Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Licenciement - Agression sexuelle contre une membre du public - Agression pendant les heures de travail du fonctionnaire s'estimant lésé - Contestation de la compétence de la Commission pour entendre le grief portant sur la suspension - Selon l'employeur, la suspension était une mesure administrative et non disciplinaire - Aucune preuve médicale prouvant l'existence d'un lien entre une maladie et les actions reprochées - Lien de confiance rompu - dans le cadre de ses fonctions de vérificateur, le fonctionnaire s'estimant lésé était allé faire une vérification dans un salon de bronzage - pendant sa visite, il avait fait plusieurs commentaires inacceptables et inconvenants à une employée du salon - le lendemain, il était retourné au salon de bronzage en demandant à l'employée de l'accompagner pendant qu'il vérifiait les numéros de série des lits de bronzage - quand ils sont arrivés dans une pièce située à l'arrière du salon, il lui a dit qu'elle avait de beaux seins et lui a demandé s'il pouvait les toucher et l'embrasser - elle a refusé, mais il lui a touché les seins et a tenté de l'embrasser quand même - l'employée avait quitté la pièce et le fonctionnaire s'estimant lésé ne l'avait pas poursuivie - il avait nié l'agression sexuelle quand la police l'avait interrogé - la police avait porté des accusations contre lui et communiqué avec l'employeur - le fonctionnaire s'estimant lésé avait d'abord été informé qu'il ne pourrait plus faire de vérifications sur le terrain, après quoi il avait été suspendu, puis licencié une fois l'enquête interne terminée - au début, il avait aussi nié catégoriquement l'agression à l'employeur, mais fini par l'admettre après avoir été interrogé pendant 2,5 heures - il avait dit à l'employeur qu'il éprouvait du remords et s'était déclaré prêt à subir des traitements et des examens médicaux afin qu'on puisse déterminer pourquoi il avait agi de la sorte - il avait effectivement subi des tests et reçu des traitements psychologiques après son congédiement - il avait vécu auparavant une période très stressante, en raison d'une augmentation de son hypothèque, de problèmes avec son fils aîné, du fait que son cadet avait dû subir plusieurs interventions chirurgicales après un accident de ski, de la maladie de peau qu'il avait contractée et parce qu'une personne de la proche famille avait récemment été victime d'une agression sexuelle - la suspension était une mesure disciplinaire, de sorte que la Commission avait compétence pour trancher le grief présenté pour la contester - le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait avancé aucune preuve médicale démontrant qu'il y avait un lien entre son état de santé et l'agression - le rapport psychiatrique concluait qu'il n'avait pas le tempérament pour commettre une agression comme celle là, et que le risque de récidive pouvait être considéré comme très faible - l'employeur était convaincu que l'agression était préméditée - le lien de confiance avait été rompu et l'intégrité de l'employeur était en jeu. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2005-01-17
  • Dossiers:  166-34-34069
    166-34-34070
  • Référence:  2005 CRTFP 6

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

HOWARD YARMOLINSKY

fonctionnaire s’estimant lésé

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

employeur

Devant : D.R. Quigley, commissaire

Pour le fonctionnaire s’estimant lésé : Howard Markowitz, avocat

Pour l’employeur : Caroline Engmann et Vanita Goela, avocate


Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 15 au 18 novembre 2004.


[1]   La présente affaire porte sur la suspension d'une durée indéterminée et le licenciement subséquent de Howard Yarmolinsky (le fonctionnaire s'estimant lésé), un vérificateur (AU-02) au Bureau des services fiscaux de Toronto-Nord de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (nom qu'elle portait à l'époque), pour avoir commis une présumée agression sexuelle alors qu'il effectuait une vérification au titre de la TPS. À la suite de la restructuration gouvernementale annoncée le 12 décembre 2003, l'ADRC est devenue l'Agence du revenu du Canada (ARC).

[2]   Dans une lettre datée du 12 décembre 2003 et signée par Diane C. Emmett, directrice intérimaire du Bureau des services fiscaux de Toronto-Nord, ADRC, le fonctionnaire s'estimant lésé a appris que son emploi prenait fin le jour même (pièce E-1, onglet 14) :

[Traduction]

La présente lettre fait suite à la rencontre du 8 décembre 2003 au cours de laquelle vous avez été informé qu'une décision serait prise concernant votre emploi à l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

Le 22 octobre 2003, l'Agence des douanes et du revenu du Canada a appris que vous étiez accusé d'avoir commis une agression sexuelle contre une employée pendant une vérification au titre de la TPS à un lieu d'affaires.

Le 23 octobre 2003, la Division des affaires internes (DAI) a été chargée d'enquêter sur ces allégations. Vous avez été interrogé le 31 octobre 2003. L'enquête de la DAI a révélé que vous aviez effectivement commis une agression sexuelle contre une employée à un lieu d'affaires d'un contribuable, au cours d'une vérification au titre de la TPS. Pendant l'entrevue, vous avez admis ces faits. Il semble que des accusations criminelles aient d'ailleurs été portées contre vous.

Votre comportement est inacceptable et a porté atteinte à la réputation de l'ADRC, de ses employés et de la fonction publique du Canada. La direction estime que votre comportement démontre clairement que vous avez enfreint le Code de déontologie et de conduite et que vous avez irrémédiablement rompu la relation employeur-employé.

Par conséquent, en vertu du pouvoir qui m'a été délégué et conformément à la disposition 51(1) f) de la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, vous êtes par la présente avisé de la décision de mettre fin à votre emploi à l'Agence pour inconduite. Votre licenciement entre en vigueur à la fermeture des bureaux, le 12 décembre 2003.

Votre convention collective prévoit le droit de déposer un grief à l'encontre de cette décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, ceci dans les 25 jours suivant la réception du présent avis.

Vous recevrez à une date ultérieure les renseignements concernant les indemnités auxquelles vous avez droit à la suite de votre licenciement.

[3]   Les deux avocats ont prononcé de brèves observations préliminaires. L'avocate de l'employeur a soulevé une objection relativement à ma compétence à entendre un grief portant sur une suspension pour une durée indéterminée. Elle a fait valoir qu'il s'agissait d'une mesure administrative et non disciplinaire et que, par conséquent, je n'étais pas compétent en la matière. J'ai pris note de l'objection, mais j'ai décidé d'entendre l'affaire au fond.

[4]   L'avocate de l'employeur a présenté quatre pièces et cité cinq témoins à comparaître. L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a déposé huit pièces et convoqué un seul témoin, l'épouse du fonctionnaire s'estimant lésé. Le fonctionnaire s'estimant lésé a témoigné en son propre nom. J'ai acquiescé à la demande d'exclusion des témoins qui m'a été présentée. Par ailleurs, on m'a signalé, à la fin de l'audience, le fait que Mme Yarmolinsky avait assisté au témoignage de plusieurs témoins de l'employeur. Je traiterai de cette question dans les motifs de ma décision.

[5]   Compte tenu de la nature sensible de l'allégation, les deux avocats ont convenu de désigner la victime présumée sous le nom de Mme « X ». Le lieu où est survenu l'agression sera désigné sous le nom de « salon de bronzage ».

La preuve

[6]   Diane Emmett est directrice adjointe, Direction générale de la validation et de l'exécution (Division de la vérification), au Bureau des services fiscaux de Toronto-Nord, ADRC, depuis juin 1996. Au moment du présumé incident, en octobre 2003, elle occupait le poste de directeur à titre intérimaire.

[7]   Elle a expliqué que la mission de l'ADRC était d'appliquer la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d'accise et de promouvoir la conformité à ces lois, ainsi qu'à fournir des services de qualité et responsables aux contribuables canadiens par l'entremise de ses vérificateurs. Dans le cadre de ses fonctions de vérificateur, le fonctionnaire s'estimant lésé devait rencontrer les contribuables pour les informer de leurs obligations en vertu de divers lois, leur apporter de l'aide en cas de non-conformité et leur expliquer les raisons d'une cotisation (impôts devant être versés au gouvernement ou remboursement auquel ils pourraient avoir droit).

[8]   Les vérificateurs qui effectuent le travail sur le terrain sont investis de vastes pouvoirs législatifs. Derrière leur carte d'identité du gouvernement, on peut lire ce qui suit (pièce E-1, onglet 15) :

Le détenteur de cette carte est autorisé par la loi à appliquer et à exécuter la législation fiscale. Il est aussi autorisé :

  • à entrer dans un lieu d'affaires;
  • à enter dans la résidence d'une personne, avec la permission de celle-ci, lorsque la loi l'exige;
  • à obtenir de toute personne présente qu'elle l'aide et réponde à ses questions;
  • à demander à une personne responsable de l'accompagner lorsque la loi l'exige;
  • à examiner et à copier des documents pertinents;
  • à examiner des biens.

[...]

[9]   Outre la formation technique exhaustive à laquelle ils sont soumis, les vérificateurs sont appelés à se familiariser avec la politique sur la confiance et l'intégrité de l'ADRC (pièce E-2). Mme Emmett a insisté sur la déclaration sur la vision de l'organisme :

Être reconnus et respectés par nos clients pour l'intégrité, l'équité et l'innovation dont nous faisons preuve dans la gestion de programmes de qualité supérieure à coût abordable.

Encourager l'établissement de nouveaux partenariats intergouvernementaux et internationaux qui favorisent une plus grande efficacité gouvernementale et le renforcement de l'union économique.

[10]   Voici les quatre grandes valeurs de l'ADRC :

  • l'intégrité est la pierre angulaire de notre administration : elle s'entend du traitement équitable de chacun et de l'application équitable de la loi;

  • le professionnalisme est la clé qui nous permet de remplir notre mission : il s'agit de l'application des normes de rendement les plus élevées possibles;

  • le respect est à la base de nos rapports avec nos collègues et nos clients : il se traduit par une attitude réceptive par rapport aux droits des particuliers;

  • la collaboration est l'élément fondamental qui nous permettra de relever les défis qui se poseront : elle s'entend de l'établissement d'un partenariat et de l'unification des efforts en vue de la réalisation d'objectifs communs.

[11]   Mme Emmett a expliqué que le système fiscal reposait sur l'observation volontaire, ce qui correspond à environ 95 %. Si les contribuables font confiance au gouvernement, ils se conforment à ses lois. C'est la clé du succès de l'ADRC.

[12]   Elle a cité le code de déontologie et de conduite de l'ADRC (pièce E-1, onglet 2) qui énonce que :

[...]

Le Code a été conçu pour vous aider à prendre connaissance des normes de conduite que l'on attend de vous à titre d'employé lorsque vous travaillez aux postes de douane, exécutez des activités d'observation, servez les clients, donnez suite à des appels, fournissez des services à d'autres employés, gérez les programmes et les ressources ou vous acquittez d'autres aspects importants de la Mission de l'ADRC. On vous y demande d'assumer vos responsabilités de façon éthique. Ce Code vise à assurer la poursuite et le renforcement de notre tradition d'intégrité et de professionnalisme ainsi qu'à affermir la motivation de l'ADRC à servir le public avec souplesse, tout en favorisant un environnement de travail axé sur le respect des gens.

[...]

[13]   Dans la section intitulée « Rapports avec le public - Sensibilité et souplesse », on peut lire :

On ne saurait trop insister sur l'importance de fournir au public, dans le cadre de vos fonctions officielles, des services courtois de façon diligente, sensible et professionnelle. Aux yeux de nombreux clients, vous représentez non seulement l'ADRC, mais aussi l'ensemble de la fonction publique canadienne.

[...]

[14]   Dans la partie portant sur les mesures disciplinaires possibles en cas d'inconduite, on peut lire ce qui suit :

[...]

Cependant, malgré les mesures de prévention prises par l'ADRC et son personnel, certains employés enfreindront explicitement ou implicitement le Code de déontologie et de conduite et commettront des actes inappropriés pouvant aller jusqu'à des activités criminelles. De telles infractions ne seront pas tolérées, car elles pourraient miner considérablement la confiance que le public a en l'intégrité et en l'image de vos collègues, de l'ADRC et de la fonction publique canadienne.

[...]

Vous pourriez, si vous enfreignez le Code de déontologie et de conduite de l'ADRC, faire l'objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu'au licenciement. Toute mesure disciplinaire prise contre vous sera établie en fonction de la gravité de l'inconduite, et conforme à la Politique sur la discipline de l'ADRC.

[15]   Mme Emmett a confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait reçu une copie de la Politique sur la discipline et que celle-ci était affichée sur le site Web de l'Agence.

[16]   Elle a expliqué avoir reçu un appel de M. Don Renaud, de l'unité des enquêtes de l'ADRC, le 22 octobre 2003, l'informant qu'un agent de la police régionale de North York alléguait qu'un fonctionnaire de l'ADRC (le fonctionnaire s'estimant lésé) avait agressé sexuellement une contribuable (Mme « X ») alors qu'il effectuait une vérification.

[17]   Une réunion a alors été convoquée pour discuter de l'allégation et il a été décidé qu'un exercice de recherche des faits s'imposait. Étaient présents à cette réunion avec Mme Emmett, Ann Mayo (directrice adjointe intérimaire), John Tepelenas (gestionnaire intérimaire de section), Al McCaie (consultant en relations de travail) et Peter Delis (gestionnaire des communications).

[18]   Mme Emmett a demandé à M. Tepelenas de déterminer où le fonctionnaire s'estimant lésé avait travaillé, les 20 et 21 octobre 2003, et à qui il avait parlé. Mme Mayo a reçu comme consigne de communiquer avec l'agent responsable du dossier, le gendarme détective Brent Stitt. Mme Mayo n'a toutefois pas été en mesure de parler au gendarme détective Stitt ce jour-là.

[19]   Le jour suivant, le 23 octobre 2003, vers 7 h 20, Mme Emmett a joint le gendarme détective Stitt par téléphone. Ce dernier lui a expliqué que le fonctionnaire s'estimant lésé aurait agressé sexuellement une employée d'un salon de bronzage. Il lui a demandé de communiquer avec le fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer qu'il devait se présenter sans attendre au poste de police régional de North York. Le fonctionnaire s'estimant lésé était un télétravailleur et ne se présentait qu'occasionnellement à l'administration centrale, au 5001, rue Yonge. Par conséquent, elle a demandé à M. Tepelenas de communiquer avec le fonctionnaire s'estimant lésé à la maison pour l'informer de la demande du gendarme détective Stitt. Le fonctionnaire s'estimant lésé a assuré à M. Tepelenas qu'il se présenterait au poste de police.

[20]   Ce même jour, Mme Emmett a convoqué MM. McCaie et Tepelenas, Mme Mayo et John Boyce, un agent des relations de travail, à une autre rencontre. Il a alors été décidé que, jusqu'à ce que de plus amples informations soient connues, le fonctionnaire s'estimant lésé ne travaillerait plus sur le terrain, mais qu'il pourrait assumer ses autres fonctions à partir de son domicile. Les vérifications sur place occupent environ le tiers des fonctions d'un vérificateur; les autres fonctions étant liées à l'approbation des déclarations et aux révisions des dossiers. Mme Emmett a expliqué avoir fondé sa décision sur l'avis des autres personnes présentes à la rencontre et, en grande partie, sur le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait à son actif 27 ans d'emploi et de bonnes évaluations de rendement, sans histoire disciplinaire antérieure.

[21]   Vers 13 h 20, M. Tepelenas a communiqué avec le fonctionnaire s'estimant lésé pour l'informer de cette décision et lui demander de lui remettre le dossier du salon de bronzage pour qu'il puisse être attribué à un autre vérificateur.

[22]   Le jour suivant, le 24 octobre 2003, Mme Emmett a reçu un appel du gendarme détective Stitt l'informant que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été interrogé et accusé d'agression sexuelle. Le fonctionnaire s'estimant lésé a nié avoir agressé sexuellement Mme « X ». Le gendarme détective Stitt a ensuite décidé qu'il avait des motifs suffisants pour arrêter le fonctionnaire s'estimant lésé; il a été libéré par la suite après avoir promis de se présenter à l'instruction préliminaire.

[23]   Mme Emmett a déclaré que, conformément à la Politique sur la discipline de l'ADRC, elle avait envoyé, le 24 octobre 2003, une note de service à André St-Laurent, directeur de la Division des affaires internes de l'ADRC, demandant la tenue d'une enquête sur l'allégation d'agression sexuelle (pièce E-1, onglet 8). Plus tard ce même jour, Adrian Sander, de la division régionale des relations de travail, et son superviseur immédiat (qu'elle n'a pas nommé) ont enjoint Mme Emmett de suspendre le fonctionnaire s'estimant lésé sans salaire, face à la gravité des allégations, en attendant l'issue de l'enquête interne.

[24]   John Tepelenas, qui occupait le poste de gestionnaire de section à titre intérimaire, a déclaré que, plus tard dans la journée du 24 octobre 2003, il avait appelé le fonctionnaire s'estimant lésé à son domicile pour lui demander de se présenter à une réunion à 13 h, le 27 octobre, au 5001, rue Yonge. Il pouvait être accompagné d'un représentant syndical. Le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué qu'il se présenterait à la réunion.

[25]   Ann Mayo, directrice adjointe intérimaire, a expliqué que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était présenté seul à la réunion du 27 octobre, mais que Steve Eadie de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada avait participé par téléconférence. MM. McCaie et Tepelenas étaient également présents. Mme Mayo a lu au fonctionnaire s'estimant lésé une lettre l'informant de la tenue imminente d'une enquête interne (pièce G-1, onglet G). Il a appris qu'il était suspendu sans salaire sur-le-champ et qu'il pourrait faire l'objet d'autres mesures disciplinaires, pouvant aller jusqu'au licenciement, selon les résultats de l'enquête interne. M. Tepelenas l'accompagnerait à son domicile pour récupérer les articles appartenant à l'ADRC, y compris un ordinateur et des dossiers. On a alors demandé au fonctionnaire s'estimant lésé de signer la lettre, ce qu'il a fait.

[26]   M. Tepelenas a déclaré qu'il n'avait pas accompagné le fonctionnaire s'estimant lésé à son domicile, mais qu'il l'avait plutôt rencontré plus tard dans la journée, à environ un coin de rue de sa demeure, afin de prendre possession desdits articles.

[27]   Jim Cameron est enquêteur principal pour la Division des affaires internes de l'ADRC. Il a déclaré qu'il avait été affecté à ce dossier, le 24 octobre 2003, et que le jour même, il avait rencontré le gendarme détective Stitt. Celui-ci avait confirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait été questionné et accusé d'agression sexuelle en vertu de l'article 271 du Code criminel du Canada, mais qu'il avait été mis en liberté sous condition. Entre le 24 et le 31 octobre, M. Cameron a interrogé des témoins, notamment le gendarme détective Stitt, Mme « X », Seta Cavdar, chef d'équipe intérimaire, ADRC, la réceptionniste d'un centre de conditionnement situé près du salon de bronzage, le directeur général du salon de bronzage et le fonctionnaire s'estimant lésé. M. Cameron a déclaré qu'il avait informé les témoins du motif des entrevues et qu'ils pouvaient être accompagnés d'un observateur. Lors des entrevues, on les a informés de nouveau de la raison de leur présence et de l'objet de l'enquête et on leur a rappelé qu'ils pouvaient être accompagnés d'un observateur, s'il n'y en avait pas un déjà présent. M. Cameron a aussi passé en revue la politique de l'ADRC en matière d'enquêtes internes portant sur l'inconduite présumée ou soupçonnée d'un employé en expliquant aux témoins :

  1. quelles étaient les responsabilités des enquêteurs;

  2. que toutes les notes prises au cours de l'entrevue serviraient à la rédaction du rapport d'enquête;

  3. qu'ils pourraient prendre connaissance des notes et apporter des modifications, au besoin, aux fins de clarification;

  4. qu'ils seraient appelés à apposer leurs initiales au bas de chaque page et à signer la dernière page;

  5. que les renseignements fournis pourraient être intégrés dans le rapport d'enquête et être utilisés par la direction à des fins disciplinaires.

[28]   M. Cameron a précisé que le fonctionnaire s'estimant lésé avait communiqué avec lui à trois reprises avant son entrevue qui était fixée au 31 octobre 2003. Celui-ci ne savait pas s'il devait être accompagné d'un représentant syndical, d'un avocat ou de son frère. En fin de compte, son frère a fait office d'observateur parce que son avocat n'était pas disponible.

[29]   M. Cameron a résumé les événements ayant mené à l'agression sexuelle. Dans l'après-midi du 20 octobre 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé s'était présenté au salon de bronzage. Mme « X » était la réceptionniste et son employeur lui avait demandé d'apporter son aide au fonctionnaire s'estimant lésé pendant qu'il effectuait son travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé a commencé à poser des questions sur les opérations du salon de bronzage. Elle lui a expliqué que les six lits de bronzage de l'emplacement se divisaient en deux types de lit : un modèle horizontal, où le client s'allongeait, et un modèle vertical, dans lequel le client demeurait debout entre deux sections de lumières. Alors qu'elle donnait des explications au sujet des six lits, le fonctionnaire s'estimant lésé lui a posé plusieurs questions qu'elles trouvaient bizarres et déplacées. Il voulait notamment savoir combien de personnes pouvaient contenir le lit horizontal au même moment ou si le salon de bronzage était une façade pour des services de massage ou de prostitution.

[30]   Plus tard dans la journée, l'employeur a avisé Mme « X » que le fonctionnaire s'estimant lésé devait rencontrer le comptable le jour suivant et qu'il ne reviendrait pas au salon de bronzage.

[31]   Cependant, le jour suivant, vers 13 h 30, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté au salon de bronzage et a expliqué à Mme « X » qu'il devait visiter de nouveau les salles de bronzage pour s'assurer que les numéros de série des lits concordaient avec ceux inscrits sur la facture que lui avait remise le comptable le matin même. Alors qu'il vérifiait les numéros de série, le fonctionnaire s'estimant lésé a agressé sexuellement Mme « X » en plaçant ses mains sur ses seins et en tentant de l'embrasser. Mme « X » a quitté la salle et s'est réfugiée derrière le comptoir à la réception du salon de bronzage. Elle a demandé au fonctionnaire s'estimant lésé si elle pouvait faire autre chose pour lui, et il a répondu quelque chose comme « rien que vous soyez disposée à faire ». Il a alors déclaré qu'il avait terminé la vérification et qu'il ne reviendrait pas. Une fois qu'il a été parti, Mme « X » a couru au centre de conditionnement situé tout près et s'est confiée à la réceptionniste de l'endroit. Quelques minutes plus tard, le directeur général du salon de bronzage a été avisé. Il a conseillé à Mme « X » de tout raconter à sa famille, mais de faire d'abord rapport à la police.

[32]   M. Cameron a déclaré qu'à la suite de cette agression sexuelle, Mme « X » avait dû consulter un psychologue sur une base régulière.

[33]   M. Cameron a résumé l'entrevue avec le fonctionnaire s'estimant lésé comme suit.

[34]   L'entrevue a commencé à 9 h 15, le 31 octobre 2003; le frère du fonctionnaire s'estimant lésé, Larry Yarmolinsky, était présent. Le fonctionnaire s'estimant lésé a fermement nié avoir agressé sexuellement Mme « X » ou lui avoir demandé si le salon de bronzage était une façade pour des services de massage ou de prostitution. Après environ deux heures et demie, il a finalement admis s'être conduit de manière inappropriée. Il a admis avoir prétexté qu'une deuxième visite était nécessaire alors qu'il n'avait aucune raison de retourner au salon de bronzage. Il n'avait pas communiqué avec le propriétaire du salon de bronzage qui lui avait fourni son numéro de téléphone cellulaire au cas où le fonctionnaire s'estimant lésé aurait eu besoin d'autres renseignements ou que sa présence aurait été nécessaire. M. Cameron a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé avait fait preuve d'un manque de jugement; qu'il s'était assuré que Mme « X » serait seule lors de sa deuxième visite.

[35]   M. Cameron a déclaré que le fonctionnaire s'estimant lésé était stressé lors de l'entrevue et qu'il s'est dit préoccupé de l'incidence qu'aurait son inconduite sur son épouse, ses enfants et ses collègues de travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé qu'il obtiendrait de l'aide professionnelle et que ce comportement ne se reproduirait pas.

[36]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé à M. Cameron, à plusieurs reprises, s'il formulerait des recommandations quant aux mesures disciplinaires devant être prises contre lui. M. Cameron lui a répondu qu'il enverrait son rapport à la haute direction et à la division des relations de travail qui décideraient des mesures disciplinaires à prendre. Le fonctionnaire s'estimant lésé a pris connaissance des notes manuscrites prises par M. Cameron au cours de l'entrevue (pièce E-1, onglet 11) et à apposer ses initiales à chaque page.

[37]   Comme M. Cameron s'inquiétait de l'état émotif du fonctionnaire s'estimant lésé, il a demandé que M. McCaie soit présent. M. McCaie a fourni au fonctionnaire s'estimant lésé de l'information au sujet des services offerts par le programme d'aide aux employés, ainsi qu'une liste de numéros pour communiquer avec ce programme.

[38]   Pour conclure, M. Cameron a expliqué que le rapport final d'enquête a été envoyé, en confidentialité absolue, à Mme Emmett, le 24 novembre 2003.

[39]   Lors du contre-interrogatoire, M. Cameron a affirmé que le frère du fonctionnaire s'estimant lésé n'avait assisté qu'à la première moitié de l'entrevue, mais que c'était sa décision. Il a indiqué qu'au moment de quitter la salle, le frère du fonctionnaire s'estimant lésé lui avait conseillé de dire simplement la vérité.

[40]   M. Cameron a convenu qu'il avait dit au fonctionnaire s'estimant lésé que l'admission de culpabilité d'une personne dans sa situation était un élément dont les décideurs tenaient compte pour déterminer si des mesures disciplinaires s'imposaient ou non. Il a cependant insisté sur le fait qu'il avait bien dit au fonctionnaire s'estimant lésé que la décision concernant les mesures disciplinaires ne lui revenait pas.

[41]   En conclusion, M. Cameron a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé lui avait serré la main à la fin de l'entrevue en exprimant son soulagement d'avoir parlé.

[42]   M. Cameron a déclaré être satisfait en sa qualité d'enquêteur et de personne et que la pièce E-3 était un compte rendu fidèle et juste de son entrevue du 31 octobre avec le fonctionnaire s'estimant lésé.

[43]   Mme Emmett a confirmé qu'elle avait reçu le rapport d'enquête de M. Cameron, le 24 novembre 2003. Elle a ensuite rencontré le personnel des ressources humaines de l'ADRC, ainsi que Mme Mayo et M. Tepelenas, pour en discuter. Après examen, le rapport a été transmis au Commissariat à la protection de la vie privée, aux fins d'approbation.

[44]   M. Tepelenas a déclaré qu'il avait rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé dans l'après-midi du 5 décembre 2003 pour lui fournir une copie du rapport d'enquête expurgé (pièce E-1, onglet 13). Il a demandé à rencontrer le fonctionnaire s'estimant lésé, en présence de Mme Mayo et de M. McCaie, le 9 décembre 2003. Le fonctionnaire s'estimant lésé a cependant indiqué qu'il ne serait pas en mesure de les rencontrer le 9 décembre 2003, ni le jour suivant. Il a par la suite été convenu que la réunion aurait lieu le 8 décembre 2003 et que son frère serait présent à titre d'observateur. Le fonctionnaire s'estimant lésé a été informé que la rencontre porterait sur le rapport d'enquête et qu'il aurait la possibilité de présenter d'autres informations, s'il le souhaitait.

[45]   Mme Mayo a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé s'était présenté seul à la réunion du 8 décembre 2003, au 5001, rue Yonge. La discussion a porté sur le rapport d'enquête, et le fonctionnaire s'estimant lésé a reconnu avoir commis l'agression sexuelle. Il s'est dit d'accord en principe avec ses propres observations et celles de Mme « X », selon la lecture faite par M. Cameron. Toutefois, il n'était pas d'accord avec le terme « empoigné » utilisé dans les observations et estimait avoir simplement « touché » les seins de Mme « X ».

[46]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a exprimé des remords et a fait valoir qu'il était très stressé, mais il a reconnu que cela n'excusait pas son comportement. Il a expliqué qu'il vivait du stress pour différentes raisons, notamment à cause de sa cellulite (éruption cutanée), pour laquelle il prenait des antibiotiques, et de l'agression sexuelle dont un membre proche de la famille a été victime (je tairai l'identité de cette personne pour protéger sa vie privée). Le fonctionnaire s'estimant lésé a de nouveau admis que ces facteurs n'excusaient pas son geste. Il a assuré Mme Mayo et les autres personnes présentes qu'il ne recommencerait pas et qu'il plaiderait coupable aux accusations d'agression sexuelle afin que Mme « X » n'ait pas à témoigner en cour et dans l'espoir de recevoir une absolution sous condition.

[47]   Selon Mme Mayo, le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué qu'en raison des antibiotiques qu'il prenait (à l'occasion, par voie intraveineuse), il ne pouvait pas pratiquer de sports, ce qui aurait permis d'atténuer son stress. Il a également indiqué qu'il était disposé à solliciter de l'aide psychologique et à se soumettre à des examens physiques afin de déterminer pourquoi il avait commis cette agression. Il a déclaré que, même si Mme « X » portait des vêtements moulants, cela n'excusait pas son comportement.

[48]   Mme Mayo a déclaré avoir demandé au fonctionnaire s'estimant lésé si les médicaments qu'il prenait auraient pu contribuer à son manque de jugement, ce à quoi il a répondu qu'il n'en était pas certain.

[49]   Elle a expliqué que son rôle, ainsi que celui de MM. Tepelenas et McCaie, à la réunion du 8 décembre 2003, était de recueillir la version du fonctionnaire s'estimant lésé relativement aux événements entourant l'agression sexuelle. La rencontre visait également à permettre au fonctionnaire s'estimant lésé de fournir d'autres informations pertinentes afin d'aider Mme Emmett, l'autorité déléguée, à décider des mesures disciplinaires à prendre. Mme Mayo a affirmé avoir répété oralement à Mme Emmett le compte rendu du fonctionnaire s'estimant lésé.

[50]   M. Tepelenas a déclaré avoir dit à Mme Emmett que l'inconduite du fonctionnaire s'estimant lésé justifiait son licenciement. En raison de la nature des activités de l'ADRC et des fonctions exercées par les vérificateurs (contact avec les contribuables), la confiance était un élément essentiel. Une inconduite de cette envergure portait atteinte à la réputation de l'ADRC.

[51]   Lorsqu'on lui a demandé si, au cours de la rencontre du 8 décembre 2003, le fonctionnaire s'estimant lésé avait fourni ou offert de fournir des attestations médicales de son problème de cellulite, M. Tepelenas a répondu par la négative.

[52]   Mme Emmett a déclaré avoir pris sa décision de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé après avoir pris connaissance du rapport d'enquête administrative, de l'information reçue de ses subordonnés après la rencontre du 8 décembre 2003 et de l'avis du personnel des relations de travail. Elle a également consulté la Politique sur la discipline de l'ADRC, notamment la section sur les lignes directrices concernant les circonstances atténuantes (pièce E-1, onglet 1, tableau 3), afin d'évaluer les facteurs et de déterminer le poids devant être accordé à chacun :

b)   Circonstances atténuantes (Lignes directrices : B. tableau 3)

Le gestionnaire délégué doit tenir compte des circonstances susceptibles d'atténuer l'effet d'une éventuelle mesure disciplinaire. Celle-ci peut inclure, sans s'y restreindre, les années de service, le comportement passé et la gravité de l'inconduite.

Les circonstances atténuantes peuvent obliger la direction à adapter sa réaction aux actes d'inconduite apparemment similaires commis par divers employés. Les gestionnaires doivent faire clairement comprendre à tous les employés que les mesures disciplinaires dépendent de la nature de l'inconduite et des circonstances, y compris la situation personnelle, qui peuvent avoir influencé le comportement de l'employé.

Selon le comportement d'un employé et les facteurs connexes, il convient parfois de renvoyer l'employé à un représentant du Programme d'aide aux employés et de l'inviter à demander de l'aide ou un traitement professionnel.

[...]

Tableau 3 - Exemples de circonstances atténuantes

De nombreux facteurs doivent être pris en compte pour déterminer la sévérité de la mesure disciplinaire. Voici quelques circonstances atténuantes :

  • un dossier d'emploi satisfaisant;
  • de longues années de service;
  • l'unicité de l'incident dans un parcours professionnel autrement sans reproche;
  • l'existence d'une provocation;
  • le fait que l'infraction était spontanée, sous le coup d'une forte impulsion;
  • l'absence de préméditation;
  • l'application incohérente par l'employeur de règles de conduite écrites ou affichées, de sorte que la mesure disciplinaire est discriminatoire;
  • le fait que l'employeur n'a pas communiqué clairement ses instructions à l'employé;
  • la gravité relative de l'infraction par rapport aux politiques, au mandat et aux obligations de l'organisation;
  • l'absence de règles concernant l'infraction au moment où l'acte a été commis (le fait qu'un employé ignore les attentes de l'ADRC ne l'autorise pas à adopter une conduite que toute personne raisonnable jugerait inappropriée et ne justifie nullement un acte d'inconduite);
  • le fait que l'employeur n'a pas donné à l'employé l'occasion de s'expliquer ou de réfuter l'allégation;
  • le fait que l'employeur n'a pas réagi à l'inconduite ou qu'il n'a fait enquête pour déterminer la mesure à prendre dans un délai raisonnable (pouvant ainsi donner l'impression d'approuver l'inconduite);
  • la possibilité que l'employé se corrige et qu'il manifeste en se renseignant volontiers sur l'acte d'inconduite et en éprouvant du remords; et
  • le fait que le comportement de l'employé ne dépend pas de sa volonté, le comportement inacceptable étant attribuable à un mauvais état de santé.

Remarque : Quand un employé demande qu'une mesure disciplinaire soit allégée ou annulée, il lui revient de prouver l'existence de circonstances atténuantes en sa faveur.

[53]   Mme Emmett estimait que l'agression sexuelle commise contre Mme « X », dans le cadre des activités officielles du fonctionnaire s'estimant lésé, était préméditée. Elle a aussi fait valoir que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait admis son inconduite qu'une semaine après les faits, soit le 31 octobre 2003. Malgré ses états de service irréprochables depuis quelque 27 ans, il est coupable d'une inconduite grave. Même s'il a finalement exprimé des remords, ses gestes ont semé le doute quant à l'intégrité dont doit faire preuve un vérificateur dans le cadre de ses fonctions. Le licenciement était justifié dans les circonstances. La réputation de l'ADRC était en jeu.

[54]   Mme Emmett a expliqué que l'ADRC n'était pas doté d'une balle de cristal et qu'il lui était impossible de voir si dans le futur le fonctionnaire s'estimant lésé allait récidiver ou non. L'ADRC ne pouvait pas prendre ce risque.

[55]   En terminant, elle a confirmé que Mme Mayo avait rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé, le 12 décembre 2003, afin de lui lire la lettre de licenciement qu'elle (Mme Emmett) avait préparée (pièce E-1, onglet 14).

[56]   Lors du contre-interrogatoire, Mme Emmett a expliqué que, même si le fonctionnaire s'estimant lésé travaillait à la maison, elle ne pouvait pas risquer de lui confier des vérifications sur place, où il aurait pu être en contact avec des contribuables de sexe féminin, ou de le laisser travailler avec des collègues de sexe féminin à l'administration centrale. À son avis, ce type d'inconduite est tellement grave qu'il est impossible d'envisager des régimes de travail non conventionnels.

[57]   Quant à la possibilité de l'effet des médicaments sur son comportement, Mme Emmett a fait remarquer que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas soulevé la question lors de l'entrevue menée par M. Cameron.

[58]   Mme Emmett a convenu que rien ne démontrait que le fonctionnaire s'estimant lésé avait tenté d'obtenir des faveurs sexuelles auprès de Mme « X » en échange de la certification de la vérification.

[59]   Elle a admis ne pas savoir que le fonctionnaire s'estimant lésé avait pris des congés liés au stress, les 3, 4, 5 et 8 septembre 2003, et a indiqué que le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas fourni cette information lors des entrevues. À sa connaissance, il n'était pas en congé lié au stress le jour où il avait agressé sexuellement Mme « X ».

[60]   Lorsque l'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé lui a demandé pourquoi le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait pas touché d'indemnité de départ, Mme Emmett a répondu que la convention collective ne prévoyait pas l'obligation de verser une telle indemnité. Elle a ajouté ne pas avoir fourni de lettre de référence, et ce sur conseil du personnel des relations de travail. Mme Emmett ne savait pas si le fonctionnaire s'estimant lésé avait droit aux prestations de l'assurance-emploi.

[61]   Lors du contre-interrogatoire, Mme Mayo a déclaré qu'à la suite de la rencontre du 8 décembre 2003, elle avait rapporté les discussions à Mme Emmett (le stress qu'il vivait, ses remords, sa volonté de consulter un psychologue et de se soumettre à des examens et les médicaments qu'il prenait). Mme Mayo a fait remarquer qu'il n'avait jamais mentionné les effets secondaires causés par les médicaments.

[62]   À la question de savoir s'il était envisageable d'affecter le fonctionnaire s'estimant lésé à des fonctions lui permettant de travailler de son domicile sans entrer en contact avec des femmes, Mme Mayo a reconnu que ce serait une possibilité.

[63]   Lors du contre-interrogatoire, M. Tepelenas a convenu qu'il n'était pas inhabituel que des vérificateurs consacrent plusieurs journées à un dossier. De plus, il est fort possible que le fonctionnaire s'estimant lésé soit retourné au salon de bronzage pour vérifier que les numéros de série des lits de bronzage correspondaient à ceux inscrits sur la facture que lui avait remise le comptable.

[64]   M. Tepelenas a convenu qu'il était possible que le fonctionnaire s'estimant lésé souffre d'une affection médicale. Cependant, le fonctionnaire s'estimant lésé n'avait fait aucune déclaration expresse à cet égard et n'avait fourni aucune preuve. M. Tepelenas a fait remarquer qu'il aurait été purement spéculatif de leur part de présumer qu'il souffrait d'un problème médical. Il n'avait pas d'opinion et prenait simplement en note la déclaration du fonctionnaire s'estimant lésé. M. Tepelenas a ajouté que celui-ci avait simplement déclaré qu'il ne savait pas pourquoi il avait agi de la sorte. C'est le message qui est resté à la direction. Lorsqu'on lui a demandé s'il était indiqué de réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé, M. Tepelenas a répondu ce qui suit : [traduction] « J'aurais des appréhensions, surtout si l'inconduite se répétait, car la crédibilité de l'ADRC en serait sérieusement entachée. C'est le fait qu'il dise ne pas savoir pourquoi il a agi ainsi qui me met le plus mal à l'aise ».

[65]   Le gendarme détective Brent Stitt a déclaré avoir enquêté sur plus de 100 cas d'agression sexuelle au cours des cinq dernières années. Le 22 octobre 2003, il a interrogé Mme « X ». Elle alléguait avoir été agressé sexuellement par un employé de l'ADRC. L'entrevue a été captée sur vidéocassette.

[66]   Le jour suivant, le 23 octobre 2003, à 10 h 30, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est présenté au poste de police et a été interrogé par la section des enquêtes criminelles. L'entrevue a été captée sur vidéocassette. On lui a demandé s'il voulait faire une déposition. Il a répondu qu'il n'avait pas besoin d'un avocat et a décrit l'endroit où il avait effectué la vérification (le salon de bronzage), en affirmant qu'il s'agissait d'une simple vérification régulière. Selon le gendarme détective Stitt, le fonctionnaire s'estimant lésé a donné un compte rendu de la vérification, sans faire mention de l'agression sexuelle. On l'a inculpé d'agression sexuelle et placé sous arrestation et on lui a lu ses droits. On a pris sa photo et ses empreintes digitales, et on lui a fixé une date de comparution. On l'a ensuite laissé partir après qu'il se soit engagé à comparaître. On lui a aussi interdit d'entrer en contact avec Mme « X » ou de se rendre dans le salon de bronzage.

[67]   Le gendarme détective Stitt a affirmé que le fonctionnaire s'estimant lésé a démontré peu d'émotion. Il n'a pas nié l'accusation ou manifesté de la colère, ce qui serait la réaction normale d'une personne accusée de ce type d'infraction. Selon ce que lui dictait son expérience, le gendarme expliquait cela par les répercussions que cette agression sexuelle aurait sur sa famille.

[68]   Lors du contre-interrogatoire, le gendarme a expliqué qu'une agression sexuelle pouvait être de différents degrés de gravité, mais que ce type d'agression relevait de l'article 271 du Code criminel du Canada. Lorsqu'on lui a demandé s'il craignait que le fonctionnaire s'estimant lésé récidive, le gendarme détective Stitt a répondu par l'affirmative.

[69]   L'épouse du fonctionnaire s'estimant lésé, Agnteszka Yarmolinsky, a témoigné en son nom. Elle a déclaré être mariée depuis environ 18 ans et avoir deux fils de 14 et 17 ans. Mme Yarmolinsky a mentionné que ses deux fils adoraient leur père qui était un père dévoué. Il était également un bon mari pour qui elle avait le plus grand respect.

[70]   Avant le licenciement de son mari, ils vivaient de manière assez confortable au plan financier. Il rapportait la plus grande partie du revenu familial, alors qu'elle travaillait à temps partiel comme professeur de langue.

[71]   Mme Yarmolinsky a fait état des différents problèmes qui avaient contribué au stress dans leur vie avant l'incident. Ils avaient acheté une nouvelle maison, leur maison de rêve, et leur hypothèque était passée de 50 000 $ à 130 000 $. Leur aîné était devenu hostile et indiscipliné. Un membre proche de la famille avait été agressé sexuellement, en avril 2002, par un ami de la famille. Le fonctionnaire s'estimant lésé se sentait responsable et faisait des cauchemars depuis. Cette agression sexuelle les avait grandement touchés; ils se sentaient responsables et ne dormaient pas bien. Ils assistaient à des séances de thérapie familiale, alors que la victime assistait à des séances individuelles. Ils avaient trop honte pour en aviser les autres membres de la famille ou leurs amis. En raison du procès criminel de la personne ayant agressé sexuellement ce membre de leur famille, la planification du bar mitzvah du cadet, qui aurait normalement dû prendre près d'un an, avait été terminée dans une période de trois mois, ajoutant ainsi au stress.

[72]   Mme Yarmolinsky a expliqué qu'en janvier 2002, le cadet de ses fils s'était disloqué une hanche et avait dû subir de nombreuses opérations. En août 2003, alors qu'ils étaient en vacances à Vancouver, son mari avait contracté une maladie de la peau (la cellulite). Une de ses jambes avait tellement enflée qu'on avait dû lui administrer des antibiotiques (parfois par voie intraveineuse). Il avait dû dormir dans le sous-sol afin de maintenir sa jambe élevée.

[73]   Mme Yarmolinsky a aussi expliqué qu'elle avait accompagné le membre de la famille ayant été victime d'une agression sexuelle à Cuba, pendant une semaine, pour s'éloigner du stress. Son mari n'avait pas pu les accompagner, ce qui avait ajouté au stress qu'il vivait déjà.

[74]   Son mari l'a informé de l'allégation qui pesait contre lui, le 26 octobre 2003. Elle a été estomaquée et incrédule parce qu'il n'avait jamais agi de la sorte en 18 ans de mariage. Elle a affirmé ne jamais avoir pensé à le quitter. Ensemble, ils ont consulté des médecins et des psychologues. Elle a confirmé que, depuis mars 2004, il voyait un psychiatre afin de comprendre pourquoi il avait commis ce geste.

[75]   Lorsque l'avocat lui a demandé si elle croyait que son mari pouvait récidiver, Mme Yarmolinsky a répondu qu'elle était convaincue qu'il ne répéterait pas son geste parce qu'il était réadapté. Elle a ajouté qu'il ne prenait plus de médicaments, n'était pas menacé par une maladie mortelle et était entouré d'une famille proche et aimante qui le soutenait. Il ne constituait pas une menace pour la société.

[76]   Mme Yarmolinsky a indiqué qu'à la suite du licenciement de son mari, ils avaient été contraints d'emprunter de l'argent et de modifier leur mode de vie. Ils avaient contracté des dettes et avaient de la difficulté à joindre les deux bouts. À son avis, il était sans cour de licencier son mari le 12 décembre 2003, peu de temps avant Noël.

[77]   Lors du contre-interrogatoire, elle a précisé que le 26 octobre 2003 son mari lui avait dit qu'il était accusé d'avoir touché les seins d'une femme, alors qu'il effectuait une vérification. Ce n'est que le 31 octobre 2003 qu'il lui a avoué la vérité, toute la vérité.

[78]   Lorsque l'avocate de l'employeur lui a demandé si elle se rappelait avoir affirmé à plusieurs reprises à Seta Cavdar, la chef d'équipe de son mari, qu'elle pensait à le quitter, Mme Yarmolinsky a répondu ne pas s'en souvenir.

[79]   Lorsqu'on lui a demandé s'il était possible que le fonctionnaire s'estimant lésé ait agi de la sorte auparavant sans que personne ne porte plainte, elle a convenu que cela était possible.

[80]   Elle a conclu en disant que personne ne pouvait être sûr de rien dans la vie, mais que les chances que son mari récidive étaient extrêmement minces.

[81]   Mme Yarmolinsky a déclaré que son mari n'avait jamais fait rien de la sorte auparavant. Il a commis une erreur de jugement ce jour-là; il n'était absolument pas dans son tempérament de se comporter ainsi. Il a été puni; il a perdu don emploi et «son identité lui a été dérobé». Il a été extrêmement puni.

[82]   Avant son licenciement, Howard Yarmolinsky était un vérificateur principal de la taxe d'accise (AU-02) au Bureau des services fiscaux de Toronto-Nord de l'ADRC. Il a 55 ans et détient un baccalauréat de l'université de Toronto.

[83]   Le témoignage du fonctionnaire s'estimant lésé peut se résumer comme suit.

[84]   Il a été titulaire de nombreux postes à l'ADRC au cours de ses 27 années de service. Il a effectué environ 1 000 vérifications, ce qui comprend quelque 500 vérifications sur place. Il travaille de la maison depuis 1992; le tiers de ses fonctions consiste en du travail de bureau, un autre tiers en l'approbation des déclarations avec solde créditeur et le dernier tiers en des vérifications sur place. Il envoyait ses feuilles de temps par voie électronique à l'administration centrale tous les jours et s'y rendait une fois par semaine pour remettre ses dossiers et en prendre de nouveaux. Deux fois par mois, il assistait à des réunions.

[85]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué que le salon de bronzage était un nouveau commerce; une première déclaration de TPS n'ayant jamais fait l'objet d'une vérification. Une vérification prenait habituellement 15 heures, ou deux jours, puisqu'il travaillait 7,5 heures pas jour.

[86]   Le 20 octobre 2003, vers 16 h, il s'est présenté au salon de bronzage. Il a pris une carte d'affaire et a demandé à la réceptionniste (Mme « X ») son nom. Elle lui a donné son prénom seulement et il l'a inscrit derrière la carte d'affaire (pièce G-7). Il lui a dit qu'il n'avait jamais mis les pieds dans un salon de bronzage. Mme « X » lui a fait visiter le salon de bronzage en lui montrant les lits de bronzage. (Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré ne plus se souvenir de leur nombre exact, mais que certains étaient verticaux et d'autres horizontaux.) Il a admis avoir posé des questions « stupides », par exemple si un mari et une femme pouvaient utiliser le même lit à la fois et, le cas échéant, s'ils payaient pour une séance individuelle.

[87]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a mentionné que, plus tôt cette même journée (20 octobre 2003), il avait eu une altercation au téléphone avec le propriétaire du salon de bronzage au sujet d'irrégularités décelées par le fonctionnaire s'estimant lésé. Le propriétaire avait crié après lui, ce qui l'avait bouleversé.

[88]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que le salon de bronzage était situé dans un petit centre commercial, qui semblait peu achalandé, ce qui a éveillé ses soupçons. Il a expliqué qu'en sa qualité de vérificateur, il devait agir comme un limier, un détective. Il a demandé à Mme « X » si des services de prostitution étaient offerts à l'établissement. Il a encore une fois admis que la question était « stupide » et qu'il n'avait jamais posé ce genre de questions auparavant. Lorsqu'il a jeté un coup d'oil à l'arrière-boutique, il a vu les produits de bronzage (lotions, etc.) et a compris qu'il s'agissait d'un commerce légitime. Il a quitté l'endroit vers 17 h. Après coup, il a réalisé qu'il avait posé des questions déplacées et que ses commentaires manquaient de professionnalisme.

[89]   Le jour suivant, le 21 octobre, vers midi, il a rencontré le comptable. À sa demande, celui-ci lui a remis une facture (pièce G-6) indiquant le nom du fabricant des lits de bronzage, ainsi que leurs numéros de série. Il a affirmé être retourné au salon de bronzage pour vérifier les numéros de série sur les lits. Il se questionnait également au sujet d'environ 100 000 $ inscrits aux livres et de la possibilité de manouvres frauduleuses impliquant les lits de bronzage - les lits auraient pu être transférés dans d'autres commerces ou des résidences personnelles et être remplacés par d'autres lits volés.

[90]   Lorsqu'il est retourné au salon de bronzage plus tard dans la journée, il a informé Mme « X » qu'il devait vérifier de nouveau les numéros de série. Ils ont discuté pendant quelques minutes et Mme « X » a parlé de sa difficulté à renouveler son permis de conduire. Ils sont passés d'une salle à l'autre pour vérifier les numéros de série. C'est dans la dernière salle, celle située le plus loin de la réception (salle no 6), que l'agression s'est produite. Alors qu'ils se trouvaient près l'un de l'autre, il a dit à Mme « X» qu'elle avait de beaux seins. Il lui a demandé s'il pouvait les toucher et elle a répondu non. Il lui a alors demandé s'il pouvait l'embrasser, et elle a de nouveau répondu non. Malgré le fait qu'elle a dit non deux fois, il a touché ses seins et a tenté de l'embrasser.

[91]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que tout s'était passé très rapidement; « le toucher n'a duré qu'une seconde ». Il a expliqué qu'il avait touché la main ouverte et n'avait pas empoigné ses seins comme le prétendait la direction. Mme « X » a reculé et en sortant de la salle elle l'a heurté. Il ne l'a pas suivie. Il était médusé par ce qu'il venait de faire. Il ne l'a pas regardée en sortant du salon de bronzage. Alors qu'il se dirigeait vers la sortie, elle lui a demandé si elle pouvait faire autre chose et il a répondu : [traduction] « Rien que vous soyez disposée à faire ».

[92]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré qu'il était fatigué à cause des effets des médicaments, il ne dormait pas bien, mais il a reconnu que cela n'excusait pas son comportement.

[93]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a mentionné que Mme « X » semblait être une personne amicale. Il ne s'était jamais senti comme étant en position d'autorité par rapport à elle et la voyait comme son égale. Il ne pouvait pas expliquer quel était son état d'esprit à ce moment; il ne reconnaissait pas « qui était cette personne ». Il estimait que Mme « X » avait pris la bonne décision en rapportant l'agression, et il a déclaré espérer ne pas reproduire ce geste.

[94]   Lorsque son avocat lui a demandé s'il avait donné une mauvaise cote au salon de bronzage, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu que non et qu'il ne s'en était pas pris à personne.

[95]   Le 23 octobre 2003, à 10 h, M. Tepelenas lui a téléphoné pour lui demander de se présenter devant le gendarme détective Stitt de la police régionale de North York. Il n'a pas confié à M. Tepelenas ce qui s'était passé.

[96]   Il a déclaré qu'au cours de l'interrogatoire au poste de police, il avait prétendu ne pas savoir pourquoi on l'avait convoqué et avoir nié l'agression sexuelle. Il a expliqué que le temps était mal choisi; c'était le 50e anniversaire de son frère, il n'avait pas d'avocat, même si on lui a dit qu'il pouvait en appeler un, et il n'avait jamais mis les pieds dans une poste de police auparavant. Plus tard dans la journée, il a reçu un appel de M. Tepelenas l'informant que, jusqu'à nouvel ordre, il pouvait effectuer son travail à la maison, mais ne devait pas effectuer de vérifications sur place.

[97]   Le 27 octobre 2003, il a appelé Steve Eadie, un représentant syndical de l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada, à Ottawa. M. Eadie ne pouvait pas être présent à la réunion prévue ce jour-là, mais y a participé par téléconférence. Mme Mayo et MM. Tepelenas et McCaie étaient présents. Le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que personne ne lui avait conseillé de dire la vérité. Le 27 octobre 2003 (pièce G-1, onglet G), il a reçu une lettre, signée par Mme Emmet, l'informant de la tenue imminente d'une enquête interne et de sa suspension immédiate sans salaire, jusqu'à nouvel ordre. Il a remis sa carte d'identité et a pris des dispositions pour que M. Tepelenas récupère d'autres articles appartenant à l'ADRC.

[98]   Le 30 octobre 2003, il a reçu un appel de M. Cameron lui demandant de le rencontrer le lendemain. Le fonctionnaire s'estimant lésé s'est dit soulagé que les choses se fassent rapidement.

[99]   Pendant sa rencontre avec M. Cameron, le 31 octobre 2003, il n'a pas admis au départ avoir commis l'agression sexuelle, ceci parce qu'il ne l'avait pas dit à sa femme, qu'il n'avait pas d'avocat et qu'il était dans un piètre état d'esprit. Il a avoué la vérité à M. Cameron par la suite, et, plus tard en soirée, il a confessé à sa femme ce qui s'était réellement produit. Il a déclaré que sa femme était en colère et n'en croyait pas ses oreilles.

[100]   Le fonctionnaire s'estimant lésé croyait qu'il serait puni, mais pas qu'il perdrait son emploi à l'ADRC.

[101]   Après la rencontre du 8 décembre 2003 avec Mme Mayo, le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté ses excuses aux cadres supérieurs et leur a promis qu'il ne reproduirait jamais ce comportement. Il leur a dit qu'il consulterait un psychologue et qu'il se soumettrait à des examens médicaux. Il a aussi fait valoir que le stress qu'il vivait aurait pu contribuer à son inconduite (problèmes avec son aîné, antibiotiques pour la cellulite, agression sexuelle d'un membre proche de la famille). Il avait l'intention de plaider coupable à l'accusation d'agression sexuelle et espérait être mis en liberté sous condition.

[102]   Selon le fonctionnaire s'estimant lésé, les cadres supérieurs avaient déjà pris la décision de le licencier, avant même la réunion du 8 décembre 2003. Il croit également qu'il aurait pu assumer d'autres fonctions, mais que l'employeur ne s'est pas attardé à cette option.

[103]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a expliqué qu'il avait dû se battre pour obtenir des prestations de l'assurance-emploi. Le remboursement de ses congés annuels inutilisés a aidé sa situation financière, mais de manière temporaire seulement. À la suite de la perte de son emploi, il a été contraint d'utiliser sa carte de crédit pour acheter des aliments, d'interrompre les rénovations sur sa maison et de cesser de conduire la voiture familiale.

[104]   Il n'a touché aucune indemnité de départ pour ses 27 années de service. Et, sans lettre de référence, il était difficile de chercher de l'emploi. Il travaille actuellement en télémarketing, à un taux de 9 $ l'heure.

[105]   Il a soutenu avoir décidé de plaider coupable aux accusations criminelles pour éviter que Mme « X » et son employeur soient soumis à une publicité négative. Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je n'ai pas compliqué la situation, mais j'aurais pu tourner le fer dans la plaie ».

[106]   Il a expliqué qu'en raison des conditions imposées par la cour, il n'a pas pu écrire une lettre d'excuse à Mme « X » (pièce G-1, onglet L) avant le 8 mars 2004. Il s'est conformé à toutes les conditions fixées par le juge R. Bogusky, le 6 avril 2004 (pièce G-1, onglet N).

[107]   Lors du contre-interrogatoire, son avocat lui a demandé s'il était possible que ce type d'incident se reproduise. Le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu qu'il consultait un psychiatre depuis mars 2004 et que celui-ci avait conclu que les chances de récidive étaient infimes (pièce G-5).

[108]   En terminant, le fonctionnaire s'estimant lésé a déclaré que les gens faisaient des erreurs. Il a payé le prix et a souffert l'humiliation. Aujourd'hui, il n'est plus la même personne qu'en 2003. Il peut faire un bon travail pour l'ADRC et demande à ce qu'on lui fasse confiance. Il a déclaré que s'il pouvait mettre en garantie un billet d'un million dollars pour démontrer qu'il est digne de confiance, il le ferait.

[109]   Lors du contre-interrogatoire, le fonctionnaire s'estimant lésé a admis qu'il connaissait le « Code de déontologie et de conduite » et qu'il comprenait ses responsabilités en qualité de vérificateur. Il a cependant indiqué qu'il ne connaissait pas la politique en matière de mesures disciplinaires. Il a convenu qu'il lui incombait de communiquer avec l'employeur s'il était impliqué dans un acte contraire à la loi.

[110]   Il a convenu que les effets secondaires potentiels liés aux antibiotiques étaient la diarrhée et les thromboses, comme en faisait foi la lettre du Dr R. Atwall (pièce G-4), en date du 14 novembre 2004. Il a cependant ajouté que la cellulite le faisait tellement souffrir qu'il pensait mourir. Quand on lui a demandé s'il ne s'agissait pas d'un état mental, il a répondu qu'il n'était pas médecin et que le mal était physique.

[111]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis que, lors de sa deuxième visite au salon de bronzage, il avait demandé à Mme « X » de l'aider à vérifier les numéros de série des lits.

[112]   Même s'il regrettait son geste, il n'était pas retourné s'excuser à la victime parce qu'il avait peur et honte. [Traduction] « C'était comme une scène de crime, alors je me suis réfugié dans la sécurité de ma demeure. » Lorsque l'avocate de l'employeur a suggéré que la lettre d'excuse envoyée à Mme « X », le 8 mars 2004, était une ruse pour tenter d'obtenir une sentence moins sévère au procès, le fonctionnaire s'estimant lésé a indiqué que son avocat lui avait conseillé d'écrire cette lettre, mais qu'il avait toujours eu l'intention de le faire. Il devait d'abord se conformer aux conditions fixées par le juge.

[113]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a présenté 82 demandes d'emploi au cours de la dernière année, mais n'a reçu aucune réponse (pièce G-8). Comme, dans le cadre de son travail de vérificateur, il utilisait un système de tenues de livre, il estime être, à toutes fins pratiques, analphabète en ce qui concerne les progrès technologiques réalisés dans le secteur privé. Il n'a pas de grandes connaissances informatiques, ce qui limite ses chances de trouver du travail comme vérificateur dans le secteur privé.

[114]   Lorsqu'on lui a demandé s'il s'agissait du premier incident de cette nature ou de la première plainte déposée contre lui, le fonctionnaire s'estimant lésé a répondu que c'était le seul incident du genre.

[115]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a renvoyé au rapport (pièce G-1, onglet J), produit le 9 janvier 2004, par R. Langevin, Ph.D; le psychiatre qui lui a fait passé des examens afin d'évaluer son histoire personnelle, son histoire sexuelle et ses préférences, sa santé mentale et sa personnalité, ses tendances à la violence, etc. Il a déclaré que ces examens approfondis avaient permis de conclure qu'il n'était pas dans son tempérament de commettre une telle agression et que le risque de récidive pouvait être considéré comme faible.

Arguments des parties

Employeur

[116]   L'avocate de l'employeur a fait valoir que je n'avais pas compétence pour entendre le grief portant sur la suspension, compte tenu qu'il s'agissait d'une mesure administrative et non disciplinaire.

[117]   L'avocate a ensuite soutenu qu'il était indiqué de licencier le fonctionnaire s'estimant lésé afin de protéger les intérêts de l'ADRC, de ses employés et de ses clients. L'ADRC n'a jamais été confrontée à une situation où un vérificateur avait agressé sexuellement une citoyenne canadienne dans le cadre de ses fonctions officielles.

[118]   L'agression sexuelle semble avoir été préméditée. Le Dr Langevin a indiqué dans son rapport qu'il était improbable que le fonctionnaire s'estimant lésé récidive, mais cela n'a rien de rassurant pour l'employeur. Bien que le fonctionnaire s'estimant lésé ait éventuellement exprimé des remords, un geste somme toute intéressé, il ne l'a pas fait au moment de l'incident ou peu de temps après. Il n'a pas admis son inconduite à son employeur avant le 31 octobre 2003. Le lien de confiance entre l'employeur et l'employé a été rompu.

[119]   Les rapports médicaux soumis à l'audience n'ont jamais été présentés à la police, ni à M. Cameron. Par ailleurs, il n'a jamais été question des effets secondaires potentiels des antibiotiques que le fonctionnaire s'estimant lésé prenaient à l'époque lors des interrogatoires de la police ou de M. Cameron. Rien ne démontre ou ne permet de conclure que l'agression sexuelle était motivée par le prétendu stress que le fonctionnaire s'estimant lésé vivait. Aucune preuve n'est venue étayer la défense de nature médicale.

[120]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a un casier criminel ce qui a des conséquences sur le renouvellement de sa cote de sécurité. Il a perdu la confiance de l'employeur; celui-ci n'a plus confiance en lui. Quant à la question de la combinaison de fonctions excluant les vérifications sur place, l'avocate a fait valoir que cela serait injuste pour les autres employés de niveau AU-02 touchant le même taux de rémunération.

[121]   À l'appui de ses arguments, l'avocate a invoqué la jurisprudence suivante : Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (CAF) (QL); Copp c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 8; Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.) (QL); Gale c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2001 CRTFP 85; Gonsalves v. Catholic Church Extension Society of Canada, [1998] O.J. No. 3404 (Ont. C.A.) (QL); Kahlon c. Conseil du Trésor (Solliciteur général), CRTFP 166-2-20871 (1991) (QL); Re Phillips Cables Ltd. and United Steel Workers, Local 7276 (1974), 5 L.A.C. (2d) 274 (QL); Scott c. Conseil du Trésor (Revenu Canada - Douanes et Accise), CRTFP 166-2-26268 et 166-2-26269 (1998) (QL) et Taylor c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), CRTFP 166-2-26318 (1996) (QL).

Fonctionnaire s'estimant lésé

[122]   Le fonctionnaire s'estimant lésé compte 27 années de service auprès de cet employeur et son dossier est vierge. Il a effectué environ 1 000 vérifications sans incident. Selon l'avocat, au lieu de jeter le bébé avec l'eau du bain, il serait possible d'affecter le fonctionnaire s'estimant lésé à des fonctions autres que les vérifications sur place.

[123]   Le licenciement n'est pas à caractère progressif et ne favorise pas la réadaptation. L'employeur doit tenir compte des facteurs atténuants ayant mené à l'agression sexuelle. Le fardeau de la preuve incombe à l'employeur. Mme Emmett n'a jamais rencontré le fonctionnaire s'estimant lésé et elle a déclaré ne pas avoir eu connaissance qu'il avait pris un congé lié au stress avant l'incident. Elle a soutenu n'avoir eu aucune idée du stress qu'il vivait lorsqu'elle a pris sa décision relativement au licenciement, même si Mme Mayo et M. Tepelenas l'avaient informée de ces facteurs.

[124]   À titre de vérificateur, le fonctionnaire s'estimant lésé a été entraîné à faire preuve d'un certain niveau de scepticisme, et il était indiqué de retourner au salon de bronzage pour s'assurer de la concordance des numéros de série des lits de bronzage avec les numéros inscrits sur la facture. Le fonctionnaire s'estimant lésé ne savait pas si Mme « X » était seule lors de sa deuxième visite.

[125]   Rien ne démontre que le fonctionnaire s'estimant lésé ne peut pas se réadapter. Or, il a fourni des preuves médicales concluant qu'il pouvait se réadapter. Il a passé des examens, a obtenu de l'aide professionnelle et, grâce au soutien de sa famille, il est en mesure de reprendre ses fonctions de vérificateur à l'ADRC.

[126]   L'avocat a fait valoir que le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé, le jour de l'agression sexuelle, était lié au stress qu'il subissait et découlait donc d'une affection médicale.

[127]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a payé le prix de son inconduite; il a été licencié et a perdu un revenu considérable. Il a également souffert en raison des procédures au criminel. Sa famille et ses amis ont également souffert.

[128]   L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a cité les affaires suivantes : Hewes v. Etobicoke (City), [1993] O.J. No. 553 (Ont. C.A.) (QL); Ditchburn v. Landis & Gyr Powers, Ltd., [1995] O.J. No. 2882 (Ont. C.J.) (QL); Dell c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), CRTFP 166-2-25124 à 26 et 166-2-25189 à 91 (1994) (QL); Veer v. Dover Corp. (Canada) Ltd., [1997] O.J. No. 3821 (Ont. C.J.) (QL); De Lisa c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada -Service correctionnel), 2002 CRTFP 57; Brick v. Bell Communications Systems Inc., [1989] O.J. No. 2830 (S.C.O.) (QL); Séguin c. Chambre des communes, 2001 CRTFP 37; Kahlon (supra); Taylor (supra); Reininger v. Unique Personnel Canada Inc., [2002] O.J. No. 2826 (S.C.O.) (QL); Bardal v. The Globe & Mail Ltd. (1960), 24 D.L.R. (2d) 140 (Ont. H.C.) (QL); McKay v. Eaton Yale Ltd., [1996] O.J. No. 3982 (Ont. C.J.) (QL); Bohemier v. Storwal International Inc. (1982), 40 O.R. (2d) 264 (Ont. C.J.) (QL) et Orlando v. Essroc Canada Inc., [1995] O.J. No. 4056 (Ont. C.J.) (QL).

Motifs de décision

[129]   Au début de l'audience, l'avocate de l'employeur a soulevé une objection quant à ma compétence à instruire le grief au motif qu'il s'agissait d'une mesure de nature administrative et non disciplinaire. Pour établir que je ne suis pas compétent, l'employeur doit démontrer que le fonctionnaire s'estimant lésé n'a pas fait l'objet d'une mesure disciplinaire entraînant une sanction pécuniaire, conformément au sous-alinéa 92(1) b)i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

[130]   Compte tenu de la preuve qui m'a été soumise, je conclus que le fonctionnaire s'estimant lésé a souffert de sanction pécuniaire lorsqu'il a été suspendu sans salaire, le 27 octobre 2003. L'employeur savait, au moment en cause, que l'agression sexuelle alléguée avait eu lieu et que la police avait été alertée et avait porté des accusations contre le fonctionnaire s'estimant lésé. Mme Emmett a demandé la tenue d'une enquête interne qui aurait pu ou non donner lieu à des mesures disciplinaires, selon s'il y avait eu violation du « Code de déontologie et de conduite » de l'ADRC.

[131]   Le 23 octobre 2003, M. Tepelenas a informé le fonctionnaire s'estimant lésé qu'il devait continuer de travailler de son domicile, sans toutefois effectuer de vérifications sur place, et ce jusqu'à avis contraire. Or, Mme Emmett a déclaré avoir reçu comme consigne de suspendre le fonctionnaire s'estimant lésé sans salaire, jusqu'à l'issue de l'enquête des Affaires internes. J'ai également noté que la lettre du 27 octobre 2003 (pièce G-1, onglet G) que Mme Emmett a transmis au fonctionnaire s'estimant lésé indiquait ce qui suit : [traduction] « Je tiens à vous informer que d'autres mesures disciplinaires pourraient être prises contre vous, ce qui pourrait aller jusqu'au licenciement [...]. (C'est nous qui soulignons.) Par conséquent, je conclus que le contexte de la suspension du fonctionnaire s'estimant lésé était à caractère disciplinaire. À partir de son licenciement, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est retrouvé sans revenu, ce qui constituait une sanction pécuniaire. J'estime donc avoir été saisi à juste titre de ce grief.

[132]   Comme mentionné précédemment, le fonctionnaire s'estimant lésé a été accusé d'agression sexuelle à la suite d'un incident survenu le 21 octobre 2003, alors qu'il procédait à une vérification au titre de la TPS. La police a informé l'employeur, le 22 octobre 2003. Bien que le fonctionnaire s'estimant lésé ait été interrogé par la police et qu'il ait parlé à son gestionnaire, M. Tepelenas, le 23 octobre 2003, il n'a pas admis avoir commis l'agression. Ce n'est que le 31 octobre 2003, après un interrogatoire de deux heures et demie avec M. Cameron qu'il a finalement admis avoir commis l'agression dont on l'accusait.

[133]   Après examen des déclarations faites par le fonctionnaire s'estimant lésé, le 8 décembre 2003, Mme Emmett, à titre d'autorité déléguée de l'employeur, a décidé de le licencier, à compter du 12 décembre 2003.

[134]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a plaidé coupable à l'accusation d'agression sexuelle, en avril 2004, et a été remis en liberté sous condition.

[135]   Dans sa lettre de licenciement (pièce E-1, onglet 14), l'employeur justifie sa décision en affirmant que, par ses actions, le fonctionnaire s'estimant lésé a porté atteinte à la réputation de l'ADRC, de ses employés et du public canadien. Son comportement violait le « Code de déontologie et de conduite » et portait un préjudice irréparable à la relation employeur-employé.

[136]   Le fonctionnaire s'estimant lésé doit être tenu responsable de son geste. Il a déclaré qu'il connaissait le « Code de déontologie et de conduite » de l'ADRC. Or, cela ne l'a pas empêché de commettre son geste, même s'il était passible de renvoi.

[137]   À mon avis, l'agression sexuelle était, à elle seule, une raison suffisante pour mettre fin à son emploi. Le licenciement est d'autant plus justifié du fait que le fonctionnaire s'estimant lésé s'est comporté de manière malhonnête; il a menti au gendarme détective Stitt et a omis d'informer sans attendre son employeur.

[138]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis avoir fait plusieurs commentaires inappropriés et avoir posé des questions « stupides » à Mme « X ». Je crois que ces questions et commentaires visaient à « tâter le terrain ». Cette conduite n'était pas assimilable au scepticisme d'un vérificateur aguerri assumant des fonctions officielles au nom du gouvernement. Il s'agissait plutôt d'un langage suggestif. Après avoir mené des vérifications pendant plusieurs années, le fonctionnaire s'estimant lésé savait ou aurait dû savoir que ses questions et commentaires étaient inconvenants. La moindre des choses aurait été de s'excuser à Mme « X » le jour même, ce qu'il n'a pas fait.

[139]   Il m'appert difficile de croire que, selon les dires du fonctionnaire s'estimant lésé, l'altercation au téléphone avec le propriétaire du salon de bronzage l'a bouleversé à un tel point qu'il lui a été impossible de rappeler le propriétaire avant sa deuxième visite. Compte tenu de sa situation d'autorité, le fonctionnaire s'estimant lésé aurait dû être en mesure de convaincre le contribuable de se calmer et de coopérer à la vérification, même s'il était furieux. C'était son travail. Il aurait dû faire valoir les pouvoirs dont il était investi par la loi ou informer son chef d'équipe de ses préoccupations, ce qu'il n'a pas fait. Le fonctionnaire s'estimant lésé a manipulé les événements de sorte à se retrouver seul avec Mme « X » au salon de bronzage. Tout a été prémédité.

[140]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a demandé l'aide de Mme « X » pour vérifier les numéros de série des lits de bronzage. Il a prétendu qu'il devait s'assurer que les lits étaient bel et bien ceux qui figuraient sur la facture. Si je devais croire la déclaration selon laquelle il est retourné au salon de bronzage pour vérifier les numéros de série, le fait qu'il a agressé sexuellement Mme « X » pendant qu'il menait cette soi-disant vérification, me porte à croire le contraire. Cela ne concorde pas. En fait, c'est la coïncidence des événements qui est étonnante et difficile à croire.

[141]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a admis avoir dit à Mme « X » qu'elle avait de beaux seins et lui a demandé s'il pouvait les toucher. Même si elle lui a répondu non, il a ensuite demandé s'il pouvait l'embrasser, ce qu'elle a de nouveau refusé. En dépit des deux refus, il a néanmoins touché ses seins et tenté de l'embrasser. Non veut dire non! Le fonctionnaire s'estimant lésé a choisi de faire fi de ce simple mot.

[142]   Le fonctionnaire s'estimant lésé a affirmé qu'il considérait Mme « X » comme son égale. Je ne souscris pas à cette prétention. Mme « X » est une réceptionniste, alors que le fonctionnaire s'estimant lésé était un vérificateur de la TPS doté de vastes pouvoirs législatifs. Sa demande d'aide pour vérifier les numéros de série des lits de bronzage, demande à laquelle elle s'est conformée, était, selon moi, une ruse. J'estime que son comportement avant l'agression sexuelle était manipulateur et prémédité. Mme « X » a été tellement traumatisé par cette agression sexuelle qu'elle a dû consulter un professionnel et elle continue de recevoir de l'aide psychologique sur une base régulière. Le fonctionnaire s'estimant lésé était pourtant bien placé pour comprendre le traumatisme causé par une telle agression. Lui et sa femme ont témoigné de la douleur et de la souffrance causées par l'agression sexuelle d'un membre cher de la famille.

[143]   L'employeur a perdu toute confiance à l'égard du fonctionnaire s'estimant lésé. Il est en droit de se demander s'il s'agissait de la première agression que son employé commettait alors qu'il était en service commandé pour l'ADRC ou si c'était la première fois qu'une personne se décidait à porter plainte. On peut aussi se demander quel aurait été le résultat de la vérification si Mme « X » avait accepté ses avances sexuelles. Par ailleurs, quel résultat la vérification aurait-elle donné si elle avait refusé ses avances sexuelles et n'avait pas porté plainte? Quelles sont les chances que le fonctionnaire s'estimant lésé récidive advenant sa réintégration? Ces préoccupations sont justifiées. Mme Emmett a expliqué que l'ADRC n'avait pas de boule de cristal qui lui permettait de voir dans le futur pour s'assurer qu'il demeurera dans le droit chemin.

[144]   Il est impossible de connaître la réponse à ces questions. Le fonctionnaire s'estimant lésé a lui-même déclaré qu'il espérait ne pas le refaire. J'estime que l'employeur avait des raisons suffisantes de croire que le lien de confiance employeur-employé avait été rompu irrémédiablement.

[145]   L'avocat du fonctionnaire s'estimant lésé a fait valoir que le comportement de celui-ci était dû au stress qu'il vivait et aux médicaments qu'il prenait pour son problème de cellulite. Pour que je crois à une telle chose (ce qui n'est pas le cas), je devrais conclure que le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé découlait directement de l'affection médicale dont il souffrait, et qu'il n'était pas entièrement responsable de ses gestes. Il incombait au fonctionnaire s'estimant lésé de démontrer d'une façon claire et convaincante que l'agression sexuelle était liée à une affection médicale existant au préalable, qu'un pronostic avait été établi et qu'en raison des médicaments qu'il prenait pour enlever la douleur il était certain que son comportement ne se répéterait plus.

[146]   Comme mentionné dans l'affaire Re Canada Safeway Ltd. and Retail, Wholesale and Department Store Union (1999), 82 L.A.C. (4th) 1, [traduction] « d'après la jurisprudence antérieure, il semble que les éléments suivants doivent être établis pour qu'un arbitre puisse envisager la réintégration dans le cas d'une inconduite grave [...] attribuable à une maladie : 1) il faut établir la présence d'une maladie, d'une affection ou d'une situation vécue par le fonctionnaire s'estimant lésé [...]; 2) une fois que l'existence d'une maladie ou d'une affection a été confirmée, il faut établir un lien étroit entre la maladie ou l'affection et le comportement répréhensible [...]; 3) Si un lien est établi entre le comportement répréhensible et la maladie ou l'affection, l'arbitre doit tout de même être persuadé que le transfert de responsabilité du fonctionnaire s'estimant lésé était suffisant pour réduire la culpabilité de celui-ci [...] et 4) l'arbitre doit être convaincu que le fonctionnaire s'estimant lésé a été réhabilité [...] il faut être confiant, dans une certaine mesure, que l'employé peut retourner au travail et y être efficace et que les problèmes sous-jacents ayant mené au comportement répréhensible ont été réglés afin de minimiser le risque d'une récidive ».

[147]   On ne m'a présenté aucune preuve démontrant qu'au moment de l'agression sexuelle, le fonctionnaire s'estimant lésé souffrait d'une maladie ou d'une affection pouvant avoir un effet sur son comportement. Les pièces G-2, G-4 et G-5 sont tous des éléments de preuve acquis après le licenciement et n'établissent aucun lien entre l'affection médicale (cellulite) dont souffrait le fonctionnaire s'estimant lésé et son comportement. Il n'a pas été démontré que le stress qu'il vivait aurait pu donner lieu à son comportement. Je ne vois pas de lien entre l'état psychologique du fonctionnaire s'estimant lésé et l'agression sexuelle. Ni les examens subis, ni la psychothérapie suivie n'ont permis d'établir que l'agression sexuelle était liée à une affection médiale. Par ailleurs, ils ne me convainquent pas du caractère favorable du pronostic. Cependant, le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé a obtenu de l'aide professionnelle démontre qu'il est déterminé à s'aider et à progresser dans la bonne direction.

[148]   Je suis sensible au témoignage de Mme Yarmolinsky. Je loue le fait qu'elle soutient son mari. Cependant, compte tenu de la gravité de l'inconduite de celui-ci, son témoignage ne me convainc pas qu'il devrait être réintégré.

[149]   Quant au fait que Mme Yarmolinsky a assisté au témoignage de plusieurs témoins de l'employeur, comme mentionné au début de la décision, j'aimerais noter que son témoignage était essentiellement à titre de référence morale.

[150]   Le comportement du fonctionnaire s'estimant lésé est choquant et répréhensible. La société ne tolère pas les agressions sexuelles de tout acabit et j'estime que ce type de comportement justifie un licenciement dans le contexte actuel de l'égalité entre les sexes et des droits de la personne. Le fonctionnaire s'estimant lésé a violé la politique de l'ADRC sur la confiance et l'intégrité et son code de déontologie et de conduite.

[151]   Les fonctionnaires canadiens sont régis par un ensemble de valeurs et d'éléments d'éthique fondés sur l'honnêteté, le respect et l'intégrité dans le cadre de leur travail. Le fonctionnaire s'estimant lésé a échoué lamentablement à tous les égards.

[152]   J'aimerais ajouter qu'il est terriblement triste et difficile de licencier un fonctionnaire ayant à son actif de longs états de service irréprochables, surtout lorsque ses chances de trouver un autre emploi sont incertaines. Cependant, en l'espèce, les gestes commis par le fonctionnaire s'estimant lésé justifient une telle décision.

[153]   En ce qui concerne la suspension, je conclus que l'employeur avait des motifs suffisants pour suspendre le fonctionnaire s'estimant lésé. La police l'avait avisé que le fonctionnaire s'estimant lésé était accusé d'avoir agressé sexuellement une contribuable qui travaillait au lieu d'affaires où le fonctionnaire effectuait une vérification. Étant donné les fonctions du fonctionnaire s'estimant lésé, sa situation de confiance au sein de l'organisation, la gravité de son inconduite alléguée et le fait que le fonctionnaire s'estimant lésé faisait face à des accusations criminelles, l'employeur était en droit d'imposer une suspension jusqu'à l'issue de l'enquête.

[154]   Pour tous les motifs susmentionnés, je ne vois aucune raison de réintégrer le fonctionnaire s'estimant lésé dans la fonction publique du Canada. Par conséquent, le grief est rejeté.

D.R. Quigley,
commissaire

OTTAWA, le 17 janvier 2005.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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