Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Suspension en attendant les résultats d'une enquête - Fonctionnaire soupçonné d'activités illégales - Contestation de la compétence de la Commission par l'employeur - Image publique de l'ADRC - Fardeau de la preuve assumé par l'employeur - le fonctionnaire s'estimant lésé avait été suspendu en attendant les résultats d'une enquête sur des allégations qu'il était mêlé à des activités illégales - la preuve a révélé qu'il fournissait peut-être à des tiers des renseignements sur des pratiques frauduleuses relativement aux droits de douane, en se servant du système informatique de l'ADRC - la GRC menait aussi une enquête criminelle sur les allégations - le fonctionnaire s'estimant lésé, un analyste en informatique, avait accès aux ordinateurs de l'ADRC - le grief a été renvoyé à l'arbitrage - la Commission n'a plus entendu parler du fonctionnaire s'estimant lésé - il avait apparemment déménagé aux Philippines sans l'en informer - il avait été avisé de la date de l'audience d'arbitrage dans un courriel de l'agent négociateur - personne n'a comparu en son nom - l'employeur a contesté la compétence de la Commission pour entendre le grief - il a allégué que la suspension était une mesure administrative plutôt que disciplinaire - l'arbitre a décidé de ne pas se prononcer sur la question de compétence, compte tenu de sa décision au fond - l'employeur avait des raisons suffisantes pour suspendre le fonctionnaire s'estimant lésé - son image aurait pu être compromise si les allégations avaient été rendues publiques - le risque que la réputation de l'ADRC aurait couru était trop grand pour que l'employeur l'assume - le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a communiqué ni avec la Commission, ni avec l'agent négociateur, témoignait d'un manque total d'intérêt pour son emploi - l'employeur s'est acquitté du fardeau de la preuve. Grief rejeté. Décisions citées :Blackburn c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 49; Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 9.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-11-05
  • Dossier:  166-34-33966
  • Référence:  2004 CRTFP 158

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

TODD RAMIREZ

fonctionnaire s'estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

 

Devant :  D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé :  Personne

Pour l'employeur :  Karl G. Chemsi, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 20 septembre 2004.


[1]   Le 10 octobre 2003, Todd Ramirez (le « fonctionnaire s'estimant lésé ») a été convoqué à une réunion où Sylvain St-Denis, commissaire adjoint par intérim de la Direction générale des appels de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) l'a informé qu'il était suspendu indéfiniment sans traitement à compter de ce jour-là de son poste d'analyste en informatique (CS-02). Il était suspendu en attendant les résultats d'une enquête concernant des allégations qu'il était mêlé à des activités illégales. La lettre de suspension (pièce E-6) se lit comme il suit :

[Traduction]

La présente lettre a pour objet de vous informer que la Direction des appels a décidé de vous suspendre sans traitement pour une période indéfinie en attendant les résultats d'une enquête sur des allégations que vous êtes mêlé à des activités illégales.

Cette suspension indéfinie commencera le 10 octobre 2003.

Vous serez informé ultérieurement des résultats de l'enquête de l'Agence sur cette question et de toute mesure subséquente qu'elle prendra.

Si vous avez besoin de renseignements concernant votre rémunération et vos avantages durant cette période de suspension indéfinie, communiquez avec votre spécialiste de la rémunération, […].

Veuillez accuser réception de cette lettre dans l'espace prévu à cette fin sur la copie.

[2]   Le 12 mars 2004, le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé son grief à l'arbitrage. Par la suite, la Commission n'a reçu aucune communication écrite ou autre de lui. Elle lui a envoyé une lettre recommandée accusant réception du renvoi de son grief à l'arbitrage (Formule 14), mais cette lettre lui a été retournée avec une note indiquant que l'intéressé avait déménagé; une adresse aux Philippines était inscrite à l'encre sur l'enveloppe. Toute la correspondance ultérieure de la Commission a donc été envoyée au fonctionnaire s'estimant lésé à cette adresse aux Philippines, y compris l'avis d'audience datée du 21 juillet 2004 l'informant que l'audition de son grief allait avoir lieu du 20 au 24 septembre 2004. L'avis d'audience a été envoyé par courrier recommandé avec demande à Postes Canada d'obtenir une signature accusant réception. En outre, un des agents du Greffe de la Commission a tenté de communiquer avec le fonctionnaire s'estimant lésé par téléphone pour confirmer qu'il avait reçu l'avis d'audience, mais sans succès. L'opératrice de la compagnie de téléphone a dit à l'agent qu'il n'y avait aucun numéro au nom du fonctionnaire s'estimant lésé dans la ville de Marikina, aux Philippines. Toutefois, avant l'audience, le représentant syndical du fonctionnaire s'estimant lésé a communiqué avec lui (par courrier électronique); l'intéressé savait donc que l'audition de son grief devait avoir lieu dans la semaine du 20 septembre (pièce E-4).

[3]   L'audience a commencé comme prévu le 20 septembre 2004. L'avocat représentant l'employeur était présent, mais ni le fonctionnaire s'estimant lésé, ni un représentant agissant en son nom ne l'étaient. L'avocat de l'employeur a déposé neuf pièces, mais il n'a fait comparaître aucun témoin.

[4]   Dès le début, l'avocat de l'employeur a contesté la compétence de la Commission pour entendre l'affaire. Il a déclaré que la suspension indéfinie du fonctionnaire s'estimant lésé résultait d'une décision administrative et qu'elle n'était pas de nature disciplinaire. Par conséquent, il a soutenu que la Commission n'a pas compétence en vertu de l'alinéa 92(1) b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), et que le grief devrait être rejeté sans audience.

[5]   J'ai déclaré à l'avocat que je réservais ma décision sur son objection et j'ai entendu l'affaire au fond.

Les faits

[6]   Les arguments de l'employeur peuvent être résumés comme il suit. Au début de juin 2003, pendant qu'il était à son travail, le fonctionnaire s'estimant lésé a téléchargé un gros document de l'Internet, ce qui a incité le personnel de la Direction générale des systèmes de TI à faire enquête. L'enquête a révélé qu'il y avait dans l'ordinateur de l'intéressé plusieurs courriels inquiétants pour la direction. Ces courriels ont été déposés comme pièces (E-7 et E-8).

[7]   Le 3 juillet 2003, M. St-Denis a envoyé une note de service à André St-Laurent, directeur de la Division des affaires internes de la Direction de la sécurité de l'ADRC pour réclamer une enquête approfondie sur certains courriels trouvés dans l'ordinateur du fonctionnaire s'estimant lésé. On pensait que ce dernier donnait peut-être des renseignements à des tiers sur des pratiques frauduleuses relativement aux droits de douane en se servant des systèmes informatiques de l'ADRC (pièce E-5(a)). M. St-Denis a ensuite envoyé une autre note de service, le 11 juillet 2003, à Ray James, Enquêtes, Direction des programmes d'observation, ADRC, pour réclamer la tenue d'une enquête officielle (pièce E-5(b)).

[8]   L'employeur a aussi rencontré la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à ce sujet, après quoi la GRC a décidé de mener une enquête criminelle sur les allégations de pratiques frauduleuses du fonctionnaire s'estimant lésé; cette enquête est en cours.

[9]   Les courriels en question (pièces E-7 et E-8) avaient été envoyés à partir des adresses de courrier électronique du fonctionnaire s'estimant lésé à sa résidence et à son travail. Ils se lisent comme il suit.

[Nota : J'ai omis les noms et (ou) les adresses des personnes à qui les courriels ont été envoyés ou de qui ils ont été reçus.]

[10]   Le 14 décembre 2000, le fonctionnaire s'estimant lésé a envoyé le courriel suivant à quelqu'un (pièce E-8) :

[Traduction]

Salut, […]. Comme tu m'as payé rapidement, je l'enverrai demain (j'ai le paquet chez moi et je suis actuellement au bureau). Si ça te convient, je le déclarerai aussi en tant que cadeau de Noël, pour te faire économiser les droits de douane. Comme les douanes américaines n'autorisent que 100 $ par personne pour un cadeau, j'aurai donc besoin de quatre noms, peut-être celui de tes enfants, de ta conjointe, etc. Fais-les-moi savoir pour que je puisse les déclarer sur la formule de douane.

Attends-toi à ce que le paquet arrive la semaine prochaine, mais donne peut-être quelques jours de plus à UPS en raison de la forte demande au temps des fêtes.

[Sic]

[11]   Le lendemain 15 décembre 2000, il a envoyé le courriel suivant à quelqu'un d'autre (pièce E-8) :

Traduction]

[…]

Mon paiement devrait maintenant vous avoir été confirmé par Paypal.

Pourriez-vous, s'il vous plaît, déclarer que c'était un cadeau de Noël? Je veux juste économiser quelques dollars de droits de douane. Les noms des personnes à qui le cadeau est destiné sont :

Todd Ramirez
Sarah Ramirez
Krystal Ramirez
Marie Ramirez

Merci d'avance.

[12]   Le 27 janvier 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a reçu le courriel suivant (pièce E-8) :

[Traduction]

Je n'ai encore reçu aucun numéro de dépistage de vous ou d'UPS. S'il y a problème pour vous de l'envoyer à l'adresse que je vous ai donnée, faites-le-moi savoir pour que je puisse faire mes achats ailleurs. Je peux comprendre votre point de vue et je ne vous en veux pas. Merci. […]

[13]   Le 28 janvier 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu comme il suit (pièce E-8) :

[Traduction]

Ma copine vient de me dire qu'elle a envoyé la carte séparément! C'était notre façon normale de l'envoyer pour éviter qu'elle ne soit saisie à son entrée AUX ÉTATS-UNIS, mais ma copine ne se rendait pas compte que nous ne l'envoyions pas aux États-Unis.

Je vous assure que la carte est en route. Voici le no de dépistage d'XpressPost :

[…]

Vous devriez la recevoir mercredi ou jeudi. Je suis désolé pour cette erreur. Les femmes! On ne peut pas vivre avec elles, ni se débarrasser d'elles!

[14]   Le 18 février 2003, il a reçu le courriel suivant (pièce E-7) :

[Traduction]

Je suis à Columbus, en Ohio, aux États-Unis. Je vais vous envoyer le numéro de série ce soir quand j'arriverai chez moi. Avez-vous une idée si je dois faire quelque chose de particulier en vous l'envoyant par la poste? Douane, droits, etc.? Je n'ai encore jamais envoyé quelque chose par la poste à l'étranger. Merci!

[15]   Le lendemain, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu ce qui suit (pièce E-7) :

[Traduction]

[…]les formules de douane mises à part, il n'y a rien de particulier à faire pour envoyer quelque chose au Canada. Je vous demande de vous servir de FedEx, *pas de* UPS. Je n'ai eu que des problèmes avec UPS, alors que le service de FedEx est toujours parfait. Chose certaine, ne vous servez pas de la poste ordinaire. C'est la pire façon. Les coûts de livraison de surface de FedEx et UPS et celui de la Priorité globale d'USPS sont à peu près identiques, de toute façon. Je ne vous demande pas de choisir le service Express de FedEx, juste le tarif de surface. Il faut compter à peu près une semaine pour la livraison, mais bon, je n'irai nulle part; au moins, le tarif de surface de FedEx est relativement modique.

Je pourrais aussi en profiter pour vous donner des renseignements et des instructions afin de m'envoyer le tout :

[…]

Veuillez déclarer l'article exactement de la façon suivante : « Récepteur vidéo (Cadeau) », avec une valeur de 35 $. De cette façon, il passera à la douane sans problème et sans retard. Ne vous inquiétez pas : on m'a expédié bien des récepteurs et je n'ai jamais eu la moindre difficulté... au moins avec FedEx. UPS fait constamment dédouaner les articles et fait ouvrir les paquets par la douane, ce qui me coûte beaucoup plus cher que si je les avais envoyés par FedEx. Ne mentionnez pas la carte HU dans la déclaration; ce n'est pas important. Laissez-la dans le récepteur exactement où vous l'insérez normalement.

Avez-vous réussi à trouver le no de série?

Je le répète, répondez intégralement à cela.

[Sic]

[16]   À la suite de son enquête officielle, l'ADRC a demandé et obtenu du tribunal, le 3 octobre 2003, un mandat de perquisition dans les locaux occupés ou utilisés par le fonctionnaire s'estimant lésé (pièce E-9) :

[Traduction]

ANNEXE « B »

ENTRE LE 1er OCTOBRE 2000 ET AUJOURD'HUI, TODD RAMIREZ, HABITANT À

[…]

  1. a délibérément fait - et participé - à une déclaration fausse et trompeuse par écrit interdite par l'alinéa 153a) de la Loi sur les douanes, commettant ainsi une infraction à l'article 160 de la Loi sur les douanes, L.C. 1986, C-1, telle que modifiée, ou à son règlement;

QUE

ENTRE LE 1er OCTOBRE 2000 ET AUJOURD'HUI, TODD RAMIREZ, HABITANT À

[…]

  1. a délibérément évité de payer les droits et les taxes sur des marchandises importées, à savoir des DVD, des consoles de jeux, des antennes de réception par satellite à réflecteur, des récepteurs, des cartes et de l'équipement connexe, en faisant une fausse déclaration sur la valeur ou la description de ces produits, ce qui est interdit par l'alinéa 153c) de la Loi sur les douanes, commettant ainsi une infraction à l'article 160 de la Loi sur les douanes, L.C 1986, C-1, telle que modifiée, ou à son règlement;

ET QUE

ENTRE LE 1er OCTOBRE 2000 ET AUJOURD'HUI, TODD RAMIREZ, HABITANT À

[…]

  1. a, sans autorisation légitime ni excuse, eu en sa possession ou autrement acquis des DVD, des consoles de jeux, des antennes de réception par satellite à réflecteur, des récepteurs, des cartes et de l'équipement connexe illégalement importés au Canada, ce qui est interdit par l'article 155 de la Loi sur les douanes, commettant ainsi une infraction à l'article 160 de la Loi sur les douanes, L.C 1986, C-1, telle que modifiée, ou à son règlement.

[17]   Les ordinateurs du fonctionnaire s'estimant lésé au bureau et à sa résidence ont été saisis.

[18]   Le 21 juillet 2004, M. St-Denis a envoyé une lettre recommandée (pièce E-1) au fonctionnaire s'estimant lésé, à sa dernière adresse connue à Ottawa, pour le convoquer à une réunion afin d'obtenir de lui des renseignements supplémentaires. Le 26 juillet 2004, il lui a de nouveau écrit (pièce E-1), après avoir été informé de son adresse aux Philippines. Dans cette lettre, il l'informait que l'enquête était terminée et répétait que la direction souhaitait le rencontrer pour obtenir d'autres renseignements de lui. Cette lettre a été envoyée par Xpresspost. Le 17 août 2004, M. St-Denis a envoyé une autre lettre au fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer que, si ce dernier n'avait pas communiqué avec lui au plus tard le 31 août 2004, il n'aurait d'autre choix que de conclure à l'abandon de son poste et de le licencier (pièce E-1).

[19]   Le 9 août 2004, grâce à un système informatisé de dépistage, il a été confirmé que la lettre du 26 juillet 2004 avait été reçue par le fonctionnaire s'estimant lésé.

[20]   L'avocat de l'employeur déclare que M. St-Denis a tenu compte des facteurs suivants lorsqu'il a pris la décision de suspendre le fonctionnaire s'estimant lésé indéfiniment :

  1. Le poste du fonctionnaire s'estimant lésé exigeait une cote de sécurité avec niveau de fiabilité accru, et l'intéressé avait les mots de passe nécessaires pour avoir accès aux ordinateurs de l'ADRC; l'employeur était donc d'avis qu'il ne pouvait pas l'affecter à un autre poste.

  2. Les intérêts et le fonctionnement de l'ADRC.

  3. L'image publique de l'ADRC, si l'on devait découvrir qu'un de ses employés était mêlé à des activités frauduleuses dans d'autres pays, voire dans le monde entier.

  4. L'intervention de la GRC.

  5. L'utilisation personnelle des ordinateurs de l'employeur par le fonctionnaire s'estimant lésé.

  6. La rupture de la relation de confiance entre l'employeur et le fonctionnaire s'estimant lésé.

  7. Le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était servi de connaissances d'initié pour éviter de payer des droits et des taxes de douane.

[21]   L'avocat termine son exposé de la position de l'employeur en invoquant la jurisprudence suivante : Ogilvie c. Conseil du Trésor (Affaires indiennes et du Nord), dossier de la CRTFP no 166-2-14268 (1983) (QL); Côté c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossiers de la CRTFP nos 166-2-19604, 166-2-19605 et 166-2-20866 (1992) (QL); Gunderson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP nos 166-2-26327 et 166-2-26328 (1995) (QL); Nolan c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossier de la CRTFP no 166-2-17895 (1989) (QL); Cotter c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Impôt), dossier de la CRTFP no 166-2-16113 (1988) (QL); McManus c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossiers de la CRTFP nos 166-2-8048 et 166-2-8078) (1980) (QL); Charbonneau c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes, Accises et Impôt), dossiers de la CRTFP nos 166-2-25889 et 166-2-25890) (1995) (QL); Decae c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Accise), dossier de la CRTFP no 166-2-26796 (1996) (QL); Griffiths c. Conseil du Trésor (Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada), dossier de la CRTFP no 166-2-7949 (1980) (QL) et Re Ontario Jockey Club and Mutual Employees' Association, Service Employees' International Union, Local 528 (1977), 17 L.A.C. (2d) 176.

Motifs de la décision

[22]   J'ai pris note de la contestation par l'avocat de l'employeur de la compétence de la Commission pour entendre cette affaire puisqu'elle ne relève pas de l'alinéa 92(1)b) de la LRTFP.

[23]   L'employeur soutient que la suspension du fonctionnaire s'estimant lésé était une mesure administrative plutôt que disciplinaire.

[24]   Compte tenu de ma décision sur la justification de la suspension, je refuse pour le moment de me prononcer sur la question de l'arbitrabilité du grief en application de l'alinéa 92(1)b), puisqu'il n'est pas nécessaire que je le fasse maintenant.

[25]   Je tiens à préciser en passant que, même si le fonctionnaire s'estimant lésé n'était pas présent pour invoquer des difficultés financières indues résultant de l'enquête trop longue de l'ADRC, je recommanderais à l'employeur de prendre connaissance des décisions suivantes : Blackburn c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2003 CRTFP 49, et Larson c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 9.

[26]   La question que je dois trancher ne consiste pas à savoir si le fonctionnaire s'estimant lésé est coupable des allégations avancées par l'employeur, mais si la preuve dont l'employeur disposait était suffisante pour justifier sa décision de le suspendre indéfiniment.

[27]   Je suis arrivé à la conclusion que l'employeur a prouvé qu'il avait effectivement des raisons suffisantes, pour les motifs suivants.

[28]   La preuve dont je suis saisi révèle que l'employeur avait amplement de preuves ou de raisons pour soupçonner le fonctionnaire s'estimant lésé d'être mêlé à des activités de nature douteuse. Les pièces E-7 et E-8 démontrent clairement que l'employeur avait raison de soupçonner que l'intéressé s'était servi de son poste et de sa connaissance de la Loi sur les douanes pour éviter de payer des droits et des taxes de douane. La preuve montre aussi qu'il avait donné des conseils à des gens sur la façon d'éviter des inspections douanières et de payer ces droits et ces taxes.

[29]   Un juge de paix a été convaincu qu'il y avait des motifs suffisants pour qu'il délivre un mandat de perquisition dans les locaux occupés par le fonctionnaire s'estimant lésé. De même, la GRC a entrepris une enquête criminelle sur les activités de ce fonctionnaire pendant qu'il était au service de l'ADRC.

[30]   Je souscris à l'opinion de l'avocat de l'employeur que les allégations portées contre le fonctionnaire s'estimant lésé, si elles avaient été rendues publiques, auraient compromis l'image publique de l'ADRC et gravement sapé la relation de confiance qu'un employé occupant un poste comme le sien est censé détenir.

[31]   Je conclus donc que le risque que la réputation de l'ADRC aurait couru si le fonctionnaire s'estimant lésé avait continué à y travailler pendant l'enquête était trop grand pour que l'employeur l'assume.

[32]   Le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé ne s'est pas présenté à l'audience, qu'il a choisi de ne pas répondre aux demandes de confirmation de ses intentions que son agent négociateur lui avait adressées avant celle-ci et qu'il n'a fait aucun effort pour communiquer avec la Commission afin de l'informer de son déménagement aux Philippines témoigne d'un manque total d'intérêt pour son emploi dans la fonction publique fédérale.

[33]   Le grief est rejeté. L'employeur s'est acquitté de la charge de prouver qu'il avait des motifs raisonnables de suspendre indéfiniment le fonctionnaire s'estimant lésé.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 5 novembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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