Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Jour férié désigné payé - Horaire variable - Plaignant ayant droit à la totalité de son poste en congé ou employeur ayant le droit de se faire « rembourser » la différence de quatre heures - Question tranchée par la Commission dans deux décisions antérieures - le fonctionnaire était un agent correctionnel assujetti à un horaire de travail variable - il travaillait par rotation des postes de 12 heures - à la fête du Travail, il était « en congé », ce qui signifie qu'il n'était pas tenu d'accomplir son poste de travail normal ce jour-là - l'employeur lui a fait rembourser quatre heures de temps au-delà de la journée de travail « normale » de huit heures - les employés pouvaient s'arranger pour rembourser le temps à même leurs crédits de congé annuel ou de congé de maladie, mais, contrairement à ce qui se faisait dans d'autres établissements, l'employeur ne leur donnait pas la possibilité de les « rembourser » le même jour - la question avait déjà été tranchée dans deux décisions antérieures de la Commission, dont l'une a été maintenue après contrôle judiciaire par la Cour fédérale - l'arbitre a rejeté l'argument de l'agent négociateur voulant que cette affaire soit différente d'une de celles déjà tranchées par la Commission étant donné que la longueur des postes en l'espèce (12 heures) différait de celle des postes dans les affaires antérieures (de 8 et de 12 heures) - la longueur des postes ne devrait pas influer sur l'interprétation de la convention collective - l'arbitre a conclu que le nouvel article de la convention collective sur l'horaire de travail variable ramenait à la définition des « heures journalières normales » et à l'article intitulé « heures de travail », stipulant que les heures de travail d'un employé sont au nombre de huit par jour - d'après l'article sur l'horaire variable, les dispositions générales de la convention collective prévalaient à moins d'être expressément modifiées - l'horaire de travail variable ne pouvait pas offrir aux employés des avantages l'emportant sur ceux que l'employeur offrait aux employés qui n'étaient pas assujettis à un horaire variable ou qui travaillaient par postes de huit heures, à moins que ce ne soit clairement précisé dans la convention collective - le remboursement était une mesure administrative conçue pour assurer l'équité du système à l'égard des autres employés. Grief rejeté. Décisions citées :White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 40, confirmée dans White c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CF 1017; Diotte c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2003 CRTFP 74.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-12-22
  • Dossier:  166-2-32177
  • Référence:  2004 CRTFP 180

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

ANDREW WALLIS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)


employeur



Devant :   Sylvie Matteau, présidente suppléante

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  John Mancini, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur :  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Moncton (Nouveau-Brunswick),
le 24 novembre 2004.


[1]    M. Andrew Wallis, le fonctionnaire s'estimant lésé, est depuis 1999 agent correctionnel (CX-2) à l'Établissement Westmorland, situé à Dorchester, au Nouveau-Brunswick. Il travaillait déjà pour le Service correctionnel du Canada à l'Établissement Springhill, de 1997 à 1999.

[2]    Le 5 septembre 2002, M. Wallis a présenté un grief demandant qu'on [traduction] « accorde aux CX de Westmorland un congé [férié] payé de douze heures sans pénalité ». Il expliquait dans ce grief que les CX ont un horaire de travail variable : ils travaillent par rotation des postes de douze heures, de sorte qu'ils devraient bénéficier d'un congé férié payé de douze heures, conformément à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada expirant le 31 mai 2002.

[3]    L'employeur maintient que les jours fériés devraient être les mêmes pour tous les employés, et ce, conformément à l'article 21 de la convention collective. Toute déviation devrait être expressément prévue. Par conséquent, l'employeur se fait rembourser quatre heures par les employés travaillant un poste de douze heures lorsqu'ils ne sont pas en service un jour férié. Cette question d'interprétation de la convention collective a d'ailleurs déjà été tranchée en faveur de l'employeur dans la décision de la Commission White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 40, confirmée par le juge MacKay de la Cour fédérale dans White c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CF 1017.

[4]    M. Wallis a témoigné pour lui-même, tandis que M. Claude Arseneault a témoigné pour l'employeur. La convention collective a été déposée en pièce G-1.

Les circonstances

[5]    Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué que son horaire est variable et que son poste de travail est normalement de douze heures.

[6]    À la fête du Travail, le 3 septembre 2002, il avait été « mis en congé » (ce qui signifiait qu'il n'était pas tenu d'accomplir son poste de travail normal de douze heures ce jour-là). Il ne s'est donc pas présenté pour son poste de travail, et l'employeur lui a fait rembourser quatre heures de temps au-delà de la journée de travail « normale » de huit heures. Ces heures à rembourser ont été notées, et l'employeur lui a offert un choix pour les lui « rembourser ».

[7]    Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, la politique de l'employeur de se faire rembourser quatre heures par les employés travaillant par postes de douze heures lorsqu'ils sont en congé un jour férié désigné équivaut à une sanction. L'employeur ne leur donne pas la possibilité de rembourser ces heures le même jour, comme cela se fait dans d'autres établissements. Il exige qu'une entente soit conclue afin que les heures lui soient remboursées à même les crédits de congé annuel ou de congé de maladie des intéressés, et elles peuvent s'accumuler rapidement.

[8]    En réponse aux questions de son représentant, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que son « horaire journalier normal » est de douze heures, que sa « journée de travail normale » est de douze heures, que ses « heures régulièrement prévues à l'horaire » sont au nombre de douze par jour, que son « jour de travail prévu à l'horaire » est de douze heures, que son « horaire d'heures de travail » compte douze heures, et que son « poste de travail prévu à l'horaire » le 3 septembre 2002 aurait été de douze heures, soit un poste de travail complet de 7 h 00 à 19 h 00.

[9]    M. Wallis a aussi déclaré qu'un « jour de repos » est défini comme le temps écoulé entre le poste de travail le plus récent et le suivant, soit 24 heures. Enfin, il a déclaré que, pour tous les agents correctionnels CX, les heures supplémentaires s'entendent de toutes les heures dépassant douze heures de travail.

[10]    M. Arseneault, CX-3 depuis 1998, est actuellement responsable de l'établissement des horaires de travail à l'Établissement Westmorland. Il a expliqué que tous les agents correctionnels CX de l'Établissement travaillent par postes de douze heures et par roulement (quatre jours de travail et cinq jours de congé) à raison de quatre postes pour une période de 30 semaines. Sur cette période, cela correspond en moyenne à 37,5 heures de travail par semaine. Toutes les 30 semaines, on fait un rajustement avec un poste de travail de neuf heures pour maintenir la moyenne. Le traitement est payé toutes les deux semaines en fonction de cette durée moyenne du travail de 37,5 heures par semaine. Les heures supplémentaires et les autres rajustements de rémunération sont payés séparément.

[11]    M. Arseneault a également déclaré que si l'employé est en congé pour un jour de repos à l'occasion d'un jour férié désigné payé comme la Fête du travail, son prochain jour de travail est considéré comme étant son jour férié désigné payé; il est alors payé en conséquence pour toutes les heures travaillées. En l'espèce, comme on peut le constater à la lecture de l'horaire de travail général de l'Établissement Westmorland (pièce E-1), le fonctionnaire s'estimant lésé avait effectivement été « mis en congé » un jour férié. M. Arseneault a confirmé qu'on a donc demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de ne pas travailler tout son poste de douze heures et qu'on a pris note qu'il allait devoir « rembourser » quatre heures. Cette façon de procéder est due à l'interprétation de la convention collective dans tout le Canada, à savoir que « l'horaire journalier normal » des travailleurs par postes est de huit heures, ce qui signifie que le jour férié désigné payé équivaut à huit heures. C'est pour cette raison qu'on exige le remboursement des heures de congé en sus de huit heures.

[12]    Il a aussi expliqué que l'effectif est réduit et que les tâches sont réparties différemment les jours fériés désignés payés, pour réduire les coûts. En contre-interrogatoire, il a déclaré que l'horaire de travail est produit par ordinateur conformément à une formule dont la direction et le syndicat ont convenu. L'horaire est préparé un an à l'avance et affiché pour que les employés puissent le consulter au moins six mois d'avance. La tâche du témoin consiste à s'assurer que l'horaire est affiché ainsi qu'à prendre note des heures à rembourser.

[13]    M. Arseneault a aussi confirmé que les CX devaient travailler un poste de douze heures le 3 septembre 2002. Il a reconnu que les « heures de travail normales » de tous les CX sont au nombre de douze par jour, qu'un « poste de travail complet » est de douze heures, que l'« horaire de travail journalier par postes » est de douze heures, de même que les « heures de travail prévues à l'horaire » et les « heures journalières normales » des intéressés sont au nombre de douze, tout comme le « jour de travail prévu à l'horaire » et le « jour de travail normal » sont de douze heures, et enfin que les heures supplémentaires s'entendent de toutes les heures en sus de leur poste de travail de douze heures prévu à l'horaire.

[14]    Les articles pertinents de la convention collective sont les suivants.

ARTICLE 2
INTERPRÉTATION ET DÉFINITIONS

2.01 Aux fins de l'application de la présente convention :

(...)

(i) « jour férié » (holiday) désigne :

(ii) cependant, aux fins de l'administration d'un poste qui ne commence ni ne finit le même jour, un tel poste est considéré comme avoir été intégralement effectué :

(A) le jour où il a commencé, lorsque la moitié (1/2) ou plus des heures effectuées tombent ce jour-là,

ou

(B) le jour où il finit, lorsque plus de la moitié (1/2) des heures effectuées tombent ce jour-là;

[...]

ARTICLE 34
HORAIRE DE TRAVAIL VARIABLE

L'Employeur et l'Agent négociateur conviennent que les conditions suivantes s'appliquent aux employé-e-s à l'intention desquels des horaires de travail variables sont approuvés conformément aux dispositions pertinentes de la présente convention collective. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée.

Il est convenu que la mise en oeuvre de cet assouplissement des horaires ne doit pas entraîner de dépenses ou de coûts supplémentaires du seul fait d'un tel assouplissement.

1. Conditions générales

Les heures de travail figurant à l'horaire d'une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à l'horaire de travail de la journée normale de travail qu'indique la présente convention; les heures du début et de la fin du travail, des pauses-repas et des périodes de repos seront fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l'Employeur et les heures journalières de travail seront consécutives.

Dans le cas des employé-e-s travaillant par postes, ces horaires doivent prévoir que leur semaine normale de travail correspondra, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l'horaire. La durée maximale d'un horaire sera de six (6) mois.

Dans le cas des employé-e-s travaillant le jour, ces horaires doivent prévoir que leur semaine de travail normale correspondra, en moyenne, au nombre d'heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l'horaire. La durée maximale d'un horaire sera de vingt-huit (28) jours.

Lorsqu'un employé-e modifie son horaire variable ou qu'il ne travaille plus selon un tel horaire, tous les rajustements voulus seront faits.

[...]

5. Champ d'application particulier

Pour plus de précision, les dispositions suivantes sont appliquées comme suit :

Interprétation et définitions

« taux de rémunération journalier » - ne s'applique pas.

[...]

Jours fériés désignés payés

a) Un jour férié désigné payé correspond au nombre d'heures journalières normales prévues dans la présente convention.

b) Lorsque l'employé-e travaille un jour férié désigné payé, il est rémunéré, en plus de sa rémunération horaire journalière normale prévue dans la convention particulière du groupe concerné, à tarif et demi (1 1/2) jusqu'à concurrence des heures normales prévues à son horaire effectuées et à tarif double (2) pour toutes les heures effectuées en sus des heures normales prévues à son horaire.

[...]

Heures de travail

Travail de jour

21.01 Lorsque l'horaire de travail est établi de manière régulière, il doit être tel que les employé-e-s travaillent :

a) trente-sept heures et demie (37 1/2) et cinq (5) jours par semaine et obtiennent deux (2) jours de repos consécutifs,

b) sept heures et demie (7 1/2) par jour.

Travail par poste

21.02 Lorsque, en raison des nécessités du service, les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

a) elles doivent être établies de façon à ce que les employé-e-s :

(i) travaillent une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine,

et

(ii) travaillent huit (8) heures par jour.

[...]

21.04 L'horaire des heures de travail ne peut pas être interprété comme garantissant à l'employé-e une durée de travail minimale ou maximale.

[...]

26.05 Lorsqu'un employé-e travaille pendant un jour férié, il est rémunéré à tarif et demi (1 ½) pour toutes les heures effectuées jusqu'à concurrence du nombre d'heures journalières normales prévues à son horaire tel qu'indiqué à l'article 21 de la présente convention collective, et à tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu'il aurait reçue s'il n'avait pas travaillé ce jour-là.

Arguments

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé

[15]    Le représentant du fonctionnaire s'estimant lésé soutient que l'expression « heures journalières normales » figurant à l'alinéa 34.5a) de la convention collective ne signifie pas quelque chose de différent des « heures normales prévues à l'horaire », contrairement à la décision rendue par le commissaire Ian Mackenzie dans l'affaire White, supra. Les « heures journalières normales » de M. Wallis sont au nombre de 12, comme son témoignage et celui de M. Arseneault l'ont établi.

[16]    Dans White, supra, M. Mackenzie a appliqué les règles normales d'interprétation généralement reconnues en droit : si le texte emploie deux expressions différentes, elles devraient signifier quelque chose de différent. Le paragraphe 35 de cette décision se lit comme suit :

Les « heures normales prévues à l'horaire » désignent les heures de chaque poste de travail attribué à l'employé. Les « heures journalières normales » doivent dès lors désigner quelque chose de différent. L'article 21.01 prévoit que l'horaire de travail des employés qui sont assujettis à un régime de travail par poste doit être établi de manière à ce que, en moyenne, ils travaillent huit heures par jour. Il doit donc s'agir des « heures journalières normales prévues dans la présente convention » étant donné qu'il n'y a pas d'autres heures journalières prévues dans la convention collective pour les employés travaillant par poste.

[17]    M. Mancini maintient toutefois que cette interprétation est fautive et que chaque convention collective doit être lue comme un tout afin qu'on arrive à une interprétation qui se tienne dans l'ensemble. En l'espèce, les « heures journalières normales » de tous les CX sont au nombre de 12, et les « heures journalières normales prévues dans la présente convention » devraient l'être aussi en ce qui les concerne.

[18]    Pour étayer cet argument, M. Mancini fait valoir que tous les CX de l'Établissement Westmorland travaillent par postes de douze heures, contrairement à ceux de l'Établissement Renous, où M. White travaillait au moment où il a présenté son grief, lesquels travaillent des quarts de huit heures et de douze heures par roulement sur une période de deux semaines.

[19]    À l'appui de cette interprétation, il souligne que l'article 34 a été incorporé dans la convention collective après sa signature et qu'il devrait être interprété comme une modification. Quand on l'a ajouté, il était censé établir une situation avantageuse tant pour les employés que pour l'employeur. Il ne devrait pas saper les autres droits accordés en vertu d'autres dispositions de la convention collective, comme le droit à un jour férié désigné payé intégralement. Il ne devrait pas entraîner des coûts supplémentaires pour l'employeur (il n'en entraîne d'ailleurs pas).

[20]    M. Mancini a poursuivi en invoquant de nombreuses dispositions de la convention collective pour démontrer que les expressions « heures régulières » ou « heures normales » y sont utilisées sans distinction. On ne peut donc pas conclure que l'utilisation de ces expressions dans l'article portant sur les jours fériés désignés payés doit nécessairement signifier quelque chose de différent, car les deux expressions n'ont pas un sens différent ailleurs dans la convention collective; elles sont interchangeables.

[21]    En outre, M. Mancini a souligné que lorsque les parties ont tenu à établir une distinction, elles se sont expressément reportées à l'article 21; c'est le cas pour les articles 24 et 27 ainsi que pour l'alinéa 27.05b) et les paragraphes 26.05 et 35.01 de la convention collective. La règle d'interprétation devrait donc nous faire conclure que les parties ne voulaient pas que l'article 21 s'applique lorsqu'elles ne l'invoquaient pas, alors qu'elles y tenaient lorsqu'elles l'invoquaient et qu'elles invoquaient aussi sa définition des « heures normales ».

[22]    Si l'employeur est autorisé à diviser la journée de travail de cette façon, on arrive à une situation où il exige qu'on lui rembourse des heures. L'employé est payé à taux et demi pour huit heures et doit alors rembourser quatre heures à l'employeur, qui ne peut pas décider unilatéralement que le jour férié désigné payé pour des employés travaillant normalement douze heures par jour doit être de huit heures quand ils ont été « mis en congé » ces jours-là. Le syndicat n'a pas convenu d'une telle division de la journée de travail.

[23]    Avec l'adoption de l'article 34 et l'entente que les parties ont conclue par la suite à l'égard du poste de travail de douze heures pour les CX, leurs postes et leurs heures journalières normales sont devenus de douze heures, et toutes les obligations ou les avantages accordés en vertu d'autres dispositions de la convention collective devraient en tenir compte. Les employés ne devraient pas avoir l'impression qu'ils se sont fait jouer de quatre heures.

[24]    M. Mancini a invoqué de nombreux éléments de doctrine, notamment les articles 11, 14 et 28 de la Loi d'interprétation (L.R.C., ch. I-23). Il a aussi cité Canadian Labour Arbitratio, de MM.Brown et Beatty (3e édition), de même que la décision King & Holzer c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2001 CRTFP 117, en demandant qu'on applique ici les règles appliquées dans cette affaire-là. À son avis, contrairement à ce que l'employeur a prétendu, ni White, supra, ni Diotte c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) , 2003 CRFTP 74, ne s'appliquent en l'espèce.

Pour l'employeur

[25]    La représentante de l'employeur déclare que la situation dans cette affaire est similaire à celle qui existait dans White, supra. La décision rendue alors devrait être maintenue et appliquée en l'espèce, puisqu'il s'agit de la même convention collective et de la même disposition. En outre, les scénarios factuels sont les mêmes. L'horaire de travail journalier est de douze heures dans les deux cas, et le roulement des postes de travail est aussi de quatre jours de travail et de cinq jours de repos, équivalant dans les deux cas à 37,5 heures par semaine en moyenne.

[26]    La décision White a même été confirmée par la Cour fédérale. Par souci d'uniformité, il faudrait s'y conformer puisqu'il n'y a aucune raison de changer l'interprétation de la même disposition dans le cas de M. Wallis.

[27]    Me Champagne invoque aussi la décision rendue dans Diotte, supra, où les circonstances étaient très semblables à celles de la présente affaire. Elle conclut que la question a manifestement été tranchée.

[28]    En outre, elle cite le second paragraphe du préambule de l'article 34 de la convention collective, en ajoutant que l'assouplissement de l'horaire de travail est conçu pour rendre possible de plus longues périodes de repos entre les postes de travail sans qu'il en coûte davantage à l'employeur. Or, il lui coûterait davantage de payer un jour férié désigné payé douze heures plutôt que huit heures, et il y a onze jours fériés désignés payés dans la convention collective.

[29]    Me Champagne souligne aussi que ces jours fériés désignés payés existaient avant l'adoption de l'article 34, qui contient des dispositions précises sur les jours fériés désignés payés et qui devrait être interprété compte tenu des dispositions figurant dans la convention collective avant qu'on ne l'y ajoute. Ces dispositions ne nous renvoient pas à une définition différente du jour de travail à payer, mais au contraire aux « heures journalières normales de travail prévues dans la convention collective » plutôt qu'aux heures régulières ou normales d'un employé en particulier. Si les parties avaient eu l'intention qu'ils soient payés douze heures, elles l'auraient clairement précisé.

[30]    La multitude d'expressions utilisées dans la convention collective ne justifie pas qu'on les interprète de façon identique, souligne le fonctionnaire s'estimant lésé. L'interprétation doit se faire dans le contexte de la disposition pertinente.

[31]    La Loi d'interprétation ne peut pas éclairer cette discussion, puisqu'une convention collective ne doit pas être interprétée comme un règlement. Les parties sont seules responsables de la formulation et de l'interprétation de la convention collective qui les lie. Enfin, Me Champagne déclare que la décision King & Holzer, supra, n'est pas pertinente non plus, puisqu'elle porte sur le congé payé pour obligations familiales.

Motifs de décision

[32]    La question soulevée dans cette affaire a déjà été entendue dans White, supra, et dans Diotte, supra. La première de ces décisions a fait l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, qui a jugé que l'interprétation de l'arbitre n'était pas déraisonnable. Après avoir analysé les deux décisions, je conclus que les circonstances étaient semblables à celles qu'on trouve dans le cas de M. Wallis, que la disposition en question est la même et que les arguments avancés dans les deux décisions antérieures sont dans l'ensemble les mêmes que ceux que le fonctionnaire s'estimant lésé a présentés ici.

[33]    M. Mancini a présenté des arguments relatifs aux règles d'interprétation qui devraient s'appliquer dans les circonstances. Toutefois, j'estime qu'ils ne m'aident nullement à interpréter la disposition pertinente de la convention collective. D'ailleurs, si j'acceptais l'argument du fonctionnaire s'estimant lésé sur ce point, l'interprétation de la convention collective, qui est censée s'appliquer également à tous les membres de l'unité de négociation, varierait d'un établissement correctionnel à l'autre.

[34]    En soi, le fait que tous les CX de l'Établissement Westmorland travaillent régulièrement par postes de douze heures, contrairement à leurs collègues de l'Établissement Renous, où M. White travaillait au moment où il a présenté son grief, ne devrait pas influer sur l'interprétation de la convention collective.

[35]    À cet égard, il devrait s'agir de déterminer si les dispositions relatives aux jours fériés désignés payés figurant dans le nouvel article de la convention collective sur l'horaire de travail variable (l'article 34) nous ramènent à la définition du paragraphe 21.02 de la convention collective en ce qui concerne les « heures journalières normales prévues dans la présente convention ». Force nous est de conclure par l'affirmative. L'article 34 nous ramène manifestement aux « heures journalières normales » qui sont précisées dans la convention collective à l'article 21, soit huit heures pour les employés travaillant selon un horaire de travail variable conformément au paragraphe 21.02. L'article 34 ne contient pas de définition précise et n'exclut pas non plus la définition de l'article 21, comme il le fait pour le « taux de rémunération journalier ». Il ne fait pas état non plus des « heures journalières normales de chaque employé particulier ».

[36]    Le préambule de l'article 34 est clair : « La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée ». Autrement dit, ce qui n'est pas expressément modifié par l'article 34 reste inchangé, et cet article prévoit que les dispositions générales de la convention collective prévalent à moins qu'elles ne soient expressément modifiées.

[37]    L'assouplissement de l'horaire de travail est très important pour les employés. Le fonctionnaire s'estimant lésé prétend que l'interprétation par la direction - et par M. Mackenzie, dans White, supra - a eu des conséquences néfastes pour les employés travaillant par postes de douze heures. Pourtant, l'horaire de travail variable ne peut pas leur offrir des avantages l'emportant sur ceux que l'employeur offre aux employés qui ne sont pas assujettis à un horaire variable ou qui travaillent par postes de huit heures, à moins que ce ne soit clairement précisé dans la convention collective. Le remboursement est une mesure administrative conçue pour assurer l'équité du système à l'égard des autres employés. On ne peut pas le considérer comme tricher les employés travaillant par postes selon un horaire variable, même s'ils peuvent en avoir l'impression.

[38]    La Cour fédérale s'est prononcée sur cette question de l'effet non intentionnel de la décision White, supra. Dans le paragraphe 11 de sa décision, le juge MacKay a écrit ce qui suit [traduction] : « Si l'interprétation prévalait, les dispositions de la convention collective qui prévoient une rémunération à taux majoré pour les employés travaillant un jour férié aboutiraient à des anomalies entre ce que toucheraient ceux qui travaillent selon un horaire normal et ceux qui travaillent par postes de douze heures. » Il a conclu au paragraphe suivant que [traduction] « si ces résultats devaient s'ensuivre, cela ne suffirait pas en soi à me convaincre que la décision de l'arbitre de griefs était manifestement déraisonnable. C'est là la norme à laquelle il faut satisfaire [...] ».

[39]    Je ne vois aucune raison d'interpréter l'article 34 de cette convention collective autrement qu'il ne l'a été dans White, supra.

[40]    Le grief est rejeté.

Sylvie Matteau,
présidente suppléante

OTTAWA, le 22 décembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.