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Résumé :

Code du travail du Canada - Partie II - Refus de travailler - Existence d'un << danger >> au sens du Code - Protection du Code en matière de santé mentale et de stress - Droit du plaignant à la protection du Code - Motifs raisonnables de croire à l'existence du danger - le plaignant a déposé une plainte fondée sur le paragraphe 133(1) du Code alléguant que l'employeur a pris des mesures contre lui parce qu'il avait refusé de travailler pour des motifs de sécurité - le plaignant avait déposé des griefs afin de protester contre le fait qu'on ne lui avait pas assigné du travail valable et contre les résultats d'une enquête menée par une tierce partie à la demande de l'employeur - au cours d'une discussion avec l'employeur au sujet de son mécontentement à l'égard du travail qui lui était assigné, le plaignant a parlé de << perdre les pédales >> - suite à cela, l'employeur a décidé qu'une évaluation du risque personnel s'imposait - avant que l'employeur puisse discuter des résultats avec le plaignant, celui-ci a déposé une plainte fondée sur la partie II du Code canadien du travail dénonçant l'inaction de son employeur face à sa charge de travail, ce qui constituait un danger pour sa santé - une lettre a été remise au plaignant faisant état d'incidents au travail et de cinq conditions que le plaignant devrait respecter afin de remédier à ses commentaires et à ses actions - le plaignant a immédiatement invoqué son droit de refuser de travailler en vertu des dispositions du Code, en indiquant que le danger pour sa santé était causé par le stress résultant du fait que la haute direction n'avait pas répondu à son grief en temps opportun et avec intégrité - l'employeur a demandé au plaignant de consentir à être évalué par Santé Canada et il a accepté - suite à cette évaluation, Santé Canada a déterminé que le plaignant était inapte à travailler, et le fonctionnaire s'estimant lésé a été mis en congé de maladie jusqu'à novembre 2002, après quoi il est retourné au travail - l'employeur a fait valoir que le plaignant n'avait pas de motif raisonnable de croire qu'un danger existait et qu'il ne pouvait donc pas invoquer la protection du Code - deuxièmement, il a soutenu que les questions de stress et de santé mentale ne constituent pas des << dangers >> au sens du Code - l'employeur a aussi affirmé qu'aucune des actions de l'employeur n'étaient visées par l'interdiction du Code et que même si les actions de l'employeur avaient pu constituer une sanction disciplinaire au sens de l'article 147 du Code, l'employeur s'était acquitté de la charge de démontrer que ses actions n'avaient aucun rapport avec l'exercice, par le plaignant, des droits qui lui sont reconnus en vertu du Code, mais qu'ils étaient en réponse au comportement inapproprié du plaignant au lieu de travail - en dernier lieu, l'employeur a fait valoir que la jurisprudence antérieure concernant les dispositions du Code en question s'appliquait toujours en l'espèce, malgré les modifications apportées au Code en 2000 - le plaignant a soutenu qu'on ne pouvait pas lui refuser la protection du Code et que la Commission était habilitée à modifier la décision de l'agent de sécurité - le plaignant a aussi fait valoir que le Code permettait de déposer des plaintes concernant le stress au lieu de travail ou la santé mentale - le plaignant a prétendu que les actions de l'employeur constituaient des représailles au sens de l'article 147 du Code et que, même si ce n'était pas le cas, les actions de l'employeur en ordonnant la tenue d'une évaluation de l'aptitude à travailler et en plaçant le plaignant en congé de maladie étaient visées par l'article 147 - en dernier lieu, le plaignant a allégué que l'employeur avait agi de façon malveillante en contrevenant au Code, et que cela justifiait des poursuites en vertu de l'alinéa 148(1)b) - la Commission a déterminé que le plaignant avait satisfait aux exigences applicables au dépôt d'une plainte prévues à l'article 133, mais n'avait pas de motif raisonnable de croire qu'il existait une condition dangereuse et, par conséquent, qu'il ne pouvait pas demander la protection du Code - selon la Commission, la situation telle que présentée par le plaignant n'était pas le genre de problème de santé ou de sécurité que vise la partie II du Code - la Commission a statué que, dans le contexte du Code, << danger >> s'entendait au sens large, mais pas large au point d'englober un conflit interne ou du stress - la Commission a aussi statué que la jurisprudence dans le domaine n'avait pas nécessairement perdu sa pertinence suite aux modifications apportées au Code en 2000, mais que cela dépendait de l'objet de la décision - la Commission a conclu que les actions de l'employeur n'étaient pas de nature disciplinaire et qu'elles découlaient d'une inquiétude réelle de l'employeur relativement à l'aptitude du plaignant à travailler - en dernier lieu, la Commission a déterminé qu'elle n'était pas autorisée à examiner la décision d'un agent de sécurité, puisque cette responsabilité incombait désormais à DRHC. Plainte rejetée. Décisions citées :Kucher c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1996] 102 di 121, CCRT, décision No 1180; Kinhnicki et Dupuis c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 52; Hutchinson (160-2-52); Bliss (165-2-18); Gualtieri et Guénette (165-2-203); Pruyn, 2002 CRTFP 17.

Contenu de la décision



Code canadien du travail, partie II

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-10-20
  • Dossier:  160-34-79
  • Référence:  2003 CRTFP 94

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

ROBERT BOIVIN
Plaignant

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Employeur

AFFAIRE:  Plainte fondée sur l'article 133 du Code canadien du travail

Devant :  Joseph W. Potter, vice-président

Pour le plaignant :  Lui-même

Pour l'employeur :  Caroline Engmann, avocate; Joseph K. Cheng, avocat


Affaire entendue à Hamilton (Ontario),
du 5 ay 7 novembre 2002
ainsi que le 26 juin et du 2 au 4 juillet 2003
(observations écrites reçues le 6 août ainsi que les 4 et 23 septembre 2003).


[1]   La présente décision concerne la plainte fondée sur le paragraphe 133(1) du Code canadien du travail (le Code) que Robert Boivin a déposée le 30 avril 2002. Le plaignant allègue que l'employeur a pris des mesures contre lui parce qu'il a cessé de travailler pour des raisons de sécurité. S'il est prouvé que c'était le cas, l'employeur aurait contrevenu à l'article 147 du Code. Au début de l'audience, l'employeur a contesté ma compétence, en déclarant que la plainte était tardive. J'ai répondu à cette objection dans une décision préliminaire datée du 13 mars 2003 (2003 CRTFP 23) où j'ai déclaré que, même si la plainte avait été déposée après l'expiration du délai de 90 jours prévu par le Code, elle dénonçait une situation qui se perpétuait, de sorte que j'ai compétence pour me prononcer sur le fond, ce que je fais ici.

[2]   J'ai entendu 11 témoins et reçu une déclaration de témoignage anticipé. L'employeur a déposé 31 pièces et M. Boivin en a produit 50. On m'a demandé d'exclure les témoins; j'ai accédé à cette requête.

[3]   Dans sa plainte, M. Boivin réclamait des dommages-intérêts punitifs. À l'audience de novembre 2002, l'avocate de l'employeur a déclaré que le pouvoir de redressement de la Commission est limité dans ce contexte en vertu de l'article 134 du Code, de sorte qu'il me serait impossible d'accorder à M. Boivin le redressement qu'il réclamait. À l'époque, ce dernier a déclaré qu'il retirait cette demande.

[4]   Le 30 juin 2003, M. Boivin a écrit à la Commission pour demander l'autorisation de modifier sa plainte afin d'y inclure une demande de dommages-intérêts compensatoires. J'ai déclaré à ce moment-là que je me prononcerais sur cette question-là après avoir rendu une décision sur la plainte elle-même. Une décision favorable à l'employeur allait vider la question tandis qu'une décision en faveur du plaignant allait nécessiter la présentation d'autres observations.

[5]   Dans les affaires de ce genre, c'est à l'employeur qu'il incombe de démontrer qu'il n'a pas contrevenu à la disposition du Code qui est invoquée (conformément au paragraphe 133(6)). L'audience s'est donc déroulée dans cette optique.

[6]   J'ai joint à ma décision l'Annexe A, où j'ai reproduit les articles 127.1, 128, 133, 147 et 147.1 du Code.

Contexte

[7]   M. Boivin a témoigné pour lui-même, en commençant par déclarer avoir commencé à travailler à ce qu'on appelle désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) en 1987, à titre de CR-02, au Bureau des services fiscaux de London. Réinstallé à Hamilton en 1993, il a commencé en 1996 à occuper son poste d'attache actuel de commis à la technologie de l'information (CR-04).

[8]   Dans son poste de CR-04, M. Boivin relevait d'un chef d'équipe; plusieurs personnes ont occupé ce poste jusqu'en 1997, l'année où Tom Dixon est devenu son superviseur.

[9]   M. Dixon a réglé plusieurs problèmes concernant M. Boivin au lieu de travail; pour les fins de la présente décision, je ne crois pas pertinent de les mentionner tous, mais je vais commencer par des difficultés qui se sont produites en 1998.

[10]   Cette année-là, on a porté contre M. Boivin une plainte dont on n'a pas précisé la nature à l'audience. La question a fait l'objet d'une enquête en septembre 1999; M. Boivin a été exonéré. Toutefois, il a témoigné à l'audience avoir eu le sentiment que l'enquête était malveillante et il a porté plainte à ce sujet auprès du commissaire adjoint de l'ADRC, le 14 février 2000. On lui a répondu en mars 2000 qu'il ne s'était rien passé d'incorrect. M. Boivin n'a pas accepté cette conclusion; il est allé plus loin en renvoyant sa plainte à la Direction générale de la sécurité, à Ottawa.

[11]   L'ADRC a fait enquêter sur la question par une tierce partie indépendante, qui a soumis son rapport en septembre 2000. Ce rapport a déçu M. Boivin; il a témoigné avoir eu l'impression que l'ADRC avait acheté l'enquêteur indépendant. Par la suite, en mai 2001, M. Boivin a présenté un grief à ce sujet en plus d'écrire à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ainsi qu'au premier ministre pour leur exprimer certaines doléances.

[12]   Avant de présenter ce grief, M. Boivin avait communiqué avec M. Dixon pour lui dire qu'on ne lui confiait pas de travail valable. Cet échange a eu lieu en novembre 2000; M. Dixon a déclaré alors qu'il était d'accord avec M. Boivin; il a soulevé la question ensuite auprès du directeur adjoint, pour voir si l'on ne pourrait pas confier un travail plus valable à l'intéressé.

[13]   La description du poste de commis à la technologie de l'information (pièce E-6, à l'onglet 32 du recueil de documents de l'employeur) énumère plusieurs activités principales de M. Boivin. Ce dernier a rencontré M. Dixon dès 1999 pour en parler. À l'époque, M. Boivin travaillait au « serveur du Web », mais c'était dans le cadre d'un projet qui s'est terminé vers la fin de 2000. M. Boivin a déclaré qu'il avait du mal à se faire confier du travail entre février et octobre 2001, et que le peu de travail qu'on lui confiait n'était pas valable, à son avis.

[14]   Vers le mois de juin 2001, M. Boivin a déposé un grief dans lequel il déclarait avoir le sentiment qu'on ne lui donnait pas assez de travail. Quand M. Dixon l'a su, il a écrit au directeur pour lui décrire les efforts déployés jusqu'alors afin de résoudre ce problème (pièce E-27).

[15]   En août 2001, M. Dixon et son superviseur, Steve Cartier, ont rencontré M. Boivin et son représentant syndical pour parler d'un plan de travail provisoire. Dans l'ensemble, ils se sont entendus sur un plan de travail pour l'intéressé (pièce E-15).

[16]   Vers le 10 août 2001, pendant que M. Dixon était absent, Sandra Hamann était chef d'équipe par intérim. M. Boivin est allé la voir pour lui dire qu'il voulait quitter la TI (technologie de l'information) le jour même. Mme Hamann a témoigné que M. Boivin lui avait semblé très perturbé; elle lui a donc proposé de poursuivre la discussion dans un endroit où ils pourraient parler en privé.

[17]   Ils sont allés dans un autre bureau, où M. Boivin a parlé de [traduction] « perdre les pédales ». Mme Hamann a témoigné qu'il avait déclaré [traduction] « être prêt à perdre les pédales ». Elle l'a confirmé dans une note de service écrite environ une semaine après l'incident, lorsqu'on lui a demandé de résumer ces événements (pièce E-6).

[18]   M. Boivin n'a pas le même souvenir que Mme Hamann des événements du 10 août. Il se rappelle avoir été très perturbé ce jour-là, puisque les tâches qu'on lui confiait n'étaient pas conformes à son plan de travail. Il était allé voir Mme Hamann pour lui dire qu'il [traduction] « voulait être sorti de la TI avant la fin de la journée », puisqu'il en avait assez. Il lui a dit que les problèmes qu'il avait au travail allaient lui faire faire une dépression nerveuse. Ensuite, selon lui, il aurait dit être d'avis que, si la direction faisait à d'autres ce qu'elle lui faisait subir, ce ne serait qu'une question de temps avant que quelqu'un perde les pédales.

[19]   Mme Hamann a témoigné que, lorsqu'elle a entendu M. Boivin lui dire cela, elle a craint pour sa propre sécurité; c'est pourquoi elle a informé M. Cartier de l'incident.

[20]   Sur ce, M. Cartier a décidé de demander une évaluation du risque personnel. La procédure applicable ressemble beaucoup à une enquête interne. C'est Gary Lockhart, un agent de sécurité de l'ADRC d'Ottawa, qui s'est fait demander de mener l'évaluation. M. Lockhart a expliqué que l'évaluation avait pour objet de déterminer s'il y avait un risque pour le personnel de l'ADRC.

[21]   M. Lockhart est allé les 15 et 16 août au Bureau des services fiscaux d'Hamilton pour recueillir l'information contextuelle qu'il jugeait nécessaire. Il a parlé à Mme Hamann de l'incident du 10 août, mais n'a pas pu communiquer avec M. Boivin à ce sujet, parce que ce dernier était parti du bureau le 15 août, pour le reste de la semaine.

[22]   M. Lockhart a terminé son rapport le 17 août et l'a présenté à la direction (pièce E-14). Selon lui, la déclaration de M. Boivin dans le sens de [traduction] « perdre les pédales » pouvait [traduction] « être considérée comme menaçante et inquiétante ».

[23]   Pendant cette évaluation, M. Dixon était en congé annuel. Il avait néanmoins discuté de la situation avec M. Cartier, et ils avaient convenu qu'il faudrait parler avec M. Boivin de cette affaire et d'autres incidents au lieu de travail.

[24]   Le retour de M. Dixon au travail a coïncidé avec les événements tragiques du 11 septembre 2001, qui ont fait la manchette dans le monde entier. M. Dixon a donc dû s'occuper de diverses tâches professionnelles urgentes jusque vers la fin de septembre 2001, de sorte qu'il n'a pas pu parler à M. Boivin de ce que je viens d'exposer.

[25]   Le 1er octobre, M. Boivin est allé voir M. Dixon pour lui dire que, si l'on ne remédiait pas à ses problèmes de charge de travail, il présenterait une plainte fondée sur la partie II du Code canadien du travail. M. Boivin savait que MM. Dixon et Cartier allaient bientôt quitter l'organisation; il espérait qu'on trouverait rapidement une solution s'il portait plainte.

[26]   Le 2 octobre 2001, M. Boivin a remis à M. Dixon la lettre suivante (pièce E-2) :

[Traduction]

Veuillez accepter cette plainte fondée sur le paragraphe 127.1(1) du

Code canadien du travail, parce que je suis dans une situation dangereuse pour ma santé. Je demande une enquête et des mesures correctives pour remédier à la situation qui constitue un danger pour ma santé.

Le danger pour ma santé est attribuable aux activités des fonctionnaires de l'Agence qui ont été chargés du traitement du grief no .01-1214-26401, de même que des personnes qui faisaient l'objet de ce grief, parce que le refus de prendre les mesures nécessaires et de s'attaquer aux problèmes à surmonter ainsi que les activités passées de suppression de l'information, de même que les manouvres de propos délibéré pour contourner les politiques et les procédures de l'ADRC ont été et continuent d'être dangereuses pour ma santé parce que cela me fait subir énormément de stress, en plus de saper mes facultés mentales et émotionnelles.

Malgré toutes mes démarches pour faire régler ces problèmes, ils demeurent entiers, et l'on n'a pas fait d'efforts raisonnables pour s'y attaquer avec intégrité. Il me semble bien aussi que je devrai attendre très longtemps pour que des procédures en bonne et due forme soient amorcées à cette fin. Je demande par conséquent que ces problèmes fassent l'objet d'une enquête exhaustive et que les mesures correctives nécessaires soient prises conformément au

Code canadien du travail. Je demande aussi qu'on ne prenne plus de mesures dangereuses pour ma santé.

[27]   Après avoir remis sa lettre à M. Dixon, M. Boivin aurait dit à son superviseur : [traduction] « ... la fin du monde approche, amenez-la ». Quand M. Dixon a demandé à M. Boivin pourquoi il voulait que le monde entier souffre, il s'est vu répondre : [traduction] « En Amérique du Nord, personne ne comprend pourquoi les pilotes-suicide se sont écrasés comme ils l'ont fait. Ils sont morts parce qu'ils voulaient mourir dans le cadre du djihãd. Mourir en tentant d'accomplir quelque chose, c'est vivre vraiment, et c'est ce qui ressemble à ce que je pense ».

[28]   Quand il a entendu ces propos, M. Dixon a témoigné avoir dit à M. Boivin qu'il devrait chercher de l'aide. Il a aussi déclaré que son devoir lui imposait de faire quelque chose au sujet de cette dernière déclaration de M. Boivin. Il s'est donc assis pour rédiger une lettre à M. Boivin résumant l'incident ainsi que d'autres incidents qui l'inquiétaient et qui étaient survenus au lieu de travail au cours des six derniers mois.

[29]   En plus de préciser ses inquiétudes par écrit, M. Dixon a répondu le jour même à la plainte que M. Boivin lui avait remise le 2 octobre, en déclarant qu'on répondrait au grief en temps et lieu. Il a aussi précisé dans sa réponse qu'on ferait une évaluation ergonomique (pièce E-3).

[30]   Le 9 octobre 2001, MM. Dixon et Cartier ont demandé à M. Boivin de les rencontrer. M. Dixon a profité de l'occasion pour remettre à l'intéressé la lettre qu'il avait rédigée à son intention (pièce E-4) dans laquelle il résumait treize problèmes qui s'étaient produits au lieu de travail pendant les mois précédents, y compris l'incident où M. Boivin avait laissé entendre qu'il pourrait « perdre les pédales ». M. Dixon précisait cinq conditions de travail que M. Boivin allait devoir respecter et qui étaient [traduction] « mises en ouvre afin de remédier à [ses] commentaires et à ses actions inacceptables au lieu de travail ».

[31]   M. Boivin a dit avoir été surpris qu'on lui remette une lettre et surpris aussi de son contenu; il a déclaré à M. Dixon qu'il n'avait pas dit ce dont on l'accusait.

[32]   Après avoir reçu cette lettre, M. Boivin a déclaré qu'il invoquait son droit de refuser de travailler, conformément aux dispositions du Code. Il a déclaré à MM. Dixon et Cartier que le danger pour sa santé était causé par le stress résultant du fait que la haute direction n'avait pas répondu à son grief en temps opportun et avec intégrité (pièce E-20, à l'onglet 29).

[33]   M. Boivin ne s'est pas fait ordonner de retourner à son poste de travail; il s'est fait dire qu'il pourrait rester chez lui jusqu'à 9 h le lendemain matin (pièce E-12).

[34]   M. Cartier a rencontré le coprésident du comité local de santé et sécurité au travail; il a été entendu qu'on communiquerait avec Développement des ressources humaines Canada (DRHC) pour demander qu'un agent de santé et de sécurité vienne enquêter sur place.

[35]   M. Cartier a téléphoné à Paul Curle, agent de santé et de sécurité de DHRC, pour lui demander de venir au Bureau des services fiscaux d'Hamilton afin d'enquêter sur le refus de travailler de M. Boivin. M. Curle a accepté de se présenter le lendemain, le 10 octobre.

[36]   À 9 h le 10 octobre, M. Boivin a rempli la formule nécessaire de déclaration de son refus de travailler (pièce E-20). M. Curle est arrivé ensuite pour faire son enquête.

[37]   M. Cartier attendait le rapport de M. Curle quand il a téléphoné au service des relations de travail de l'ADRC pour demander ce qu'on pouvait faire d'autre au sujet de M. Boivin et des problèmes survenus au lieu de travail. Il s'est fait dire qu'on présenterait une demande à Santé Canada afin de déterminer si M. Boivin était apte à travailler. M. Cartier a donc parlé au Dr Jeffrey Chernin de ce qui s'était passé au lieu de travail dans le cas de M. Boivin; il s'est fait répondre d'attendre le rapport de M. Curle.

[38]   Les résultats de l'enquête de M. Curle ont été communiqués à M. Boivin le 15 octobre 2001 (pièce E-17). M. Curle avait conclu qu'il [traduction] « ... n'y avait pas de danger dans le contexte de votre refus de travailler... ».

[39]   Quand il a reçu le rapport de M. Curle, M. Cartier a reparlé au Dr Chernin, qui a accepté de recevoir M. Boivin, puis de l'envoyer consulter un psychiatre, le Dr Robert Weinstein. Une rencontre a donc été organisée pour le 15 octobre entre M. Boivin, son représentant syndical, M. Cartier et un représentant des Ressources humaines. À cette rencontre, M. Boivin s'est vu remettre une lettre lui demandant de consentir à être évalué par Santé Canada (pièce E-10). Il a accepté (pièce E-30).

[40]   Une lettre a été envoyée au Dr Chernin pour l'informer des inquiétudes de l'employeur quant au lieu de travail, avec la description de poste de M. Boivin (pièce E-6).

[41]   Le Dr Chernin a témoigné qu'il est médecin et spécialiste de la santé au travail à Santé Canada, à Toronto. Il a soumis son curriculum vitæ (pièce E-23) et déclaré qu'il est spécialisé en médecine préventive et en santé au travail, une discipline qui comprend la réalisation d'évaluations de l'aptitude à travailler.

[42]   Quand il a lu la lettre du 15 octobre et l'information qui y était jointe, le Dr Chernin a conclu qu'une évaluation de M. Boivin était justifiée.

[43]   Peu après le début du témoignage du Dr Chernin à l'audience, M. Boivin l'a autorisé à parler franchement de son évaluation médicale.

[44]   Le Dr Chernin a témoigné avoir écrit au Dr Weinstein le 15 octobre, en lui envoyant l'information qu'il avait reçue de l'ADRC au sujet des problèmes au lieu de travail.

[45]   M. Boivin s'est rendu au cabinet du Dr Weinstein le 16 octobre, après quoi le psychiatre a rédigé à l'intention du Dr Chernin un rapport (pièce G-8). À la page 5 du rapport, on peut lire ce qui suit :

[Traduction]

[...]

Je recommanderais donc que M. Boivin ne retourne pas au travail pour le moment. Il serait important qu'il reçoive une formation en gestion de la colère comme le programme de dix semaines offert par votre bureau. Quand il aura suivi cette formation, M. Boivin devrait retourner au travail et revenir me voir pour que je réévalue son état quelques semaines plus tard. À ce moment-là, il serait utile que ses superviseurs et peut-être aussi ses collègues m'envoient des rapports pour m'aider dans ma réévaluation.

[...]

[46]   Le Dr Chernin a pris connaissance de ce rapport, puis a écrit à l'ADRC, le 17 octobre, avec la recommandation suivante : [traduction] « M. Boivin n'est pas apte à travailler pour le moment... ».

[47]   Sur réception de cette recommandation, l'ADRC a mis M. Boivin en congé de maladie payé. À l'expiration de ses crédits de congé de maladie, le fonctionnaire s'estimant lésé s'est retrouvé en congé de maladie non payé.

[48]   Le Dr Chernin a aussi recommandé que M. Boivin suive un cours de gestion de la colère et du stress qui pourrait être conçu en fonction de ses besoins particuliers. Le coût de ce cours n'est pas remboursé par le régime provincial d'assurance-maladie, de sorte que l'ADRC s'est fait demander d'aider M. Boivin en payant son cours. Elle a consenti à le faire.

[49]   M. Boivin avait d'abord accepté de suivre le cours, qui devait durer dix semaines, mais il a téléphoné au bureau du Dr Chernin pour annuler son inscription avant qu'il ne commence. Il a expliqué qu'il avait une aversion à voyager en voiture et que le cours devait avoir lieu à Toronto, à plus d'une heure de route pour lui. Il a dit qu'il consentirait à suivre un cours analogue s'il était offert localement.

[50]   En novembre 2001, le Dr Chernin a parlé au médecin de famille de M. Boivin, qui lui a dit qu'un psychologue local, le Dr Robert Kaplan, pouvait peut-être organiser le cours dont M. Boivin avait besoin. Le Dr Chernin s'est renseigné; il a conclu que c'était effectivement le cas. Le Dr Kaplan a accepté de recevoir M. Boivin et a conçu un programme adapté à ses besoins (pièce G-14).

[51]   Le Dr Chernin a écrit à l'ADRC pour lui demander de payer ce programme (pièce G-15). Il s'est fait dire que l'ADRC y consentirait.

[52]   M. Boivin a commencé à être traité par le Dr Kaplan en décembre 2001, sans retourner au travail. Le 23 février 2002, le Dr Chernin a reçu une lettre du Dr Kaplan l'informant que M. Boivin s'était présenté pour trois séances, après quoi le praticien avait dû cesser de le traiter : [traduction] « ... [M. Boivin]   n'estimait avoir aucun problème psychologique ou interpersonnel susceptible d'être traité. Nous avons convenu que, comme il n'avait aucun objectif psychothérapeutique, il faudrait mettre fin à son traitement ».

[53]   Quand le Dr Chernin a reçu cette lettre, il en a envoyé une copie au Dr Weinstein en lui demandant son avis. Le Dr Weinstein lui a répondu le 14 mars 2002 : [traduction] « ... il ne semble pas que son état s'améliorera suffisamment pour qu'il puisse retourner au travail bientôt ».

[54]   Peu de temps après avoir reçu cette réponse du Dr Weinstein, le Dr Chernin a été informé que M. Boivin avait porté plainte contre lui au Collègue des médecins et chirurgiens. Il s'est donc retiré du dossier.

[55]   M. Boivin a aussi porté une plainte analogue contre le Dr Weinstein; après avoir fait enquête, le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario a conclu que les Drs Chernin et Weinstein n'avaient rien fait de répréhensible (pièce E-31).

[56]   Après avoir cessé d'être traité par le Dr Kaplan, M. Boivin a entrepris un autre processus de traitement; Santé Canada l'a déclaré apte à retourner au travail le 15 novembre 2002 (pièce G-44).

Observations écrites de l'employeur

[57]   Ce qui suit résume les observations écrites de l'employeur. Les extraits que je cite sont reproduits textuellement. La version intégrale des observations est dans le dossier de la Commission.

[58]   Il y a trois points à trancher ici :

  1. le plaignant n'avait pas de raison valable de se prévaloir de son droit de refuser de travailler en vertu de la partie II du Code canadien du travail, de sorte qu'il ne peut pas invoquer la protection du Code;

  2. aucune des actions de l'employeur n'est visée par l'interdiction de l'article 147 du Code;

  3. même si les actions de l'employeur pouvaient constituer une sanction disciplinaire au sens de l'article 147 du Code, l'employeur s'est acquitté de la charge de démontrer que ses actions n'avaient aucun rapport avec l'exercice, par le plaignant, des droits qui lui sont reconnus en vertu du Code.

Premier point

[59]   Dans le contexte de l'article 147 du Code, il est important de se demander si l'employé qui s'est prévalu du droit de refuser de travailler avait un motif raisonnable de croire qu'un danger existait. S'il n'avait pas de motif raisonnable de se prévaloir de son droit de refuser de travailler, il ne peut invoquer la protection de l'article 147 du Code. La notion de « motif raisonnable » a été très largement interprétée. (Voir Chaney, [2000] CCRI no 47; Jolly c. Société canadienne des postes (1992), 87 di 202, 87 di 218; Kucher c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [1996] 102 di 121, décision du CCRT no 1180).

[60]   Le prétendu « danger » dont M. Boivin se plaint ne correspond qu'au stress et à l'angoisse dont il dit souffrir à cause de sa relation avec son superviseur et avec la direction. Comme il s'agit de conflits interpersonnels, la situation en l'espèce est identique à celle qui existait dans Gualtieri (dossier de la Commission 160-2-203), Bliss (dossier de la Commission 165-2-18) et Kucher (supra).

[61]   En outre, M. Boivin a agi de façon réfléchie et préméditée chaque fois qu'il s'est prévalu de ses droits en vertu du Code. Il l'a toujours fait pour avoir satisfaction dans ses conflits constants avec la direction, et non pour remédier à un véritable problème de santé et de sécurité, conformément à la partie II du Code.

[62]   La position de l'employeur reflète une interprétation fondée sur l'esprit et sur le contexte de l'article 147 du Code. Bien que cet article accorde une protection générale aux employés contre des mesures de représailles arbitraires et injustifiées de l'employeur, l'article 147.1, lui, confirme le droit de l'employeur de prendre des mesures disciplinaires lorsque les employés exercent de façon abusive le droit prévu par le Code. En ajoutant l'article 147.1, le Parlement entendait clairement interdire le recours abusif à la protection accordée par l'article 147.

[63]   Bref, l'employeur est d'avis que M. Boivin n'avait pas de motif raisonnable de refuser de travailler le 9 octobre 2001. Par conséquent, il ne peut pas invoquer la protection de l'article 147 du Code.

Deuxième point

[64]   M. Boivin a été mis en congé de maladie après avoir été déclaré inapte à travailler par Santé Canada, le 18 octobre 2001. Dans le rapport de Santé Canada, il est précisé que M. Boivin n'était pas apte à travailler à compter du 17 octobre 2001, et un traitement lui a été prescrit.

[65]   La recommandation de Santé Canada était basée sur le rapport d'un médecin indépendant qui avait évalué l'état de M. Boivin. L'employeur n'est pas intervenu dans cette démarche et n'a absolument pas participé à la prise de décisions ni aux recommandations de Santé Canada ou du médecin indépendant.

[66]   Dans le contexte qui a mené au congé sans traitement de M. Boivin, l'employeur n'a rien fait d'autre que d'exiger que son aptitude à travailler soit évaluée par Santé Canada.

[67]   L'employeur est d'avis que sa décision de faire déterminer si M. Boivin était apte à travailler ne peut pas constituer une sanction disciplinaire interdite par l'article 147. Les évaluations réalisées par Santé Canada ont pour objet de déterminer l'aptitude à travailler des fonctionnaires visés. Elles sont faites pour vérifier si les intéressés ont des problèmes de santé, et, si oui, pour trouver les solutions envisageables.

[68]   Rien n'indique que l'employeur ait fait quoi que ce soit de punitif à l'endroit de M. Boivin. Le fait que M. Boivin s'est retrouvé en congé non payé résulte de la conclusion de Santé Canada qu'il n'était pas apte à travailler en octobre 2001. C'était une constatation de Santé Canada et non de l'employeur.

Troisième point

[69]   Enfin, l'employeur affirme que, même si ses actions auraient pu constituer une sanction disciplinaire au sens de l'article 147 du Code, il a prouvé, selon la règle de prépondérance des probabilités, que ses actions n'avaient rien à voir avec la décision du plaignant de se prévaloir de ses droits en vertu du Code.

[70]   Tout ce que la direction a fait en l'espèce a été en réaction au comportement inacceptable de M. Boivin à son lieu de travail. Le superviseur immédiat, M. Dixon, a pris des notes abondantes sur la conduite de l'intéressé. Mme Hamann et d'autres fonctionnaires de l'ADRC ont aussi noté des exemples précis de son comportement répréhensible.

[71]   Même si la Commission ne souscrit pas à la démarche de la direction dans ses rapports avec M. Boivin, l'employeur s'est acquitté de la charge de démontrer qu'aucune de ses actions n'avait quoi que ce soit à voir avec la plainte que M. Boivin a déposée en vertu de la partie II du Code. Elles avaient toutes pour but de résoudre les problèmes causés par le comportement de M. Boivin à son lieu de travail.

[72]   L'employeur demande que la plainte que Robert Boivin a déposée en vertu de la partie II du Code soit rejetée.

Observations écrites du plaignant

[73]   Ce qui suit résume les observations écrites du plaignant. Les extraits que je cite sont reproduits textuellement. La version intégrale des observations est dans le dossier de la Commission.

Partie I - Aperçu

[74]   Le plaignant allègue que le Parlement et les législatures provinciales adoptent des lois sur la santé et la sécurité au travail pour les travailleurs et non pour les avocats. Il faut donc invariablement accorder la préférence au travailleur plutôt qu'aux machinations d'avocats férus de sémantique et d'interprétation de la loi. Les lois sur la santé et la sécurité au travail devraient toujours être prises à la lettre.

[75]   Au paragraphe 47 de ses observations, l'employeur cite l'article 12 de la Loi d'interprétation, qui souscrit entièrement à ce principe.

[76]   Par contre, au paragraphe 69 de ses observations, l'employeur déclare : [traduction] « En ajoutant l'article 147.1, le Parlement entendait clairement interdire le recours abusif à la protection de l'article 147 »; ensuite, il ajoute au paragraphe 70 : [traduction] « Par conséquent, l'employeur est d'avis que M. Boivin n'avait pas de motifs raisonnables de refuser de travailler le 9 octobre 2001. Il n'a donc pas droit à la protection de l'article 147 du Code. »

[77]   Le plaignant est d'avis que cette interprétation de l'article 147.1(1) du Code repose davantage sur l'imagination d'un avocat que sur un principe de droit et qu'elle n'en est pas plus applicable en l'espèce. Cet article se lit comme suit :

147.1 (1) À l'issue des processus d'enquête et d'appel prévus aux articles 128 et 129, l'employeur peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard de l'employé qui s'est prévalu des droits prévus à ces articles s'il peut prouver que celui-ci a délibérément exercé ces droits de façon abusive.

(2) L'employeur doit fournir à l'employé, dans les quinze jours ouvrables suivant une demande à cet effet, les motifs des mesures prises à son égard.

2000, ch. 20, art. 14.

[78]   Il n'est dit nulle part dans cet article que le Code tolère qu'on retire sa protection à un employé, sauf lorsqu'on peut prouver que celui-ci a délibérément exercé de façon abusive les droits qui lui sont reconnus par le Code. Les mesures disciplinaires que l'article autorise ont donc pour objet de punir une intention délictueuse.

[79]   Le plaignant déclare que l'avocate de l'employeur a clairement informé la Commission, à l'audience, que l'employeur n'avait pas l'intention de prendre des mesures disciplinaires contre lui en vertu de cet article. Le plaignant ne peut donc pas se faire refuser la protection de l'article 147 du Code.

[80]   Comme le plaignant l'a déclaré, lorsque l'employeur a prétendu qu'il n'est pas protégé par le Code, il a ouvert la porte à des questions auxquelles il faudra répondre. En réponse à l'argument auquel on doit s'attendre de l'employeur, qui consiste à tenter de faire oublier à la Commission les vrais enjeux dans cette affaire, comme c'est l'employeur qui a ouvert cette « boîte de Pandore », le plaignant doit être autorisé à présenter tous ses arguments en réplique.

[81]   Le paragraphe 21(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dispose que :

21.(1) La Commission met en ouvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu'implique la réalisation de ses objets, notamment en prenant des ordonnances qui exigent l'observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu'elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

[82]   Le plaignant estime que la Commission a notamment le pouvoir de modifier la décision de l'agent de sécurité (pièce E-18) et qu'elle se doit de le faire en l'espèce.

[83]   Le plaignant demande des réponses aux questions suivantes :

  • L'article 127.1 autorise-t-il la présentation de plaintes concernant le stress au lieu de travail et/ou la santé mentale, et ce, dans quelles circonstances?

  • L'article 128 autorise-t-il l'employé à se prévaloir de son droit de refuser de travailler pour des situations liées au stress au lieu de travail et/ou à sa santé mentale, et ce, dans quelles circonstances?

  • Les actions de l'employeur le 9 octobre 2001 constituent-elles des représailles au sens de l'article 147 du Code?

  • La protection prévue à l'article 147 du Code vaut-elle seulement contre les mesures de représailles, ou doit-elle être largement interprétée?

  • Cette affaire justifierait-elle des poursuites en vertu de l'article 148 du Code?

[84]   La Partie II des observations écrites du plaignant est une analyse des témoignages. À mon avis, il n'est pas nécessaire de la reproduire dans ma décision, mais je l'ai lue intégralement et, comme je l'ai déjà dit, elle est disponible à la Commission.

[85]   Partie III - Questions de droit

[86]   L'article 127.1 du Code autorise-t-il la présentation de plaintes concernant le stress au lieu de travail et/ou la santé mentale, et ce, dans quelles circonstances?

[87]   Quand la Commission s'est penchée sur cette question, dans Gualtieri c. Conseil du Trésor1, elle tranchait une plainte déposée par suite d'un refus de travail plutôt que fondée sur l'article 127.1 du Code. Le plaignant souligne que la décision rendue dans Gualtieri était basée sur la jurisprudence d'avant septembre 2000.

[88]   Le plaignant déclare aussi que, jusqu'à présent, la seule jurisprudence relative à la santé psychologique des fonctionnaires a été fondée strictement sur l'article 128 du Code, qui autorise le refus de travailler, de sorte que l'application de l'article 127.1 n'a pas été contestée jusqu'à présent.

[89]   L'article 124 du Code est très clair :

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[90]   Le plaignant est d'avis que cet article impose aux employeurs l'obligation générale de veiller à la santé et à la sécurité des employés, ce qui comprend de toute évidence leur bien-être physique, psychologique et social.

[91]   Le plaignant maintient en outre que le processus de règlement interne des plaintes prévu à l'article 127.1 du Code est une nouvelle disposition et que, en l'incluant dans le Code, le Parlement voulait expressément donner aux employés un recours quand leur santé, clairement définie dans Lever et définie de façon plus détaillée encore dans Gualtieri, est minée par les conditions à leur lieu de travail, et ce que la santé s'entende ou non du bien-être physique, psychologique ou social de l'employé.

[92]   Le plaignant déclare que, le 2 octobre 2001, lorsqu'il a présenté sa plainte fondée sur cet article du Code, il avait constaté que la situation avait un effet de type deux sur sa santé, selon l'échelle australienne, de sorte qu'il pouvait se prévaloir d'un recours en vertu du Code.

[93]   L'article 128 autorise-t-il l'employé à se prévaloir de son droit de refuser de travailler pour des situations liées au stress au lieu de travail et/ou à sa santé mentale, et ce, dans quelles circonstances?

[94]   Le plaignant reconnaît qu'il existe une abondante jurisprudence dans laquelle la réponse à cette question est négative. Toutefois, cette jurisprudence est entièrement basée sur deux facteurs qu'on ne trouve pas dans cette affaire-ci puisque les employés en cause ne s'étaient jamais prévalus du processus de règlement interne prévu par l'article 127.1, ce qui confirme le raisonnement du plaignant : le Parlement a ajouté ce processus au Code compte tenu de cette jurisprudence, dans laquelle aucune décision ni aucun arrêt ne stipule qu'il faut un élément déclencheur pour que l'employé puisse se prévaloir du droit que lui reconnaît l'article 128.

[95]   Le plaignant demande à la Commission de modifier la décision de l'agent de sécurité (pièce E-17) compte tenu de la preuve qui lui a été soumise et des modifications du Code, parce que l'employeur a déclaré qu'il s'était prévalu de son droit à tort.

[96]   Le plaignant déclare que l'obligation de l'employeur de veiller à la protection de ses employés contre des blessures que le Parlement leur impose s'entend bel et bien de ce qui peut miner leur santé mentale, particulièrement de façon préméditée.

[97]   Les actions de l'employeur le 9 octobre 2001 constituent-elles des représailles au sens de l'article 147 du Code?

[98]   Le plaignant affirme que l'argumentation considérable du stress qu'il subissait a été partiellement attribuable à son impression directe que la lettre du 9 octobre 2001 (pièce G-35) était une mesure de représailles contre lui parce qu'il avait porté plainte le 2 octobre 2001 (pièce E-2).

[99]   Le plaignant s'attendait à l'objection de l'employeur à cet égard; il y réagit en déclarant que la réponse à cette question est théorique et n'a aucun effet direct sur le résultat de la présente affaire, en soulignant que la plainte qu'il a présentée à la Commission porte sur les actions de l'employeur après le 9 octobre 2001 et non sur ses agissements le 9 octobre 2001.

[100]   Le plaignant déclare que l'inversion de la charge de la preuve qu'impose l'article 147 ne s'applique que dans les cas de refus de travailler et que, lorsqu'il s'agit simplement d'une plainte fondée sur l'article 127.1, c'est au plaignant qu'il incombe de prouver que les actions de l'employeur étaient des représailles.

[101]   Le plaignant maintient que la preuve qui a été présentée à la Commission démontre clairement que les allégations figurant dans la lettre du 9 octobre 2001 (pièce G-35) sont soit de pures inventions, soit des interprétations abusives, et que les conditions de travail qu'on lui a imposées dans cette lettre – et qu'on ne saurait trouver dans le Code d'éthique et de conduite de l'ADRC (pièce G-5) – sont bel et bien des représailles parce qu'il avait déposé une plainte fondée sur l'article 127.1 du Code.

[102]   Le plaignant estime que les motifs de la décision dans l'affaire Pruyn confirment clairement sa démarche.

[103]   La protection prévue à l'article 147 du Code vaut-elle seulement contre les mesures de représailles, ou doit-elle être largement interprétée?

[104]   Comme le plaignant l'a déjà mentionné, l'employeur a prétendu que l'interprétation à retenir de l'article 147 du Code n'en justifierait l'application qu'à des représailles. L'employeur est même allé jusqu'à définir ce terme qui ne figure pourtant nulle part dans la partie II du Code. Le plaignant est d'avis que, si le Parlement avait voulu que seules les mesures de représailles soient interdites par l'article 147, il l'aurait précisé dans cet article, plutôt que d'en laisser le soin à des avocats représentant les employeurs.

[105]   Le plaignant affirme qu'en précisant explicitement des pénalités à l'article 147, tout comme les autres actes interdits, le Parlement a clairement montré qu'il entendait qu'un travailleur ne subisse aucun préjudice pour s'être prévalu d'un droit reconnu par le Code.

[106]   Le plaignant maintient aussi que, même si l'employeur s'était conformé aux procédures établies pour faire évaluer son aptitude à travailler et qu'il aurait été déclaré inapte, il n'aurait quand même pas dû être mis en congé non payé, parce que cette évaluation a été demandée dans le contexte de l'exercice des droits qui lui sont reconnus par le Code.

[107]   Le plaignant déclare que, même s'il a tort sur ce point, il continue à bénéficier de la protection du Code puisque c'est parce qu'il s'est prévalu des droits que le Code lui reconnaît qu'il a été tenu de se soumettre à cette évaluation et que, s'il avait refusé de le faire, il aurait été mis en congé non payé (pièce G-1).

[108]   Le plaignant maintient en outre que, même s'il a tort sur ce point-là aussi, il a droit à la protection de l'article 147 parce que, dans Nucci v. Supreme Tooling Group (ONLRB 2829-01-OH)2, la Commission des relations de travail de l'Ontario a déclaré, au paragraphe 64, que, [traduction] « si les motifs de l'employeur étaient EN TOUT OU EN PARTIE répréhensibles, ses actions sont illégales » (les majuscules sont dans l'original).

[109]   Le plaignant déclare que, en contournant les procédures établies pour l'évaluation de son aptitude à travailler et en exigeant qu'il s'y soumette dans le contexte du Code canadien du travail, l'employeur a fait de tout le processus un acte illégal contrevenant à l'article 147 du Code canadien du travail.

[110]   Le plaignant déclare que c'est parce qu'il a présenté une plainte en vertu de l'article 127.1 du Code et qu'il a ensuite invoqué les droits que lui reconnaît l'article 128 que l'employeur ne l'a pas payé pour la période du 16 novembre 2001 au 18 novembre 2002 et lui a avancé 25 jours de congé de maladie remboursables, alors qu'il aurait travaillé durant cette période, n'eût été du fait qu'il a invoqué ces droits, de sorte que l'employeur a contrevenu à l'article 147 du Code canadien du travail.

[111]   Cette affaire justifierait-elle des poursuites en vertu de l'article 148 du Code?

[112]   Le plaignant déclare que la preuve a clairement démontré que l'employeur a agi de façon malveillante en contrevenant au Code canadien du travail, et que cela justifie des poursuites en vertu de l'alinéa 148(1)b).

[113]   Le plaignant affirme que le Parlement voulait que des sanctions soient imposées, car autrement, l'article 128 ne figurerait pas dans le Code.

Réplique écrite de l'employeur

[114]   Ce qui suit résume la réplique écrite de l'employeur. Les extraits cités qui suivent sont reproduits textuellement. La version intégrale de la réplique est dans le dossier de la Commission.

[115]   Dans ses observations, le plaignant affirme que la jurisprudence et le cadre analytique sur lesquels l'employeur s'est fondé ne sont plus valides en raison des modifications récentes au Code canadien du travail. Il s'est contenté d'affirmer carrément que c'était le cas, sans signaler des modifications particulières au Code et sans citer non plus de sources à l'appui de ses allégations.

[116]   Il y a eu un certain nombre de modifications à diverses dispositions de la partie II, mais l'employeur est d'avis que la plupart n'ont rien à voir en l'espèce et que seulement deux d'entre elles sont pertinentes. La première est l'ajout de l'article 147.1, dont il a parlé dans ses observations écrites, au paragraphe 69.

[117]   La seconde est la nouvelle définition de « danger » à l'article 122 du Code. Avant les modifications de 2000, cette notion était définie comme il suit :

« danger » Risque ou situation susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant qu'il ne puisse y être remédié.

[118]   Dans la nouvelle version du Code, la définition a changé :

« danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[119]   L'employeur est d'avis que, bien que cette nouvelle définition de la notion de « danger » soit plus large puisqu'elle englobe les « risques existants ou éventuels » et les situations et les tâches existantes ou éventuelles, cela ne change nullement le fait que le « danger » visé à la partie II du Code est un danger lié à la santé et à la sécurité au travail et non à des dangers relatifs au stress en milieu de travail, comme en l'espèce. L'employeur est convaincu que la jurisprudence qu'il a invoquée dans ses observations demeure valide, et que le plaignant n'avait pas de motif raisonnable de présenter une plainte fondée sur le Code.

[120]   En outre, l'employeur estime que les modifications au Code canadien du travail ne changent pas le cadre analytique qu'il faut respecter pour trancher une plainte fondée sur l'article 147. Afin de déterminer s'il y a eu infraction de cet article, la Commission doit décider :

  1. si l'employé avait un motif raisonnable de se prévaloir de ses droits reconnus par le Code;

  2. si oui, si l'employeur a pris des mesures interdites par l'article 147 du Code;

  3. si oui, si ces mesures ont été prises parce que l'employé s'était prévalu de ses droits reconnus par le Code.

Motifs de la décision

[121]   Les employés qui ont des motifs raisonnables de croire qu'il existe dans un lieu de travail quelconque une situation qui constitue un danger ont le droit de refuser de travailler (paragraphe 128(1) du Code). Les employeurs qui imposent aux employés une sanction pécuniaire ou qui refusent de les payer parce qu'ils se sont prévalus de ce droit contreviennent au Code (article 147). Les employés ont le droit de se plaindre de cette contravention (article 133 du Code).

[122]   M. Boivin a présenté une plainte fondée sur l'article 133 du Code; dans ce genre d'affaire, la Commission doit commencer par déterminer si les exigences de cet article ont été respectées. Le paragraphe 133(3) prévoit que le plaignant doit démontrer qu'il s'est conformé au paragraphe 128(6), autrement dit à son obligation de déclarer son refus à l'employeur. M. Boivin l'a fait, ce n'est pas contesté, de sorte qu'il a satisfait aux exigences applicables au dépôt d'une plainte.

[123]   Comme nous l'avons vu dès le début, la charge de la preuve est inversée dans ce cas-ci, en vertu du paragraphe 133(6) du Code. En d'autres termes, l'allégation de M. Boivin que l'employeur a contrevenu au Code constitue une preuve de la contravention. Dans Kucher (supra), le Conseil canadien des relations du travail (CCRT), (ancien nom), a écrit au paragraphe 11 ce qui suit :

... Pour se décharger de ce fardeau, il doit démontrer que la mesure disciplinaire n'avait rien à voir avec le fait que l'employé a exercé son droit de refuser de travailler en vertu du

Code, après que l'employé aura convaincu le Conseil qu'il avait un motif raisonnable de croire à l'existence d'une situation dangereuse.

[124]   À mon avis, cela signifie que la Commission doit déterminer si l'employé avait un motif raisonnable de croire qu'il existait une situation dangereuse avant de refuser de travailler. Si ce n'est pas le cas, les mesure que l'employeur a prises, qu'elles soient disciplinaires ou non, ne constituent pas une violation du Code.

[125]   En l'espèce, dans ses observations écrites, l'employeur a déclaré que la première question à trancher était celle de savoir si le plaignant n'avait pas de motif raisonnable de se prévaloir de son droit de refuser de travailler en vertu de la partie II du Code, auquel cas il ne pouvait pas en invoquer la protection.

[126]   J'estime que c'est un point de départ judicieux compatible avec l'analyse dans Kucher (supra), ainsi qu'avec les dispositions de la partie II du Code.

[127]   L'employeur a déclaré que, si l'employé n'avait pas de motif raisonnable de se prévaloir de son droit de refuser de travailler, il n'avait tout simplement pas droit à la protection de l'article 147 du Code, et je suis d'accord avec lui.

[128]   Dans Kucher (supra), le CCRT a écrit ceci au paragraphe 14 :

Pour jouir de la protection du

Code, le refus doit avoir été exercé dans des circonstances où il existe un « motif raisonnable » de le faire (voir Bermiline Jolly (1992), 87 di 202; et 16 CLRBR (2d) 300 (CCRT no 929)). La notion de motif raisonnable comporte et un élément objectif et un élément subjectif (Francine Tremblay et autres (1985), 59 di 163 (CCRT no 497)), puisque le Code ne confère pas un droit de refus uniquement parce que l'on « croit sincèrement » qu'il y a danger. Le danger doit être grave et immédiat et ne pas seulement découler du stress que l'on pourrait ressentir à la perspective de rapports avec des collègues de travail (voir Antonio Almeida (1990), 82 di 10 (CCRT no 819)).

[129]   Il est écrit dans la formule de refus de travailler de M. Boivin (pièce E-20) que [traduction] « l'allégation du fonctionnaire est que le danger pour sa santé est le stress résultant du fait que la haute direction n'a pas répondu à son grief en temps opportun ni avec intégrité ». Cela concorde avec le contenu d'une lettre que M. Boivin a rédigée le 2 octobre 2001 (sept jours avant de refuser de travailler), où il a écrit ce qui suit : [traduction] « ... le danger pour ma santé est attribuable aux activités des fonctionnaires de l'Agence qui ont été chargés du traitement du grief no [..., qui] ont été et continuent d'être dangereuses pour ma santé, parce que cela me fait subir énormément de stress, en plus de saper mes facultés mentales et émotionnelles ».

[130]   Le plaignant allègue que l'article 127.1 du Code autorise la présentation de plaintes concernant le stress en milieu de travail.

[131]   Premièrement, dans ses observations écrites, il dénonce [traduction] « ... les effets du harcèlement, et particulièrement le stress qu'il cause... » ainsi que [traduction] « la persécution en milieu de travail ». Je tiens à souligner que je ne suis pas convaincu de m'être fait présenter des preuves qui étayeraient des allégations de « persécution » ou de « harcèlement » en milieu de travail. D'ailleurs, on n'a jamais avancé de telles allégations dans la partie de présentation de la preuve de l'audience.

[132]   De plus, dans ses observations écrites, le plaignant a déclaré ce qui suit au sujet de l'article 127.1 du Code :

[traduction]

Le plaignant déclare que, le 2 octobre 2001, lorsqu'il a présenté sa plainte fondée sur cet article du

Code, il avait constaté que la situation avait un effet de type deux sur sa santé, selon l'échelle australienne, de sorte qu'il pouvait se prévaloir d'un recours en vertu du Code.

[133]   Si j'ai bien compris le raisonnement du plaignant, il prétend avoir le droit de porter plainte parce qu'il a constaté un effet sur sa santé (c'est moi qui souligne). Or, la loi dispose que :

127.1 (1) Avant de pouvoir exercer les recours prévus par la présente partie – à l'exclusion des droits prévus aux articles 128, 129 et 132 –, l'employé qui croit, pour des motifs raisonnables, à l'existence d'une situation constituant une contravention à la présente partie ou dont sont susceptibles de résulter un accident ou une maladie liés à l'occupation d'un emploi doit...

[134]   C'est seulement lorsqu'« un accident ou une maladie » sont susceptibles de résulter d'une situation qu'une plainte peut être portée. En l'espèce, je ne crois pas qu'un accident ou une maladie étaient susceptibles de résulter de la situation dans laquelle M. Boivin se trouvait. Par conséquent, je ne pense pas qu'il pouvait porter plainte en vertu du Code. Les employés qui ont l'impression qu'une mesure ou une action est dangereuse pour la santé peuvent opter pour d'autres recours, par exemple prendre des congés de maladie, mais je ne crois pas que le régime du Code autorise des plaintes pour cette raison.

[135]   La preuve a révélé que le refus de travailler était fondé sur la conviction de M. Boivin que son stress résultait du refus de la direction de répondre à son grief. Toutefois, dans sa plainte initiale à la Commission, datée du 30 avril 2002, il déclarait notamment ce qui suit :

[traduction]

Le 1er octobre 2001, j'ai porté plainte au Comité de santé et de sécurité au travail...

La nature de la plainte était que je croyais que l'employeur ne me confiait pas une pleine charge de travail délibérément, afin de miner ma santé mentale...

Le 9 octobre 2001, j'ai assisté à une rencontre... À cette rencontre, on m'a remis un document non signé contenant plusieurs allégations ainsi que des conditions restrictives. Je l'ai interprété comme une mesure disciplinaire parce que j'avais porté plainte...

C'est après avoir reçu cette lettre du 9 octobre que M. Boivin a refusé de travailler.

[136]   À mon avis, il importe peu – pour les fins du Code – que M. Boivin ait refusé de travailler parce qu'il souffrait de stress en raison du refus de la direction de répondre à son grief ou parce que sa santé mentale était minée à cause de la pratique de la direction de ne pas lui confier une pleine charge de travail. Il ne s'agit ni dans un cas, ni dans l'autre du genre de problème de santé ou de sécurité que vise la partie II du Code.

[137]   Dans une décision récente de la Commission au sujet d'une plainte fondée sur l'article 133 du Code, Linda Kinhnicki et Terry Dupuis c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2003 CRTFP 52 (160-34-78), on peut lire une excellente analyse de ce qui constitue un « danger » aux termes de l'article 128 du Code, au paragraphe 36 :

[36]   Comme nombre des fonctions et attributions imposées aux employeurs à l'article 125 incluent celle d'adhérer à des normes nationales en matière de bâtiment, d'hygiène et d'incendie, et comme l'un des objets établis de la partie II est de prévenir les blessures, je suis d'avis que le terme « danger », tel qu'il est utilisé dans la loi, a un sens large.

[138]   Je reconnais que, dans le contexte du Code, « danger » s'entend au sens large, mais pas large au point d'englober un conflit interne ou du stress. C'est ce qui s'est produit en l'occurrence; M. Boivin avait le sentiment qu'on ne lui confiait pas de tâches valables et il a présenté un grief. Ensuite, il a refusé de travailler parce que la direction n'avait pas répondu à son grief en temps opportun. À mon avis, il n'y avait aucun « danger » pour M. Boivin au sens où le Code l'entend, de sorte qu'il n'avait pas le droit de refuser de travailler. Il pouvait se sentir frustré et peut-être aussi stressé, mais, dans cette situation, je ne crois pas que le Code autorise un employé à refuser de travailler pour ce motif.

[139]   La convention collective n'a pas été produite en preuve, mais la plupart des conventions collectives autorisent les fonctionnaires à faire renvoyer leurs griefs au palier suivant si l'employeur ne leur répond pas en temps voulu. Si la convention collective de M. Boivin contenait une disposition comme celle-là, c'est ce qu'il aurait pu faire. De toute façon, elle contenait certainement une disposition sur les congés de maladie, puisqu'il a été mis en congé de maladie après son évaluation médicale. S'il était stressé et que ses facultés mentales et émotionnelles étaient minées, comme il l'a déclaré dans sa lettre du 2 octobre, il aurait peut-être pu se prévaloir des dispositions sur les congés de maladie de sa convention collective. Or, il a choisi de refuser de travailler. Comme l'ancien commissaire J. Barry Turner l'a écrit dans Hutchinson (dossier de la Commission 160-2-52), au paragraphe 83, « en prononçant les mots magiques prévus à l'article 128 du Code... elle [Mme Hutchinson] a jeté le discrédit sur cette disposition ». À mon avis, en alléguant qu'il y avait du danger dans cette situation et en refusant de travailler, M. Boivin a lui aussi jeté le discrédit sur cet article du Code.

[140]   Cette conclusion est aussi étayée, selon moi, par les décisions antérieures de la Commission où il a été établi que des problèmes comme le stress et les relations en milieu de travail ne constituent pas un « danger » au sens du Code (voir par exemple Bliss (supra), et Gualtieri (supra).

[141]   L'article 128 autorise-t-il les employés à se prévaloir du droit de refuser de travailler pour des motifs liés au stress?

[142]   Le plaignant affirme que oui, et il a écrit ce qui suit :

[traduction]

Le plaignant déclare que l'obligation de l'employeur de veiller à la protection de ses employés contre des blessures que le Parlement leur impose s'entend bel et bien de ce qui peut miner leur santé mentale, particulièrement de façon préméditée.

[143]   Je ne souscris tout simplement pas à cette conclusion du plaignant. L'article 128 dispose qu'un employé peut refuser de travailler dans un lieu s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il est dangereux pour lui d'y travailler.

[144]   Le plaignant a écrit que [traduction] « en examinant les changements de la définition de « danger » dans le Guide du Conseil du Trésor (pièces G-42 et G-43), après avoir établi un rapport direct avec l'effet sur sa santé, il a satisfait à l'exigence d'avoir un motif raisonnable du Code ».

[145]   La définition de la notion de danger de l'employeur (la même que celle du Code) est la suivante :

« danger » Situation, tâche ou risque – existant ou éventuel – susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade – même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats –, avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[146]   Je ne crois pas que le régime du Code nous permette de considérer le stress comme un « risque existant ou éventuel » au sens où il l'entend. Je ne crois pas non plus que le stress puisse être considéré comme une « situation » au sens du Code. Enfin, ce n'est pas, selon moi, une situation ou une tâche « susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade » au sens où le Code l'entend. Comme le CCRT l'avait déclaré dans Kucher (supra) : « Le danger doit être grave et immédiat... ».

[147]   La lecture de la définition de « danger » m'amène à conclure que, pour qu'on puisse considérer qu'une situation est dangereuse, il faut établir un rapport entre elle et le risque que ce danger cause des blessures à une personne ou la rende malade. Si c'est le cas, l'employeur a l'obligation de corriger la situation avant que l'employé ne retourne au travail. Il s'agirait donc plutôt de l'obligation pour lui de conserver des substances dangereuses dans des conditions adéquates que de celle de résoudre des problèmes de stress en milieu de travail.

[148]   Le plaignant fait valoir que de nombreuses décisions citées dans la jurisprudence ne s'appliquent pas à son cas puisqu'elles ont été rendues avant les modifications qui ont été apportées au Code en 2000. Toutefois, je ne pense pas que les décisions rendues avant les changements apportés en 2000 à certaines dispositions du Code perdent leur pertinence pour autant. Il faut plutôt les analyser pour déterminer quels sont leurs aspects qui s'appliquent dans le contexte de la loi actuelle, si c'est le cas. Selon moi, les décisions que j'ai citées ici continuent d'être applicables.

[149]   Comme j'ai conclu que M. Boivin n'avait pas de motif raisonnable de se prévaloir de son droit de refuser de travailler en vertu de la partie II du Code, je conclus aussi qu'il ne pouvait pas en invoquer la protection. Je rejetterais la plainte en conséquence.

[150]   J'ajouterais aussi que, dans cette affaire, je ne crois pas que les actions de l'employeur étaient des mesures disciplinaires.

[151]   Je suis convaincu que la preuve a clairement démontré que l'employeur s'inquiétait vraiment de l'aptitude de M. Boivin à travailler. Il y avait eu un certain nombre d'incidents au lieu de travail au cours d'une période de plusieurs mois avant que l'ADRC ne demande à M. Boivin de subir une évaluation de son aptitude à travailler. Un de ces incidents avait particulièrement inquiété la direction, à savoir les propos de M. Boivin le 10 août, quand il avait parlé de « perdre les pédales ». Qu'il ait dit [traduction] « des actions comme celles-là pourraient faire perdre les pédales à quelqu'un », selon M. Boivin lui-même, ou [traduction] « je pourrais perdre les pédales », comme l'allègue l'employeur, n'est pas particulièrement important, à mon avis. Le principe qu'il faut appliquer est celui de l'obligation de l'employeur de faire en sorte que le lieu de travail soit sans danger, et l'une ou l'autre de ces déclarations l'aurait inquiété à juste titre.

[152]   Qui plus est, le 15 octobre 2001, l'employeur a rencontré M. Boivin et lui a demandé de faire évaluer son aptitude à travailler par Santé Canada. En compagnie de son représentant syndical, M. Boivin a signé une formule de consentement à subir une telle évaluation.

[153]   Je pense qu'il était raisonnable que l'employeur exige une évaluation de l'aptitude de M. Boivin à travailler, en raison des problèmes qu'il avait constatés dans le milieu de travail, et je ne crois pas que l'ADRC ait pris cette mesure parce que M. Boivin avait refusé de travailler.

[154]   Après avoir consenti à cette évaluation, M. Boivin a été examiné par des médecins qui sont arrivés à la conclusion qu'il était inapte à travailler. Santé Canada a informé l'ADRC de cette conclusion, et l'ADRC a pris des mesures en conséquence. Je ne peux pas conclure que la décision de l'ADRC de se conformer à la conclusion que M. Boivin était inapte à travailler était liée d'une façon quelconque à son refus de travailler. L'ADRC a reçu le 17 octobre 201 une lettre du Dr Chernin où l'on pouvait lire notamment : [traduction] « M. Boivin n'est pas apte à travailler pour le moment. » À mon avis, l'ADRC aurait été irresponsable si elle n'avait pas pris de mesures à cet égard.

[155]   Le plaignant cite Pruyn c. Agence des douanes et du revenu du Canada (dossier de la Commission 160-34-64) pour étayer sa position que les mesures de l'employeur constituaient des représailles. Je ne suis pas d'accord avec lui; je ne pense pas que la décision que la Commission a rendue dans Pruyn (supra), confirme son raisonnement. Dans cette affaire-là, l'employeur avait convoqué M. Pruyn à une réunion après que celui-ci eut fait savoir qu'il craignait de trébucher sur les carrés de tapis posés dans l'aire de travail. Au paragraphe 56 de cette décision, le commissaire Léo-Paul Guindon a écrit : « L'employeur a admis que l'enjeu de la rencontre du 9 novembre était disciplinaire », et c'est ce qui l'a amené à conclure que l'employeur avait contrevenu à l'article 147 du Code.

[156]   Or, la situation dans Pruyn (supra) était très différente de celle qui nous intéresse. Ici, l'employeur n'a pas admis qu'il s'agissait d'une rencontre disciplinaire, et il n'y a pas non plus de conclusion à tirer en ce sens, puisque j'ai conclu qu'aucune des mesures interdites par l'article 157 n'a été prise, de sorte qu'il ne peut pas y avoir eu de contravention de cet article en l'espèce.

[157]   Le plaignant estime aussi que « la Commission a notamment le pouvoir de modifier la décision de l'agent de sécurité (pièce E-18) et qu'elle se doit de le faire en l'espèce ». Je ne souscris pas à l'idée que les dispositions actuelles du Code autorisent la Commission à modifier la décision d'un agent de sécurité.

[158]   Jusqu'en juin 2000, les paragraphes 129(5) et 130(1) de la partie II du Code se lisaient comme suit :

129.(5) Si l'agent de sécurité conclut à l'absence de danger, un employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus d'utiliser ou de faire fonctionner la machine ou la chose en question ou de travailler dans le lieu en cause; il peut toutefois, par écrit et dans un délai de sept jours à compter de la réception de la décision, exiger que l'agent renvoie celle-ci au Conseil, auquel cas l'agent de sécurité est tenu d'obtempérer.

130.(1) Le Conseil procède sans retard et de façon sommaire à l'examen des faits et des motifs de la décision dont il a été saisi en vertu du paragraphe 129(5) et peut :

  1. soit confirmer celle-ci;

  2. soit donner, en ce qui concerne la machine, la chose ou le lieu, les instructions qu'il juge indiquées parmi celles que doit ou peut donner l'agent de sécurité aux termes du paragraphe 145(2).

[159]   En vertu de ces dispositions, la Commission pouvait se pencher sur la décision de l'agent de sécurité, et elle l'a d'ailleurs fait à l'occasion (voir par exemple Gualtieri et Guénette, dossier de la Commission 165-2-203).

[160]   Toutefois, ces dispositions ont été modifiées en juin 2000, de sorte que la Commission n'a plus compétence pour examiner une décision d'un agent de sécurité. Sa compétence est désormais définie à l'article 133 de la partie II du Code, qui ne l'autorise pas à examiner les décisions des agents de sécurité, puisque cette responsabilité incombe désormais à DRHC.

[161]   Pour tous ces motifs, la plainte est rejetée.

Joseph W. Potter,
vice-président

OTTAWA, le 20 octobre 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.


ANNEXE A

[1]   Les articles 127.1, 128, 133, 147 et 147.1 du Code se lisent comme suit :

127.1 (1) [Plainte au supérieur hiérarchique] Avant de pouvoir exercer les recours prévus par la présente partie – à l'exclusion des droits prévus aux articles 128, 129 et 132 –, l'employé qui croit, pour des motifs raisonnables, à l'existence d'une situation constituant une contravention à la présente partie ou dont sont susceptibles de résulter un accident ou une maladie liés à l'occupation d'un emploi doit adresser une plainte à cet égard à son supérieur hiérarchique.

(2) [Tentative de règlement] L'employé et son supérieur hiérarchique doivent tenter de régler la plainte à l'amiable dans les meilleurs délais.

(3) [Enquête] En l'absence de règlement, la plainte peut être renvoyée à l'un des présidents du comité local ou au représentant par l'une ou l'autre des parties. Elle fait alors l'objet d'une enquête tenue conjointement, selon le cas :

  1. par deux membres du comité local, l'un ayant été désigné par les employés – ou en leur nom – et l'autre par l'employeur;

  2. par le représentant et une personne désignée par l'employeur.

(4) [Avis] Les personnes chargées de l'enquête informent, par écrit et selon les modalités éventuellement prévues par règlement, l'employeur et l'employé des résultats de l'enquête.

(5) [Recommandations] Les personnes chargées de l'enquête peuvent, quels que soient les résultats de celle-ci, recommander des mesures à prendre par l'employeur relativement à la situation faisant l'objet de la plainte.

(6) [Obligation de l'employeur] Lorsque les personnes chargées de l'enquête concluent au bien-fondé de la plainte, l'employeur, dès qu'il en est informé, prend les mesures qui s'imposent pour remédier à la situation; il en avise au préalable et par écrit les personnes chargées de l'enquête, avec mention des délais prévus pour la mise à exécution de ces mesures.

(7) [Arrêt du travail] Lorsque les personnes chargées de l'enquête concluent à l'existence de l'une ou l'autre des situations mentionnées au paragraphe 128(1), il incombe à l'employeur, dès qu'il en est informé par écrit, de faire cesser, jusqu'à ce que la situation ait été corrigée, l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose visée, le travail dans le lieu visé ou la tâche visée, selon le cas.

(8) [Renvoi à l'agent de santé et de sécurité] La plainte fondée sur l'existence d'une situation constituant une contravention à la présente partie peut être renvoyée par l'employeur ou l'employé à l'agent de santé et de sécurité dans les cas suivants :

  1. l'employeur conteste les résultats de l'enquête;

  2. l'employeur a omis de prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation faisant l'objet de la plainte dans les délais prévus ou d'en informer les personnes chargées de l'enquête;

  3. les personnes chargées de l'enquête ne s'entendent pas sur le bien-fondé de la plainte.

(9) [Enquête] L'agent de santé et de sécurité saisi de la plainte fait enquête sur celle-ci ou charge un autre agent de santé et de sécurité de le faire à sa place.

(10) [Pouvoirs de l'agent de santé et de sécurité] Au terme de l'enquête, l'agent de santé et de sécurité :

  1. peut donner à l'employeur ou à l'employé toute instruction prévue au paragraphe 145(1);

  2. peut, s'il l'estime opportun, recommander que l'employeur et l'employé règlent à l'amiable la situation faisant l'objet de la plainte;

  3. s'il conclut à l'existence de l'une ou l'autre des situations mentionnées au paragraphe 128(1), donne des instructions en conformité avec le paragraphe 145(2).

(11) [Précision] Il est entendu que les dispositions du présent article ne portent pas atteinte aux pouvoirs conférés à l'agent de santé et de sécurité sous le régime de l'article 145.

128. (1) [Refus de travailler en cas de danger] Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

  1. l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

  2. il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

  3. l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

[...]

133. (1) [Plainte au Conseil] L'employé – ou la personne qu'il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l'article 147.

(2) [Délai relatif à la plainte] La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance – ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance – de l'acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

(3) [Restriction] Dans les cas où la plainte découle de l'exercice par l'employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa présentation est subordonnée, selon le cas, à l'observation du paragraphe 128(6) par l'employé ou à la notification à l'agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 128(13).

(4) [Exclusion de l'arbitrage] Malgré toute règle de droit ou toute convention à l'effet contraire, l'employé ne peut déférer sa plainte à l'arbitrage.

(5) [Fonctions et pouvoirs du Conseil] Sur réception de la plainte, le Conseil peut aider les parties à régler le point en litige; s'il décide de ne pas le faire ou si les parties ne sont pas parvenues à régler l'affaire dans le délai qu'il juge raisonnable dans les circonstances, il l'instruit lui-même.

(6) [Charge de la preuve] Dans les cas où la plainte découle de l'exercice par l'employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

147. [Interdiction générale à l'employeur] Il est interdit à l'employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s'il ne s'était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

  1. soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

  2. soit il a fourni à une personne agissant dans l'exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

  3. soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

147.1 (1) [Abus de droits] À l'issue des processus d'enquête et d'appel prévus aux articles 128 et 129, l'employeur peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard de l'employé qui s'est prévalu des droits prévus à ces articles s'il peut prouver que celui-ci a délibérément exercé ces droits de façon abusive.

(2) [Motifs écrits] L'employeur doit fournir à l'employé, dans les quinze jours ouvrables suivant une demande à cet effet, les motifs des mesures prises à son égard.


1

Recueil de jurisprudence de l'employeur (6 août 2003), onglet 5.

2 Recueil de jurisprudence du plaignant, Volume II, onglet 10.

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