonctionnaire s'estimant lésé prenait des congés pour obligations familiales ou des congés de maladie avant ou après ses jours de repos. Le directeur de l'établissement a conclu qu'il ne s'agissait pas d'une coïncidence et que cette situation établissait plutôt une utilisation excessive de congés.

[75]    D'après le directeur de l'établissement, un agent correctionnel prend en moyenne de 2,4 à 2,5 jours de congés pour obligations familiales et de 9 à 9,5 jours de congés de maladie. L'utilisation faite par le fonctionnaire s'estimant lésé de ses congés de maladie et de ses congés pour obligations familiales a fait augmenter le budget d'heures supplémentaires du directeur de l'établissement et lui a occasionné certaines préoccupations quant à la fiabilité du fonctionnaire s'estimant lésé et à la dotation de son poste pendant ses absences. Il a par conséquent conclu que le fonctionnaire s'estimant lésé était devenu un problème et, aux termes de son autorité déléguée, il a pris la décision de renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage.

[76]    À première vue, on pourrait conclure que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire s'estimant lésé s'appuyait sur un motif lié à l'emploi qui était bien fondé. Toutefois, selon moi et d'après la Cour fédérale, le droit de l'employeur de renvoyer un employé en cours de stage n'est pas tout à fait exempt de restrictions. Quand l'employeur décide qu'un employé ne convient pas pour le poste auquel il a été nommé, il est tenu de produire une preuve sur la façon dont il a décidé de renvoyer l'employé en cours de stage : Leonarduzzi (précité). En d'autres termes, bien qu'il incombe à l'employé de prouver la mauvaise foi, l'employeur doit établir le fondement, la justification d'une telle décision. L'employeur doit produire une preuve concernant le fondement d'une telle décision. S'il le fait, la question de la bonne foi sera réglée, car la preuve établira que la décision a été prise de bonne foi.

[77]    Dans Penner (précité), le juge Marceau, au nom de la Cour, a étudié en détails plusieurs des motifs du jugement rendu dans l'affaire Jacmain [1978] 2 R.C.S. 15, et en est venu à la conclusion suivante, à la page 219 :

L'on ne peut tolérer que, par l'effet du camouflage, une personne soit privée de la protection que lui accorde une loi. En fait, la question qui entre alors en jeu est celle de la bonne foi, l'exigence légale qui est la plus fondamentale lorsqu'il s'agit de défendre la validité juridique de toute forme d'activité... La conclusion fondamentale de l'arrêt Jacmain est, à mon avis, qu'un arbitre nommé sous le régime de la L.R.T.F.P. est sans compétence à l'égard d'un renvoi en cours de stage lorsque la preuve présentée le convainc que les représentants de l'employeur ont agi de bonne foi au motif qu'ils ne considéraient pas que l'employé possédait les aptitudes requises pour occuper le poste visé. Et cette conclusion, selon moi, découle inexorablement des dispositions législatives actuellement en vigueur.

[C'est nous qui soulignons.]

[78]    Dans McMorrow (précité), le vice-président d'alors, P. Chodos, a fait observer ce qui suit :

... Il est banal d'affirmer que pour établir s'il y a eu ou non bonne foi il faut examiner toutes les circonstances entourant l'affaire. Les faits qui peuvent justifier une conclusion de mauvaise foi peuvent se présenter de multiples façons ... en tenant pour acquis, bien sûr, que l'on doit toujours, en partant, présumer de la bonne foi de l'employeur.

[79]    Pour établir si les gestes de l'employeur ont été posés de bonne foi, je dois me pencher sur la signification de la bonne foi. Dans le document intitulé « Lignes directrices du Conseil du Trésor concernant la rétrogradation et le licenciement pour un motif valable », la bonne foi est définie de la façon suivante : « Désigne une façon de se comporter reposant sur l'honnêteté des intentions et l'équité du traitement. » Le critère ou la procédure/les principes adoptés par le Conseil du Trésor quant aux principes d'équité sont les suivants :

  • agir de bonne foi;

  • communiquer au fonctionnaire tous les renseignements concernant l'exécution de ses fonctions;

  • faire savoir au fonctionnaire qu'il ne satisfait pas aux exigences du poste et l'informer de la nature du problème et des conséquences, s'il ne corrige pas les lacunes signalées;

  • donner au fonctionnaire la possibilité de prendre les dispositions qui lui permettront de répondre aux exigences de son poste;

  • aider le fonctionnaire, dans la mesure du possible, à prendre les dispositions nécessaires;

  • explorer les solutions raisonnables autres que le licenciement et la rétrogradation.

[80]    En l'espèce, quelle preuve existe-t-il que le renvoi en période de stage constituait, en fait, une imposture ou un camouflage ou que l'employeur a fait preuve d'un tel mépris pour la notion élémentaire d'équité qu'il a montré de la mauvaise foi?

[81]    La représentante du fonctionnaire s'estimant lésé n'a présenté aucun argument selon lequel le renvoi en cours de stage constituait une imposture ou un camouflage. Conséquemment, j'examinerai l'accusation de mauvaise foi.

[82]    La septième édition du Black's Law Dictionary définit la mauvaise foi comme une [traduction] « croyance ou un objet malhonnête ». La définition cite ensuite un extrait de Reinstatement (Second) of Contracts § 205 cmt. D (1981), selon lequel un catalogue complet de genres de mauvaise foi est impossible, mais les genres suivants comptent parmi ceux qui ont été reconnus dans des décisions des tribunaux : disparition de l'esprit de négociation; manque de diligence et relâchement; rendement délibérément imparfait; abus du pouvoir de préciser des conditions; et entrave à la collaboration au rendement de l'autre partie ou défaut de collaborer à un tel rendement.

[83]    Il m'apparaît clairement que la Cour fédérale reconnaît l'autorité de l'employeur de renvoyer un employé en cours de stage pour un motif lié à l'emploi. À elle seule, cette autorité permet à l'employeur de mettre fin au gagne-pain d'un employé, ce qui peut avoir d'énormes conséquences. Cette autorité exige que l'employeur agisse de bonne foi lorsqu'il prend une telle décision. Selon moi, si une décision n'est pas prise de bonne foi à l'aide des lignes directrices de la politique du Conseil du Trésor, il en résulte une décision prise de mauvaise foi.

[84]    Lorsqu'il s'est joint à la fonction publique, le fonctionnaire s'estimant lésé a obtenu le droit de bénéficier de congés de maladie et de congés pour obligations familiales en vertu des dispositions pertinentes de la convention collective. Il a demandé et obtenu l'autorisation de ses superviseurs chaque fois qu'il a demandé des congés; il ne s'est jamais fait refuser le congé demandé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il a souffert d'une période très émotive et stressante lorsque sa mère est à toutes fins pratiques décédée dans ses bras alors qu'il lui donnait son dernier souffle. Son père a cessé de lui parler, l'a blâmé pour le décès de sa mère et était au bord du suicide. Cinq mois après le décès de sa mère, la femme et le neveu du fonctionnaire s'estimant lésé ont été impliqués dans un grave accident de voiture qui ont amené le fonctionnaire s'estimant lésé à utiliser ses congés de maladie et ses congés pour obligations familiales pour conduire sa femme chez le médecin et à des rendez-vous en physiothérapie. Comme l'a déclaré le fonctionnaire s'estimant lésé au cours de son témoignage, [traduction] « 2002 a été une catastrophe pour ma famille ».

[85]    En outre, à l'insu du fonctionnaire s'estimant lésé, celui-ci a fait l'objet de notes de service de Mme Photinopoulos à M. Wallin et à Mme Weeks portant sur ses demandes de congé non rémunéré. Voici ce que disaient les notes de service (pièces E-3 à E-5 et E-7) :

[Traduction]

Le directeur de l'établissement ne signera pas les formules de demande de congé non rémunéré de M. Dave Dhaliwal sans une explication écrite de votre part relevant/décrivant les questions ayant mené à l'usage excessif de crédits de congés pour obligations familiales...

...Une fois que vous aurez rédigé complètement votre note de service à l'intention du directeur de l'établissement, veuillez renvoyer l'ensemble des documents et le commis du C.O.C. fera parvenir l'ensemble des documents au directeur de l'établissement à des fins de signature et de traitement complémentaire auprès de la Section de la rémunération et des avantages sociaux.

[86]    L'employeur n'a pas produit en preuve la note de service que M. Wallin aurait fait parvenir au directeur de l'établissement et qui expliquait, résumait ou relevait les motifs de l'utilisation excessive, par le fonctionnaire s'estimant lésé, de ses congés pour obligations familiales. D'après le directeur de l'établissement, M. Wallin l'aurait stockée sur l'unité « I » de l'ordinateur, mais les documents entreposés sur cette unité sont supprimés pour des motifs de protection des renseignements personnels.

[87]    Je suis perplexe quant à l'existence de cette note de service. Pourquoi aucune copie imprimée de la soi-disant note de service de M. Wallin n'a été laissée dans le dossier de M. Dhaliwal? J'estime qu'un tel document serait important, en particulier dans un cas comme celui-ci. De plus, quand le directeur de l'établissement a parlé à M. Wallin et à Mme Weeks au sujet de l'utilisation des congés du fonctionnaire s'estimant lésé, pourquoi n'a-t-il pas été informé des problèmes personnels vécus par le fonctionnaire s'estimant lésé? L'avocat de l'employeur a déclaré que c'est à cette audience d'arbitrage que le directeur de l'établissement a entendu pour la première fois les motifs pour lesquels le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté des demandes de congé. Fait intéressant, bien que le directeur de l'établissement ait déclaré que M. Wallin et Mme Weeks ont conseillé le fonctionnaire s'estimant lésé relativement à ses demandes de congé, celui-ci a déclaré qu'il n'a jamais rencontré ni parlé à M. Wallin à ce sujet. Il a affirmé qu'il a rencontré Mme Weeks le 12 février 2003; elle l'a alors informé qu'il devait présenter une demande de congé non rémunéré, car il n'avait pas de crédits de congés pour obligations familiales. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est excusé et a signé la formule requise. Cette conversation a duré environ deux à trois minutes et elle lui a seulement dit qu'il devrait faire attention à son usage de congés et exercer un contrôle à cet égard.

[88]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a également soutenu qu'il a demandé à plusieurs reprises d'obtenir accès au programme PeopleSoft pour prendre connaissance de son historique de congés, mais que ses demandes sont restées sans réponse. L'employeur n'a pas réfuté son témoignage sur ce point.

[89]    L'employeur n'a pas présenté de preuve que le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé qu'il ne satisfaisait pas aux exigences de son poste et ne répondait pas aux attentes. Il n'y a pas eu de lettre faisant état de conséquences. En outre, il n'y avait pas de preuve qu'une mesure corrective avait été prise ou que la direction avait tenté d'étudier les questions ayant amené le fonctionnaire s'estimant lésé à épuiser ses crédits de congés pour obligations familiales et ses congés de maladie. De plus, la pièce E-8, soit la note de service de Mme Weeks au directeur de l'établissement, n'a jamais été communiquée au fonctionnaire s'estimant lésé.

[90]    Le droit de l'employeur de renvoyer un employé en cours de stage n'est pas un droit exempt de restrictions. Les principes d'équité et de justice naturelle doivent être appliqués. Je crois que l'employeur est tenu, envers ses employés en stage, de s'informer à tout le moins des motifs du mauvais rendement, des problèmes d'attitude ou des absences d'un employé. Si l'employeur avait fait état d'une tendance problématique, il aurait certes dû la régler, mais aucun commentaire n'a été formulé au fonctionnaire s'estimant lésé. L'employeur a approuvé le congé « sans poser de questions ».

[91]    Dans le cas qui nous occupe, la compétence, les aptitudes et le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé n'ont pas été remis en question. Il était classé deuxième après avoir terminé sa formation CORE et a été choisi pour prononcer le discours d'adieu, ce qui indique que ses pairs avaient une haute opinion de lui. L'employeur n'a pas allégué d'insubordination, d'impolitesse ou d'inconduite. Le seul motif de renvoi en cours de stage était l'usage de ses congés de maladie et de ses congés pour obligations familiales.

[92]    Avant de prononcer et de rendre une décision, le décideur doit s'informer et prendre connaissance des faits. Je crois que le directeur de l'établissement a fondé sa décision sur une intention honnête; toutefois, il ne s'est pas appuyé sur tous les faits pertinents.

[93]    Je conclus donc que même s'il existe peut-être un problème lié à l'emploi, l'employeur n'a pas respecté son propre document, qui établit des principes d'équité et définit la bonne foi. Je conclus également que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est acquitté de son fardeau d'établir la mauvaise foi, car l'employeur n'a pas fait preuve de la diligence qui aurait fourni au fonctionnaire s'estimant lésé une occasion de discuter, de se défendre ou d'apporter les ajustements nécessaires pour satisfaire aux exigences de son poste.

[94]    Par conséquent, pour les motifs mentionnés précédemment, je conclus que cette affaire m'a été soumise à juste titre et s'inscrit dans la compétence de cette Commission.

[95]    J'aimerais faire observer que dans The Encyclopaedia of Words and Phrases Legal Maxims, 47e supplément cumulatif, mars 2004, volume 2, sous le terme [traduction] « bonne foi et équité », il est énoncé :

[Traduction]

L'obligation de bonne foi et d'équité (qui incombe à un employeur dans le contexte du renvoi d'un employé sans motif valable) ne peut être définie de façon précise. Toutefois, je crois à tout le moins que dans le cadre de renvois, les employeurs doivent être francs, raisonnables, honnêtes et sincères avec leurs employés et qu'ils devraient s'abstenir d'adopter un comportement qui est injuste ou de mauvaise foi en étant, par exemple, trompeurs ou exagérément insensibles.

[C'est nous qui soulignons.]

[96]    L'employeur s'est acquitté de son fardeau de preuve, qui consistait à établir une cause liée à l'emploi; toutefois, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est déchargé de son fardeau de la preuve en prouvant la mauvaise foi.

[97]    Le présent grief est accueilli. Dave Dhaliwal doit être réintégré à l'Établissement Matsqui dans les deux semaines de la date de la présente décision et a droit à la rémunération et aux avantages sociaux dont il aurait bénéficié à partir du 28 mai 2003.

[98]    Compte tenu de ma décision, je ne commenterai pas l'allégation du fonctionnaire s'estimant lésé selon laquelle le renvoi en cours de stage était inopportun, car l'employeur n'a pas satisfait à l'exigence du préavis de 30 jours prévue dans la LEFP.

[99]    Je demeurerai saisi de la présente affaire pour une période de 30 jours au cas où les parties seraient confrontées à des difficultés dans l'application de la présente décision.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 6 août 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.