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Résumé :

Renvoi en vertu de l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Retenues sur les payes - Groupe Services correctionnels - la présente traite d'une demande de renvoi en vertu de l'article 99 de la Loi - selon l'agent négociateur, la convention collective prévoit que, sur présentation de documents appropriés, l'employeur doit effectuer des « retenues destinées à d'autres fins » - le refus de l'employeur de mettre en place un système de déduction à la source pour permettre aux agents correctionnels de contribuer au « Fondaction » de la CSN constitue une contravention à la clause 10.07 de la convention collective - la Commission a interprété que cette clause oblige seulement l'employeur à continuer la pratique d'effectuer des retenues destinées à d'autres fins, une obligation liée à des précédents spécifiques - la Commission a statué que la preuve de l'employeur était concluante à l'effet que la clause 10.07 visait la pratique de prélever les cotisations pour fin de primes d'assurances et non une obligation générale d'effectuer des retenues destinées à d'autres fins - néanmoins, la Commission a remarqué que l'employeur est d'accord pour faire à l'avenir de telles déductions et que les parties discutent dans la présente ronde de négociations d'un texte qui refléterait l'accord de l'employeur à cette demande de l'agent négociateur. Renvoi rejeté. Décision citée : Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio c. Conseil du Trésor (169-2-498).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-02-24
  • Dossier:  169-2-666
  • Référence:  2004 CRTFP 15

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

UNION OF CANADIAN CORRECTIONAL OFFICERS -
SYNDICAT DES AGENTS CORRECTIONNELS DU CANADA
(UCCO-SACC-CSN

agent négociateur

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
(Solliciteur général Canada - Service correctionnel)

employeur


AFFAIRE :      Renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les                       relations de travail dans la fonction publique

Devant :   Guy Giguère, président suppléant

Pour l'agent négociateur :  Céline Lalande, avocate, UCCO-SACC-CSN

Pour l'employeur :  Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 3 novembre 2003.


[1]    Le 14 mars 2003, Sylvain Martel, président national de Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO-SACC-CSN), écrivait à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) pour soumettre une demande de renvoi en vertu de l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi). Selon l'agent négociateur, l'employeur omet d'effectuer des retenues destinées à d'autres fins, sur présentation de documents appropriés, en contravention à la clause 10.07 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et UCCO-SACC-CSN (Codes : 601 et 651).

[2]    Dans sa lettre, M. Martel expliquait que le 26 octobre 2001, l'agent négociateur a demandé formellement à l'employeur de mettre en place un système de déduction à la source pour permettre aux agents correctionnels de contribuer au Fondaction de la CSN. En effet, depuis quelques années, les agents correctionnels du Canada peuvent déduire à la source leurs contributions au Fonds de solidarité, un fonds similaire au Fondaction de la CSN. L'employeur a répondu qu'il ne s'opposait pas à la demande du syndicat mais que le système ne pourrait être installé qu'après le renouvellement de la convention collective. Depuis, et après plusieurs correspondances de l'agent négociateur, aucun système n'a été établi pour permettre cette déduction par l'employeur.

[3]    Le 1er octobre 2003, J. Luka Szczyk, représentant de l'employeur, écrivait à la Commission pour répondre à la demande de renvoi de l'UCCO-SACC-CSN. Il indiquait que, d'après l'employeur, le langage actuel de la convention collective ne permet pas aux membres du syndicat de cotiser au Fondaction de la CSN par déduction à la source.

[4]    M. Szczyk soulignait que l'employeur ne contrevient aucunement à la disposition et l'obligation d'exécution de la clause 10.7 de la convention collective. Toutefois, cette question fait l'objet de discussions lors de la présente ronde de négociations entre les parties et elles sont en voie de trouver une solution. Cette plainte à la Commission sous l'article 99 de la Loi de l'agent négociateur est donc prématurée.

[5]    Lors de l'audition, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits et ont indiqué qu'elles s'étaient entendues sur la production d'un certain nombre de documents (pièces 1 à 12). L'exposé conjoint des faits se lit ainsi :

Les parties admettent les faits suivants :

  1. En mars 2001, les agents correctionnels du Canada changèrent d'allégeance syndicale et ils créèrent l'UCCO-SACC-CSN.
  2. Le 2 avril 2001, l'employeur et le syndicat signaient la convention collective.
  3. Le 9 octobre 2001, M. Sylvain Martel, président national du syndicat rencontrait M. Denis Martel, analyste principal, administration de la paye pour l'employeur; M. Sylvain Martel a discuté du programme FONDACTION de la CSN.
  4. Le 26 octobre 2001, M. Sylvain Martel demandait formellement à l'employeur de mettre en place le système de déduction à la source pour permettre aux agents correctionnels de contribuer à FONDACTION.
  5. Le 25 janvier 2002, l'UCCO-SACC-CSN réitérait sa demande d'instaurer un système de déduction à la source pour permettre aux agents correctionnels de contribuer à FONDACTION à M. Marcel Nouvet, dirigeant principal des ressources humaines du Conseil du Trésor.
  6. Le 10 avril 2002, l'UCCO-SACC-CSN déposait son projet de convention collective pour le renouvellement du contrat de travail qui se terminait le 31 mai 2002.
  7. Ce projet de convention collective ne contenait aucune demande du syndicat concernant la déduction à la source pour le FONDACTION.
  8. Lors de la rencontre pour le dépôt des demandes syndicales pour le 10 avril 2002, M. Michel Gauthier, négociateur syndical, demandait une réponse de la part des représentants du Conseil du Trésor quant à la mise en place du système de déduction à la source pour les contributions à FONDACTION.
  9. Le 30 avril 2002, lors d'une rencontre d'explications sur les demandes syndicales pour le renouvellement de la convention collective, M. Daniel Langevin, négociateur patronal, répondit pour le Conseil du Trésor que l'employeur ne s'opposait pas au principe de déduction à la source pour les contributions à FONDACTION, mais que le système ne pourrait être instauré qu'après le renouvellement de la convention collective.
  10. Depuis cette date, les parties tentent de négocier un texte permettant la déduction à la source des contributions à FONDACTION à être annexé à la nouvelle convention collective.
  11. Le 13 décembre 2002, le syndicat demandait à l'employeur de respecter ses obligations prévues à la convention collective d'instaurer le système de déductions à la source pour contributions au FONDACTION.
  12. Le 6 janvier 2003, l'employeur répondait au syndicat qu'il n'instaurerait pas de système de déduction à la source pour les contributions à FONDACTION.
  13. À ce jour, aucun système permettant la déduction à la source des contributions à FONDACTION n'est mis en place

[...]

[sic pour l'ensemble de la citation]

[6]    M. Gilles Leclair, un CX-02 à l'établissement Cowansville du Service correctionnel du Canada, est venu témoigner pour l'agent négociateur. M. Leclair a expliqué que depuis 1987, il est familier avec le Fonds de solidarité. Le Fonds de solidarité est un fonds de travailleurs permettant la création et le maintien d'emploi chez des compagnies qui ont des difficultés de financement. Depuis avril 1992, il travaille pour l'employeur où il a commencé à l'établissement Port Cartier. À l'époque, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (l'Alliance) était l'agent négociateur qui représentait les agents correctionnels. L'Alliance est liée avec la FTQ et offrait le Fonds de solidarité aux employés qui voulaient contribuer. M. Leclair est rapidement devenu le représentant local pour le Fonds de solidarité.

[7]    Depuis mars 2001, l'UCCO-SACC-CSN représente les employés du Service correctionnel et M. Leclair est devenu représentant régional, ainsi que représentant provincial pour le Fondaction de la CSN.

[8]    Il a expliqué qu'une personne qui cotise au Fonds de solidarité se voyait octroyer un crédit d'impôt de 15 % au niveau provincial et fédéral respectivement et avait aussi droit à des crédits à titre de régime d'épargne retraite si l'employé en faisait le choix. Selon M. Leclair, cela représente un coût net de 18 $ à 25 $ pour chaque tranche de 100 $ investie dans le Fonds de solidarité lorsque l'employeur prélève ces contributions directement sur la paye.

[9]    M. Leclair a conclu en indiquant qu'il était beaucoup moins intéressant pour les employés du Service correctionnel de cotiser au Fondaction puisque l'employeur ne prélève pas directement sur leurs payes, leurs cotisations au Fondaction de la CSN.

[10]    Ainsi, un employé du Service correctionnel devra verser ses cotisations au Fondaction pour l'année et attendre, après avoir produit sa déclaration d'impôt de cette année, de recevoir les retours d'impôt correspondants.

[11]    En contre-interrogatoire, M. Leclair a indiqué qu'un employé pourrait contribuer au Fondaction par l'entremise d'une Caisse populaire. De plus, il a précisé qu'un employé pourrait obtenir des autorités fiscales - une autorisation à l'employeur de diminuer la partie d'impôt prélevée sur le salaire pour tenir compte des cotisations régulières au Fondaction. M. Leclair a ajouté que cette façon de procéder serait plus compliquée pour les adhérents et que ces derniers seraient plus réticents à investir au Fondaction.

Plaidoiries de l'agent négociateur

[12]    Me Lalande a soumis qu'en janvier 1985 (document 5), le Premier ministre d'alors, l'honorable Brian Mulroney, avait accepté que les contributions au Fonds de solidarité de la FTQ soient déduites directement des payes des employés fédéraux qui en faisaient la demande. Selon Me Lalande, la clause 10.07 de la convention collective a introduit une protection de cette pratique du gouvernement fédéral.

[13]    Le Fonds de solidarité et le Fondaction ont les mêmes objectifs et d'après l'agent négociateur, l'employeur devrait dans les plus brefs délais permettre aux syndiqués de faire des contributions au Fondaction par la voie de retenue sur le salaire.

[14]    La clause 10.07 permet les retenues à la source pour d'autres fins et contrairement à ce que prétend l'employeur, les sommes recueillies peuvent être versées à d'autres entités que l'agent négociateur. Selon Me Lalande, il suffirait d'une demande de l'agent négociateur à cet effet. Les retenues seraient faites sur le salaire et remises aux gestionnaires du Fondaction.

[15]    Le nouveau projet de convention collective ne contient pas d'articles sur ce sujet, car selon l'agent négociateur, la clause 10.07 couvrait cette pratique. Par contre, à la suite du refus de l'employeur de permettre de telles déductions à la source, l'agent négociateur a accepté de négocier un texte pour clarifier cette question.

Plaidoiries de l'employeur

[16]    Me Champagne a soumis que les fonds d'actions des travailleurs ne sont pas visés par la clause 10.07 de la convention collective. Selon Me Champagne, l'agent négociateur prétend que l'accord de janvier 1985 du gouvernement fédéral permettant les déductions à la source de cotisations au Fonds de solidarité a amené l'introduction de la clause 10.07 à la convention collective. Or, comme on le constate à la lecture de la pièce 11, qui est la convention collective expirant le 30 septembre 1968 entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe des Services correctionnels (Codes 601/4/68), une disposition similaire figurait alors à la clause 10.07 de cette convention :

10.07 L'Employeur accepte de continuer comme par le passé à opérer des retenues ayant d'autres fins, sur production des documents nécessaires.

[17]    De plus, la lecture de la pièce 12 nous explique la nature des « retenues ayant d'autres fins » que l'on retrouve à la clause 10.07 de cette époque et de maintenant. La pièce 12, qui est tirée du Guide d'administration de la paye, porte sur la retenue sur la paye et est datée de septembre 1979. On peut lire au dernier paragraphe de l'article 9.1.7.1 ceci :

Toutes les conventions collectives prévoient, en outre, le maintien de la méthode d'inclusion dans la retenue des cotisations du montant de la prime d'assurance collective qui a été précédemment autorisée par le CT 618427 du 17 décembre 1963.

[18]    Conséquemment, Me Champagne soumet que dès 1963, le Conseil du Trésor autorisait les retenues sur les payes des employés des cotisations qui étaient versées au syndicat pour payer les primes d'assurances collectives.

[19]    Par ailleurs, selon Me Champagne l'article 10 de la convention collective porte sur les cotisations syndicales et doit être interprété comme un tout. La cotisation à un fonds d'actions de travailleurs n'est certainement pas une cotisation syndicale. Un employé non-syndiqué peut cotiser à un fonds d'actions de travailleurs, alors qu'une cotisation syndicale peut seulement être versée par un syndiqué. Contrairement à la cotisation syndicale, qui est prélevée à la demande du syndicat, la cotisation à un fonds d'actions est déterminée par l'employé.

[20]    Le renvoi en vertu de l'article 99 de la Loi présuppose une violation de la convention collective. Le fardeau de la preuve reposait clairement sur l'agent négociateur de démontrer une violation de la clause 10.07, ce qu'il n'a pas fait, car la clause 10.07 vise depuis 1963 des cotisations pour fin d'assurances et c'est cette pratique que l'employeur à l'obligation de maintenir.

[21]    À l'appui de ces arguments, Me Champagne a cité la cause Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio et le Conseil du Trésor (dossier de la Commission 169-2-498).

Motifs de la décision

[22]    La clause 10.07 de la convention collective se lit comme suit :

L'Employeur convient de perpétuer la pratique selon laquelle les retenues destinées à d'autres fins sont effectuées sur présentation de documents appropriés.

[23]    Cette clause oblige l'employeur à continuer la pratique d'effectuer des retenues destinées à d'autres fins. Comme l'avait écrit justement l'arbitre Young dans Association canadienne des professionnels de l'exploitation radio et le Conseil du Trésor (supra), cette obligation n'est pas aussi étendue que si le texte de la convention se lisait ainsi :

L'Employeur effectuera des retenues destinées à d'autres fins sur présentation de documents appropriés.

[24]    L'obligation de l'employeur est donc de continuer à faire les retenues destinées à d'autres fins comme il le faisait dans le passé. Il a donc une obligation beaucoup plus étroite et qui est liée à des précédents spécifiques.

[25]    L'agent négociateur a ici le fardeau de la preuve et ce qui m'a été soumis ne me permet pas de conclure que la pratique visée par la clause 10.07 de la convention collective est celle de déduire à la source les montants de la cotisation des employés à des fonds de travailleurs.

[26]    L'agent négociateur a fait la preuve que le gouvernement fédéral avait accepté les déductions à la source pour les cotisations au Fonds de solidarité dès 1985. Toutefois, il n'a pas réussi à démontrer que c'était cette pratique que l'employeur avait convenu de perpétuer lorsque les parties ont signé la convention collective du groupe des Services correctionnels.

[27]    Au contraire, la preuve de l'employeur est concluante que la clause 10.07 visait la pratique de prélever les cotisations pour fin de primes d'assurances. Pour ces motifs, le renvoi doit être rejeté.

[28]    Ceci dit, je retiens que l'employeur est d'accord pour faire à l'avenir de telles déductions et que les parties discutent dans la présente ronde de négociations d'un texte qui refléterait l'accord de l'employeur à cette demande de l'agent négociateur. J'espère que les parties parviendront à conclure une entente dans les plus brefs délais afin que cet accord de l'employeur à faire des déductions à la source pour les cotisations au Fondaction soit mis en vigueur le plus rapidement possible.

Guy Giguère,
président suppléant

OTTAWA, le 24 février, 2004.

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