Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Discipline - Suspension de trois jours pour avoir dormi pendant ses heures de travail - Contestation de la sanction jugée trop sévère par le fonctionnaire s'estimant lésé - le fonctionnaire s'estimant lésé avait été surpris à dormir étendu sur un banc à bord d'un bateau de Parcs Canada, couvert de sa veste d'uniforme - au début, il a nié qu'il dormait, en soutenant qu'il ne faisait que se reposer - au cours de l'entrevue disciplinaire, il a admis s'être endormi quand il s'était simplement assis pour se reposer quelques minutes - il avait été très occupé au cours de la fin de semaine, en raison d'un festival local, et il avait mal à la tête dans la matinée en question - il a allégué que d'autres employés se reposaient parfois à bord des bateaux, en déposant en preuve une photographie d'un autre employé étendu sur un banc dans un bateau - l'arbitre était convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était délibérément couché sur le banc pour dormir - le fonctionnaire s'estimant lésé a allégué que la sanction était trop sévère - il n'avait rien fait pour convaincre ses supérieurs qu'il comprenait les conséquences de ses actions et qu'il changerait son comportement - la photographie de l'autre employé endormi avait été déposée en preuve sans aucune explication du contexte - cet employé là aurait pu être en train de faire une sieste pendant sa pause-repas - l'attitude et les explications du fonctionnaire s'estimant lésé militaient contre une mitigation de la suspension. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-02-10
  • Dossier:  166-33-33266
  • Référence:  2005 CRTFP 15

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

MARTIN CYR

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE PARCS CANADA

employeur



Devant :   Jean-Pierre Tessier, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Daniel Jouis, avocat

Pour l'employeur :  Stéphane Hould, avocat


Affaire entendue à Sept-Îles (Québec)
du 5 au 7 octobre 2004.


[1]    Martin Cyr est à l'emploi de Parcs Canada depuis 1983. Au cours de l'été 2003, il s'est vu imposer trois sanctions disciplinaires.

[2]    Le présent dossier porte sur une sanction imposée en juillet 2003, parce que, selon l'employeur, le fonctionnaire s'estimant lésé a été surpris à dormir pendant ses heures de travail. Après avoir rencontré M. Cyr, l'employeur lui impose une suspension sans rémunération pour une période de trois jours ouvrables (30 heures).

[3]    Le 22 juillet 2003, M. Cyr dépose un grief contestant cette suspension. Le dossier est référé à l'arbitrage le 27 février 2004 et l'audience a lieu en octobre 2004. La preuve faite à l'audience porte aussi sur deux autres dossiers qui feront chacun l'objet d'une décision distincte.

Les faits

[4]    M. Cyr travaille à Havre-Saint-Pierre où Parcs Canada exploite le site touristique des Îles Mingan. Des embarcations de Parcs Canada servent à transporter des employés sur les îles pour y faire de l'animation et agir comme guide touristique.

[5]    La randonnée en mer prend environ 15 à 20 minutes. À bord du bateau, il y a un capitaine assis au poste de pilotage et M. Cyr agit comme préposé à l'entretien et à la sécurité. Il doit voir à l'entretien et à la propreté des quais et des salles de toilettes ainsi qu'à la sécurité à bord du bateau (démarrage et disposition du matériel transporté par les guides).

[6]    Lors de l'audience, Guy Landry, un employé des services techniques témoigne que le 14 juillet 2003 en avant-midi, il désire obtenir des renseignements contenus dans le livre de bord d'une embarcation de Parcs Canada, « le Rorqual Bleu », alors accosté de la marina de Havre-Saint-Pierre.

[7]    Il cherche à entrer en contact par radio-téléphone mais n'obtient aucune réponse. Il décide alors de se rendre sur place. Une fois à l'intérieur du bateau, il consulte le livre de bord ; c'est à ce moment qu'il entend un bruit dans la cabine à l'avant du bateau. Il constate que Martin Cyr est étendu sur le banc. Ce dernier se serait retourné pour s'endormir aussitôt. Après quelques minutes, M. Landry quitte le bateau et retourne au bureau.

[8]    Une fois au bureau, M. Landry constate que son contremaître, M. Jean Vigneault, essaie à son tour de communiquer avec « Le Rorqual Bleu » par radio-téléphone, mais sans succès. M. Landry indique alors à son contremaître qu'il pourra difficilement obtenir une réponse, car M. Cyr dort à bord du bateau.

[9]    Le contremaître, Jean Vigneault, se rend au quai et constate en regardant par le hublot que M. Cyr est couché sur le banc et qu'il s'est couvert avec son manteau.

[10]    M. Vigneault téléphone à son supérieur, M. Kavanagh, Chef des services techniques, pour l'informer de la situation. Dix minutes plus tard, M. Kavanagh arrive au quai et prend une des deux photographies de M. Cyr dormant dans la cabine (pièces E-5 et E-6).

[11]    Par la suite, M. Kavanagh fait du bruit pour réveiller M. Cyr. En se relevant, M. Cyr explique qu'il ne dormait pas mais qu'il se reposait. M. Kavanagh demande à M. Cyr de se remettre au travail. M. Cyr répond que son travail est fait. M. Kavanagh croit qu'il reste du travail à faire, par exemple, de ramasser les vidanges et nettoyer le quai.

[12]    M. Cyr est avisé de se présenter à une rencontre pour le 16 juillet 2003 (pièce E-7).

[13]    Le directeur du Parc de Mingan, Stéphane Marchand, participe à la rencontre du 16 juillet 2003. Lors de ses témoignages, il explique que lors de l'entrevue, M. Cyr prétend s'être endormi alors qu'il s'est assis dans la cabine pour se détendre quelques instants.

[14]    Par la suite, M. Cyr aurait mentionné que ce jour-là, un lundi, il avait mal à la tête, car il avait été très occupé en fin de semaine lors d'un festival.

[15]    Pendant l'entrevue, M. Cyr soutient que cette fatigue peut être causée par des médicaments et qu'il s'est fait dire dans son autre emploi de conducteur de camion d'hiver qu'il était préférable qu'il s'arrête quelques instants pour dormir dans le camion lorsqu'il se sentait fatigué. M. Cyr prétend qu'il arrive à d'autres employés de se reposer dans les bateaux. Il dépose à cet effet une photo d'un autre employé couché sur le banc d'un bateau. Le directeur est peu convaincu des explications fournies par M. Cyr. Au moment des incidents, il est entre 9 heures et 10 heures du matin. Il lui impose une suspension équivalente à trois jours ouvrables (30 heures).

Arguments des parties

[16]    L'employeur considère qu'il a fait la preuve que M. Cyr a décidé de se reposer et qu'il s'est couché dans la cabine du bateau. Il reproche à l'employé de nier les faits et de ne pas réaliser la porté de son geste.

[17]    En défense, lors de l'audience, M. Cyr explique qu'il a participé à un festival au cours de la fin de semaine et qu'il avait demandé d'obtenir un congé pour la journée du 14 juillet, mais que faute de remplaçant ce congé lui fut refusé. Il réaffirme s'être endormi alors qu'il s'était assis pour se reposer. Il soutient avoir fait son travail et sorti les vidanges. Il croit que la sanction est trop sévère.

Motifs de la Décision

[18]    Après avoir entendu les témoignages et examiné les photographies déposées en preuve, je suis convaincu que M. Cyr s'est délibérément couché dans la cabine du bateau pour se reposer et dormir un peu.

[19]    Il est admis que M. Cyr a participé à un festival au cours de la fin de semaine. Il se sentait fatigué au point de demander un congé pour le 14 juillet.

[20]    L'incident s'est produit entre 9h et 10h du matin. Après l'arrivée de M. Landry dans le bateau, M. Cyr ne bouge pas de la cabine et se rendort. Il se passe plusieurs dizaines de minutes par la suite, puisque M. Vigneault vient au quai et M. Kavanagh le suit dix minutes plus tard.

[21]    M. Cyr trouve la sanction trop sévère. Il est possible que dans d'autres cas, il puisse en être ainsi ; cependant, dans le présent cas, M. Cyr n'a rien fait pour convaincre ses supérieurs qu'il comprenait la conséquence de ses gestes et qu'il améliorerait sa conduite à l'avenir.

[22]    M. Cyr a déposé une photographie d'un autre employé dormant sur le banc d'un bateau. Les circonstances dans lesquelles fut prise cette photographie n'ont pas été établies et on y voit un employé assoupi alors qu'il est allongé sur le banc. La situation pourrait être une sieste à l'heure du repas plutôt qu'une position de sommeil couché sur le côté et recouvert d'une veste comme dans le cas de M. Cyr.

[23]    Pour excuser son geste, M. Cyr fait allusion à des problèmes de médicaments, il parle de problèmes de sommeil et de la tolérance de son autre employeur alors qu'il conduit un camion en hiver.

[24]    Ou bien M. Cyr s'est endormi par accident alors qu'il s'est assis pour se détendre, ou bien il se sentait fatigué suite à sa fin de semaine de festivité et a décidé de se reposer ; l'ensemble des témoignages confirme qu'il a décidé de se reposer. Dans ce dernier cas, il aurait dû admettre son geste et alléguer en défense qu'il s'agit d'un incident isolé dans des circonstances spéciales où il était extrêmement fatigué.

[25]    L'attitude de l'employé lors des rencontres avec son l'employeur et lors les explications fournies lors de son témoignage ne militent pas en faveur d'une atténuation de la sanction.

[26]    En conséquent, je maintiens la décision de l'employeur et je rejette le grief.

Jean-Pierre Tessier
commissaire

OTTAWA, le 10 février 2005

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