Décisions de la CRTESPF
Informations sur la décision
Pratique déloyale de travail - Demande fondée sur l'article 21 faisant état d'un manquement à l'article 52 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Taux de rémunération - Gel législatif - Redressement - La requérante était l'agent négociateur de tous les employés de l'employeur faisant partie de l'unité de négociation du groupe Service extérieur (FS) - la clause 42.07 de la convention collective applicable précisait qu'un employé avait droit, lorsqu'il était promu, à une augmentation de 4 % de son taux de rémunération ou d'un montant supérieur qui avait pour effet de porter son traitement au taux de rémunération minimal du niveau supérieur - cette disposition a été incluse pour la première fois dans la convention collective en 1991 et a été renouvelée dans toutes les conventions collectives subséquentes pour le groupe FS - la clause 42.01, en revanche, prévoyait que " sous réserve des dispositions du présent article ", toute condition en vigueur régissant la rémunération était maintenue - donc, les dispositions relatives à la rémunération contenues dans la Politique sur les conditions d'emploi dans la fonction publique (PCEFP) ont été incorporées par renvoi dans la convention collective, dans la mesure où elles n'entraient pas en conflit avec une autre disposition de cette convention - la PCEFP prévoyait qu'au moment d'une promotion, un employé avait droit à une augmentation de 4 % du nouveau taux de rémunération maximal, ce qui représentait un montant plus élevé que celui prévu par la clause 42.07 - la PCEFP s'appliquait à tous les employés de la fonction publique fédérale au moment d'une promotion, à l'exception des employés du groupe FS - la requérante a donné avis de négocier à l'employeur le 3 avril 2001 - en septembre 2001, l'employeur a constaté qu'après le mois d'août 2000, les dispositions de la PCEFP, et non celles de la clause 42.07, avaient été appliquées à la plupart, mais pas à la totalité, des employés du groupe FS qui avaient été promus, ce qui avait entraîné un paiement de salaire en trop continu - l'employeur n'a pas immédiatement avisé la requérante et les employés concernés parce qu'il craignait qu'une telle nouvelle nuise aux négociations - le 22 mars 2002, l'employeur a avisé la requérante de l'erreur et de son intention de prendre des mesures pour recouvrer les paiements faits en trop aux employés en question - les employés ont été avisés de l'erreur les 17 et 18 avril 2002, et l'employeur a pris des mesures de recouvrement le 8 mai 2002 - suivant l'article 52 de la LRTFP, toute condition d'emploi applicable aux employés faisant partie de l'unité de négociation concernée au moment où l'avis de négocier est donné continue de lier les parties et ne peut être modifiée par l'employeur sans le consentement de l'agent négociateur jusqu'à ce que les parties en arrivent à une impasse à l'issue de négociations - la requérante a allégué que la pratique de l'employeur consistant à appliquer la PCEFP aux employés de l'unité de négociation au moment d'une promotion plutôt que les dispositions de la clause 42.07 était une condition d'emploi qui était en vigueur à la date à laquelle elle avait donné à l'employeur un avis de négocier - par conséquent, d'après la requérante, la décision de l'employeur de recouvrer les montants en question des employés portait atteinte à l'article 52 de la LRTFP - l'employeur, pour sa part, a fait valoir que l'erreur commise en appliquant les dispositions de la PCEFP plutôt que la clause 42.07 de la convention collective n'était pas une condition d'emploi au sens de l'article 52 de la LRTFP - la Commission a pris note du fait que les parties s'entendaient pour dire que le gel imposé par l'article 52 à l'employeur contraignait ce dernier à fonctionner comme d'habitude en ce qui concerne ses employés - la Commission a été incapable d'en arriver à la conclusion, sur le fondement de la preuve, qu'au moment où l'avis de négocier a été donné, l'employeur avait pour pratique de calculer la rémunération au moment de la promotion conformément à la PCEFP pour le groupe FS - il s'agissait plutôt d'une erreur de l'employeur qui, pendant une période limitée, a touché la majorité, mais pas la totalité des employés promus faisant partie du groupe FS - toutefois, la Commission a conclu que, en ne respectant pas sa propre politique concernant le recouvrement des montants dus à la Couronne, l'employeur avait enfreint l'article 52 de la LRTFP - conformément à cette politique, l'employeur avait l'obligation de prévenir les paiements en trop, alors qu'il a choisi d'attendre presque huit mois avant de prendre quelque mesure que ce soit - la Commission a conclu que la seule mesure de réparation qu'elle pouvait accorder à la requérante dans les circonstances était un jugement déclaratoire - un jugement déclaratoire a été rendu.La plainte a été accueillie dans la mesure indiquée.
Contenu de la décision
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique
- Date: 2003-01-28
- Dossier: 148-2-376
- Référence: 2003 CRTFP 4
Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique
ENTRE
L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR
plaignante
et
LE CONSEIL DU TRÉSOR
défendeur
AFFAIRE: Plainte fondée sur l'article 21 alléguant
une infraction de l'article 52 de la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique
Devant: Evelyne Henry, présidente suppléante
Pour la demanderesse : Ron Cochrane, directeur exécutif, Association professionnelle des agents du service extérieur
Pour le défendeur : Neil McGraw, avocat
Karl G. Chemsi, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 25 et 26 novembre 2002.
[Traduction] [...] Il est vrai qu'une convention collective tout comme un contrat devrait être interprétée sans qu'on se reporte à des éléments extrinsèques si elle est claire d'emblée. Ce que l'arbitre a fait ici, toutefois, ne consiste pas à interpréter la convention collective mais à aboutir à une conclusion quant à l'application qu'elle devrait avoir et à accorder un redressement en conséquence. [...] Par son comportement, en payant régulièrement de nombreuses classifications d'employés dès le premier jour de maladie en dépit d'une clause prévoyant une période de carence, la compagnie a donné au syndicat une assurance dans le but d'influer sur leurs relations légales. Le syndicat a pris la compagnie au mot quand il a décidé de ne pas demander de changement en bonne et due forme de la convention. La compagnie ne devrait pas être autorisée maintenant à revenir aux relations antérieures comme si elle n'avait pas donné une telle assurance. [...] Nous pensons que l'arbitre avait le pouvoir d'appliquer la doctrine de préclusion. On n'a démontré aucune erreur de compétence et la demande de cassation devrait être rejetée avec les frais. [...] [...] Je ne connais aucun arrêt de la Cour d'appel qui interdise à un arbitre d'appliquer la doctrine de préclusion en se fondant sur le comportement passé. Comme je l'ai déjà dit, c'est le cas en l'espèce. Le fait que le syndicat s'est fondé sur la pratique de longue date de la compagnie et que celle-ci n'a pas laissé prévoir ni demandé un changement de cette pratique a incité le syndicat à ne pas faire de revendication quant à son maintien ou à sa modification, ce qui a joué à son détriment. Cela justifie que la doctrine soit invoquée.[80] L'APASE maintient que ce qui est arrivé en l'occurrence va au-delà de ce qui s'était produit dans l'affaire du CN, puisque l'employeur était disposé à cacher cette soi-disant erreur jusqu'à ce que la convention collective soit signée. [81] L'agent négociateur a ensuite cité un rapport sommaire CLV (no LV13276) daté du 1er avril 2002, concernant l'affaire Owens Corning Canada and Union of Needletrades, Industrial and Textile Employees, Local 1305. Dans la présente affaire, non seulement l'agent négociateur, mais même les fonctionnaires étaient convaincus que les calculs du taux de rémunération étaient corrects jusqu'à ce que l'employeur décide de changer sa pratique et de se fonder exclusivement sur une interprétation stricte de la clause 42.07, en cessant d'appliquer la clause 42.01. [82] L'APASE a déposé ensuite une décision non rapportée d'un conseil d'arbitrage de différends présidé par Jane H. Devlin, dossier MPA/Y200472, dans l'affaire Rouge Valley Health System and Ontario Public Service Employees Union. Dans cette affaire de grief, l'employeur avait invoqué la préclusion. Il avait contrevenu à la convention collective en organisant une petite visite guidée dans un secteur de l'hôpital. Le syndicat n'avait pas présenté de grief pour contester la décision de l'employeur; la préclusion l'a ensuite empêché de le faire quand ce dernier a eu recours à la même pratique dans d'autres secteurs de l'hôpital, et ce jusqu'à ce qu'il ait eu la possibilité de négocier un changement de la convention collective. [83] Pour conclure, l'APASE a déclaré que la Commission n'a pas besoin d'aller aussi loin que la préclusion pour décider ce qu'englobent les dispositions de gel de l'article 52. [84] Subsidiairement, l'APASE maintient que ce qui est gelé, c'est l'application de la clause 42.07, en vertu d'un principe de préclusion. Le fait est qu'il y avait ici, en 2000, un comportement qui montre bien que l'employeur ne se fondait pas strictement sur la clause 42.07, mais plutôt sur la clause 42.01, dans la majorité des cas. La preuve montre que l'employeur tendait davantage à accorder une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur qu'à se fonder sur la méthode de calcul qu'il dit correcte, celle de la clause 42.07, ce qui constitue une plus grosse anomalie, une anomalie comparable à la pratique dans l'affaire du CN. [85] L'APASE se fonde sur cette application de la clause puisqu'elle n'a pas été informée du changement avant qu'il ne soit trop tard pour qu'elle en propose un elle-même, à son détriment. Dans les deux scénarios, le comportement de l'employeur, qui lui a caché quelque chose, ajoute beaucoup de poids aux arguments de l'agent négociateur. Arguments pour l'employeur [86] L'argument fondamental de l'employeur dans cette affaire de plainte à la Commission consiste à dire que la correction d'une erreur ne constitue pas un changement des conditions d'emploi. [87] Selon l'employeur, il ne s'agit pas en l'occurrence d'une situation où l'interprétation de la convention collective entrait en jeu. Le libellé de la convention collective est très clair. Même si sa clause 42.01 renvoie à la PCEFP, il est important de souligner qu'elle commence par « Sous réserve des dispositions du présent article ». [88] Pour les 62 fonctionnaires qui ont touché des paiements en trop, ce n'est pas la clause 42.01 qui s'appliquait, parce qu'elle précise clairement que toutes les dispositions de l'article 42 s'appliquent avant la PCEFP. De toute évidence, la clause 42.07 s'appliquait : aucune autre interprétation n'est possible. Lorsque le fonctionnaire est promu, il touche une augmentation de 4 % de son taux de rémunération ou le taux de rémunération minimal du niveau supérieur. Il n'y a pas d'interprétation possible qui signifierait qu'il touche une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau FS-02. [89] Au fond, il ne s'agit ni d'un changement, ni d'une modification des conditions d'emploi, mais simplement d'une erreur de bonne foi dans l'application de la convention collective. Il n'est pas question dans la convention collective d'une augmentation de 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur. Quand il parle d'une soi-disant erreur, l'agent négociateur n'avance aucun fait tangible pour démontrer qu'il s'agissait de quoi que ce soit d'autre que d'une erreur. [90] En ce qui concerne la décision dans l'affaire de la Commission de la capitale nationale, précitée, le comportement de l'employeur n'est pas en cause. Ce qui est clairement déclaré dans cette décision, c'est que le principe qui s'applique est que l'on continue à fonctionner comme d'habitude. L'employeur est capable de continuer à gérer ses activités. Les droits de l'employeur continuent d'exister tout comme ceux des fonctionnaires. [91] La preuve a clairement montré que l'employeur continue d'avoir le droit de recouvrer les paiements en trop à titre de salaire. Le seul témoignage entendu en deux jours quant à la façon de calculer la rémunération a été celui de Johanne Hotte, qui a déclaré que la bonne façon de faire le calcul est précisée dans la convention collective. Quand on fait le calcul de cette façon, on constate que les 62 fonctionnaires en question ont touché des paiements en trop par erreur. Le gel prévu par la LRTFP n'empêche pas l'employeur de recouvrer ces montants. Ce qu'il faut déterminer, au fond, c'est si cela constitue un changement. [92] La Commission a rendu plusieurs décisions à ce sujet. L'employeur a invoqué Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor [1982] C.R.T.F.P.C. no 68 (dossier de la Commission 148-2-75) en citant le paragraphe 15, à la dernière page. Si l'employeur a le droit de recouvrer les paiements en trop avant que l'avis de négocier ne soit donné, il continue d'avoir le droit de les recouvrer après l'avoir donné. [93] L'employeur a aussi invoqué la dernière page de la décision rendue dans Syndicat des travailleurs unis de l'alimentation et du commerrce, section locale 1973 et Personnel des fonds non publics des Forces canadiennes [1986] C.R.T.F.P.C. no 95 (dossier de la Commission 148-18-114). Il n'a absolument pas laissé entendre, par action ou par omission, qu'il allait fixer l'augmentation en cas de promotion ou de nomination intérimaire à 4 % du taux de rémunération maximal du niveau supérieur. [94] L'employeur s'est aussi reporté à la page 9 de la décision rendue dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Conseil du Trésor [1991] C.R.T.F.P.C. no 23 (dossier de la Commission 148-2-185). Il est clair que l'employeur a laissé aller la question des paiements en trop en ce qui concerne les fonctionnaires inactifs ainsi que les heures supplémentaires et les congés annuels, mais il a manifesté son intention de recouvrer ces montants. Avec cette déclaration d'intention, il n'a jamais renoncé au droit de recouvrer les paiements en trop. Il n'a jamais déclaré que les calculs seraient différents, ni qu'il ne recouvrerait pas les paiements en trop. [95] Le pouvoir de recouvrer les paiements en trop dont l'employeur est investi en vertu du paragraphe 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques est un élément important. Ce paragraphe porte sur les paiements en trop à titre de salaire. Il n'y a aucune limite de temps, et rien ne limite non plus jusqu'où l'employeur peut remonter en arrière pour vérifier les calculs. L'employeur n'a jamais laissé entendre qu'il ne se prévaudrait pas de son pouvoir discrétionnaire de recouvrer les paiements en trop. [96] L'employeur cite une autre décision, dans l'affaire Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (Agriculture Canada) [1991] C.R.T.F.P.C. no 82 (dossier de la Commission 161-2-692) où la question à trancher était la même que le point fondamental de la plainte en l'espèce, à savoir le pouvoir dont l'employeur est investi par l'article 155 de la LGFP. Dans cette affaire-là, il s'agissait d'une plainte fondée sur l'article 23 de la LRTFP, et la Commission a conclu ce qui suit à la dernière page :
. Cependant, j'ai également ajouté qu'un arbitre assujetti à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'était pas habilité à déterminer si l'État avait à bon droit exercé les pouvoirs que lui conférait le paragraphe 155(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques. La plainte vise essentiellement à contester le droit de l'employeur d'exercer ce genre de pouvoir.[97] L'employeur souligne que l'agent négociateur a fait état du fait qu'il a été incapable de négocier un changement. Or, il n'y a pas eu de revendication quant au recouvrement des paiements en trop parce que ces paiements en trop à titre de salaire ne sont pas une condition d'emploi. [98] Pour résumer son principal argument, l'employeur déclare que l'article 52 interdit tout changement des conditions d'emploi. En soi, une erreur de calcul ne devient pas une condition d'emploi. Le fait est, tout simplement, qu'une erreur a été commise pendant plusieurs mois à l'égard de nombreux fonctionnaires. La majorité des erreurs se sont produites après le 31 août 2000, mais seulement quatre ont eu lieu avant cette date. Toutes les erreurs ont été commises après le 31 août 2000, alors que la clause pertinente de la convention collective existait depuis dix ans. En dix ans, on compte 150 fonctionnaires qui ont obtenu à leur promotion une augmentation de 4 % de leur taux de rémunération. [99] La clause 42.07 a été clairement interprétée et appliquée depuis 1991 et jamais, au cours des dix dernières années, un fonctionnaire ni un syndicat n'ont déposé de grief en déclarant que des fonctionnaires n'étaient pas payés comme ils devaient l'être. [100] Fondamentalement, les arguments invoquant la préclusion ou la pratique antérieure partent d'une promesse ou d'une représentation sans équivoque de l'employeur, après quoi les intéressés se fondent clairement sur cette promesse qui joue à leur détriment. [101] Pour prouver qu'il y avait eu une promesse, l'agent négociateur a tenté de démontrer l'existence d'une pratique pendant une période limitée. Ce qui s'est produit en fait, c'est qu'il n'y avait pas eu d'erreur avant 1998, soit sept ans après que la clause en question eut commencé à figurer dans la convention collective. [102] L'agent négociateur déclare qu'il y a eu 21 erreurs dans des cas de promotion et 51 dans des cas de rémunération intérimaire, ce qui est pour le moins étrange puisqu'il y a 62 fonctionnaires sur la liste. Quand l'erreur se répète lorsqu'un fonctionnaire nommé par intérim obtient une promotion, on ne gonfle pas les statistiques en comptant la même erreur deux fois. [103] Dans ses observations sur l'affaire du CN, l'employeur a souligné plusieurs différences. Ce que cette décision fait ressortir, ce sont des erreurs qui s'étaient produites pendant de nombreuses années. La préclusion fondée sur un comportement ou sur une pratique établis n'est justifiée que si le comportement (ou la pratique) existe depuis longtemps. En l'espèce, les faits ne démontrent pas qu'il s'agissait d'une pratique de longue date, car il n'y avait absolument pas de pratique établie. [104] On trouve à la page 241 de l'affaire du CN un renvoi à un exposé conjoint des faits. Dans la présente affaire, l'employeur n'a jamais reconnu qu'il y avait une pratique établie ni que les erreurs de calcul constituaient une pratique. La convention collective a été appliquée correctement dans 150 cas sans qu'il n'y ait de grief. L'erreur de calcul était inconnue de tous jusqu'à ce qu'un conseiller en rémunération la découvre. L'agent négociateur n'en était pas conscient quand il a entamé les négociations. Personne ne savait que l'erreur avait été commise. En outre, la convention collective a été appliquée correctement pendant dix ans. [105] L'employeur s'est alors reporté au chapitre 3 : 4430 (sur la pratique antérieure) de Canadian Labour Arbitration (3e édition) de Donald Brown, c.r. et David Beatty, qui contient des références à plusieurs décisions. Les auteurs décrivent dans ce chapitre un certain nombre d'événements différents qui peuvent constituer une pratique établie. [106] L'employeur s'est aussi reporté à la décision rendue dans l'affaire International Association of Machinists, Local 1740, and John Bertrand & Sons Co. Ltd., LAC Volume 18, p. 361, en disant que la pratique établie ne contribue pas à l'interprétation de la clause 42.07, qui est très claire. [107] Pour conclure, l'employeur déclare qu'il n'a pas agi de mauvaise foi. En l'espèce, il ne s'agit pas d'une plainte reprochant à l'employeur d'avoir négocié de mauvaise foi ni du renvoi d'un grief à l'arbitrage. Il se peut que des fonctionnaires présentent des griefs, mais il ne s'agit pas ici d'un grief et les répercussions sur les fonctionnaires ne sont pas pertinentes en l'occurrence comme elles le seraient dans un grief individuel. [108] Ce qui est fondamental ici, ce sont les conditions d'emploi. Le comportement de l'employeur pendant une certaine période a-t-il transformé en une condition d'emploi le fait qu'il interprétait correctement la convention collective, mais que des erreurs se sont produites durant une brève période? Si c'est le cas, l'article 155 de la LGFP ne pourrait pas s'appliquer en l'espèce. On ne peut pas dire qu'il y a eu changement des conditions d'emploi. Pour revenir à l'affaire de l'AFPC - la première que l'APASE a invoquée -, la capacité de l'employeur de corriger une erreur et de recouvrer des paiements en trop signifie qu'il fonctionne comme d'habitude. Réplique [109] L'agent négociateur déclare qu'on peut manifestement faire une distinction entre les affaires invoquées par l'employeur et la présente affaire, en raison des faits. [110] Comme l'employeur qualifie sa pratique d'erreur, il prétend que l'agent négociateur ne peut pas maintenir que c'est une pratique. [111] Dans son témoignage, Johanne Hotte a déclaré que, après août 2000, les conseillers en rémunération se sont fondés sur la PCEFP pour calculer l'augmentation au moment de la promotion, plutôt que sur une interprétation rigoureuse de la clause 42.07. Les erreurs de bonne foi se produisent de temps à autre, contrairement à l'application uniforme de la clause 42.01. [112] L'APASE n'est pas sûre qu'elle puisse négocier afin de se soustraire à la PCEFP, du moins pour se contenter de quelque chose de moins que ce que cette politique prévoit. [113] L'agent négociateur n'est pas d'accord avec l'employeur quand celui-ci déclare qu'il n'a pas agi de mauvaise foi, en dénonçant le témoignage de M. Bélanger. Motifs de la décision [114] La question à trancher en l'espèce consiste à savoir si l'employeur a enfreint l'article 52 de la LRTFP après que l'APASE eut donné avis de négocier le 3 avril 2001. L'article 52 se lit comme il suit :
52. Sauf entente à l'effet contraire entre l'employeur et l'agent négociateur, toute condition d'emploi pouvant figurer dans une convention collective et encore en vigueur au moment où l'avis de négocier a été donné continue de lier les parties aux négociations, y compris les fonctionnaires de l'unité de négociation :[115] L'APASE demande à la Commission de conclure que, lorsque l'avis de négocier a été donné, il existait une pratique de calcul de l'augmentation en cas de promotion conformément à la PCEFP, et que cette pratique constituait une condition d'emploi applicable aux fonctionnaires membres du groupe FS. Elle allègue que les mesures de recouvrement prises par l'employeur constituent une infraction de l'article 52 de la LRTFP. [116] La preuve démontre que l'employeur s'est fondé sur la PCEFP pour calculer la rémunération d'une grande majorité, mais pas de la totalité des fonctionnaires du groupe FS, après août 2000. [117] L'APASE n'a rien introduit en preuve pour expliquer les raisons de l'employeur de cesser d'appliquer la clause 42.07, qui figurait dans la convention collective des FS depuis 1991, et qui se lit comme il suit :[...] (b) dans le cas d'une unité de négociation pour laquelle le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, (i) soit jusqu'à la conclusion d'une convention collective par les parties, (ii) soit, une fois établi un bureau de conciliation ou une fois nommé un commissaire-conciliateur, en conformité avec la présente loi, jusqu'à ce que sept jours se soient écoulés depuis la réception, par le président, du rapport de l'un ou l'autre de ceux-ci, (iii) soit jusqu'à ce que sept jours se soient écoulés depuis que le président ait avisé les parties, comme le prévoient les paragraphes 77(2) ou 77.1(4), de son intention de ne pas établir de bureau de conciliation ou de ne pas nommer de commissaire-conciliateur, selon le cas.
42.07 Promotion Lorsque le fonctionnaire est promu, il a droit à une augmentation de quatre pour cent (4 p. 100) de son taux de rémunération ou d'un montant supérieur qui porte son traitement au taux de rémunération minimal du niveau supérieur.[118] En fait, l'APASE a été incapable de dire pourquoi cette clause est apparue dans la convention collective des FS, ni comment et pourquoi elle a été prorogée dans la convention collective signée le 31 août 2000 (pièce B-3). Cela dit, tout comme la clause 42.07, la clause 42.01 a été prorogée; elle se lit de la façon suivante :
42.01 Sous réserve des dispositions du présent article, les conditions actuelles régissant l'application de la rémunération aux fonctionnaires, lorsqu'elles s'appliquent, ne sont pas modifiées par la présente convention.[119] Les témoins de l'employeur ont expliqué que celui-ci était passé de l'application de la clause 42.07 à celle de la PCEFP en raison d'une erreur de bonne foi du personnel de la paye. La PCEFP s'applique à tous les autres fonctionnaires, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, sauf à ceux des groupes FS et EX. Les témoins de l'employeur ont été incapables de dire pourquoi l'erreur semble coïncider avec la mise en application de la convention collective (pièce B-3). Il semble que ce soit une coïncidence. [120] L'employeur a découvert l'erreur en septembre 2001; moins d'un mois après l'avoir découverte, il a décidé qu'au moins 62 fonctionnaires étaient trop payés et qu'il allait prendre des mesures de recouvrement en vertu de l'article 155 de la LGFP. La décision de recouvrer les paiements en trop a été appliquée en mai 2002. [121] Les dispositions pertinentes de l'article 155 de la LGFP sont les suivantes :
[122] On trouve ce qui suit à l'article 2 de la pièce E-4, le Chapitre 7 - Recouvrement des montants dus à la Couronne - du Guide de l'administration de la paye :PARTIE XI DISPOSITIONS DIVERSES Déduction et compensation 155. (1) Le ministre compétent responsable du recouvrement d'une créance [...] de Sa Majesté du chef du Canada [...] peut autoriser, par voie de déduction ou de compensation, la retenue d'un montant égal à la créance sur toute somme due ou débiteur ou à ses héritiers par Sa Majesté du chef du Canada. [...] (3) Le receveur général peut recouvrer les paiements en trop faits sur le Trésor à une personne à titre de salaire, de traitements ou d'allocations en retenant un montant égal sur toute somme due à cette personne par Sa Majesté du chef du Canada.
2. Paiements en trop au titre des traitements ou des salaires Le receveur général a le pouvoir de recouvrer, sur toute somme d'argent payable par la Couronne à un employé ou à sa succession, les paiements en trop faits audit employé au titre des traitements ou des salaires (Art. 155(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques). Les paiements en trop sont déduits, si possible, sur les paiements ultérieurs au titre du traitement, mais ils peuvent être également recouvrés sur les prestations de pension de retraite ou de toute autre somme payable à l'employé ou à sa succession ou à une tierce partie en vertu d'une cession ou d'une procuration. Dans le cas où il y a conflit entre les dispositions de la présente politique et celles d'une convention collective, les conditions de la convention collective seront appliquées. [...] 2.3 Responsabilités C'est le ministère et non le bureau de paye qui doit s'assurer que tous les paiements en trop au titre du traitement, du salaire, de la solde ou des allocations sont recouvrés sur toute somme d'argent qui peut être due ou payable à un employé ou à un ancien employé. Responsabilité du bureau de paye Lorsque le bureau de paye constate un paiement en trop à l'égard d'un employé en service, il doit aviser le ministère ou l'organisme du montant de ce paiement. Le bureau de paye ne prendra aucune autre mesure avant que le ministère ou l'organisme compétent ne lui ait fourni un avis écrit indiquant la méthode, le taux et la période de recouvrement. Lorsqu'il reste un paiement en trop au titre du salaire après que l'on ait puisé dans toutes les sommes dues à un employé dont l'emploi a pris fin, le bureau de paye informera le ministère ou l'organisme du solde impayé de ce paiement en trop. Une fois que le ministère ou l'organisme a été avisé du montant impayé, le bureau de paye ne prend aucune autre mesure. Responsabilité du ministère Lorsqu'un ministère ou un organisme constate un paiement en trop à l'égard d'un employé en service et que le paiement en trop peut être recouvré au cours d'une période déterminée, le rapport envoyé au bureau de paye doit indiquer la méthode, le taux et la période de recouvrement. Si le rapport ne donne aucune directive au bureau de paye, le paiement en trop sera recouvré intégralement sur les premières sommes dues à l'employé. Lorsque le bureau de paye notifie le ministère ou l'organisme qu'il existe un paiement en trop après que toutes les sommes dues à un ancien employé ont été épuisées :[123] La raison invoquée pour justifier le long délai d'application de la décision de recouvrer les paiements en trop était la crainte de l'employeur que les négociations en vue du renouvellement de la convention collective ne soient perturbées, en raison de l'importance de l'erreur et du nombre de fonctionnaires affectés. [124] Les deux parties reconnaissent que le gel imposé par l'article 52 de la LRTFP s'applique non seulement aux conditions d'emploi, aux ententes d'information et aux politiques établies de l'employeur, aussi bien explicites qu'implicites, mais aussi aux attentes raisonnables des fonctionnaires quant au comportement de l'employeur, autrement dit à ses pratiques normales ou habituelles. Ce sur quoi elles ne sont pas d'accord en l'espèce, c'est sur ce qui constituait ces pratiques normales ou habituelles. [125] En me fondant sur la preuve qui m'a été soumise, je ne peux pas conclure à l'existence d'une pratique de calcul des augmentations des fonctionnaires promus fondée sur la PCEFP à l'égard des membres du groupe FS. Le seul élément de preuve que j'ai entendu quant au calcul de la rémunération à ce moment-là provient des témoins de l'employeur, qui ont déclaré que c'était une erreur qui affectait la majorité, mais pas la totalité des fonctionnaires promus ou nommés par intérim à un niveau supérieur. On ne m'a soumis aucun élément de preuve démontrant que l'agent négociateur était au courant de la « pratique » ou de « l'erreur » de calculer la rémunération au moment d'un promotion conformément à la PCEFP. Le seul témoin de l'agent négociateur était nouveau à l'APASE, de sorte qu'il a été incapable de me présenter un historique de la clause 42.07 ou de son application. Le principe selon lequel l'employeur aurait dû fonctionner comme d'habitude pendant le gel imposé par la LRTFP signifie que la convention collective et les autres politiques de l'employeur devaient être maintenues durant les négociations. Le « Recouvrement des montants dus à la Couronne » (pièce E-4) est une de ces politiques de l'employeur. [126] Même si le calcul de la rémunération au moment d'une promotion conformément à la PCEFP plutôt qu'à la clause 42.07 aurait pu être une erreur de bonne foi au début, la démarche de recouvrement des paiements en trop était délibérée et contraire à la politique même de l'employeur. [127] Il est évident que le principe selon lequel il doit fonctionner comme d'habitude implique que l'employeur était tenu d'informer les employés le plus tôt possible de cette soi-disant erreur. Sa politique même lui imposait l'obligation de prévenir les paiements en trop, alors qu'il a préféré attendre presque huit mois avant de faire quoi que ce soit. [128] Je ne peux pas accepter de reconnaître que l'employeur agissait de bonne foi quand il a caché la situation à l'agent négociateur et aux fonctionnaires affectés. Il était responsable de l'erreur et, en la laissant se poursuivre durant les négociations, c'est-à-dire durant la période de gel législatif, l'employeur contrevenait non seulement à sa propre politique, mais aussi à l'article 52 de la LRTFP. [129] La plainte n'allègue pas qu'il y a eu infraction de l'article 51 de la LRTFP, de sorte que je ne me prononcerai pas quant à l'effet que la mauvaise foi de l'employeur sur les négociations. [130] Il semblerait que l'agent négociateur ne peut obtenir aucun redressement - si ce n'est une déclaration - quand l'employeur a fait délibérément subir un préjudice aux fonctionnaires qu'il représente en les payant trop sur une longue période, sachant bien qu'il allait recouvrer les paiements en trop sur des périodes bien plus courtes. Les témoins de l'employeur ont déclaré que le recouvrement des paiements en trop n'était pas négociable et que, par conséquent, ils n'avaient d'autre choix que de recouvrer ces montants comme ils l'ont fait. Je ne suis pas d'accord. Le libellé même de la politique implique qu'elle est négociable, parce que l'on peut y lire ce qui suit : « Dans le cas où il y a conflit entre les dispositions de la présente politique et celles d'une convention collective, les conditions de la convention collective seront appliquées. » [131] La conviction des témoins de l'employeur qu'ils n'avaient d'autre choix que de recouvrer les paiements en trop comme ils l'ont fait accroît la gravité de leur infraction de l'article 52. Leur attitude témoigne d'un souverain mépris du droit des fonctionnaires d'être traités équitablement par leur employeur. La preuve a révélé que les fonctionnaires en service avaient remboursé les paiements en trop calculés dans la pièce E-5, mais que ceux qui ont quitté le MAECI, qui ont été mutés ailleurs ou qui ont pris leur retraite pourraient encore être exposés à des mesures de recouvrement. Je ne trouve pas de mots pour décrire l'indignation que m'inspire l'injustice d'un système qui incite les employés à croire que leur employeur calcule leur rémunération ou leur pension de retraite comme il se doit, alors qu'ils risquent de se retrouver non seulement avec une baisse de revenu, mais aussi avec des mesures de recouvrement contre lesquelles leurs recours sont problématiques. [132] Pour conclure, je déclare que l'employeur a enfreint l'article 52 de la LRTFP en ne se conformant pas à sa politique lorsqu'il n'est pas intervenu pour prévenir la poursuite des paiements en trop quand il a constaté une erreur dans le calcul de la paye. La preuve qui m'a été soumise ne confirme pas l'allégation de l'APASE qu'il existait une pratique selon laquelle les fonctionnaires n'étaient pas payés lorsqu'ils étaient promus conformément à la clause 42.07 de leurs conventions collectives. [133] Pour tous ces motifs, j'accueille donc cette plainte dans la mesure où je l'ai précisé.Lorsque le paiement en trop a été partiellement ou intégralement recouvré sur des prestations de pension, il incombe au ministère ou à l'organisme d'en informer le bureau de paye afin qu'il mette ses dossiers à jour. Pour éviter les paiements en trop, il convient de continuer à retenir ou à renvoyer aux fins d'annulation ou de modification tous les chèques de paye qui sont, de toute évidence, inexacts. En outre, les ministères doivent mettre tout en ouvre pour supprimer les paiements en trop en expédiant rapidement les documents d'intervention de paye.il faut communiquer avec l'ancien employé aussitôt que possible afin de lui demander le paiement volontaire du montant encore dû. À défaut d'un accord amiable, des mesures de recouvrement plus sévères peuvent être entreprises avec l'aide des agents financiers supérieurs des ministères, selon la politique et les lignes directrices régissant le recouvrement des comptes en souffrance; si la personne a droit à une pension à jouissance immédiate, à une indemnité annuelle à jouissance immédiate ou à une pension à puissance différée en vertu de la LPFP, le service du personnel du ministère doit aviser la Direction des pensions de retraite du montant et de la méthode de recouvrement du paiement en trop. Lorsque cette personne commence à toucher la pension de la fonction publique, la Direction des pensions de retraite recouvrera le paiement en trop au taux stipulé par le ministère ou l'organisme ou par versements équivalant à un minimum de 10 p. 100 de la pension de base mensuelle de la personne. Si le paiement en trop est liquidé avant le début du versement de la pension, le ministère ou l'organisme doit en informer la Direction des pensions de retraite. (C'est nous qui soulignons.)
Evelyne Henry,
présidente suppléante
OTTAWA, le 28 janvier 2003.
Traduction de la C.R.T.F.P.