Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Requête en accréditation - Détermination d'une unité de négociation appropriée - Plan de classification de l'employeur - Majorité des fonctionnaires - Scrutin de représentation - requête en accréditation présentée par l'Institut professionnel de la fonction publique pour représenter un groupe d'employés de l'employeur - les employés visés sont ceux faisant partie des échelles de rémunération ou des sous-groupes SE (Science et ingénierie) et TS (Spécialistes techniques) - ces employés occupent tous des postes classés au niveau RL-5 à 7 dans le plan de classification de l'employeur - ces niveaux de classification incluent également des fonctionnaires occupant des postes du groupe PPA (Professionnels de l'administration et des programmes), mais l'organisation syndicale ne cherche pas à inclure les employés de ce groupe au sein de l'unité proposée - peu avant le dépôt de la demande en accréditation, l'employeur avait créé de nouvelles échelles de rémunération distinctes pour les groupes SE, TS et PPA, afin de permettre à l'employeur de faire face aux pressions salariales du marché du travail - la Commission décide que les échelles salariales distinctes touchant les employés ci-haut mentionnés aux niveaux RL-5 à 7 ont pour effet d'établir, aux fins du paragraphe 33(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), des groupes ou sous-groupes au sein du plan de classification de l'employeur - la Commission conclut également que la « majorité de fonctionnaires » au sens de l'alinéa 35(c) de la LRTFP dont l'appui est requis pour qu'un requérant soit accrédité comme agent négociateur est une majorité de 50% + 1 - la Commission conclut enfin que l'unité habile à négocier est celle regroupant tous les employés des niveaux de classification RL-5 à 7 (les PPA, TS et SE), en raison de l'intégration fonctionnelle opérant à ces niveaux - les cartes d'adhésion présentées par le requérant font état d'un appui d'un peu plus de 50% (0,50145) des fonctionnaires de l'unité décrite ci-haut - la Commission a donc ordonné la tenue d'un scrutin de représentation dans les circonstances. Requête accueillie en partie.* Décisions citées :Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1982] 1 C.F. 584.*Le requérant a présenté une demande de révision de la décision de la Commission 2004 CRFTP 43.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-03-18
  • Dossier:  142-3-360
  • Référence:  2004 CRTFP 19

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

L'INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
requérant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
employeur

OBJET :Demande d'accréditation
fondée sur l'article 28 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

 

Devant :   Yvon Tarte, président

Pour le requérant :  Dougald E. Brown, avocat

Pour l'employeur :  Stephen Bird, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 16, 17, 18 et 19 décembre 2003.


[1]   Le 2 juillet 2003, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a déposé une demande d'accréditation à titre d'agent négociateur d'une unité de négociation décrite dans les termes suivants :

[Traduction]

Tous les fonctionnaires de la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) affectés à l'établissement et au maintien de normes et guides réglementaires, à l'approbation de demandes de permis, aux autorisations et aux homologations, à la promotion, la vérification et l'application de la sécurité et la sûreté nucléaires, à l'exception des gestionnaires/directeurs et personnes dont le rang est supérieur à celui de gestionnaire/directeur, des personnes qui exécutent des tâches de soutien administratif ou de gestion et du personnel du Bureau des affaires réglementaires.

À sa demande, l'IPFPC a joint une note, destinée à préciser davantage l'unité de négociation proposée, indiquant que les fonctionnaires à l'égard desquels l'accréditation était demandée travaillent au sein de ce qu'on « appelle couramment la Direction générale des opérations et le Bureau des affaires internationales ».

[2]   La Commission note que l'IPFPC est l'agent négociateur accrédité de plusieurs unités de négociation sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP); pour cette raison, elle conclut que l'IPFPC est une organisation syndicale pour l'application de la LRTFP. La Commission est convaincue également que le signataire de la demande dans ce cas-ci a été dûment autorisé en ce sens par l'IPFPC.

[3]   La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) est un employeur distinct en vertu de la partie II de l'Annexe I de la LRTFP. Elle est formée d'un effectif de 500 employés environ. Constituée en mai 2000, la CCSN a remplacé la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Elle a pour mission de réglementer l'utilisation de l'énergie et des matières nucléaires afin de protéger les travailleurs du secteur nucléaire, le public ainsi que l'environnement, et de respecter les engagements internationaux du Canada à l'égard de l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire.

[4]   Dès le dépôt de la présente demande, les parties ont été incapables de s'entendre sur la nature et la composition véritables de l'unité de négociation proposée. Des discussions entre la Commission, le requérant et l'employeur en vue de régler ces questions ont eu lieu avant la tenue de l'audience.

[5]   À l'audience, l'avocat du requérant a indiqué que l'unité de négociation que l'IPFPC propose est composée de tous les fonctionnaires, à l'exception des gestionnaires classés TS (Spécialistes techniques) et SE (Sciences et ingénierie) selon les échelles de rémunération de l'employeur.

[6]   L'employeur s'est opposé à ce changement dans la description de l'unité de négociation proposée. Il a fait valoir que l'IPFPC devait retirer sa demande et en déposer une nouvelle.

[7]   Étant donné les discussions entre les parties avant l'audience ainsi que le vaste pouvoir discrétionnaire de la Commission en matière d'accréditation, j'ai décidé de permettre aux parties de présenter une preuve sur la nature d'une unité de négociation habile à négocier dans la présente affaire sans limiter cette preuve à la proposition initiale contenue dans la demande de l'IPFPC. Je remarque également que, peu de temps avant le dépôt par l'IPFPC de sa demande dans la présente affaire, la CCSN a décidé d'ajouter trois nouvelles échelles de rémunération à sa structure de classification (pièce E-13) qui, jusqu'alors, avait compté seulement sept niveaux, à savoir les niveaux RL-1 à RL-7 tout simplement. Les nouvelles échelles de rémunération devaient permettre à l'employeur de faire face aux forces du marché. Les trois groupes auxquels s'appliquent les nouvelles échelles de rémunération distinctes sont les suivants : Science et ingénierie (SE), Spécialistes techniques (TS) et Professionnels de l'administration et des programmes (PPA). Tous les postes SE et TS sont classés du niveau RL-5 au niveau RL-7 dans le plan de classification de l'employeur.

[8]   L'article 33 de la LRTFP est libellé dans les termes suivants :

33. (1) Saisie d'une demande d'accréditation conforme à l'article 28, la Commission détermine le groupe de fonctionnaires qui constitue une unité habile à négocier collectivement.

(2) En déterminant si un groupe de fonctionnaires constitue une unité habile à négocier collectivement, la Commission tient compte du mode de classification des postes de la fonction publique fixé par l'employeur ou des groupes ou sous-groupes professionnels établis par celui-ci; elle est aussi tenue de définir des unités correspondant aux classes ainsi fixées ou à ces groupes ou sous-groupes, sauf dans le cas où elles ne constitueraient pas des unités habiles à négocier collectivement au motif qu'elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie.

(3) [Abrogé]

(4) L'unité de négociation définie par la Commission ne coïncide pas nécessairement avec le groupe de fonctionnaires visé par la demande d'accréditation.

[9]   À l'appui de sa demande, l'IPFPC a remis à la Commission 167 cartes d'adhésion signées, dont 166 par des fonctionnaires occupant des postes des niveaux RL-5, 6 ou 7. Des fonctionnaires relevant des trois sous-groupes des échelles de rémunération ont signé des cartes. Un fonctionnaire dont la classification ne se trouve pas dans les niveaux RL-1 à RL-7 a signé une carte, et aucun fonctionnaire classé Rl-1 à RL-4 n'a signé de carte.

La preuve

Pour le requérant

[10]   John Brauneisen, dont le curriculum vitæ a été déposé comme étant la pièce A-3, a détenu divers postes au sein de la CCSN et de son prédécesseur, la Commission de contrôle de l'énergie atomique, au cours des 18 dernières années.

[11]   M. Brauneisen a donné un aperçu des activités menées par la CCSN, ainsi que de la structure et du mandat de cette dernière. Au cours de son témoignage, il s'est reporté à divers documents et organigrammes qui ont été versés au dossier.

[12]   Avant le mois de juin 2003, le plan de classification de l'employeur comptait plusieurs niveaux de responsabilités (RL) (pièce A-2, onglet 4).

[13]   En juin 2003, c'est-à-dire bien après que l'IPFPC eut amorcé sa campagne de recrutement auprès des employés de la CCSN, l'employeur a procédé à la révision de son régime de classification, qui a donné lieu à une restructuration de ses échelles de rémunération (pièce A-2, onglet 5). Au terme de cet exercice, tous les postes autres que les postes de haute direction ont été confiés à des titulaires de postes classifiés APP, SE ou TS.

[14]   La plupart des postes classés APP relèvent de la Direction générale des services de gestion, tandis que la majorité des postes SE et TS relèvent de la Direction générale des opérations et du Bureau des affaires internationales.

[15]   Depuis le mois de juin 2003, toutes les descriptions de travail incluent la nomenclature APP, SE ou TS aux fins du renvoi à la classification d'un poste (pièce A-2, onglet 6). Le titulaire d'un poste classé SE et TS doit normalement détenir un diplôme universitaire dans un domaine lié à la science nucléaire, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des postes APP.

[16]   Les fonctionnaires appelés à se rendre aux divers sites nucléaires dont la CCSN a la responsabilité doivent détenir une carte de travailleur du secteur nucléaire (TSN). Bien que certains agents de sécurité et autres agents chargés de l'octroi de permis appartenant au sous-groupe APP puissent obtenir des cartes TSN en raison du lieu où ils accomplissent leur travail, la plupart des détenteurs de cartes TSN appartiennent aux groupes SE et TS. Il en est de même pour ce qui est de la nécessité de se soumettre régulièrement à un examen médical, qui vise surtout les groupes SE et TS.

[17]   M. Brauneisen a pris part à la campagne de recrutement menée par l'IPFPC auprès des employés de la CCSN. Le but, au départ, était de recruter et de représenter tout le personnel exécutant. Il est vite devenu évident que les fonctionnaires du sous-groupe APP n'étaient pas aussi intéressés à adhérer au syndicat que ne l'étaient les fonctionnaires des groupes SE et TS. Si une majorité des titulaires de postes APP des niveaux inférieurs (RL-1 à RL-4) avaient signé des cartes d'adhésion, l'IPFPC aurait demandé la formation d'une unité de négociation unique, composée de tous les fonctionnaires.

[18]   Le témoin a décrit en des termes généraux les similitudes et les différences, sur le plan de l'attribution des tâches, des qualifications et des conditions d'emploi, entre le groupe APP d'une part et les groupes TS et SE d'autre part. Bien que certains des postes APP aux niveaux supérieurs (RL-5, RL-6 et RL-7) puissent se comparer plus facilement aux postes SE et TS, les autres postes APP ne le sont pas.

[19]   M. Brauneisen s'est dit d'avis que, aux fins de leur rémunération, les fonctionnaires classés TS et SE se comparent à d'autres professionnels du secteur nucléaire à l'échelle provinciale, dans le secteur privé ou au niveau international. Par ailleurs, de manière générale, des postes qui se comparent aux postes classés APP se trouvent dans le reste de la fonction publique fédérale. Le témoin a reconnu l'existence d'un conseil des employés, mis sur pied par l'employeur dans le but de permettre à tous les employés d'entretenir des rapports avec la direction.

[20]   M. Brauneisen estime qu'une unité de négociation formée des fonctionnaires appartenant aux groupes SE et TS détiendrait le pouvoir nécessaire pour négocier efficacement, puisque la plupart des recettes que touche la CCSN sont générées par les fonctionnaires qui appartiennent à ces groupes.

[21]   Avant le 1er mars 2003, l'employeur a versé à certains employés des indemnités provisoires dans le but de ramener leurs traitements au niveau du marché et, ainsi, de les retenir. Le paiement de ces indemnités ne reposait pas sur le plan de classification de l'employeur; il faisait plutôt suite à une décision de la direction motivée par les forces du marché relativement à certains postes.

Pour l'employeur

[22]   Michael Edward Leblanc, dont le curriculum vitæ a été déposé comme pièce E-10, occupe, à la CCSN, le poste de Directeur, Évaluation des postes et recherche sur la rémunération. Avant de se joindre à la CCSN, il s'occupait de questions de classification pour le gouvernement fédéral à titre d'employé et d'expert-conseil privé.

[23]   M. Leblanc connaît bien les plans d'évaluation des postes et de classification de la CCSN. Le plan d'évaluation des postes permet d'attribuer une cote aux postes selon huit facteurs différents. À chaque poste est ensuite attribuée une cotation numérique qui sert à classifier ce poste dans une structure de classification RL. La structure de classification RL compte sept niveaux distincts. Chaque niveau est divisé en des échelles de rémunération, selon les forces du marché. Les échelles de rémunération des postes APP, TS et SE ne font cependant pas partie du plan de classification de l'employeur.

[24]   En 2003, tous les postes ont fait l'objet d'un examen au moyen de critères établis (pièce E-12) en vue d'en évaluer la vulnérabilité à l'égard des pressions exercées par le marché. Cet examen a mené à la création des échelles de rémunération des postes APP, SE et TS. L'employeur peut abolir ces échelles de rémunération à n'importe quel moment, comme il pouvait abolir les primes de maintien en poste non renouvelables qui étaient versées auparavant.

[25]   Les acronymes APP, SE et TS renvoient à des familles d'emploi (pièce A-2, onglet 5), concept étranger à la classification. Les familles d'emplois font maintenant partie des renseignements qui figurent dans tous les avis de concours de manière que les personnes intéressées à postuler certains emplois soient au courant de la rémunération qu'elles peuvent s'attendre à toucher.

[26]   Linda Keen, dont le curriculum vitæ a été produit comme pièce E-14, onglet 1, est présidente et première dirigeante de la CCSN, poste dont elle assume les fonctions depuis le 2 janvier 2001. Mme Keen a expliqué comment s'était déroulé le passage de la CCEA à la CCSN et comment fonctionne l'institution qu'elle dirige actuellement.

[27]   Pendant un an à la suite de son entrée en fonction, Mme Keen a mené la restructuration de la CCSN. D'organisation cloisonnée en fonction des diverses disciplines qu'elle était, la CCSN est devenue une organisation privilégiant le travail d'équipe, où des employés appartenant à tous les secteurs d'activités se sont réunis pour travailler. La CCSN a su assurer, dans nombre de projets, l'intégration fonctionnelle d'employés appartenant à différents niveaux de classification. Ainsi, les employés relevant des trois échelles de rémunération travaillent en étroite collaboration. Le succès de la croissance future de la CCSN repose en grande partie sur la capacité de l'organisme de progresser et d'avancer sur la voie de l'intégration fonctionnelle.

[28]   Mme Keen a révisé le plan de classification de la CCSN ainsi que le plan d'évaluation des postes (pièce E-11) au moyen duquel les postes sont classés. Elle a indiqué que les désignations APP, SE et TS ne font pas partie du plan de classification, puis elle a révisé diverses politiques de la CCSN qui s'appliquent à tous les employés.

[29]   Mme Keen a indiqué que le groupe RL-1 à RL-4 (tous des APP) est formé en majorité de femmes, d'où le risque que des problèmes en matière de parité salariale se posent selon la structure d'unité de négociation qui sera privilégiée par la Commission.

[30]   Mme Keen a déclaré que la CCSN ne s'oppose pas à la négociation collective et qu'elle entend respecter et appliquer la décision de la Commission susceptible de créer une unité de négociation formée des SE et des TS.

[31]   Mme Keen a indiqué éprouver certaines inquiétudes relativement à la possibilité que des employés puissent être assujettis à des conditions d'emploi différentes, mais elle a reconnu qu'il existe déjà des différences à cet égard dans leur milieu de travail non syndiqué.

[32]   Ken Pereira, ingénieur, dont le curriculum vitæ a été déposé comme pièce E-17, onglet 1, est vice-président, Direction générales des opérations, à la CCSN.

[33]   M. Pereira a révisé plusieurs descriptions de travail déposées dans la pièce E-17 et autres pièces en vue de démontrer la mesure dans laquelle des fonctionnaires de divers niveaux et sous-groupes arrivent à travailler ensemble et à interagir. Pour faire face à certaines situations de crise, la CCSN a mis sur pied des équipes multidisciplinaires composées de fonctionnaires de différentes classifications provenant de tous les secteurs de l'organisation. Ces équipes seraient probablement appelées à travailler en étroite collaboration avec des employés syndiqués provenant des secteurs provincial, municipal, privé et fédéral.

[34]   Le témoin reconnaît que la syndicalisation des fonctionnaires des groupes SE et TS n'empêcherait pas la CCSN de continuer à bien fonctionner.

Arguments

Pour le requérant

[35]   Le requérant propose la création d'une unité de négociation composée de tous les fonctionnaires appartenant aux groupes SE et TS, alors que l'employeur propose une unité de négociation composée de tous les fonctionnaires appartenant aux groupes APP, SE et TS.

[36]   Aux termes de l'article 33 de la LRTFP, la Commission est investie d'un vaste pouvoir discrétionnaire aux fins de la création d'une nouvelle unité de négociation.

[37]   La tâche de la Commission ne consiste pas à déterminer l'unité de négociation la plus habile à négocier. La jurisprudence est claire à ce sujet : la Commission doit accréditer l'unité proposée si celle-ci est habile à négocier collectivement. Conformément à son mandat législatif, la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à faciliter une négociation collective efficace.

[38]   Contrairement à d'autres commissions des relations de travail, la CRTFP doit, dans le cas d'une première accréditation et conformément au paragraphe 33(2) de la LRTFP, tenir « compte du mode de classification [...] fixé par l'employeur ou des groupes ou sous-groupes professionnels établis par celui-ci [... et ...] définir des unités correspondant aux classes ainsi fixées ou à ces groupes ou sous-groupes [...] au motif qu'elles ne permettraient pas une représentation adéquate des fonctionnaires qui en font partie ».

[39]   Dans la présente affaire, la demande vise une première accréditation dans un lieu de travail où il n'y a pas de négociation collective. La proposition soumise par l'employeur que la Commission crée une seule unité de négociation englobant tous les fonctionnaires aurait pour effet de prévenir les négociations collectives compte tenu de la résistance du groupe APP à la syndicalisation. Les décisions de la Commission qui portent sur les droits du successeur sont d'une utilisation limitée dans un cas comme celui-ci. Toutes les commissions des relations de travail ont conclu que des facteurs différents s'appliquent lorsqu'elles se penchent sur des demandes d'une première accréditation par opposition à des demandes d'accréditation subséquentes.

[40]   La viabilité d'une unité de négociation proposée repose sur deux facteurs. D'une part, l'unité doit détenir un pouvoir économique suffisant pour contraindre l'employeur à négocier. Les fonctionnaires appartenant aux groupes SE et TS détiennent un tel pouvoir, puisqu'ils génèrent le plus gros des recettes de la CCSN.

[41]   D'autre part, il doit y avoir communauté d'intérêts. En l'absence de négociations antérieures, l'unité de négociation proposée devrait être composée d'employés qui entretiennent des liens très étroits et qui ont des affinités, davantage même que les unités établies. Dans la présente affaire, les groupes SE et TS entretiennent des liens très étroits. Cette communauté d'intérêts se manifeste dans leurs tâches, leurs fonctions, la nature de leur travail, leurs conditions de travail, leurs besoins en matière de formation et leur rémunération.

[42]   Les fonctionnaires qui forment l'unité de négociation proposée par la CCSN entretiennent, dans de nombreux cas, des rapports purement fonctionnels, alors que les fonctionnaires appartenant aux groupes SE et TS sont véritablement intégrés au niveau fonctionnel.

[43]   L'employeur soutient que l'unité de négociation proposée par le requérant ne satisfait pas aux exigences de l'article 33 de la LRTFP puisqu'elle ne correspond pas au plan de classification qui a été établi par l'employeur. Faire droit à un tel argument reviendrait à permettre à la forme de l'emporter sur le fond. Le fait est que tous les postes des employés de la CCSN sont classés tant en fonction du niveau RL qu'en fonction des sous-groupes des échelles de rémunération. La CRTFP a déjà indiqué dans des décisions antérieures qu'un plan de classification doit inclure des groupes et des sous-groupes. La Cour d'appel fédérale a déterminé que la mise en place de taux de traitement distincts pour certains groupes avait pour effet de créer de nouveaux niveaux de classification pour ces groupes.

[44]   En résumé, l'unité de négociation proposée, formée des SE et des TS, est une unité viable dont la communauté d'intérêts peut se démontrer. De plus, elle correspond au régime de classification qui a été mis sur pied par l'employeur. Étant donné l'appui solide en faveur de la syndicalisation qu'ont manifesté les fonctionnaires des groupes SE et TR, comme en fait foi le nombre de cartes d'adhésion déposées auprès de la Commission, l'unité de négociation proposée devrait être accréditée sans la tenue d'un scrutin.

[45]   À l'appui de sa demande, l'IPFPC a renvoyé aux affaires suivantes :

Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 832, et les Employés des Fonds non publics, dossier de la CRTFP 142-18-316 (1996) (QL);

Alberta Wheat Pool, 86 di 172, décision du CCRI 907 (1991) (QL);

Cominco Ltd., 104 di 53, 35 CLRBR (2d) 187 (1997) (QL);

Delta Bus Ltd., 88 di 7, décision du CCRI 932 (1992) (QL);

Island Medical Laboratories Ltd. and H.S.A. of British Columbia, (1993) 19 CLRBR (2d) 161;

Resort Municipality of Whistler and C.U.P.E., Local 3853, (1996) 30 CLRBR (2d) 107;

Décision-lettre du CCRI 944 (2003);

Conseil des syndicats des arts graphiques de la Fonction publique du Canada et Groupe Communication Canada, dossiers de la CRTFP 142-28-302 à 310, 161-28-702 et 705 (1994) (QL);

Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, [1982] 1 C.F. 584 (QL);

Bauer c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique), [1973] C.F. 626 (QL);

Alliance de la Fonction publique du Canada et Canada (Conseil de recherches sur les pêcheries), dossier de la CRTFP 143-7-97 (1968) (QL);

Association des employés du Conseil de recherches et Canada (Conseil national de recherches), dossier de la CRTFP 147-9-2 (1973) (QL);

Canadian Food and Associated Services Union and Federated Building Maintenance Company Limited, Operating as Commercial Building Service, [1979] 3 Can LRBR 547;

B.D.C. Limited, Montreal, Quebec and Cartage and Miscellaneous Employees' Union, Local 931, [1982] 1 Can LRBR 365.

Pour l'intimée

[46]   Bien que le requérant ait soulevé des argumentes intéressants, il n'a pas réussi, compte tenu de la preuve produite, à satisfaire aux conditions énoncées à l'article 33 de la LRTFP. Il ressort clairement de la preuve que les échelles de rémunération des postes APP, TS et SE, établies par l'employeur pour pallier sa vulnérabilité vis-à-vis du marché, ne font pas partie du plan de classification établi par la CCSN.

[47]   Le fait de payer des employés différemment n'a pas nécessairement pour effet de modifier le plan de classification si l'écart au niveau du traitement est lié non pas à la classification, mais à des facteurs qui sont propres au marché. Dans la présente affaire, les échelles de rémunération distinctes sont la rançon des affaires dans le domaine de l'énergie nucléaire.

[48]   Puisque les catégories SE et TS ne sont pas des sous-groupes de classification, elles ne peuvent être utilisées comme fondement à une accréditation à moins que l'on puisse démontrer qu'une unité de négociation qui correspond au plan de classification de l'employeur ne permettrait pas une représentation adéquate des fonctionnaires en faisant partie. Le requérant n'a présenté aucune preuve à cet effet. La demande dans la présente affaire étant non conforme à la LRTFP, elle doit être rejetée.

[49]   Si la Commission décide qu'un groupe autre que celui que le requérant propose est habile à négocier collectivement, ce groupe doit néanmoins satisfaire aux exigences énoncées à l'article 33 de la LRTFP et correspondre au plan de classification de l'employeur.

[50]   À cet égard, la Commission doit examiner le rôle que joue la CCSN, son organisation et les préceptes de bonnes relations de travail. La Commission doit privilégier une démarche globale dans sa détermination de l'unité de négociation qui, dans la présente affaire, est habile à négocier. En définitive, il ne peut y avoir qu'une seule unité de négociation à la CCSN. Cette opinion trouve appui dans la jurisprudence récente de la Commission, qui promeut l'efficacité tant au niveau administratif que dans les relations de travail.

[51]   Tous les postes de la CCSN ont une cohérence fonctionnelle. Les employés de tous les niveaux travaillent ensemble pour atteindre un objectif commun. Ils collaborent ensemble comme membres d'équipes multidisciplinaires dans le but de mener à bien des projets d'envergure. La Commission doit faciliter les négociations collectives pour tous les employés de la CCSN. Étant donné les communautés d'intérêts qui existent pour tous les employés, toutes les questions pourraient être négociées couramment si la Commission créait une unité de négociation unique composée de tous les employés. Cette opinion trouve appui dans les travaux du Conseil des employés. En effet, ce dernier a réussi à régler les problèmes de tous les employés, quelle que soit leur classification.

[52]   Dans le monde des relations de travail d'aujourd'hui, la division traditionnelle entre le personnel professionnel et le personnel de soutien aux fins de la création d'unités de négociation n'est ni nécessaire, ni acceptable. De plus, au cours des dernières années, la Commission a exprimé l'opinion que les unités de négociation plus larges sont préférables aux unités plus petites. Enfin, des questions touchant la parité salariale risquent de se poser à un moment donné si l'unité de négociation proposée par le requérant est retenue.

[53]   En conclusion, la CCSN a un plan de classification pour l'application de l'article 33 de la LRTFP. Ce plan n'incluant pas les échelles de rémunération des SE et des TS, il ne respecte pas la Loi, et il doit donc être rejeté.

[54]   Rien dans la preuve qui a été produite n'indique que la Commission doit déroger au plan de classification de l'employeur pour permettre une représentation adéquate. La demande doit par conséquent être rejetée. Subsidiairement, la seule unité qui puisse être accréditée est une unité qui englobe tous les fonctionnaires, du niveau RL-1 au niveau RL-7.

[55]   Jurisprudence citée par l'intimée :

Office national de l'énergie et Alliance de la Fonction publique du Canada et Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2003 CRTFP 79;

Centre de la sécurité des télécommunications, ministère de la Défense nationale c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 14;

Alliance de la Fonction publique du Canada et Commission de la capitale nationale, dossiers de la CRTFP 142-29-312, 142-29-313 (1994) (QL);

Canada Post Corporation and Canadian Union of Postal Workers and various unions (1988), 73 di 66; 19 CLRBR (NS) 129 (QL);

Agence Parcs Canada c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 109;

United Steelworkers of America v. Usarco Limited v. Group of Employees (Objectors), [1967] OLRB Rep. September 526;

Canadian Union of Public Employees v. Hospital for Sick Children v. Group of Employees (Objectors), [1985] OLRB Rep. February 266;

Mississauga Hydro-Electric Commission, [1993] OLRB Rep. June 523, (QL);

Canadian Museum of Civilization, 87 di 185; 92 CLLC 16,045 (1992) (QL);

Trade of Locomotive Engineers, applicant and Canadian Pacific Limited, 13 di 13; [1976] 1 Can LRBR 361; 76 CLLC 16,018 (QL);

Health Sciences Association of the Regional Municipality of Niagara Falls v. Niagara Regional Health Unit v. Canadian Union of Public Employees (Intervener), [1975] OLRB Rep. April 376;

Canadian Union of Public Employees v. Jewish Vocational Service of Metropolitan Toronto, [1977] OLRB Rep. November 754;

Association of Engineers of Bell Canada and Bell Canada Montreal, Quebec, [1976] 1 Can LRBR 345;

International Federation of Professional and Technical Engineers, A.F. of L., C.I.O., C.L.C. v. Canadian General Electric Company Limited, [1979] OLRB Rep. March 169;

Ordonnance de 1986 sur la parité salariale, DORS/86-1082;

International Union of Electrical, Radio and Machine Workers - AFL-CIO-CLC c. Lorain Products (Canada) Ltd. c. Groupe d'employés (opposants), décisions du CCRI 0884-77-R et 1040-77-U (1978);

Union internationale des journaliers d'Amérique du Nord, section locale 183, et Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 146-2-267 (1986) (QL);

Union des employés d'hôtels, clubs, restaurants et tavernes, section locale 261, et Conseil du Trésor et Service Star Building Cleaning, dossier de la CRTFP 146-2-268 (1986) (QL);

Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 125-2-41 (1985) (QL).

Réplique du requérant

[56]   Aux termes de la LRTFP, les unités de négociation accréditées par la Commission doivent correspondre à des classes, des groupes et des sous-groupes qui sont établis par le plan de classification de l'employeur. La nature des tâches exécutées par les titulaires de divers postes est donc de la plus haute importance. Dans la présente affaire, l'employeur a établi trois sous-groupes en fonction de la nature des tâches accomplies et de la vulnérabilité vis-à-vis du marché. Une unité de négociation formée des SE et des TS satisfait par conséquent aux exigences de la Loi.

Motifs de décision

[57]   Le requérant demande une première accréditation à l'égard d'une unité de négociation composée de tous les employés de la CCSN qui font partie des échelles de rémunération ou des sous-groupes TS et SE. Tous ces employés occupent des postes classés RL-5 à RL-7 dans le plan de classification de l'employeur.

[58]   La CCSN s'oppose à cette demande au motif que celle-ci ne satisfait pas au critère énoncé à l'article 33 de la LRTFP. Plus particulièrement, la CCSN soutient que l'unité de négociation proposée ne correspond pas à son plan de classification, qui n'inclut pas les échelles de rémunération des APP, TS et SE. L'employeur soutient également qu'une unité de négociation unique composée de tout le personnel exécutant des niveaux RL-1 à RL-7 serait habile à négocier et conforme à son plan de classification.

[59]   La première question à trancher se rapporte au plan de classification de l'employeur. Inclut-il les échelles de rémunération des APP, TS et SE décrites à la pièce A-2, onglet 5, et mises en place pour permettre à la CCSN de rajuster les taux de rémunération indépendamment de manière à réagir aux pressions qu'exerce le marché? Les échelles de rémunération, qui représentent des familles d'emploi dont les fonctions sont similaires, ont été mises en application par l'employeur en avril 2003. Les avis de concours de l'employeur (voir la pièce A-2, onglet 6 pour des exemples), indiquent le groupe d'échelle de rémunération sous la rubrique de la classification. Les classifications des postes sont par conséquent énumérées au niveau RL-SE-07 ou RL-TS-06. La Commission a déjà déterminé, lorsqu'elle a défini le mandat d'un conseil d'arbitrage, que « l'établissement d'un régime de paie distinct ou d'un taux de paie distinct pour un certain nombre de postes [...] créerait un niveau de classification nouveau pour ces postes » (voir IPFPC c. CRTFP, [1982] 1 C.F. 584, supra). J'en arrive donc à la conclusion que, pour l'application du paragraphe 33(2), les catégories APP, TS et SE forment des groupes ou des sous-groupes qui sont établis dans le plan de classification de l'employeur.

[60]   La seconde question que la Commission est appelée à trancher est celle de savoir ce que constitue une « majorité des fonctionnaires » au sens de l'alinéa 35 c) de la LRTFP. Dès son adoption et depuis lors, la LRTFP a toujours renvoyé uniquement à la nécessité d'obtenir l'appui d'une majorité de fonctionnaires. Or, dans ses décisions les plus anciennes, la Commission a parfois renvoyé au concept de la majorité « claire ». On peut difficilement déterminer avec précision ce qui a provoqué cette dérogation au texte clair de la Loi, d'autant plus qu'aucune explication n'a été donnée dans ces décisions. Dans ses décisions plus récentes, la Commission s'est fondée sur la pratique d'autres commissions des relations de travail pour en arriver à la conclusion que l'appui de la majorité signifie un appui de 50 % plus un. Le libellé clair de la Loi permet difficilement d'en arriver à une conclusion différente. Une majorité des fonctionnaires ne peut signifier autre chose. La Commission doit par conséquent accréditer un agent négociateur en vertu de l'article 35 de la LRTFP dans les cas où elle est convaincue que 50 % des fonctionnaires formant l'unité de négociation, plus un, désirent que le syndicat qui a présenté la demande les représente.

[61]   La troisième question porte sur l'unité de négociation qui est habile à négocier collectivement. Je crois que ni l'une ni l'autre unité proposée par les parties n'est habile à négocier collectivement. L'unité de négociation proposée par le requérant exclut tous les APP des niveaux RL-5 à RL-7, dont de nombreux ont signé des cartes d'adhésion. De plus, c'est à ces niveaux (que les fonctionnaires appartiennent aux sous-groupes APP, TS ou SE) qu'une véritable intégration fonctionnelle s'opère. La communauté d'intérêts entre ces derniers postes est profonde.

[62]   L'unité de négociation proposée par l'employeur, qui englobe tous les employés, ne peut être retenue à ce moment-ci. La thèse de l'employeur aurait pu être valable s'il y avait eu devant la Commission une expression satisfaisante de la volonté d'une majorité des employés de la CCSN de participer aux négociations collectives. Le fait est qu'aucun employé des niveaux RL-1 à RL-4 n'a fait montre d'un intérêt à être représenté par le requérant. Les cartes d'adhésion signées qui ont été déposées par l'IPFPC à l'appui de sa demande en font la preuve. Accepter une unité de négociation unique formée de tous les employés aurait donc probablement pour effet de prévenir les négociations collectives étant donné que les titulaires de postes APP de niveaux inférieurs ont exprimé clairement leur opposition à la syndicalisation. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire à l'égard d'une première accréditation, la Commission doit respecter les buts et les objectifs de la LRTFP, dont celui de promouvoir et de faciliter les négociations collectives au sein de la fonction publique fédérale.

[63]   La Commission en arrive par conséquent à la conclusion que, dans la présente affaire, une unité de négociation habile à négocier collectivement serait composée de tous les employés, peu importe leurs échelles de rémunération, qui se trouvent aux niveaux RL-5 à RL-7, et qui ne sont pas exclus des négociations collectives par la loi ou une décision de la Commission.

[64]   Le requérant a présenté des cartes d'adhésion dûment signées faisant état d'un appui d'un peu plus de 50 % (0,50145) en faveur de l'unité de négociation décrite au paragraphe 63. En conséquence, la Commission ordonne qu'un scrutin de représentation soit tenu de la manière qu'elle déterminera par l'intermédiaire de son secrétaire.

[65]   Aux fins de la préparation du scrutin, la Commission ordonne par les présentes à la CCSN de lui remettre, au plus tard le 2 avril 2004, une liste de tous les fonctionnaires qui forment l'unité de négociation décrite au paragraphe 63 à la date de la présente décision, ainsi que les adresses auxquelles chacun de ces fonctionnaires peut être rejoint par courrier.

[66]   De plus, il est ordonné à la CCSN de fournir à la Commission et au requérant, le 2 avril 2004 ou avant cette date, la liste mentionnée au paragraphe 65, sans les adresses postales. L'IPFPC peut formuler des remarques sur cette liste à la Commission et à la CCSN au plus tard le 16 avril 2004. La Commission donnera ensuite, par l'intermédiaire de son secrétaire, les directives nécessaires aux fins de la tenue du scrutin.

Yvon Tarte,
président

OTTAWA, le 18 mars 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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