Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Pratique déloyale de travail - Demande fondée sur l'article 21 faisant état d'un manquement à l'article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Taux de rémunération - Gel législatif - Redressement - La requérante était l'agent négociateur de tous les employés de l'employeur faisant partie de l'unité de négociation du groupe Service extérieur (FS) - la clause 42.07 de la convention collective applicable précisait qu'un employé avait droit, lorsqu'il était promu, à une augmentation de 4 % de son taux de rémunération ou d'un montant supérieur qui avait pour effet de porter son traitement au taux de rémunération minimal du niveau supérieur - cette disposition a été incluse pour la première fois dans la convention collective en 1991 et a été renouvelée dans toutes les conventions collectives subséquentes pour le groupe FS - la clause 42.01, en revanche, prévoyait que " sous réserve des dispositions du présent article ", toute condition en vigueur régissant la rémunération était maintenue - donc, les dispositions relatives à la rémunération contenues dans la Politique sur les conditions d'emploi dans la fonction publique (PCEFP) ont été incorporées par renvoi dans la convention collective, dans la mesure où elles n'entraient pas en conflit avec une autre disposition de cette convention - la PCEFP prévoyait qu'au moment d'une promotion, un employé avait droit à une augmentation de 4 % du nouveau taux de rémunération maximal, ce qui représentait un montant plus élevé que celui prévu par la clause 42.07 - la PCEFP s'appliquait à tous les employés de la fonction publique fédérale au moment d'une promotion, à l'exception des employés du groupe FS - la requérante a donné avis de négocier à l'employeur le 3 avril 2001 - en septembre 2001, l'employeur a constaté qu'après le mois d'août 2000, les dispositions de la PCEFP, et non celles de la clause 42.07, avaient été appliquées à la plupart, mais pas à la totalité, des employés du groupe FS qui avaient été promus, ce qui avait entraîné un paiement de salaire en trop continu - l'employeur n'a pas immédiatement avisé la requérante et les employés concernés parce qu'il craignait qu'une telle nouvelle nuise aux négociations - le 22 mars 2002, l'employeur a avisé la requérante de l'erreur et de son intention de prendre des mesures pour recouvrer les paiements faits en trop aux employés en question - les employés ont été avisés de l'erreur les 17 et 18 avril 2002, et l'employeur a pris des mesures de recouvrement le 8 mai 2002 - suivant l'article 52 de la LRTFP, toute condition d'emploi applicable aux employés faisant partie de l'unité de négociation concernée au moment où l'avis de négocier est donné continue de lier les parties et ne peut être modifiée par l'employeur sans le consentement de l'agent négociateur jusqu'à ce que les parties en arrivent à une impasse à l'issue de négociations - la requérante a allégué que la pratique de l'employeur consistant à appliquer la PCEFP aux employés de l'unité de négociation au moment d'une promotion plutôt que les dispositions de la clause 42.07 était une condition d'emploi qui était en vigueur à la date à laquelle elle avait donné à l'employeur un avis de négocier - par conséquent, d'après la requérante, la décision de l'employeur de recouvrer les montants en question des employés portait atteinte à l'article 52 de la LRTFP - l'employeur, pour sa part, a fait valoir que l'erreur commise en appliquant les dispositions de la PCEFP plutôt que la clause 42.07 de la convention collective n'était pas une condition d'emploi au sens de l'article 52 de la LRTFP - la Commission a pris note du fait que les parties s'entendaient pour dire que le gel imposé par l'article 52 à l'employeur contraignait ce dernier à fonctionner comme d'habitude en ce qui concerne ses employés - la Commission a été incapable d'en arriver à la conclusion, sur le fondement de la preuve, qu'au moment où l'avis de négocier a été donné, l'employeur avait pour pratique de calculer la rémunération au moment de la promotion conformément à la PCEFP pour le groupe FS - il s'agissait plutôt d'une erreur de l'employeur qui, pendant une période limitée, a touché la majorité, mais pas la totalité des employés promus faisant partie du groupe FS - toutefois, la Commission a conclu que, en ne respectant pas sa propre politique concernant le recouvrement des montants dus à la Couronne, l'employeur avait enfreint l'article 52 de la LRTFP - conformément à cette politique, l'employeur avait l'obligation de prévenir les paiements en trop, alors qu'il a choisi d'attendre presque huit mois avant de prendre quelque mesure que ce soit - la Commission a conclu que la seule mesure de réparation qu'elle pouvait accorder à la requérante dans les circonstances était un jugement déclaratoire - un jugement déclaratoire a été rendu.La plainte a été accueillie dans la mesure indiquée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-01-28
  • Dossier:  148-2-376
  • Référence:  2003 CRTFP 4

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR
plaignante

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
défendeur

AFFAIRE:  Plainte fondée sur l'article 21 alléguant
                 une infraction de l'article 52 de la Loi sur les
                 relations de travail dans la fonction publique


Devant:   Evelyne Henry, présidente suppléante

Pour la demanderesse :  Ron Cochrane, directeur exécutif, Association                                       professionnelle des agents du service extérieur

Pour le défendeur :  Neil McGraw, avocat
                               Karl G. Chemsi, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 25 et 26 novembre 2002.


[1]       Dans cette affaire, l'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) a déposé une plainte fondée sur l'article 21 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant que l'employeur ne s'est pas conformé à l'article 52 de la LRTFP et qu'il a changé une des conditions d'emploi des agents du service extérieur, contrairement à ce que cet article interdit.

[2]       L'APASE maintient que, après qu'elle eut donné avis de négocier à l'égard de l'unité de négociation du groupe Service extérieur, l'employeur a changé une pratique de calcul du taux de rémunération au moment de la promotion ou d'une nomination intérimaire conformément à la Politique sur les conditions d'emploi dans la fonction publique (PCEFP). En septembre 2001, l'employeur a substitué une méthode moins favorable aux fonctionnaires de calcul de la rémunération au moment de la promotion fondée sur la clause 42.07 de la convention collective du groupe Service extérieur (FS) : Code 312/00. L'APASE s'est plainte aussi que l'employeur n'a informé les fonctionnaires affectés qu'ils avaient été surpayés qu'en avril 2002. Il a commencé à recouvrer les paiements en trop à raison de 10 p. 100 par chèque de paye et en ne réduisant ce pourcentage à 5 p. 100 que si le fonctionnaire pouvait démontrer que se faire retenir 10 p. 100 de sa rémunération lui causait des difficultés financières.

[3]       M. Ron Cochrane a témoigné pour la plaignante. Il a commencé à travailler pour l'APASE le 28 février 2001.

[4]       L'avis de négocier avec le groupe FS a été donné le 3 avril 2001. La seule méthode de règlement des différends dont les fonctionnaires membres de l'unité de négociation pouvaient se prévaloir était la conciliation avec droit de grève.

[5]       M. Cochrane a déclaré que, au moment où l'avis de négocier a été donné, le calcul des taux de rémunération au moment de la promotion ne posait pas de problème pour les parties. Il a déposé en preuve leurs quatre conventions collectives les plus récentes, à commencer par celle qui porte le Code 312/91 et dont la date d'expiration était le 30 avril 1993 (pièce B-1). C'était la première fois que cette disposition formulée de la façon suivante figurait dans la convention collective : « Lorsque le fonctionnaire est promu, il a droit à une augmentation de quatre pour cent (4 p. 100) de son taux de rémunération ou d'un montant supérieur qui porte son traitement au taux de rémunération minimal du niveau supérieur. »

[6]       Cette clause a été prorogée avec le nouveau numéro 42.10 dans la convention portant le Code 312/99, expirée le 30 juin 1999 (pièce B-2) et prorogée de nouveau comme clause 42.07 dans la convention portant le Code 312/00, expirée le 30 juin 2000 (pièce B-3). Dans la convention collective Code 312, expirant le 30 juin 2003 (pièce B-4), elle a été supprimée.

[7]       Les parties ont négocié en personne jusqu'au 17 août 2001; elles ont alors demandé conjointement la nomination d'un agent de conciliation. Elles ont rencontré cet agent les 2 et 3 octobre 2001; à ce moment-là, l'employeur n'a rien dit sur l'application de la clause 42.07, ni sur les fonctionnaires trop payés.

[8]       Le 31 octobre 2001, l'APASE a officiellement demandé l'établissement d'un bureau de conciliation, lequel a été retardé parce qu'il fallait d'abord résoudre la question de la désignation. Le 22 janvier 2002, le président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) a nommé le président et les autres membres du bureau de conciliation. La question des paiements en trop (ou de la clause 42.07) n'avait toujours pas été soulevée par l'employeur avec l'APASE. M. Cochrane a déclaré que l'employeur savait qu'il y avait un problème et qu'il avait décidé de prendre des mesures de recouvrement en raison de ce qu'il considérait comme des paiements en trop parce qu'il s'était fondé sur la PCEFP pour le calcul de la rémunération au moment de la promotion, plutôt que sur une application rigoureuse de la clause 42.07 de la convention collective.

[9]       L'APASE a été informée pour la première fois qu'une erreur aurait été commise lors d'une réunion convoquée le 22 mars 2002 par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), afin de l'informer de ce que le MAECI a qualifié d'erreur concernant l'application de la clause 42.07. Le MAECI n'avait pas appliqué cette clause qui prévoit une augmentation de 4 % du taux de rémunération d'un fonctionnaire lorsqu'il est promu ou nommé à titre intérimaire, en décidant d'appliquer plutôt la PCEFP, qui prévoit une augmentation de 4 p. 100 du nouveau taux de rémunération maximal.

[10]       Étaient présents à cette réunion du 22 mars 2002 Jean Bélanger, Johanne Hotte et Robert Daoust, pour l'employeur, ainsi que Jim Gould et M. Cochrane, pour l'APASE. Quand les représentants de l'agent négociateur lui ont demandé d'autres explications, l'employeur a déclaré que la règle de 4 % du nouveau taux de rémunération maximal était la norme utilisée pour tous les calculs en cas de promotion ou de nomination intérimaire. Elle s'applique à tous les fonctionnaires sauf ceux du groupe FS, pour qui la clause 42.07 s'applique, ainsi qu'aux fonctionnaires comme ceux de la catégorie EX pour lesquels l'augmentation est de 5 %.

[11]       L'employeur a déclaré à la réunion que l'erreur avait été constatée en septembre 2001 par un nouveau commis qui vérifiait l'application de la clause 42.07 de la convention collective. M. Cochrane a déclaré que l'employeur l'a informé à la réunion même que cette erreur de calcul se faisait depuis 1990 ou 1991.

[12]       Quand M. Cochrane a demandé au MAECI pourquoi il lui avait fallu aussi longtemps avant d'informer l'APASE de cette soi-disant erreur, il n'a obtenu aucune véritable explication. On lui a répondu que, lorsque le MAECI a découvert que le calcul aurait pu être mauvais, il avait dû faire enquête sur tous les cas de promotion et de nomination intérimaire à partir de 1990 ou 1991. Les représentants du MAECI ont confirmé que tous les calculs dans les cas de promotion et de nomination intérimaire étaient basés sur la règle des 4 % du taux de rémunération maximal et que tous les conseillers en rémunération (plutôt qu'un seul) avaient fait la même erreur. C'est pour cette raison qu'ils avaient dû demander au sous-ministre l'autorisation de recouvrer à même le traitement des intéressés les paiements en trop dans le contexte de toutes ces promotions.

[13]       Lorsque M. Cochrane a demandé aux représentants du MAECI pourquoi ils s'étaient adressés au sous-ministre avant d'avoir des consultations avec l'APASE, il s'est fait dire que ceux-ci ne pensaient pas qu'il était nécessaire d'en avoir. Quand il leur a demandé pourquoi la réunion avait été convoquée, il s'est fait répondre que c'était pour demander à l'APASE de souscrire aux mesures de recouvrement. L'APASE a refusé.

[14]       Le 22 mars 2002, même si l'erreur avait été découverte en septembre 2001, on n'avait pas encore informé les fonctionnaires et l'erreur n'avait pas non plus été corrigée dans les cas où elle persistait. Le MAECI a informé l'APASE que 68 fonctionnaires étaient affectés et qu'il fallait les prévenir des mesures de recouvrement. Il lui a fourni une liste (pièce E-2).

[15]       L'APASE a tenté de négocier une interprétation de la clause 42.07 qui aurait évité le recouvrement des paiements en trop. Le MAECI n'a jamais dévié de sa position qu'il avait l'obligation de recouvrer ces sommes, en rejetant toute proposition d'étaler le recouvrement sur une plus longue période ou d'appliquer une autre formule que la règle générale de 10 % du traitement (ou 5 % dans les cas où les intéressés auraient pu prouver que 10 % leur aurait fait éprouver de grosses difficultés financières).

[16]       Il y a eu ensuite un échange de correspondance entre MM. Cochrane et Bélanger, mais sans résultat. Quand elle a reçu la réponse finale négative du MAECI, l'APASE préparait sa position pour le bureau de conciliation. En toute hâte, elle a préparé pour la première fois une proposition sur la question de la clause 42.07 et l'a soumise à la page 21 de son mémoire (pièce B-5). Le bureau de conciliation a tenu des audiences les 14, 15 et 16 mai 2002. L'APASE a déposé sa plainte le 13 mai 2002.

[17]       À l'audience devant le bureau de conciliation, le Conseil du Trésor s'est énergiquement opposé à ce que celui-ci se prononce sur la question en déclarant qu'elle ne figurait pas dans son mandat. Bien que l'APASE ait déclaré n'avoir été informée du problème que le 22 mars 2002, après que son mandat lui eut été confié, le bureau de conciliation a refusé de se prononcer sur la question, à moins que ce mandat ne soit modifié par le président de la Commission.

[18]       Les mesures de recouvrement à même le traitement des fonctionnaires ont commencé le 8 mai 2002, quelque huit mois après que la soi-disant erreur eut été découverte. L'employeur a rejeté la demande de l'APASE qu'il ne prenne pas de mesures de recouvrement avant que les griefs déposés par les fonctionnaires affectés aient été entendus ou que la plainte en l'espèce ait été tranchée.

[19]       Le bureau de conciliation a déposé son rapport avec des recommandations muettes quant à la clause 42.07. Le Conseil du Trésor a rejeté les offres de l'APASE dont les membres ont été en grève pendant quatre semaines en juin et en juillet.

[20]       Au cours de la négociation d'après-grève, un des problèmes résolus a été celui de la clause 42.07, l'employeur ayant fini par concéder qu'elle devrait être retirée de la convention collective. La nouvelle convention collective a été ratifiée et signée le 13 août 2002 (pièce B-4).

[21]       Johanne Hotte est gestionnaire de la paye au MAECI depuis 1994. Elle travaille dans la fonction publique depuis une vingtaine d'années.

[22]       Un nouveau conseiller en rémunération est venu la voir, en sa qualité de chef de la Politique de rémunération, au sujet du calcul de la rémunération d'intérim et de la rémunération au moment de la promotion pour le groupe FS. Ce conseiller en rémunération se demandait s'il fallait appliquer la clause 42.07 ou la PCEFP; c'était en septembre 2001. Mme Hotte a conclu que, à partir de 1998, le calcul de la rémunération au moment de la promotion des agents du service extérieur (ASE) avait été basé sur la PCEFP plutôt que sur la clause 42.07 de leur convention collective.

[23]       Mme Hotte a porté cette découverte à l'attention de son directeur, Peter Callahan, ainsi que du directeur général des Finances, Claude Caron, qui lui ont demandé d'identifier tous les fonctionnaires affectés par cette erreur. Elle a produit une liste de ces fonctionnaires (pièce E-2) fondée sur les renseignements recueillis par ses conseillers en rémunération. C'est cette liste qui a fini par être remise à l'APASE.

[24]       Il y avait 62 personnes en fonctions sur la liste. On les a informées par écrit, les 17 et 18 avril 2002, des mesures de recouvrement qui allaient commencer le 8 mai 2002.

[25]       Mme Hotte a souligné que la majorité des erreurs de calcul s'étaient produites en août et en décembre 2000, en expliquant que c'était attribuable au fait que la convention collective des FS signée le 31 août 2000 prévoyait pour la première fois une rémunération d'intérim quand des agents du service extérieur étaient affectés à un poste de niveau supérieur. Elle a déclaré avoir constaté que l'erreur avait été commise pour la première fois en 1998.

[26]       La témoin a dit que tous les 62 fonctionnaires de la liste avaient remboursé à l'employeur les paiements en trop qu'ils avaient touchés, mais que l'employeur faisait de nouvelles recherches dans ses paiements d'heures supplémentaires et de congés pour vérifier si certains avaient été faits au mauvais taux. Dans ces cas-là, il faut s'attendre à ce qu'il prenne d'autres mesures de recouvrement. Le MAECI faisait aussi des recherches dans les dossiers de ses fonctionnaires à la retraite et de ses anciens fonctionnaires pour vérifier s'il y avait eu d'autres cas de paiements en trop. Cette recherche n'était pas terminée, et l'employeur n'avait pas encore décidé s'il allait recouvrer ou pas les paiements en trop dans ces cas-là.

[27]       Les recherches dans les dossiers de la paye ont remonté jusqu'en 1991. Mme Hotte a déclaré qu'il n'y avait pas eu de paiements en trop pour les promotions qui avaient eu lieu entre 1991 et 1998; les calculs avaient été faits conformément à la convention collective, soit au taux de rémunération minimal du niveau supérieur, soit avec une augmentation de 4 % du taux de rémunération des intéressés.

[28]       En contre-interrogatoire, Mme Hotte a été incapable de se rappeler tout ce qui avait été dit à la réunion du 22 mars 2002. Elle se rappelait que la liste qu'elle avait présentée (pièce E-2) avait nécessité la vérification de chaque compte, en remontant jusqu'en 1991. Elle a été incapable de préciser le nombre de promotions entre 1991 et 1998. Elle a témoigné qu'il y en avait eu, mais qu'elles ne les avait pas comptées. Elle cherchait les paiements en trop. Elle n'a constaté aucune erreur dans les comptes actifs entre 1991 et 1998.

[29]       Mme Hotte a déclaré que la méthode de calcul de la rémunération d'intérim avait changé en 1998. La recherche n'avait révélé que deux cas de paiements en trop pour l'année 1998; ils figurent sur la liste (pièce E-2), qui a été préparée à partir des dossiers des fonctionnaires encore actifs au début d'octobre 2001. La pièce E-2 englobe la majorité des cas de rémunération d'intérim et de promotion entre 1998 et 2001.

[30]       Le témoignage de Mme Hotte a été interrompu pour lui donner le temps de réexaminer les dossiers de la paye, afin de voir s'il y avait eu des cas de promotion ou de rémunération d'intérim entre 1991 et 1998 et de déterminer comment le calcul de la rémunération avait été fait dans ces cas-là.

[31]       Quand elle a recommemncé à témoigner, Mme Hotte a produit une nouvelle liste de fonctionnaires ayant fait l'objet de mesures de recouvrement des paiements en trop (pièce E-5). Cette liste contenait les renseignements figurant dans la pièce E-2 ainsi que la classification des intéressés, la classification du poste de niveau supérieur auquel ils avaient été promus (ou qu'ils avaient occupé par intérim) ainsi que le numéro et le niveau de ces postes.

[32]        Tous les fonctionnaires qui figuraient sur la liste étaient des FS-01 qui avaient occupé par intérim des postes de FS-02 ou qui avaient été promus à des postes de ce niveau. Mme Hotte et ses subordonnés avaient étudié les dossiers des fonctionnaires actifs entre 1991 et 2001; ils avaient conclu que seuls ceux qui figuraient sur la liste de la pièce E-5 avaient reçu des paiements en trop.

[33]       Mme Hotte a constaté que bon nombre de fonctionnaires avaient été promus après 1991, puisque 294 avaient été payés correctement au moment de leur promotion ou du début de leur affectation par intérim. Elle en a établi une liste (pièce E-6). À la dernière page de cette liste, elle a ajouté un tableau du nombre de promotions ou de nominations par intérim par année, avec une ventilation montrant dans combien de cas les intéressés avaient obtenu une augmentation de 4 % de leur taux de rémunération antérieur et combien avaient touché le taux de rémunération minimal du niveau supérieur. Ce tableau n'était toutefois pas fiable puisqu'il ne correspondait manifestement pas à la liste qui le précédait.

[34]       Mme Hotte a déposé trois échantillons de dossiers de paye individuels (pièces E-7, E-8 et E-9) pour montrer comment elle avait établi la pièce E-6.

[35]       Mme Hotte n'a trouvé aucun cas à un fonctionnaire avait touché des paiements en trop avant 1998. En 1998, il y a eu 115 promotions; la grande majorité des fonctionnaires (82) ont touché le taux de rémunération minimal du niveau supérieur, tandis que les 33 autres ont obtenu une augmentation de 4 % de leur taux de rémunération. Un seul fonctionnaire a touché des paiements en trop en 1998, dans un cas de calcul de la rémunération d'intérim.

[36]       En 1999, il y a eu 15 fonctionnaires promus FS-02 ou ayant touché une rémunération d'intérim à ce niveau, et neuf d'entre eux ont obtenu le taux de rémunération minimal du niveau supérieur, tandis que trois autres ont obtenu une augmentation de 4 % de leur taux de rémunération et que les trois derniers ont touché des paiements en trop, avec une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur.

[37]       En 2000, on peut voir à la pièce E-6 que dix fonctionnaires promus ou touchant une rémunération d'intérim ont été rémunérés correctement, puisque six ont obtenu le taux de rémunération minimal du niveau supérieur, les quatre autres recevant une augmentation de 4 % de leur taux de rémunération. Par contre, 55 fonctionnaires ont reçu des paiements en trop d'après la pièce E-5.

[38]       En 2001, le relevé des promotions a été reçu après qu'on eut découvert l'erreur de calcul, en septembre, même si les promotions avaient eu lieu en janvier ou février; un seul fonctionnaire avait touché des paiements en trop.

[39]       En contre-interrogatoire, Mme Hotte a confirmé que trois des clauses de la convention collective des FS portent sur le calcul de la rémunération : ce sont la clause 42.01, qui renvoie à la PCEFP, et les clauses 42.02 et 42.07. La PCEFP s'applique quand la convention collective ne dit mot sur le calcul de la paye dans une situation donnée.

[40]       Mme Hotte a admis que les promotions qui avaient eu lieu en 2001 avaient probablement été calculées en 2002, puisqu'on les connaît habituellement après leur date d'effet. Elle ne savait pas à quelle date les listes de promotion étaient reçues à la section de la paye, mais elle est certaine que, en 2001, c'était après le mois de septembre.

[41]       Jean Bélanger est le directeur général de la Politique des opérations des Ressources humaines du MAECI depuis le 14 août 2000. Il travaille dans la fonction publique fédérale depuis décembre 1975 et c'est lui qui est responsable des relations de travail au MAECI.

[42]       En septembre 2001, lors d'une réunion avec le directeur des Finances, le chef des Opérations de la paye et un conseiller en rémunération, M. Bélanger a été informé qu'on avait découvert un cas de paiement en trop. Sa première réaction a consisté à s'assurer qu'il y avait bel et bien eu une erreur de calcul et un paiement en trop, après quoi il a communiqué avec son collègue le directeur général des Finances, Claude Caron, pour lui demander ce que la Loi sur la gestion financière (LGFP) prévoit quant au recouvrement en pareil cas.

[43]       Ensuite, M. Bélanger a demandé à l'agent des relations de travail Robert Daoust de se renseigner auprès de ses contacts au Conseil du Trésor pour savoir quelle était leur position dans une telle situation.

[44]       Après environ une semaine, M. Bélanger avait obtenu d'autres renseignements sur les situations de paiement en trop et il avait conclu que le MAECI n'avait pas le choix : il lui fallait recouvrer les sommes payées en trop. Les contacts de Robert Daoust au Conseil du trésor avaient confirmé son interprétation de la loi et de la situation.

[45]       Vers la fin d'octobre ou au début de novembre, tout indiquait que le MAECI devait recouvrer les paiements en trop, il n'avait pas le choix. S'il avait une certaine marge de manouvre quant à la période sur laquelle le recouvrement devait se faire, il n'en avait aucune quant au recouvrement lui-même. Normalement, une situation comme celle-là n'affecte qu'une ou deux personnes; il est inhabituel que tant de gens soient touchés.

[46]       M. Bélanger a déposé en preuve la pièce E-4, qui est le chapitre 7, intitulé « Recouvrement des montants dus à la Couronne » du Guide de l'administration de la paye du Manuel du Conseil du Trésor. Il a aussi lu un extrait de l'article 155 de la LGFP pour démontrer que le MAECI n'avait d'autre choix que de prendre des mesures de recouvrement.

[47]       Le témoin a déclaré que les représentants de l'agent négociateur avaient été informés le 22 mars 2002 de l'intention du MAECI de prendre des mesures de recouvrement. Les fonctionnaires s'en sont fait aviser le mois suivant (le 17 avril 2002).

[48]       Le recouvrement devait être prélevé à même les chèques de paye des fonctionnaires à raison de 10 % de leur traitement jusqu'à ce que tous les paiements en trop aient été recouvrés. Les intéressés pouvaient demander que les sommes retenues soient réduites si cela leur causait de grosses difficultés. Les paiements en trop à recouvrer variaient d'une trentaine à des milliers de dollars. Deux fonctionnaires seulement ont demandé que le taux de remboursement soit réduit.

[49]       M. Bélanger a expliqué qu'on avait tardé à informer l'agent négociateur pour deux raisons : il avait fallu consacrer un mois ou deux à la recherche dans les dossiers de la paye, à la vérification des interprétations et à l'obtention de la confirmation nécessaire. Une fois cela fait, on avait dû penser au choix du moment pour informer l'APASE de la situation. Le Conseil du Trésor et l'APASE négociaient le renouvellement de la convention collective des FS, de sorte que le MAECI a cru qu'il serait préférable d'attendre dans l'espoir qu'une entente serait conclue avant la fin de l'année. Il a décidé de ne pas informer l'APASE que 62 fonctionnaires avaient reçu des paiements en trop par erreur, afin d'éviter d'envenimer les négociations.

[50]       En novembre 2001, le MAECI a appris qu'on allait former un bureau de conciliation qui se réunirait dès le mois de janvier 2002. Il a décidé alors d'attendre les résultats de la procédure de conciliation. Au début de la nouvelle année, il est devenu évident que l'attente allait être plus longue que prévu. On continuait à payer en trop des fonctionnaires en service, et les sommes à recouvrer augmentaient. En mars 2002, le MAECI a décidé qu'il ne pouvait plus attendre que la procédure de conciliation se termine, et c'est ainsi que, le 22 mars 2002, il a informé l'APASE de la situation. Les fonctionnaires affectés en ont été informés par écrit le mois suivant, en avril.

[51]       M. Bélanger a expliqué que le MAECI croyait que cette erreur allait nuire aux négociations et que l'employeur voulait éviter que cela ne se produise. Le MAECI était convaincu que le recouvrement des paiements en trop n'était pas négociable et il voulait éviter que la question n'envenime les négociations. En mars, la procédure de conciliation n'était pas encore terminée. En avril, le MAECI a été informé que les dates d'audience devant le bureau de conciliation avaient été fixées aux 14, 15 et 17 mai 2002. Le bureau de conciliation a déposé son rapport le 12 juin 2002, et la convention collective a été signée le 13 août 2002.

[52]       La clause 42.07 ne figure pas dans la nouvelle convention collective des FS; c'est désormais la PCEFP qui régit le calcul de la rémunération au moment d'une promotion.

[53]       En contre-interrogatoire, M. Bélanger a confirmé que le MAECI n'a pris aucune mesure pour réduire au minimum ses paiements en trop lorsqu'il a découvert ce qu'il croyait être une erreur dans le calcul de la rémunération. (Il est intervenu pour prévenir de nouveaux paiements en trop, mais n'a rien fait pour mettre fin à ceux qu'il faisait déjà.) Le témoin a déclaré que, le 1er avril 2001, le MAECI appliquait la clause 42.07 de la convention collective des FS, sauf dans le cas des erreurs qui avaient déjà été commises.

[54]       M. Bélanger a expliqué que le MAECI supprime graduellement les postes du niveau FS-01, l'ancien niveau de travail. Un nouveau Programme de perfectionnement du service extérieur (PPSE) a été lancé en 1998. Les stagiaires participant à ce programme et les FS-01 ont la même échelle de rémunération. De plus, le niveau FS-01 ne correspond plus qu'à l'échelon maximal de l'échelle du PPSE, qui comprend plusieurs échelons de traitement. Le niveau FS-02 a lui aussi plusieurs échelons; il s'agit là d'un nouvel élément dans la convention collective.

[55]       Le nombre des FS-01 diminue avec chaque promotion; le niveau va finir par disparaître et les stagiaires du PPSE seront promus automatiquement au niveau FS-02 après cinq ans de rendement satisfaisant.

[56]       M. Bélanger a confirmé que Mmes Johanne Hotte et Julie Gauthier ainsi que Peter Callahan sont les personnes qui l'ont informé des paiements en trop. Il a expliqué que les services de rémunération font partie du Bureau des finances, de la planification et des systèmes du MAECI, et non du Bureau de la politique et des opérations des Ressources humaines.

[57]       Le témoin a déclaré que, le 22 mars 2002, la recherche était terminée dans les dossiers des fonctionnaires actifs pour trouver les paiements en trop, mais qu'elle se poursuivait encore dans ceux des fonctionnaires à la retraite ou partis. On avait aussi conclu que l'erreur de calcul sur la rémunération aurait pu avoir une incidence sur la rémunération des heures supplémentaires et sur les congés payés, de sorte qu'il faudrait peut-être avoir recours à d'autres mesures de recouvrement.

[58]       M. Bélanger a répété les raisons pour lesquelles le MAECI n'avait pas informé plus rapidement l'APASE ni les fonctionnaires. Il ne voulait pas soulever quoi que ce soit qui risque de perturber l'atmosphère des négociations. M. Bélanger demeure convaincu que ce qu'on a fait était approprié (« le bon geste »). Si un seul fonctionnaire avait été affecté, le MAECI n'aurait pas retardé le recouvrement, mais avec 62 personnes, il risquait d'y avoir des répercussions.

[59]       Le témoin a déclaré qu'il ne connaît pas les principes de l'inertie. Il était convaincu que le MAECI agissait de bonne foi et faisait ce qu'il fallait.

[60]       M. Bélanger a confirmé que le MAECI a rejeté la demande de l'APASE d'attendre le règlement des griefs ou le résultat de la présente plainte avant de prendre des mesures de recouvrement. Il a aussi confirmé que le MAECI a rejeté la demande de l'APASE d'étaler le recouvrement sur une période comparable à celle sur laquelle les paiements en trop s'étaient accumulés.

[61]       M. Bélanger a déclaré que les fonctionnaires qui souhaitaient obtenir une réduction du taux de recouvrement (le ramenant de 10 % à 5 %) pouvaient le faire en présentant une demande à un Comité. Il a souligné que le recouvrement des montants dus à la Couronne n'est pas négociable, comme la pièce E-4 le prouve.

[62]       Le témoin a confirmé que l'APASE a présenté une demande de création d'un bureau de conciliation le 3 novembre 2001 et qu'elle ne pouvait pas savoir alors quel était le problème créé par la clause 42.07. Il a eu une rencontre avec M. Cochrane à l'époque sans lui donner de renseignements là-dessus. Il a confirmé que, lorsque l'APASE a été informée du problème, elle l'a soulevé devant le bureau de conciliation.

[63]       Le MAECI est le principal employeur des agents du service extérieur. M. Bélanger n'est pas au courant d'une plainte de l'APASE lui reprochant d'avoir négocié de mauvaise foi.

Arguments pour l'agent négociateur

[64]       En l'espèce, la plaignante allègue que l'employeur n'a pas respecté l'interdiction prévue par l'article 52 de la LRTFP au cours des négociations. L'APASE invoque à cet égard la décision Alliance de la Fonction publique du Canada et Commission de la capitale nationale [1995] C.R.T.F.P.C. no 101, dossiers de la Commission 148-29-218 et 161-29-761, qui fait jurisprudence quant à l'application de l'article 52.

[65]       En se reportant aux pages 30, 31 et 32 de la décision, l'agent négociateur fait valoir que cette affaire établit le principe du maintien des activités normales en période de négociation. Elle pose aussi le principe que la Commission se fonde sur les activités normales de l'employeur, telles qu'établies dans la preuve, pour déterminer si les changements dont on se plaint font partie de ces pratiques normales. L'APASE est d'avis que la décision a été confirmée par la Cour fédérale ([1996] A.C.F. no 57 DRS 96-14988.

[66]       L'APASE déclare que le gel imposé par la LRTFP ne concerne pas seulement le libellé de la convention collective, mais aussi les ententes officieuses et les attentes normales des fonctionnaires au sujet de la façon de l'employeur de les appliquer. Selon elle, le critère à retenir n'est pas aussi rigoureux que celui qui s'impose lorsqu'on invoque la préclusion : il suffit simplement de connaître les pratiques de l'employeur au moment où l'avis de négocier a été donné.

[67]       La preuve démontre que l'employeur se conduisait d'une certaine façon, et la Commission peut décider comment il calculait la rémunération au moment de la promotion et des nominations intérimaires. Comme c'est ce comportement qui était gelé par l'article 52, sans le consentement exprès de l'agent négociateur, il aurait dû se poursuivre pendant toute la durée de la convention collective ou, en l'occurrence, jusqu'au 19 juin 2002, quand l'APASE a été en mesure de faire une grève légale.

[68]       Quand l'avis de négocier a été donné, le 3 avril 2001, la convention collective qui allait être renégociée était celle qui venait à expiration le 30 juin 2001 (pièce B-3). Elle couvrait la période du 1er juin 1999 au 30 juin 2001 et avait été signée le 31 août 2000. L'agent négociateur soutient que ce que la Commission doit évaluer, c'est le comportement de l'employeur entre le 31 août 2000 et la date à laquelle l'avis de négocier a été signifié, le 3 avril 2001, pour déterminer comment il appliquait la convention collective au calcul du taux de rémunération lorsqu'un fonctionnaire était promu.

[69]       La preuve révèle que, en 2000, ce taux a été calculé conformément à l'interprétation que l'employeur donne de la clause 42.07 dans six cas et qu'il a été calculé dans 21 autres cas conformément à une autre disposition de la convention collective, la clause 42.01, qui renvoie à la PCEFP. En 2000, l'employeur a calculé le taux de rémunération dans des cas de rémunération d'intérim en se fondant 4 fois sur la clause 42.07; dans 51 autres cas analogues, il l'a calculé conformément à la clause 42.01.

[70]       Pendant toute la durée de la convention collective, jusqu'à ce que l'avis de négocier soit donné, l'employeur a calculé le taux de rémunération 10 fois en se fondant sur la clause 42.07 et 72 fois en fonction de la clause 42.01. Les promotions qui ont eu lieu en 2001 auraient normalement été accordées après la date à laquelle l'employeur a conclu qu'il avait fait une erreur de calcul des taux de rémunération et décidé de se fonder exclusivement sur la clause 42.07.

[71]       L'APASE est d'avis que la preuve montre clairement que le comportement de l'employeur en ce qui concerne le calcul du taux de rémunération au moment de la promotion ou d'une nomination intérimaire tendait fortement à pencher pour la règle de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur plutôt que 4 % du taux de rémunération du fonctionnaire promu ou nommé par intérim. Ce comportement prévalait quand l'avis de négocier a été donné, et il était gelé par l'article 52.

[72]       Subsidiairement, l'APASE maintient que le gel du comportement de l'employeur prévu par l'article 52 englobe son application de la convention collective. Une analyse ciblée de la preuve révèle que l'employeur a décidé de changer sa façon de fonctionner en septembre 2001 et que, plutôt que d'informer l'agent négociateur de son intention, il a décidé de lui cacher ce changement de comportement en attendant qu'une nouvelle convention collective soit conclue. L'employeur a décidé de ne pas informer de sa décision non seulement l'agent négociateur, mais aussi les fonctionnaires affectés.

[73]       La stratégie de l'employeur - attendre jusqu'à ce que la convention collective soit signée - allait empêcher l'agent négociateur de négocier un changement de la convention collective qui aurait régularisé la pratique de rémunérer les fonctionnaires promus ou nommés par intérim en leur accordant une augmentation équivalant à 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur plutôt que 4 % de leur taux de rémunération antérieur.

[74]       Le deuxième effet de cette stratégie consistant à attendre huit mois de plus pour informer les fonctionnaires des paiements en trop, ainsi qu'à ne pas négocier les montants recouvrés, a fait que les fonctionnaires affectés doivent rembourser une somme équivalant à huit mois de plus de cette soi-disant erreur de l'employeur.

[75]       La preuve montre en outre que l'employeur a décidé d'avouer ce qui se passait à l'agent négociateur après que le président de la Commission eut établi un bureau de conciliation et lui eut donné un mandat. Cela renforce la conviction de l'APASE que l'employeur tentait de l'empêcher de s'efforcer d'obtenir une modification de la clause sur laquelle il avait décidé de se fonder en septembre 2001.

[76]       Globalement, l'article 52 est censé établir des règles afin d'équilibrer la situation pour qu'il n'y ait pas de surprises au cours des négociations. Il y a suffisamment de problèmes et la relation est déjà assez stressante pendant ce processus. Il serait injuste pour les deux parties de changer leur façon de fonctionner pendant les négociations, parce que c'est essentiel pour l'élément très important de cette relation qu'est la confiance mutuelle. L'APASE est convaincue que l'employeur voulait manifestement que le libellé de la clause 42.07 ne soit pas modifié jusqu'à la ronde de négociations suivante.

[77]       La Commission doit interpréter l'article 52 au sens le plus large, en tenant compte du comportement de l'employeur qui consistait à calculer l'augmentation au moment d'une promotion et d'une nomination intérimaire à raison de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur, dans un très grand nombre de cas, pendant la durée de la convention collective précédente.

[78]       Subsidiairement aussi, l'agent négociateur invoque l'inertie ou la préclusion pour l'application de la convention collective. Il est désormais évident que l'employeur compte recouvrer les paiements en trop non seulement à titre de salaire, mais aussi des heures supplémentaires et des congés. Il faut bien qu'on arrive à un point où la longueur de la période durant laquelle l'employeur a décidé de son propre chef de ne pas prendre des mesures de recouvrement justifie qu'on invoque l'inertie parce qu'il s'est assis sur ses droits. Sa décision de revenir en arrière et d'envisager d'autres mesures de recouvrement ne fait qu'empirer la situation des fonctionnaires affectés.

[79]       L'agent négociateur évoque aussi subsidiairement le principe de préclusion équitable, en déclarant que ce qui était gelé par l'article 52, c'était la pratique de l'employeur. Il cite la décision rendue dan l'affaire Canadian National Railway Co. et al and Beatty et al, 128 D.L.R. (3d) 236 - l'affaire du CN - pour démontrer qu'il n'est pas nécessaire qu'une pratique s'applique à tous les employés pour exister. Dans l'affaire du CN, la compagnie avait pour pratique de faire un paiement à 664 employés, mais pas à 415 autres. L'arbitre a jugé que le principe de préclusion s'appliquait. La Cour a analysé la doctrine de préclusion équitable dans le contexte de la révision judiciaire et elle a maintenu la décision de l'arbitre. L'agent négociateur a lu des extraits des pages 240, 241 et 242 et cité plus précisément les extraits suivants des pages 243, 244 et 245 :

[Traduction]

[...] Il est vrai qu'une convention collective tout comme un contrat devrait être interprétée sans qu'on se reporte à des éléments extrinsèques si elle est claire d'emblée. Ce que l'arbitre a fait ici, toutefois, ne consiste pas à interpréter la convention collective mais à aboutir à une conclusion quant à l'application qu'elle devrait avoir et à accorder un redressement en conséquence.

[...] Par son comportement, en payant régulièrement de nombreuses classifications d'employés dès le premier jour de maladie en dépit d'une clause prévoyant une période de carence, la compagnie a donné au syndicat une assurance dans le but d'influer sur leurs relations légales. Le syndicat a pris la compagnie au mot quand il a décidé de ne pas demander de changement en bonne et due forme de la convention. La compagnie ne devrait pas être autorisée maintenant à revenir aux relations antérieures comme si elle n'avait pas donné une telle assurance.

[...] Nous pensons que l'arbitre avait le pouvoir d'appliquer la doctrine de préclusion. On n'a démontré aucune erreur de compétence et la demande de cassation devrait être rejetée avec les frais. [...]

[...]

Je ne connais aucun arrêt de la Cour d'appel qui interdise à un arbitre d'appliquer la doctrine de préclusion en se fondant sur le comportement passé. Comme je l'ai déjà dit, c'est le cas en l'espèce. Le fait que le syndicat s'est fondé sur la pratique de longue date de la compagnie et que celle-ci n'a pas laissé prévoir ni demandé un changement de cette pratique a incité le syndicat à ne pas faire de revendication quant à son maintien ou à sa modification, ce qui a joué à son détriment. Cela justifie que la doctrine soit invoquée.

[80]       L'APASE maintient que ce qui est arrivé en l'occurrence va au-delà de ce qui s'était produit dans l'affaire du CN, puisque l'employeur était disposé à cacher cette soi-disant erreur jusqu'à ce que la convention collective soit signée.

[81]       L'agent négociateur a ensuite cité un rapport sommaire CLV (no LV13276) daté du 1er avril 2002, concernant l'affaire Owens Corning Canada and Union of Needletrades, Industrial and Textile Employees, Local 1305. Dans la présente affaire, non seulement l'agent négociateur, mais même les fonctionnaires étaient convaincus que les calculs du taux de rémunération étaient corrects jusqu'à ce que l'employeur décide de changer sa pratique et de se fonder exclusivement sur une interprétation stricte de la clause 42.07, en cessant d'appliquer la clause 42.01.

[82]       L'APASE a déposé ensuite une décision non rapportée d'un conseil d'arbitrage de différends présidé par Jane H. Devlin, dossier MPA/Y200472, dans l'affaire Rouge Valley Health System and Ontario Public Service Employees Union. Dans cette affaire de grief, l'employeur avait invoqué la préclusion. Il avait contrevenu à la convention collective en organisant une petite visite guidée dans un secteur de l'hôpital. Le syndicat n'avait pas présenté de grief pour contester la décision de l'employeur; la préclusion l'a ensuite empêché de le faire quand ce dernier a eu recours à la même pratique dans d'autres secteurs de l'hôpital, et ce jusqu'à ce qu'il ait eu la possibilité de négocier un changement de la convention collective.

[83]       Pour conclure, l'APASE a déclaré que la Commission n'a pas besoin d'aller aussi loin que la préclusion pour décider ce qu'englobent les dispositions de gel de l'article 52.

[84]       Subsidiairement, l'APASE maintient que ce qui est gelé, c'est l'application de la clause 42.07, en vertu d'un principe de préclusion. Le fait est qu'il y avait ici, en 2000, un comportement qui montre bien que l'employeur ne se fondait pas strictement sur la clause 42.07, mais plutôt sur la clause 42.01, dans la majorité des cas. La preuve montre que l'employeur tendait davantage à accorder une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur qu'à se fonder sur la méthode de calcul qu'il dit correcte, celle de la clause 42.07, ce qui constitue une plus grosse anomalie, une anomalie comparable à la pratique dans l'affaire du CN.

[85]       L'APASE se fonde sur cette application de la clause puisqu'elle n'a pas été informée du changement avant qu'il ne soit trop tard pour qu'elle en propose un elle-même, à son détriment. Dans les deux scénarios, le comportement de l'employeur, qui lui a caché quelque chose, ajoute beaucoup de poids aux arguments de l'agent négociateur.

Arguments pour l'employeur

[86]       L'argument fondamental de l'employeur dans cette affaire de plainte à la Commission consiste à dire que la correction d'une erreur ne constitue pas un changement des conditions d'emploi.

[87]       Selon l'employeur, il ne s'agit pas en l'occurrence d'une situation où l'interprétation de la convention collective entrait en jeu. Le libellé de la convention collective est très clair. Même si sa clause 42.01 renvoie à la PCEFP, il est important de souligner qu'elle commence par « Sous réserve des dispositions du présent article ».

[88]       Pour les 62 fonctionnaires qui ont touché des paiements en trop, ce n'est pas la clause 42.01 qui s'appliquait, parce qu'elle précise clairement que toutes les dispositions de l'article 42 s'appliquent avant la PCEFP. De toute évidence, la clause 42.07 s'appliquait : aucune autre interprétation n'est possible. Lorsque le fonctionnaire est promu, il touche une augmentation de 4 % de son taux de rémunération ou le taux de rémunération minimal du niveau supérieur. Il n'y a pas d'interprétation possible qui signifierait qu'il touche une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau FS-02.

[89]       Au fond, il ne s'agit ni d'un changement, ni d'une modification des conditions d'emploi, mais simplement d'une erreur de bonne foi dans l'application de la convention collective. Il n'est pas question dans la convention collective d'une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur. Quand il parle d'une soi-disant erreur, l'agent négociateur n'avance aucun fait tangible pour démontrer qu'il s'agissait de quoi que ce soit d'autre que d'une erreur.

[90]       En ce qui concerne la décision dans l'affaire de la Commission de la capitale nationale, précitée, le comportement de l'employeur n'est pas en cause. Ce qui est clairement déclaré dans cette décision, c'est que le principe qui s'applique est que l'on continue à fonctionner comme d'habitude. L'employeur est capable de continuer à gérer ses activités. Les droits de l'employeur continuent d'exister tout comme ceux des fonctionnaires.

[91]       La preuve a clairement montré que l'employeur continue d'avoir le droit de recouvrer les paiements en trop à titre de salaire. Le seul témoignage entendu en deux jours quant à la façon de calculer la rémunération a été celui de Johanne Hotte, qui a déclaré que la bonne façon de faire le calcul est précisée dans la convention collective. Quand on fait le calcul de cette façon, on constate que les 62 fonctionnaires en question ont touché des paiements en trop par erreur. Le gel prévu par la LRTFP n'empêche pas l'employeur de recouvrer ces montants. Ce qu'il faut déterminer, au fond, c'est si cela constitue un changement.

[92]       La Commission a rendu plusieurs décisions à ce sujet. L'employeur a invoqué Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor [1982] C.R.T.F.P.C. no 68 (dossier de la Commission 148-2-75) en citant le paragraphe 15, à la dernière page. Si l'employeur a le droit de recouvrer les paiements en trop avant que l'avis de négocier ne soit donné, il continue d'avoir le droit de les recouvrer après l'avoir donné.

[93]       L'employeur a aussi invoqué la dernière page de la décision rendue dans Syndicat des travailleurs unis de l'alimentation et du commerrce, section locale 1973 et Personnel des fonds non publics des Forces canadiennes [1986] C.R.T.F.P.C. no 95 (dossier de la Commission 148-18-114). Il n'a absolument pas laissé entendre, par action ou par omission, qu'il allait fixer l'augmentation en cas de promotion ou de nomination intérimaire à 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur.

[94]       L'employeur s'est aussi reporté à la page 9 de la décision rendue dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Conseil du Trésor [1991] C.R.T.F.P.C. no 23 (dossier de la Commission 148-2-185). Il est clair que l'employeur a laissé aller la question des paiements en trop en ce qui concerne les fonctionnaires inactifs ainsi que les heures supplémentaires et les congés annuels, mais il a manifesté son intention de recouvrer ces montants. Avec cette déclaration d'intention, il n'a jamais renoncé au droit de recouvrer les paiements en trop. Il n'a jamais déclaré que les calculs seraient différents, ni qu'il ne recouvrerait pas les paiements en trop.

[95]       Le pouvoir de recouvrer les paiements en trop dont l'employeur est investi en vertu du paragraphe 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques est un élément important. Ce paragraphe porte sur les paiements en trop à titre de salaire. Il n'y a aucune limite de temps, et rien ne limite non plus jusqu'où l'employeur peut remonter en arrière pour vérifier les calculs. L'employeur n'a jamais laissé entendre qu'il ne se prévaudrait pas de son pouvoir discrétionnaire de recouvrer les paiements en trop.

[96]       L'employeur cite une autre décision, dans l'affaire Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (Agriculture Canada) [1991] C.R.T.F.P.C. no 82 (dossier de la Commission 161-2-692) où la question à trancher était la même que le point fondamental de la plainte en l'espèce, à savoir le pouvoir dont l'employeur est investi par l'article 155 de la LGFP. Dans cette affaire-là, il s'agissait d'une plainte fondée sur l'article 23 de la LRTFP, et la Commission a conclu ce qui suit à la dernière page :

.

Cependant, j'ai également ajouté qu'un arbitre assujetti à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'était pas habilité à déterminer si l'État avait à bon droit exercé les pouvoirs que lui conférait le paragraphe 155(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques. La plainte vise essentiellement à contester le droit de l'employeur d'exercer ce genre de pouvoir.

[97]       L'employeur souligne que l'agent négociateur a fait état du fait qu'il a été incapable de négocier un changement. Or, il n'y a pas eu de revendication quant au recouvrement des paiements en trop parce que ces paiements en trop à titre de salaire ne sont pas une condition d'emploi.

[98]       Pour résumer son principal argument, l'employeur déclare que l'article 52 interdit tout changement des conditions d'emploi. En soi, une erreur de calcul ne devient pas une condition d'emploi. Le fait est, tout simplement, qu'une erreur a été commise pendant plusieurs mois à l'égard de nombreux fonctionnaires. La majorité des erreurs se sont produites après le 31 août 2000, mais seulement quatre ont eu lieu avant cette date. Toutes les erreurs ont été commises après le 31 août 2000, alors que la clause pertinente de la convention collective existait depuis dix ans. En dix ans, on compte 150 fonctionnaires qui ont obtenu à leur promotion une augmentation de 4 % de leur taux de rémunération.

[99]       La clause 42.07 a été clairement interprétée et appliquée depuis 1991 et jamais, au cours des dix dernières années, un fonctionnaire ni un syndicat n'ont déposé de grief en déclarant que des fonctionnaires n'étaient pas payés comme ils devaient l'être.

[100]       Fondamentalement, les arguments invoquant la préclusion ou la pratique antérieure partent d'une promesse ou d'une représentation sans équivoque de l'employeur, après quoi les intéressés se fondent clairement sur cette promesse qui joue à leur détriment.

[101]       Pour prouver qu'il y avait eu une promesse, l'agent négociateur a tenté de démontrer l'existence d'une pratique pendant une période limitée. Ce qui s'est produit en fait, c'est qu'il n'y avait pas eu d'erreur avant 1998, soit sept ans après que la clause en question eut commencé à figurer dans la convention collective.

[102]       L'agent négociateur déclare qu'il y a eu 21 erreurs dans des cas de promotion et 51 dans des cas de rémunération intérimaire, ce qui est pour le moins étrange puisqu'il y a 62 fonctionnaires sur la liste. Quand l'erreur se répète lorsqu'un fonctionnaire nommé par intérim obtient une promotion, on ne gonfle pas les statistiques en comptant la même erreur deux fois.

[103]       Dans ses observations sur l'affaire du CN, l'employeur a souligné plusieurs différences. Ce que cette décision fait ressortir, ce sont des erreurs qui s'étaient produites pendant de nombreuses années. La préclusion fondée sur un comportement ou sur une pratique établis n'est justifiée que si le comportement (ou la pratique) existe depuis longtemps. En l'espèce, les faits ne démontrent pas qu'il s'agissait d'une pratique de longue date, car il n'y avait absolument pas de pratique établie.

[104]       On trouve à la page 241 de l'affaire du CN un renvoi à un exposé conjoint des faits. Dans la présente affaire, l'employeur n'a jamais reconnu qu'il y avait une pratique établie ni que les erreurs de calcul constituaient une pratique. La convention collective a été appliquée correctement dans 150 cas sans qu'il n'y ait de grief. L'erreur de calcul était inconnue de tous jusqu'à ce qu'un conseiller en rémunération la découvre. L'agent négociateur n'en était pas conscient quand il a entamé les négociations. Personne ne savait que l'erreur avait été commise. En outre, la convention collective a été appliquée correctement pendant dix ans.

[105]       L'employeur s'est alors reporté au chapitre 3 : 4430 (sur la pratique antérieure) de Canadian Labour Arbitration (3e édition) de Donald Brown, c.r. et David Beatty, qui contient des références à plusieurs décisions. Les auteurs décrivent dans ce chapitre un certain nombre d'événements différents qui peuvent constituer une pratique établie.

[106]       L'employeur s'est aussi reporté à la décision rendue dans l'affaire International Association of Machinists, Local 1740, and John Bertrand & Sons Co. Ltd., LAC Volume 18, p. 361, en disant que la pratique établie ne contribue pas à l'interprétation de la clause 42.07, qui est très claire.

[107]       Pour conclure, l'employeur déclare qu'il n'a pas agi de mauvaise foi. En l'espèce, il ne s'agit pas d'une plainte reprochant à l'employeur d'avoir négocié de mauvaise foi ni du renvoi d'un grief à l'arbitrage. Il se peut que des fonctionnaires présentent des griefs, mais il ne s'agit pas ici d'un grief et les répercussions sur les fonctionnaires ne sont pas pertinentes en l'occurrence comme elles le seraient dans un grief individuel.

[108]       Ce qui est fondamental ici, ce sont les conditions d'emploi. Le comportement de l'employeur pendant une certaine période a-t-il transformé en une condition d'emploi le fait qu'il interprétait correctement la convention collective, mais que des erreurs se sont produites durant une brève période? Si c'est le cas, l'article 155 de la LGFP ne pourrait pas s'appliquer en l'espèce. On ne peut pas dire qu'il y a eu changement des conditions d'emploi. Pour revenir à l'affaire de l'AFPC - la première que l'APASE a invoquée -, la capacité de l'employeur de corriger une erreur et de recouvrer des paiements en trop signifie qu'il fonctionne comme d'habitude.

Réplique

[109]       L'agent négociateur déclare qu'on peut manifestement faire une distinction entre les affaires invoquées par l'employeur et la présente affaire, en raison des faits.

[110]       Comme l'employeur qualifie sa pratique d'erreur, il prétend que l'agent négociateur ne peut pas maintenir que c'est une pratique.

[111]       Dans son témoignage, Johanne Hotte a déclaré que, après août 2000, les conseillers en rémunération se sont fondés sur la PCEFP pour calculer l'augmentation au moment de la promotion, plutôt que sur une interprétation rigoureuse de la clause 42.07. Les erreurs de bonne foi se produisent de temps à autre, contrairement à l'application uniforme de la clause 42.01.

[112]       L'APASE n'est pas sûre qu'elle puisse négocier afin de se soustraire à la PCEFP, du moins pour se contenter de quelque chose de moins que ce que cette politique prévoit.

[113]       L'agent négociateur n'est pas d'accord avec l'employeur quand celui-ci déclare qu'il n'a pas agi de mauvaise foi, en dénonçant le témoignage de M. Bélanger.

Motifs de la décision

[114]       La question à trancher en l'espèce consiste à savoir si l'employeur a enfreint l'article 52 de la LRTFP après que l'APASE eut donné avis de négocier le 3 avril 2001. L'article 52 se lit comme il suit :

52. Sauf entente à l'effet contraire entre l'employeur et l'agent       négociateur, toute condition d'emploi pouvant figurer dans       une convention collective et encore en vigueur au moment       où l'avis de négocier a été donné continue de lier les parties       aux négociations, y compris les fonctionnaires de l'unité de       négociation :

[...]

  (b) dans le cas d'une unité de négociation pour laquelle le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation,

  (i) soit jusqu'à la conclusion d'une convention collective par les parties,

  (ii) soit, une fois établi un bureau de conciliation ou une fois nommé un commissaire-conciliateur, en conformité avec la présente loi, jusqu'à ce que sept jours se soient écoulés depuis la réception, par le président, du rapport de l'un ou l'autre de ceux-ci,

  (iii) soit jusqu'à ce que sept jours se soient écoulés depuis que le président ait avisé les parties, comme le prévoient les paragraphes 77(2) ou 77.1(4), de son intention de ne pas établir de bureau de conciliation ou de ne pas nommer de commissaire-conciliateur, selon le cas.

[115]       L'APASE demande à la Commission de conclure que, lorsque l'avis de négocier a été donné, il existait une pratique de calcul de l'augmentation en cas de promotion conformément à la PCEFP, et que cette pratique constituait une condition d'emploi applicable aux fonctionnaires membres du groupe FS. Elle allègue que les mesures de recouvrement prises par l'employeur constituent une infraction de l'article 52 de la LRTFP.

[116]       La preuve démontre que l'employeur s'est fondé sur la PCEFP pour calculer la rémunération d'une grande majorité, mais pas de la totalité des fonctionnaires du groupe FS, après août 2000.

[117]       L'APASE n'a rien introduit en preuve pour expliquer les raisons de l'employeur de cesser d'appliquer la clause 42.07, qui figurait dans la convention collective des FS depuis 1991, et qui se lit comme il suit :

42.07 Promotion

Lorsque le fonctionnaire est promu, il a droit à une augmentation de quatre pour cent (4 p. 100) de son taux de rémunération ou d'un montant supérieur qui porte son traitement au taux de rémunération minimal du niveau supérieur.

[118]       En fait, l'APASE a été incapable de dire pourquoi cette clause est apparue dans la convention collective des FS, ni comment et pourquoi elle a été prorogée dans la convention collective signée le 31 août 2000 (pièce B-3). Cela dit, tout comme la clause 42.07, la clause 42.01 a été prorogée; elle se lit de la façon suivante :

42.01 Sous réserve des dispositions du présent article, les conditions actuelles régissant l'application de la rémunération aux fonctionnaires, lorsqu'elles s'appliquent, ne sont pas modifiées par la présente convention.

[119]       Les témoins de l'employeur ont expliqué que celui-ci était passé de l'application de la clause 42.07 à celle de la PCEFP en raison d'une erreur de bonne foi du personnel de la paye. La PCEFP s'applique à tous les autres fonctionnaires, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, sauf à ceux des groupes FS et EX. Les témoins de l'employeur ont été incapables de dire pourquoi l'erreur semble coïncider avec la mise en application de la convention collective (pièce B-3). Il semble que ce soit une coïncidence.

[120]       L'employeur a découvert l'erreur en septembre 2001; moins d'un mois après l'avoir découverte, il a décidé qu'au moins 62 fonctionnaires étaient trop payés et qu'il allait prendre des mesures de recouvrement en vertu de l'article 155 de la LGFP. La décision de recouvrer les paiements en trop a été appliquée en mai 2002.

[121]       Les dispositions pertinentes de l'article 155 de la LGFP sont les suivantes :

PARTIE XI

DISPOSITIONS DIVERSES

Déduction et compensation

155. (1) Le ministre compétent responsable du recouvrement d'une créance [...] de Sa Majesté du chef du Canada [...] peut autoriser, par voie de déduction ou de compensation, la retenue d'un montant égal à la créance sur toute somme due ou débiteur ou à ses héritiers par Sa Majesté du chef du Canada.

[...]

(3) Le receveur général peut recouvrer les paiements en trop faits sur le Trésor à une personne à titre de salaire, de traitements ou d'allocations en retenant un montant égal sur toute somme due à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada.

[122]       On trouve ce qui suit à l'article 2 de la pièce E-4, le Chapitre 7 - Recouvrement des montants dus à la Couronne - du Guide de l'administration de la paye :

2. Paiements en trop au titre des traitements ou des salaires

Le receveur général a le pouvoir de recouvrer, sur toute somme d'argent payable par la Couronne à un employé ou à sa succession, les paiements en trop faits audit employé au titre des traitements ou des salaires (Art. 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques).

Les paiements en trop sont déduits, si possible, sur les paiements ultérieurs au titre du traitement, mais ils peuvent être également recouvrés sur les prestations de pension de retraite ou de toute autre somme payable à l'employé ou à sa succession ou à une tierce partie en vertu d'une cession ou d'une procuration.

Dans le cas où il y a conflit entre les dispositions de la présente politique et celles d'une convention collective, les conditions de la convention collective seront appliquées.

[...]

2.3 Responsabilités

C'est le ministère et non le bureau de paye qui doit s'assurer que tous les paiements en trop au titre du traitement, du salaire, de la solde ou des allocations sont recouvrés sur toute somme d'argent qui peut être due ou payable à un employé ou à un ancien employé.

Responsabilité du bureau de paye

Lorsque le bureau de paye constate un paiement en trop à l'égard d'un employé en service, il doit aviser le ministère ou l'organisme du montant de ce paiement. Le bureau de paye ne prendra aucune autre mesure avant que le ministère ou l'organisme compétent ne lui ait fourni un avis écrit indiquant la méthode, le taux et la période de recouvrement.

Lorsqu'il reste un paiement en trop au titre du salaire après que l'on ait puisé dans toutes les sommes dues à un employé dont l'emploi a pris fin, le bureau de paye informera le ministère ou l'organisme du solde impayé de ce paiement en trop. Une fois que le ministère ou l'organisme a été avisé du montant impayé, le bureau de paye ne prend aucune autre mesure.

Responsabilité du ministère

Lorsqu'un ministère ou un organisme constate un paiement en trop à l'égard d'un employé en service et que le paiement en trop peut être recouvré au cours d'une période déterminée, le rapport envoyé au bureau de paye doit indiquer la méthode, le taux et la période de recouvrement. Si le rapport ne donne aucune directive au bureau de paye, le paiement en trop sera recouvré intégralement sur les premières sommes dues à l'employé.

Lorsque le bureau de paye notifie le ministère ou l'organisme qu'il existe un paiement en trop après que toutes les sommes dues à un ancien employé ont été épuisées :

  • il faut communiquer avec l'ancien employé aussitôt que possible afin de lui demander le paiement volontaire du montant encore dû. À défaut d'un accord amiable, des mesures de recouvrement plus sévères peuvent être entreprises avec l'aide des agents financiers supérieurs des ministères, selon la politique et les lignes directrices régissant le recouvrement des comptes en souffrance;
  • si la personne a droit à une pension à jouissance immédiate, à une indemnité annuelle à jouissance immédiate ou à une pension à puissance différée en vertu de la LPFP, le service du personnel du ministère doit aviser la Direction des pensions de retraite du montant et de la méthode de recouvrement du paiement en trop. Lorsque cette personne commence à toucher la pension de la fonction publique, la Direction des pensions de retraite recouvrera le paiement en trop au taux stipulé par le ministère ou l'organisme ou par versements équivalant à un minimum de 10 p. 100 de la pension de base mensuelle de la personne. Si le paiement en trop est liquidé avant le début du versement de la pension, le ministère ou l'organisme doit en informer la Direction des pensions de retraite.
  • Lorsque le paiement en trop a été partiellement ou intégralement recouvré sur des prestations de pension, il incombe au ministère ou à l'organisme d'en informer le bureau de paye afin qu'il mette ses dossiers à jour.

    Pour éviter les paiements en trop, il convient de continuer à retenir ou à renvoyer aux fins d'annulation ou de modification tous les chèques de paye qui sont, de toute évidence, inexacts. En outre, les ministères doivent mettre tout en ouvre pour supprimer les paiements en trop en expédiant rapidement les documents d'intervention de paye.

    (C'est nous qui soulignons.)

    [123]       La raison invoquée pour justifier le long délai d'application de la décision de recouvrer les paiements en trop était la crainte de l'employeur que les négociations en vue du renouvellement de la convention collective ne soient perturbées, en raison de l'importance de l'erreur et du nombre de fonctionnaires affectés.

    [124]       Les deux parties reconnaissent que le gel imposé par l'article 52 de la LRTFP s'applique non seulement aux conditions d'emploi, aux ententes d'information et aux politiques établies de l'employeur, aussi bien explicites qu'implicites, mais aussi aux attentes raisonnables des fonctionnaires quant au comportement de l'employeur, autrement dit à ses pratiques normales ou habituelles. Ce sur quoi elles ne sont pas d'accord en l'espèce, c'est sur ce qui constituait ces pratiques normales ou habituelles.

    [125]       En me fondant sur la preuve qui m'a été soumise, je ne peux pas conclure à l'existence d'une pratique de calcul des augmentations des fonctionnaires promus fondée sur la PCEFP à l'égard des membres du groupe FS. Le seul élément de preuve que j'ai entendu quant au calcul de la rémunération à ce moment-là provient des témoins de l'employeur, qui ont déclaré que c'était une erreur qui affectait la majorité, mais pas la totalité des fonctionnaires promus ou nommés par intérim à un niveau supérieur. On ne m'a soumis aucun élément de preuve démontrant que l'agent négociateur était au courant de la « pratique » ou de « l'erreur » de calculer la rémunération au moment d'un promotion conformément à la PCEFP. Le seul témoin de l'agent négociateur était nouveau à l'APASE, de sorte qu'il a été incapable de me présenter un historique de la clause 42.07 ou de son application. Le principe selon lequel l'employeur aurait dû fonctionner comme d'habitude pendant le gel imposé par la LRTFP signifie que la convention collective et les autres politiques de l'employeur devaient être maintenues durant les négociations. Le « Recouvrement des montants dus à la Couronne » (pièce E-4) est une de ces politiques de l'employeur.

    [126]       Même si le calcul de la rémunération au moment d'une promotion conformément à la PCEFP plutôt qu'à la clause 42.07 aurait pu être une erreur de bonne foi au début, la démarche de recouvrement des paiements en trop était délibérée et contraire à la politique même de l'employeur.

    [127]       Il est évident que le principe selon lequel il doit fonctionner comme d'habitude implique que l'employeur était tenu d'informer les employés le plus tôt possible de cette soi-disant erreur. Sa politique même lui imposait l'obligation de prévenir les paiements en trop, alors qu'il a préféré attendre presque huit mois avant de faire quoi que ce soit.

    [128]       Je ne peux pas accepter de reconnaître que l'employeur agissait de bonne foi quand il a caché la situation à l'agent négociateur et aux fonctionnaires affectés. Il était responsable de l'erreur et, en la laissant se poursuivre durant les négociations, c'est-à-dire durant la période de gel législatif, l'employeur contrevenait non seulement à sa propre politique, mais aussi à l'article 52 de la LRTFP.

    [129]       La plainte n'allègue pas qu'il y a eu infraction de l'article 51 de la LRTFP, de sorte que je ne me prononcerai pas quant à l'effet que la mauvaise foi de l'employeur sur les négociations.

    [130]       Il semblerait que l'agent négociateur ne peut obtenir aucun redressement - si ce n'est une déclaration - quand l'employeur a fait délibérément subir un préjudice aux fonctionnaires qu'il représente en les payant trop sur une longue période, sachant bien qu'il allait recouvrer les paiements en trop sur des périodes bien plus courtes. Les témoins de l'employeur ont déclaré que le recouvrement des paiements en trop n'était pas négociable et que, par conséquent, ils n'avaient d'autre choix que de recouvrer ces montants comme ils l'ont fait. Je ne suis pas d'accord. Le libellé même de la politique implique qu'elle est négociable, parce que l'on peut y lire ce qui suit : « Dans le cas où il y a conflit entre les dispositions de la présente politique et celles d'une convention collective, les conditions de la convention collective seront appliquées. »

    [131]       La conviction des témoins de l'employeur qu'ils n'avaient d'autre choix que de recouvrer les paiements en trop comme ils l'ont fait accroît la gravité de leur infraction de l'article 52. Leur attitude témoigne d'un souverain mépris du droit des fonctionnaires d'être traités équitablement par leur employeur. La preuve a révélé que les fonctionnaires en service avaient remboursé les paiements en trop calculés dans la pièce E-5, mais que ceux qui ont quitté le MAECI, qui ont été mutés ailleurs ou qui ont pris leur retraite pourraient encore être exposés à des mesures de recouvrement. Je ne trouve pas de mots pour décrire l'indignation que m'inspire l'injustice d'un système qui incite les employés à croire que leur employeur calcule leur rémunération ou leur pension de retraite comme il se doit, alors qu'ils risquent de se retrouver non seulement avec une baisse de revenu, mais aussi avec des mesures de recouvrement contre lesquelles leurs recours sont problématiques.

    [132]       Pour conclure, je déclare que l'employeur a enfreint l'article 52 de la LRTFP en ne se conformant pas à sa politique lorsqu'il n'est pas intervenu pour prévenir la poursuite des paiements en trop quand il a constaté une erreur dans le calcul de la paye. La preuve qui m'a été soumise ne confirme pas l'allégation de l'APASE qu'il existait une pratique selon laquelle les fonctionnaires n'étaient pas payés lorsqu'ils étaient promus conformément à la clause 42.07 de leurs conventions collectives.

    [133]       Pour tous ces motifs, j'accueille donc cette plainte dans la mesure où je l'ai précisé.

    Evelyne Henry,
    présidente suppléante

    OTTAWA, le 28 janvier 2003.

    Traduction de la C.R.T.F.P.

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