Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Congé de comparution - Fonctionnaire s'estimant lésé partie à une procédure civile - Témoignage dans sa propre cause - Groupe de la médecine vétérinaire - le fonctionnaire s'estimant lésé a été victime d'un accident de travail - la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec a reconnu qu'il faisait l'objet d'une << rechute, récidive ou aggravation >> d'une lésion professionnelle - l'employeur a contesté cette décision devant la Commission des lésions professionnelles du Québec (C.L.P.Q.) - le fonctionnaire s'estimant lésé a été convoqué à une audience devant la C.L.P.Q. - il a demandé à l'employeur de lui accorder un congé de comparution à cet effet - l'employeur a rejeté sa demande - le fonctionnaire s'estimant lésé a comparu devant la C.L.P.Q. et a témoigné à l'audience devant elle - la disposition de la convention collective applicable en l'espèce précise que << [u]n congé payé est accordé à tout employé [...] qui est obligé [...] assister, sur assignation ou sur citation, comme témoin à une procédure [...] >> - l'arbitre de grief a conclu que, bien que le fonctionnaire s'estimant lésé ait été convoqué à l'audience devant la C.L.P.Q. à titre de partie, il ne l'a pas été à titre de témoin - le fait qu'il ait témoigné à cette occasion n'est pas déterminant en l'espèce - le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas droit à un congé de comparution aux termes de la convention collective. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-02-11
  • Dossier:  166-32-32701
  • Référence:  2005 CRTFP 18

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARCEL ASSELIN

fonctionnaire s’estimant lésé

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

 

Devant : Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Frédéric Durso, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l’employeur : Anne-Marie Le Bel, stagiaire en droit


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 21 septembre 2004.


[1]   Marcel Asselin est à l’emploi de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (A.C.I.A.). Le 19 juin 2002, il s’absente pour une audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles du Québec (C.L.P.Q.).

[2]   M. Asselin considère qu’il a droit à un congé payé pour comparution comme témoin conformément à la clause 15.01 de la convention collective conclue le 27 mai 2002 entre l’A.C.I.A. et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, relativement à l’unité de négociation du groupe de la médecine vétérinaire (VM). L’employeur n’est pas de cet avis et considère que le fonctionnaire s’estimant lésé doit demander un congé annuel ou compensatoire.

[3]   Il y a plusieurs échanges de correspondance entre les parties et finalement, en décembre 2002, le fonctionnaire s’estimant lésé dépose un grief. Ce dernier est renvoyé à l’arbitrage en septembre 2003 et l’audience a lieu en septembre 2004.

[4]   Dès le début de l’audience, les parties conviennent de déposer un énoncé conjoint des faits (pièce F-1).

[5]   Aucun témoignage n’est entendu. Cependant, en plus de l’énoncé des faits, les documents suivants sont déposés en preuve :

F-2 – Avis d’enquête et d’audition de la C.L.P.Q. convoquant M. Asselin pour le 20 décembre 2001 ;

F-3 – Avis d’enquête et d’audition de la C.L.P.Q. convoquant M. Asselin pour le 19 juin 2002 ;

F-4 – Lettre de l’employeur signifiant que la demande d’absence de M. Asselin devait être faite soit pour un congé annuel ou un congé compensatoire ;

F-5 – Lettre de l’employeur réitérant que la demande d’absence de M. Asselin devrait être faite soit pour un congé annuel ou un congé compensatoire ;

F-6 – Relevé de paiement montrant une coupure pour congé sans solde, le 19 juin 2002 ;

F-7 – Lettre de l’agent négociateur faisant parvenir à l’employeur la demande de congé de M. Asselin ;

F-8 – Copie de la Demande de congé et rapport d’absence rempli par M. Asselin pour la journée du 19 juin 2002.

Les faits

[6]   Selon l’énoncé conjoint des faits présenté par les parties (pièce F-1), les faits sont les suivants :

[…]

  1. Le fonctionnaire s’estimant lésé, M. Marcel Asselin, (ci-après : l’employé) est un vétérinaire de classe VM-02 à l’emploi de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ci-après : l’employeur) au poste de vétérinaire d’inspection à la division de l’hygiène des viandes ;

  2. À l’époque pertinente, l’employé était membre de l’unité de négociation du groupe médecine vétérinaire (VM) et était visé par la convention collective intervenue entre l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments ;

  3. Le 29 mai 2000, l’employé a fait une demande à la CSST pour faire reconnaître sa condition de santé comme étant une « rechute récidive ou aggravation » (RRA) d’une lésion professionnelle antérieure. Dans une décision datée du 28 septembre 2000, la CSST accepte la réclamation de l’employé ;

  4. L’employeur demande une révision de la décision de la CSST. Dans une décision rendue le 10 août 2001, la Direction de la révision administrative (DRA) confirme la décision initiale ;

  5. Le 11 septembre 2001, l’employeur produit une contestation auprès de la Commission des lésions professionnelles lui demandant d’infirmer les décisions rendues antérieurement par la CSST et de déclarer que l’employé n’a pas subi de rechute récidive ou aggravation de la lésion professionnelle ;

  6. Le 20 septembre 2001, la Commission des lésions professionnelles (ci-après : CLP) achemine aux parties un avis d’enquête et audition ;

  7. Le 26 février 2002, les parties ont été avisées que l’audition aurait lieu le 19 juin 2002 ;

  8. L’audience a été tenue devant la CLP le 19 juin 2002 ;

  9. Le 19 juin 2002, l’employé s’est absenté du travail.

  10. L’employé était représenté par Me. [sic] Valérie Charrette lors de cette audience et a alors été appelé à livrer son témoignage ;

  11. Dans une lettre datée du 2 octobre 2002, l’employeur réitère sa demande auprès de l’employé afin que lui soit remis un formulaire de demande de congé pour la journée du 19 juin 2002. L’employeur précise alors que le type de congé à être demandé devrait être un congé annuel ou compensatoire ;

  12. Dans cette même lettre, l’employeur précise que le défaut de remettre une demande de congé pour la journée du 19 juin 2002 avant le 18 octobre 2002, obligerait l’employeur à considérer cette absence comme un congé sans solde et qu’en [sic] conséquence, l’employeur devrait retirer de la paye de l’employé le salaire qui lui avait été versé pour la journée du 19 juin 2002 ;

[…]

Arguments des parties

[7]   Le fonctionnaire s’estimant lésé soutient qu’il a été convoqué lors de l’audience devant la C.L.P.Q. et qu’il a effectivement témoigné.

[8]   Il réfère aux décisions suivantes : Brown c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-2-15432 (1986) (QL) ; Bernard c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-2-19000 (1989) (QL) ; Hedley c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-2-14744 (1985) (QL).

[9]   Compte tenu du fait que M. Asselin a été convoqué devant la C.L.P.Q. et qu’il a témoigné, il a le droit de bénéficier de la clause C15.01 de la convention collective et peut obtenir un congé payé.

[10]   De son côté, l’employeur soutient que le fonctionnaire s’estimant lésé avait intérêt à assister à l’audience devant la C.L.P.Q. et que, en fait, il n’y allait pas comme témoin, mais comme partie au litige.

[11]   Au soutien de ses prétentions, l’employeur réfère aux décisions Brière c. Conseil du Trésor (Solliciteur général), dossier de la CRTFP 166-2-15157 (1986) (QL) ; Guenot c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 168-2-111 (1976) (QL).

Motifs de la décision

[12]   Bien que les décisions citées par les parties apportent un éclairage sur la notion d’assignation et d’obligation, je crois personnellement qu’il est utile d’analyser la convention collective et de se référer à l’ensemble des dispositions relatives aux congés pour interpréter chacune d’elles.

[13]   À l’examen des clauses de congés relatives aux questions d’audience, d’enquête et de litige, on peut dégager les constatations suivantes.

[14]   Les parties signataires à la convention collective connaissent bien la notion de partie, de plaignant ou de témoin et font référence à ces termes de façon spécifique.

[15]   L’article C20 – Congé pour les questions concernant les relations de travail / Commission des relations de travail dans la fonction publique, relatif aux congés pour les questions concernant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (C.R.T.F.P.), fait référence au congé accordé au fonctionnaire qui dépose une plainte (la sous-clause C20.01a) et, distinctement, au fonctionnaire, cité comme témoin.

[16]   La sous-clause C20.06a) prévoit un congé au fonctionnaire, constitué en partie dans une cause d’arbitrage du grief et accorde distinctement un congé à un témoin cité par un fonctionnaire constitué en partie dans une cause de ce genre.

[17]   Dans les autres cas d’audience, la convention collective ne fait pas allusion à la partie au litige mais se réfère simplement à l’assignation ou la citation comme témoin.

C15.01 Un congé payé est accordé à tout employé qui n’est ni en congé non payé, ni en congé d’éducation, ni en état de suspension et qui est obligé :

[…]

  1. assister, sur assignation ou sur citation, comme témoin à une procédure qui a lieu :

    1. dans une cour de justice ou sur son autorisation ou devant un jury d’accusation ;

    2. devant un tribunal, un juge, un magistrat ou un coroner ;

    3. devant le Sénat ou la Chambre des communes du Canada ou un de leurs comités, dans les circonstances autres que celles où il exerce les fonctions de son poste ;

    4. devant un conseil législatif, une assemblée législative ou une chambre d’assemblée, ou un de leurs comités, autorisé par la loi à sommer des témoins à comparaître devant lui ;

      ou

    5. devant un arbitre, une personne ou un groupe de personnes autorisées par la loi à faire une enquête et à sommer des témoins à comparaître devant lui.

[18]   Compte tenu du fait que les clauses s’interprètent les unes par rapport aux autres, la seule interprétation à donner à la sous-clause C15.01c) est que la raison fondamentale de l’absence du fonctionnaire doit provenir du fait qu’il est obligé de s’absenter parce qu’il est assigné comme témoin devant un enquêteur ou une cour de justice.

[19]   Dans le présent dossier, il s’agit d’une cause reliée à un accident de travail. La convention collective prévoit certains congés pour accident au travail (article C17 – Congé payé pour accident du travail) mais ne stipule rien sur la question de comparution devant un tribunal. Dans ce cas, il faut s’en remettre aux dispositions générales, relativement au témoin assigné devant une cour de justice.

[20]   L’employeur a fait référence à la décision Guenot (supra). Il s’agit là d’un renvoi quant à une question de droit à l’occasion duquel la C.R.T.F.P. confirme la décision de l’arbitre, stipulant que le droit au congé s’applique à un fonctionnaire tenu d’assister, sur assignation ou citation, comme témoin. Cette même décision reprend les propos de l’arbitre dans l’affaire Evans c. Conseil du Trésor (Ministère des Postes), dossier de la CRTFP 166-2-605 (1972), qui a déterminé que le fonctionnaire a droit à un congé payé, même s’il est peut-être intéressé à la procédure ou s’il est appelé à témoigner.

[21]   Cette partie de la décision n’est pas nécessairement applicable au présent dossier, car le texte de la convention collective, applicable dans le cas Evans (supra) est très différent du texte de l’article C15 - Congé payé pour comparution. En effet, dans le cas Evans (supra), on se réfère à la clause suivante :

[…]

Un congé payé doit être accordé à tout employé […] qui est appelé à faire partie d’un jury ; ou par assignation ou sommation, à assister en qualité de témoin ou fournir une preuve satisfaisante démontrant qu’il a assisté comme témoin à (une des procédures énumérées).  

[…]

Dans ce cas, il y avait deux possibilités qui s’offraient au fonctionnaire ; il devait être assigné comme témoin ou fournir la preuve qu’il avait assisté comme témoin.

[22]   Le cas qui nous occupe est très différent. Le fonctionnaire prétend avoir été obligé de s’absenter parce qu’il est tenu d’assister, sur assignation ou sur citation, comme témoin à une procédure.

[23]   M. Asselin dépose comme preuve qu’il est tenu d’assister à l’audience du 19 juin 2002 par une convocation de la C.L.P.Q. et ajoute qu’il a effectivement témoigné lors de l’audience.

[24]   Il faut se demander si ce qui précède fait preuve qu’il était tenu d’assister comme témoin.

[25]   L’examen de la convocation déposée par M. Asselin démontre qu’elle fait référence aux articles 429.15 et 429.17 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles du Québec (L.A.T.M.P.Q.).

[26]   Ces articles sont libellés comme suit :

Article 429.15

Si une partie dûment avisée ne se présente pas au temps fixé pour l’audition et qu’elle n’a pas fait connaître un motif valable justifiant son absence ou refuse de se faire entendre, la Commission des lésions professionnelles peut néanmoins procéder à l’instruction de l’affaire et rendre une décision.

Article 429.17

Les parties peuvent se faire représenter par une personne de leur choix.

[27]   Les documents déposés en preuve par le fonctionnaire s’estimant lésé ne démontrent pas qu’il était tenu d’assister comme témoin mais, bien au contraire, que ces documents s’adressent à une partie au litige, puisqu’elle peut s’y faire représenter, ce qui n’est pas le propre d’un témoin.

[28]   Il est clair que la convention collective ne prévoit pas d’absence avec congé payé pour une partie à un litige, sauf dans le cas du grief ou plainte, devant la C.R.T.F.P. Lorsqu’il y a dualité de rôle de la part d’un employé qui est parti et qui témoigne, il est important que la clause C15.01 soit interprétée de façon restrictive pour éviter de faire indirectement ce qu’on ne peut pas faire directement, en accordant indirectement un congé payé pour une partie à une cause civile ou autre.

[29]   En ce sens, le fonctionnaire doit démontrer que, s’il n’avait pas eu l’obligation d’assister comme témoin à une audience, il ne se serait pas absenté de son travail.

[30]   Dans le présent cas, M. Asselin a fait preuve du contraire, en justifiant son absence par une convocation à comparaître comme partie au litige. Il semble évident qu’il avait intérêt à être présent pour soutenir sa cause.

[31]   Le fait qu’il a témoigné à l’audience n’est qu’un incident connexe qui est survenu pendant son absence pour assister à un litige auquel il est parti.

[32]   La preuve documentaire déposée par le fonctionnaire lors de l’audience démontre qu’il a été assigné comme partie au litige, ce qui diffère de la clause C15.01 visant l’obligation d’assister comme témoin.

[33]   Pour ces motifs, je rejette le grief.

Jean-Pierre Tessier,
Commissaire

OTTAWA, le 11 février 2005.

 

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