Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Démission - Allégation des fonctionnaires s'estimant lésés que leurs démissions avaient été forcées ou sous la contrainte - Congédiement déguisé - Calcul de l'indemnité de départ - Compétence de la Commission - Droits de la personne - Recevabilité - Non-participation de la fonctionnaire s'estimant lésée à l'audience - les fonctionnaires s'estimant lésés, un couple marié, étaient tous deux vétérinaires au service de l'ACIA, dans le programme d'inspection des viandes - ils ont tous les deux donné leur démission après une longue dispute avec l'employeur - la fonctionnaire s'estimant lésée a déclaré avoir commencé à éprouver des difficultés avec son employeur en 1991, quand elle a gagné un concours, mais que l'employeur a refusé de lui payer ses frais de réinstallation - elle a contesté cette décision de l'employeur avec succès à l'arbitrage - au début de 1993, elle a été déclarée excédentaire à la suite d'une réorganisation de l'employeur, et elle a déclaré que c'était par représailles pour avoir présenté un grief au sujet de ses frais de réinstallation - les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont allégué que l'employeur a proposé alors un changement de la méthode du calcul des congés annuels pour faire en sorte qu'ils ne puissent pas prendre leurs vacances ensemble - le fonctionnaire s'estimant lésé a déposé un grief pour contester cette situation, avec succès - la fonctionnaire s'estimant lésée a porté plainte au Commissariat à la protection de la vie privée pour protester contre la divulgation sans autorisation à son agent négociateur de renseignements personnels la concernant aux fins de discussions entre l'agent négociateur et l'employeur sur la modification de la politique de calcul des congés annuels - la plainte a été accueillie, le Commissariat ayant conclu que la décision de l'employeur de divulguer ces renseignements personnels n'était pas justifiée - toutefois, il a aussi jugé que les renseignements avaient été divulgués à la suite d'une demande de l'agent négociateur en vue de résoudre un problème d'attribution des congés annuels - en 1997, la fonctionnaire s'estimant lésée a été témoin d'un abattage de porcs avec cruauté à son lieu de travail qui lui a fait éprouver énormément de stress avant qu'elle ne parte en congé de maladie non payé - elle a ensuite tenté sans succès de trouver un autre poste à l'ACIA dans un autre secteur que celui de l'hygiène des viandes - l'employeur a été informé en juillet 2000 qu'elle avait une incapacité attribuable à son travail - ce mois-là, son conjoint a accepté un poste au service du gouvernement de l'Ontario et s'est vu accorder un congé d'un an; elle a aussi obtenu un congé pour la réinstallation du conjoint - avant qu'elle ne quitte la Colombie-Britannique pour l'Ontario, l'employeur a demandé une évaluation de son état par Santé Canada, mais elle n'y a pas donné suite - quelques mois après le déménagement, elle a aussi trouvé du travail dans l'administration provinciale ontarienne - avant de quitter la Colombie-Britannique, elle avait déposé à la CAT une plainte concernant le stress post-traumatique dont elle souffrait, et la CAT a fini par rendre une décision qui lui était favorable en accueillant sa plainte, en août 2001 - les fonctionnaires s'estimant lésés ont aussi porté plainte à la Commission canadienne des droits de la personne - leurs plaintes ont été rejetées pour avoir été présentées tardivement et parce qu'elles ne faisaient état d'aucun motif de discrimination interdit par la LCDP - avant de donner sa démission, le fonctionnaire s'estimant lésé a tenté de faire prolonger son congé jusqu'à ce que l'ACIA trouve un poste convenable pour sa conjointe et réclamé un congé temporaire pour la réinstallation de celle-ci - sa demande de congé pour réinstallation de sa conjointe a été rejetée, mais sa demande de prolongement de son congé pour besoins personnels a été acceptée pour une période légèrement supérieure à trois mois de plus - les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont écrit de longues lettres de démission que l'employeur n'a pas immédiatement acceptées, en prenant des mesures pour s'assurer que tous deux étaient pleinement conscients des implications d'une démission - la fonctionnaire s'estimant lésée n'a pas assisté à l'audience - étant donné que la charge de la preuve lui incombait, sa non-participation l'empêchait largement de s'en acquitter - l'employeur a soulevé une objection préliminaire contestant la compétence de la Commission en déclarant que les griefs n'étaient pas arbitrables puisqu'ils étaient plutôt des plaintes de droits de la personne, de sorte qu'ils ne pouvaient être entendus puisqu'ils n'étaient pas visés par l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et que le grief contestant le calcul de l'indemnité de départ avait été présenté tardivement - l'arbitre a conclu que les griefs étaient au fond des plaintes dénonçant une discrimination fondée sur la situation de famille ou matrimoniale ainsi que sur une incapacité, et qu'il n'avait par conséquent pas compétence pour entendre l'affaire - la CCDP était l'instance appropriée, et le fait qu'elle avait refusé de faire enquête ne pouvait pas investir la Commission de la compétence nécessaire - subsidiairement, il n'était pas convaincu non plus que l'employeur ait imposé des sanctions disciplinaires aux fonctionnaires s'estimant lésés ou que leurs démissions aient été forcées ou sous la contrainte, de sorte qu'il n'avait pas non plus compétence pour entendre le grief en vertu de l'article 92 de la LRTFP - les fonctionnaires s'estimant lésés comprenaient tous deux que leurs lettres de démission allaient mettre fin à leur relation d'emploi et ils avaient eu des mois pour y réfléchir - ils avaient aussi manifestement obtenu des conseils juridiques, puisque leur arbitre a écrit à l'ACIA afin d'exiger qu'elle accepte les lettres de démission - l'arbitre a jugé de plus que la non-participation de la fonctionnaire s'estimant lésée au processus d'évaluation de Santé Canada était fatale pour sa prétention - afin de déterminer si les démissions étaient volontaires, forcées ou résultant de mesures disciplinaires, l'arbitre a accordé très peu de poids au fait que la CAT a jugé que la fonctionnaire s'estimant lésée avait subi une blessure dédommageable - enfin, en ce qui concerne le grief relatif à l'indemnité de départ, il s'est dit convaincu qu'il n'était pas acceptable de « refaire » l'histoire des congés de la fonctionnaire s'estimant lésée, et il a jugé que l'agent négociateur n'avait produit aucune preuve démontrant l'existence d'une erreur dans la façon de l'employeur d'inscrire les congés ou de calculer les sommes dues dans l'indemnité de départ. Objection préliminaire accueillie; griefs rejetés faute de compétence. Décisions citées : Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354; Djan c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2001 CRTFP 60; Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] 3 C.F. 445 (DPI); Mohammed c. Canada (Conseil du Trésor), [1998] C.A.F. no 845; Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 (C.A.) (QL); O'Hagan c. Canada (Service correctionnel), [1999] A.C.F. no 32 (DPI); Audate c. Conseil du Trésor (Affaires des anciens combattants), dossier de la CRTFP no 166-2-27755; Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854; McIlroy c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossier de la CRTFP no 166-2-12359 (1982) (QL); Bodner c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP no 166-2-21332 (1991) (QL); Charron c. Chambre des communes, 2002 CRTFP 90; McNab c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP no 166-2-14343 (1984) (QL); Merrill c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise), dossier de la CRTFP no 15133 (1986) (QL); Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-09-28
  • Dossier:  166-32-32344
    166-32-32345
    166-32-32346
  • Référence:  2004 CRTFP 143

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

Dre BEATRICE RINKE ET Dr ROBERT VANDERWOUDE

fonctionnaires s'estimant lésés

et

AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS


employeur



Devant :   Paul Love, commissaire

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés :  Evan Heidinger, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :  Neil McGraw


Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 22 au 25 juin 2004.


[1]    Les fonctionnaires s'estimant lésés, la Dre Beatrice Rinke (dossier de la Commission 166-32-32345) et le Dr Robert Vanderwoude (dossier de la Commission no 166-32-32346) ont déposé des griefs alléguant que leurs démissions de leurs postes de vétérinaires à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) était forcée ou sous la contrainte et qu'ils ont fondamentalement fait l'objet d'un congédiement déguisé. La Dre Rinke a aussi présenté un grief contestant le calcul de son indemnité de départ (dossier de la Commission 166-32-32344).

[2]    Dans le grief de la Commission no 166-32-32345, la Dre Rinke allègue ce qui suit :

[Traduction]

Par suite du refus de la direction de l'ACIA de me trouver un autre poste plutôt que de me renvoyer dans un abattoir où j'avais été gravement blessée, comme le Comité de révision de la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique l'a jugé, ainsi qu'en raison des mesures de la direction pour contraindre mon conjoint à démissionner, je suis forcée de démissionner de l'ACIA, en me basant sur l'acceptation par Jim Sigurdson de la démission de mon conjoint en date du 14 mai 2002. Je suis aussi forcée de démissionner sans avoir été pleinement informée de tous les renseignements relatifs aux conséquences pour notre famille de la démission de mon conjoint et de la mienne. Comme je l'ai souligné dans ma lettre de démission (qui n'a pas été acceptée), c'était une démission forcée équivalant à un congédiement injustifié déguisé

C'est pourquoi je dépose ce grief.

[3]    Dans le grief faisant l'objet du dossier de la Commission no 166-32-32346, le Dr Vanderwoude allègue que :

[Traduction]

Par suite du refus de la direction de l'ACIA de tenir compte de la situation de ma conjointe, ainsi que de son refus de m'accorder une prolongation de mon congé non payé pour que nous puissions retourner en famille en Colombie-Britannique, j'ai démissionné de mon poste à l'ACIA à compter du 1er mai 2002. Ma démission a été acceptée par James Sigurdson le 14 mai 200 [sic]. J'ai aussi été contraint à démissionner sans être pleinement informé de tous les renseignements relatifs aux conséquences pour notre famille de la démission de ma conjointe et de la mienne. Comme je l'ai souligné dans ma lettre de démission, c'était une démission forcée équivalant à un congédiement injustifié déguisé.

[4]    Le 14 septembre 2002, dans le dossier de la Commission no 166-32-32344, la Dre Rinke a déposé un grief alléguant ce qui suit :

[Traduction]

À la suite de mon grief du 9 juin 2002, j'ai reçu une lettre de Mme Miller-Kurchaba au sujet de mon indemnité de départ et de mes options de pension de retraite. Cette lettre contient de graves erreurs que j'ai soulignées dans une lettre à Mme Miller-Kurchaba datée du samedi 24 août 2002. Ce grief concerne ma rémunération et mes avantages sociaux. Je tiens à être présente à toutes les séances où il en sera question. Ces mesures de la direction constituent une peine pécuniaire et sont directement liées aux mesures de renvoi injustifiées qu'elle a prises à mon encontre et à celui de ma famille. Par conséquent, ce grief s'ajoute à celui que j'ai déposé le 9 juin 2002.

Je présente donc un grief.

[5]    La Dre Rinke a réclamé les mesures correctives suivantes dans ce dernier grief (dossier de la Commission no 166-32-32344) :

[Traduction]

En plus des mesures correctives que je réclame dans mon grief du 9 juin 2002, je réclame aussi celles qui sont précisées dans ma lettre à Mme Miller Kurchaba datée du samedi 24 août 2002.

[6]    Dans une lettre à la Commission datée du 16 juin 2004, l'employeur a soulevé une question de compétence :

[Traduction]

L'employeur entend contester la compétence de la Commission dans cette affaire, puisqu'il s'agit d'une tentative de renvoi à l'arbitrage d'une question qui n'est pas arbitrable, à savoir les démissions des Drs Rinke et Vanderwoude. Même s'ils prétendent tous les deux que c'étaient des congédiements déguisés, la Commission a très clairement établi sa position dans le passé : il lui est interdit d'entendre un renvoi à l'arbitrage contestant une démission fondée sur la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En l'occurrence, comme les démissions ont été présentées conformément à la Loi sur l'agence canadienne d'inspection des aliments, le même principe s'applique. À moins qu'on ne puisse démontrer que la démission résultait d'une sanction disciplinaire déguisée, ce qui n'a pas été allégué, la Commission n'a pas compétence, en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Deuxièmement, en ce qui concerne le grief de la Dre Rinke (no 166-32-32344), l'employeur tient à souligner ce qu'il a déclaré durant toute la procédure de règlement des griefs. Ce grief est irrecevable; il porte fondamentalement sur les types et sur les périodes de congés qui ont été accordés à la Dre Rinke entre août 1989 et janvier 2001. Par exemple, la Dre Rinke demande des changements de ses périodes de congé de maternité et de congés pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire entre le 21 août 1989 et le 25 mars 1990 ainsi qu'entre le 19 août 1991 et le 3 janvier 1995, de même que de son congé non payé pour réinstallation du conjoint du 21 août 2000 au 1er janvier 2001.

[7]    Après avoir entendu dès le début de l'audience les arguments de vive voix des parties au sujet de l'objection de l'employeur concernant ma compétence, j'ai jugé que les preuves au fond et sur la question de compétence étaient virtuellement indissociables. J'ai donc choisi de réserver ma décision sur la question de compétence jusqu'après avoir entendu toute la preuve et j'ai informé les parties que je me prononcerais sur la question de compétence d'abord dans mes motifs de décision.

[8]    Dans les observations qui m'ont été remises après la fin de l'audience, l'employeur a aussi fait valoir que la Commission n'a pas compétence pour trancher l'affaire au fond puisqu'il s'agit essentiellement d'une plainte relative aux droits de la personne, et que la Commission a compétence pour entendre une telle affaire seulement si la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) l'en a saisie en vertu de l'alinéa 41(1) a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6 (LCDP), pour que les fonctionnaires épuisent les recours de la procédure de règlement des griefs.

[9]    Après avoir entendu les témoignages, pris connaissance des documents produits comme pièces, analysé les arguments des avocats et la jurisprudence invoquée, je suis convaincu qu'il s'agit effectivement, en bout de ligne, d'une plainte de discrimination contre les fonctionnaires s'estimant lésés en raison de leur situation familiale et matrimoniale ainsi que de l'incapacité de la Dre Rinke, et que je n'ai donc pas compétence pour entendre l'affaire puisqu'il existe un autre recours administratif dont les intéressés pouvaient se prévaloir en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je ne suis pas convaincu non plus qu'il s'agisse ici d'un cas de sanctions disciplinaires contre les fonctionnaires s'estimant lésés, ni de démissions forcées ou sous la contrainte de l'employeur. Je crois au contraire qu'il s'agit de démissions sur lesquelles la Commission n'a aucune compétence à exercer en vertu de l'article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-35. Je vais maintenant exposer mes constatations sur les faits ainsi que les motifs de mes conclusions.

Non-comparution de la Dre Rinke

[10]    La Dre Rinke n'a pas comparu à l'audience. Elle a écrit une autorisation pour que son mari, le Dr Vanderwoude, puisse comparaître en son nom (pièce 1). Par l'intermédiaire du Dr Vanderwoude et de son représentant, M. Heidinger, elle a fait déposer un rapport du Dr Daigen, un psychologue (pièce 2), expliquant son absence. Dans ce rapport, il est écrit que la Dre Rinke a été psychologiquement traumatisée par le traitement que l'ACIA lui a infligé sur une longue période et qu'elle est incapable de témoigner. Le Dr Daigen a rédigé ce document sans réaliser d'évaluation psychologique exhaustive, en se basant sur une rencontre qu'il a eue avec la Dre Rinke pendant une heure et quart, le 11 juin 2004, en présence du Dr Vanderwoude.

[11]    J'ai admis ce rapport en preuve comme explication de l'absence de la Dre Rinke. Il est vraiment inhabituel, dans une affaire de démission, que la partie qui a démissionné et qui tente de se soustraire aux conséquences de sa démission (incluant la cessation de son emploi), ne soit pas présente pour témoigner sur les faits. Dans sa lettre, le Dr Daigen conclut :

[Traduction]

[...] Si elle était incapable de me parler de ces événements dans le cadre aidant de mon cabinet, il est certain qu'elle sera incapable de le faire dans le contexte antagoniste d'une audience de la Commission des relations de travail dans la fonction publique. J'espère qu'elle ne sera pas pénalisée pour n'avoir pas comparu, puisque son incapacité de le faire est symptomatique des graves troubles post-traumatiques dont elle a commencé à souffrir par suite de son emploi à l'ACIA. Il est peu probable que la Dre Rinke soit capable de tolérer une exposition à des éléments liés à son traumatisme comme celle qu'elle subirait dans l'audience de la Commission, et elle pourrait par conséquent devoir faire comparaître un représentant en son nom.

[12]    Au sujet du rapport du Dr Daigen, je dirais qu'il ne s'agit pas ici de pénaliser la fonctionnaire parce qu'elle n'a pas comparu, mais plutôt de savoir quel poids accorder aux allégations du Dr Vanderwoude et aux documents produits en l'absence de la fonctionnaire s'estimant lésée, qui aurait normalement assisté à l'audience et témoigné, à son interrogatoire principal et en contre-interrogatoire, sur les faits et sur les déclarations figurant dans ses griefs.

[13]    M. Heidinger n'a pas demandé d'ajournement. L'audience a eu lieu, et j'ai entendu le témoignage du Dr Vanderwoude, pour les fonctionnaires s'estimant lésés et celui de Mme Jo Ann Miller-Kurchaba, pour l'employeur, en plus de me faire remettre la preuve documentaire déposée par les deux parties au cours des témoignages. Le Dr Vanderwoude a été un certain temps représentant de l'agent négociateur, et il a aidé la Dre Rinke dans le contexte de ses problèmes avec l'ACIA et d'une affaire entendue par la Commission des accidents du travail (CAT). La fonctionnaire s'estimant lésée se devait de démontrer que sa démission n'était pas vraiment une démission ou que l'employeur l'a contrainte à démissionner. En ne comparaissant pas, elle accroissait nettement sa charge de la preuve.

[14]    L'absence de la Dre Rinke pose de gros problèmes d'évaluation de la preuve sur ses démêlés avec l'ACIA et sur sa démission de cet organisme. À mon avis, il ne faudrait pas accorder grand poids aux témoignages et à la preuve documentaire en ce qui concerne son grief. La preuve avancée par l'agent négociateur était largement du ouï-dire présenté le Dr Vanderwoude. En outre, une partie de la preuve — particulièrement les lettres rédigées par l'avocat de la Dre Rinke, où l'on prétend exposer des faits —, constitue du double ouï-dire. Les points soulevés dans les griefs de la Dre Rinke sont controversés; bien que les règles de la preuve soient moins exigeantes dans une procédure d'arbitrage de griefs qu'en droit pénal, on errerait en accordant un grand poids aux allégations de ouï-dire lorsqu'il s'agit de trancher des faits controversés.

Contexte

[15]    Cette affaire est en partie liée à l'histoire des relations entre la Dre Rinke et l'ACIA — ainsi que du ministère dont celle-ci est issue — durant une période d'au moins douze ans. Les Drs Rinke et Vanderwoude travaillaient à la section de l'hygiène des viandes d'Agriculture Canada avant de passer à l'ACIA.

[16]    Le Dr Vanderwoude est un vétérinaire qualifié. Après être entré au service d'Agriculture Canada en 1984, il a travaillé dans divers milieux d'inspection des viandes en Colombie-Britannique, en Alberta et en Saskatchewan. En 1997, il a obtenu une promotion au niveau VM-02. Il a aussi travaillé à titre intérimaire comme VM-03 dans la vallée du Fraser.

[17]    La Dre Rinke a commencé à travailler pour Agriculture Canada en 1988, comme VM-01. Le Dr Vanderwoude, son conjoint, a déclaré qu'elle est une vétérinaire qualifiée. Il a ajouté qu'elle avait sa propre clinique avant d'entrer au service de l'ACIA, en déclarant :

[Traduction]

En 1988, elle a réussi à se joindre à Agriculture Canada — à moins qu'elle n'ait eu la malchance de le faire — et elle a travaillé pendant les douze années qui ont suivi dans l'inspection des viandes en Colombie-Britannique.

[18]    La Dre Rinke et le Dr Vanderwoude se sont rencontrés à leur travail; ils sont devenus un couple et se sont mariés. La preuve qu'on ma présentée précise qu'ils sont le seul couple marié de VM-02 à l'ACIA. La Dre Rinke a débuté à l'ACIA en 1988; sa fiche de congés figure au tableau du paragraphe 200 de la présente décision.

[19]    Le Dr Vanderwoude a décrit les programmes d'Agriculture Canada — et désormais de l'ACIA — employant des vétérinaires. La majorité des vétérinaires de l'ACIA travaillent dans des laboratoires pour faire l'inspection ante mortem et post-mortem d'animaux destinés à être abattus pour être mangés et exportés du Canada. Ce programme d'inspection des viandes est appelé le programme d'hygiène des viandes.

[20]    Quelques vétérinaires seulement sont affectés à des postes de gestion dans le secteur opérationnel, ou à des postes de spécialistes des programmes, à la direction ou à l'amélioration de la salubrité des aliments. Très peu sont affectés au secteur de la santé des animaux, dans un contexte que le Dr Vanderwoude a décrit comme :

[Traduction]

Un travail dans un environnement professionnel agréable, où l'on va dans des exploitations agricoles; c'est très agréable.

Les rares postes dans le secteur de la santé des animaux sont recherchés. Ils sont relativement difficiles à obtenir pour la grande majorité des vétérinaires affectés au programme d'hygiène des viandes.

[21]    Le Dr Vanderwoude a déclaré avoir été contraint à déménager de la Colombie-Britannique en Ontario en 2000 et avoir été forcé par l'ACIA à démissionner en 2002. Je n'accepte pas son témoignage à l'un ou l'autre de ces égards, pour les motifs exposés plus loin.

[22]    En juillet 2000, le Dr Vanderwoude a accepté un contrat au ministère de l'Agriculture de l'Ontario, devenu depuis le ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires rurales de l'Ontario (OMAFRA), à partir de septembre 2000. Il occupe actuellement à temps plein un poste où il a été nommé pour une période indéterminée comme gestionnaire de la supervision de divers aspects des programmes pour 200 abattoirs, ainsi que de la gestion des activités de 120 vétérinaires nommés en vertu de la Loi sur l'inspection des viandes et de la Loi sur la vente à l'encan du bétail de l'Ontario. Dans son témoignage, il a déclaré que c'est « un emploi en or », ce que j'interprète comme un emploi qui lui plaît. Je me dois de signaler en passant que, dans l'emploi qu'il occupe actuellement en Ontario, le Dr Vanderwoude n'a pas à travailler sur une base quotidienne dans des abattoirs.

[23]    Le Dr Vanderwoude a déclaré que la Dre Rinke a été contrainte de se réinstaller en Ontario en septembre 2000 alors qu'elle n'avait pas d'emploi en vue et qu'elle a dû vendre ses biens et sa maison. À mon avis, ce qui s'est passé en fait, c'est que la Dre Rinke a informé l'employeur le 21 août 2000 de son intention de prendre un congé sans solde pour la réinstallation du conjoint, à compter de cette date. La Dre Rinke a quitté la province et s'est relocalisée en Ontario avec le Dr Vanderwoude; elle a trouvé du travail à l'OMAFRA dès janvier 2001. Le poste qu'on lui a offert était plus intéressant pour elle que son travail de vétérinaire à l'ACIA, en Colombie-Britannique, dans un abattoir.

[24]    Du point de vue du Dr Vanderwoude, les démêlés de la Dre Rinke avec l'ACIA ont commencé lorsqu'elle a obtenu son premier poste de VM-02 en février 1989. À l'époque, la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude habitaient North Delta, dans le district de la Région métropolitaine de Vancouver. La Dre Rinke a été affectée à un abattoir situé à Aldergrove (l'établissement d'Aldergrove)1 . Le Dr Vanderwoude a déclaré que la Dre Rinke avait présenté sa candidature pour un autre poste, et qu'elle avait espéré être affectée à l'établissement de Surrey. (L'abattoir d'Aldergrove était à 37 kilomètres de la résidence du Dr Vanderwoude et de la Dre Rinke à North Delta.)

[25]    La Dre Rinke semblait avoir des réserves à l'égard du milieu de travail à l'abattoir d'Aldergrove; c'était un vieil établissement inefficient qui allait vraisemblablement devoir fermer ses portes à un moment ou l'autre.

[26]    Le 18 janvier 1991, la Dre Rinke a présenté un grief pour protester contre son affectation à l'abattoir d'Aldergrove. Elle protestait contre le refus d'Agriculture Canada de payer ses frais de réinstallation après qu'elle eut gagné un concours pour un poste de VM-02 en février 1989, après quoi elle avait été promue de VM-01 à VM-02 et affectée à l'établissement d'Aldergrove plutôt qu'à celui de Surrey.

[27]    Ce grief a été entendu à l'arbitrage (Rinke c. Conseil du Trésor, dossier de la Commission no 166-2-22122 (1992), décision déposée en pièce dans la présente affaire (pièce 7)). La lecture de cette décision montre clairement que la Dre Rinke était convaincue qu'on allait l'affecter à l'abattoir de volailles Sunrise (établissement 314) de Surrey (p. 3), bien que l'avis de concours n'ait précisé aucun lieu de travail (p. 7) ni aucun poste en particulier, puisqu'il englobait toute la région métropolitaine de Vancouver (p. 8). L'employeur a doté le poste vacant à l'abattoir de volailles Sunrise en y mutant un autre VM-02. La Commission a conclu dans cette affaire que la Dre Rinke n'avait pas demandé d'être nommée à l'abattoir d'Aldergrove, situé à bonne distance (environ 42 kilomètres) de la maison dont elle et son mari avaient toujours rêvé 2. C'était passablement loin de chez elle, puisque la circulation était dense et qu'il était difficile de se rendre au travail et d'en revenir dans ces conditions. (Cette affaire portait aussi sur l'interprétation des dispositions de la politique de réinstallation en ce qui concernait la distance entre le lieu de résidence des fonctionnaires et leur nouveau lieu de travail.)

[28]    Selon l'agent négociateur, c'est à partir de ce grief que l'ACIA a commencé à mal traiter la Dre Rinke. J'ai exposé les faits pertinents de ce premier grief, qui font aussi ressortir ce qui semble être une différence entre l'interprétation de ce qui a causé les démêlés de la Dre Rinke avec l'ACIA du point de vue de l'intéressée et du Dr Vanderwoude, d'une part, et ce que je considère comme étant les faits, d'autre part, en me fondant sur la preuve dont je suis saisi.

[29]    Mon examen de la preuve m'a convaincu que la Dre Rinke croyait s'être portée candidate au poste de vétérinaire à l'abattoir de volailles Sunrise lorsqu'elle s'est présentée au concours pour le poste de VM-02. Toutefois, en réalité, elle avait postulé une affectation générale dans la région de Vancouver, qui incluait l'abattoir d'Aldergrove. Il est clair aussi qu'elle n'avait pas demandé qu'on l'affecte à cet abattoir et qu'elle ne souhaitait pas y travailler. Je souligne que rien dans la preuve qui m'a été soumise n'indique qu'elle ait cherché à se prévaloir d'un recours en bonne et due forme pour contester la décision de l'affecter à l'abattoir d'Aldergrove, si ce n'est en réclamant une indemnité de réinstallation.

[30]    La Dre Rinke a gagné le grief dans lequel elle réclamait une indemnité de réinstallation en juillet 1992 (décision de la Commission no 166-2-22122). L'arbitre a ordonné qu'on lui verse un dédommagement; elle a fini par toucher 15 987 $, le 22 janvier 1993, pour la dédommager de la décision de l'employeur de l'affecter à l'abattoir d'Aldergrove. Je souligne que la Dre Rinke a été en congé de maladie du 21 août 1989 au 18 février 1990, après quoi elle a pris un congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire du 19 février au 25 mars 1990. De retour au travail le 26 mars 1990, elle y est restée jusqu'au 18 août 1991, pour prendre de nouveau un congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire à partir du 19 août 1991.

[31]    Vers le 16 février 1993, la Dre Rinke a été déclarée excédentaire à compter du 18 octobre de la même année, soit à la fin de son congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire. C'était apparemment parce que plusieurs abattoirs avaient été fusionnés en complexes et que les vétérinaires s'étaient vu confier des responsabilités d'inspection d'établissements multiples (pièce 9). Ainsi, le Dr Vanderwoude avait dû assumer la responsabilité d'inspection de l'abattoir d'Aldergrove, en plus des responsabilités qui lui étaient déjà confiées à l'égard de Britco Export Packers Ltd. Il a déclaré que cette décision aurait pu être prise autrement, mais c'est à la direction qu'il appartient de décider puisqu'elle a le pouvoir d'organiser son effectif, tandis que les fonctionnaires touchés par sa décision ont des droits reconnus dans la Politique sur le réaménagement des effectifs.

[32]    Le Dr Vanderwoude est d'avis que la Dre Rinke a été ciblée et déclarée excédentaire parce qu'elle avait présenté un grief pour obtenir une indemnité de réinstallation. Il est certain que l'ACIA a décidé de déclarer la Dre Rinke excédentaire après que celle-ci eut gagné son grief et qu'elle lui eut versé l'indemnité de réinstallation réclamée, mais je ne suis pas convaincu que l'agent négociateur ait prouvé l'existence d'une relation de cause à effet entre ces deux événements.

[33]    D'après le témoignage du Dr Vanderwoude, la Dre Rinke a prolongé son congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire afin d'éviter d'être déclarée excédentaire pendant qu'elle attendait une occasion de retourner au travail. On m'a présenté une lettre (pièce 11) indiquant que l'intéressée a demandé une prolongation de son congé en avril ou mai 1993, et qu'on lui a accordé le 4 mai 1993 une prolongation de son congé jusqu'au 19 août 1996.

[34]    Le Dr Vanderwoude a témoigné que :

[Traduction]

La Dre Rinke a évité d'être déclarée excédentaire en prolongeant son congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire. C'est parce qu'elle était désespérée qu'elle a réussi à faire prolonger son congé.

[35]    L'ACIA a fait des offres d'emplois à la Dre Rinke, qui a fini par accepter de travailler à Sunrise, puis à un abattoir de la région de Vancouver3. Elle est retournée au travail le 4 janvier 1995 et elle est restée en fonctions jusqu'au 26 mai 1996. Ensuite, elle a été en congé de maladie non payé du 27 mai 1996 au 25 juin 1997. Elle est retournée au travail du 26 juin au 12 octobre 1997, puis s'est absentée brièvement du 13 au 20 octobre 1997, pour ensuite recommencer à travailler jusqu'au 13 décembre 1998, quand elle est partie en congé de maladie non payé.

Divulgation de renseignements à l'agent négociateur pour la détermination des dates des congés annuels

[36]    Le Dr Vanderwoude a soulevé la question de la gestion des congés annuels à l'ACIA, en alléguant que c'était une preuve de mauvaise foi de l'Agence à l'endroit de la Dre Rinke. Selon lui, l'ACIA aurait orchestré un changement de la méthode de calcul des congés annuels pour faire en sorte que la Dre Rinke et lui-même ne puissent pas prendre de vacances ensemble. Il a déclaré que la Dre Rinke et lui avaient été lésés en raison de la divulgation par l'employeur de renseignements personnels sur les congés et sur la date d'entrée en service de la Dre Rinke, dans le contexte d'une initiative de l'agent négociateur pour faire réévaluer la méthode de détermination des congés annuels. L'agent négociateur a déclaré que le Dr Vanderwoude et la Dre Rinke étaient les deux seuls vétérinaires en service en Colombie-Britannique qui étaient mariés ou cohabitaient, que le calendrier des congés annuels proposé leur portait préjudice et que, en bout de ligne, ils ne seraient jamais capables de prendre des vacances en même temps. L'agent négociateur a dit en parlant d'eux [traduction] : « Dans leur esprit, c'était un exemple de traitement discriminatoire qui les visait particulièrement et qui faisait partie d'une chaîne de preuve ».

[37]    Si les fonctionnaires étaient autorisés à prendre leurs congés annuels en se basant sur leur service continu plutôt que sur leur ancienneté, il est possible que la Dre Rinke aurait pu en souffrir puisque même en conservant toujours son statut de fonctionnaire, elle n'avait pas de longs états de service continu à cause de ses congés. Le Dr Vanderwoude a déposé un grief contestant la mise en oeuvre d'une nouvelle politique de répartition des congés annuels pour les vétérinaires affectés à l'hygiène des viandes, et ce grief a été accueilli.

[38]    La Dre Rinke a porté plainte au Commissariat à la protection de la vie privée pour protester contre la divulgation sans autorisation à son agent négociateur de renseignements personnels la concernant. On ne m'a pas communiqué le texte intégral de cette plainte, mais les résultats des démarches du Commissariat sont exposés dans une lettre à la Dre Rinke datée du 3 mars 1998 (pièce 13) :

[Traduction]

Notre enquête a révélé que, en février 1996, avec l'approbation du directeur local des Opérations, le Dr D. Finnan, un des agents locaux des ressources humaines a établi une liste des dates du début de votre service continu et de celui de vos collègues vétérinaires, puis a remis cette liste au Dr O. Germaine pour donner suite à une demande de ce dernier, qui est le secrétaire-trésorier de la section locale de l'IPFP. Cette liste a été compilée à partir de renseignements recueillis dans la base de données du Système d'information sur les ressources humaines (SIRH), et seules les dates du début du service continu des vétérinaires ont été communiquées.

... Les représentants du Ministère ont expliqué que, à la suite d'une décision négociée par un comité syndical-patronal, la direction avait autorisé les dirigeants syndicaux du sous-groupe des vétérinaires à établir les critères dont on allait se servir pour déterminer les priorités d'attribution des congés annuels. Dans le passé, on s'était servi de la liste d'ancienneté à cette fin, mais le Dr Germaine, en sa qualité de représentant de la direction du syndicat, avait récemment demandé qu'on l'informe des dates d'entrée en service continu des vétérinaires afin d'étudier avec les membres du syndicat la possibilité d'établir de nouveaux critères de détermination des priorités d'attribution des congés. Les renseignements demandés ont été fournis par la direction dans ce cas afin d'encourager et de maintenir une relation de coopération avec le syndicat.

[39]    Le Commissariat à la protection de la vie privée a conclu que la divulgation de la date du début du service continu à l'agent négociateur n'était pas une utilisation des renseignements personnels compatible avec la raison pour laquelle ils avaient été recueillis au départ, et que la divulgation des renseignements personnels concernant la Dre Rinke par Agriculture et Agroalimentaire Canada n'était pas justifiée.

[40]    Il a déclaré que l'employeur n'aurait pas dû communiquer ces renseignements et conclu aussi que l'employeur les avait communiqués à la suite d'une demande de l'agent négociateur réclamant l'information nécessaire pour résoudre un problème d'attribution des congés annuels qui préoccupait ses membres. Le Commissariat à la protection de la vie privée a jugé de plus qu'aucune mesure ne s'imposait, étant donné que le Ministère avait accepté de ne pas communiquer les renseignements personnels concernant les fonctionnaires sans leur consentement écrit et qu'il avait donné des instructions à cet égard au bureau régional intéressé.

[41]    Je prends note des déclarations très générales dans le témoignage du Dr Vanderwoude sur les démêlés de la Dre Rinke avec l'employeur au sujet de son rendement, sur le refus de lui accorder un congé pour qu'elle puisse assister à une fête d'anniversaire organisée pour sa mère quand celle-ci était malade en phase terminale, sur du pinaillage au sujet de ses notes de frais et sur des allégations de l'employeur que la Dre Rinke avait des problèmes avec d'autres inspecteurs. Le Dr Vanderwoude a déclaré que cela avait incité la Dre Rinke à prendre un congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire. Ces déclarations d'ordre très général équivalent à du ouï-dire.

Allégations d'abattage avec cruauté

[42]    Le Dr Vanderwoude a témoigné qu'un problème était survenu dans un abattoir de la région de Vancouver le 26 septembre 1997. Le spécialiste chargé d'assommer les porcs était parti en vacances, puis avait cessé de travailler après s'être blessé au travail. Comme son remplaçant n'avait pas la compétence voulue, les porcs n'étaient pas abattus sans cruauté. Certains s'étaient fait trancher la gorge ou s'étaient fait jeter dans une cuve d'échaudage (emplie d'eau presque à ébullition) alors qu'ils n'étaient pas insensibles à la douleur. Le Dr Vanderwoude a déclaré avoir été témoin de certaines de ces difficultés à l'abattoir de la région de Vancouver le 2 septembre, le 27 septembre, le 6 octobre et le 9 octobre 1997. Il a déclaré avoir rédigé un rapport détaillé sur ces infractions aux règles et l'avoir laissé là à l'intention de la Dre Rinke, « parce qu'elle allait revenir à l'abattoir ».

[43]    Je constate que le témoignage du Dr Vanderwoude sur sa présence dans l'abattoir dans la région de Vancouver ne correspond pas aux « résultats de la vérification » de la pièce 44, où sont précisées les périodes durant lesquelles la Dre Rinke était en service. On peut lire dans cette pièce que l'intéressée était en service là du 26 juin au 12 octobre 1997 puis qu'elle avait été en congé de maladie non payé du 13 au 20 octobre de la même année, après quoi elle était entrée en fonctions du 21 octobre 1997 au 13 décembre 1998. Le témoignage du Dr Vanderwoude ne correspond pas à la lettre que l'avocat de la Dre Rinke a rédigée en date du 9 janvier 1998 (pièce 15). Dans cette lettre, l'avocat relate les événements de septembre comme si la Dre Rinke en avait été témoin. La question de savoir ce qui s'est passé de septembre à novembre 1997 est critique pour déterminer comment l'incapacité de la Dre Rinke s'est manifestée. Sur la foi de ce que j'ai entendu, il m'est difficile de distinguer ce que le Dr Vanderwoude a eu la possibilité d'observer de ses yeux de ce qu'il a répété comme du ouï-dire. Je suis venu avec regret à la conclusion qu'il n'a pas été témoin d'une grande partie des événements survenus au cours de cette période critique qu'il a décrits dans son témoignage, mais que ces événements lui ont été rapportés par la Dre Rinke, parce qu'il était son mari ou le représentant de son agent négociateur.

[44]    Quand la Dre Rinke est revenue au travail dans l'abattoir de la région de Vancouver, elle a été témoin de la cruauté avec laquelle on traitait les porcs abattus les 6 et 7 octobre. Elle a eu un affrontement avec le gérant de l'abattoir en novembre 1997. L'ACIA l'a retirée de l'abattoir, l'a envoyée travailler dans un autre établissement, et elle a déposé une plainte de harcèlement contre le gérant de l'abattoir au nom de la Dre Rinke, en chargeant une tierce partie d'enquêter sur cette plainte. La correspondance qu'on m'a remise révèle que c'est l'employeur qui a déposé la plainte de harcèlement, et que l'enquête sur le harcèlement a eu lieu parce que la Dre Rinke avait dit craindre de travailler seule à cet abattoir (pièce 50). Le dirigeant responsable de l'ACIA avait suggéré alors à la Dre Rinke d'avoir recours aux services du programme d'aide aux employés, dans le contexte de la peur que lui inspirait le gérant de l'abattoir, mais il avait aussi pris les dispositions nécessaires pour qu'on la retire de l'établissement et pour qu'on fasse enquête.

[45]    La correspondance montre aussi que la Dre Rinke voulait que l'ACIA prenne des mesures pour mettre fin à cet abattage cruel, mais pas pour faire fermer l'abattoir, et qu'elle craignait que les actions de l'ACIA n'aient sapé sa capacité de travailler là. Elle s'était opposée à la tenue d'une enquête sur la plainte de harcèlement.

[46]    La Dre Rinke est rentrée travailler à l'abattoir de la région de Vancouver en 1998. Je n'ai pas la date précise de son retour au travail, mais je suppose que c'était après le 9 janvier 1998 puisque son avocat a demandé qu'elle soit réintégrée à cet abattoir au plus tard le 13 janvier 1998 (pièce 15). La Dre Rinke a pris un congé de maladie prolongé pour stress vers le 14 décembre 1998. Avant de partir en congé, elle a rédigé à l'intention de l'ACIA une note de service datée du 9 décembre 1998 (pièce 16). Elle soulignait dans cette lettre plusieurs plaintes au sujet de l'ACIA et de son milieu de travail à l'abattoir de la région de Vancouver. Comme je n'ai pas entendu la Dre Rinke témoigner de vive voix sur ce point et être contre-interrogée, j'estime qu'il serait dangereux d'accorder grand poids aux allégations figurant dans sa note de service. Il est évident, si j'en crois le témoignage du Dr Vanderwoude, que la Dre Rinke était extrêmement stressée durant cette période. Le Dr Vanderwoude a déclaré qu'il [traduction] « avait été témoin de son déclin » et qu'il [traduction] « la remplaçait dans ses quarts » à l'abattoir de la région de Vancouver, sans qu'il en coûte un cent à l'ACIA. La note de service semble avoir été rédigée par une personne extrêmement stressée; elle est longue et décousue.

[47]    J'accepte le témoignage du Dr Vanderwoude quand il dit que la Dre Rinke est partie en congé de maladie non payé et que cela avait causé d'importantes difficultés financières à la famille, puisque [traduction] « un des salaires s'était envolé », et qu'elle était incapable de travailler.

[48]    Par la suite, la Dre Rinke a cherché à trouver du travail à l'ACIA dans un autre secteur que celui de l'hygiène des viandes. Le 11 mai 1999, elle a participé à un concours pour un poste de spécialiste des aliments. On l'a mise sur une liste d'admissibilité de spécialistes des aliments à titre intérimaire, pour une période déterminée et pour une période indéterminée, le 19 juillet 1999. Cette liste devait être valide jusqu'au 14 juillet 2000.

[49]    La Dre Rinke a travaillé quelques mois comme spécialiste des aliments chargée des plaintes des consommateurs, dans le cadre d'une entente d'affectation conclue en novembre 1999. Cette entente (pièce 20) prévoyait son affectation à l'Unité d'inspection des aliments de Burnaby (C.-B.) du 15 novembre 1999 au 17 mars 2000. Durant cette affectation, elle devait conserver son poste d'attache et sa classification de VM-02 à l'abattoir de la région de Vancouver, et la Région de l'intérieur de la vallée du bas-Fraser de l'ACIA lui a payé son traitement. À la fin de son affectation temporaire, elle devait retourner à son poste à l'abattoir de la région de Vancouver.

[50]    Durant la période visée par l'entente d'affectation, la Dre Rinke avait un long trajet à faire pour se rendre de sa résidence de Chilliwack à son lieu de travail à Burnaby et pour revenir chez elle à la fin de sa journée de travail.

[51]    En novembre 1999, la Dre Rinke s'est portée candidate à un concours de vétérinaire pour le district d'Osoyoos de la Région de la vallée du bas-Fraser. C'était un poste du secteur de la santé des animaux. Sa candidature n'a pas été retenue. Le Dr Vanderwoude pense qu'elle a été traitée injustement, mais la Dre Rinke n'a pas cherché à se prévaloir d'un recours contre la décision de dotation de l'ACIA.

[52]    Le Dr Vanderwoude s'était aussi porté candidat à ce concours d'Osoyoos pour le poste du secteur de la santé des animaux. Il a déclaré que [traduction] « Nous avions l'espoir que, si l'un de nous deux décrochait le poste, il y aurait une possibilité de mutation latérale à Surrey si le poste de Surrey devenait vacant ». Le Dr Vanderwoude n'a pas été le candidat heureux dans ce processus de sélection.

[53]    Vers le 8 mars 2000, la Dre Rinke a tenté de faire prolonger son affectation dans le secteur de la salubrité des aliments. Cette tentative a suscité un courriel de Sheila Fagnan, lui enjoignant de communiquer avec le coordonnateur des affectations dans le but de reprendre son travail à l'abattoir de la région de Vancouver (pièce 23). Dans ce courriel envoyé le 9 mars 2000, après avoir exprimé ses préférences pour plusieurs postes à l'ACIA ailleurs qu'à l'hygiène des viandes, la Dre Rinke a déclaré qu'elle ne voulait pas travailler dans le milieu de l'hygiène des viandes :

[Traduction]

[...] Je suis rendue à une croisée des chemins dans ma carrière, et je ne souhaite pas la poursuivre dans l'inspection des viandes. J'ai fait mon temps et payé le prix aussi bien financièrement que dans mon esprit, dans mon corps et dans mon âme. Les souvenirs que j'en ai me hanteront à jamais... et c'est tout un euphémisme!!!!

[...] Je ne souhaite pas retourner à ce trou d'enfer inhumain, vulgaire, extrêmement stressant, malsain et dangereux qu'on prétend être l'inspection d'un abattoir!

[54]    En mars 2000, la Dre Rinke semble avoir eu des discussions sur d'éventuels placements avec l'ACIA puisque son entente d'affectation tirait à sa fin. Aucun témoin de ces discussions n'a été appelé à témoigner. Le Dr Vanderwoude a témoigné pour sa part que la Dre Rinke avait été perturbée par les discussions.

[55]    Le Dr Vanderwoude maintient que son épouse était toujours craintive, voire terrorisée, qu'elle avait toujours peur et qu'elle évitait absolument d'avoir quoi que ce soit à faire avec des abattoirs.

[56]    Bref, il suffit de dire que la Dre Rinke ne voulait pas retourner travailler dans un abattoir. Elle ne s'est pas présentée au travail à l'abattoir de la région de Vancouver. Elle ne s'est pas présentée pour travailler de mars 2000 jusqu'à ce qu'elle ait trouvé du travail en Ontario en janvier 2001. Entre-temps, elle semble avoir utilisé tous les crédits de congé annuel et de congé de maladie qu'elle avait accumulés.

[57]    La Dre Rinke s'est portée candidate à d'autres postes de l'ACIA en Colombie-Britannique, mais sans succès. Par exemple, le 24 mai 2000, on l'a informée que sa candidature à un poste de spécialiste des aliments à Kelowna avait été rejetée. On lui a aussi fait savoir (pièce 27) qu'elle avait le droit de contester la décision du comité de sélection, et que la période d'appel allait du 25 mai au 13 juin 2000. Elle n'a pas contesté la décision de sélection de l'ACIA en se prévalant du recours approprié.

[58]    On m'a présenté (pièce 73) une lettre d'un Dr Newton à Sheila Fagnan, datée du 23 mars 2000 et se lisant comme il suit :

[Traduction]

Je suis le médecin de famille de la Dre Rinke depuis six ans. Je l'ai soignée pendant la période durant laquelle elle travaillait à son ancien poste à l'abattoir. J'ai été heureux de constater les effets bénéfiques pour sa santé, dans l'ensemble, depuis qu'elle a quitté ce poste pour son affectation actuelle à l'ACIA.

Je lui ai fortement conseillé de ne pas retourner à son ancien lieu de travail pour raisons médicales. Les circonstances dans lesquelles elle a vécu des difficultés n'ont pas changé, à mon avis, et je ne saurais exagérer l'importance de lui trouver un autre emploi pour qu'elle ne retourne pas à son ancien lieu de travail.

Si vous avez besoin d'explications, veuillez communiquer avec moi à l'adresse susmentionnée.

[59]    Il n'est pas certain que le Dr Vanderwoude ait fait parvenir cette lettre à l'ACIA. Son témoignage sur la remise de ce document à l'employeur est curieux et compliqué. (Il a témoigné sur ce point les 22 et 23 juillet 2004 dans son interrogatoire principal, ainsi que le 24 juillet 2004, en contre-interrogatoire.) Or, cette lettre était d'une importance manifeste pour étayer sa prétention que l'ACIA avait [traduction] « refusé ou négligé » de tenir compte de la situation de la Dre Rinke en tant que personne incapable de travailler dans l'environnement d'un abattoir.

[60]    À un certain moment dans son témoignage, le Dr Vanderwoude a semblé alléguer que l'ACIA avait eu des rencontres avec la Dre Rinke après qu'il eut livré la lettre du 20 mars 2000 à l'Agence. À un autre moment, il a témoigné ne pas savoir si les rencontres étaient attribuables à la remise de cette lettre à l'ACIA. Sur la foi des documents qu'on m'a présentés (pièce 23), il me semble bien que la Dre Rinke avait eu des rencontres avec Sheila Fagnan les 7 et 17 mars 2000, soit bien avant la date de la lettre du Dr Newton. Le Dr Vanderwoude n'était pas présent à ces rencontres, et personne qui en a été témoin n'a comparu. Il n'existe aucune preuve documentaire de rencontres entre la Dre Rinke et l'ACIA peu après le 17 mars 2000. La première rencontre à avoir eu lieu après cette date - et à l'égard de laquelle il existe une preuve documentaire quelconque - s'est déroulée le 10 juillet 2000. Personne n'a comparu après avoir été témoin de ces rencontres.

[61]    Le Dr Vanderwoude a témoigné le 22 juin 2004 en ces termes :

[Traduction]

Avec le recul, je suis sûr de l'avoir livrée au bureau de New Westminster. Je ne peux pas dire que j'en suis sûr à 100 %. Je ne pense pas que nous l'aurions mise à la poste, [sic] livrée de main à main. C'était une situation désespérée. J'ai emmené la Dre Rinke voir le médecin. Je ne peux pas l'affirmer à 100 %. Cette lettre fait partie des documents communiqués à la CAT, que l'ACIA a obtenus de la CAT. Je l'ai présentée moi-même dans le processus de la CAT. Il est certain qu'il y a eu communication à ce moment.

[62]    L'interrogatoire principal du Dr Vanderwoude s'est poursuivi le 23 juin 2004. Quand son représentant lui a demandé s'il avait quelque chose à ajouter, il a répondu
c                     e                     c                      i                      :

[Traduction]

J'ai eu la soirée pour y penser. Bien que je ne puisse pas affirmer être sûr à 100 % de l'avoir livrée moi-même ou de la leur avoir envoyée par courrier recommandé, un document critique, je ne l'aurais pas mis à la poste. Elle tenait désespérément à ne pas retourner à l'abattoir. Pendant la plus grande partie de 1999, j'étais gestionnaire pour Sheila Fagnan [il relevait d'elle] , et je savais ce qu'il fallait faire au bureau régional. Si elle n'avait pas été au bureau, je l'aurais donnée [la lettre] à Glenda Buyan, son adjointe. J'avais affaire à des documents de nature délicate tout le temps, et je savais comment faire parvenir un document de ce genre à la directrice. Il est peu probable que je l'aurais mis à la poste.

[63]    Le Dr Vanderwoude a alors évoqué une rupture de communications dans le bureau de New Westminster de l'ACIA rapportée dans une lettre adressée à la Commission des accidents du travail en date du 19 février 1992 par Pat Henderson, gestionnaire des Ressources humaines de la Région de l'Ouest (pièce 24). Il a déclaré avoir mentionné la lettre du 20 mars 2000 dans une autre lettre datée du 10 mars 2003 qu'il a adressée à l'ACIA, laquelle n'y a pas répondu. Dans cette lettre du 10 mars 2003 qu'il a écrite à Susan Dibble, de l'ACIA (pièce 25), le Dr Vanderwoude a écrit ce qui suit sur la lettre en question :

[Traduction]

Je vous rappelle aussi la lettre du 20 mars 2000 que le Dr Newton a envoyée à Sheila Fagnan, dans laquelle il conseillait fortement à la Dre Rinke de ne pas retourner [à l'abattoir de la région de Vancouver], pour des raisons médicales.

[64]    En contre-interrogatoire, l'avocat de l'employeur a posé au Dr Vanderwoude la question suivante — et obtenu la réponse qui suit — sur la lettre du 20 mars 2000 :

[Traduction]

Q : A-t-on répondu par écrit à cette lettre?

R : Non, je me suis servi de la confirmation avec Susan Dibble; j'étais pas mal sûr de la livraison.

Autrement dit, la « confirmation » dont le Dr Vanderwoude a parlé est une lettre qu'il a écrite à Susan Dibble le 10 mars 2003, presque trois ans après la prétendue livraison de la lettre du médecin. Il est difficile de voir comment une lettre qu'il a rédigée en 2003 pourrait confirmer qu'il avait livré l'autre lettre à l'ACIA en 2000.

[65]    L'avocat de l'employeur a ensuite posé au Dr Vanderwoude une autre question, à laquelle ce dernier a donné la réponse suivante :

[Traduction]

Q :Avez-vous reçu un accusé de réception de la lettre du Dr Newton?

R : Je ne pense pas qu'il y en ait un, juste une seconde, je ne pense pas qu'il y ait eu une réponse, mais on a organisé diverses rencontres, la direction a fait quelque chose. J'espérais qu'il y aurait un arrangement.

Je n'avais aucune raison de croire qu'elle [Sheila Fagnan] n'avait pas la lettre. J'étais parti du principe que l'ACIA avait la lettre.

[66]    Comme je l'ai déjà précisé, il ne semble pas y avoir eu de rencontre à la suite de la lettre du 20 mars 2000, bien qu'il y en ait eu plus tôt ce mois-là et qu'il y ait eu une autre rencontre le 10 juillet 2000. Le Dr Vanderwoude a dit alors que l'ACIA n'avait pas demandé d'évaluation par Santé Canada avant le mois d'août 2000.

[67]    En contre-interrogatoire, l'avocat de l'employeur a demandé ce qui suit au Dr Vanderwoude :

[Traduction]

Q : Vous dites que vous l'avez apportée au bureau de New West?

R : Non, j'ai témoigné à 100 % pas par la poste [longue pause] ç'aurait probablement été au bureau de New West.

[68]    Dans son témoignage, le Dr Vanderwoude nie qu'il aurait envoyé une lettre aussi importante par le poste ordinaire. Il n'est pas précis sur les circonstances entourant la livraison de la lettre, mais il a déjà laissé entendre qu'elle avait été envoyée. Quand on lui a demandé comment il l'avait livrée, il a parlé de sa pratique habituelle pour la livraison de documents à caractère délicat, plutôt que de répondre directement à la question. Je rappelle qu'il est clair que deux processus se déroulaient simultanément à l'époque, celui de la plainte à la CAT que la Dre Rinke avait déposée en 1999 et dont le Dr Vanderwoude s'occupait, d'une part, et la relation d'emploi qui continuait à lier la Dre Rinke avec l'ACIA, d'autre part.

[69]    Il appert que le Dr Newton a produit une autre lettre le 12 juillet 2000 (pièce 28), dans laquelle il déclarait ce qui suit :

[Traduction]

La présente certifie que la Dre Rinke n'est pas apte à retourner travailler dans un abattoir pour le moment, et ce pour raisons médicales. Elle ne devrait pas reprendre ce genre de travail jusqu'à nouvel ordre.

Je crois que c'est toute l'information dont vous avez besoin. S'il vous faudrait des renseignements supplémentaires, veuillez communiquer avec moi à l'adresse susmentionnée.

[70]    La note manuscrite figurant sur la pièce indique que cette lettre a été envoyée par télécopieur à l'ACIA le 13 et le 17 juillet 2000, et qu'elle a été reçue le 17 juillet 2000. J'admets que cette lettre datée du 12 juillet 2000 a été livrée à l'ACIA par télécopieur en juillet 2000. Si la lettre du 20 mars 2003 (pièce 73) avait été reçue par l'ACIA ce mois-là, la lettre de juillet aurait été inutile. Or, rien dans la preuve ne laisse entendre que l'employeur ait demandé une lettre du Dr Newton en juillet 2000.

[71]    J'ai aussi des indications que la Dre Rinke a rencontré Theresa Morton (qui était directrice par intérim chez son employeur) vers le 10 juillet 2000, pour parler d'autres affectations où l'intéressée n'aurait pas travaillé dans le secteur de l'hygiène des viandes. Dans ce cas-là aussi, on n'a fait comparaître personne qui ait une connaissance personnelle de cette rencontre. C'est à peu près à ce moment-là que le Dr Vanderwoude a obtenu un contrat pour travailler en Ontario ailleurs que dans un abattoir. Le Dr Vanderwoude a déclaré qu'il était au désespoir : il aurait bien voulu que quelqu'un à la direction se rende compte de l'état psychologique de la Dre Rinke et [traduction] « trouve du travail ailleurs que dans un abattoir pour nous ».

[72]    La Dre Rinke a reçu en août 2000 une lettre de Santé Canada l'invitant à subir une évaluation de son aptitude à travailler. Je me fonde sur le critère établi dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R 354 (B.C.C.A.), pour conclure qu'il est plutôt probable que l'ACIA a été informée en juillet 2000 que la fonctionnaire s'estimant lésée avait une incapacité résultant de son affectation dans un abattoir. Je précise que la lettre l'en informant aurait suffi pour faire comprendre à l'employeur qu'il devrait déterminer la nature du problème. Généralement, cette détermination commence par une évaluation de Santé Canada. La missive très succincte du Dr Newton suffisait pour soulever la question, mais ne contribuait pas à déterminer la véritable nature du problème, ni à préciser l'employabilité résiduelle de la Dre Rinke. Il est probable, néanmoins, que c'est cette lettre du médecin qui a incité l'employeur a demandé l'évaluation de Santé Canada.

[73]    Bien sûr, en l'occurrence, c'est la prépondérance des probabilités et non la norme du doute raisonnable qui s'applique, mais en me fondant sur la norme en droit civil et compte tenu de toute la preuve sur ce point (notamment de la crédibilité du Dr Vanderwoude), je ne suis pas convaincu qu'il ait livré la lettre du Dr Newton datée du 20 mars 2000 le jour où celui-ci l'avait rédigée (ou quelques jours après).

[74]    Le Dr Vanderwoude a peut-être livré cette lettre plus tard. L'ACIA peut fort bien avoir été informée de l'existence de la lettre dans le cadre de la procédure de la CAT ou de la procédure de règlement de ce grief-ci, mais je ne suis pas convaincu qu'elle l'ait reçue en mars 2000.

[75]    La Dre Rinke a déposé à la CAT une plainte concernant le stress post-traumatique dont elle souffrait par suite des incidents survenus à l'abattoir de la région de Vancouver. Sa formule de demande n'a pas été produite en pièce dans la présente affaire, et je n'ai pas de copie intégrale des documents déposés à la CAT. C'est pour cela que je n'ai pas la date précise du dépôt de la plainte, mais il me semble, si j'en crois le témoignage du Dr Vanderwoude, que ce devait être au début de 1999. La personne responsable à la CAT a rejeté la plainte le 17 juin 1999 et rejeté aussi la demande de révision, le 7 juin 2000. Une autre révision réalisée par un gestionnaire a été effectuée le 3 janvier 2001 sans conclure à l'existence d'une blessure indemnisable.

[76]    Le 30 août 2001, le Comité de révision de la CAT a rendu une décision favorable à la Dre Rinke en concluant qu'elle souffrait de stress post-traumatique. La CAT est actuellement en train de déterminer le degré d'invalidité permanente de l'intéressée. Après avoir reçu cette décision de la CAT, le Dr Vanderwoude a écrit plusieurs lettres à l'ACIA afin qu'elle trouve un autre travail pour sa conjointe. Toutefois, lorsque le Comité de révision de la CAT a fini par rendre sa décision, le Dr Vanderwoude et la Dre Rinke avaient trouvé des emplois en Ontario.

[77]    Le Dr Vanderwoude avait obtenu en juillet 2000 un contrat de deux ans pour travailler en Ontario. Sa famille a pris alors la décision de vendre la maison, [traduction] « tout liquider » et déménager en Ontario. Le Dr Vanderwoude a demandé à l'ACIA un congé personnel qu'elle lui a accordé pour un an moins un jour. Au moment où il avait demandé ce congé, il savait qu'il pourrait demander une prolongation de trois mois avant qu'il ne prenne fin. Pour sa part, la Dre Rinke a demandé et obtenu un congé pour la réinstallation temporaire de son conjoint. Ces deux types de congé sont non payés.

[78]    Vers le 15 août 2000, soit peu avant de partir pour l'Ontario, la Dre Rinke avait reçu une lettre de l'ACIA lui demandant de prendre rendez-vous pour l'évaluation de Santé Canada. Cette lettre n'a pas été versée au dossier comme pièce. Le Dr Vanderwoude a déclaré que cette offre d'évaluation était [traduction] « beaucoup trop peu et trop tard ». La Dre Rinke n'a fait aucun suivi en vue de son évaluation par Santé Canada. Dans son interrogatoire principal, le Dr Vanderwoude s'est fait demander ce qu'il avait fait après avoir reçu la lettre de Santé Canada, et il a répondu :

[Traduction]

J'ai téléphoné pour dire que nous déménagions en Ontario. Si cette lettre était arrivée deux mois avant, nous n'en serions peut-être pas là. Elle est arrivée trop tard. Ce qui s'est passé en juillet était la dernière possibilité pour que nous restions.

[79]    Le Dr Vanderwoude s'est alors fait poser la question suivante :

[Traduction]

Q : C'est en raison de votre décision de déménager en Ontario et de tout ce travail qu'elle a décidé de ne pas se soumettre à l'évaluation de Santé Canada?

R : Nous ne l'avions pas demandée, non, nous l'avons laissée mourir là.

[80]    Dans son contre-interrogatoire sur ce point, le Dr Vanderwoude a déclaré avoir téléphoné à l'auteur de la lettre pour l'informer que l'évaluation serait inutile, étant donné qu'ils déménageaient en Ontario. Il a aussi déclaré que c'était une période de stress extrême.

[81]    Je dois préciser que le Dr Vanderwoude a fait une crise de nerfs à l'audience, au point qu'il a fallu l'ajourner d'environ 10 h 20 à 13 h le 25 juin 2004. L'avocat de l'employeur le contre-interrogeait « en douceur » sur le déménagement de sa famille en Ontario et sur la lettre de l'employeur que la Dre Rinke avait reçue peu de temps auparavant pour lui demander de se soumettre à une évaluation de Santé Canada. Le Dr Vanderwoude était manifestement très stressé : il a totalement perdu le contrôle de ses émotions et de sa raison dans ce qui était un contre-interrogatoire extrêmement courtois. Je n'ai pas l'intention de décrire de façon détaillée son éclat, mais il suffit de dire que deux agents de la police de Vancouver sont venus dans la salle d'audience après sa crise. L'incident s'était terminé avant leur arrivée. Pendant l'ajournement, j'ai discuté avec les avocats des deux parties. À la reprise de l'audience, le Dr Vanderwoude, qui était de toute évidence embarrassé, a présenté des excuses pour ses actes et accepté de continuer d'assister à l'audience pendant que l'employeur déposerait des pièces, avec le consentement de l'autre partie, dans ce qui aurait été le reste de son contre-interrogatoire. Il a aussi accepté de s'absenter pendant le reste de l'audience, qui a été consacré à l'interrogatoire principal et au contre-interrogatoire d'une témoin que l'employeur avait fait comparaître pour expliquer les périodes de congés et ses observations.

[82]    Le Dr Vanderwoude et la Dre Rinke ont décroché des emplois à temps plein que le Dr Vanderwoude qualifie de « bons jobs » au gouvernement de l'Ontario. Le Dr Vanderwoude a commencé à travailler à contrat, mais il est passé à un poste permanent (ou auquel il a été nommé pour une période indéterminée) entre la première et la deuxième années de son contrat. La Dre Rinke est conseillère HACCP en salubrité des aliments agricoles; son poste ne l'amène pas à travailler dans des abattoirs. Elle a commencé par travailler à contrat en Ontario en janvier 2001, mais la preuve a révélé qu'elle occupait un poste à temps plein dans la fonction publique ontarienne à la date à laquelle elle a remis sa démission à l'ACIA.

[83]    Avant de démissionner, le Dr Vanderwoude avait tenté de faire prolonger son congé jusqu'à ce que l'ACIA trouve un poste acceptable pour la Dre Rinke, ailleurs que dans un abattoir. Il a exprimé ce désir dans une lettre qu'il a adressée à l'ACIA le 26 octobre 2001 (pièce 33) :

[Traduction]

Je suis convaincu que vous avez amplement assez de raisons pour créer/muter un poste de BIO3 dans le secteur de la salubrité des aliments pour la Dre Rinke à Burnaby. Nous sommes aussi réceptifs à d'autres possibilités, comme un poste dans le secteur de la santé des animaux à Abbotsford.

Puisque la période d'appel de la demande n'a expiré que la semaine dernière, nous ne serons pas en mesure de rentrer en Colombie-Britannique au mois de novembre. Nous devons aussi tenir compte du risque de perturber encore davantage l'éducation de notre fille. Pour être réalistes, disons que la date [de notre retour] devrait être dans les 60 jours de celle où un poste acceptable sera trouvé pour la Dre Rinke.

[84]    Dans son témoignage, le Dr Vanderwoude a déclaré :

[Traduction]

Je me boucherais le nez pour travailler dans un abattoir, mais pour Bea, c'était tout autre chose, et nous ne pourrions pas rentrer à moins qu'elle n'ait un emploi sans danger.

[85]    Et le Dr Vanderwoude a écrit à plusieurs reprises à l'ACIA au sujet de son congé (les 26 octobre et 19 novembre 2001, ainsi que le 3 janvier 2002). Le 3 janvier 2002, il a demandé une prolongation du 22 novembre 2001 jusqu'au 1er août 2002, à titre de « congé temporaire pour la réinstallation de sa conjointe » (pièce 36) :

[Traduction]

Bea a accepté un poste à l'OMAFRA pour se perfectionner avant de retourner en Colombie-Britannique... Je demande par conséquent un congé pour la période du 22 novembre 201 [sic] au 1er août 2002. C'est un congé temporaire pour la réinstallation de ma conjointe. Nous pourrons discuter de la situation en ce qui concerne le congé de Bea quand la mienne sera réglée.

Je compte retourner chez Britco Export Packers le vendredi 2 août 2002. Comme je vous l'ai dit de vive voix, je le fais purement pour des raisons familiales.

C'est la dernière demande de prolongation de mon congé. Il n'y en aura pas d'autre. Je me rends compte que vous devez établir des plans de dotation.

[86]    La demande de congé du Dr Vanderwoude en raison de la réinstallation de la Dre Rinke est vraiment bizarre. En effet, celle-ci avait demandé en août 2000 un congé pour pouvoir déménager avec lui en Ontario, et elle avait trouvé dès janvier 2001 un emploi au gouvernement de l'Ontario. Je ne souscris pas à l'idée que la Dre Rinke ait accepté cet emploi en Ontario pour « se perfectionner ». Quand elle a commencé à travailler à l'OMAFRA, elle savait - et le Dr Vanderwoude le savait aussi - que la CAT n'avait établi aucun lien de cause à effet entre les événements survenus à l'abattoir de la région de Vancouver et une lésion professionnelle quelconque qu'elle aurait subie. L'explication la plus plausible est que la Dre Rinke a accepté son emploi en Ontario parce qu'il l'intéressait et que sa famille avait besoin d'argent.

[87]    La réponse de l'employeur aux demandes de congé du Dr Vanderwoude figure dans une lettre de James Sigurdson datée du 29 janvier 2002 (pièce 37) et se lisant comme il suit :

[Traduction]

En ce qui concerne votre demande de congé non payé pour la réinstallation de votre conjointe, je dois vous informer que vous ne pouvez pas vous prévaloir de ce genre de congé auquel les fonctionnaires ont droit lorsque leur conjoint déménage. Dans votre cas, votre conjointe a demandé et obtenu un tel congé pour vous accompagner par suite de votre décision de vous réinstaller. Par conséquent, votre demande de congé du 22 novembre 2001 au mois d'août 2002 pour la réinstallation de votre conjointe est rejetée.

D'après nos dossiers, vous avez obtenu un congé personnel pour la période du 11 septembre 2000 au 20 août 2001, après quoi nous vous avons accordé une prolongation du 21 août au 21 novembre 2001. Votre poste chez Britco n'a pas été doté pour une période indéterminée, de sorte que vous devrez retourner travailler là le 4 mars 2002. Puisque j'ai répondu tardivement à votre lettre, je vais autoriser votre congé pour la période du 21 novembre 2001 au 4 mars 2002. Je dois vous préciser que, si vous ne vous présentez pas au travail le 4 mars 2002, je n'aurai d'autre choix que de conclure que vous êtes absent sans autorisation, et je prendrai les mesures administratives appropriées en conséquence.

[88]    Le Dr Vanderwoude a écrit le 8 février 2002 à James Sigurdson, gestionnaire de l'inspection à l'ACIA (pièce 38), en joignant à sa lettre une copie de la décision du Comité de révision de la CAT au sujet de la demande d'indemnisation de la Dre Rinke et en précisant ce qui suit :

[Traduction]

[...] Je ne sais pas si vous avez été informé de la décision rendue au sujet de la demande de la Dre Rinke à la CAT, mais je vous en envoie ci-jointe une copie. Vous savez qu'une décision d'un cadre supérieur de l'ACIA de renvoyer la Dre Rinke à [l'abattoir de la région de Vancouver] nous a forcés à quitter la Colombie-Britannique.

Le problème pourrait être réglé via la procédure de règlement des griefs, après l'arbitrage, quand la Dre Rinke et moi-même aurons cessé d'être employés, mais cela serait coûteux et laborieux pour toutes les parties. En outre, la réputation de l'ACIA en souffrirait en ce qui concerne la protection des porcs à [l'abattoir de la région de Vancouver]et sa façon de traiter les vétérinaires du sexe féminin. Il ne s'agit pas ici d'un cas d'application de routine de la convention collective, mais plutôt d'une situation ayant des implications de discrimination, de harcèlement, d'équité pour les deux sexes et d'autres aspects encore. En l'occurrence, il y a bien des éléments de ce qui s'est passé dont ni vous, ni Sheila Fagnan n'êtes au courant.

[...] Je gère trois programmes d'envergure, l'inspection des viandes, la vente à l'encan du bétail et le portefeuille des cadavres d'animaux. Je siège à deux comités nationaux. De nombreux employés relèvent directement de moi, dont quatre vétérinaires, cinq vérificateurs à contrat (qui étaient des vétérinaires de haut niveau à l'ACIA), et je supervise les activités de plus d'une centaine de vétérinaires nommés par le Ministère. La Dre Rinke travaille aussi au niveau national et organise tout ce qui concerne les programmes de salubrité des aliments agricoles de la province. Nous avons tous les deux gagné des prix du Ministère pour notre travail.

[...] Comme dans ma lettre précédente, je vous demande un congé jusqu'au 2 août 2002. Très franchement, ma conjointe et moi-même sommes déchirés entre le désir de poursuivre notre carrière avec un magnifique employeur de grande classe comme l'OMAFRA, et le bonheur de notre enfant ainsi que nos craintes pour le père de ma conjointe, qui est âgé. [...]

[89]    Le gestionnaire de l'Inspection par intérim P.J. Edwards a écrit la lettre suivante au Dr Vanderwoude le 21 février 2002 :

[Traduction]

Je réponds à votre demande de congé jusqu'au 2 août 2002. Je dois répéter ce que M. Sigurdson vous faisait savoir le 29 janvier 2002 : vous aurez épuisé vos possibilités de congé non payé à l'expiration de votre période actuelle de congé non payé.

Compte tenu de ce qui précède, si vous tenez à rester au service de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, vous devrez vous présenter à votre travail chez Britco Export Packers Ltd. (Est. 513) le 4 mars 2002. Si vous ne vous présentez pas pour travailler à cette date, comme il vous est enjoint de le faire, je n'aurai d'autre choix que de déclarer que vous avez abandonné votre poste. [...]

[90]    Le Dr Vanderwoude était d'avis que sa conjointe avait de bonnes chances que l'employeur tienne compte de sa situation en l'affectant ailleurs que dans un abattoir, compte tenu de la décision du Comité de révision de la CAT.

[91]    La Dre Rinke (pièce 30) et le Dr Vanderwoude (pièce 40) ont fait parvenir à l'employeur des lettres de démission datées du 28 février 2002. Comme ces lettres semblent virtuellement identiques, il n'est pas nécessaire de les reproduire intégralement. Elles commencent toutes les deux avec les paragraphes suivants :

[Traduction]

La présente lettre vous informe que je démissionne immédiatement de mon poste à l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Cette démission est forcée.

[92]    Il est ensuite allégué dans chaque lettre que l'ACIA a manqué trois fois à ses obligations, d'abord dans le contexte des incidents du traitement cruel des porcs dont la Dre Rinke avait été témoin, du blocage par l'Agence des efforts de la vétérinaire pour obtenir un poste dans le secteur de la santé des animaux ou de la salubrité des aliments et de ses actions pour [traduction] « contraindre la Dre Rinke à retourner à l'abattoir », ainsi que du refus de l'ACIA de prendre des mesures correctives pour affecter la Dre Rinke dans un poste hors d'un abattoir après avoir réception d'une décision du Comité de révision de la CAT, ce qui aurait permis aux fonctionnaires s'estimant lésés de revenir de l'Ontario. Les deux lettres ont deux pages.

[93]    L'ACIA n'a pas immédiatement accepté la démission de la Dre Rinke ni celle du Dr Vanderwoude. Elle a pris des mesures pour s'assurer que l'une et l'autre seraient parfaitement conscients des implications d'une démission pour leur rémunération. Elle a écrit à la Dre Rinke le 18 mars et le 16 août 2002 (pièces 63 et 67), et au Dr Vanderwoude les 18 et 20 mars ainsi que le 6 mai 2002 (pièces 56, 58 et 62). En l'occurrence, le problème était attribuable aux sérieuses conséquences que les fonctionnaires s'estimant lésés subiraient s'ils ne faisaient pas leur choix pour leur pension de retraite avant la date de leur démission. Ce problème était d'autant plus sérieux que l'une et l'autre contribuaient à un régime de pension en Ontario, alors que la loi interdit de contribuer à plus d'un régime en même temps. Les deux fonctionnaires s'estimant lésés ont été informés que leur démission serait acceptée si chacun d'entre eux tenait encore à démissionner après avoir reçu l'information sur la rémunération.

[94]    Les deux intéressés ont d'abord été informés par l'ACIA, le 29 août 2000 (pièces 51 et 52), lorsqu'ils ont pris un congé non payé de plus de trois mois, qu'un tel congé leur donnait le choix de ne pas faire tenir compte de la période de congé au-delà de trois mois comme service ouvrant droit à pension. Si le ou la fonctionnaire s'estimant lésés souhaitaient que cette période soit comptée comme service ouvrant droit à pension, il ou elle seraient tenus de payer leur part des cotisations et celle de l'employeur. Le cas de la Dre Rinke était particulièrement grave, puisqu'elle avait pris de nombreux congés non payés pendant sa carrière à l'ACIA. Dans une lettre qu'elle lui a écrite le 13 août 2002 (pièce 44), la gestionnaire de la rémunération pour la Région de l'Ouest, Jo Ann Miller-Kurchaba, expliquait ce qui suit :

[Traduction]

Comme je vous l'ai déjà dit de vive voix et dans des courriels, je vous rappelle que la formule d'option de ne pas tenir compte des périodes de congé non payé au-delà des trois premiers mois, faisant que la période de congé non payé au-delà des trois premiers mois n'ouvre pas droit à pension, doit être signée et datée d'avant la date de votre démission. J'ai aussi confirmé avec la Direction des pensions de retraite que les deux seules options que vous avez consistent à :

1)considérer la totalité des périodes de congé non payé comme ouvrant droit à pension et payer les cotisations non versées au titre de la pension de retraite pour toutes ces périodes;

               OU

2)signer la formule d'option de ne pas tenir compte des périodes de congé non payé au-delà des trois premiers mois et de ne payer les cotisations non versées au titre de la pension de retraite que pour les trois premiers mois de congé non payé. Toutefois, les cotisations non payées au titre du régime de prestations supplémentaires de décès et du régime d'assurance-invalidité doivent être versées pour la totalité des périodes de congé non payée.

Il est important de préciser que les périodes de congé non payé — et partant, les cotisations non versées — continuent d'être comptées jusqu'à la date de démission, de sorte que les chiffres que je vous ai donnés augmenteront si votre démission est donnée après le 31 juillet 2002. En outre, la Loi de l'impôt sur le revenu vous interdit de contribuer à deux régimes de pension pour la même période de service : si vous décidez de considérer la totalité de vos périodes de congé non payé comme ouvrant droit à pension, vous devrez donc réclamer à votre employeur actuel un remboursement des cotisations que vous avez versées pour la période de double cotisation.

[95]    Le Dr Vanderwoude a fait son choix conformément aux options qui lui étaient offertes. La Dre Rinke n'a pas signé la formule déclarant qu'elle ne voulait pas qu'on tienne compte de ses périodes de congé non payé au-delà des trois premiers mois avant que l'ACIA n'accepte sa démission. L'ACIA lui a écrit le 16 août 2002 (pièce 67) et le 9 septembre 2003 (pièce 68) sur le choix qu'elle avait à faire. La Dre Rinke n'a pas répondu à ces lettres et n'a pas non plus choisi l'une ou l'autre des options qui lui avaient été expliquées dans la pièce 44. Son avocat a écrit à l'ACIA le 26 décembre 2003 (pièce 69) en exigeant que l'employeur accepte la démission de sa cliente à compter du 31 mars 2002 et en déclarant avoir l'intention d'intenter d'autres procédures pour contester son congédiement déguisé. Mme Parton, gestionnaire de la rémunération et de la sécurité au travail de l'Agence, a écrit à la Dre Rinke le 29 janvier 2004 (pièce 70) pour lui expliquer les conséquences d'une décision de fixer la date de sa cessation d'emploi rétroactivement au 30 mars 2002, ainsi que les implications pour ses options à l'égard du régime de pension de la fonction publique. Cela dit, l'ACIA a accepté la lettre de démission de la Dre Rinke, après avoir reçu la lettre de son avocat datée du 26 décembre 2003 (pièce 69).

[96]    Au 31 juillet 2002, la Dre Rinke avait droit à une indemnité de départ de 10 285,70 $. Les cotisations qu'elle n'avait pas payées excédaient cette somme, et leur montant variait selon le choix qu'elle aurait dû faire avant de démissionner.

[97]    D'après les renseignements dont je dispose, il appert que les fonctionnaires s'estimant lésés ont porté plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) le 27 février 2003. Leur lettre de plainte n'a pas été produite comme pièce dans la présente affaire.

[98]    Dans une lettre de réponse à cette plainte datée du 2 juin 2003 (pièce 32), la CCDP a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

J'ai méticuleusement analysé votre correspondance et je dois vous informer que la Commission canadienne des droits de la personne ne peut pas vous aider dans cette affaire puisque les incidents que vous avez décrits se sont produits avant le début du délai d'un an qu'impose la Loi. D'après la documentation que vous nous avez fait parvenir, vous avez quitté la Colombie-Britannique et le service de votre employeur pour vous installer en Ontario à l'automne 2000. En outre, les événements les plus récents semblent relatifs à des problèmes d'indemnité de départ et de transferts de service ouvrant droit à pension. Des questions comme celles-là ne semblent pas en elles-mêmes être liées à un motif de discrimination interdit par la Loi, de sorte que votre dossier va maintenant être fermé.

Argumentation

Pour l'agent négociateur

[99]    L'agent négociateur déclare que la Dre Rinke a été victime de différentes mesures pendant la plus grande partie des douze années qu'elle a passées au service d'Agriculture Canada, puis de l'ACIA. La seule conclusion possible est que ces mesures étaient intentionnelles, faute de pouvoir leur trouver une justification. L'agent négociateur affirme que les difficultés de l'intéressée ont commencé avec son congé de maternité et son affectation à l'établissement d'Aldergrove plutôt qu'à l'abattoir de Sunrise, qui était tout près de chez elle. On lui a refusé l'aide financière qu'elle avait réclamée pour sa réinstallation. Selon l'agent négociateur, c'est le premier exemple manifeste de la mauvaise foi de l'employeur dans sa façon de traiter la fonctionnaire s'estimant lésée.

[100]    L'agent négociateur maintient que ce traitement répréhensible a continué, et que la Dre Rinke a été victime d'hostilité, de mauvaises évaluations, du refus d'un congé pour assister à la fête d'anniversaire de sa mère, de pinaillage sur ses demandes de remboursement de frais et de refus de possibilités de formation. Il allègue que certains employés se prévalent d'un congé pour les soins et l'éducation d'enfants d'âge préscolaire quand ils sont aux prises avec des situations intenables, et que la Dre Rinke avait aussi d'autres raisons pour justifier ce congé. À son avis, sa décision de faire prolonger son congé pour les soins et l'éducation de sa fille était raisonnable, compte tenu de la crainte que lui inspirait son employeur et de son intention de la déclarer excédentaire.

[101]    L'agent négociateur fait valoir que l'exemple suivant de la mauvaise foi de l'employeur est sa façon d'établir le calendrier des congés annuels, ce qu'il aurait fait d'une façon discriminatoire à l'endroit de la Dre Rinke et du Dr Vanderwoude.

[102]    Il affirme que la décision de l'employeur de suspendre la Dre Rinke de ses fonctions à l'abattoir de la région de Vancouver plutôt que de prendre des mesures pour faire respecter la loi est une preuve concrète de sa mauvaise foi et de son intention de la congédier.

[103]    L'agent négociateur maintient en outre que le rejet de la candidature de la Dre Rinke au poste dans le secteur de la santé des animaux à Osoyoos à l'étape de la présélection, en 1999, est une autre preuve de la mauvaise foi de l'employeur, tout comme son refus de prolonger l'affectation temporaire de l'intéressée.

[104]    L'agent négociateur accuse aussi l'employeur de mauvaise foi pour avoir offert à la Dre Rinke la possibilité de faire évaluer son état par Santé Canada à un moment où il savait que le Dr Vanderwoude et la famille déménageaient en Ontario.

[105]    Il maintient en outre que le refus de l'employeur de réagir ou de tenir compte de la situation de la Dre Rinke après avoir été informé de la décision de la CAT, qui avait conclu à l'existence d'une incapacité permanente, est également une preuve de mauvaise foi.

[106]    L'agent négociateur déclare que l'analyse du dossier montre que la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude ont continuellement été traités de façon discriminatoire par l'ACIA et qu'ils ont fait l'objet d'un congédiement déguisé. Il a invoqué la doctrine du congédiement déguisé exposée dans les décisions Farber c. Royal Trust Co. , [1997] 1 R.C.S. 846 (QL), Grice and McBurney Transport Ltd. , [1999] C.L.A.D. No. 361 (QL) et May and Fifth Dimension Communications Corp. , [1998] C.L.A.D. No. 832 (QL). Il déclare que la Commission a compétence pour conclure à des congédiements déguisés.

[107]    De plus, l'agent négociateur cite McNab c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la Commission no 166-2-14343 (1984)(QL) et Charron c. Chambre des communes, 2002 PSSRB 90.

[108]    Enfin, il demande la réintégration de la Dre Rinke à l'ACIA dans un poste où elle serait affectée ailleurs que dans un abattoir et réclame qu'elle soit mise en congé non payé jusqu'à ce que ce poste lui soit offert. La Dre Rinke veut qu'on lui rembourse ses frais et qu'on la dédommage intégralement. Le Dr Vanderwoude veut être réintégré dans son poste et mis en congé non payé jusqu'à ce qu'on ait donné satisfaction à la Dre Rinke. Il a rédigé un document qui a été déposé à l'audience et versé au dossier (pièce 46), dans lequel il énumère 17 demandes de redressement que je vais résumer ici.

  1. Versement à la Dre Rinke et au Dr Vanderwoude de 90 % de ce qu'ils auraient touché comme VM-02 jusqu'à l'âge de 65 ans, ou création pour la Dre Rinke d'un poste de conseillère/formatrice en salubrité des aliments pour les enfants en Colombie-Britannique.

  2. Dédommagement pour les congés annuels perdus jusqu'à l'âge de 65 ans.

  3. Dédommagement pour les biens liquidés lors du déménagement, estimés à 30 000 $.

  4. Dédommagement pour la perte de valeur de la propriété vendue en Colombie-Britannique, soit environ 200 000 $.

  5. Dédommagement pour la retraite forcée du Dr Vanderwoude, soit
    10 868,10 $.

  6. Remboursement des cotisations au régime de pension de retraite payées à l'ACIA par le Dr Vanderwoude, soit 1 246,44 $.

  7. Versement d'une somme de 28 414,95 $ en guise de dédommagement à l'égard du congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire que la Dre Rinke a été forcée de prendre, de son congé d'accident du travail, des frais associés à l'obstruction de l'ACIA dans le dossier de la démission de la Dre Rinke, que l'Agence refusait d'accepter, ainsi que du remboursement de son traitement perdu entre le 1er août 2000 et le 1er janvier 2001.

  8. Rajustement de l'indemnité de départ de la Dre Rinke.

  9. Rajustement du trop-payé de prestations d'invalidité de la Dre Rinke.

  10. Remboursement des frais de réinstallation, y compris les honoraires des agents d'immeubles et les autres frais normaux.

  11. Versement d'une somme correspondant à la différence entre les indemnités de départ anticipé à l'ACIA et au gouvernement de l'Ontario.

  12. Remboursement des crédits de congé annuel.

  13. Dédommagement intégral relativement au congé forcé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire.

  14. Remboursement des frais juridiques supportés pour corriger une situation de traitement cruel des animaux à l'abattoir.

  15. Remboursement des frais juridiques supportés pour faire accepter la démission de la Dre Rinke par l'ACIA.

  16. Remboursement des frais juridiques supportés pour que l'ACIA cesse de mettre la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude dans des groupes de congés annuels différents.

  17. Congé payé pour la Dre Rinke au cours de la période du 23 août 2000 au 1er janvier 2001, quand elle a été [traduction] « forcée de prendre un congé non payé quand elle a fui la Colombie-Britannique pour l'Ontario. »

Pour l'employeur

[109]    L'employeur dit que je n'ai pas compétence pour entendre ces griefs. Il déclare que la Commission n'a compétence que dans les cas de sanctions disciplinaires déguisées : McNab c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP no 166-2-14343 (1984) (QL); Hudson c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada) , dossier de la CRTFP no 166-2-14572 (1984) (QL); St. Jacques c. Conseil du Trésor (ministère de l'Agriculture) , dossier de la CRTFP no 166-2-10946 (1982) (QL); McIlroy c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise) , dossier de la CRTFP no 166-2-12359 (1982) (QL); Merrill c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise) , dossier de la CRTFP no 166-2-15133 (1986) (QL); Bodner c. Conseil du Trésor (Transports Canada) , dossier de la CRTFP no 166-2-21332 (1991) (QL); Walker c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada) , dossier de la CRTFP no 166-2-21292 (1991) (QL); et Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.).

[110]    L'employeur soutient que les Drs Vanderwoude et Rinke ont démissionné volontairement. L'employeur n'a exercé aucune pression pour les contraindre à le faire. Ce n'est pas une situation dans laquelle les fonctionnaires ont voulu démissionner imprudemment ou sous l'impulsion du moment, puis tenté de se rétracter.

[111]    Et l'employeur poursuit en déclarant que, si les fonctionnaires estimaient qu'ils n'avaient d'autre choix que de démissionner, ils étaient parfaitement conscients des conséquences, et ils ont décidé de le faire de leur plein gré. Ils auraient pu prendre le temps de réfléchir et d'attendre que l'employeur prenne des mesures administratives, puis présenter le grief approprié. Qu'ils aient eu l'impression de ne pas avoir eu le choix ne signifie pas, légalement, qu'ils ont choisi sous la contrainte.

[112]    En l'occurrence, l'employeur a refusé d'accepter la démission de la Dre Rinke et du Dr Vanderwoude jusqu'à ce qu'ils soient en mesure de faire un choix éclairé. Il maintient que l'ACIA est un employeur distinct, et que la Commission n'a pas compétence pour entendre ou trancher une affaire de congédiement déguisé à moins qu'elle n'ait un aspect disciplinaire. Il répète que la démission de ces deux fonctionnaires était volontaire.

[113]    L'employeur déclare que demander à quelqu'un de retourner au travail n'est pas une mesure punitive, et que la menace de sanctions disciplinaires ne constitue pas une sanction en soi. Il soutient qu'il était évident qu'il était disposé à discuter d'un arrangement avec la Dre Rinke et qu'il a eu plusieurs rencontres avec elle, mais le refus de l'intéressée de se soumettre à l'évaluation de Santé Canada montre qu'elle était heureuse de prendre la chance de déménager en Ontario avec le Dr Vanderwoude et d'y chercher du travail.

[114]    L'employeur affirme que la Commission n'a aucune compétence pour se prononcer sur des questions liées à l'obligation de tenir compte de la situation de l'employé ou sur d'autres questions relatives aux droits de la personne à moins que la CCDP ne lui ait renvoyé l'affaire, en vertu de l'alinéa 41(1) a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H-6. En l'espèce, la CCDP a refusé de se prononcer sur les questions en jeu et cela ne confère pas la compétence nécessaire à la Commission : Canada (Procureur général) c. Boutilier, [2000] 3 C.F. 27 (C.A.) (QL) et Djan c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada) , 2001 CRTFP 60.

[115]    Au sujet du troisième grief de la Dre Rinke, l'employeur déclare qu'elle cherche à « récrire » l'histoire de congés qui ont déjà été autorisés par lui. Il affirme que le grief est irrecevable et répète que la Commission n'a pas compétence pour l'entendre.

[116]    L'employeur soutient que je devrais peser avec prudence une grande partie de la preuve qui m'a été présentée en l'espèce par l'agent négociateur, étant donné que la Dre Rinke n'a pas comparu pour témoigner ni pour être contre-interrogée. Il s'oppose à la preuve de ouï-dire et s'oppose aussi à l'utilisation du rapport du Dr Daigen, admis pour expliquer l'absence de la Dre Rinke et pour avancer des faits liés à la cause de ses problèmes, puisqu'il n'a pas été informé à l'avance de ce document, que la Dre Rinke n'était pas présente et que le Dr Daigen ne l'était pas non plus pour être contre-interrogé sur ce rapport. En outre, il affirme que le rapport du Comité de révision de la CAT ne devrait pas être considéré comme déterminant pour les faits qui y sont mentionnés, particulièrement en ce qui concerne les parties de ce rapport critiquant l'Agence et ses rapports avec la Dre Rinke. L'employeur soutient que ce Comité d'examen de la CAT n'avait pas eu l'avantage de se faire présenter une preuve quelconque par l'ACIA avant de prendre sa décision. En outre, il maintient que le Comité de révision ne savait pas que le Dr Vanderwoude était le conjoint de la Dre Rinke, au moment où celui-ci a participé au processus de ce Comité.

Réplique de l'agent négociateur

[117]    L'agent négociateur maintient que la Commission a le droit de se prononcer sur cette question relative aux droits de la personne parce que la CCCP ne l'a pas tranchée.

[118]    Il est d'avis que je devrais accorder tout son poids à la décision de la Commission des accidents du travail. Il affirme en outre que je ne devrais pas me laisser détourner par l'allégation de l'employeur que le Dr Vanderwoude est le conjoint de l'intéressée et que le Comité de révision de la CAT ne savait pas qu'il l'était au moment où il s'est prononcé.

Motifs de la décision

Questions liées aux droits de la personne

[119]    On a soulevé dans cette affaire deux questions liées aux droits de la personne. La première est que l'ACIA aurait fait preuve de discrimination à l'endroit de la Dre Rinke en ne la choisissant pas pour des postes ailleurs que dans un abattoir, en raison de son sexe. Les contestations des décisions de sélection ou de nomination se font toutefois devant une autre instance, soit en fonction du principe du mérite devant un comité d'appel, soit devant la CCDP et le TCDP en vertu de la LCDP. La Commission ne se prononce pas sur les questions liées aux droits de la personne à moins que la CCDP ne lui renvoie une affaire en vertu de l'alinéa 41(1) a) de la LCDP et que la convention collective applicable ne contienne une clause interdisant la discrimination. Si la Dre Rinke voulait obtenir un redressement à ces égards, elle aurait dû s'adresser à l'instance compétente. Pour ma part, je n'ai pas compétence pour me prononcer à l'égard de la question de la discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne l'allégation que la Dre Rinke n'a pas pu faire retenir sa candidature dans les processus de sélection pour des postes ailleurs que dans un abattoir.

[120]    La seconde question est soulevée par l'allégation que l'ACIA n'a pas tenu compte de la situation de la Dre Rinke en ne l'affectant pas ailleurs que dans un abattoir après avoir été informée de son incapacité. Je précise que, typiquement, « l'obligation de tenir compte de la situation d'une personne » est employée dans le contexte des plaintes relatives aux droits de la personne, et que cette obligation existe une fois que l'employeur est conscient de l'invalidité permanente d'une ou d'un fonctionnaire. La Dre Rinke a déposé une plainte concernant les droits de la personne, mais je n'ai pas le texte intégral de cette plainte devant moi. Le TCDP a refusé d'enquêter là-dessus (pièce 32). La CCDP a refusé d'entendre la plainte parce qu'elle a conclu qu'on l'avait présentée plus d'un an après ce qui lui avait donné lieu, qu'elle ne mentionnait aucun motif interdit par la LCDP et qu'elle portait sur des questions relatives à une indemnité de départ soulevées après la démission de l'intéressée.

[121]    L'agent négociateur soutient que j'ai compétence pour entendre l'affaire parce que la CCDP a refusé de l'entendre. Je souligne que la CCDP a refusé d'enquêter sur la plainte déposée par la Dre Rinke parce que cette plainte était irrecevable et qu'elle n'invoquait aucun motif de discrimination interdit par la LCDP. On ne m'a pas présenté le texte intégral de la plainte. L'employeur soutient quant à lui que la Commission aurait compétence pour entendre l'affaire seulement si la CCDP ou le TCDP lui avaient renvoyé la question parce que la procédure de règlement des griefs aurait dû être épuisée avant : Djan (supra).

[122]    Après avoir analysé la preuve et les arguments avancés en l'espèce, je conclus qu'il s'agit essentiellement d'une plainte relative aux droits de la personne, à savoir que l'employeur ne s'est pas acquitté de son obligation de tenir compte de l'incapacité de la Dre Rinke. En outre, il est allégué que les démissions de la Dre Rinke et du Dr Vanderwoude ne sont pas de véritables démissions parce que l'employeur ne s'est pas acquitté de sa charge de tenir compte de la situation des intéressés. Le troisième grief réclame une révision du dossier de la fonctionnaire s'estimant lésée pour les fins du calcul de son indemnité de départ; il est donc lié à la question de sa démission, laquelle est elle-même liée au prétendu refus de l'employeur de tenir compte de son invalidité.

[123]    L'alinéa 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique se lit comme il suit :

91(1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit d'une disposition législative, d'un règlement - administratif ou autre -, d'une instruction ou d'un autre acte pris par l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d'emploi.

[124]    La question de savoir si un arbitre a compétence pour entendre et trancher une affaire qui équivaut fondamentalement à une plainte liée aux droits de la personne dans une relation d'emploi au sein de la fonction publique a été analysée et tranchée dans bon nombre de décisions. Je précise que la convention collective applicable contient une clause interdisant la discrimination, notamment en raison du sexe, de la situation de famille ou matrimoniale, ainsi que de l'incapacité mentale ou physique. L'existence d'une clause interdisant la discrimination n'est toutefois pas déterminante pour la compétence d'un arbitre de griefs nommé en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

[125]    Le Parlement a prévu un recours intégral dans la LCDP, ce qui comprend une enquête sur les plaintes par la CCDP ainsi que des audiences par le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP), avec un ensemble complet de mesures de redressement. Je n'ai pas l'intention de citer ici le texte intégral des dispositions législatives pertinentes puisqu'elles ont été reproduites et analysées ailleurs par la Commission : Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] 3 C.F. 445 (Division de première instance), Mohammed c. Canada (Conseil du Trésor) , [1998] C.A.F. no 845, Boutilier (supra), et O'Hagan c. Canada (Service correctionnel) , [1999] A.C.F. no 32 (Division de première instance), ainsi qu'Audate c. Conseil du Trésor (Anciens combattants) , dossier de la CRTFP no 166-2-27755 (1999) (QL).

[126]    Dans Audate (supra), Yvon Tarte, le président de la Commission, qui était l'arbitre dans cette affaire, se reporte en le citant au passage suivant de l'arrêt Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) , [1996] 3 R.C.S. 854, où le juge La Forest a fait les commentaires suivants sur la LCDP :

La Loi prévoit un processus complet de traitement des plaintes en matière de droits de la personne. La Commission [CCDP] est un rouage essentiel de ce processus. Ses pouvoirs et fonctions sont énoncés aux art. 26 et 27 et à la partie III de la Loi. En bref, la Commission jouit du pouvoir d'appliquer la loi et, notamment, de celui d'en promouvoir le respect au moyen d'activités publiques, d'entreprendre des projets de recherche et d'examiner la législation. C'est également à elle que la Loi confie le mandat de recevoir, de gérer et de traiter les plaintes concernant les actes discriminatoires. Cette dernière fonction est décrite dans la partie III de la Loi.

L'article 40 prévoit qu'une plainte peut être déposée par un individu, par un groupe ou par la Commission elle-même. Lorsqu'elle reçoit une plainte, la Commission nomme un enquêteur, qu'elle charge d'enquêter sur la plainte et de lui faire rapport (art. 43 et par. 44(1)). La Commission peut, après avoir reçu le rapport de l'enquêteur et sollicité les commentaires des parties à son sujet, prendre des mesures pour que soit constitué un tribunal pour examiner la plainte, si elle est convaincue, compte tenu des circonstances, qu'un examen est justifié (al. 44(3) a)). Elle peut également rejeter la plainte, nommer un conciliateur ou renvoyer le plaignant à l'autorité compétente (al. 44(3) b) et par. 47(1) et 44(2) respectivement).

Si la Commission conclut qu'il conviendrait de constituer un tribunal, le président du Comité du tribunal des droits de la personne y procède à sa demande (art. 49). Le tribunal examine la plainte en offrant à chaque partie l'occasion de comparaître devant lui, en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat (art. 50). À l'issue de l'enquête, le tribunal peut rejeter la plainte en vertu du par. 53(1) ou, s'il la juge fondée, imposer l'une des mesures de redressement prévues à l'art. 53 de la Loi. Ces mesures comprennent l'ordonnance enjoignant de mettre fin à l'acte discriminatoire, d'accorder à la victime les droits, chances ou avantages dont l'acte l'a privée ou d'indemniser la victime des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l'acte et, dans les cas où cela est justifié, de verser une amende à la victime. Enfin, si le tribunal était composé de moins de trois membres, une partie peut interjeter appel de sa décision devant un tribunal d'appel, composé de trois membres, sur toute question de droit ou de fait ou toute question mixte de droit et de fait (art. 55 et 56).

[127]    Les dispositions de la LCDP investissent la CCDP et le TCDP d'une grande compétence pour régler les différends en matière de droits de la personne. Tous deux sont des spécialistes de ces questions. Les procédures assujetties à la LCDP sont considérées par la Cour fédérale comme des recours administratifs prévoyant des réparations en vertu d'une loi fédérale, ce qui implique que la Commission des relations de travail dans la fonction publique n'a pas compétence en la matière, sauf si une affaire lui est renvoyée en vertu de l'alinéa 41(1) a) de la LCDP :

41. (1) Sous réserve de l'article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu'elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

a) la victime présumée de l'acte discriminatoire devrait épuiser d'abord les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts; [...]

[128]    Une fois de plus, je me reporte particulièrement à l'affaire Audate (supra). L'arbitre a dû se demander alors s'il avait compétence pour se prononcer sur une question de suspension, la fonctionnaire s'estimant lésée alléguant que l'employeur avait agi de façon discriminatoire à son endroit en lui imposant sa suspension en raison de sa race, de sa couleur et de ses origines ethniques. L'argument invoqué revenait à dire que, même si d'autres questions que la discrimination pouvaient être invoquées, l'arbitre n'avait pas compétence pour entendre et trancher l'affaire.

[129]    Dans Audate (supra), l'employeur a fait valoir ce qui suit :

Eu égard au grief de Mme Audate, l'article 3 de la LCDP énonce les motifs de distinction illicites qui sont fondés sur la race, l'origine nationale et ethnique et la couleur; l'article 7 interdit de tels motifs de distinction en cour [sic] d'emploi; l'article 40 prévoit qu'une plainte peut être déposée; et, [sic] l'article 53 énonce les pouvoirs de redressement qui existent si la plainte est fondée. Il semble clair que le grief de Mme Audate aurait pu faire l'objet d'une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne et que cette Commission était en mesure de lui accorder le redressement qu'elle recherchait dans son grief si cette plainte était fondée.

[130]    L'arbitre s'est alors reporté aux décisions Chopra (supra), Mohammed (supra), Boutilier (supra) et O'Hagan (supra) pour les analyser et conclure :

Bien que les affaires présentées ci-haut ne soient pas toutes au même effet, particulièrement quant à la nature des pouvoirs de réparation disponibles sous un autre recours, il n'en demeure pas moins que, dans chacune d'elles, les différentes cours s'entendent sur un point : un arbitre perd compétence pour traiter un grief lorsque l'essence du grief peut faire l'objet d'un autre recours.

[131]    Et il a été clair au dernier paragraphe de la décision :

Puisque la résolution du grief de Mme Audate dépend d'un constat de discrimination de la part d'un employeur, sur la base d'un ou plusieurs motifs de distinction illicite énumérés à la LCDP, je conclus ne pas avoir la compétence nécessaire pour instruire ce dossier.

[132]    Dans cette affaire, il est allégué que la Dre Rinke a fait l'objet d'un traitement discriminatoire en raison de son sexe, de sa situation familiale et matrimoniale et de son incapacité. L'allégation du Dr Vanderwoude qu'il a été contraint à démissionner est liée à ces prétentions de traitement discriminatoire de la Dre Rinke par l'ACIA, traitement discriminatoire qui aurait aussi constitué de la discrimination contre lui en raison de sa situation matrimoniale ou familiale. La LCDP prévoit un mécanisme exhaustif de traitement des plaintes relatives aux droits de la personne. La jurisprudence citée démontre qu'il s'agit d'une procédure de recours administratif créée en vertu d'une loi fédérale, et je n'ai donc pas compétence pour entendre cette allégation de congédiement déguisé.

[133]    En l'espèce, je suis d'avis que la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude pouvaient déposer une plainte fondée sur la LCDP. La CCDP aurait compétence pour décider si l'ACIA s'est livrée à des pratiques discriminatoires à l'endroit de la Dre Rinke et du Dr Vanderwoude et si l'affaire devrait aller plus loin. Les motifs invoqués semblent tous interdits par l'article 3 de la LCDP. Il se peut que, dans cette affaire-ci, la plainte ne soit pas recevable faute d'avoir été déposée en temps opportun. Il est donc possible que les fonctionnaires s'estimant lésés ne puissent pas obtenir la réparation qu'ils réclament en invoquant la LCDP parce qu'ils ont trop tardé à le faire. Par ailleurs, en vertu de l'alinéa 41(1) e) de la LCDP, la CCDP semble avoir le pouvoir discrétionnaire de décider d'entendre ou pas une plainte tardive.

[134]    Pour interpréter la disposition de l'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, prévoyant qu'un fonctionnaire a le droit de présenter un grief si « aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d'une loi fédérale », la question de la recevabilité de la plainte dans le contexte de cet autre recours administratif ne s'applique pas pour la détermination de la compétence de la Commission; il s'agit plutôt de savoir s'il existe ou non un autre recours administratif. Le fait que les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont peut-être plus accès à cet autre recours n'investit pas la Commission de la compétence nécessaire et ne peut pas l'en investir.

[135]    Dans cette affaire, les fonctionnaires s'estimant lésés ont présenté une plainte à la CCDP, qui a refusé de l'instruire en la déclarant irrecevable et en précisant que les points soulevés par les intéressés ne semblaient liés à aucun motif de discrimination interdit par la LCDP. Sur la foi des documents qui m'ont été remis, je ne peux pas conclure avec certitude qu'ils avaient soulevé dans leur plainte à la CCDP toutes les questions mentionnées dans le contexte de ces griefs. À mon avis, le fait que la CCDP a refusé d'enquêter ne peut pas donner à la Commission des relations de travail dans la fonction publique la compétence nécessaire pour entendre et trancher une affaire concernant les droits de la personne. C'est seulement si la CCDP invoque l'alinéa 41(1)a) de la LCDP que la Commission a compétence pour entendre un pareil grief.

[136]    Conformément à ce qu'elle a décidé dans Boutilier (supra), Djan (supra) et Audate (supra), il est évident que la Commission n'a pas compétence pour juger des plaintes relatives aux droits de la personne à moins qu'elles ne lui soient renvoyées en vertu de l'alinéa 41(1) a) de la LCDP. L'article 91 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, c. P-35, interdit aux arbitres d'entendre et de trancher des affaires concernant les droits de la personne. À mon sens, je n'ai pas le loisir d'assumer une compétence pour me prononcer sur des questions de droits de la personne. Dans cette décision-ci, je ne fais aucun commentaire quant à savoir si la Dre Rinke a été victime de discrimination ou pas en raison de son incapacité, de son sexe ou de sa situation matrimoniale ou familiale, dans le contexte de ce que l'ACIA a fait à son endroit durant sa relation d'emploi. Je ne fais aucun commentaire non plus pour ce qui est de savoir si le Dr Vanderwoude a été victime de discrimination en raison de sa situation familiale ou matrimoniale.

[137]    Cette affaire présente d'importants aspects liés aux droits de la personne, étant donné que l'agent négociateur allègue que le refus de l'employeur de tenir compte de ces situations a obligé la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude à démissionner involontairement. Je ne crois pas avoir compétence pour me prononcer sur l'aspect de la plainte lié à « l'authenticité des démissions » vu que les doléances des fonctionnaires s'estimant lésés dans les trois griefs sont inextricablement liées à l'allégation que l'employeur n'a pas tenu compte de la situation de la Dre Rinke.

[138]    Après m'être prononcé en me basant sur mon absence de compétence pour arbitrer une plainte relative aux droits de la personne, je n'ai pas à trancher cette affaire quant à l'argument subsidiaire que l'employeur a avancé pour contester ma compétence. Rejeter les griefs parce qu'ils auraient dû invoquer la Loi canadienne des droits de la personne ne donne à ni l'un ni l'autre des fonctionnaires s'estimant lésés une réponse à leur prétention que l'ACIA s'est rendue coupable de congédiement déguisé. Si je me trompe dans l'analyse qui précède, j'aimerais subsidiairement la préciser en ce qui concerne l'argument de l'agent négociateur lorsqu'il prétend que le fait que l'ACIA n'a pas tenu compte de la situation de la Dre Rinke signifie que les démissions de la fonctionnaire s'estimant lésée et de son conjoint ne peuvent pas être considérées comme des démissions authentiques, mais constituent plutôt des congédiements déguisés par l'ACIA dans les deux cas.

[139]    Je suis convaincu que la compétence de la Commission à l'égard d'un organisme distinct comme l'Agence canadienne d'inspection des aliments est limitée. Sa compétence en ce qui concerne l'arbitrage des griefs des employés d'un organisme distinct comme celui-là est précisée à l'alinéa 92(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, que je cite ici avec les deux alinéas précédents :

92(1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a)   l'interprétation ou l'application, à son endroit, d'une disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b)   dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2) f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

c)   dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

[140]    Pour assumer ma compétence, je devrais conclure que les démissions étaient involontaires et que le processus décisionnel de l'ACIA était entaché d'une intention disciplinaire l'ayant fait aboutir au licenciement, à la suspension ou à une sanction pécuniaire pour les intéressés. La compétence de la Commission dans ce contexte est bien résumée dans McIlroy c. Conseil du Trésor (Revenu Canada, Douanes et Accise) , dossier de la CRTFP no 166-2-12359 (1982)(QL) :

37. Il serait peut-être utile de rappeler qu'un emploi dans la fonction publique du Canada peut prendre fin de différentes manières, allant de la démission volontaire au congédiement pour motif disciplinaire. Ce dernier est autorisé par l'alinéa 7(1) f) de la Loi sur l'administration financière et par l'article 106 du Règlement sur les conditions d'emploi. Toutefois, c'est la Loi sur l'emploi dans la fonction publique [...] qui doit être invoquée dans le cas de la plupart sinon de toutes les autres formes de cessation d'emploi. L'arbitre Jolliffe, alors arbitre en chef, a abordé la question des formes de cessation d'emploi dans deux de ses premières décisions, Lafleur (dossier de la Commission 166-2-397) et Robertson (dossier de la Commission 166-2-454), et a traité de la question de l'admissibilité des griefs découlant d'une cessation d'emploi. Dans une longue suite de griefs découlant d'une cessation d'emploi (autre qu'un congédiement), les arbitres avaient jugé nécessaire de déterminer, comme question de fait préliminaire, si la cessation d'emploi, indépendamment de sa forme (c.-à-d. mise en disponibilité ou renvoi en cours de stage) était en réalité attribuable en totalité ou en partie à un motif disciplinaire. Il est maintenant établi que s'il conclut à une intention disciplinaire, un arbitre a la compétence voulue pour juger du bien-fondé du grief. (Voir Le Procureur général du Canada c. La Commission des relations de travail dans la fonction publique [1977] 1 C.F. 91, décision confirmée par celle rendue dans l'affaire Roland Jacmain c. Le Procureur général du Canada et al [1978] 2 R.C.S. 15.) J'insisterai toutefois sur le fait qu'il ne suffit pas que l'élément disciplinaire soit présent dans le contexte d'une cessation d'emploi; il doit exister une relation de cause à effet.

[...]

39. Je me suis appliqué, dans les paragraphes précédents, à renforcer la distinction entre l'arbitrage aux termes de la Loi et l'arbitrage des griefs dans le secteur privé. Comme le laisse entendre M. Simpson, il est possible que, dans le secteur privé, une démission involontaire justifie un grief et son renvoi à l'arbitrage parce qu'elle équivaut à une cessation d'emploi sans motif valable. La compétence de l'arbitre découle d'une convention conclue entre les parties, laquelle exige normalement que toute cessation d'emploi se fasse pour un motif valable. Cependant, la compétence de l'arbitre en vertu de la Loi est déterminée par la législation. [...]

40. Dans l'affaire qui nous occupe, il ne nous suffit pas de soutenir que la démission de Mme McIlroy était involontaire, qu'elle était « manigancée » par l'employeur. Il faut prouver qu'elle était le résultat d'une mesure disciplinaire ou qu'elle lui a été soutirée par la menace d'une mesure disciplinaire.

[141]    Les faits dans l'affaire McIlroy (supra) sont révélateurs. La fonctionnaire s'estimant lésée avait démissionné après avoir été déclarée excédentaire et avoir reçu une offre d'emploi de son employeur dans une autre localité que celle où elle résidait auparavant. Sa nervosité avait fini par la rendre malade, et elle avait démissionné. L'arbitre a jugé que l'employeur n'avait pas manigancé les faits pour une raison disciplinaire et que la situation n'était pas entachée d'une intention disciplinaire.

[142]    Il est évident, à la lecture de la jurisprudence établie, que la Commission a compétence pour trancher une affaire de démission sous la contrainte. Dans Bodner (supra), la Commission devait se prononcer sur une démission que le fonctionnaire avait donnée après que l'employeur lui eut présenté une liste de huit « questions administratives qui inquiétaient la direction » lors d'une rencontre avec lui. Elle a déclaré ce qui suit, à la page 18 de la décision :

Pour avoir gain de cause, le fonctionnaire devait d'abord établir que la Commission pouvait assumer compétence. Cela nécessitait que, dans un premier temps, son représentant démontre que la démission avait été involontaire et qu'elle avait été obtenue par suite d'un motif disciplinaire de la part de l'employeur, qui avait pour objectif de mettre fin à l'emploi de M. Bodner. Si ce fait avait pu être établi, l'employeur aurait ensuite dû convaincre la Commission que, dans les circonstances, la cessation d'emploi était fondée.

[143]    La Commission assume sa compétence lorsqu'elle doit déterminer si le grief est fondé sur une sanction disciplinaire déguisée. Ainsi, dans Charron (supra), la Commission a analysé les circonstances entourant la démission de Mme Charron, qui s'était fait donner le choix de démissionner et de toucher une indemnité de départ ou d'être congédiée pour une inconduite constituant une fraude. Elle avait signé une quittance après avoir opté pour la démission. Il est évident, lorsqu'on on étudie cette affaire, que le choix d'être congédiée avec un dossier disciplinaire ou de démissionner n'est pas facile pour la personne intéressée. Néanmoins, la difficulté du choix ne rend pas sa décision involontaire. Je souscris au raisonnement que la Commission a retenu dans cette affaire et qu'elle a présenté aux paragraphes 60 à 64 de sa décision, après avoir tiré une analogie entre l'alinéa 63(1) de la Loi sur les relations de travail au Parlement et le paragraphe 92(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique :

[60]    Ces principes sont énumérés la jurisprudence citée par l'employeur. Dans McNab ( supra), l'arbitre reconnaît qu'il faut regarder les faits pour déterminer s'il y a eu l'intention subjective et l'acte objectif de démissionner. Il reconnaît également que tout effort visant à faire annuler une démission doit être fait avec diligence, soit dans les quelques jours qui suivent.

[61]    Dans Bodner ( supra), l'arbitre soulève le critère de coercition de l'employeur et dans Arsenault ( supra), l'arbitre regarde la situation où un choix est fait par l'employée entre le congédiement et la démission.

[62]    Mme Charron comme Hélène Arsenault a été confrontée à faire un choix entre le congédiement ou la démission. Mme Charron a fait siens les arguments du représentant de l'employée dans Arsenault. Mais ils ne peuvent avoir gain de cause ici non plus.

[63]    Mme Charron n'a fait l'objet d'aucune menace ou contrainte. Elle avait le choix entre un congédiement avec dossier disciplinaire ou une démission sans dossier disciplinaire et des références positives. Le choix n'était pas facile mais la pression émotive que vivait Mme Charron n'a pas été causée par l'employeur.

[64]    Mme Charron a eu le temps de réfléchir et de demander conseil. Elle regrette maintenant son choix et met en doute la qualité des conseils qu'elle a reçus. Pourtant, c'est elle-même qui a choisi celui qui l'a représenté [sic] . Elle n'a pas utilisé tout le temps à sa disposition pour obtenir d'autres avis.

[144]    Je vais maintenant passer à l'analyse de la démission de l'une et l'autre des fonctionnaires s'estimant lésés. Comme la démission est une décision personnelle pour chaque fonctionnaire, il est important que les deux soient analysées séparément. Il y a toutefois des aspects communs, que je tiens à préciser ici.

[145]    Je n'accorde aucune importance particulière à la phrase suivante figurant dans chacune des lettres de démission datées du 28 février 2002 :

[Traduction]

Cette démission est forcée.

[146]    Ces lettres de démission ont été rédigées environ 17 mois après que la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude eurent déménagé en Ontario et commencé à travailler à temps plein pour le gouvernement provincial. Il est clair que tous deux comprenaient que ces missives allaient mettre fin à leur relation d'emploi avec l'ACIA. Leurs lettres ont manifestement été rédigées de façon à tenter de préserver tous les arguments juridiques susceptibles d'être invoqués pour déclarer qu'il s'agissait de congédiements déguisés. Il semble que le Dr Vanderwoude les a rédigées toutes les deux, et il appert qu'il croyait que la Dre Rinke avait de bons arguments pour démontrer que l'ACIA n'avait pas tenu compte de sa situation lorsqu'elle avait demandé de travailler ailleurs que dans un abattoir.

[147]    La Dre Rinke et le Dr Vanderwoude ont eu des mois pour réfléchir à leurs démissions de l'ACIA; par ailleurs, ils avaient en Ontario ce qu'ils considéraient comme d'excellents emplois ailleurs que dans des abattoirs. Ils avaient eu des mois pour envisager de retirer leurs démissions, puisque l'ACIA ne les a pas acceptées immédiatement. Je n'accepte pas la prétention de l'une ou l'autre des fonctionnaires s'estimant lésés lorsqu'ils disent avoir démissionné sans avoir toute l'information nécessaire sur les conséquences de leurs démissions. Ils ont reçu, sur une période de plusieurs mois, des renseignements sur les conséquences d'une démission en ce qui concernait leur pension de retraite, leur indemnité de départ et leurs autres avantages. Dans le cas de la Dre Rinke, l'employeur a vérifié le dossier de ses divers types de congés afin de déterminer ce qui allait en résulter pour l'indemnité de départ à laquelle elle aurait droit.

[148]    Je vais maintenant me prononcer sur la démission de chacun des fonctionnaires s'estimant lésés.

Démission du Dr Vanderwoude

[149]    Comme la décision de démissionner est personnelle, l'employeur ne peut pas contraindre le fonctionnaire à la prendre. Elle est réputée nécessiter l'intention concrètement ou objectivement prouvée de démissionner. Ce principe est énoncé dans McNab (supra), qui contient un exposé de l'approche arbitrale établie dans l'ouvrage de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, aux pages 393 et 394 :

Pour déterminer si un employé a quitté ou non son emploi, les arbitres s'accordent généralement pour dire qu'il importe avant tout de vérifier l'intention de cet employé. Autrement dit, il faut se demander si l'employé avait réellement l'intention de mettre fin volontairement à son emploi. Il existe également un consensus qui ressort des plus anciennes décisions d'arbitrage, et c'est qu'une démission implique à la fois une intention subjective et un acte objectif par lequel l'intention se matérialise (traduction non officielle).

[150]    Il est évident que le Dr Vanderwoude est convaincu que l'ACIA a mal traité sa conjointe pendant plusieurs années et qu'elle a fait des distinctions injustes à son endroit. Il ne s'agit pas ici d'un cas où un fonctionnaire tente de rétracter une décision hâtive dont l'employeur s'est empressé de profiter.

[151]    La lettre de démission stipule qu'il s'agissait d'une démission forcée. L'allégation du Dr Vanderwoude à cet égard n'est pas concluante et appelle une analyse plus poussée.

[152]    Dans mon examen du témoignage du Dr Vanderwoude, j'ai appliqué le critère établi dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (B.C.C.A.), à la page 356, pour évaluer sa crédibilité :

[Traduction]

On ne peut évaluer la crédibilité des témoins intéressés, notamment lorsque la preuve est contradictoire, en se demandant seulement si, par son comportement, le témoin donne l'impression de dire la vérité. Sa version des faits doit faire l'objet d'un examen raisonnable visant à établir si elle concorde avec les probabilités entourant les conditions qui existaient alors. Bref, ce qui permet de vérifier réellement si le témoin dit la vérité en pareil cas, c'est que son témoignage doit être compatible avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et bien renseignée reconnaîtrait aisément comme raisonnable dans ce lieu et dans ces conditions. C'est seulement alors qu'un tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la crédibilité de témoins expérimentés et confiants à l'esprit vif ainsi que de personnes passées maîtres dans l'art de dire des demi-mensonges et de combiner l'exagération bien calculée avec la suppression partielle de la vérité. Par ailleurs, le témoin peut déclarer ce qu'il croit sincèrement être vrai en pouvant très honnêtement se tromper. Le juge de première instance qui déclare avoir cru le témoin parce qu'il estimait l'avoir entendu dire la vérité arrive à une conclusion en ne tenant compte que de la moitié du problème. En réalité, cela peut être un jugement personnel dangereux.

Le juge qui instruit l'affaire devrait aller plus loin en stipulant que les déclarations du témoin qu'il croit sont conformes à la prépondérance des probabilités dans l'affaire et, pour que son jugement soit digne de confiance, il doit aussi préciser ses raisons d'arriver à une telle conclusion. La loi ne confère pas aux juges la faculté divine de sonder les esprits et les coeurs des témoins, et la Cour d'appel doit être convaincue que la crédibilité accordée au témoin par le juge de première instance est fondée non pas sur un seul élément à l'exclusion des autres, mais bien sur tous les éléments pouvant attester de la véracité du témoignage en l'occurrence.

[153]    Pour bien comprendre la situation du Dr Vanderwoude, il est important de rappeler les faits au moment de sa décision de quitter la Colombie-Britannique pour s'établir en Ontario. Après avoir longuement réfléchi, je conclus que le Dr Vanderwoude et la Dre Rinke ont eu une décision difficile à prendre puisqu'ils devaient choisir soit de rester en Colombie-Britannique — et vraisemblablement de continuer à travailler dans un contexte d'inspection des aliments/dans un abattoir, soit de déménager en Ontario pour essayer de trouver un emploi dans un autre contexte.

[154]    Je souligne que cette décision a été prise environ six à huit mois après que la candidature du Dr Vanderwoude pour le poste d'Osoyoos dans le secteur de la santé des animaux eut été rejetée.

[155]    En l'espèce, rien n'indique qu'il ait discuté avec l'ACIA de son intention d'aller en Ontario explorer d'autres possibilités pour améliorer ses perspectives de carrière à l'Agence avant d'accepter un poste à contrat à l'OMAFRA. Le bon sens implique que, lorsqu'on est décidé à continuer de travailler pour un employeur comme l'ACIA, on discute avec lui de toutes les possibilités de perfectionnement qu'on cherche à exploiter ailleurs afin d'améliorer ses perspectives de carrière chez lui. À mon avis, les actions du fonctionnaire s'estimant lésé étaient plus compatibles avec l'intention de mettre fin à sa relation d'emploi avec l'ACIA qu'avec celle de la préserver.

[156]    Au moment où le Dr Vanderwoude a décidé de quitter la Colombie-Britannique pour aller s'établir en Ontario, la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique n'avait pas reconnu l'existence d'une lésion professionnelle qui aurait rendu la Dre Rinke admissible à l'accident du travail. Bien au contraire, la CAT avait refusé de lui verser une indemnité pour une blessure qu'elle prétendait avoir subie au travail.

[157]    Il est aussi évident, à l'analyse du témoignage du Dr Vanderwoude, que son épouse, la Dre Rinke, était malheureuse de travailler dans un abattoir; il a déclaré avoir été témoin du stress dont sa conjointe était victime depuis un certain temps. Il est tout aussi évident que la Dre Rinke et lui-même estimaient que l'Agence ne la traitait pas correctement. En outre, il est clair que la carrière de la Dre Rinke n'avait pas progressé dans le domaine de la santé des animaux pour lequel elle avait exprimé l'intérêt dès 1991 : elle avait été incapable de trouver du travail ailleurs que dans un abattoir.

[158]    Le Dr Vanderwoude a dit et répété qu'ils avaient dû vendre des biens et une propriété afin de déménager. Rien dans la preuve ne laisse entendre qu'il ait fait entreposer de tels biens en prévision de son retour en Colombie-Britannique, et cela laisse entendre que le déménagement était censé être permanent, et non temporaire.

[159]    Je n'accepte pas le témoignage du Dr Vanderwoude lorsqu'il prétend avoir « été forcé de quitter la Colombie-Britannique ». Il avait un poste à l'ACIA. Il était payé pour son travail en Colombie-Britannique. Durant toute la période pertinente, il y avait un poste pour lui à l'établissement Britco. Il a réussi à trouver un excellent emploi en Ontario ailleurs que dans un abattoir, alors qu'il n'avait pas réussi à gagner un concours pour obtenir un emploi hors d'un abattoir à l'ACIA en Colombie-Britannique. Je crois plutôt probable qu'il a quitté la Colombie-Britannique et l'ACIA parce qu'il avait de meilleures perspectives de carrière en Ontario.

[160]    À mon avis, si le Dr Vanderwoude et la Dre Rinke avaient sérieusement envisagé de trouver un poste pour elle ailleurs que dans un abattoir, à l'ACIA, ils auraient accepté qu'elle se soumette à l'évaluation de Santé Canada. On ne m'a fourni aucune raison afin d'expliquer pourquoi elle ne l'a pas fait, si ce n'est que [traduction] « c'était une période difficile » et que le Dr Vanderwoude et la Dre Rinke [traduction] « avaient une décision difficile à prendre ». J'insiste sur le fait que l'éclat du Dr Vanderwoude à l'audience - éclat qui a causé un ajournement - est survenu précisément au moment où l'avocat de l'employeur a commencé à l'interroger sur les raisons pour lesquelles la Dre Rinke ne s'est pas présentée pour l'évaluation de Santé Canada. Je trouve bizarre que, si ces deux fonctionnaires avaient l'intention de retourner en Colombie-Britannique travailler pour l'ACIA, ils n'aient pas tenté de s'arranger pour obtenir une nouvelle évaluation par Santé Canada. C'est un facteur significatif, qui doit m'inciter, je pense, à conclure qu'il s'agissait de démissions authentiques.

[161]    Rien dans cette affaire ne prouve que l'ACIA ait pris des mesures disciplinaires à l'endroit du Dr Vanderwoude, à quelque moment que ce soit. L'ACIA a bel et bien accédé à sa demande de congé personnel d'un an, le 8 septembre 2000. Le Dr Vanderwoude s'était entendu avec l'OMAFRA le 26 juillet 2000, mais il n'a pas demandé à l'ACIA de lui accorder un congé avant le 17 août de la même année. Comme la directrice régionale par intérim Teresa Morton l'a souligné dans une lettre au Dr Vanderwoude datée du 8 septembre 2000 (pièce 54) :

[Traduction]

Je prends bonne note que votre entente avec l'OMAFRA est datée du 26 juillet 0000 [sic] , alors que votre demande de congé n'est parvenue à mon bureau que le 17 août. Cela m'a causé de grosses difficultés, faute de préavis, et votre demande n'a pas été présentée conformément au principe bien établi que tous les congés sauf les congés de maladie doivent être approuvés à l'avance. À l'avenir, je vous prie de vous assurer que tous vos congés seront approuvés à l'avance.

Veuillez prendre bonne note que les demandes de « congé personnel » pour se prévaloir de choix de carrière ne sont pas nécessairement acceptées. Dans certains secteurs, une demande comme celle-là serait rejetée, et le fonctionnaire qui l'aurait faite serait tenu de choisir entre son emploi à l'ACIA ou un autre emploi ailleurs.

[162]    Les témoignages et les pièces donnent à penser que le Dr Vanderwoude préférait travailler ailleurs que dans un abattoir, ce qui m'incite à déduire que sa démission d'un poste dans le secteur de l'hygiène des viandes était volontaire. La teneur de sa preuve, et particulièrement ses descriptions répétées de l'environnement d'un abattoir en termes fort peu élogieux, indiquent selon moi qu'il préférait travailler ailleurs, si possible. Cette possibilité était bien mince à l'ACIA en Colombie-Britannique, et c'est pourquoi il est allé travailler en Ontario.

[163]    Pour arriver à cette conclusion, j'ai accordé une grande importance au courriel que le Dr Vanderwoude a adressé le 24 juillet 2001 à Wayne Holmes, le directeur régional adjoint (pièce 55) :

[Traduction]

[...] J'ai accepté une affectation comme gestionnaire des programmes, Politique et services de vérification, au gouvernement de l'Ontario. C'est un emploi fantastique, mais la pollution est terrible ici. De plus, j'ai investi de nombreuses années à l'ACIA et je ne suis pas tout à fait disposé à abandonner cette organisation.

J'aimerais demander soit un congé non payé de trois mois en vertu de la clause C11.01, soit (ce qui serait préférable pour moi) un congé d'un an moins un jour en vertu de la clause C23. Je compte retourner à l'ACIA pour une semaine (du 13 au 17 août) pour voir si je peux encore supporter de travailler dans un abattoir....

[164]    Après avoir obtenu sa prolongation de trois mois, le Dr Vanderwoude a envoyé un autre courriel à Wayne Holmes (pièce 55), daté celui-là du 26 juillet 2001 :

[Traduction]

Merci pour les trois mois. J'espère que cela me donnera suffisamment de temps pour prendre les décisions requises. Je serai à Vancouver pour le congrès de l'ACMV, et je pourrai peut-être passer vous rendre visite.

[165]    J'estime que la prétention du Dr Vanderwoude que la seule raison pour laquelle il ne pourrait pas retourner en Colombie-Britannique serait que l'ACIA refuse de tenir compte de la situation de sa conjointe n'est pas crédible, compte tenu des faits et des probabilités, surtout du fait qu'il avait déménagé en Ontario pour trouver ce qu'il considérait comme un meilleur emploi, ailleurs que dans un abattoir, ce qui n'était pas possible pour lui en Colombie-Britannique.

[166]    L'ACIA a effectivement refusé d'accorder au Dr Vanderwoude une prolongation de congé de plus d'un an après son déménagement en Ontario (pièce 53). Même si elle a pris un certain temps pour répondre à sa demande de prolongation de congé, elle l'a fait, le 25 juillet 2001, en se disant disposée à lui accorder une autre période de trois mois de congé pour raisons personnelles (du 21 août au 21 novembre 2001).

[167]    Le 21 février 2002, M. Edwards a écrit au Dr Vanderwoude pour lui enjoindre de se présenter au travail au plus tard le 4 mars 2002 ou, à défaut, de faire l'objet de mesures administratives. Le refus de se présenter au travail et la cessation d'emploi qui en résulte équivalent à un licenciement en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, c. F-11, ce qui serait une mesure administrative plutôt que disciplinaire. La jurisprudence est claire à cet égard : la menace de prendre des mesures administratives ou disciplinaires ne constitue pas en elle-même une sanction (voir Merrill (supra)).

[168]    La Dre Rinke et le Dr Vanderwoude ont notamment allégué que leurs démissions n'étaient pas volontaires parce qu'on n'avait pas tenu compte de la situation de l'intéressée, qui avait besoin de travailler ailleurs que dans un abattoir. Je souligne qu'il s'agit là d'une question relative aux droits de la personne que la Commission n'a pas compétence pour trancher. Cela dit, je rappelle que la Dre Rinke a négligé ou refusé de se présenter à l'évaluation médicale de Santé Canada lorsque l'employeur le lui a demandé, en août 2000. Rien dans la preuve n'indique que la Dre Rinke ait exprimé quelque intérêt que ce soit pour une évaluation quelconque de son état par Santé Canada à quelque moment que ce soit depuis son départ de la Colombie-Britannique. Elle n'a pas non plus assisté à l'audience en l'espèce pour témoigner sur l'évaluation de Santé Canada. À mon avis, cette non-participation au processus d'évaluation de Santé Canada est fatale pour sa prétention.

[169]    Une des raisons que le Dr Vanderwoude a données pour expliquer sa démission consiste à dire que l'ACIA a tenté de contraindre la Dre Rinke à retourner à l'abattoir et refusé de lui trouver une autre affectation ailleurs. Il est difficile d'accorder quelque importance à cette allégation, étant donné que, au moment où le Dr Vanderwoude a décidé de quitter la Colombie-Britannique, la décision que la CAT avait rendue jusque-là était qu'il n'y avait pas eu de lésion professionnelle, que la Dre Rinke n'avait pas accepté de subir l'évaluation de Santé Canada nécessaire à une enquête sur les mesures à prendre pour tenir compte de sa situation et enfin que la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude avaient trouvé d'excellents postes ailleurs que dans des abattoirs en Ontario, ce qui leur avait été impossible en Colombie-Britannique.

[170]    Je suis convaincu que la lettre de démission du Dr Vanderwoude était l'expression authentique de son intention de démissionner de son poste à l'ACIA. Il ne fait aucun doute qu'il était malheureux du traitement que l'ACIA avait réservé à la Dre Rinke et qu'il avait le sentiment que l'Agence n'avait pas été « équitable » envers elle. Sa démission n'était entachée d'aucun motif disciplinaire déguisé. Je n'ai donc pas compétence pour m'attarder davantage à son grief et au redressement réclamé.

Démission de la Dre Rinke

[171]    Comme je l'ai déjà écrit plus tôt dans cette décision, le fonctionnaire a le droit de démissionner. En général, pour déterminer comme il se doit si une démission est « volontaire ou forcée », je devrais entendre le témoignage de la ou du fonctionnaire s'estimant lésés alléguant que leur démission n'était pas volontaire. Afin d'évaluer sa crédibilité pour déterminer les faits, il est important de les entendre témoigner et être contre-interrogés. Or, la Dre Rinke n'a pas témoigné. On m'a présenté une lettre d'un praticien expliquant son absence parce qu'elle était [traduction] « trop stressée pour se présenter et témoigner ». Je souligne que le Dr Vanderwoude et l'agent négociateur ont décidé d'aller de l'avant quand même et de ne pas demander d'ajournement. (Je précise que c'était peut-être arrivé à la dernière minute, et que ce n'était pas ce qu'aurait préféré le représentant expérimenté de l'agent négociateur.)

[172]    On me demande de trancher cette affaire en ce qui concerne le grief de la Dre Rinke en me basant sur le témoignage du Dr Vanderwoude et sur la preuve documentaire. Je tiens à préciser que je n'ai pas accepté le témoignage du Dr Vanderwoude à l'effet qu'il a été « forcé » de partir de la Colombie-Britannique et j'ai conclu qu'il a quitté la province essentiellement pour améliorer ses chances d'avancement professionnel. Comme l'avocat de l'employeur l'a fait valoir, une grande partie de ce qu'on m'a présenté est du ouï-dire. J'ai des doutes sur la qualité de cette preuve pour m'aider à trancher la question de la démission de la Dre Rinke, à savoir si elle était volontaire ou forcée. Ce que nous savons, c'est que la Dre Rinke a quitté la Colombie-Britannique pour l'Ontario avec son mari. Elle a demandé un congé à cette fin. Elle a un bon emploi, et ce n'est pas dans un abattoir. Au moment où elle a quitté la Colombie-Britannique, elle savait que la CAT n'avait pas rendu un jugement qui lui aurait été favorable en déclarant qu'elle avait été blessée à son travail et qu'elle n'avait pas réussi à trouver un autre emploi ailleurs que dans un abattoir à l'ACIA. Elle n'a donné à l'ACIA aucun préavis de son intention de prendre un autre congé pour accompagner le Dr Vanderwoude en Ontario.

[173]    Pour conclure qu'elle avait l'intention de démissionner, je dois tenir compte de tous les faits. J'ai été invité à me pencher sur la chaîne des faits ou de la preuve pour déterminer si sa démission était authentique ou pas. Faute de l'avoir entendue témoigner du contraire, savoir qu'elle a quitté la province pour accompagner son conjoint en Ontario, qu'elle a vendu sa propriété de Vancouver et qu'elle n'a pas fait entreposer ses biens en Colombie-Britannique est une indication convaincante de son intention de partir de la province et de quitter le poste qu'elle y occupait. Ces facteurs sont une preuve de son intention de déménager pour de bon. En outre, rien dans la preuve qui m'a été soumise ne laisse entendre qu'elle ait présenté sa candidature à des postes à l'ACIA en Ontario. Une demande de mutation ou de déploiement dans des postes de l'ACIA en Ontario aurait été une indication qu'elle voulait préserver sa relation avec l'Agence. Le seul fait que j'ai, c'est qu'elle a trouvé assez rapidement du travail en Ontario au gouvernement provincial, qui l'a affectée à un bon poste, pas dans un abattoir.

[174]    Ce qui me préoccupe beaucoup dans ce grief de la Dre Rinke, c'est qu'il y a des preuves documentaires qu'elle souhaitait travailler ailleurs que dans un abattoir peu après avoir débuté à l'ACIA. Je me reporte plus particulièrement à une note de service qu'elle a rédigée et signée en date du 5 juillet 1991 (pièce 4), relativement à ses craintes que les opérations d'abattage de l'établissement d'Aldergrove cessent :

[Traduction]

Mutations latérales :

Veuillez modifier mes demandes de mutation latérale déjà au dossier pour inclure aussi des possibilités de mutation à des postes dans le secteur de la santé des animaux. Conformément à notre conversation téléphonique de la semaine dernière, je confirme que je préférerais un poste dans le secteur de la santé des animaux près de ma résidence actuelle, mais j'envisagerais aussi des postes dans l'île de Vancouver ou dans l'intérieur de la province, mais pas à Dawson Creek. Mes frais de réinstallation devraient être discutés à ce moment-là. Pour le moment, j'essaie d'obtenir autant d'expérience que possible dans le domaine de la santé des animaux à mes frais, les jours où il n'y a pas d'abattage.

[175]    Le Dr Vanderwoude a témoigné que la Dre Rinke avait pris un congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire afin d'éviter d'être déclarée excédentaire, plutôt que simplement pour s'occuper de sa fille. L'employeur a approuvé ce congé. Je souligne que son absence a aussi permis à la Dre Rinke de ne pas travailler dans un abattoir, ce qui est compatible avec son intention déclarée dès 1991 de travailler ailleurs.

[176]    La Dre Rinke a exprimé sa préférence pour du travail ailleurs que dans un abattoir bien avant les événements qui, selon le Dr Vanderwoude, ont causé son stress post-traumatique et son incapacité permanente, à l'automne de 1998. La Dre Rinke travaille désormais ailleurs que dans un abattoir. Les seuls renseignements que nous avons sur son travail, et qui me viennent du Dr Vanderwoude, sont qu'elle réussit dans son nouveau milieu de travail et qu'elle a « gagné des prix » pour ses prestations.

[177]    L'agent négociateur cherche à me convaincre que, par suite d'une série d'événements équivalant à ce qu'on prétend être un traitement répréhensible à l'endroit de la Dre Rinke, elle a été forcée de démissionner, ou que sa démission était un congédiement déguisé. Il est malheureux que la Dre Rinke ait été affectée au départ à un établissement qu'elle n'avait pas demandé. La théorie de l'agent négociateur revient à dire que la Dre Rinke a été traitée de mauvaise foi par l'employeur pendant des années, et que l'employeur ne s'est pas acquitté de son obligation de tenir compte de sa situation :

[Traduction]

... Plus particulièrement, la Dre Rinke a fait l'objet de différentes mesures pendant la plus grande partie des dix dernières années qu'elle a passées au service d'Agriculture Canada et de l'ACIA.

[178]    J'ai tenu compte des événements individuellement présentés comme des preuves de la mauvaise foi de l'employeur ainsi que de la totalité de la preuve. Pourtant, je ne suis pas convaincu que l'agent négociateur ait prouvé ce qu'il prétend. Par exemple, la décision de déclarer la Dre Rinke excédentaire semble avoir été rationnelle, puisqu'elle aurait permis à l'ACIA d'économiser le traitement d'un poste de VM-02. L'ACIA aurait pu organiser ses affaires autrement, bien sûr, mais l'organisation du lieu de travail est un droit de la gestion. En outre, la Dre Rinke a bénéficié des droits qui lui étaient offerts dans le contexte du réaménagement des effectifs.

[179]    Rien dans la preuve n'indique que l'ACIA ait traité la Dre Rinke injustement en lui offrant un poste raisonnable quand elle a été déclarée excédentaire. En fait, l'ACIA semble avoir accédé à la demande de congé prolongé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire que la Dre Rinke lui a soumise.

[180]    À toutes fins utiles, le Dr Vanderwoude a prétendu que la Dre Rinke s'était fait refuser des possibilités d'emploi en partie parce qu'elle est une femme vétérinaire et que l'ACIA a un parti-pris contre les vétérinaires du sexe féminin, et en partie aussi parce qu'elle avait présenté un grief auparavant. Il est clair, en ce qui concerne les possibilités d'emplois qu'elle prétend s'être fait refuser, que rien ne prouve qu'elle se soit prévalue des recours qui lui étaient offerts d'une façon acceptable. Je ne suis pas disposé à conclure que, n'eût été de l'intention de l'ACIA de lui nuire, elle aurait gagné des procédures de sélection. Outre l'opinion du Dr Vanderwoude, il n'y a aucune preuve que l'ACIA ait refusé de mauvaise foi de la choisir pour « d'autres postes » dans son organisation.

[181]    La correspondance déposée en pièces à l'audience démontre clairement que la Dre Rinke croit avoir subi un traitement discriminatoire de la part de l'ACIA parce qu'elle est une femme vétérinaire qui avait eu l'audace de déposer un grief et de le gagner. À mon avis, c'est une question concernant les droits de la personne qui échappe à la compétence de la Commission.

[182]    Toutefois, même si la théorie de la Dre Rinke était fondée, je ne suis pas sûr de son implication quant au caractère volontaire de sa démission. Rien dans la preuve qui m'a été présentée ne laisse entendre qu'elle ne savait pas qu'elle démissionnait lorsqu'elle a présenté sa démission. Elle a peut-être eu l'impression de démissionner parce qu'elle avait le sentiment d'avoir été traitée mal - ou de façon discriminatoire - par l'ACIA. Il se peut qu'elle aime son travail en Ontario. Néanmoins, cela n'enlève rien au fait que, sur la foi de l'information disponible à l'audience, elle a décidé sciemment de présenter sa démission. À mon avis, lorsqu'une fonctionnaire démissionne sciemment, même si elle croit n'avoir d'autre choix que de démissionner, sa démission est le résultat d'une décision volontaire.

[183]    Si la Dre Rinke n'avait pas présenté sa démission, elle aurait pu en définitive être licenciée par l'ACIA pour avoir refusé de retourner au travail. En l'espèce, toutefois, les faits ne démontrent pas que l'ACIA ait pris des mesures pour la contraindre à retourner au travail ou pour la licencier au moment où elle a présenté sa démission. L'ACIA ne lui avait confié aucun autre travail que dans un abattoir, et elle avait refusé d'être affectée là. La dernière tentative d'affectation semble remonter à mars 2000. L'ACIA ne lui a pas imposé de sanctions pour avoir refusé cette affectation et ne l'a pas affectée ailleurs non plus; en outre, elle ne s'est pas présentée à l'évaluation médicale de Santé Canada, qui devait déterminer si elle était apte à travailler dans le milieu de l'hygiène des viandes ou dans d'autres milieux de travail. Elle a simplement déménagé avec son mari et elle a trouvé un travail qu'elle aimait en Ontario, après quoi elle a présenté sa démission à l'ACIA pendant qu'elle habitait en Ontario.

[184]    La Dre Rinke a tenté de présenter sa démission sur une assez longue période. Elle l'a d'abord soumise le 28 février 2002; on lui a donné alors de l'information sur les conséquences financières de la cessation de son emploi à l'ACIA. Elle a de toute évidence obtenu ensuite l'avis d'un avocat au sujet de son emploi et de sa démission, puisqu'un avocat a écrit à l'ACIA le 16 décembre 2003 (pièce 69) pour exiger qu'on accepte sa démission :

[Traduction]

Nous exigeons par la présente, au nom de notre cliente, que vous acceptiez immédiatement sa démission à compter du 31 mars 2002. Si nous n'avons pas reçu d'ici au 19 décembre 2003 une lettre de vous confirmant que vous allez accepter la démission de notre cliente à compter du 31 mars 2002 en procédant de façon expéditive et que vous aurez fait communiquer directement avec notre cliente l'agent ou l'agente responsable de l'ACIA pour prendre les arrangements nécessaires afin de mener à bien les transferts de pension, verser l'indemnité de départ et régler toutes les autres questions d'emploi restantes, nous accepterons les instructions de notre cliente d'intenter une poursuite contre l'ACIA et toutes les autres parties responsables devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Dans cette poursuite, nous réclamerons des dommages-intérêts exemplaires et punitifs ainsi que les gros frais de justice associés à une telle procédure.

[185]    L'agent négociateur a déposé un long historique des allégations de traitement répréhensible de la Dre Rinke par l'ACIA. Certaines de ces allégations reflètent les opinions du Dr Vanderwoude, estimant que la Dre Rinke aurait dû être la candidate retenue dans plusieurs procédures de sélection pour des postes ailleurs que dans un abattoir. Je ne peux pas conclure que l'ACIA ait fait preuve de mauvaise foi ou ait eu l'intention de lui nuire ou de lui imposer des sanctions disciplinaires parce qu'elle ne l'a pas choisie pour occuper des postes dans les secteurs de la salubrité des aliments ou de la santé des animaux. Rien dans la preuve qui m'a été soumise n'indique que la Dre Rinke se soit prévalue de recours quant aux décisions de sélection de l'ACIA. Or, le moment de contester ces décisions grâce aux recours admissibles est depuis longtemps passé.

[186]    Pour résumer, disons que, afin d'être en mesure de déterminer en toute connaissance de cause si sa démission a été présentée sous la contrainte, il me faudrait entendre la Dre Rinke témoigner. La charge de prouver que sa démission n'était pas authentique lui incombe. Faute d'avoir entendu son témoignage, qui aurait pu être contesté en contre-interrogatoire, je ne suis pas convaincu qu'elle se soit acquittée de la charge de prouver que sa démission était involontaire ou forcée par l'employeur. Rien dans la preuve ne révèle une intention disciplinaire dans les faits qui ont entouré sa démission. Même s'il est allégué que l'ACIA s'est comportée d'une certaine façon, je ne suis pas convaincu que l'agent négociateur ait prouvé son intention de nuire ou sa mauvaise foi à l'endroit de la Dre Rinke dont on pourrait déduire qu'elle a écopé de mesures disciplinaires. Mon analyse de son histoire ne révèle rien pour étayer une théorie qu'il s'agissait en l'occurrence de sanctions disciplinaires déguisées. Il n'y a pas la moindre indication d'un contexte disciplinaire dans la démission de la Dre Rinke. Je conclus donc que sa démission était volontaire, et que la décision de l'ACIA n'était entachée d'aucune intention disciplinaire ayant entraîné la cessation d'emploi, la suspension ou une sanction pécuniaire.

[187]    La décision de démissionner peut être difficile pour la personne intéressée. Mettre fin à la relation d'emploi a tout au moins des conséquences financières. On ne peut qu'avoir de la sympathie pour le Dr Vanderwoude, compte tenu du stress extrême qu'il semble subir et avoir subi pour s'occuper des problèmes d'emploi de sa femme pendant plusieurs années. Il a dit qu'il préférerait vivre en Colombie-Britannique, que sa fille adolescente n'est pas heureuse en Ontario et que son beau-père habite dans l'Okanagan. Il se peut fort bien que l'adaptation que le déménagement en Ontario a nécessitée ait été désagréable pour la famille. Selon son témoignage, il est clair que la fille des intéressés a eu des difficultés à s'adapter. Je suis toutefois convaincu que la raison pour laquelle la famille a quitté la Colombie-Britannique était de prendre un nouveau départ. La preuve a néanmoins aussi démontré que la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude ont des postes enviables en Ontario, des postes qu'ils auraient été incapables de décrocher en Colombie-Britannique avec l'ACIA. La vie est truffée de décisions difficiles. La difficulté d'une décision ne rend toutefois pas le choix involontaire, et la démission n'en est pas moins un choix volontaire pour la personne intéressée.

[188]    Pour toutes les raisons qui précèdent, je suis convaincu que la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude ont démissionné de l'ACIA, et je n'ai donc pas la compétence pour accorder à l'une comme à l'autre les redressements réclamés dans la rubrique de l'argumentation de cette décision.

Utilisation de la décision de la CAT

[189]    Avant de passer à une autre question, je tiens à préciser le poids que j'accorde à la décision du Comité de révision de la CAT. L'agent négociateur n'a pas fait témoigner la Dre Rinke et n'a produit aucun rapport médical sur le diagnostic dont elle a fait l'objet, aucun document ni aucune preuve dans ce contexte : il a simplement déposé une copie de la décision du Comité de révision de la Commission des accidents du travail, concluant à l'existence d'une incapacité. Le degré d'invalidité permanente n'est pas défini dans cette décision, et — d'après la preuve qui m'a été soumise — la CAT n'a pas rendu de décision finale sur la gravité de la blessure subie. Je précise que la décision du Comité de révision de la CAT ne m'aide nullement à déterminer de quel autre genre de travail la Dre Rinke était capable d'assumer en juillet ou en août 2000, à l'époque où elle a quitté la Colombie-Britannique pour l'Ontario.

[190]    Les parties n'ont pas invoqué la préclusion. L'agent négociateur veut que je me fonde sur l'entièreté du contenu de la décision du Comité de révision de la CAT; l'employeur s'y oppose. J'estime pour ma part que je peux me fier à la décision comme preuve que le Comité de révision de la CAT a conclu que la Dre Rinke a été blessée à son travail. L'agent négociateur souhaite que je me fonde sur les constatations de ce Comité quant au traitement de la Dre Rinke par l'ACIA, en tant que confirmation des autres documents et du témoignage présentés par le Dr Vanderwoude. À mon avis, ce n'est pas une utilisation admissible de cette décision.

[191]    Je ne crois pas justifié d'accorder quelque poids que ce soit aux conclusions de la CAT critiquant l'ACIA et ses rapports avec la Dre Rinke. Je n'ai devant moi ni la preuve dont le Comité de révision était saisi, ni les arguments des parties qui me permettraient de conclure à l'applicabilité de la préclusion, conformément au critère établi dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc. , [2001] 2 R.C.S. 460.

[192]    Pat Henderson, la gestionnaire des Ressources humaines de la Région de l'Ouest de l'ACIA, a daté du 19 février 2002 une lettre portant sur une demande de prolongation du délai d'appel de la décision (pièce 24). Cette lettre précise qu'on peut clairement se demander si l'employeur a participé au processus d'enquête de la CAT, ou si la décision rendue l'a été seulement sur la foi de la preuve déposée par la Dre Rinke et par le Dr Vanderwoude, avec des documents médicaux pour l'étayer. Dans la pièce 24, Mme Henderson a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Le Dr Vanderwoude parle de l'organisation de l'ACIA et des Ressources humaines en disant que c'était au moment de la création de l'Agence, en 1997. Or, l'organisation des Ressources humaines dans l'Ouest n'a été officiellement centralisée à Calgary qu'à la fin de 2000. Auparavant, il y avait quatre fonctionnaires de ce service au bureau de New Westminster, mais les deux conseillers en ressources humaines étaient en congé prolongé pour une longue période, de sorte que des fonctionnaires de Calgary tentaient d'assumer la charge de travail de leurs homologues de la Colombie-Britannique, ce qui a mené à une perturbation interne des procédures. Même s'il se peut très bien que la correspondance relative au Comité de révision de la CAT ait été envoyée à l'ACIA, elle n'a été acheminée ni au niveau de gestion approprié, ni au bureau des Ressources humaines de Calgary. Comme je l'ai précisé dans une lettre antérieure, une fois qu'on nous a informés, nous avons immédiatement soumis une demande officielle afin de pouvoir présenter la position de l'Agence.

[193]    Dans cette lettre, Mme Henderson souligne aussi que le Dr Vanderwoude ne s'est pas identifié en tant que conjoint de la Dre Rinke durant ses rapports avec le Comité de révision de la CAT, et il est évident, à la lecture de sa décision (pièce 29), que ce Comité le croyait vétérinaire à l'ACIA sans savoir qu'il était le mari de la Dre Rinke :

[Traduction]

À l'appui de l'appel de la Dre Rinke, le Dr Vanderwoude, un autre vétérinaire de l'ACIA, a déposé une lettre datée du 25 février 2001 [sic] dans laquelle il soulignait que les événements qui avaient déclenché la demande de sa collègue « allaient bien au-delà des problèmes normaux dans un abattoir ». Le système avait cafouillé puisque l'établissement aurait normalement cessé immédiatement ses opérations, alors que ce n'est pas ce qui s'est passé.

[194]    Le fait que la Dre Rinke ait été stressée parce que les événements avaient largement dépassé les problèmes normaux dans un abattoir a nettement influé sur les constatations du Comité de révision. Or, les deux seules personnes qui ont témoigné sur ces points étaient la Dre Rinke elle-même et le Dr Vanderwoude, et le Comité de révision de la CAT était manifestement inconscient de la relation conjugale des deux témoins. On peut donc soutenir qu'il a rendu sa décision en se fondant sur la preuve présentée par la Dre Rinke et par son collègue.

[195]    En ce qui concerne son dossier à la CAT, je dois dire que la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique a commencé par rejeter la demande de la Dre Rinke, mais que le Comité de révision a conclu, dans une décision datée du 30 août 2001, qu'elle avait subi une blessure compensable. La preuve qui m'a été soumise montre qu'il reste un autre appel à trancher quant au degré d'invalidité permanente de l'intéressée. Le témoignage du Dr Vanderwoude précise que ce degré n'a pas encore été déterminé par la CAT.

[196]    Afin de déterminer si sa démission était volontaire, forcée ou attribuable à une sanction disciplinaire de l'employeur, j'accorde une importance minimale à la conclusion de la CAT que la Dre Rinke avait subi une blessure à son travail. Il est vrai que la fonctionnaire s'estimant lésée a été informée dès septembre 2001 que le Comité de révision de la CAT avait conclu en sa faveur, lorsque sa décision a été rendue publique. Au moment de son départ de la Colombie-Britannique avec le Dr Vanderwoude pour aller trouver un emploi au gouvernement de l'Ontario, il est évident que la CAT avait conclu qu'elle n'avait pas subi une lésion professionnelle causant une invalidité. La Dre Rinke savait, quand elle a quitté la province, que la CAT ne considérait pas ses problèmes comme liés à son travail, et elle savait aussi qu'elle n'avait pas réussi à trouver du travail ailleurs que dans un abattoir. Elle devait aussi savoir que la plupart des vétérinaires de la Colombie-Britannique au service de l'ACIA travaillent dans le secteur de l'hygiène des viandes, dans des abattoirs, et que les possibilités de faire carrière ailleurs que dans un abattoir à l'ACIA étaient extrêmement limitées. En outre, sa décision de quitter la Colombie-Britannique a été prise dans les quelques mois qui ont suivi son échec à des concours où elle avait brigué un poste ailleurs que dans un abattoir.

[197]    La décision de la CAT qui m'a été soumise ne m'aide pas à déterminer le degré d'invalidité de la Dre Rinke, ni le genre d'emplois qu'elle est capable d'assumer. Elle ne s'est pas présentée à l'évaluation de Santé Canada et n'a pas non plus demandé d'autre évaluation de son état de santé. Par conséquent, faute de son témoignage, toutes les circonstances m'amènent à conclure à une démission volontaire plutôt qu'à une démission sous la contrainte de l'employeur ou attribuable à une sanction disciplinaire imposée par lui.

Troisième grief (dossier de la Commission 166-32-32344)

[198]    La réponse de l'employeur au grief du 2 avril 2003 se lit comme il suit :

[Traduction]

Après avoir analysé le dossier, j'ai conclu que vous n'avez pas encore choisi une date de départ à la retraite révisée et que votre démission n'a pas encore été acceptée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Dans une lettre datée du 8 février 2002 [sic] , vous avez déclaré autoriser l'Agence à communiquer les renseignements personnels qui vous concernent au Dr Robert Vanderwoude, qui agissait en votre nom au sujet de votre emploi. À cet égard, le Dr Vanderwoude a été informé par Joann [sic] Miller-Kurchaba, le 23 mai 2002 [sic], que Travaux publics et Services gouvernementaux aura besoin de plus de temps pour produire une vérification complète de vos contributions à verser aux régimes de pension de retraite, de prestations supplémentaires de décès et d'assurance-invalidité. Vous avez décidé de présenter votre grief avant d'avoir reçu les résultats de cette vérification. Comme vous demeurez au service de l'Agence et qu'il n'y a pas eu cessation d'emploi, vous n'êtes pas lésée et votre grief est considéré comme prématuré.

[199]    L'opinion de la Dre Rinke figure dans sa lettre datée du 11 avril 2002 (pièce 64) :

[Traduction]

J'ai commencé à travailler à Agriculture Canada/ACIA le 15 février 1988. À part mon congé de maternité et mon congé d'invalidité par suite d'une intervention chirurgicale à l'abdomen en mars 1996, tous mes autres congés ont été rendus nécessaires par des mesures prises à mon encontre et sont contestés. Pour cette raison, j'ai besoin : 1) d'un rapport détaillé et 2) de calculs détaillés de tous mes congés qui ne peuvent être pris en compte pour le calcul de mon indemnité de départ, et enfin 3) de ce que chaque période de congé va me coûter pour chacun de mes avantages sociaux, incluant les dates, le coût et le calcul pour la part de l'employé ainsi que le coût et le calcul pour celle de l'employeur.

Je tiens tout particulièrement à savoir quelles sont les dates du début et de la fin de chaque période en question et quelle partie des contributions à verser au régime de pension de retraite correspondent à (1) mon congé de maternité, (2) mon congé pour les soins et l'éducation d'une enfant d'âge préscolaire d'août 1991 à la fin de 1994, (3) mon congé d'invalidité de mars 1996 à l'automne de 1997, (4) ma période de congé d'invalidité/pour stress de décembre 1998 à novembre 1999, après que la haute direction de l'ACIA eut pris des mesures contre moi pour avoir empêché des actes cruels dans un abattoir de la Colombie-Britannique et (5) mon congé forcé en raison du renvoi de mon poste au bureau de Burnaby pour me contraindre à retourner dans une position insupportable à l'établissement BC02 (celui-là même où j'avais constaté ces problèmes de cruauté), ce qui a entraîné mon départ sous la contrainte de la Colombie-Britannique. Cette période a commencé le 17 mars 2000 et se poursuit encore aujourd'hui.

Après trois ans d'attente, le Comité de révision de la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique a récemment jugé que mon congé pour la période de décembre 1998 au 15 novembre 1999 [sic] était compensable, en critiquant les actions des gestionnaires et des spécialistes des programmes responsables de l'ACIA. Le Dr Vanderwoude et moi-même ne pouvions pas envisager de revenir à l'ACIA avant que cette décision ne soit rendue, puisqu'elle prouve que je ne pouvais pas retourner à l'établissement BC02 et montre clairement que l'ACIA était responsable de mon incapacité.

Durant la période du 17 mars 2000 au 2 janvier 2001, j'ai été contrainte à « brûler » mes crédits de congé annuel accumulés pour éviter d'être forcée de retourner à l'abattoir où les actes cruels avaient eu lieu. Quand j'ai épuisé mes congés, mon mari, le Dr Vanderwoude, et moi-même avons été forcés de quitter la Colombie-Britannique et de chercher un emploi ailleurs. J'aimerais avoir les calculs des contributions à verser au régime de pension de retraite pour cette période. [...]

[200]    L'ACIA a fait produire une vérification pour répondre aux questions de la Dre Rinke au sujet de ses options en ce qui concernait son indemnité de départ et sa pension de retraite. Les résultats de la vérification ont été communiqués à l'intéressée dans une lettre datée du 13 août 2002 (pièce 44) de la gestionnaire de la Rémunération de la Région de l'Ouest, Jo-Ann Miller-Kurchaba. Cette lettre était accompagnée du tableau suivant, où figurent les périodes comptant pour le calcul de l'indemnité de départ :

[Traduction]

PÉRIODESTATUTSTATUT POUR LES FINS DE L'INDEMNITÉ DE CESSATION D'EMPLOIPÉRIODE COMPTABLE POUR LE CALCUL DE L'INDEMNITÉ DE CESSATION D'EMPLOI
15 févr. 88-20 août 89En serviceComptable1 an 187 jours
21 août 89-18 févr. 90Congé de maternitéComptable182 jours
19 févr. 90-25 mars 90Soins et éducationNon comptable
26 mars 90-18 août 91En serviceComptable1 an 46 jours
19 août 91-3 janv. 95Soins et éducationNon comptable
4 janv. 95-26 mai 96En serviceComptable
27 mai 96-25 juin 97Maladie (congé non payé)Non comptable
26 juin 97-12 oct. 97En serviceComptable109 jours
13 oct. 97-20 oct. 97Maladie (congé non payé de moins de trois mois)Comptable8 jours
21 oct. 97-13 déc. 98En serviceComptable1 an 54 jours
14 déc. 98-14 nov. 99Maladie (congé non payé)Non comptable
15 nov. 99-20 août 2000En serviceComptable280 jours
21 août 2000-Réinstallation (congé non payé)Non comptable

[201]    Mme Miller-Kurchaba a créé le tableau et fait produire la vérification à partir de la fiche du dossier personnel de la Dre Rinke, où figurent toutes les données sur sa rémunération. Dans sa lettre, elle a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Quand j'ai lu cette lettre, j'ai constaté que je n'avais aucun contrôle sur une grande partie des éléments de cette histoire. Je ne pouvais pas changer l'histoire [...] On me demandait de changer des données historiques, et je n'avais pas de justification pour modifier les relevés de ces périodes. Malheureusement, je n'ai pas été capable d'aider l'intéressée.

[202]    Mme Miller-Kurchaba a expliqué le processus de double vérification qui a suivi : deux personnes ont vérifié les données séparément et indépendamment avant que le tableau ne soit communiqué à la Dre Rinke.

[203]    Mme Miller-Kurchaba a invoqué des clauses de la convention collective et témoigné que, si une clause ne précise pas expressément comment un congé non payé est calculé, c'est la clause C1.06a) de la convention collective qui s'applique. Cette clause se lit ainsi :

C1.06 Sauf indication contraire dans la présente convention :

a)lorsqu'un congé sans salaire de plus de trois (3) mois est accordé à un employé, la période totale de congé est déduite de « l'emploi continu » aux fins du calcul de l'indemnité de départ, et du « service » aux fins du calcul de congé annuel;
b)la période de ce congé sans salaire de plus de trois (3) mois n'est pas comptée aux fins de l'augmentation de l'échelon de rémunération.

[204]    Mme Miller-Kurchaba a témoigné qu'une décision de la CAT favorable à la demande de la personne intéressée n'a aucun effet sur le calcul du service aux fins de l'indemnité de départ. On peut avancer des congés de maladie aux fonctionnaires jusqu'à ce que la décision de la CAT soit rendue. S'il n'y a pas de décision, ou si la décision est défavorable, le fonctionnaire peut prendre un congé de maladie non payé. Par contre, si sa demande est accueillie, il est payé directement par la CAT. Mme Miller-Kurchaba a déjà administré le versement des prestations de la CAT pour le ministère de la Défense nationale. En l'absence de toute autre preuve du contraire, j'accepte sa conclusion qu'une décision favorable de la CAT n'a aucun effet sur le calcul de l'indemnité de départ de la fonctionnaire en cause.

[205]    La vérification a révélé que la Dre Rinke avait droit à une indemnité de départ de 10 285,70 $, mais aussi que, au 31 juillet 2000, elle avait des contributions à verser au régime de pension de retraite, pour l'indemnité de départ (1 255,60 $) ainsi qu'au régime d'assurance-invalidité (2 499,87 $). Il y avait une différence dans le calcul des contributions manquantes au régime de pension de retraite, selon qu'elle déciderait qu'on tienne compte de toute la période de congé non payée comme service ouvrant droit à pension (auquel cas ses contributions à verser auraient totalisé 30 891,73 $) ou qu'on tienne compte seulement des trois premiers mois de chaque période de congé non payé à cette fin (les contributions à verser se seraient alors élevées à 17 814,11 $). Si le fonctionnaire choisit de ne pas faire tenir compte des contributions à verser au régime de pension de retraite au-delà des trois premiers mois de chaque période de congé non payé, la période de congé non payé au-delà de ces trois mois n'ouvre pas droit à pension. La décision de ne pas faire tenir compte des contributions manquantes au régime de pension de retraite au-delà des trois premiers mois de congé non payé doit être prise avant la date du départ. Bien que l'ACIA lui ait écrit plusieurs fois à ce sujet, la Dre Rinke a négligé ou refusé d'exercer le choix qui lui était offert.

[206]    La Dre Rinke demande que je porte un nouveau jugement sur ses périodes de congé et sur leurs implications. En somme, elle me demande de réviser son dossier de congés et de substituer des périodes de congé payé à ses périodes de congé non payé, en raison du traitement que l'ACIA lui aurait fait subir. Elle a daté du 11 avril 2002 une lettre (pièce 64) dans laquelle elle expose sa contestation de la façon d'inscrire ses congés.

[207]    À mon sens, la seule preuve présentée à cet égard a été celle de Mme Miller-Kurchaba, démontrant qu'elle se prononçait sur les questions relatives à l'indemnité de départ et à la pension de retraite en se fondant sur les congés que la Dre Rinke avait demandés et que l'employeur avait autorisés et inscrits à son dossier à l'époque pertinente. Je suis convaincu qu'il n'est pas acceptable de « refaire » l'histoire des congés que la Dre Rinke avait demandés et que l'employeur lui a accordés.

[208]    L'agent négociateur n'a produit aucune preuve démontrant l'existence d'une erreur dans la façon de l'employeur d'inscrire les congés ou de calculer les sommes qui sont dues à la Dre Rinke (ou ses obligations de verser ses contributions impayées). Je ne suis pas disposé à contester ces calculs, puisque l'agent négociateur n'a démontré aucune erreur. Rien dans la preuve ne montre que la Dre Rinke ait subi une sanction pécuniaire de l'ACIA.

[209]    Je souligne que l'ACIA n'a pas accédé à la demande du Dr Vanderwoude ni à celle de la Dre Rinke de déduire de ce que celle-ci doit à l'Agence l'indemnité de départ due à son conjoint. Le Dr Vanderwoude avait le choix d'envoyer un chèque à l'ACIA pour rembourser partiellement les contributions manquantes de la Dre Rinke. On ne peut tirer aucune conclusion de mauvaise foi de l'ACIA de sa décision de conserver des dossiers des questions de rémunération distincts pour chacun des fonctionnaires ayant démissionné en cause.

[210]    Enfin, je précise qu'il y a un rapport dans mes conclusions en ce qui concerne les deux premiers griefs et le troisième. J'ai conclu premièrement que je n'ai pas compétence pour entendre les griefs parce qu'il s'agit essentiellement d'une question relative aux droits de la personne, pour laquelle un autre recours administratif existe en vertu d'une autre loi fédérale. Si la LCDP prévoit un recours dont les fonctionnaires s'estimant lésés peuvent se prévaloir, le Tribunal canadien des droits de la personne peut aussi décider si les périodes de congé ont été prises en raison des actions discriminatoires de l'employeur. Je n'ai tiré aucune conclusion sur de la discrimination parce que je n'ai pas compétence pour le faire. Subsidiairement, j'ai aussi conclu qu'il s'agit ici de démissions volontaires. Par conséquent, comme il est évident que la Dre Rinke n'a pas contesté les congés au moment où ils ont été inscrits à son dossier, son troisième grief peut aussi être rejeté parce qu'irrecevable. Je souligne incidemment que je ne suis pas convaincu que refaire l'histoire soit acceptable, et je ne suis pas convaincu non plus que l'agent négociateur ait prouvé l'existence d'une erreur quelconque dans la façon de l'employeur d'inscrire les congés au dossier.

[211]    Je rejette donc le grief de la Dre Rinke dans le dossier de la Commission no 166-32-32344, au sujet des congés dont elle s'est prévalue.

[212]    Je précise qu'il reste encore un grief déposé par la Dre Rinke, au sujet de l'incidence de la décision de la CAT sur son indemnité de départ. Je n'ai pas été saisi du texte de ce grief, qui ne m'a pas été soumis. Le Dr Vanderwoude est d'avis que la Dre Rinke aurait dû être considérée comme en congé d'accident du travail, et que le temps qu'elle a passé avec ce statut devrait être pris en compte pour le calcul de son indemnité de départ. Je laisse au commissaire nommé pour entendre ce grief-là la tâche de déterminer quelle partie du grief reste à trancher, compte tenu de mes conclusions dans cette décision-ci.

[213]    Pour toutes les raisons qui précèdent, je rejette les griefs déposés par la Dre Rinke et le Dr Vanderwoude.

Paul E. Love,
commissaire

CAMPBELL RIVER, le 28 septembre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.


1   Conformément à la politique de la Commission, afin de protéger la vie privée des tiers qui ne sont pas partie à la procédure, je n'ai pas précisé la nature de l'établissement où la Dre Rinke s'acquittait de ses fonctions de VM 02.

2   Ce sont les termes employés par le Dr Vanderwoude lorsqu'il a témoigné dans cette affaire là (dossier de la Commission no 166-2-22122, p. 12); il les a repris dans son témoignage devant moi.

3   Conformément à la politique de la Commission, pour protéger la vie privée de tiers n'étant pas partie à cette procédure, je n'ai pas donné le nom de l'établissement où la Dre Rinke exerçait ses fonctions de VM 02.

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