Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Appartenance à l'unité de négociation - Les personnes embauchées en vertu d'une série ininterrompue de contrats de moins de six mois sont-elles des employés au sens de la Loi sur les relations de travail au Parlement - Demande fondée sur l'article 24 et renvoi effectué en vertu de l'article 70 de la Loi - la requérante était l'agent négociateur accrédité de tous les employés de l'employeur au sein du groupe des services de protection - les procédures engagées ont soulevé la question de savoir quel était le statut de neuf constables travaillant à la Chambre des communes en vertu d'une série de contrats d'une durée inférieure à six mois interrompue par de courtes pauses entre la fin d'un contrat et le début du suivant - les personnes embauchées sur une base temporaire sont exclues de la définition du mot « employé » dans la Loi sauf si elles ont travaillé pendant une période de six mois ou plus - l'employeur a soutenu que les neuf constables n'étaient pas des employés au sens de la Loi puisqu'ils avaient été embauchés sur une base temporaire pour des périodes de moins de six mois - ils n'appartenaient par conséquent pas à l'unité de négociation et n'étaient pas assujettis à la convention collective pertinente - la preuve a démontré que les neuf constables avaient été intégrés à l'effectif et accomplissaient le même travail que les autres constables dans des conditions similaires - parce que l'employeur était de l'avis que la convention collective ne s'appliquait pas à ces neuf constables, ceux-ci recevaient des avantages inférieurs à ceux des autres constables, y compris un taux de rémunération inférieur - la Commission en est venue à la conclusion que la relation employeur-employé entre les neuf constables et l'employeur n'était pas épisodique - cette relation n'était ni temporaire ni limitée dans le temps de manière à permettre à l'employeur de répondre aux fluctuations de la charge de travail - les constables étaient donc des employés au sens de la Loi - la Commission a ordonné à l'employeur d'appliquer les dispositions pertinentes de la Loi et de la convention collective à ces neuf constables. Demande et renvoi agréés. Décisions citées: Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission des relations de travail dans la fonction publique [1979] 2 C.F. 599; Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Econosult) (1991), 123 N.R. 161; Syndicat général du cinéma et de la télévision et Office national du film (147-8-30); Canada (Procureur général) c. Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (1991), 135 N.R. 70 (C.A.F.); S.G.C.T. c. Sa Majesté la Reine [1978] 1 C.F. 346; Churchill et Office national du film (161-8-320); Pioneer Grain Company Limited c. Kraus [1981] 2 C.F. 815.

Contenu de la décision

Dossiers: 447-HC-3 469-HC-9

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations au Parlement de travail dans la fonction publique ENTRE L'ASSOCIATION DES EMPLOYÉS DU SERVICE DE SÉCURITÉ DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

demanderesse/agent négociateur et LA CHAMBRE DES COMMUNES défenderesse/employeur AFFAIRE: Demande fondée sur l'article 24 et Renvoi aux termes de l'article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

Devant: Muriel Korngold Wexler, président suppléant Pour la demanderesse/agent négociateur: Pour la défenderesse/employeur: Stephen Bird, avocat

Steve Waller, avocat Affaire entendue à Ottawa (Ontario, les 3 et 19 avril 1996.

Decision Page 1 DÉCISION Le 20 septembre 1995, l’Association des employés du Service de sécurité de la Chambre des communes (l’Association) a déposé une demande aux termes de l’article 24 et un renvoi aux termes de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement (la LRTP).

En vertu de l’article 24, l’Association a demandé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique de déterminer si neuf personnes embauchées par la Chambre des communes du Canada appartenaient à l’unité de négociation à l’égard de laquelle la Commission a accrédité l’Association à titre d’agent négociateur le 24 mars 1987 (dossier de la Commission : 442-H-7). Aux termes du renvoi déposé en vertu de l’article 70 de la LRTP, l’Association demande à la Commission d’ordonner à l’employeur de respecter ses obligations découlant des clauses 2.01 b) et 3.01, soit d’appliquer les dispositions de la convention collective à l’endroit des neuf employés en question et de reconnaître l’Association, aux termes de la clause 6.01, a titre d’agent négociateur exclusif des employés appartenant à l’unité de négociation. La convention collective, conclue entre la Chambre des communes et l’Association, vise les employés du groupe des services de protection; elle a été signée le 14 décembre 1990.

LA PREUVE Le 24 mars 1987, la Commission a délivré un certificat reconnaissant l’Association à titre d’agent négociateur de tous les employés de l’employeur (la Chambre des communes) appartenant au groupe des services de protection.

L’Association a cité MM. Gilles Despaties et Michael Hodgins à comparaître. L’employeur a cité M. Brion Brandt. De plus, les parties ont déposé dix pièces justificatives.

La présente affaire porte sur le statut de neuf agents embauchés par la Chambre des communes. L’employeur allègue que ces neuf agents, étant embauchés pour une durée déterminée de moins de six mois, ne sont pas des employés aux termes de la LRTP et ne sont pas visés par la convention collective. L’Association, pour sa part, soutient que les neuf personnes en cause travaillent à titre d’agent depuis l’automne 1993 ou 1994 conformément à une série de contrats d’une durée Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 2 déterminée de moins de six mois comportant des interruptions de service. Elle prétend que le scénario établi par l’employeur a pour objet de lui éviter de conclure des contrats de six mois ou plus. Selon elle, cependant, l’alinéa c) de l’article 3 de la LRTP, qui exclut les personnes « employées à titre occasionnel ou temporaire et ayant travaillé à ce titre pendant moins de six mois », ne s’applique pas parce que ces neuf agents ne sont pas employés à titre occasionnel ou temporaire. Les neuf agents sont : MM. D. Cardinal, P. Gendron, R. Goulet, M.A. Healey, Y. Huppé, J.Y. Kenney, R.O.J. Limoges, S.G. Picard et Y.E. Renaud (pièce 2).

Lors de son témoignage, M. Gilles Despaties a déclaré qu’il avait été embauché par les Services de sécurité de la Chambre des communes en mars 1981. L’unité de négociation, a-t-il précisé, est constitué d’agents, de caporaux et de sergents. Toutefois, on retrouve également au sein des Services de sécurité des sergents d’état-major, un commandant de groupe, un directeur adjoint et un directeur, mais toutes ces personnes sont exclues de l’unité de négociation.

M. Despaties a affirmé qu’on l’avait embauché à titre d’agent en 1981, qu’il avait été promu caporal en 1990, puis sergent en avril 1995. Il occupe le poste de Spécialiste de l’exploitation des données depuis le 10 avril 1995 bien qu’il ait commencé à exécuter les tâches de ce poste au début de 1994. C’est lui qui prépare les horaires de travail. Il voit au respect des exigences du service et à l’affectation du personnel aux postes devant être comblés. À titre d’administrateur de la base de données, il entre dans le système les données sur les affectations aux différents pelotons et les dates de ces affectations. Il entre également, pour l’horaire maître, les données sur le roulement des quarts. Il produit le rapport mensuel relatif aux pelotons. M. Despaties a ajouté que ses responsabilités concernant l’établissement des horaires de travail s’étendent et aux agents employés pour une période indéterminée et à ceux employés à titre temporaire aux termes d’un contrat. Il établit l’horaire des agents employés à titre temporaire durant leur période d’embauche.

M. Despaties a précisé que la Chambre des communes forme les nouvelles recrues qui travailleront à titre d’agent. Il inscrit dans la base de données le calendrier de formation des nouveaux agents, laquelle dure de huit à dix semaines. Depuis 1994, les agents bénéficient tous de la même formation, qu’ils soient employés pour une période indéterminée ou à titre temporaire.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 3 Le témoin a présenté en preuve le « Nouvel horaire maître de roulement des pelotons - 2 janvier 1995 » (pièce 3) indiquant que 15 employés constituent un peloton et qu’il y a dix pelotons par quart. La pièce 3 porte sur une période de dix semaines. Les employés qui travaillent par quart sont regroupés en pelotons. M. Despaties ne travaille pas par quart; son horaire de travail est du lundi au vendredi, de 8 h 30 à 16 h 30.

Un peloton assure la sécurité des employés, des députés et des édifices de la Chambre des communes. Les pelotons contrôlent l’accès aux points d’entrée (postes) de ces édifices; ils assurent la sécurité, par exemple des tribunes de la Chambre des communes, et effectuent également des rondes de surveillance. Un peloton est affecté aux tribunes à chaque semaine. Certains postes sont dotés sept jours par semaine, par exemple ceux aux entrées principales des édifices et celui de l’agent patrouilleur. D’autres sont dotés cinq jours par semaine, par exemple le poste de garde à la réception des marchandises et ceux aux entrées secondaires. D’autres postes sont dotés 24 heures par jour. Il faut aussi assurer des services additionnels en cas d’urgence : premiers soins, évacuation, intrusion armée, incendie, etc. Il arrive parfois, mais rarement, que M. Despaties soit appelé à assurer la sécurité en dehors des heures de travail normales.

M. Despaties a expliqué que, ou la Chambre des communes siège ou elle est en congé. Il sait, dès le début de l’année, que certains congés sont annuels, par exemple les congés de Pâques, d’été, de Noël, etc., tandis que d’autres sont occasionnels, par exemple en période référendaire et électorale. Le travail des dix pelotons n’est pas le même lorsque la Chambre ne siège pas. Il n’est pas nécessaire, notamment, d’en affecter un aux tribunes toutes les semaines. Par conséquent, les agents affectés aux postes qui deviennent excédentaires à ce moment-là remplacent ceux qui prennent congé. En été et durant la période des Fêtes, lorsque la Chambre des communes ne siège pas, les employés sont en congé. On fait alors appel aux remplaçants. M. Despaties est tenu au courant des absences projetées des membres des pelotons ou des absences qui surviennent pour un motif quelconque. La pièce 4 est le calendrier des périodes de congé de la Chambre des communes prévues en 1996; elle doit siéger 135 jours cette année. Au moment d’établir les horaires de travail, M. Despaties sait à l’avance qui a demandé de prendre congé et quand. Il a produit la pièce 5, soit l’historique des affectations des neuf agents employés à titre temporaire. Ils ont

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 4 toujours été rayés des effectifs durant les congés sessionnels. De plus, ils réintègrent toujours le même poste et le même peloton à leur retour. En règle générale, M. Despaties est prévenu verbalement ou par courrier électronique lorsqu’un agent en particulier est rayé des affectifs parce que « son contrat est expiré ou annulé ». Il en est informé jusqu’à deux semaines à l’avance. Il sait également bien à l’avance quand l’agent employé à titre temporaire rentrera au travail. Il en est également généralement informé deux semaines à l’avance verbalement ou par courrier électronique par M m e Jocelyne Laporte, l’agent de liaison avec le personnel. M. Despaties a ajouté qu’il connaît parfois, au moment du départ d’un agent employé à titre temporaire, la date exacte de son retour au travail.

Vers la fin de 1994, on a offert une mise à la retraite avec prime aux employés des Services de sécurité embauchés pour une période indéterminée. Seize d’entre eux l’ont acceptée et ont quitté le service. Depuis, soit en février 1996, M. Despaties a ajouté à l’horaire trois agents nommés pour une période indéterminée. Ces trois agents avaient déjà travaillé à la Chambre des communes. Ils ont présenté leur candidature dans le cadre d’un concours et ont reçu la formation que l’on donne aux nouvelles recrues. Ils ont travaillé à titre intérimaire avant d’être confirmés dans leur poste respectif.

M. Despaties a présenté en preuve les organigrammes couvrant la période de mars à septembre 1995 (pièce 6). Ils indiquent que les neuf agents employés à titre temporaire ont été affectés à leur peloton respectif durant toute l’année. De plus, cinq agents employés pour une période indéterminée sont en congé d’invalidité de longue durée et cinq autres, appartenant à l’unité de négociation, sont en congé non payé. M. Despaties a précisé qu’il avait établi les horaires de travail de chacun des dix pelotons pour la période juin 1994 à septembre 1995; les noms des neuf agents employés à titre temporaire y sont indiqués (pièce 7). M. Despaties à lui-même préparé ces horaires, y compris ceux des agents employés à titre temporaire qui font partie de son personnel. Aux fins d’assurer la continuité et de faciliter la surveillance, il affecte le même personnel, y compris les agents employés à titre temporaire, aux différents pelotons. Chaque peloton comporte 13 postes d’agent et, en date du 1 er septembre 1995, M. Despaties n’avait pu combler tous les postes des dix pelotons sans recourir aux neuf agents employés à titre temporaire. Il ne disposait pas d’un nombre suffisant d’agents employés pour une période indéterminée pour constituer un effectif complet

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 5 au sein de chacun des dix pelotons. Lorsqu’il prépare les horaires de travail, M. Despaties tient pour acquis que les neuf agents employés à titre temporaire reprendront leur travail. C’est ce qu’il a fait lors de la session qui a commencé le 15 avril 1996.

L’employeur pratique une politique de dotation minimale. Chaque poste doit être doté. Si un agent est absent, on fait appel à un remplaçant pour combler le poste vacant. Le remplaçant peut être affecté à n’importe quel peloton. M. Despaties a déclaré que, si les dix employés en congé non payé ou en congé d’invalidité de longue durée rentraient au travail, il y aurait trop d’agents pour le nombre de postes à combler. Par conséquent, les agents employés pour une période indéterminé supplanteraient les agents employés à titre temporaire parce qu’il n’y aurait pas suffisamment de travail pour tous. Les agents employés à titre temporaire seraient excédentaires. M. Despaties a cependant précisé que, en date du 3 avril 1996, parmi les dix agents absents :

M. Brebanov n’est plus membre d’un peloton; il a été affecté à un poste de soutien administratif; M. Hogue est toujours en congé d’invalidité de longue durée; M. Clohosy est rentré au travail pendant une brève période avant de reprendre son congé d’invalidité de longue durée; MM. Charron et Dériger ont pris leur retraite; M. Elie est toujours en congé non payé; M. Power a repris sa place au sein des pelotons; M. Bois a quitté les Services de sécurité; M. Houle a repris sa place au sein du peloton numéro 1; M. Racine a pris sa retraite.

M. Michael Hodgins fait partie des effectifs de la Chambre des communes depuis novembre 1979. D’abord affecté aux Services des restaurants parlementaires, il fait partie de l’équipe des Services de sécurité depuis octobre 1982. M. Hodgins a été embauché à titre d’agent avant d’être promu caporal à l’automne de 1986, puis sergent le 15 décembre 1993. Il s’occupe du peloton numéro 3, et trois des neuf agents en cause employés à titre temporaire relèvent de lui. Il s’agit de MM. Cardinal, Healey et Huppé, qui sont affectés continuellement à ce peloton depuis janvier 1995. Ils ont Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 6 remplacé des agents nommés pour une période indéterminée qui ont pris leur retraite, soit MM. Robert Cameron, André Charette et Robert Dériger. À titre de sergent de peloton, M. Hodgins s’occupe de la surveillance et de l’évaluation du rendement des 14 employés dont il a la responsabilité. Il leur donne leurs instructions et administre leurs demandes de congé. M. Hodgins, lui-même, n’est pas affecté à un peloton. Un caporal l’aide dans ses tâches de surveillance et, en cas d’urgence, lui-même ou le caporal peut agir en qualité de « commandant en chef ».

En règle générale, les tâches des agents affectés aux pelotons sont liées à la protection des personnes qui se trouvent dans la Chambre des communes ainsi que des biens appartenant à la Chambre. Ils sont diplômés en premiers soins et sont les premiers à intervenir en cas d’urgence. Depuis janvier 1995, le nombre d’agents a été réduit à 13 par peloton. Il y en avait 14 en 1994 et 15 à un moment donné. On note donc une réduction et une abolition graduelles de postes d’agent. M. Hodgins a décrit les changements qui se sont produits. L’entrée Est de l’Édifice de l’Ouest est fermée, le poste à la Bibliothèque du Parlement a été aboli et on n’assure plus une présence 24 heures par jour. On ne fait plus appel à des remplaçants pour les quarts de nuit et de jour de 12 heures pas plus que pour le quart de trois heures à vingt-trois heures à l’Édifice du Centre. En outre, un poste de l’équipe affectée à l’entrée principale a été aboli à la suite de la diminution des heures et de la charge de travail de certains postes. En règle générale, alors qu’auparavant trois remplaçants étaient affectés au quart de 12 heures, il n’y en a que deux depuis 1994. Le troisième poste a été aboli. Le remplaçant qui y était affecté travaillait pendant le souper et les pauses et lorsque survenait une absence à bref préavis sur les quarts de 12 heures.

Les Services de sécurité comptent actuellement 136 employés nommés pour une période indéterminée, agents, sergents et caporaux confondus. Le commandant de groupe, M. Robert Buss, a indiqué à M. Hodgins que ce nombre allait changer. On prévoit le ramener à 130 et combler les postes vacants en faisant appel à du personnel « employé » à titre temporaire (employé pour des périodes de moins de six mois).

M. Hodgins a déclaré que les trois agents employés à titre temporaire qui sont affectés à son peloton ont toujours réintégré ce peloton. Lorsque le « contrat » de l’un d’eux est sur le point d’expirer, on remet à l’intéressé une lettre l’avisant de

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 7 l’expiration de son « contrat ». Les agents employés à titre temporaire savent, cependant, quand ils seront rappelés au travail. M. Hodgins a précisé que, le 27 mars 1996, MM. Huppé, Healey et Cardinal ont décacheté devant lui leur lettre respective les avisant de l’expiration de leur « contrat » en cours. Ils lui ont indiqué qu’ils reprendraient le travail le 15 avril 1996. C’est M. Hodgins lui-même qui leur a demandé quand ils reviendraient puisque « c’est comme ça que l’on a toujours procédé ». Ces trois agents employés à titre temporaire ont « toujours » repris leur travail sous la direction de M. Hodgins. Celui-ci n’a jamais reçu d’avis écrit lui indiquant la date à laquelle les agents employés à titre temporaire seraient rayés des effectifs ou reprendraient le travail; lorsqu’un agent ne se présente pas, le nom de quelqu’un d’autre apparaît sur la liste hebdomadaire des changements d’affectation. Depuis 1994, cependant, ces trois agents employés à titre temporaire ont toujours repris leurs fonctions au sein du peloton numéro 3. La procédure a toujours été la même. Ils reçoivent leur avis d’expiration de « contrat » par écrit et ils en informent M. Hodgins en lui indiquant la date à laquelle ils reprendront le travail. M. Hodgins a précisé que, même pendant le congé sessionnel d’été de la Chambre des communes, il a besoin de ces trois agents employés à titre temporaire. Il doit pouvoir compter sur un effectif complet de 13 agents en tout temps. M. Hodgins a aussi indiqué que, s’il ne pouvait pas compter sur ces trois agents employés à titre temporaire, son peloton ne pourrait pas faire le travail.

Les agents employés à titre temporaire et ceux nommés pour une période indéterminée reçoivent la même formation et suivent les mêmes cours qui durent de huit à dix semaines. Leurs tâches et responsabilités sont les mêmes tout comme le sont les postes et les affectations. Il n’existe aucune différence dans la façon dont les agents en cause interagissent avec les membres des autres pelotons ou les députés. Ils ont le même horaire de travail. Il y a toutefois des différences concernant leur participation au Régime de pension de retraite de la fonction publique : ils perdent leurs crédits de congé de maladie à la fin de chaque « contrat » et ils n’ont pas droit aux crédits de congé annuel payé (ils touchent 4 p. 100 de leur salaire en guise de congé annuel). Les agents employés à titre temporaire sont considérés comme des membres du peloton; ils font partie de la famille de 15 employés du peloton. Le fait qu’ils sont assujettis à des « contrats » légaux distincts nuit au moral du peloton. M. Hodgins préfère qu’ils reprennent leur travail au sein de son peloton pour assurer

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 8 la continuité. Les membres de son peloton savent à quoi s’en tenir et travaillent en équipe. Il est plus facile pour M. Hodgins, à titre de surveillant, de superviser les mêmes agents employés à titre temporaire parce qu’il connaît déjà leurs points faibles et leurs points forts. M. Hodgins établit leurs rapports d’appréciation et évalue leur rendement.

M. Brion Brandt est directeur adjoint des Services de sécurité de la Chambre des communes depuis quatre ans. Il est responsable des tâches spécialisées, notamment des fonctions touchant les ressources humaines telles que la planification, les finances, la politique et le perfectionnement. Il est membre du comité de gestion chargé de déterminer les ressources à prévoir pour les pelotons. Il s’occupe de la gestion de l’ensemble des Services de sécurité en l’absence du directeur.

M. Brandt a déclaré qu’il y avait 230 « équivalents » à plein temps (années- personnes) dont 151 sont des gens en uniforme affectés aux pelotons. Il a expliqué pourquoi l’employeur avait recours à une main-d’oeuvre temporaire. Le fonctionnement de la Chambre des communes est divisé entre périodes sessionnelles et périodes non sessionnelles. Durant les congés sessionnels, il faut moins de gens pour doter certains postes et, à cet égard, M. Brandt a présenté en preuve un projet de calendrier préparé en 1992 (pièce 8) indiquant les jours la Chambre prévoyait siéger au cours de la période 1992-1996. Les besoins de remplaçants sont planifiés en conséquence. L’employeur détermine quand il prévoit avoir besoin d’employés à titre temporaire, et remet aux agents employés à titre temporaire une lettre leur offrant des « contrats d’une durée déterminée ». La lettre précise la durée de la période de travail (pièce 10). Aucun des neuf agents en cause employés à titre temporaire n’a reçu une offre d’emploi de durée déterminée de plus de six mois. Lorsque les contrats sont consécutifs, l’employeur les appelle des « prolongations » (pièce 9). À la fin de ces contrats de moins de six mois, les neuf agents en question reçoivent une lettre les avisant que leurs services ne sont plus requis et indiquant la date à laquelle ils seront mis à pied. Par la suite, ils reçoivent une seconde lettre leur offrant un autre contrat d’une durée de moins de six mois. L’employeur leur donne un préavis de deux semaines et joint à l’offre une annexe l’agent « employé » à titre temporaire peut indiquer s’il accepte ou non l’offre. M. Brandt a ajouté que les neuf agents employés à titre temporaire ont toujours réintégré les mêmes pelotons. On veut ainsi assurer la

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 9 continuité sur le plan des personnalités, des évaluations, etc. Cette continuité est à l’avantage de l’employeur et des agents employés à titre temporaire.

M. Brandt a ajouté que les neuf agents employés à titre temporaire n’ont pas droit aux mêmes conditions d’emploi que les employés nommés pour une période indéterminée. Ces deux types d’« employés » travaillent côte à côte et accomplissent les mêmes tâches. Les agents employés à titre temporaire n’ont toutefois pas droit aux augmentations d’échelon salarial contrairement aux employés nommés pour une période indéterminée. Ils ne peuvent pas se prévaloir des régimes d’assurance santé ou d’assurance dentaire; ils ne participent pas au régime de pension de retraite; ils n’ont pas droit au congé annuel payé, etc. M. Brandt a reconnu que, dans certains cas, la Chambre des communes économise de l’argent en embauchant des agents à titre temporaire plutôt que des employés nommés pour une période indéterminée.

Les agents employés à titre temporaire remplacent les employés nommés pour une période indéterminée qui sont en congé de longue durée. L’employeur encourage le personnel des Services de sécurité à prendre congé durant les congés sessionnels.

L’employeur a adopté un plan permanent en vue de répondre aux besoins du service, et le nombre d’employés en congé de longue durée peut varier d’une année à l’autre. M. Brandt a précisé que, lorsque l’employeur a besoin de nouvelles recrues, il organise un concours pour combler les postes d’agent. Le concours est affiché et les personnes intéressées posent leur candidature. Les résultats de ces concours servent parfois à combler des postes d’une durée indéterminée. L’employeur fait subir des tests aux candidats intéressés et leur donne de la formation. S’ils réussissent, les nouvelles recrues sont considérées comme ayant passé l’étape de la présélection en vue d’être affectées à un peloton. On les envoie alors suivre un cours de formation, puis ils sont inscrits sur une liste d’admissibilité. Les neuf agents en question employés à titre temporaire ont d’abord postulé un emploi d’une durée indéterminée. La cote qu’ils ont obtenue lors du concours est consignée dans le dossier et pourrait être utilisée comme facteur pour leur offrir un emploi pour une période indéterminée. Normalement, l’employeur examinerait la candidature de ces neuf agents employés à titre temporaire en premier, puis leur offrirait un emploi d’une durée indéterminée.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 10 M. Brandt a expliqué que M. Picard et les autres avaient travaillé pendant une période continue de plus de six mois en 1994. Ces agents employés à titre temporaire avaient continué de travailler au-delà de la période de six mois à cause des besoins du service, et leur contrat avait été « prolongé ». À titre d’exemple, le 5 septembre 1995, M. Picard a en outre reçu une offre de renouvellement de son contrat à compter du 18 septembre 1995 (pièce 10). M. Brandt savait à l’avance qu’il aurait besoin de ses services à partir de cette date parce que le congé sessionnel allait prendre fin le 17 septembre. Ces dates avaient été décidées à l’avance. Par conséquent, M. Brandt savait qu’il aurait besoin d’agents employés à titre temporaire pour combler les divers postes. Les interruptions entre les contrats des neuf agents employés à titre temporaire semblent se produire aux mêmes périodes (pièce 9). Le besoin d’employés embauchés à titre temporaire ne change pas; il est constant.

ARGUMENTS M e Steve Waller, avocat de l’Association, a soutenu que la question principale soulevée en l’occurrence consiste à déterminer si les neuf agents en question sont visés par l’exclusion prévue à l’alinéa c) de la définition d’un employé à l’article 3 de la LRTP. L’Association demande à l’arbitre de déclarer que les neuf agents appartiennent à l’unité de négociation. Par conséquent, la première question est de savoir s’ils sont des employés aux termes de la LRTP et, dans l’affirmative, la seconde question est de savoir s’ils ont droit aux avantages sociaux qu’offre la convention collective. M e Waller a ajouté que son argument n’était pas fondé sur l’équité, mais que l’idéal de justice milite énormément en faveur de la conclusion que ces neuf personnes sont visées par la définition d’employé. Il a fait valoir qu’il était injuste que ces personnes, qui font partie des mêmes pelotons et qui effectuent le même nombre d’heures que les agents nommés pour une période indéterminée, n’aient pas droit à la même rémunération et aux mêmes avantages sociaux que les membres de l’unité de négociation.

M e Waller a invoqué la définition d’employé que l’on retrouve dans la LRTP. Il a fait remarquer que les neuf agents sont embauchés par l’employeur, et que la question est de savoir si ce dernier a délibérément fait en sorte qu’ils soient exclus en vertu de l’alinéa c) de la définition d’employé à l’article 3 de la LRTP. Pour que ces neuf personnes soient exclues de cette définition, nous devons conclure qu’elles sont

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 11 employées à titre occasionnel ou temporaire pendant moins de six mois. M e Waller a soutenu que la preuve a clairement établi qu’elles ne sont pas exclues de la définition et que la période d’emploi de six mois n’a aucune pertinence. À cet égard, M e Waller a cité la décision du président suppléant, P. Chodos, dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien (ACCTA), rendue le 24 juin 1991 (dossier de la Commission : 169-2-499), ce dernier a conclu qu’une personne embauchée pendant trois ans était une employée aux termes de la version de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) qui était en vigueur avant 1993 (laquelle contenait à l’époque la même définition que celle que l’on retrouve dans la LRTP; la définition d’employé aux termes de la LRTFP a été modifiée en 1993). M. Chodos a jugé que cette période de trois ans ne pouvait pas être qualifiée de lien transitoire ni être considérée comme répondant à un besoin passager. Par conséquent, la personne en question ne pouvait pas être considérée comme ayant été embauchée à tire temporaire et était visée par la définition du terme « fonctionnaire » (employé) selon la LRTFP dès son entrée en fonction. M e Waller a expliqué que, dans le cas des neuf agents en question, nous devons tenir compte de leurs antécédents de travail et des besoins de dotation de l’employeur. D’après lui, il est clair que l’employeur tente de se servir de ces neuf personnes employées « à titre temporaire » pour essayer de se soustraire à l’application de la LRTP, et que le raisonnement de l’arbitre dans la décision concernant l’ACCTA doit être appliquée relativement à la preuve présentée en l’occurrence. M e Waller a aussi fait référence à la définition des termes « durée » et « temporaire » que l’on retrouve au dictionnaire. Les neuf agents n’ont pas un lien transitoire avec l’employeur. Il est important de tenir compte du rôle que jouent ces neuf personnes pour l’employeur; il n’est pas du tout temporaire. La durée de la période déterminée n’est pas pertinente. Il faut plutôt examiner la nature de l’emploi et se demander si celui-ci comble ou non un besoin non transitoire de l’employeur. M e Waller a fait remarquer que le législateur avait modifié la LRTFP depuis la décision rendue dans l’affaire de l’ACCTA, de telle sorte que la distinction entre occasionnel et durée déterminée (une période de moins de trois mois) est désormais claire.

M e Waller a aussi invoqué les décisions suivantes : Le Procureur général du Canada c. La Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA) (1991), 135 N.R. 70, n o de greffe A-102-91, (C.A.F.); Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Milne (dossier de la Commission : 166-2-18376); Rooney (dossier de la Commission : 166-2-21306); Canada (Procureur général) c. Degaris [1994] 1 C.F. 374 (C.F. 1 et dossiers de la Commission : 166-2-22490 et 22491;

Wentworth County Board of Education and Canadian Union of Public Employees, Local 1572 (1984), 14 L.A.C. (3d) 310;

Ault Foods Ltd. and Retail, Wholesale, Dairy and General Workers’ Union, Local 440 (1994), 42 L.A.C. (4th) 289.

M e Waller a passé la preuve en revue. Il a conclu qu’il est impossible que les neuf agents en question soient employés à titre temporaire ou occasionnel. Leurs antécédents de travail et l’utilisation que l’employeur fait d’eux constituent les preuves les plus probantes. L’employeur a besoin d’eux sur une base continue et ce besoin est pour une période indéterminée. À cet égard, M e Waller se fonde sur la pièce 5, soit [traduction] l’« Historique de l’affectation des employés embauchés pour une période déterminée », couvrant la période allant de 1993 à avril 1996. Ces neuf personnes sont devenues des membres habituels des dix pelotons. L’employeur en a besoin, et c’est particulièrement le cas depuis qu’il a réduit de 15 à 14 puis à 13 le nombre d’agents par peloton, et que 16 d’entre eux, employés pour une période indéterminée, ont accepté une mise à la retraite avec prime. M. Despaties a déclaré qu’il avait besoin de ces neuf agents pour combler des besoins continus. De plus, MM. Cardinal, Healey et Huppé remplacent trois agents employés pour une période indéterminée qui ont pris leur retraite. Les agents employés pour une « durée déterminée » comblent les mêmes besoins que les personnes employées pour une période indéterminée. Même s’ils sont rayés des effectifs pendant quelques semaines, le besoin demeure. Le scénario consiste à les mettre à pied de façon intermittente pendant deux ou trois semaines, deux ou trois fois par année, de façon à éviter d’atteindre le seuil limite de six mois prévu aux termes de la définition d’« employé » que l’on retrouve dans la LRTP, mais le besoin demeure. M e Waller a fait remarquer que, en vertu des dispositions de la convention collective, les employés ont droit à un congé annuel de trois à cinq semaines, ce qui semble correspondre aux « périodes d’absence » imposées aux neuf agents. Le fait demeure que ces neuf agents employés pour une « durée déterminée » comblent le même besoin que les agents employés pour une période indéterminée, et qu’ils effectuent le même travail. L’employeur les

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Page 12 re inst.)

Decision Page 13 traite comme des membres des pelotons comme en fait foi la pièce 6, soit les organigrammes des Services de sécurité couvrant la période du 7 mars 1995 au 11 septembre 1995.

De plus, les exigences du service demeurent constantes et ces neuf agents sont nécessaires. M. Hodgins a affirmé en outre que l’effectif actuel de 136 employés nommés pour une période indéterminée sera réduit de six, mais que la charge de travail, elle, ne sera pas réduite. Les neuf agents savent quand ils reprendront le travail à la suite de leur brève absence. Ils savent également quel peloton ils réintégreront. L’employeur veut que le nombre d’employés affectés aux différents pelotons demeure constant. De plus, les périodes d’absence coïncident avec les périodes de congé de la Chambre des communes, périodes au cours desquelles il est logique pour les employés de prendre congé. Lorsque M. Despaties (et l’employeur) attribue les tâches, établit les calendriers de formation et détermine les horaires de travail, les neuf agents sont traités de la même manière que les employés nommés pour une période indéterminée. Tout ce qui distingue ces deux groupes c’est la rémunération et les avantages sociaux.

En ce qui concerne la seconde question, M e Waller s’est interrogé à savoir si les neuf agents sont visés par la convention collective même si je conclue qu’ils sont des employés aux termes de la LRTP. S’ils sont des employés aux termes de la LRTP, a-t-il soutenu, ils sont automatiquement visés par la convention collective. Qui plus est, la clause 3.04 de la convention collective ne les exclut pas de son application.

M e Waller a lu cette clause : 3.04 Tous les employés à plein temps ou à temps partiel nommés pour une période indéterminée :

a) sont des employés de l’unité de négociation; b) jouissent de tous les droits et privilèges conférés par la présente convention collective à compter du premier jour de leur nomination;

et

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 14 c) peuvent participer pleinement au processus de dotation interne.

Il a ajouté qu’il était illégal, en vertu de la LRTP, de négocier la réduction du nombre de membres appartenant à l’unité de négociation.

M e Waller a fait valoir que les neuf agents « nommés pour une durée déterminée » faisaient partie de l’unité de négociation et qu’ils étaient visés par la convention collective. À cet égard, il a lu les clauses 3.01 et 6.01 de la convention collective. Il faudrait donc que le libellé stipule clairement que les neuf agents sont exclus de l’unité de négociation, et la clause 3.04 ne se prête pas à une telle interprétation.

De plus, il ne relève pas du pouvoir des parties de modifier la portée de l’unité de négociation. La LRTP ne prévoit pas une telle situation. Seule est valable en vertu de cette loi la définition approuvée par la Commission dans le certificat. M e Waller a fait référence aux articles 3, 37, 39, 42, 44 et 45 de la LRTP. Cette loi stipule que la convention collective lie les parties et qu’elle s’applique à l’égard de tous les employés appartenant à l’unité de négociation.

M e Waller a conclu en disant que l’Association me demandait de déclarer, aux termes de l’article 24 de la LRTP, que les neuf personnes en cause sont des employés et qu’elles font partie de l’unité de négociation pour laquelle l’Association a été accréditée. Il a en outre indiqué que l’Association me demandait de conclure, aux termes de l’article 70 de la LRTP, que l’employeur avait manqué à ses obligations prévues à la clause 6.01 de la convention collective. Cette clause oblige l’employeur à reconnaître l’Association en qualité d’agent négociateur accrédité de ces neuf employés.

M e Stephen Bird, avocat de la Chambre des communes, a fait référence à la jurisprudence qui établit le principe de droit fondamental, soit qu’à moins qu’une personne ne soit embauchée pour une période de six mois ou plus, elle n’est pas un « employé » aux termes de la LRTP et, par conséquent, ne fait pas partie de l’unité de négociation. À cet égard, il a cité les affaires Lessard (dossier de la Commission : 166-2-10531); Sheppard-Wells (dossier de la Commission : 166-2-17461); Gosselin

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 15 (dossier de la Commission : 166-2-14374) et Syndicat général du cinéma et de la télévision (dossier de la Commission : 169-8-419).

M e Bird a fait remarquer que M e Waller avait invoqué la décision rendue par M. Chodos dans ACCTA (précitée), affaire dont les faits étaient très différents de ceux dont il est question en l’occurrence. Dans l’espèce, la question était de savoir si M. Paquin, qui avait été embauché pour une période de trois ans, était devenu un fonctionnaire dès son entrée en fonction. M e Bird a invité la Commission à examiner ce qui constituait une durée déterminée ou temporaire ainsi qu’une « période indéterminée ». Ces trois expressions ont un sens différent. Un employeur qui embauche quelqu’un pour une durée déterminée connaît la période d’embauche; c’est pour une durée et dans un but spécifiques. De plus, il est logique que l’employeur exige que les employés nommés pour une durée déterminée puissent exécuter les tâches de l’emploi pour lequel ils ont été embauchés. M e Bird a passé en revue les faits de l’affaire qui nous occupe et expliqué que les neuf agents employés à titre temporaire ont été embauchés pour une durée bien spécifique. Tous les contrats sont d’une durée ne dépassant pas six mois. Les employés sont donc, prima facie, des personnes employées à titre temporaire ou nommées pour une durée déterminée et ne sont pas visés par la définition du terme « employé » que l’on retrouve dans la LRTP. Le remplacement d’employés en congé d’invalidité de longue durée ou en congé non payé est l’unique raison pour laquelle l’employeur embauche ces neuf personnes « nommées pour une durée déterminée ». Au retour des premiers, l’employeur n’aura plus besoin des seconds, soit des employés « nommés pour une durée déterminée ». La même chose se produit pendant les congés sessionnels; les services des employés nommés pour une durée déterminée ne sont plus requis.

M e Bird a examiné la décision concernant l’ACCTA (précitée) rendue par M. Chodos et a conclu que les neuf employés « nommés pour une durée déterminée » ne sont requis que pendant que la Chambre des communes siège. Ils ne sont pas « transitoires », mais leur emploi est temporaire, fixe pour une période déterminée. À cet égard, M e Bird a également cité la décision concernant l’ACCTA (précitée) rendue par la Cour d’appel fédérale le 13 septembre 1991 il est indiqué que l’objet de l’exception prévue dans la définition « est de faire en sorte que les personnes très peu attachées à l’unité de négociation et n’ayant pas d’intérêts en commun avec les

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 16 fonctionnaires permanents de l’unité n’exerceront pas une influence indue sur l’issue des décisions prises à la table des négociations » (page 74).

M e Bird a soutenu que les neuf employés en question, qui ont été « nommés pour une durée déterminée », ne sont pas des personnes qui comblent un besoin continu. Ils sont embauchés pour remplacer des employés en congé de longue durée. Au retour de ces derniers, le besoin n’existe plus et les employés « nommés pour une durée déterminée » deviennent excédentaires. M e Bird a ajouté que la preuve ne montre pas qu’il y a un besoin continu, mais seulement que l’employeur traite ces neuf employés « nommés pour une durée déterminée » comme des personnes employées à titre temporaire. De plus, la pièce 6 (les organigrammes) illustre que les neuf employés « nommés pour une durée déterminée » remplacent neuf employés en congé. Le fait que les témoins aient su que les neuf agents employés à titre temporaire reprendraient leur service après une interruption entre deux contrats démontre seulement qu’il est sensé que l’employeur, à des fins d’exploitation, affecte les mêmes agents aux mêmes pelotons. Ces personnes sont employées à titre temporaire et mises à pied lorsque leurs services ne sont pas requis. Un employé nommé pour une période indéterminée signifie qu’il occupe un poste de façon continue. Une personne nommée pour une durée déterminée ou employée à titre temporaire relève d’un concept très différent. La personne employée à titre temporaire est embauchée dans un but spécifique, et la loi et la jurisprudence sont claires à cet égard. De plus, il n’y a pas de mauvaise foi de la part de l’employeur en l’occurrence.

En ce qui concerne l’application des dispositions de la convention collective à l’égard des neuf agents en question, M e Bird a fait valoir que si je concluais qu’ils sont visés par la définition du terme « employé » que l’on retrouve dans la LRTP, alors la question de l’application de la convention collective ne se pose pas. La question à trancher consiste réellement à savoir si ces neuf agents « nommés pour une durée déterminée » sont des employés aux termes de la LRTP, et des membres de l’unité de négociation. Les parties ne les ont pas exclus de l’unité de négociation et ils ne sont pas nécessairement visés par toutes les dispositions de la convention collective. À cet égard, M e Bird a cité Health Labour Relations Association (Cancer Control Agency of B.C.) and B.C.N.U., (1988), 3 L.A.C. (4th) 35, et John Biggins v. International Union,

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 17 United Automobile, Aerospace, and Agricultural Implement Workers of America (U.A.W.), Local 673, [1982] 1 Can LRBR 388.

M e Waller a répliqué que l’employeur n’avait pas abordé la question de la différence entre une personne nommée pour une durée déterminée et une personne employée à titre temporaire.

DÉCISION La question principale que je dois trancher consiste à savoir si les neuf personnes embauchées en qualité d’agent par la Chambre des communes aux termes de contrats de moins de six mois, sont des employés aux termes de la LRTP. Si la réponse est oui, alors il s’ensuit que ces neuf agents sont membres de l’unité de négociation et qu’ils sont visés par les conditions de la convention collective pertinente. En d’autres termes, les dispositions de la convention collective s’appliqueraient à leur endroit à titre de membres de l’unité de négociation visée par cette convention collective.

La version originale de la LRTFP (avant 1993) stipulait ce qui suit à l’article 2 : « fonctionnaire » Personne employée dans la fonction publique [...] mais à l’exclusion des personnes :

[...] g) employées à titre occasionnel ou temporaire et ayant travaillé à ce tire pendant moins de six mois;

C’est la définition que la Cour d’appel fédérale et M. Chodos ont été appelés à examiner dans les décisions concernant l’ACTRA (précitée) et l’ACCTA (précitée).

L’article 3 de la LRTP comporte une définition presque identique : « employé » Personne attachée à l’employeur [...] mais à l’exclusion des personnes :

[...]

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 18 c) employées à titre occasionnel ou temporaire et ayant travaillé à ce titre pendant moins de six mois;

La LRTFP a été modifiée en 1993 en ce qui concerne cette définition; elle est maintenant libellée comme suit :

« fonctionnaire » Personne employée dans la fonction publique [...] mais à l’exclusion des personnes :

[...] g) employées à titre occasionnel; h) employées pour une durée déterminée de moins de trois mois ou ayant travaillé à ce titre pendant moins de trois mois;

Les décisions pertinentes dont il faut tenir compte en l’occurrence traitent de l’ancien article 33 de la LRTFP. Cet article (l’article 34 de la LRTFP actuelle) est identique à l’article 24 de la LRTP, lequel se lit comme suit :

24. À la demande de l'employeur ou de l'organisation syndicale concernée, la Commission se prononce sur l'appartenance ou non d'un employé ou d'une classe d'employés à une unité de négociation qu'elle a préalablement définie, ou sur leur appartenance à une autre unité.

La Cour d’appel fédérale et la Cour suprême du Canada se sont prononcées sur la compétence de la Commission aux termes de l’article 33 (aujourd’hui l’article 34) de la LRTFP.

Dans le cas de L’Alliance de la fonction publique du Canada c. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), [1979] 2 C.F. 599, la Cour d’appel fédérale a conclu, à la page 615, que l’article 33 (notre article 24) « autorise seulement la Commission à décider si un « employé » est inclus ou non dans une unité de négociation (et non à décider si une personne est ou non un « employé ») ». En l’espèce, la Commission avait à déterminer si les personnes qui avaient été exclues de la définition de fonctionnaire aux termes de la Loi avaient perdu leur statut d’« exclusion » et étaient devenues des employées. La LRTFP et la LRTP prévoient des exclusions juridiques et, dans le cas de L’AFPC c. la CRTFP, l’AFPC et l’employeur

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 19 s’étaient entendues sur l’exclusion de certaines personnes. Par conséquent, le 24 juillet 1968, dans le cadre de la décision accréditant l’AFPC à titre d’agent négociateur de tous les employés faisant partie du groupe de gestion de l’exécution, la Commission avait désigné des personnes dont le nom figurait dans une liste comme étant des personnes préposées à la gestion ou à des fonctions confidentielles et, par conséquent, exclues de l’unité de négociation.

Le 31 mars 1978, l’employeur a unilatéralement supprimé du groupe de gestion de l’exécution quelque 157 postes qui avaient été désignés, et les avait reclassés dans un nouveau groupe professionnel appelé « groupe de la gestion postale ». L’AFPC avait alors, aux termes de l’article 33, demandé à la Commission de déterminer si, à la suite de la suppression des postes exclus, ces personnes appartenaient désormais à l’unité de négociation. La Commission, s’étant déclarée compétente, a conclu que, en l’absence d’une preuve que les tâches et responsabilités de l’une ou l’autre des 157 personnes en cause avaient été modifiées, ces personnes continuaient d’être exclues de l’unité de négociation. Elle a jugé que l’article 33 lui conférait compétence pour trancher la question de savoir si un employé ou une classe d’employés appartenait ou non à une unité de négociation appropriée ou à une autre unité. La Commission a ajouté que, en vertu de cet article, elle avait seulement compétence pour trancher une question concernant des employés et non pas concernant des personnes exclues. La Cour d’appel fédérale a conclu que, même si l’article 33 de la LRTFP conférait à la Commission le pouvoir de trancher la question (une question au sujet de laquelle la Cour n’a émis aucune opinion définitive), cette dernière avait eu raison de refuser de se prononcer à ce sujet parce qu’on ne lui avait présenté aucune preuve sur laquelle elle aurait pu se fonder pour déterminer que les 157 personnes en question avaient cessé d’être exclues.

Par conséquent, l’arrêt AFPC c. CRTFP portait sur une question différente de celle que je dois trancher. En l’espèce, les 157 personnes ont été exclues de l’unité de négociation à la suite d’une décision de la Commission. En l’occurrence, la décision que je dois rendre concerne des personnes qui travaillent à la Chambre des communes et qui n’ont pas été exclues par la Commission. C’est l’employeur qui a décidé unilatéralement qu’elles n’étaient pas visées par la définition d’employé aux termes de la LRTFP. Le rôle de la Commission consiste cependant à déterminer si les personnes

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 20 en question appartiennent ou non à l’unité de négociation. La Commission est habilitée à décider si les agents sont des employés et, par conséquent, s’ils font partie de l’unité de négociation du groupe des services de protection.

Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada (Econosult), (1991) 123 N.R. 161, la Cour suprême du Canada a été appelée à trancher la question de savoir si la CRTFP avait compétence pour déterminer si les enseignants travaillant au pénitencier de Cowansville aux termes d’un contrat étaient des employés de la fonction publique au sens de la LRTFP. La question était de savoir si les enseignants étaient des employés du gouvernement du Canada ou des employés de Econosult Inc. La CRTFP a conclu que le gouvernement du Canada était le véritable employeur de ces enseignants. La Cour d’appel fédérale, elle, a conclu que la CRTFP n’avait pas compétence pour déterminer qui était un employé de la fonction publique.

La Cour suprême du Canada a conclu que le libellé même de l’article 33 (lire l’article 24) vise à permettre à la Commission de résoudre toute question portant qu’un employé ou une classe d’employés appartient ou non à une unité de négociation. Le rôle de la Commission consiste à déterminer si les employés visés par la définition adoptée appartiennent à unité de négociation particulière.

Aussi, l’affaire tranchée par la Cour suprême du Canada est distincte de celle dont je suis saisie ici. La Cour a déterminé qui était l’employeur des enseignants en question. En l’occurrence, je dois déterminer si les agents appartiennent ou non à l’unité de négociation du groupe des services de protection. Cette question relève carrément de la compétence de la Commission aux termes de l’article 24 de la LRTP, et la CRTFP a accrédité l’Association relativement à tous les employés appartenant à l’unité de négociation des services de protection.

Dans l’affaire Syndicat général du cinéma et de la télévision et l’Office national du film (dossier de la Commission : 147-8-30), le président suppléant d’alors, Michael Bendel, a conclu qu’il n’avait pas compétence pour interdire à l’employeur de créer des interruptions de service artificielles afin d’empêcher un employé nommé pour une durée déterminée d’acquérir six mois de service ininterrompu et, partant, le statut d’employé. Encore ici, cette affaire est distincte en ce sens que l’agent

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 21 négociateur demandait à la Commission d’accorder un redressement par suite de l’exercice illégitime par l’employeur de son pouvoir en matière d’embauchage. En fait, l’agent négociateur voulait que la Commission annule les décisions prises par l’employeur. M. Bendel a conclu que l’article 33 (lire l’article 24) conférait un pouvoir déclaratoire à la Commission et non pas un pouvoir de redressement.

Je ne souscris pas à l’opinion de M. Bendel concernant la compétence et l’autorité de la Commission aux termes de l’article 33 de la LRTFP. Il y a lieu de noter que l’article 10 de la LRTP stipule ce qui suit :

10. La Commission met en oeuvre la présente partie et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en prenant des ordonnances qui exigent l'observation de la présente partie, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu'elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

Par conséquent, compte tenu de l’article 10 de la LRTP, la Commission, selon moi, est habilitée à examiner les actes, tels celui en cause en l’occurrence, que commet l’employeur. Le 24 mars 1987, la Commission a accrédité l’Association à titre d’agent négociateur de tous les employés appartenant à l’unité de négociation du groupe des services de protection (voir plus haut). Pour que la Commission puisse réaliser les objectifs de la LRTP, il faut notamment qu’elle puisse se pencher sur les actes commis unilatéralement par l’employeur en vue d’empêcher les agents d’acquérir le statut d’employé et, partant, d’être visés par l’unité de négociation. De plus, l’article 70 de la LRTP stipule ce qui suit :

70. (1) L'employeur et l'agent négociateur qui ont signé une convention collective ou sont liés par une décision arbitrale peuvent, dans les cas l'un ou l'autre cherche à faire exécuter une obligation qui, selon lui, découlerait de cette convention ou décision, renvoyer l'affaire à la Commission, dans les formes réglementaires, sauf s'il s'agit d'une obligation dont l'exécution peut faire l'objet d'un grief de la part d'un employé de l'unité de négociation visée par la convention ou la décision.

(2) Après avoir entendu l'affaire qui lui est renvoyée au titre du paragraphe (1), la Commission se prononce sur

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 22 l'existence de l'obligation alléguée et, selon le cas, détermine s'il y a eu ou non manquement.

(3) La Commission entend et juge l'affaire qui lui est renvoyée au titre du paragraphe (1) comme s'il s'agissait d'un grief, et le paragraphe 67(2) ainsi que les articles 68 et 69 s'appliquent à l'audition et à la décision.

Je suis donc également dûment saisie de la question en litige ici aux termes de l’article 70 de la LRTP. L’Association demande que les dispositions de la convention collective soient appliquées à l’égard des agents. Pour le faire, je dois d’abord déterminer si ces agents appartiennent à l’unité de négociation du groupe des services de protection.

Je souscris aux opinions exprimées par M. Chodos dans la décision ACCTA (précitée). M. Bendel, contrairement à M. Chodos, n’a pas abordé la question de l’interprétation du passage « employées à titre occasionnel ou temporaire ». M. Chodos, lui, a conclu qu’il avait le droit de chercher une définition du terme « temporaire » parce que cela concordait avec l’objet et l’esprit de la disposition et tenait compte du contexte de son application.

Dans la décision ACCTA, M. Chodos fait référence aux délibérations du Comité spécial mixte du Sénat et de la Chambre des communes concernant la fonction publique tenues au moment de l’examen du projet de loi C-71 qui devait donner lieu à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (1967), et il y lieu d’y revenir ici. Aux pages 17 à 19 de la décision ACCTA, M. Chodos reproduit les observations suivantes faites au Comité par M. George Davidson, alors secrétaire du Conseil du Trésor :

[...] Le problème réel est de déterminer jusqu’à quel point on peut envisager l’adhésion d’employés qui travaillent pendant une courte période ou à titre occasionnel ou temporaire comme s’ils étaient des employés permanents, membres permanents en puissance d’une unité de négociation et dont les votes peuvent déterminer qui sera ou non accrédité comme l’agent négociateur de cette unité; dont les votes peuvent ou non décider si l’unité de négociation choisira de procéder par voie d’arbitrage ou de conciliation; dont les votes peuvent décider si, oui ou non, une proposition mise de l’avant et acceptée lors des négociations, sera, oui ou non,

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 23 acceptable pour la majorité des membres de l’unité de négociation.

Il nous semble, si je puis m’exprimer ainsi, qu’il y a de réels dangers à la fois du point de vue de l’unité de négociation et de sa continuité, et du point de vue de la position de l’agent négociateur et de la mesure dans laquelle il peut accepter et remplir un mandat de ses commettants. Il se pose ici des problèmes très réels tant du point de vue des associations de personnel ou des unités de négociation, que du point de vue de l’employeur.

Tout ce que je puis dire est que, tout en reconnaissant qu’il y a un problème, nous croyons être allés à peu près aussi loin qu’il nous était possible de le faire en pratique; nous nous rendons compte du fait que ces problèmes théoriques vont se présenter; par exemple, que se passe-t-il lorsqu’un employeur embauche délibérément des gens pour cinq mois et demi, puis les congédie ou cesse de les employeur, puis un mois plus tard, les embauche de nouveau pour un autre cinq mois et demi?

En théorie, cette possibilité technique existe, mais en fin de compte, c’est la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui décidera si un individu est, oui ou non, un employé pour fins de son adhésion à cette unité de négociation; si je comprends bien, les décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique peuvent être référées aux tribunaux. En conséquence, nous considérons qu’il y a une garantie contre les tentatives flagrantes tendant à abuser de cette disposition du bill et que le mieux que nous puissions faire est de stipuler une période de temps déterminée et que les personnes étant employées à titre occasionnel ou temporaire, travaillant moins longtemps que cette période, ne seront pas reconnues comme employés et membres possibles d’une unité de négociation, alors que ceux travaillant plus longtemps que cette période déterminée, le seront. Cette période pouvait être de 5 mois; elle pouvait être de 4 mois; elle pouvait être de 10 mois. Il nous a semblé que 6 mois était la durée la plus pratique. Je devrais ajouter qu’on me dit qu’il existe un rapport entre la décision qui a été finalement prise à cet égard et la période d’essai de 6 mois prévue par la loi sur la pension dans la fonction publique. Je ne sais pas jusqu’à quel point cet argument est valable, mais c’est une des choses dont on a tenu compte.

(c’est moi qui souligne) M. Davidson a ajouté : Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 24 [...] Les employés travaillant à titre temporaire ou occasionnel sont embauchés pour une période de temps donnée pour faire face aux fluctuations, saisonnières ou autres, de la quantité de travail, auxquelles les employés permanents ne peuvent pourvoir d’une façon économique.

Par conséquent, c’est la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui décidera si une personne est ou non un employé aux termes de la LRTFP ou de la LRTP. Le statut d’un particulier à titre de personne ou d’employé exclu, d’après la définition du terme « employé » que l’on retrouve dans la LRTP, n’est pas uniquement déterminé par la décision de l’employeur d’embaucher ce particulier pour une période de moins de six mois. La Commission a la compétence et le devoir d’examiner la relation d’emploi qui existe entre ce particulier et son employeur pour pouvoir déterminer si, malgré le contrat temporaire de moins de six mois, le lien qui existe n’est pas de courte durée, occasionnel ou temporaire et, par conséquent, si le particulier n’est pas exclu des dispositions de l’alinéa c) de la définition du terme « employé ».

D’après les dictionnaires, le terme « temporaire » signifie d’une durée limitée, transitoire, qui remplit un besoin passager (Shorter Oxford English Dictionary).

Compte tenu des observations de M. Davidson et de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans ACTRA (précitée), il est clair que cette définition visait à conférer à la Commission le pouvoir de décider quelles personnes devaient être exclues de l’unité de négociation parce qu’elles ne sont pas assujetties à la définition du terme « employé » que l’on retrouve dans la loi. Cette interprétation du pouvoir de la Commission aux termes de l’article 33 (aujourd’hui l’article 34) de la LRTFP (ou le libellé identique de l’article 24 de la LRTP) a également été acceptée par le juge Sopinka, pour la majorité de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada (Econosult) (précité).

Dans l’arrêt Canada c. ACTRA, le juge MacGuigan a été saisi, en vertu de l’article 28 de la Loi sur la cour fédérale, d’une demande de révision d’une décision d’accréditation rendue par la Commission. Le juge MacGuigan a conclu ce qui suit à la page 7 :

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 25 Le législateur envisageait semble-t-il de laisser à la Commission le soin de décider quelles personnes seraient à exclure de la catégorie des « fonctionnaires »; il n’était nullement envisagé qu’il s’agirait d’une disposition de limitation de compétence. Comme l’a dit le juge Sopinka, au nom de la majorité de la Cour suprême, en commentant l’article 33 de la Loi dans Attorney General (Can) v. Public Service Alliance of Canada (1991), 91 CLLC 12 157 (12 161 et 12 162) :

[Traduction] S’il avait été envisagé de laisser à la Commission le soin de déterminer le sens du mot « fonctionnaires », alors sa décision n’est sujette à révision que dans le cas l’interprétation que l’on donne à ces dispositions est manifestement déraisonnable et que la Commission a de ce fait outrepassé sa compétence.

De plus, dans S.C.G.T. c. La Reine (1978) 1 C.F. 346, le juge Le Dain a accueilli une requête présentée en vertu de l’article 28 de la Loi sur la Cour fédérale lui demandant d’examiner et d’annuler une décision rendue par la Commission dans laquelle celle-ci a rejeté une demande d’accréditation au motif que les personnes embauchées par l’Office national du film aux termes de contrats personnels n’étaient pas des employés au sens de la Loi.

À la page 354, le juge Le Dain a conclu ce qui suit : [...] la Commission des relations de travail dans la Fonction publique aurait se prononcer sur la question de savoir si les personnes que veut représenter le requérant sont des employés plutôt que des entrepreneurs indépendants bien qu’elles aient été embauchées en vertu d’un contrat censé avoir été fait sous le régime de l’alinéa 10(1)d) de la Loi nationale sur le film. Par son abstention, la Commission a erré en droit et refusé d’exercer sa juridiction. Dans une décision relative à une plainte présentée en vertu de l’article 20 de la

LRTFP, Churchill et l’Office national du film (dossier de la Commission : 161-8-320), le vice-président d’alors, J.-Maurice Cantin, c.r., a conclu ce qui suit aux pages 10 et 11 :

Si, en faisant passer les contrats en question, le but de l’employeur était d’empêcher la plaignante d’obtenir le statut d’« employé » aux termes de la Loi et de la priver ainsi des droits à la négociation collective que ladite Loi accorde aux

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 26 employés, alors, à mon avis, cela constituerait une violation de l’alinéa 8(2) b) de la Loi.

[...] dans les affaires comme celle dont nous sommes saisis ici, l’employée se plaint qu’il y a eu des interruptions artificielles entre ses contrats, cette employée doit d’abord démontrer prima facie que ses allégations contre l’employeur sont justifiées. Par exemple, elle peut réussir à faire cette preuve si elle démontre qu’on lui a fait signer une série de contrats dont la durée n’atteignait jamais tout à fait six mois et qui se suivaient tous de près. Si elle réussit à faire cette preuve prima facie, l’employeur est obligé d’expliquer de façon satisfaisante pourquoi il y a eu de telles interruptions. En fait, le fardeau de la preuve retombe alors sur l’employeur, qui doit établir le but qu’il poursuivait en faisant passer les contrats en question, c’est une question à laquelle il est seul en mesure de répondre.

M. Cantin, par conséquent, s’est demandé si la Commission était habilitée à examiner les actes commis par l’employeur. Dans cette affaire, la Commission avait été saisie de cette question par le biais d’une plainte déposée en vertu de l’article 20 de la LRTFP. La plaignante alléguait qu’elle avait travaillé de manière continue et que l’employeur avait artificiellement interrompu ses contrats de façon à ce qu’elle demeure employée à titre temporaire pour une période de moins de six mois. M. Cantin a conclu à l’inexistence d’un scénario qui l’amènerait à déterminer, prima facie, que les interruptions avaient été artificielles.

En l’occurrence, la question que je dois trancher repose sur les faits. En vertu de l’article 24 de la LRTP, je suis habilitée à examiner les faits et la relation de travail des neuf agents employés à titre temporaire pour déterminer si la preuve démontre que la série de contrats d’une durée de moins de six mois et quasi successifs ont eu pour effet d’empêcher ces neuf agents d’acquérir le statut d’employé aux termes de la LRTP.

Dans La Pioneer Grain Company Limited c. David Kraus [1981] 2. C.F. 815, une des questions que l’on a déférées à la Cour d’appel fédérale était de savoir si M. Kraus, qui avait été « temporairement mis à pied » chaque hiver pendant un court intervalle, avait travaillé de façon continue au sens du paragraphe 61.5(1) (le droit de déposer une plainte en cas de congédiement) du Code canadien du travail.

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 27 Dans cette affaire, l’employeur a prétendu que, parce que M. Kraus avait été « temporairement mis à pied » entre les 15 et 21 décembre 1979 et entre le 21 décembre 1979 et le 7 janvier 1980, celui-ci n’avait pas travaillé de façon continue durant douze mois consécutifs. La preuve a révélé le profil d’emploi suivant pour M. Kraus pendant six ans et demi. Il terminait son année vers la mi-décembre et touchait une paie de vacance. Il était ensuite rappelé au travail au début de l’année suivante. L’arbitre nommé en vertu du Code canadien du travail a conclu que l’emploi de M. Kraus devait être considéré comme étant continu au sens du Code. La Cour d’appel fédérale a souscrit aux opinions exprimées par l’arbitre. Elle a conclu que l’arrangement était que l’employé devait reprendre le travail à la fin de la période d’« interruption ».

Je trouve que les faits en l’espèce sont comparables à ceux relatifs aux agents en l’occurrence. Les « interruptions » de service semblent artificielles. On s’attend à ce que les agents réintègrent leur peloton et on les traite comme s’ils travaillaient de façon continue.

J’estime que la preuve démontre effectivement que MM. Serge Picard, Patrick Gendron et Jean-Yves Kenney travaillent depuis le 20 septembre 1993 aux termes d’une série de « contrats » interrompus durant de très brèves périodes correspondant aux congés sessionnels de la Chambre des communes. La majorité des interruptions durent deux ou trois semaines. MM. Yvon Renaud, Yvon Huppé, Michael Healy et Richard Limoges travaillent également depuis le 19 septembre 1994.

La preuve a révélé que ces neuf agents avaient reçu la même formation que les agents nommés pour une période indéterminée avec qui ils travaillent côte à côte, partagent le même horaire, exécutent les mêmes tâches et font équipe au sein des mêmes pelotons.

MM. Gilles Despaties et Michael Hodgins ont déclaré que ces neuf agents sont inscrits à l’horaire un an à l’avance. Les responsabilités de M. Despaties concernant l’établissement des horaires de travail s’étendent à la fois aux employés nommés pour une période indéterminée et aux agents embauchés à contrat. Il y a lieu de faire remarquer que les interruptions contractuelles coïncident avec les congés sessionnels

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 28 de la Chambre des communes. MM. Despaties et Hodgins savent à l’avance quand les agents employés à titre temporaire reprendront le travail. Tous les témoins ont affirmé que l’employeur comptait sur ces neuf agents. On tient compte d’eux lorsqu’on prépare les horaires de travail. L’employeur et M. Despaties tiennent pour acquis qu’ils seront au travail. Les neuf agents sont inclus à titre de membres des pelotons. Ils sont toujours affectés aux mêmes pelotons à moins de travailler à titre de remplaçant. La preuve a également révélé que, sans ces agents, l’employeur ne disposait pas de suffisamment d’agents pour combler les 13 postes au sein de chacun des dix pelotons. En outre, cinq agents nommés pour une période indéterminée, qui étaient en congé d’invalidité de longue durée ou en congé non payé, ont pris leur retraite, et quatre sont toujours en congé d’invalidité de longue durée. La preuve a démontré, relativement au peloton numéro 3, que MM. Cardinal, Healey et Huppé remplaçaient trois agents nommés pour une période indéterminée (MM. Cameron, Charette et Dériger) qui ont pris leur retraite.

Je conclus, par conséquent, sur la foi de la preuve qui a été présentée, que les neuf agents employés « à titre temporaire » ne comblent pas un besoin passager. Ils n’ont pas une relation transitoire avec l’employeur. Leur relation d’emploi n’est pas temporaire ni pour une période limitée pour faire face aux fluctuations de la charge de travail. Ils partagent les mêmes intérêts que les agents nommés pour une période indéterminée. La preuve a démontré que ces neuf agents employés à titre temporaire ont un engagement à long terme et que l’employeur en est conscient puisqu’il prépare les horaires de travail bien en avance, affectant les neuf agents à leur peloton respectif sans tenir compte des contrats conclus avec eux. Il ne fait aucune distinction entre les agents employés à titre temporaire et ceux nommés pour une période indéterminée. Par conséquent, les neuf agents sont des employés aux termes de la LRTP.

Pour conclure, il semble que le but des actes commis par l’employeur en administrant leur embauche comme il l’a fait était d’éviter d’avoir à appliquer les dispositions de la LRTP et de la convention collective à leur égard. Les agents en question sont des employés aux termes de la LRTP étant donné qu’ils ne sont pas visés par l’exclusion prévue à l’alinéa c) de la définition. Ces agents sont liés de façon continue plutôt que transitoire à leur lieu de travail. En outre, vu qu’ils sont visés par la définition d’employé aux termes de la LRTP et qu’ils appartiennent, par conséquent,

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 29 à l’unité de négociation du groupe des services de protection, les dispositions de la convention collective pertinente s’appliquent à leur endroit aux termes de la clause 3.01.

Par conséquent, j’ordonne à l’employeur d’appliquer les dispositions pertinentes de la LRTP et de la convention collective à ces agents.

Pour ces motifs, par les présentes, il est fait droit à la demande présentée en vertu de l’article 24 et au renvoi déposé en vertu de l’article 70 de la LRTP.

Muriel Korngold Wexler, président suppléant

OTTAWA, le 8 juillet 1996. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau

Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.