Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Demande d'accréditation - Exclusions de postes de direction et de confiance - Responsabilité des employés au premier palier du processus de règlement des griefs - Mauvaise foi - Pouvoir discrétionnaire limité - Autorité réelle et indépendante - l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a déposé une requête en accréditation afin de représenter tous les employés non syndiqués de la Bibliothèque du Parlement, à l'exception de ceux occupant un poste de direction ou de confiance - en réponse, l'employeur a soutenu que plusieurs des postes visés par la requête relevaient de l'exception susmentionnée et qu'ils devaient donc être exclus de l'unité de négociation - l'employeur a aussi fait valoir que les employés occupant les autres postes partageaient une plus grande communauté d'intérêts avec les employés des unités de négociation représentées par l'Alliance de la Fonction publique - les parties ont convenu de l'exclusion de certains postes de l'unité de négociation, mais ne sont pas parvenues à une entente relativement à vingt autres postes, tous désignés par l'employeur comme étant au premier palier du processus de règlement des griefs - en octobre 2000, l'employeur a décidé de mettre en oeuvre un nouveau plan de classification, et plusieurs personnes ont inscrit leurs responsabilités en matière de grief dans leur description de travail et ont eu droit à des points en conséquence - plusieurs employés ont pris connaissance de leurs responsabilités dans le cadre du processus de règlement des griefs seulement lorsqu'un grief a été déposé - les employés avaient le pouvoir d'accorder ou de refuser certains types de congés, mais les demandes plus complexes étaient acheminées au superviseur - dans plusieurs cas, s'ils recevaient un grief, ils le signaient et le transmettaient à leur superviseur - dans certains cas, ils répondaient eux-mêmes, après consultation des responsables des relations de travail - l'employeur a fait valoir qu'il avait bien désigné les personnes responsables au premier palier du processus de règlement des griefs et que les personnes exclues étaient au premier niveau de direction - dans la mesure où l'employeur se conformait au règlement, il lui revenait de déterminer combien de personnes seraient désignées et qui serait désigné, à la condition de ne pas abuser de son pouvoir ou de ne pas agir de mauvaise foi - la Commission a statué qu'il incombait à l'employeur de désigner les responsables à chaque palier du processus, et que le rôle de la Commission, lorsque la désignation était contestée, se limitait à s'assurer que les personnes étaient bien été désignées et qu'elles étaient responsables dans leur fonction de s'occuper des griefs - la Commission a statué que les employés avaient bien été désignés étant donné que les listes des responsables avaient été affichées aux lieux de travail - la Commission a aussi statué que les employés visés devaient signer les griefs et, selon la nature du grief, répondre eux-mêmes au grief (après avoir consulté les responsables des relations de travail) ou transmettre la réponse de l'employeur pour les griefs concernant des politiques de l'employeur - la Commission a statué que l'absence de formation sur les griefs n'indiquait pas qu'ils n'étaient pas responsables de l'envoi d'une réponse au grief - la Commission a conclu que l'employeur avait donné à ces employés, sans restriction, la responsabilité de fournir une réponse au grief et que, par conséquent, ils étaient bien exclus de l'unité de négociation aux termes de l'alinéa 3c)(iii) de la Loi sur les relations de travail au Parlement. Demande rejetée. Décisions citées :La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1984] 2 C.F. 998; Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil du Trésor (144-2-44); Dennee (174-2-245); Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Kraft et Sephton) (174-2-398); Pelletier (172-2-284).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail au Parlement

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-11-28
  • Dossier:  442-LP-15
  • Référence:  2003 CRTFP 107

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
requérant

et

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT
employeur

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
intervenant

AFFAIRE : Requête en accréditation

Devant :   Guy Giguère, président suppléant

Pour le requérant :   Michel Gingras, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur :   Carole Piette, avocate

Pour l'intervenant: Alain Piché, Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 3, 4 et 24 septembre 2003.


[1]    Le 24 juin 2002, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'Institut) a déposé une requête en accréditation afin de représenter tous les employés non syndiqués de la Bibliothèque du Parlement (Bibliothèque), soit environ soixante-dix employés. L'Institut précisait que cette requête ne visait pas les postes d'employés exclus au sens de l'article 3 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (LRTP).

[2]    On retrouve à l'article 3 de la LRTP la définition suivante d' « employé » :

« employé » Personne attachée à l'employeur, même si elle a perdu cette qualité par suite d'un congédiement contraire à la présente partie ou à une autre loi fédérale, mais à l'exclusion des personnes :

  1. nommées par le gouverneur en conseil;
  2. qui ne sont pas habituellement astreintes à travailler plus de sept cent heures par année civile ou, si cette période est supérieure, plus du tiers du temps normalement exigé de personnes exécutant des tâches semblables;
  3. employées à titre occasionnel ou temporaire et ayant travaillé à ce titre pendant moins de six mois;
  4. occupant un poste de direction ou de confiance;
  5. échappant, aux termes de l'article 4, à l'application de la présente partie.

[3]    Le 26 juillet 2002, l'employeur a envoyé à la Commission sa réplique à la demande d'accréditation de l'Institut. Il indiquait que quatre-vingt-huit postes étaient visés par la demande d'accréditation de l'Institut et que plusieurs de ces postes devraient être exclus à titre de personnes occupant un poste de direction ou de confiance. La définition de « personne occupant un poste de direction ou de confiance » se retrouve aussi à l'article 3 de la LRTP et se lit ainsi :

« personne occupant un poste de direction ou de confiance » Personne qui :

  a)  occupe un poste de confiance auprès de qui exerce les fonctions reconnues de président du Sénat, de président de la Chambre des communes, de greffier du Sénat, de greffier de la Chambre des communes, d'administrateur de la Chambre des communes, de gentilhomme huissier de la verge noire, de sergent d'armes ou de conseiller parlementaire de l'une ou l'autre chambre;

b)   est employée en qualité de conseiller parlementaire dans l'une ou l'autre chambre ou en qualité de conseiller juridique d'un comité de l'une ou l'autre chambre;

c)   est attachée à l'employeur et qui, sur désignation par la Commission, dans le cas d'une demande d'accréditation d'un agent négociateur pour une unité de négociation, ou, si un tel agent a déjà été accrédité par la Commission, sur désignation dans les formes réglementaires par l'employeur, ou par cette dernière lorsque l'agent négociateur s'y oppose, est classée comme :

(i)   ayant des fonctions dirigeantes en ce qui touche l'établissement et l'application de programmes de l'employeur,

(ii)   occupant un poste dont les attributions comprennent les fonctions d'administrateur du personnel, ou l'amènent à participer directement au processus de négociations collectives pour le compte de l'employeur,

(iii)   s'occupant officiellement pour le compte de l'employeur, en raison de ses attributions, d'un grief présenté selon la procédure établie en application de la présente partie,

(iv)   occupant un poste de confiance auprès de l'une des personnes mentionnées à l'alinéa b) ou aux sous-alinéas (i), (ii) ou (iii),

v) ne devant pas, selon la Commission, bien que non mentionnée aux sous-alinéas (i), (ii), (iii) ou (iv), faire partie d'une unité de négociation en raison de ses attributions auprès de l'employeur.

[4]    De plus l'employeur soumettait que pour les postes qui ne feraient pas l'objet d'une telle exclusion, les employés partageaient une plus grande communauté d'intérêts avec des unités de négociation de l'Alliance de la Fonction publique des locaux des groupes LS, LT et CGS.

[5]    Le 15 août 2002, l'Institut répondait à l'employeur que les postes visés par sa requête partageaient bien une communauté d'intérêts et ne devraient pas relever d'une autre accréditation. L'Institut était d'accord que seize des postes soient exclus de l'unité d'accréditation mais soutenait que les autres postes étaient syndicables, car ils ne détenaient pas d'autorité réelle au sens de l'article 3 de la LRTP.

[6]    Le 23 septembre 2002, la Commission nommait Guy Baron et Gilles Grenier pour faire enquête et présenter un rapport à la suite de la demande d'accréditation de l'Institut dans le présent dossier.

[7]    Le 28 janvier 2003, Me Piette écrivait à M. Baron pour l'informer que les parties s'étaient entendues pour exclure certains des postes de l'unité de négociation proposée. Elle indiquait aussi que les parties demandaient à la Commission de déterminer si vingt postes sur lesquels ils ne s'étaient pas entendus devaient être inclus ou exclus de l'unité de négociation proposée. Ces vingt postes sont les suivants :

Spécialiste au catalogage- Anna Chan

Bibliothécaire Projets spéciaux - Carol Freeman

Adjointe administrative (Bureau du directeur général - Direction de l'information et de la documentation) - Suzanne Lisotte

Chef, Section du développement des collections - Cynthia Hoekstra (Intérimaire M. Beaulieu)

Chef, Services financiers- Murielle Boucher

Chef, Section des services électroniques - Claude Brind'Amour

Chef, Succursales et salles de lecture- Margaret Campbell

Chef, Section de l'appui aux services publics- Kathleen Chance

Chef, Services opérationnels- Vivian Larose

Chef, Section de l'entretien des collections- Alain Leblanc

Chef, Section de référence- Gilles Marleau

Chef, Section des publications en série et acquisitions- Elizabeth McCormick

Chef, Section du catalogage - Richard Tessier

Chef, Gestion du matériel- Frank Volpi

Gestionnaire, Visites du Parlement - Sasja Nieukerk

Gestionnaire, Boutique du Parlement- Gilles Charbonneau

Gestionnaire, Élaboration et évaluation du programme d'interprétation - Jo-Anne Guimond

Gestionnaire, Activités pédagogiques- Ted Buglas

Gérant, Opérations comptables- Julie Larose

Gestionnaire, Publications - Marc Foley

[8]    Le 18 mars 2003, la Commission écrivait aux parties pour leur transmettre une copie du rapport d'enquête de MM. Baron et Grenier et pour les informer qu'une audience aurait lieu à la suite de la demande d'accréditation de l'Institut.

[9]    Au début de l'audience, M. Gingras et Me Piette m'ont informé que les parties s'étaient entendues pour demander à la Commission de statuer dans un premier temps sur l'opposition de l'employeur à l'inclusion sur la base de l'article 3c)(iii) de la LRTP. En effet, les personnes dans les vingt postes sur lesquels les parties ne se sont pas entendues s'occupent officiellement des griefs au premier palier. Les représentants ont expliqué que puisque ce motif d'exclusion est invoqué par l'employeur pour tous ces postes, la réponse à cette question en premier lieu pourrait éviter beaucoup de travail à tous.

Preuve

[10]    Tarik Lacene, chef, relations de travail, classification et dotation à la Bibliothèque, est venu témoigner pour l'employeur. Il a expliqué que la section des relations de travail est responsable de conseiller les gestionnaires et les directeurs en ce qui concerne les griefs, les questions disciplinaires, les évaluations de rendement, l'interprétation de la convention collective et des termes et conditions d'emploi, etc. En plus de ses fonctions de conseil, la section des relations de travail a aussi la responsabilité administrative de donner des numéros de grief, d'assurer le suivi des griefs et le respect des délais. La section a aussi un rôle de coordination de la réponse de l'employeur à certains types de griefs multiples comme ceux de classification.

[11]    M. Lacene a indiqué que l'employeur informait les employés qu'ils étaient le premier palier de grief par voie d'une liste affichée sur des tableaux d'affichage dans les lieux de travail. Une liste des personnes responsables des paliers de griefs à la Bibliothèque depuis 1987 (pièce E-4) a été déposée. M. Lacene a précisé qu'il n'y avait pas eu d'augmentation dans le nombre de responsables au premier palier depuis 1987 et qu'ils étaient maintenant 27.

[12]    En contre-interrogatoire, M. Lacene a indiqué que les responsables au premier palier de grief ne reçoivent pas initialement de formation sur la gestion des griefs. La Bibliothèque est une petite organisation où peu de griefs sont déposés. Lorsque les responsables reçoivent un grief, la section des relations de travail va leur donner des conseils et cette expérience sert de formation. M. Lacene a témoigné que la nature des griefs détermine comment est préparé la réponse au grief. Si un grief concerne une pratique ou une politique de l'employeur, alors il faut que cette pratique ou politique soit respectée et la section des relations de travail sera très impliquée. Par contre, pour les griefs où il existe une discrétion, il y a un dialogue entre la section des relations de travail et le responsable au premier palier. Le responsable a donc une latitude dans la réponse. Une série de griefs ainsi que les réponses au premier palier de grief ont été déposées à cet effet (pièce E-6).

[13]    Par ailleurs, M. Lacene a expliqué qu'il était chargé de la classification des postes à la Bibliothèque du Parlement. En octobre 2000, la décision fut prise d'entreprendre une étude sur la classification des postes du groupe MPA. Le système de classification Hay fut retenu. Des ateliers pour les employés ont eu lieu en décembre 2000 pour leur expliquer comment écrire leur description de tâches. M. Lacene a indiqué que plusieurs des employés qui sont le premier palier de grief ont choisi de l'inscrire dans leur description de tâches (pièce E-5). Lorsque les postes ont été classifiés, cette information était disponible sur tous les postes et des points ont été accordés pour cette raison dans la classification.

[14]    Les autres témoins sont responsables au premier palier de grief et sont venus témoigner en faveur de la demande d'accréditation de l'Institut. Murielle Boucher, chef des services financiers, Bibliothèque du Parlement, a expliqué qu'à la suite d'un détachement en novembre 1997, elle travaillait à la Bibliothèque du Parlement. Mme Boucher a témoigné qu'elle a appris qu'elle était le premier palier de grief, à l'été 2002, lorsque des griefs de classification de sa section ont été remis à Mme Boutin, sa superviseure. C'est alors qu'elle a été avisée verbalement qu'elle était le premier palier de grief et qu'elle devait signer ces griefs pour en accuser réception. Elle n'avait pas inscrit dans sa description de tâches en mars 2001 qu'elle était le premier palier de grief parce qu'elle l'ignorait.

[15]    Elle n'a jamais reçu de formation de l'employeur sur la gestion de griefs ni sur l'interprétation de la convention collective. Elle n'a pas reçu de délégation d'autorité comme cela ce fait en matière financière. Mme Boucher a indiqué que dans son emploi précédent, au Bureau du Surintendant des institutions financières, elle était représentante syndicale pour l'Institut. Cette expérience syndicale l'a familiarisée avec le système de paliers de grief bien qu'elle n'ait jamais reçu de formation de l'Institut ou de son ancien employeur.

[16]    En contre-interrogatoire, elle a témoigné qu'elle ne se souvenait pas d'avoir vu une liste des paliers de grief sur les tableaux d'affichage situés dans les différents locaux de l'employeur. Depuis l'été 2002, il y a un tableau d'affichage dans le local où elle travaille et elle a bien vu la liste des responsables des paliers de grief.

[17]    Mme Boucher a expliqué que lorsqu'elle reçoit un grief, elle l'achemine à son patron, Mme Boutin, parce que dans les faits c'est cette dernière qui dirige. Mme Boucher a indiqué qu'elle avait l'autorité pour accorder ou refuser des congés annuels, parentaux et de maladie. Par contre, pour des demandes plus complexes, tels les congés de maladie sans rémunération ou les certificats médicaux prolongés, elle les transmet à Mme Boutin.

[18]    En contre-interrogatoire, elle a répondu qu'elle se rappelait avoir eu des problèmes de rendement avec un employé et qu'elle avait discuté avec Mme Boutin qui lui avait conseillé de parler avec M. Lacene (pièce E-8). De plus, un grief sur l'équité présenté en 1999 par la même employée a été présenté en preuve (pièce E-9).

[19]    Frank Volpi est chef de la gestion du matériel depuis 1997 et il sait qu'il est le premier palier de grief depuis de nombreuses années. Il a expliqué que ce n'est pas lui qui prend les décisions quand il reçoit un grief. Il ne fait que le signer et il le remet à son directeur. Il a reçu peu de griefs au cours des dernières années. Un grief a été déposé en preuve (pièce E-4) en contre-interrogatoire et ce grief portait sur la classification. Il peut autoriser des congés annuels ou des congés de maladie de 3 jours ou moins, mais c'est la limite de son autorité. En contre-interrogatoire, il a expliqué qu'il était responsable d'évaluer le rendement de ses employés mais qu'il en discute avec son directeur avant de signer les évaluations de rendement.

[20]    M. Richard Tessier est chef du catalogage et a commencé à travailler à la Bibliothèque en juin 1980. Il sait qu'il est le premier palier de grief depuis 1987, alors qu'il avait reçu son premier grief. Il a témoigné que lorsqu'il reçoit un grief, il le signe et il appelle les ressources humaines. M. Tessier a expliqué qu'il avait fait partie de l'équipe de négociation de la première convention collective et qu'à son adoption, l'employeur avait donné une formation sur les paliers de grief. Depuis, il n'y a pas eu de formation sur cette question.

[21]    Il a expliqué son expérience de gestion de griefs et revu les réponses qu'il a données (pièces E-6 et E-13). Le premier grief qu'il a reçu concernait la lecture de coupures de presse dans « Quorum » pendant les heures de travail. Il a avisé Mme Hill des relations de travail. Il y a répondu de lui-même, sans recevoir de directive de Mme Hill. Il a reçu par la suite des griefs sur la description de tâches, les heures de travail, les demandes de congé, etc. Lorsque ces griefs concernaient des congés qu'il n'avait pas l'autorité d'approuver, il les référait à son directeur général. Il n'a jamais dû refuser un congé, mais s'il recevait un grief sur des questions où il a l'autorité, il répondait au grief en collaboration avec les ressources humaines. La réponse avait été rédigée par la section des relations de travail car, selon lui, cela concernait une interprétation de la convention collective. Il a l'autorité d'accorder des congés annuels et de maladie. Il remet les autres demandes de congé à son superviseur.

Plaidoiries de l'employeur

[22]    Me Piette soumet que les personnes responsables au premier palier de grief sont identifiées par une liste affichée au tableau d'affichage tel que prévu dans les règlements de la LRTP. Ces listes sont affichées depuis 1987 et sont mises à jour de façon périodique. Il n'y a pas eu d'augmentation depuis 1987 du nombre de responsables au premier palier de grief.

[23]    Dix-sept des vingt postes pour lesquels une exclusion est demandée par l'employeur se rapportent directement à un directeur qui se rapporte directement au Bibliothécaire du Parlement. Ils sont la première ligne de la gestion.

[24]    Me Piette plaide qu'en autant que l'employeur s'est conformé aux dispositions de la LRTFP et de ses règlements relatifs au processus de grief, il appartient à l'employeur de déterminer le nombre de personnes et les personnes qui seront désignées par l'employeur comme étant les paliers de grief. Ceci est sujet à ce qu'il n'y ait pas d'abus de pouvoir ou de mauvaise foi de la part de l'employeur dans l'exercice de cette discrétion. Il n'y a eu aucune preuve à cet effet.

[25]    Par ailleurs, selon Me Piette, le deuxième point à être déterminé, est si l'employeur a véritablement conféré aux responsables au premier palier l'autorité de répondre aux griefs. L'employeur reconnaît que les responsables au premier palier possèdent une discrétion limitée de répondre aux griefs. Lorsque les griefs portent sur l'interprétation de la convention collective ou des termes et conditions d'emploi, il n'existe peu ou pas de discrétion dans la réponse que peut fournir les responsables au premier palier de grief.

[26]    Me Piette soumet que les responsables au premier palier sont des chefs ou des gestionnaires qui doivent être redevables de leurs décisions. C'est ce qui arrive lorsqu'ils doivent répondre au grief contre leur décision de refuser un congé, d'imposer une mesure disciplinaire, etc. À l'appui de ces arguments, Me Piette a soumis les décisions suivantes :

L'Association professionnelle des agents du service extérieur et le Conseil du Trésor (Affaires extérieures, Affaire no. 1) (dossier de la Commission 144-2-44);

L'Association des économistes, sociologues et statisticien(ne)s et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 172-2-28);

L'Association des économistes, sociologues et statisticien(ne)s et le Conseil du Trésor (dossiers de la Commission 172-2-346 et 172-2-387);

L'Alliance de la Fonction publique du Canada et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 174-2-361;

La Reine du chef du Canada, représentée par le conseil du Trésor c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1984] 2 F.C. 998 (Q.L.).

Plaidoiries du requérant

[27]    M. Gingras soumet que la jurisprudence de la Commission indique que pour qu'il y ait un palier de grief, il faut qu'il y ait une autorité réelle et indépendante du responsable à répondre au grief. La preuve a démontré que les responsables au premier palier n'ont certainement pas cette autorité ni l'indépendance dans la réponse au grief.

[28]    La preuve démontre que les responsables au premier palier de grief n'ont reçu aucune formation sur la gestion des griefs. En fait, ils ne font que signer le grief lorsqu'ils le reçoivent et leur action est limitée à le transmettre comme une courroie de transmission. Certains des responsables apprennent qu'ils le sont seulement lorsqu'ils reçoivent le premier grief et qu'ils sont avisés par leur directeur ou les ressources humaines qu'ils doivent le signer. En effet, ils ne reçoivent aucun avis écrit les avisant personnellement qu'ils sont un palier de grief. L'employeur dit qu'il satisfait aux dispositions de la loi en ayant un tableau d'affichage où sont affichées les listes des paliers de griefs. Une méthode beaucoup plus moderne et plus efficace serait de distribuer électroniquement ces listes aux employés. Tous les témoins ont déclaré qu'ils n'ont jamais reçu un guide de délégation en matière de ressources humaines et dans les faits, ils n'ont aucune autorité pour décider de la réponse d'un grief.

[29]    À l'appui de ces arguments, M. Gingras a cité les décisions suivantes : Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Météomédia - CSN et Pelmorex Communications Inc., division Météomédia, [2003] CCRI no 238.

Motifs de la décision

[30]    Il est important de faire la lecture de la définition d'une personne occupant un poste de direction et de confiance que l'on retrouve à l'article 3c)(iii) de la LRTP avec les dispositions de l'article 71(4) de la LRTP. L'article 3c)(iii) se lit ainsi :

(iii) s'occupant officiellement pour le compte de l'employeur, en raison de ses attributions, d'un grief présenté selon la procédure établie en application de la présente partie,

[31]    L'article 71 porte sur les pouvoirs de la Commission de prendre des règlements relatifs à la procédure de griefs; il y est précisé au paragraphe 4 ce qui suit :

    (4) Pour l'application des dispositions de la présente partie concernant les griefs, l'employeur désigne les personnes dont la décision en cette matière constitue un palier de la procédure applicable, y compris le dernier. En cas de doute, il communique par écrit les noms de ces personnes à quiconque voulant déposer un grief, ou à la Commission.

[32]    Il est clair que c'est l'employeur qui désigne les personnes qui constituent les paliers de griefs. Le rôle de la Commission, lorsque la désignation est contestée, se limite à s'assurer que les personnes ont bien été désignées et qu'elles sont responsables dans leur fonction de s'occuper des griefs.

[33]    La Cour fédérale Division d'appel, l'a confirmé dans une décision portant sur des dispositions similaires se retrouvant à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Dans La Reine du chef du Canada représentée par le Conseil du Trésor c. l'Alliance de la Fonction publique du Canada (supra), elle statuait à la page 5 :

. la Commission a le pouvoir et le devoir de déterminer, . si les personnes en cause correspondent aux catégories de personnes visées. de la définition. .

Par conséquent, la question à décider, suivant les termes de cette disposition, est de savoir si les personnes désignées par l'employeur sont effectivement tenues, en raison de leurs fonctions et de leurs responsabilités, de s'occuper de griefs pour le compte de l'employeur..

[34]    On doit donc tout d'abord déterminer si les 20 personnes sur lesquelles la Commission doit statuer sont bien désignées comme palier de grief par l'employeur.

[35]    M. Gingras a soumis que dans certains cas les employés ignoraient qu'ils étaient responsables au premier palier et qu'ils en étaient informés au moment où ils recevaient leur premier grief. La preuve démontre néanmoins que les listes des responsables aux différents paliers de griefs étaient bien affichées sur les tableaux d'affichage prévus à cet effet dans les lieux de travail.

[36]    Il n'en demeure pas moins regrettable que des employés pourraient apprendre qu'à la réception d'un grief qu'ils sont le premier palier. Bien qu'il ne soit pas expressément prévu dans la LRTP ou les règlements, l'article 60(3) du règlement prévoit que d'autres façons que les tableaux d'affichage peuvent, sujet à l'approbation de la Commission, être utilisées pour communiquer aux employés les listes des différentes personnes responsables aux paliers de grief. Ainsi, comme M. Gingras l'a suggéré, l'employeur pourrait mettre une telle liste sur son site intranet. Cela pourrait éviter ce genre de situation.

[37]    Par ailleurs, il n'est pas contesté que les employés visés par la demande d'exclusion sont bien désignés par l'employeur comme étant le premier palier de grief. Je conclus donc que ces vingt personnes sont bel et bien désignées comme étant le premier palier de grief à la Bibliothèque.

[38]    La deuxième question à déterminer est donc de savoir si les responsables désignés par l'employeur sont effectivement tenus en raison de leurs fonctions et leurs responsabilités de s'occuper des griefs pour l'employeur. Pour y répondre, une revue de la jurisprudence de la Commission s'impose.

[39]    M. Finkelman, premier président à la Commission, écrivait dans Affaires extérieures, Affaire no1 (supra) page 8, que le responsable au palier de grief devait être « . une personne qui s'est vu confier par l'employeur la fonction et la responsabilité de prendre d'elle-même des décisions concernant certains genres de plaintes soumises par écrit . ». M. Finkelman précisait (à la page 9) que le responsable « . aux plus bas paliers du mode de règlement des griefs n'aura pas l'autorité nécessaire pour rendre une décision exécutoire à l'égard de certaines plaintes et que le plus que cette personne peut faire concernant ces griefs, c'est de les référer au palier suivant ou au dernier palier ».

[40]    Depuis, plusieurs décisions de la Commission sont venues apporter d'autres clarifications. Ainsi, dans l'affaire Dennee (dossier de la Commission (174-2-245), la Commission a statué à la page 16 que :

Il arrive souvent que divers paliers de la direction travaillent en étroite collaboration avec le personnel des relations de travail au sujet de certains griefs. Les divisions des relations d[e] travail ont été créées afin de fournir, entre autres services, des conseils spécialisés ou leur aide au personnel de direction. Cependant, le pouvoir de prendre les décisions demeure clairement entre les mains des personnes désignées conformément à la loi.

[41]    Dans Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor (Affaire Kraft et Sephton) (dossier de la Commission 174-2-398), les responsables au premier palier de grief n'avaient pas reçu de formation sur la gestion des griefs et avaient peu de connaissance sur la façon de traiter les griefs. La Commission a accepté l'exclusion en indiquant au paragraphe 29 que cela ne révélait pas « . que l'employeur a abusé de son pouvoir et (ou) de sa responsabilité (ou a fait preuve de mauvaise foi) . ».

[42]    Une autre décision pertinente est l'affaire Pelletier (dossier de la Commission 172-2-284) où la Commission a statué que le fait pour un responsable de consulter son superviseur dans la préparation de la réponse à un grief n'en fait pas un esclave et il demeure libre de rejeter l'avis de son superviseur.

[43]    Si on examine maintenant la preuve dans le présent dossier, on constate que les responsables au premier palier sont tenus de signer les griefs comme accusé de réception lorsque c'est un grief qui se règle à d'autres paliers comme ceux de classification. L'employeur a admis que les responsables au premier palier de grief ont peu ou pas de discrétion dans la réponse de grief portant sur l'interprétation de la convention collective ou des termes et conditions de travail. Ils apposent leur signature en le transmettent au palier de grief supérieur ou bien la section des relations de travail prépare une réponse. Comme il est écrit dans la décision Affaires extérieures, cas no 1, il est normal qu'au premier palier de grief le responsable n'ait pas l'autorité pour rendre une décision à l'égard de ce genre de grief et que le plus qu'il a à faire c'est de le référer à un autre palier.

[44]    Sur ces sujets, les responsables peuvent consulter la section des relations de travail mais, selon l'employeur, l'autorité de répondre à ces griefs demeure dans les mains des responsables au premier palier de grief. L'Institut a répliqué que les responsables n'avaient pas véritablement l'autorité de répondre aux griefs et qu'ils n'agissaient en fait que comme une courroie de transmission. Selon M. Gingras, les responsables ne sont pas vraiment en mesure de répondre à des griefs parce qu'ils n'ont pas reçu de formation, ni reçu une délégation formelle d'autorité pour répondre aux griefs.

[45]    L'employeur a expliqué qu'il y a peu de griefs de déposés à la Bibliothèque du Parlement et qu'il préfère ne pas donner de formation formelle sur la gestion des griefs et plutôt procéder au cas par cas. Comme on l'a vu dans l'affaire Kraft et Sephton (supra), même si les responsables d'un palier de grief n'ont pas reçu de formation sur la gestion de griefs, nous ne pouvons en conclure pour autant qu'ils n'ont pas l'autorité de répondre au grief.

[46]    Cependant, une autorité de gestion a été conférée à ces responsables en ce qui a trait aux congés annuels, à l'approbation des principaux congés de maladie, à la rédaction des évaluations de rendement des employés qu'ils supervisent, etc. La preuve est à l'effet qu'ils doivent répondre aux griefs portant sur les décisions qu'ils ont prises, où ils ont une autorité de gestion. Ce faisant, ils sont appelés à consulter la section des relations de travail lors de la préparation de leur réponse. C'est un des rôles d'une section des relations de travail de donner des conseils ou de l'aide aux responsables des paliers de grief. Ces derniers n'en perdent pas pour autant l'autorité de répondre aux griefs. La section des relations de travail est consultée, mais il n'en demeure pas moins que l'employeur a confié l'autorité de gestion et l'autorité de répondre aux griefs sur ces sujets aux vingt employés qui sont le premier palier de grief.

[47]    De la même façon, même si le responsable au premier palier consulte son superviseur lors de la préparation de la réponse au grief, il demeure en fait, libre de rejeter l'avis de son superviseur. Comme l'a écrit la Commission dans l'affaire Pelletier (supra), je considère que l'employeur a accordé sans restriction aux responsables du premier palier de grief le pouvoir de répondre au grief.

[48]    Je dois donc conclure pour toutes ces raisons que les vingt postes spécifiés au paragraphe 7 de cette décision sont exclus de l'unité de négociation proposée. Ce sont des postes de direction ou de confiance au sens de l'article 3c)(iii) de la LRTP car les personnes dans les postes s'occupent officiellement pour le compte de l'employeur des griefs.

[49]    Ceci dit, je veux faire les recommandations suivantes à l'employeur. Le peu de griefs à la Bibliothèque fait que les responsables sont amenés à développer peu d'expertise et d'autonomie dans la gestion de griefs. Comme l'a soulevé M. Gingras, la distribution d'un simple document énumérant la délégation d'autorité en matière de gestion des ressources humaines pourrait clarifier pour les responsables au premier palier de grief, leur autorité à répondre aux différents griefs. Un deuxième document expliquant la procédure de gestion de griefs pourrait être remis systématiquement aux responsable des paliers de griefs en indiquant clairement comment s'exerce leur autorité. Ce deuxième document ferait en sorte d'assurer une formation de base en matière de gestion de griefs.

Guy Giguère,
président suppléant

OTTAWA, le 28 novembre 2003.

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