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Résumé :

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  • Date:  2014-07-10
  • Dossier:  585-09-54; 585-09-55; 585-09-56; et 585-09-64
  • Référence: 


DANS L’AFFAIRE CONCERNANT LA
LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE
et une demande d’arbitrage entre
l’Association des employés du Conseil de recherches, l’agent négociateur,
et le Conseil national de recherches du Canada, l’employeur,
relativement à l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur compris dans la catégorie Administration et Service extérieur chargés d’assurer des services de gestion interne (l’« unité de négociation AS »), à l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur compris dans le groupe Soutien administratif au sein de la catégorie « Soutien administratif » (l’« unité de négociation AD »), à l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur chargés de la planification, l’exécution et la surveillance des programmes d’achat et d’approvisionnement pour répondre aux besoins des ministères et organismes gouvernementaux (l’« unité de négociation PG »), de l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur compris dans la catégorie Exploitation (l’« unité de négociation OP ») et à l’unité de négociation composée de tous les employés de l’employeur chargés de la planification, l’exécution et la surveillance des services de traitement informatiques des données (l’« unité de négociation CS »)

Décision complémentaire



Devant:
Ian R. Mackenzie, président
Georges Nadeau et Guy Lauzé, membres du conseil d’arbitrage
Pour l’agent négociateur:
Christopher Rootham
Pour l'employeur:
Caroline Richard

Arguments écrits datés des 17, 25 et 30 juin 2014 (Traduction de la CRTFP)

Introduction

1 Le conseil d’arbitrage a rendu des décisions dans cette affaire le 3 juin 2014 : une décision pour les unités de négociation AS (585-09-54), AD (585-09-55), PG (585-09-56) et CS (585-09-64) et une autre pour l’unité de négociation OP (585-09-60). Le conseil d’arbitrage est demeuré saisi de l’affaire pendant une période de deux semaines pour traiter des questions touchant la mise en application. Le 17 juin 2014, l’agent négociateur (l’« AECR ») a soulevé une question relativement à la protection salariale.

2 Le conseil d’arbitrage a décidé qu’il étudierait la demande de l’AECR par la voie d’arguments écrits. Les arguments de l’AECR ont été reçus le 17 juin 2014, et ceux de l’employeur, le 25 juin 2014. L’agent négociateur a soumis des arguments en réplique le 30 juin 2014.

Contexte

3 Dans son mémoire d’arbitrage, l’agent négociateur a renvoyé à l’examen de classification afférent aux groupes AS et AD. Il proposait un protocole d’entente sur la protection salariale s’appliquant à toutes les unités de négociation dans le cas d’une « nouvelle norme ou d’un nouveau système de classification ». 

4 Dans son mémoire d’arbitrage, l’employeur a répondu ce qui suit en ce qui concerne la proposition :

[Traduction]

Le Manuel des ressources humaines du CNRC contient une politique sur la classification, qui s’applique plus particulièrement aux questions touchant la « protection salariale ». Le paragraphe 5.3.8.7.2 porte sur la classification à la baisse des taux de rémunération et prévoit expressément que, en cas de reclassification à la baisse du poste d’un employé, celui-ci conserve son ancienne classification aux fins salariales, sauf s’il refuse une nomination à un poste à l’ancien niveau de classification dans la même région géographique. Comme le paragraphe 5.3.8.7.2 du Manuel des ressources humaines du CNRC traite adéquatement de la question, il n’y a pas lieu de faire double emploi dans la convention collective. […]

5 Deux chapitres du Manuel des ressources humaines du CNRC portent respectivement sur la protection salariale et la reclassification. Le chapitre 9 (Classification) prévoit (9.1.13.6) que les titulaires de postes étant reclassifiés à la baisse ont droit à une protection salariale, conformément aux dispositions pertinentes du Manuel (maintenant paragraphe 5.3.8.7).

6 Les dispositions du Manuel ayant trait à la protection salariale prévoient ce qui suit :

5.3.8.7.2 Lorsque le CNRC procède à la rétrogradation du poste d’un employé, ce dernier, aux fins de rémunération seulement, conserve la même classification, à moins que l’employé ne refuse une nomination à un poste à l’ancien niveau de classification, dans la même région géographique.

5.3.8.7.3 Lorsqu’un employé refuse une telle nomination, le CNRC nomme l’employé au niveau de classification inférieur et la nomination constitue une mutation, aux fins de déterminer le nouveau taux de rémunération.

7 En 2012, l’employeur a publié un document intitulé [traduction] « Projet de renouvellement du CNRC – charte de projet ». Dans ce document, l’employeur déclarait qu’il « donnerait aux employés l’assurance qu’ils auraient droit à une protection salariale si leur poste était touché à la baisse par la conversion à un nouveau système d’évaluation des emplois ».

8 Le conseil d’arbitrage a tiré la conclusion suivante en ce qui concerne la protection salariale s’appliquant à l’ensemble des unités de négociation : 

87. L’agent négociateur a proposé l’inclusion d’un protocole d’entente sur la protection salariale dans la convention collective. Il a fait remarquer que l’on procédait actuellement à un réexamen de la classification pour les groupes AS et AD, ce qui rendait cette question pressante. L’employeur a déclaré qu’il existe déjà une politique sur la protection des salaires et que la nécessité d’inclure un PE dans la convention collective n’a pas été démontrée. 

88. Le conseil d’arbitrage note que l’on n’a pas démontré l’existence de problèmes eu égard à l’actuelle politique de l’employeur sur la protection salariale. Néanmoins, le conseil d’arbitrage remarque que la politique actuelle est sujette à des modifications unilatérales et ne prévoit pas de recours à l’arbitrage en cas de non-respect de ses dispositions. Par conséquent, le conseil d’arbitrage a décidé que la politique de l’employeur en matière de protection salariale sera incluse, en appendice, dans la convention collective en date de la présente décision.

[Le libellé de la décision visant l’unité de négociation OP est identique; il se trouve aux paragraphes 71 et 72.] 

9 À la suite de cette décision, l’agent négociateur a indiqué au conseil qu’il n’existait aucune politique portant expressément sur la protection salariale et que les questions de classification étaient réglées en fonction du Manuel des ressources humaines. Selon l’employeur, la décision ayant été rendue exige uniquement d’intégrer les deux paragraphes de son Manuel des ressources humaines dans la convention collective (5.3.8.7.2 et 5.3.8.7.3). Or, aucun de ces paragraphes ne s’applique dans le cas d’un exercice de conversion.

Arguments de l'agent négociateur

10 L’agent négociateur a fait valoir que, comme le démontrait la preuve présentée à l’audience, il y avait un examen de classification en cours pour les groupes AS et AD qui entraînera une conversion de ces classifications à une nouvelle norme de classification. Afin de bien appliquer les intentions du conseil, l’AECR a proposé le libellé pour une annexe de la convention collective portant sur la protection salariale.

11 Subsidiairement, l’agent négociateur a proposé que le libellé actuel de l’employeur au chapitre 5.3 du Manuel des ressources humaines, ainsi que le libellé prévoyant la protection salariale contenu dans « Projet de renouvellement du CNRC – charte de projet », soient ajoutés en annexe de la convention collective.

Arguments de l’employeur

12 L’employeur a fait valoir que les demandes de l’agent négociateur dépassent un éclaircissement au sujet de la décision et exigeraient que le conseil en arrive à une décision différente. Il a soutenu que, comme le conseil était functus officio, il ne pouvait pas retenir ni l’une ni l’autre des propositions de l’agent négociateur : Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848.

13 Par ailleurs, l’employeur a soutenu que le maintien de la compétence aux fins de la mise en application d’une ordonnance n’équivaut pas à la compétence de modifier une ordonnance : Cargill Ltée c. Syndicat national des employés de Cargill Ltée, 2002 CAF 269.

14 L’employeur a aussi renvoyé le conseil d’arbitrage à la décision Alliance de la Fonction publique du Canada et Conseil du Trésor, [1988] C.R.T.F.P.C. no 27, dans laquelle la Commission a refusé d’exercer sa compétence parce que l’agent négociateur était informé ou aurait dû être informé de la confusion ou de l’incertitude au moment de l’audience initiale.

15 L’employeur a soutenu que le conseil a clairement choisi d’intégrer les paragraphes 5.3.8.7.2 et 5.3.8.7.3. du Manuel des ressources humaines, sans modification : 

[Traduction]

L’AECR a eu la possibilité de faire valoir et a fait valoir à l’audience la nécessité de son protocole d’entente pour assurer une protection salariale. L’AECR a également eu la possibilité de faire valoir au conseil d’arbitrage que le Manuel des ressources humaines du CNRC ne s’appliquait pas à une conversion. L’AECR a omis de le faire à l’audience et elle ne peut plus soulever cette question une fois que la décision a été rendue. Tout désaccord de l’AECR à l’égard des arguments du CNRC était tout à fait évident au moment de l’audience et l’AECR était loisible de les faire valoir. Le conseil d’arbitrage ne devrait pas utiliser cette occasion pour modifier sa décision, pas plus que l’AECR ne devrait avoir la possibilité de soumettre son argument.

16 L’employeur a prétendu que, dans sa décision, le conseil n’avait clairement pas l’intention d’accepter le protocole d’entente proposé par l’AECR ou une version modifiée de ce protocole d’entente.

17 Il a déclaré qu’un décideur ne peut pas étoffer ses motifs relativement à des questions ayant déjà été tranchées lorsque la décision ayant été rendue représente adéquatement l’intention manifeste du décideur : I.M.P. Group Ltd. Aerospace Division (Comox) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2007 CF 517.

18 L’employeur a soumis que, comme le conseil d’arbitrage avait manifestement l’intention de régler la question par l’intégration du Manuel des ressources humaines, auquel renvoient le mémoire d’arbitrage et les documents du CNRC, et comme il n’avait pas la compétence nécessaire pour modifier le Manuel des ressources humaines, la demande de l’AECR ne pouvait pas être examinée que ce soit en se fondant sur l’exception liée à l’intention manifeste ou sur l’exception liée au mandat prévu par la loi énoncée dans Chandler.

19 L’employeur a aussi soumis que les dispositions relatives au réexamen des décisions arbitrales en vertu de l’article 158 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) ne s’appliquaient pas.

20 Le CNRC a demandé au conseil de rejeter les propositions de l’AECR et de confirmer ce qui suit : 

[Traduction]

  1. la mise en application de la décision relative à la protection salariale exige simplement l’intégration des paragraphes 5.3.8.7.2 et 5.3.8.7.3 du Manuel des RH dans la convention collective, 
  2. elle ne s’applique pas à un exercice de conversion,
  3. la décision ne prévoit pas l’intégration complète du Manuel des RH dans la convention collective.

Arguments en réplique de l’agent négociateur

21 L’agent négociateur a fait valoir que rien dans le document sur la charte de projet ne porte à croire que la protection salariale signifie autre chose que ce que prévoient les dispositions du Manuel. Il a soutenu que l’employeur n’a pas expliqué pourquoi, à son avis, seuls les paragraphes 5.3.8.7.2 et 5.3.8.7.3 devraient être intégrés à la convention collective. Il a également soutenu que l’employeur n’a pas expliqué de quelle manière sa position, selon laquelle ces paragraphes ne s’appliquent pas à l’exercice de conversion, cadre avec la décision arbitrale.

22 L’agent négociateur a précisé qu’il ne demandait pas au conseil d’arbitrage de modifier sa décision, mais bien de la clarifier.

23 L’agent négociateur a déclaré que le concept de functus officio doit être appliqué de manière plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs : Chandler, paragraphes 21 et 22.

24 Selon l’agent négociateur, la jurisprudence récente a mis l’accent sur l’importance pour les conseils d’arbitrage de maintenir leur compétence dans le cas de différends en vue de concrétiser l'« intention manifeste » sous-tendant la décision : Nova Scotia Government and General Employees Union v. Capital District Health Authority, 2006 NSCA 85 et CUPE, Air Canada Component v. Air Canada, 2014 ONSC 2552.

25 L’agent négociateur a fait valoir que sa proposition visant à apporter des éclaircissements va dans le sens de l’intention manifeste sous-tendant la décision initiale du conseil d’arbitrage. Il a ajouté que le conseil d’arbitrage devrait préciser sa décision de sorte à éviter un grief de principe inutile.

26 L’agent négociateur a déclaré qu’il ne se fondait pas sur l’article 158 de la LRTFP pour demander des précisions. Il a convenu que l’article 158 ne s’appliquait pas en l’espèce. Il lui semblait que le CNRC prétendait que les articles 158 et 158.1 de la LRTFP constituaient un code exhaustif régissant les actions d’un conseil d’arbitrage à la suite du prononcé d’une décision. Il a fait valoir que ces articles ne limitaient pas la capacité d’un conseil d’arbitrage de maintenir sa compétence pour traiter de questions liées à la mise en œuvre de sa décision.

27 L’agent négociateur a aussi fait valoir que l’employeur avait convenu de la compétence du conseil d’arbitrage lorsqu’il avait accepté que celui-ci demeure saisi pour traiter de la question soulevée par l’agent négociateur.

Analyse

28 Nous ne croyons pas que l’employeur a convenu de notre compétence du seul fait d’avoir accepté que nous demeurions saisis pour étudier la question de la protection salariale. Cependant, pour les motifs énoncés ci-après, nous concluons que le conseil d’arbitrage a la compétence pour entendre la question entourant la protection salariale et qu’il n’est pas functus officio.

29 Nous estimons, comme l’a exposé la Cour suprême dans Chandler, que le principe de functus officio doit s’appliquer de manière souple dans le cadre des procédures des tribunaux administratifs. De plus, le préambule de la LRTFP reconnaît la nécessité de « […] résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi […] ». Compte tenu des circonstances en l’espèce, il ne serait ni crédible, ni efficace de ne pas clarifier notre décision.  

30 Il est ressorti clairement lors de l’audience initiale, tant dans les arguments de l’agent négociateur que dans le titre de sa proposition mentionnant une nouvelle norme ou un nouveau système de classification, que la question en litige était la protection salariale à la suite d’un éventuel exercice de reclassification ou de conversion. Dans les arguments qu’il a présentés au conseil d’arbitrage, l’employeur a indiqué implicitement que les dispositions du Manuel s’appliquaient à une nouvelle norme ou à un nouveau système de classification lorsqu’il a déclaré que le Manuel [traduction] « trait[ait] adéquatement de la question et qu’il n’y a[vait] pas lieu de faire double emploi dans la convention collective ». À l’audience initiale, l’employeur n’a pas fait valoir que les dispositions du Manuel ne s’appliquaient pas à un exercice de conversion, et l’agent négociateur n’avait pas l’obligation de présenter une position contraire étant donné qu’il proposait un nouveau (et différent) protocole d’entente.

31 Il ressort également clairement des arguments de l’employeur, ainsi que du document sur la charte de projet, que l’employeur a l’intention d’offrir une protection salariale contre les effets négatifs de la conversion à un nouveau système d’évaluation des emplois (c.-à-d. de classification).

32 Compte tenu des arguments présentés au conseil d’arbitrage, ainsi que du renvoi dans la proposition à une nouvelle norme ou un nouveau système de classification, il est évident que l’intention manifeste du conseil d’arbitrage était que les règles existantes en matière de protection salariale s’appliquent à toute modification involontaire de la classification d’un employé (ce qui comprend la conversion) et que ces règles soient incluses dans la convention collective.

33 Le conseil d’arbitrage a ordonné l’inclusion de la « politique sur la protection salariale » en annexe de la convention collective. Malheureusement, le conseil d’arbitrage n’a pas exposé les éléments constitutifs de la politique de l’employeur. Afin de clarifier son intention manifeste, le conseil d’arbitrage apporte les précisions suivantes à son ordonnance :

[Traduction]

Les paragraphes 9.1.13.6, 5.3.8.7.2 et 5.3.8.7.3 doivent être inclus en annexe de la convention collective appelée « Protection salariale lors d’une reclassification et d’une conversion ».

Ian R. Mackenzie

Pour le conseil d’arbitrage

Le 10 juillet 2014.

Traduction de la CRTFP

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