Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Interprétation de la convention collective - Description de travail - Rémunération par intérim - Groupe CS - Délais - le fonctionnaire s'estimant lésé, occupant un poste des groupe et niveau CS 01, conteste la date d'entrée en vigueur de sa description de travail et le refus de l'employeur de lui payer une rémunération versée aux groupe et niveau CS-02 pour son travail lié à certains projets qui, selon le fonctionnaire s'estimant lésé, comprennent les tâches d'un poste plus élevé (CS-02) - l'employeur prétend que l'arbitre n'a pas compétence pour déterminer la date d'entrée en vigueur d'une description de travail, puisque cette question relève exclusivement des droits de gestion - l'arbitre a jugé qu'il a la compétence de déterminer si un fonctionnaire a exécuté un ensemble particulier de tâches et de fonctions durant une période précise et d'ordonner que celles-ci soient inscrites dans la description de travail en vertu d'une disposition de la convention collective - toutefois, dans cette affaire, l'arbitre a jugé que les tâches particulières exécutées par le fonctionnaire s'estimant lésé durant la période en question, dans le cadre d'un projet spécial, étaient prévues dans sa description de travail des groupe et niveau CS-01 - à titre de membre d'une équipe de projet spéciale, le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas vu confier la responsabilité de diriger l'équipe, ce qui, selon l'arbitre, distingue fondamentalement les postes CS-01 et CS-02 - par conséquent, le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas droit à une rémunération par intérim en vertu de la convention collective. Les griefs sont rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-01-28
  • Dossiers:  166-2-32741
    166-2-32742
  • Référence:  2005 CRTFP 8

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

RAYMOND J. TEMMERMAN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Ministère du Développement des ressources humaines)

employeur

Devant : Léo-Paul Guindon, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé : Lee M.S. Bettencourt et Lyne Morin, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur : Robert Lindey, avocat


Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
les 1er et 2 juin 2004.


[1]    Le fonctionnaire s'estimant lésé, Raymond J. Temmerman, a présenté deux griefs contre son employeur, Développement des ressources humaines Canada (DRHC), le 3 avril 2002 (dossier de la CRTFP 166-2-32741) et le 2 mai 2002 (dossier de la CRTFP 166-2-32742).

[2]    Dans le premier de ces griefs, le fonctionnaire s'estimant lésé a réclamé une rémunération d'intérim aux groupe et niveau CS-02 pour les trois périodes suivantes :

  • du 4 juillet 1995 au 30 avril 1997, pour son travail au service de DRHC à Morden, au Manitoba, ainsi qu'à la station de recherche d'Agriculture et Agroalimentaire Canada;

  • du 2 janvier au 30 avril 1998, pour son travail de mise en oeuvre de Windows 95 et sur la formation du personnel utilisateur ultime à DRHC;

  • du 4 janvier au 31 mars 1999, pour son travail de mise en oeuvre de Net Wizard et pour les séances de formation du personnel des systèmes à DRHC.

[3]    Au début de l'audience, le fonctionnaire s'estimant lésé a retiré sa demande de rémunération d'intérim pour la première période (du 4 juillet 1995 au 30 avril 1997).

[4]    Dans son second grief, le fonctionnaire s'estimant lésé a contesté la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI datée du 2 mai 2002, avec date d'effet le 1er avril 1998.

[5]    Au tout début de l'audience, l'avocat de l'employeur a soulevé une objection préliminaire quant aux éléments suivants :

  1. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un premier grief contre son employeur le 23 octobre 2000, en réclamant qu'on réécrive sa description de travail. Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a accepté de réécrire ce document; le fonctionnaire s'estimant lésé a signé la nouvelle version le 27 février 2002. Le 2 mai 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un autre grief contestant la date d'effet de la description de travail qu'il avait acceptée en février 2002. Ce faisant, il souhaitait modifier son grief original sur sa description d'emploi, contrairement aux principes établis par la Cour d'appel fédérale dans James Francis Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109.

  2. Les griefs ont été présentés après l'expiration du délai de présentation d'un grief établi par la Cour d'appel fédérale (Canada (Office national du film) c. Coallier, [1983] A.C.F. no 813). Ils concernent des tâches accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé en 1998 et en 1999, mais ont été déposés en avril et en mai 2002. Le principe du respect du délai de présentation d'un grief a été appliqué dans Coquet c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 24.

  3. L'arbitre chargé d'entendre le grief contestant la description de travail peut seulement rendre une décision sur la question très limitée de savoir si cette description est complète et reflète bien les fonctions, conformément au principe établi dans Taylor c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise) , dossier de la CRTFP 166-2-20396 (1990) (QL). Il n'a pas compétence pour changer la date d'effet de la description de travail signée par le fonctionnaire s'estimant lésé le 27 février 2002.

[6]    Selon le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, la preuve devrait démontrer que le grief concernant la description de travail a été présenté dans le délai prescrit parce que la date d'effet du 1er avril 1998 a été ajoutée après qu'il eut signé sa description de travail, en février 2002. De plus, la recevabilité du grief portant sur la rémunération d'intérim n'a pas été soulevée au cours de la procédure de règlement des griefs. L'employeur a donc renoncé à son droit de la soulever à l'audience devant l'arbitre.

[7]    J'ai pris l'objection préliminaire en délibéré, en déclarant aux parties que je recevrais leur preuve sur le bien-fondé des griefs et que je me prononcerais sur l'objection dans mes motifs de décision.

La preuve

Grief contestant la description de travail (dossier de la CRTFP 166-2-32742)

[8]    Le paragraphe 20.02 de la convention collective signée par le Conseil du Trésor et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) le 28 juin 2001 (Code : 303; date d'expiration : 30 avril 2002) se lit comme suit (pièce G-2) :

20.02Sur demande écrite, tout employé a droit à un exposé complet et courant des fonctions et des responsabilités de son poste, y compris le niveau de classification du poste et la cote numérique de chaque facteur, et à un organigramme montrant la situation du poste dans l'organisation.

[9]    Au moment où le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé ce grief, il travaillait comme spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI pour DRHC à Morden, au Manitoba.

[10]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a exposé son grief en ces termes (pièce G-4) :

[Traduction]

Je proteste contre la lettre de John Allardyce datée du 14 mars 2002 (que j'ai reçue le 2 avril 2002) m'informant que la description de travail du poste de technicien en GI/TI/spécialiste en micro-ordinateurs est réputée par le Ministère être ma description de travail en vigueur rétroactivement au 1er avril 1998.

[11]    Dans une déclaration annexée au grief, il a précisé le redressement qu'il réclame : (pièce G-4) :

[Traduction]

Que le Ministère modifie la date d'effet de la description de travail pour qu'elle corresponde soit à la date à laquelle on m'a officiellement informé qu'elle devait être ma nouvelle description de travail officielle (conformément à la réponse de D. McCullough à mon grief datée du 26 novembre 2001), soit à la date d'effet précisée dans la description de travail elle-même, le 3 octobre 2001.

[12]    Le poste de coordonnateur de l'automatisation du fonctionnaire s'estimant lésé (no de poste 62674) avait une description de travail prenant effet le 1er avril 1992. Il était classifié originalement aux groupe et niveau AS-01 (pièce G-5); il a été reclassifié CS-01 le 29 mai 1995, avec date d'effet le 1er avril 1995 (pièce G-6).

[13]    Comme de nombreux changements techniques se sont produits entre 1995 et 1997, la direction a produit une description de travail pour le poste d'analyste du soutien technique à la suite d'une réunion ayant eu lieu le 19 janvier 1998 (pièce G-7). Cette description de travail est réputée constituer la version définitive de celle du poste d'analyste du soutien technique; le fonctionnaire s'estimant lésé l'a signée le 11 février 1999 (pièce G-8), attestant ainsi qu'il avait lu la description de travail du poste.

[14]    Le 4 août 1999, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé qu'on reclassifie son poste de CS-01 à CS-02 (pièce G-9). Cette reclassification du poste d'analyste du soutien technique reflète les discussions relatives aux fonctions accomplies par l'intéressé, qui a précisé ce qu'il réclamait de la façon suivante :

[Traduction]

         Je vous écris pour réclamer officiellement la reclassification de mon poste (no 62674) de CS1 à CS2.

         Depuis novembre 1997, j'ai participé avec les quatre administrateurs de réseaux locaux de la Région du Sud à une série de discussions avec le directeur de la Région au sujet de nos classifications comme CS-1 et des fonctions que nous accomplissons présentement. J'ai aussi participé en 1998 à d'autres réunions à la suite desquelles plusieurs ententes ont été conclues. Il s'agissait des activités suivantes :

  1. vérifications des tâches des administrateurs des réseaux locaux existants de la Région du Sud; ces vérifications devaient porter sur au moins un poste rural et un poste central;

  2. toutes les mesures de dotation qui auraient résulté de ces vérifications devaient prendre effet le 1er avril 1998.

         En février 1999, après avoir été informé que R.H.W avait formé une unité spéciale chargée des reclassifications, j'ai écrit une description de mon travail, dans le cadre de ma demande de reclassification de CS1 à CS2. Cette demande a été approuvée par le gestionnaire de RHC à Morden, puis envoyée à l'administration centrale régionale pour traitement. On m'a informé que la description de travail avait été reconnue comme étant au niveau CS2.

         Je crois toutefois que le moment est venu pour qu'on prenne des mesures afin de répondre à ma demande dans la structure de direction existante.

Je vous demande donc que :

  1. dans les 30 jours de la présente note de service, on me verse une rémunération d'intérim comme CS2 à compter du 1er avril 1998;

  2. dans les 30 jours de la présente note de service, je sois nommé pour une période indéterminée CS2 dans mon poste actuel (62674), à compter du 1er avril 1998.

[15]    Dans sa réponse, le directeur n'a pas nié avoir été au courant de ces questions depuis novembre 1997. Il a déclaré ce qui suit au sujet des fonctions accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé (pièce G-10) :

[Traduction]

[...]

         3)    Doug Kelly va déployer tous les efforts raisonnables pour mener à bien l'examen de vos activités professionnelles en faisant réaliser une vérification indépendante de vos tâches et en vous interrogeant. Les résultats de cette démarche vous seront communiqués au plus tard le lundi 4 octobre 1999.

         S'il en résulte une décision que vous vous êtes acquitté des fonctions d'un CS-2, nous prendrons des mesures afin de vous dédommager financièrement pour la période durant laquelle vous avez accompli les fonctions d'un CS-2.

[16]    On a lancé un concours pour choisir un analyste du soutien technique, et la direction a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'elle ne pouvait nommer unilatéralement ni lui, ni qui que ce soit d'autre pour une période indéterminée à un poste de CS-02. L'IPFPC, l'agent négociateur du fonctionnaire s'estimant lésé, a proposé à la direction de mettre la procédure de concours en suspens en attendant qu'une décision soit rendue sur la classification du poste (pièce G-11). Le 7 octobre 1999, la direction a répondu que les résultats de la vérification des fonctions accomplies comparativement à la description de travail proposée n'étaient pas encore connus, mais qu'elle s'attendait à ce que les constatations des responsables soient disponibles sous peu, pour faire avancer le processus de reclassification (pièce G-12). Elle a confirmé qu'elle voulait régler le problème de reclassification avant de faire une nomination pour une période indéterminée dans le contexte du concours de dotation d'un poste de CS-02.

[17]    Le 13 mars 2000, le poste de coordonnateur de l'automatisation (no 62674) a été évalué aux groupe et niveau CS-01 à compter du 1er avril 1998 (pièce G-13). Jeannine Dumaine, la consultante en Ressources humaines, a rédigé un rapport sur la demande de reclassification du poste de coordonnateur de l'automatisation à Morden (Manitoba) daté du 13 mars 2000 (pièce G-13). Ce rapport faisait suite à une vérification des fonctions accomplies réalisées par Linda Franche à l'été/l'automne 1999, en fonction d'une analyse des niveaux du personnel technique. Mme Dumaine précisait que les responsabilités du fonctionnaire s'estimant lésé à titre de coordonnateur de l'automatisation à Morden lui prenaient en moyenne 40 % de son temps, et qu'il s'agit fondamentalement de fonctions à temps partiel. Néanmoins, les responsabilités confiées au poste étaient la principale raison d'être de l'évaluation de sa classification qui demeurait inchangée aux groupe et niveau CS-01. Quant au travail que le fonctionnaire s'estimant lésé accomplissait à l'extérieur du bureau de Morden, le rapport concluait ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Il reste cependant la question des tâches supplémentaires (à l'extérieur du bureau) que M. Temmerman déclare avoir régulièrement accomplies. Il a décrit ces tâches comme suit :

« La mise en oeuvre de Windows 95 (dans tout le sud du Manitoba et à Winnipeg, y compris toute la formation - pour laquelle j'ai fait exactement le même travail que Stan Barter et Perry Houvardas, qui étaient pourtant CS2 alors que j'étais CS1); le système RAS NT, avec Stan Barter, et NetWizard avec Gerry Nadeau (j'ai alors montré à des CS1 et des CS2 comment faire le travail à leur niveau); et enfin la formation sur FrontPage, y compris l'installation des postes de travail NT et l'aménagement de la salle de cours. »

De toute évidence, ce genre de travail n'a rien à voir avec les fonctions et responsabilités relatives aux utilisateurs ultimes au lieu de travail ainsi qu'au soutien des systèmes du coordonnateur de l'automatisation au bureau de Morden de RHC, c'est-à-dire avec le poste faisant l'objet de cet examen. Ces tâches peuvent représenter les fonctions qu'on a demandé à M. Temmerman d'accomplir pour le compte des Systèmes régionaux et/ou de la Direction générale du Sud, pour des raisons d'intérêts personnels, de qualifications et/ou de disponibilité. Selon la nature et la durée des tâches accomplies, les circonstances et les conditions auxquelles on lui a offert de les accomplir et auxquelles il les a acceptées ainsi que les dispositions pertinentes de la convention collective des CS, M. Temmerman pourrait avoir droit à une rémunération d'intérim. Toutefois, on ne lui a pas confié ces tâches en raison des fonctions et des responsabilités de son poste d'attache de coordonnateur de l'automatisation au CRH de Morden. Par conséquent, cela ne peut absolument pas influer sur la classification du poste de coordonnateur de l'automatisation.

Je conseillerais à tous ceux qui ont participé aux tâches temporaires décrites par M. Temmerman de vérifier s'il pourrait être justifié de reconnaître qu'il a droit à une rémunération d'intérim, compte tenu de toutes les circonstances pertinentes. Pour obtenir des conseils à cet égard, veuillez consulter Rachelle Ginsberg, la chef des Opérations des RH, au (...), puisque je serai absente du 6 au 31 mars inclusivement.

[18]    Le rapport de la vérification des fonctions accomplies par l'intéressé en fonction de son analyse des niveaux du personnel technique que Linda Franche a rédigé a été déposé en tant que pièce G-14. L'auteure a précisé ce qui suit en ce qui concerne le fonctionnaire s'estimant lésé :

[Traduction]

Ray Temmerman :

Avec un effectif de dix personnes à Morden et un environnement technique extrêmement stable, Ray estime consacrer au maximum deux jours par semaine au soutien technique du bureau. La taille du bureau limite l'envergure de ses fonctions. La salle du réseau local est beaucoup plus petite, et les besoins techniques sont minimes. Il a participé à des tâches de gestion de projet en vue de la mise en oeuvre de différents systèmes, comme c'était le cas récemment pour Net Wizard.

Il consacre une partie de son temps à la conception et au soutien du site Web, ainsi qu'à des analyses d'IMT pour le bureau de Morden. Ces activités ne correspondent pas à celles de la description de travail d'un analyste du soutien technique et ne sont donc pas analysées ici. Ray travaille aussi actuellement à des projets spéciaux pour l'administration centrale régionale; il produit de la documentation technique et du matériel de formation. Même si son travail pour l'administration centrale régionale est de la compétence d'un CS2, il n'en est pas tenu compte dans la présente analyse, puisque ce n'est pas un facteur de la description de travail ni des responsabilités techniques permanentes du bureau local.

En raison de ces faits, il appert que Ray ne travaille pas actuellement comme CS2 à titre d'analyste du soutien technique au bureau de Morden.

[19]    Le 28 mars 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief de classification pour contester la classification de son poste aux groupe et niveau CS-01 (coordonnateur de l'automatisation/analyste du soutien technique, no de poste 62674) le 13 mars 2000 (pièce G-15).

[20]    Sur les conseils d'un représentant de son agent négociateur, il a présenté le 23 octobre 2000 un grief contestant sa description de travail et demandé que son grief de classification soit suspendu (pièce G-16). À son avis, il faut clarifier sa description de travail avant qu'on ne puisse réévaluer la classification de son poste.

[21]    En février 2001, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est dit frustré par le temps que le Ministère mettait à prendre une décision finale sur la révision de sa description de travail et sur sa classification (pièce G-17). L'employeur estime pour sa part qu'il s'agit là de deux questions distinctes, comme il l'a précisé dans sa réponse datée du 13 février 2001 (pièce G-18) :

[Traduction]

[...]

1      Quels sont les besoins d'automatisation du bureau de Morden...

2      Qu'est-ce que vous avez fait d'autre et comment cela influe-t-il sur votre description de travail, ou s'agit-il plutôt de quelque chose que vous vous êtes porté volontaire pour accomplir si le temps vous le permettait?

[...]

[22]    Le 11 avril 2001, dans sa réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a rejeté la requête du fonctionnaire s'estimant lésé en déclarant que : [traduction] « les activités concernées étaient volontaires, de développement et ne sont pas des exigences reliées aux fonctions de votre poste » (pièce G-19). Au deuxième palier, l'employeur a déclaré ce qui suit le 26 novembre 2001 (pièce G-20) :

[Traduction]

[...]

La mesure corrective réclamée est que votre description de travail soit réécrite pour refléter correctement l'envergure, la portée et la complexité de votre poste. On m'a informé que vous avez récemment pris part - après l'audition de votre grief au deuxième palier - à un appel conférence avec un représentant du projet de la NGC (rédaction de descriptions de travail) de la Direction des systèmes, au cours duquel on vous a donné des explications sur les points que vous contestiez quant à l'envergure, la portée et la complexité des fonctions qui vous sont confiées.

On vous a aussi donné une description de travail intitulée spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (3 octobre 2001) que vous avez acceptée comme reflétant fidèlement l'envergure, la portée et la complexité des fonctions et des responsabilités qui vous sont confiées.

[23]    La description de travail de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (3 octobre 2001) a été déposée en tant que pièce G-22, avec la décision concernant la révision de la classification rendue le 14 mars 2002. Le poste a été classifié aux groupe et niveau CS-01 à compter du 1er avril 1998. La description de travail précise notamment ce qui suit, sous la rubrique des « Activités principales » :

[Traduction]

Activités principales

[...]

Préparer la documentation nécessaire et donner des avis, des conseils, des instructions et de la formation magistrale ou individuelle au personnel et aux clients en ce qui concerne l'utilisation des micro-ordinateurs, des périphériques, des applications et des logiciels de la plate-forme.

[...]

Participer comme membre aux travaux des équipes de projet ainsi qu'à des comités, des réunions, des conférences, des ateliers et des activités spéciales.

[...]

[24]    Il est précisé dans la description de travail que le fonctionnaire s'estimant lésé l'a signée le 27 février 2002, en reconnaissant qu'on lui avait [traduction] « donné la possibilité de faire des commentaires sur cette description de travail ». Dans son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il n'avait jamais porté le grief au troisième palier, parce qu'il avait obtenu les modifications qu'il avait réclamées de sa description de travail. La description de travail qu'il a signée le 27 février 2002 était un exposé complet et à jour des fonctions et responsabilités de son poste à cette date-là. En outre, il a expliqué qu'on était en train de rédiger une description de travail générique (description de travail de la Norme nationale des CS) et que cette démarche va entraîner la révision et la mise à jour des descriptions de travail d'ici peu. Il a témoigné qu'il ne savait pas la date d'effet de sa description de travail le jour où il l'a signée. C'est quand il a reçu la décision de classification, le 14 mars 2002, qu'il a appris que c'était le 1er avril 1998.

[25]    Le 22 avril 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé a réclamé qu'on change la date d'effet de la classification de son poste (pièce G-23) :

[Traduction]

[...]

Ma principale réserve pour le moment (mais pas la seule) est la date d'effet de la classification.

Je ne pense pas qu'il soit possible que cette date soit le 1er avril 1998, étant donné que la description de travail elle-même n'a été rédigée que le 3 octobre 2001. Je ne puis sûrement pas être tenu responsable de l'exécution de fonctions conformément à une description de travail qui n'existait pas et dont personne ne savait qu'elle existerait.

Dans la pire des éventualités, il semblerait qu'un gestionnaire pourrait verser dans mon dossier une note disciplinaire postdatée jusqu'au 1er avril 1998 me reprochant de ne pas avoir accompli des fonctions prévues dans la description de travail actuelle (bien qu'incluses dans l'ancienne description d'emploi).

Je me rends compte que le libellé n'était peut-être qu'une erreur regrettable plutôt qu'il ne signifie vraiment que la description de travail était en vigueur dès le 1er avril 1998, mais je ne peux pas me permettre de prendre cette chance.

Je demande donc que le libellé de l'avis de décision soit modifié pour que la date d'effet ne soit pas antérieure au 3 octobre 2001, voire, ce qui serait préférable, celle à laquelle j'ai signé cette description de travail.

[...]

[26]    Selon Gerry Moe, qui a témoigné pour l'employeur, la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI, datée du 3 octobre 2001 (pièce G-22), incluait les tâches accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé dans le cadre du projet de Windows 95. Ce projet était dirigé par un CS-02 (responsable de la mise en oeuvre à l'échelle nationale). Le fonctionnaire s'estimant lésé et un autre CS-01 faisaient partie de l'équipe de mise en oeuvre et avaient modifié le matériel de formation.

[27]    Pour ce qui est de la participation du fonctionnaire s'estimant lésé à la mise en oeuvre et en service de Net Wizard, M. Moe a dit qu'il aidait le CS-02 responsable du projet et faisait partie de l'équipe qui en était chargée, avec le chef d'équipe CS-02.

[28]    M. Moe estime que ces projets étaient visés aux paragraphes 5 et 7, de la rubrique des Activités principales de la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (pièce G-22) :

[Traduction]

[...]

Préparer la documentation nécessaire et donner des avis, des conseils, des instructions et de la formation magistrale ou individuelle au personnel et aux clients en ce qui concerne l'utilisation des micro-ordinateurs, des périphériques, des applications et des logiciels de la plate-forme.

[...]

Participer comme membre aux travaux des équipes de projet ainsi qu'à des comités, des réunions, des conférences, des ateliers et des activités spéciales.

[...]

[29]    Le CS-02 chargé des fonctions d'analyste du soutien technique a plus de responsabilités que le fonctionnaire s'estimant lésé quant aux équipes de projet. Il dirige de telles équipes (paragraphe 6 des Activités principales) et en est membre (paragraphe 8), conçoit et donne de la formation (paragraphe 10) et prépare du matériel de formation (paragraphe 14) (pièce G-31). Le CS-02 est responsable de la prestation de la formation et des modifications du matériel de formation, tandis que le CS-01 participe à ces tâches en tant que membre de l'équipe de projet, sans toutefois en être responsable.

[30]    En contre-interrogatoire, M. Moe a reconnu que les deux descriptions de travail (pièces G-22 et G-27) avaient été rédigées le 3 octobre 2001, après que le fonctionnaire s'estimant lésé eut accompli les tâches qu'on lui avait confiées dans les projets de Windows 95 et de Net Wizard.

Grief réclamant une rémunération d'intérim (dossier de la CRTFP 166-2-32741)

[31]    Le paragraphe 47.05 de la convention collective signée le 28 juin 2001 (Code : 303; date d'expiration : 30 avril 2002) se lit comme suit (pièce G-2) :

47.05   Lorsqu'un employé est tenu par l'Employeur de remplir les fonctions d'un poste de classification ou de niveau supérieur à titre intérimaire, pour une période d'au moins trois (3) jours ouvrables consécutifs, il reçoit une rémunération provisoire, calculée à partir de la date à laquelle il a commencé son intérim et équivalente à celle qu'il aurait reçue s'il avait été nommé à ce même niveau de classification supérieur, pour la période au cours de laquelle il assure l'intérim. Lorsqu'un jour désigné comme jour férié payé survient durant la période de référence, le jour férié est considéré comme jour de travail aux fins de la période de référence.

[32]    La convention collective précédente, signée le 2 décembre 1997 (Code : 303/97; date d'expiration : 30 avril 1999), produite en preuve comme pièce G-1, contenait une disposition analogue, le paragraphe 44.05, à cela près que la période exigée pour justifier une rémunération d'intérim était de dix jours ouvrables consécutifs.

[33]    Comme précisé au deuxième paragraphe de la présente décision, le fonctionnaire s'estimant lésé réclame une rémunération d'intérim pour deux périodes (pièce G-3), à savoir :

  • du 2 janvier au 30 avril 1998, pour son travail de mise en oeuvre de Windows 95 et sur la formation du personnel utilisateur ultime à DRHC;

  • du 4 janvier au 31 mars 1999, pour son travail de mise en oeuvre de Net Wizard et pour les séances de formation du personnel des systèmes à DRHC.

[34]    Ce grief-ci a été déposé le 3 avril 2002; il donne suite à une lettre datée du 13 juillet 2001 que le fonctionnaire s'estimant lésé avait adressée à son gestionnaire (pièce G-3). Il a explicitement réclamé une rémunération d'intérim en avançant les arguments suivants :

[Traduction]

[...]

Pour qu'on effectue une révision officielle de ce genre, je réclame donc une rémunération d'intérim comme CS2 pour la période du 2 janvier au 30 avril 1998, durant laquelle j'ai activement participé à la mise en oeuvre de Windows 95 et offert la majorité de la formation au personnel utilisateur ultime de tous les bureaux ruraux du Sud, exception faite de Brandon, et de la plupart des CRH à Winnipeg.

De même, je demande à être reconnu et payé comme CS2 pour la période du 4 janvier au 31 mars 1999, durant laquelle j'ai activement participé à la mise en oeuvre de NetWizard, notamment en concevant une grande partie du matériel de formation et en étant le principal formateur pour la première séance de formation sur NetWizard, au cours de laquelle j'ai formé des membres CS1 et CS2 du personnel des Systèmes. (Gerry Nadeau a été l'instructeur pour une petite partie de cette première séance, après quoi il a assumé ce rôle pour la ou les séances suivantes.)

[...]

[35]    Dans sa lettre du 13 juillet 2001, le fonctionnaire s'estimant lésé soulignait les indications que Mme Dumaine avait données dans sa note de service datée du 9 mars 2000, au sujet de la demande de reclassification qu'il avait soumise (pièce G-13). Ces indications sont citées au paragraphe 17 de la présente décision et découlent du rapport de vérification des tâches de Mme Franche, cité au paragraphe 18 de la présente décision (pièce G-14).

[36]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné que les responsabilités relatives au projet de mise en oeuvre de Windows 95 avaient été confiées au chef de projet CS-02, qui était chargé d'assigner les tâches aux membres de l'équipe et de faire en sorte que la formation nécessaire soit donnée dans tout le pays. Le fonctionnaire s'estimant lésé était responsable de l'assignation des tâches à accomplir à Winnipeg, de concert avec un autre CS-01. Le matériel de formation, conçu à l'échelon national, a été modifié par le fonctionnaire s'estimant lésé selon les besoins.

[37]    Le CS-02 était le gestionnaire du projet de Net Wizard et en assumait la responsabilité globale. C'est lui qui avait demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de concevoir la formation à partir de huit diapositives en PowerPoint. Le fonctionnaire s'estimant lésé a créé 60 diapositives en PowerPoint pour le premier cours qu'il a donné à des CS-01 et CS-02; un autre volet du cours a été présenté aux CS-02 par le gestionnaire du projet.

[38]    Dans ses réponses à chaque palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a rejeté les demandes de rémunération d'intérim pour toutes les périodes visées en déclarant que les fonctions accomplies correspondaient au niveau CS-01.

[39]    Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l'employeur a précisé dans sa réponse qu'il y avait eu des périodes pour lesquelles le fonctionnaire s'estimant lésé avait touché une rémunération d'intérim parce qu'il s'était acquitté des fonctions d'un CS-02. La pièce E-1 révèle que le fonctionnaire s'estimant lésé a été nommé à des postes par intérim à de nombreuses reprises, pour des durées variables, entre le 8 octobre 1999 et le 2 avril 2001, aux groupe et niveau CS-02. Il a témoigné qu'aucune de ces nominations intérimaires ne coïncidait avec les périodes d'intérim réclamées dans son grief.

[40]    M. Moe, qui a témoigné pour l'employeur, a déclaré que le travail accompli par le fonctionnaire s'estimant lésé du 2 janvier au 30 avril 1998 et du 4 janvier au 31 mars 1999 était au niveau CS-01. Les responsabilités de préparer de la documentation et de donner de l'instruction de même que de participer à un projet en tant que membre de l'équipe qui en est chargée figurent dans la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI datée du 3 octobre 2001, qui a été classifié aux groupe et niveau CS-01 (pièce G-22). Par contre, dans la pièce G-31 — la description de travail du poste d'analyste du soutien technique CS-02, datée elle aussi du 3 octobre 2001 —, il est clairement précisé, sous la rubrique des Activités principales, que celles-ci comprennent la direction d'équipes de projet, la participation à ces équipes en tant que membre, la responsabilité de concevoir et d'offrir la formation et la préparation du matériel de formation. Le CS-02 est le chef des équipes de projet et c'est lui qui est responsable de la réalisation des projets; un CS-01, comme le fonctionnaire s'estimant lésé l'était durant ces périodes-là, est simplement membre de l'équipe de projet, tel que précisé dans la pièce G-22.

Arguments pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[41]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que l'employeur a renoncé à contester la recevabilité du grief parce qu'il n'a pas soulevé cette question au cours de la procédure de règlement des griefs. Au paragraphe 2.3130, intitulé [traduction] « Renonciation à invoquer un vice de procédure » de Canada Labour Arbitration, Third Edition, Brown et Beatty, il est précisé ce qui suit :

[Traduction]

[...] en ne contestant pas le non-respect des délais obligatoires avant que le grief ne soit entendu à l'arbitrage, la partie qui aurait dû soulever la question auparavant sera réputée avoir renoncé à invoquer un vice de procédure, et toute objection à l'arbitrabilité du grief ne sera pas accueillie [...]

[42]    Dans Kettle c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-21941 (1991) (QL), l'arbitre a conclu que l'employeur avait renoncé à son droit de soulever la question de la recevabilité du grief.

[43]    L'objection préliminaire à cet égard devrait donc être rejetée.

[44]    Le principe établi dans Burchill, supra, ne saurait être appliqué en l'espèce parce que les faits diffèrent. Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas porté au troisième palier de la procédure son grief du 23 octobre 2000 contestant sa description de travail, parce qu'il partait du principe que l'employeur avait le droit de lui assigner des fonctions, et que la description de travail réécrite qu'il a reçue le 27 février 2002 allait s'appliquer dans l'avenir. C'est lorsqu'on l'a informé de la décision sur la révision de la classification de son poste, le 14 mars 2002, qu'il a su que la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (datée du 3 octobre 2001) prendrait effet rétroactivement au 1er avril 1998.

[45]    La première description de travail du poste de coordonnateur de l'automatisation, en vigueur le 1er avril 1992, était classifiée aux groupe et niveau AS-01. Le 11 février 1999, la description de travail du poste d'analyste du soutien technique a été rédigée pour le Centre des ressources humaines de Morden, et le poste a été classifié aux groupe et niveau CS-01. Le 4 août 1999, le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé que son poste soit reclassifié CS-02.

[46]    Le 23 octobre 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté un grief réclamant qu'on réécrive sa description de travail et mis son grief de classification en suspens. Le 3 octobre 2001, on lui a présenté une nouvelle description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI, et il l'a signée en attestant qu'elle décrivait fidèlement ses fonctions. La date d'effet de cette description de travail n'y était pas précisée. C'est le 14 mars 2002 que l'employeur a informé le fonctionnaire s'estimant lésé que le poste avait été évalué CS-01, en déclarant que la date d'effet de la description de travail était le 1er avril 1998.

[47]    En faisant remonter la description de travail au 1er avril 1998, l'employeur a privé le fonctionnaire s'estimant lésé de son droit d'obtenir une décision sur le grief de classification qu'il avait mis en suspens ainsi que sur sa demande de rémunération d'intérim pour les périodes de 1998 et de 1999.

[48]    L'arbitre devrait rejeter l'objection invoquant le non-respect du délai de présentation du grief puisque l'employeur n'a pas soulevé cette objection au cours de la procédure de règlement des griefs. Au paragraphe 2.3130 de Canadian Labour Arbitration, supra, la doctrine relative à la renonciation est exposée comme suit :

         Dans son application, la doctrine de la renonciation s'applique parallèlement à celle que les tribunaux entendant des affaires au civil qualifient de « nouvelle démarche », en déclarant que la partie qui n'a pas soulevé une objection en temps opportun et qui a traité le grief au fond en dépit d'un vice de procédure manifeste a renoncé à invoquer ce vice de procédure. Autrement dit, en ne contestant pas le non-respect des délais obligatoires avant que le grief ne soit entendu à l'arbitrage, la partie qui aurait dû soulever la question auparavant sera réputée avoir renoncé à invoquer un vice de procédure, et toute objection à l'arbitrabilité du grief ne sera pas accueillie.

[49]    Dans Kettle, supra, l'arbitre a appliqué cette doctrine en concluant ainsi :

[...]

         J'estime que l'employeur aurait dû tâcher d'examiner toutes les questions pendant la procédure applicable aux griefs; il n'aurait pas dû, à la onzième heure (environ huit jours avant l'audience), soulever la question du respect des délais et s'attendre que la Commission admettrait son objection. Son approche est analogue à celle d'une partie qui choisirait de ne pas débattre de toutes les questions devant un tribunal d'instance inférieure (la procédure de règlement des griefs), mais plutôt de le faire au moment d'un appel interjeté devant une instance supérieure (l'arbitre). Un des objets de la procédure applicable aux griefs est de faire en sorte que soient débattues toutes les questions pertinentes, y compris tout vice de procédure.

[...]

         Je conclus donc que l'employeur, en ne soulevant pas la question du respect des délais pendant la procédure de règlement des griefs, s'est trouvé à renoncer à invoquer ce vice de procédure, qu'il ne peut maintenant invoquer à ce stade tardif. Je n'ai pas à décider si le fonctionnaire a été pris par surprise ni s'il a subi un préjudice du fait que l'employeur a soulevé cette objection si tard.

[...]

[50]    Dans la présente affaire, l'employeur a déclaré clairement et sans équivoque au fonctionnaire s'estimant lésé, à l'automne 2001, qu'on rédigerait une description de travail générique au niveau national. Il savait que le grief de classification que le fonctionnaire s'estimant lésé avait signé le 11 février 1999 relativement à sa description de travail était en suspens. En acceptant la description de travail et en attestant qu'elle reflétait fidèlement ses fonctions le 3 octobre 2001, le fonctionnaire s'estimant lésé avait reconnu que l'employeur pouvait assigner des tâches aux employés, et il a témoigné qu'il reconnaissait que la description de travail reflétait effectivement bien ses fonctions à cette date-là.

[51]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé son grief le 2 mai 2002, soit dans les 25 jours ouvrables de l'avis qu'il avait reçu le 2 avril 2002 et dans le délai prévu au paragraphe 33.09 de la convention collective :

33.09   L'employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par le paragraphe 33.03 au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief ou à la date à laquelle il en prend connaissance pour la première fois.

[52]    Au sujet du grief du fonctionnaire s'estimant lésé réclamant une rémunération d'intérim, sa représentante a fait valoir qu'il avait assumé des fonctions débordant le cadre de sa description de travail de coordonnateur de l'automatisation (date d'effet : 01/04/92) quand il a participé à la mise en oeuvre de Windows 95 (de janvier à avril 1998) et de Net Wizard, de même qu'à la formation pour ce second projet (de janvier à mars 1999).

[53]    Mme Dumaine, la consultante en RH, a reconnu que le fonctionnaire s'estimant lésé avait accompli à l'extérieur du bureau de Morden des tâches supplémentaires qui n'avaient rien à voir avec les fonctions et responsabilités du poste de coordonnateur de l'automatisation (pièce G-12). Dans son analyse des niveaux du personnel technique, Mme Franche stipule que ces tâches étaient compatibles avec celles d'un CS-02 et qu'elles ne correspondent pas à la description de travail du poste d'analyste du soutien technique. Ce sont aussi des éléments précisés comme ne correspondant pas à la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé dans l'évaluation de son rendement datée du 26 janvier 2000 (pièce G-26).

[54]    Le fonctionnaire s'estimant lésé n'a touché aucune rémunération d'intérim pour les périodes précisées dans son grief. Ces périodes ne figurent pas parmi celles de la pièce E-1, pour lesquelles il a touché une telle rémunération. M. Moe, qui a témoigné pour l'employeur, n'a pas connaissance de la participation du fonctionnaire s'estimant lésé aux projets de Windows 95 et/ou de Net Wizard.

[55]    Dans ces projets, le fonctionnaire s'estimant lésé a exécuté des fonctions de formation et il a conçu et offert une formation technique. Ces tâches figurent dans la description de travail du poste d'analyste du soutien technique (classifié CS-02) sous la rubrique des Activités principales (pièce G-31). La pièce E-1 révèle que le fonctionnaire s'estimant lésé a touché une rémunération d'intérim du 2 au 22 avril 2000 pendant qu'il concevait et offrait une formation technique. Par conséquent, l'employeur se contredit en refusant de lui accorder une rémunération d'intérim pour le même genre de travail accompli en 1998 et en 1999.

[56]    Le fonctionnaire s'estimant lésé réclame une rémunération d'intérim et une reclassification de son poste à compter du 4 août 1999 (pièce G-9), soit après qu'il eut soulevé ces questions dans des rencontres qu'il a eues le 29 janvier 1998 avec son gestionnaire. Le 25 août 1999, la direction lui a répondu qu'il serait financièrement dédommagé pour les périodes durant lesquelles il avait accompli les fonctions d'un CS-02 (pièce G-6). Mme Dumaine a souligné dans son rapport sur la classification qu'il fallait revoir la rémunération d'intérim (pièce G-13). Le 26 février 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé a rappelé à la direction qu'il avait réclamé une rémunération d'intérim (pièce G-28), et la direction a rejeté sa demande le 6 mars 2002 (pièce G-30). Lorsqu'il a déposé son grief, le 3 avril 2002, c'était dans le délai de 25 jours ouvrables stipulé par la convention collective.

[57]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que les décisions rendues dans Macri c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-15319 (1987) (QL); Vanier c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise) , dossier de la CRTFP 166-2-23562 (1994 (QL) et Cuthill c. Conseil du Trésor (Ministère des Transports) , dossiers de la CRTFP 166-2-12640 et 12641 (1982) (QL), peuvent s'appliquer en l'espèce.

Arguments pour l'employeur

[58]    Selon l'avocat de l'employeur, ce dernier a le droit d'assigner les fonctions aux employés. L'arbitre n'a compétence que si la convention collective est violée. Le paragraphe 20.02 donne à l'employé le droit d'avoir un exposé complet et courant des fonctions de son poste et ne comprend aucune disposition relative à la date d'effet de cette description de travail.

[59]    Le grief déposé le 23 octobre 2000 par le fonctionnaire s'estimant lésé pour contester sa description de travail porte sur celle d'analyste du soutien technique qu'il a signée le 11 février 1999. Ce grief n'a jamais été porté au troisième palier de la procédure de règlement des griefs. Le grief de classification que le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé le 20 mars 2000 a été mis en suspens et n'a jamais été réactivé par la suite.

[60]    L'employeur a consenti à rédiger une nouvelle description de travail qu'il a présentée au fonctionnaire s'estimant lésé le 3 octobre 2001. La description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI a été signée par le fonctionnaire s'estimant lésé le 27 février 2002. Dans son témoignage, celui-ci a admis que sa description de travail était un exposé complet des fonctions et des responsabilités de son poste à cette date-là.

[61]    La date d'effet de cette description de travail, le 1er avril 1998, a été ajoutée après que le fonctionnaire s'estimant lésé eut réclamé une révision de l'énoncé de ses fonctions et de sa classification à compter de ce jour.

[62]    Dans Costain c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans Canada) , dossiers de la CRTFP 166-2-18508 à 18511 (1989) (QL), une décision invoquée par le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé, l'arbitre a jugé que l'élément de la doctrine de préclusion promissoire avait été prouvé et qu'une des parties contractantes s'était fiée à son détriment à une affirmation claire et sans équivoque. Dans la présente affaire, la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé (analyste du soutien technique) a une date d'effet, le 1er avril 1998. L'employeur n'a rien déclaré d'autre au sujet de la date d'effet de la version réécrite de la description de travail (datée du 22 octobre 2001) pour le poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI. Par conséquent, en l'absence d'une déclaration claire et sans équivoque, la doctrine de préclusion ne saurait être appliquée en l'espèce.

[63]    Le fonctionnaire s'estimant lésé connaissait l'importance que l'employeur attachait à la date du 1er avril 1998, puisqu'il avait pris part à un appel conférence sur la révision de sa description de travail.

[64]    Dans Brochu c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada, ministère du Solliciteur général) , dossiers de la CRTFP 166-2-18422 et 18925 (1991) (QL), l'arbitre a conclu qu'il ne lui appartenait pas de déterminer la date d'effet de la description de travail.

[65]    Dans cette affaire-ci, le fonctionnaire s'estimant lésé ne demande pas à l'arbitre d'ajouter des fonctions ou des responsabilités à sa description de travail, comme c'était le cas dans Littlewood c. Conseil du Trésor (Revenu Canada) , dossier de la CRTFP 166-2-16044 (1987) (QL). Il demande seulement que l'arbitre modifie la date d'effet de la description de travail.

[66]    Au sujet du grief réclamant une rémunération d'intérim, l'avocat de l'employeur a maintenu que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas prouvé qu'il s'était acquitté d'une « grande partie » des fonctions du poste de niveau supérieur. Tout comme dans Lindeblom c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans) , dossier de la CRTFP 166-2-26336 (1996) (QL), les fonctions accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé étaient réparties entre deux personnes et, dans ces circonstances, le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas accompli une grande partie des fonctions du poste d'un niveau plus élevé que le sien.

[67]    Tel que mentionné dans Few c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada) , dossiers de la CRTFP 166-2-17441 à 17443 (1988) (QL), c'est au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il incombait de prouver s'être acquitté d'une grande partie des fonctions du poste de niveau supérieur. Il ne l'a pas fait.

[68]    À la lecture de la pièce G-14 (le rapport de Mme Franche), il n'est pas clair que les tâches exécutées par le fonctionnaire s'estimant lésé dans le contexte de la mise en oeuvre de Net Wizard (mentionnées au premier paragraphe du rapport) l'ont été en qualité de CS-02 (comme mentionné au deuxième paragraphe). Mme Franche pouvait énumérer d'autres tâches accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé au cours des périodes pour lesquelles il avait le droit de toucher une rémunération d'intérim. Dans son rapport (pièce G-13), Mme Dumaine encourageait la direction à se pencher sur les affectations temporaires décrites par le fonctionnaire s'estimant lésé pour déterminer s'il avait droit à une rémunération d'intérim. Elle n'a pas tenu compte dans sa décision du niveau des fonctions assumées dans le contexte des projets de Windows 95 ou de Net Wizard.

[69]    Par conséquent, les griefs devraient être rejetés.

Réplique pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[70]    La décision de classification prise le 14 mars 2002 était ultérieure aux projets de Windows 95 et de Net Wizard. La description de travail en vigueur alors était celle du poste d'analyste du soutien technique, dont la date d'effet était le 1er avril 1998 (pièce G-8). En déclarant que cette date était aussi la date d'effet de la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (le 3 octobre 2001), l'employeur voulait lui faire remplacer rétroactivement l'ancienne description de travail.

[71]    Dans Costain, supra, et dans Macri, supra, les arbitres ont rendu une décision sur la date d'effet des descriptions de travail; ils en avaient compétence.

Motifs de décision

Grief contestant la description de travail (dossier de la CRTFP 166-2-32742)

[72]    Le fonctionnaire s'estimant lésé conteste la date d'effet du 1er avril 1998 que l'employeur a fixée pour la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI. Dans son témoignage, il a déclaré avoir reçu cette description de travail le 27 février 2002 et précisé que la date du 3 octobre 2001 figurait entre crochets dans le titre de la page de présentation de la description de travail qu'il a signée (pièce G-22).

[73]    Quand il a reçu la lettre l'informant de la décision sur la révision de sa classification, le 2 avril 2002, il a su que sa description de travail était considérée comme prenant effet le 1er avril 1998. La lettre précisait que le poste avait été évalué aux groupe et niveau CS-01 à compter du 1er avril 1998 (pièce G-22). Il a conclu que la date d'effet de sa description de travail avait été fixée au 1er avril 1998 par l'employeur. À l'audience, il a affirmé que c'était la première fois qu'on l'informait de la date d'effet de la description de travail de son poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI.

[74]    L'employeur a soutenu que la preuve a démontré que la date d'effet de la version réécrite de la description de travail, le 1er avril 1998, était importante pour les parties depuis 1998 et qu'elle avait été clairement précisée dans l'appel conférence au cours duquel le contenu de la description de travail du poste d'analyste du soutien technique avait été arrêté. Mon analyse de ces éléments va m'amener à une conclusion sur l'objection de l'employeur à la recevabilité du grief qu'il estime avoir été présenté tardivement.

[75]    D'après ce que j'ai pu lire dans la pièce G-22, il semble que la description de travail signée par le fonctionnaire s'estimant lésé le 27 février 2002 était intitulée [traduction] « Description de travail/IMR00607 CS-01 spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI » (3 octobre 2001).

[76]    Aucune date d'effet de cette description de travail n'est mentionnée dans le document que le fonctionnaire s'estimant lésé a signé le 27 février 2002, tel qu'il appert dans la pièce G-22. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé de la date d'effet du 1er avril 1998 dans la lettre du 14 mars 2002 l'avisant de la classification de son poste, lettre qu'il a reçue le 2 avril 2002. On ne m'a présenté aucun document ni aucune déclaration pour prouver que l'employeur l'avait informé de sa décision à un autre moment.

[77]    Dans son témoignage, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que l'employeur l'avait informé de la date d'effet de la description de travail dans une lettre datée du 14 mars 2002 qu'il a reçue le 2 avril 2002, et cela n'a pas été contesté.

[78]    Les dispositions pertinentes de la convention collective quant au délai de présentation d'un grief se lisent comme suit :

33.09L'employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure de la manière prescrite par le paragraphe 33.03 au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est informé de vive voix ou par écrit de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief ou à la date à laquelle il en prend connaissance pour la première fois.
33.14Lorsqu'il s'agit de calculer le délai au cours duquel une mesure quelconque doit être prise dans le cadre de la présente procédure, les samedis, les dimanches et les jours fériés désignés sont exclus.

[79]    Conformément à ces dispositions, la date du début du délai était le 3 avril 2002 (le lendemain de la réception de la lettre du 14 mars 2002), de sorte que le délai de 25 jours (excluant les samedis et les dimanches) expirait le 7 mai 2002. Comme le grief a été présenté le 2 mai 2002, le délai prescrit par la convention collective a été respecté. L'objection préliminaire que l'avocat de l'employeur a soulevée pour cette raison est rejetée.

[80]    Par ailleurs, la doctrine de la renonciation à invoquer un vice de forme devrait être retenue comme le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé l'a fait valoir, puisque l'employeur n'a soulevé cette question de respect du délai de présentation d'un grief à aucun palier de la procédure de règlement des griefs. La doctrine décrite dans Canadian Labour Arbitration, supra, a été appliquée dans Kettle, supra, et elle peut s'appliquer en l'espèce pour les motifs que l'arbitre avait précisés dans cette affaire.

[81]    Pour déterminer si le grief est fondé, je dois décider si le paragraphe 20.02 de la convention collective prévoit qu'un employé peut présenter un grief pour contester la date d'effet d'une description de travail. Dans la présente affaire, le fonctionnaire s'estimant lésé a réclamé une modification de sa description de travail et de la classification de son poste à compter de novembre 1997, tel que mentionné dans la lettre datée du 9 août 1999 qu'il a adressée à son directeur (pièce G-9). Il précisait ses attentes de la façon suivante :

[Traduction]

[...]

Par conséquent, je demande que :

1.dans les 30 jours de la date de cette note de service, je reçoive une rémunération d'intérim comme CS2 à compter du 1er avril 1998;
2.dans les 30 jours de la date de cette note de service, je sois nommé CS2 pour une période indéterminée dans mon poste actuel (62674) à compter du 1er avril 1998.

[82]    La direction a répondu en déclarant qu'on effectuerait une vérification indépendante des fonctions dont il s'acquittait après avoir mené un examen des activités professionnelles et qu'une décision serait prise sur le niveau des tâches qu'il avait accomplies (pièce G-10). Si l'on concluait qu'il s'était acquitté des fonctions du niveau CS-02, on prendrait des mesures afin qu'il soit rémunéré en conséquence pour la période durant laquelle il accomplissait ces fonctions.

[83]    La preuve m'incite à conclure que la description de travail du poste d'analyste du soutien technique (pièce G-8) que le fonctionnaire s'estimant lésé a reçue en février 1999 (et dont la date d'effet était le 1er avril 1998) ne répondait pas entièrement à ses attentes parce qu'elle n'incluait pas les fonctions qu'il avait assumées à l'extérieur du bureau de Morden, et aussi parce qu'il ne souscrivait pas à la classification de ce poste au niveau CS-01 (pièce G-13). Il a contesté ces points dans un grief de classification (pièce G-15) et dans un grief contestant sa description de travail (pièce G-16).

[84]    Le grief contestant la description de travail a été retiré après avoir été entendu au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, quand la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI a été rédigée. Rien dans la preuve ne me laisse entendre que la date d'effet du 1er avril 1998 de l'ancienne description de travail posait problème dans ce grief-là. Il restait encore quelques points à régler (les conseils et les instructions à donner au personnel de réserve d'AIC au bureau local), comme précisé le 26 février 2002 (pièce G-21), mais la date d'effet de l'application de la nouvelle description de travail n'est devenue un problème qu'au moment où l'intéressé a été informé de la classification de son poste, dans une lettre datée du 14 mars 2002 (pièce G-22).

[85]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a exprimé ses inquiétudes dans une lettre datée du 22 avril 2002 (pièce G-23) :

[Traduction]

Ma principale réserve pour le moment (mais pas la seule) est la date d'effet de la classification.

Je ne pense pas qu'il soit possible que cette date soit le 1er avril 1998, étant donné que la description de travail elle-même n'a été rédigée que le 3 octobre 2001. Je ne puis sûrement pas être tenu responsable de l'exécution de fonctions conformément à une description de travail qui n'existait pas et dont personne ne savait qu'elle existerait.

[...]

Je demande donc que le libellé de l'avis de décision soit modifié pour que la date d'effet ne soit pas antérieure au 3 octobre 2001, voire, ce qui serait préférable, celle à laquelle j'ai signé cette description de travail.

[86]    La preuve me pousse à conclure que la principale raison pour laquelle l'employeur a fait réécrire la description de travail du poste no 62674 de coordonnateur de l'automatisation (en 1992) pour en faire celle d'un analyste du soutien technique le 11 février 1999 et enfin de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (description reçue par le fonctionnaire s'estimant lésé le 27 février 2002) consistait à y inclure les tâches accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé en plus du 40 % de son temps qu'il travaillait au bureau de Morden. Certaines de ces tâches exécutées à l'extérieur du bureau de Morden comprenaient sa participation aux projets de mise en oeuvre de Windows 95 et de Net Wizard, réalisés respectivement du 2 janvier au 30 avril 1998 et du 4 janvier au 31 mars 1999.

[87]    Les tâches relatives à ces deux projets semblaient incluses dans les Activités principales de la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (pièce G-22) :

[Traduction]

Préparer la documentation nécessaire et donner des avis, des conseils, des instructions et de la formation magistrale ou individuelle au personnel et aux clients en ce qui concerne l'utilisation des micro-ordinateurs, des périphériques, des applications et des logiciels de la plate-forme.

[...]

Participer comme membre aux travaux des équipes de projet ainsi qu'à des comités, des réunions, des conférences, des ateliers et des activités spéciales.

[88]    Même si le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas demandé dans son grief que la description de travail soit réécrite de façon à inclure les tâches qu'il avait accomplies dans le cadre de ces deux projets, il est indiscutable qu'il s'en est acquitté entre le 2 janvier 1998 et le 31 mars 1999. Comme je l'ai précisé plus haut, il demandait depuis novembre 1997 que sa description de travail soit réécrite afin d'inclure les fonctions et les responsabilités dont il s'acquittait à l'extérieur du bureau de Morden et, pour que la reformulation de la description de travail prenne effet, elle devait couvrir la période durant laquelle ces projets externes ont été réalisés.

[89]    On n'a rien avancé dans la preuve afin d'expliquer pourquoi la date d'effet de la description de travail était le 1er avril 1998. Je conclus que c'était simplement parce que l'employeur voulait remplacer par cette description de travail celle du poste d'analyste du soutien technique, dont la date d'effet était le 1er avril 1998. Cette date-là n'a pas été contestée dans le grief présenté en octobre 2000. En outre, les faits révèlent que la date d'effet du 1er avril 1998 pour la nouvelle description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI avait été réclamée par le fonctionnaire s'estimant lésé dans sa correspondance, tel que précisé précédemment.

[90]    J'ai compétence pour déterminer si un employé s'est acquitté de certaines des fonctions et responsabilités d'un poste pendant une période donnée et pour ordonner à l'employeur d'ajouter ces fonctions et responsabilités à la description de travail contestée par le grief. Mon ordonnance devrait préciser la période pendant laquelle ces fonctions et responsabilités ont été assumées, c'est-à-dire la date d'effet de la modification de la description de travail qui s'impose. Autrement, il ne servirait à rien à un employé de présenter un grief pour contester sa description de travail (en demandant qu'on y ajoute une activité principale donnée) et de recevoir la décision d'un arbitre de griefs des mois, sinon des années après l'avoir contestée, si le rajustement n'avait pas d'effet rétroactif à la date de présentation du grief et à celle d'un prétendu manquement à la convention collective, jusqu'à concurrence de 25 jours avant le dépôt du grief.

[91]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé que la date d'effet de sa description de travail soit portée du 1er avril 1998 au 26 novembre 2001 (date de son avis de la description de travail) ou au 3 octobre 2001 (date figurant dans le titre de la description de travail). Il n'a pas demandé qu'elle soit rajustée au 2 janvier 1998. Selon lui, la date d'effet du 1er avril 1998 le prive de son droit de toucher une rémunération d'intérim, et il juge impossible qu'une date d'effet soit antérieure à la révision de la description de travail. Pourtant, reconnaître qu'un employé a assumé une fonction donnée et l'ajouter à sa description de travail ne le prive pas de la rémunération d'intérim. La question de cette rémunération est distincte de celle de la description de travail. Les griefs sur ces deux questions sont fondés sur des dispositions différentes de la convention collective, et l'arbitre doit trancher chacune séparément.

[92]    Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la date d'effet le 1er avril 1998 de la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI est celle qui reflète la volonté des parties quand elles ont réécrit la description de travail et qu'elle couvre la période pendant laquelle les Activités principales ajoutées ont été accomplies par le fonctionnaire s'estimant lésé dans le poste 62674. Par conséquent, ce grief (dossier de la CRTFP 166-2-32742) est rejeté.

Grief réclamant une rémunération d'intérim (dossier de la CRTFP 166-2-32741)

[93]    Dans le grief qu'il a présenté le 3 avril 2002, le fonctionnaire s'estimant lésé déclarait que l'employeur avait rejeté sa demande de rémunération d'intérim (datée du 13 juillet 2001) dans une lettre qu'il a reçue le 2 avril 2002 (pièce G-22).

[94]    La preuve démontre que le fonctionnaire s'estimant lésé a réclamé une rémunération d'intérim pour deux périodes (pièce G-3) :

  • du 2 janvier au 30 avril 1998, pour la mise en oeuvre de Windows 95;

  • du 4 janvier au 31 mars 1999, pour la formation sur Net Wizard.

[95]    Cette demande de rémunération d'intérim pour avoir participé aux deux projets en question en assumant des fonctions à leur égard durant ces deux périodes semble déborder le cadre de la description de travail du fonctionnaire s'estimant lésé. De janvier à mai 1998, sa description de travail était celle de coordonnateur de l'automatisation (qu'il avait signée le 6 mai 1992 et qui avait pris effet le 1er avril de cette année-là); de janvier à avril 1999, elle était celle d'analyste du soutien technique (qu'il avait signée le 11 février 1999, avec date d'effet le 1er avril 1998). La date d'effet de cette dernière description de travail n'est pas contestée.

[96]    Le rapport de Mme Franche sur l'analyse des niveaux du personnel technique soulève des questions quant à savoir si le fonctionnaire s'estimant lésé avait assumé des tâches qui n'étaient pas prévues dans sa description de travail. La pièce G-14 n'est pas assez explicite pour qu'on puisse conclure que ces « tâches supplémentaires » comprenaient le projet de Windows 95 ou celui de Net Wizard. Je conclus que le rapport de Mme Franche n'a pas prouvé que le travail effectué dans le cadre des projets spéciaux de Windows 95 et de Net Wizard se situait au niveau CS-02.

[97]    Dans son rapport sur la classification, daté du 9 mars 2000, Mme Dumaine a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé incluait les deux projets dans les tâches qu'il avait accomplies à l'extérieur du bureau. Elle a conclu que ces fonctions ne lui avaient pas été confiées en vertu de la description d'emploi de son poste de coordonnateur de l'automatisation (pièce G-12). Elle a recommandé à la direction de réévaluer ces affectations temporaires pour déterminer si le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit à une rémunération d'intérim.

[98]    La preuve révèle que le fonctionnaire s'estimant lésé a commencé dès novembre 1997 à demander qu'on modifie sa description de travail (pièce G-9) et qu'il a envoyé des rappels à son employeur à cet effet le 1er février 2001 (pièce G-17) ainsi que le 13 du même mois (pièce G-18). Les questions qu'il soulevait étaient toujours liées à la description de travail et à la classification du poste 62674 au bureau de Morden.

[99]    Le grief concernant la rémunération d'intérim ne peut pas être accueilli au fond. C'est le fonctionnaire s'estimant lésé qui avait le fardeau de prouver que les fonctions dont il s'était acquitté correspondaient à un niveau de classification supérieur, conformément au paragraphe 47.05 de la convention collective.

[100]    À cet égard, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que les fonctions qu'il avait accomplies dans le cadre des deux projets comme instructeur, en préparant de la documentation pour la formation et en participant aux travaux comme membre des équipes de projet correspondaient à un niveau de classification plus élevé que le sien. La preuve confirme qu'il considérait ces fonctions-là comme étant celles d'un CS-02, mais les agentes de l'employeur (Mme Dumaine et Mme Franche) se sont interrogées sur cette allégation, sans clairement déclarer que les tâches en question étaient du niveau CS-02. Le témoignage de Mme Franche aurait pu préciser ce qu'elle entendait dans son rapport d'analyse des niveaux du personnel technique, ce qui n'a pas été fait.

[101]    Les arguments que l'employeur avance sont liés aux Activités principales énumérées dans les descriptions de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (CS-01) et du poste d'analyste du soutien technique de la GI/TI (CS-02), qui ont été rédigées le 3 octobre 2001.

[102]    L'employeur a fait valoir que les fonctions relatives à la préparation ou à la modification de la documentation nécessaire aux instructeurs ainsi qu'à la prestation de ce service étaient prévues dans les Activités principales suivantes de la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI :

[Traduction]

Préparer la documentation nécessaire et donner des avis, des conseils, des instructions et de la formation magistrale ou individuelle au personnel et aux clients en ce qui concerne l'utilisation des micro-ordinateurs, des périphériques, des applications et des logiciels de la plate-forme.

[103]    L'employeur a aussi maintenu que la participation du fonctionnaire s'estimant lésé aux équipes de projets de Windows 95 et de Net Wizard était prévue elle aussi dans les Activités principales de la même description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI :

Participer comme membre aux travaux des équipes de projet ainsi qu'à des comités, des réunions, des conférences, des ateliers et des activités spéciales.

[104]    L'employeur a soutenu en outre que le poste d'analyste du soutien technique CS-02 se distingue du poste de niveau inférieur étant donné que c'est à un occupant de ce poste de niveau supérieur que l'on confie la direction des équipes de projet : [traduction] « Par affectation, diriger les équipes de projet [...] ».

[105]    Les tâches que le fonctionnaire s'estimant lésé a accomplies dans ces projets spéciaux s'ajoutaient aux activités principales de son poste au bureau de Morden. En d'autres termes, il s'en est acquitté en débordant le cadre de son poste de coordonnateur de l'automatisation ou de celui qu'il a occupé par la suite d'analyste du soutien technique. La preuve est claire : l'employeur avait assigné ces projets spéciaux au fonctionnaire s'estimant lésé pour qu'il soit occupé toute la semaine puisque son travail au bureau de Morden ne lui prenait que 40 % de son temps.

[106]    La preuve révèle en outre que les tâches assumées par le fonctionnaire s'estimant lésé dans ces projets spéciaux (participation aux équipes de projet, préparation de documentation pour la formation, prestation de conseils, instruction et formation) étaient incluses dans la description de travail du poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI (CS-01) ainsi que dans celle du poste d'analyste du soutien technique en GI/TI (CS-02). Ces deux descriptions de travail ont été rédigées en octobre 2001, soit longtemps après que le fonctionnaire s'estimant lésé eut assumé les fonctions en question, mais leur date d'effet est le 1er avril 1998.

[107]    Quand il a travaillé comme membre de l'équipe des projets spéciaux de Windows 95 et de Net Wizard, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est acquitté de fonctions incluses dans la description de travail de son poste de spécialiste en micro-ordinateurs GI/TI, classifié CS-01. En tant que membre de ces équipes de projets spéciaux, il n'assumait pas la responsabilité de les diriger, ce qui distingue fondamentalement la description de travail du poste de CS-02 de la sienne.

[108]    C'est au fonctionnaire s'estimant lésé qu'il incombait de prouver qu'il s'est acquitté des fonctions du niveau CS-02 quand il a participé à ces projets spéciaux. Or, la preuve m'amène à conclure qu'il ne l'a pas fait et qu'il n'a pas démontré que les fonctions dont il s'est acquitté en tant que membre des équipes de projets étaient du niveau CS-02. Le grief devrait donc être rejeté.

[109]    Puisque j'ai rejeté au fond le grief réclamant une rémunération d'intérim, je n'ai pas à me prononcer sur l'objection préliminaire de l'avocat de l'employeur quant à sa recevabilité.

[110]    Pour les motifs que j'ai précisés plus haut, les deux griefs de M. Temmerman sont rejetés.

[111]    En terminant, je dois reconnaître qu'il y a eu un long délai entre l'audition de ces griefs et la date de la présente décision. Je tiens à préciser aux parties que la Commission est très consciente de l'importance que revêt pour elle un règlement rapide de toutes les questions dont elle est saisie, et qu'elle s'efforce d'agir avec diligence dans toutes les affaires qui lui sont confiées. Malheureusement, divers facteurs m'ont empêché de rendre ma décision plus tôt. Je regrette les désagréments que cela a pu causer aux parties.

Léo-Paul Guindon,
commissaire

OTTAWA, le 28 janvier 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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