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Résumé :

Renvois fondés sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Cotisations syndicales - l'agent négociateur alléguait que l'employeur contrevenait aux dispositions sur le précompte des cotisations syndicales de six conventions collectives - il prétendait que l'employeur n'avait pas retenu les cotisations syndicales en temps opportun pour les nouveaux membres de l'unité de négociation et n'avait pas versé à l'agent négociateur, dans un délai raisonnable, les cotisations retenues pour ces nouveaux membres - plus précisément, lorsque des cotisations étaient versées par erreur à l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), les ministères refusaient de verser à l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) plus de 12 mois de cotisations impayées parce que l'ancien agent négociateur avait approuvé une politique limitant le remboursement des cotisations à 12 mois - de plus, il n'a pas toujours été possible pour l'employeur de commencer la retenue des cotisations dans le délai de deux périodes de paye prévu par la convention collective - l'employeur a fait valoir que l'agent négociateur réclamait ce qui semblait être exactement le même redressement que dans un renvoi antérieur mettant en cause les mêmes parties et que la Commission avait tranché en 2003 - la Commission a décidé que, même si la décision antérieure sur la date réelle à partir de laquelle les cotisations doivent être retenues allait influer sur le montant des arrérages dans certains cas, les questions soulevées dans les deux demandes étaient bien différentes - la première décision portait sur le moment à partir duquel les fonctionnaires avaient l'obligation de payer des cotisations syndicales, alors que la présente affaire portait sur les obligations de l'employeur une fois que cette obligation des fonctionnaires commence - la Commission a statué que le principe de la responsabilité de l'employeur quant aux cotisations non versées à l'agent négociateur s'appliquait - elle a également statué que les sommes retenues sur la paye des employés n'appartenaient pas à l'employeur - le rôle de l'employeur comme percepteur des cotisations syndicales a été décrit comme celui d'un « mandataire » de l'agent négociateur et d'un « fiduciaire » des cotisations retenues - les fonctionnaires s'étaient acquittés de leur obligation de se faire retenir leurs cotisations syndicales, même si le montant retenu n'était pas le bon - ces sommes n'ont pas été transmises au bon agent négociateur - à titre de mandataire de l'IPFPC, l'employeur a manqué à son obligation de verser les cotisations qu'il avait retenues et qui étaient dues - la pratique de l'employeur de limiter le paiement d'arrérages à une période de 12 mois constituait donc une violation des conventions collectives et l'employeur était responsable des pertes causées par son manquement à la convention collective - l'employeur a été tenu de dédommager l'agent négociateur des pertes subies, et ce à compter du 1er mai 2001, date à laquelle l'agent négociateur a informé l'employeur du problème lié aux arrérages - quand à l'obligation alléguée de l'employeur de payer les arrérages dans un délai de deux périodes de paye, la Commission a conclu que le terme « s'efforcer », au sens utilisé dans les conventions collectives, signifiait qu'il n'y avait pas d'obligation absolue de corriger l'erreur dans un délai de deux périodes de paye - cependant, la Commission a déterminé qu'il n'était pas raisonnable que l'employeur retarde le versement des sommes dues jusqu'à ce qu'il obtienne un remboursement des cotisations versées à un autre agent négociateur par suite d'une erreur qu'il a commise - l'employeur doit faire de son mieux pour déterminer le montant des cotisations dues et faire les rajustements nécessaires du virement électronique mensuel de fonds à l'agent négociateur, qu'il ait obtenu ou non un remboursement des cotisations versées au mauvais agent négociateur. Renvois accueillis. Décisions citées :Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2003 CRTFP 113; Re Sun Haulage Inc. v. Teamsters' Union, Local 230 (1981), 29 L.A.C. (2d) 396; International Union, United Automobile, Aerospace & Agricultural Implement Workers of America (U.A.W.) Local 636 v. Truck Engineering Ltd., [1978] 1 C.L.R.B.R. 293; Caressant Care Nursing Home of Canada Ltd. v. Christian Labour Association of Canada, [1999] O.L.A.A. No. 307 (QL); Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada) (dossier de la CRTFP 169-2-588 (1997) (QL)).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-04-26
  • Dossier:  169-2-669 à 674
  • Référence:  2004 CRTFP 30

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

INSTITUT PROFESSIONNEL
DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

OBJET :Renvois fondés sur l'article 99 de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant :   Ian R. Mackenzie, commissaire

Pour l'agent négociateur :   Dougald Brown, avocat

Pour l'employeur :   Jennifer Champagne, avocate


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 19 et 20 janvier 2004.


[1]   L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) a déposé six renvois fondés sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) et portant sur la retenue des cotisations syndicales par l'employeur. L'agent négociateur allègue tout particulièrement que l'employeur a contrevenu aux dispositions sur le précompte des cotisations syndicales des six conventions collectives suivantes :

  • Groupe Recherche
  • Groupe Droit
  • Groupe Services de santé
  • Groupe Vérification, commerce et achat
  • Groupe Sciences appliquées et génie
  • Groupe Systèmes d'ordinateurs

[2]   Dans ses demandes, l'agent négociateur allègue ce qui suit :

[Traduction]

Les obligations suivantes, dont voici les détails, n'ont pas été respectées ou exécutées : La convention collective exige que les cotisations syndicales soient retenues tous les mois pour tous les employés membres de l'unité de négociation. La convention collective exige aussi que les sommes retenues soient versées à l'Institut dans un délai raisonnable suivant la date de leur retenue. En contravention de la convention collective, l'employeur n'a pas retenu les cotisations syndicales en temps voulu pour les nouveaux membres de l'unité de négociation et n'a pas versé à l'Institut, dans un délai raisonnable, les cotisations retenues pour ces nouveaux membres.

[3]   L'agent négociateur a demandé que la Commission rende l'ordonnance suivante :

[Traduction]

  1. Déclarer que l'employeur a contrevenu aux dispositions sur le précompte des cotisations syndicales de la convention.

  2. Ordonner à l'employeur de ne pas commettre de telles violations.

  3. Ordonner à l'employeur de retenir mensuellement les cotisations syndicales pour tous les membres

  4. de l'unité de négociation à partir du mois suivant l'adhésion des nouveaux membres à l'unité de négociation.

  5. Ordonner à l'employeur de verser les sommes retenues à l'Institut dans un délai d'un mois suivant la date de leur retenue.

  6. Ordonner à l'employeur de verser à l'agent négociateur un montant égal aux pertes que celui-ci a subies par suite des manquements à la convention collective précisés ci-dessus, avec intérêts rétroactivement au début de la convention collective.

  7. Ordonner à l'employeur, quand il percevra les arrérages de cotisations syndicales, de ne pas déduire plus que l'équivalent de deux mois de cotisations syndicales sur une période d'un mois, conformément à sa politique en vigueur.

  8. Ordonner toute autre réparation qui peut être demandée ou nécessaire pour indemniser intégralement l'agent négociateur.

[4]   L'avocate de l'employeur, Jennifer Champagne, a fait valoir, dans une lettre adressée à la Commission et datée du 14 janvier 2004, que l'agent négociateur réclame [traduction] « ce qui semble être exactement le même redressement » que dans les renvois antérieurs mettant en cause les mêmes parties que la Commission a tranchées dans une décision rendue le 11 décembre 2003 (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2003 CRTFP 113). Me Champagne a aussi déclaré que l'employeur est convaincu que la décision rendue le 11 décembre 2003 accordait un [traduction] « redressement complet et définitif pour tous les renvois censés être entendus ». Elle a demandé que la présente décision soit rendue sur la foi des observations écrites. Subsidiairement, elle a réclamé de l'agent négociateur un complément d'information [traduction] « pour préciser les aspects restés sans réponse et expliquer en quoi le redressement qu'il réclame diffère de ce qu'il a déjà obtenu » dans la décision antérieure.

[5]   L'avocat de l'agent négociateur, Dougald Brown, a informé la Commission par lettre datée du 16 janvier 2004 qu'il ne souscrivait pas à l'idée que les demandes devraient être tranchées sur la foi des observations écrites. Il a maintenu que les demandes sont différentes des renvois que la Commission a déjà tranchés. Dans une lettre adressée à Me Champagne et datée du 13 janvier 2004 (avec copie à la Commission), Me Brown a déclaré que l'audition de la présente affaire porte sur le manquement de l'employeur à son obligation de verser en temps voulu les retenues de cotisations qu'il reconnaît devoir à l'IPFPC, tandis que la décision antérieure de la Commission portait sur des retenues que l'employeur niait devoir.

[6]   La Commission a informé les parties dans une lettre datée du 16 janvier 2004 que les demandes feraient l'objet d'une audience, comme prévu.

[7]   Au début de l'audience, Andrew Raven, avocat représentant l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC), a demandé à présenter des observations concernant les intérêts de sa cliente. Il a déclaré que l'AFPC savait que les questions soulevées dans la présente affaire pourraient influer sur la façon de l'employeur et de l'IPFPC de traiter la question des arrérages de cotisations syndicales. Selon lui, il s'agit en l'occurrence d'un différend entre l'IPFPC et l'employeur fondé sur les dispositions des conventions collectives de l'IPFPC. Il a aussi déclaré avoir parlé avec les avocats des arguments invoqués en précisant qu'il ne craignait pas que les intérêts de l'AFPC en souffrent. Il a demandé qu'un avis soit donné à l'AFPC et qu'elle soit autorisée à présenter des observations si ses droits ou ses intérêts étaient soulevés à l'audience. Me Brown, avocat de l'IPFPC, a déclaré que l'agent négociateur ne conteste pas l'entente entre l'AFPC et l'employeur. Me Champagne a précisé que la politique interne de l'AFPC sur le remboursement des cotisations n'est pas en jeu, puisque la décision antérieure de la Commission sur la date réelle à partir de laquelle la retenue des cotisations doit commencer a tranché la question.

[8]   J'ai décidé que l'AFPC recevrait l'avis demandé et qu'elle serait autorisée à présenter des observations si, à un point quelconque de la procédure, ses intérêts en souffraient. J'ai conclu que les droits de l'AFPC ne sont lésés par aucune des questions soulevées dans le contexte de l'audience ou de la décision qui en résulte.

[9]   Les avocats de l'agent négociateur et de l'employeur ont tous deux fait des exposés introductifs; les deux parties ont fait comparaître un témoin chacune.

[10]   Dans son exposé introductif, Me Champagne a allégué que la question sous-jacente à la présente affaire est la politique interne de l'AFPC sur le remboursement des cotisations. Toutefois, comme la nouvelle approche est fondée sur la date réelle de la nomination, ainsi que l'exige la décision antérieure de la Commission, il ne devrait jamais y avoir de si longs retards dans le traitement des remboursements de cotisations, de sorte que la politique de l'AFPC ne devrait plus poser de problème. Me Champagne a aussi fait valoir que, si l'IPFPC souhaite contester la politique interne de l'AFPC, c'est devant le Conseil national mixte (CNM) qu'il devrait plutôt le faire.

[11]   À la fin de l'interrogatoire principal du témoin de l'agent négociateur, l'avocate de l'employeur a réclamé un ajournement à une date ultérieure afin de pouvoir obtenir la documentation nécessaire de chaque ministère. L'avocat de l'agent négociateur s'est opposé à cette requête, en déclarant qu'on a envoyé à l'employeur avant l'audience un rapport détaillé des retenues versables ainsi que des irrégularités, et que l'employeur avait suffisamment d'information pour savoir de quoi il retourne. Me Champagne a fait valoir alors que les demandes étaient formulées de façon très succincte; elle a aussi soutenu que les renseignements fournis par l'agent négociateur n'étaient pas nécessairement fiables, et que l'employeur ne savait pas si les cas individuels invoqués par l'agent négociateur avaient été réglés. Elle a ajouté que le montant réclamé n'était pas clair et déclaré que l'employeur avait besoin de plus de précisions pour déterminer le montant exact.

[12]   Je n'ai ajourné l'audience que jusqu'au lendemain. J'ai déclaré à l'audience que la question à trancher en l'occurrence est la politique - et la pratique - de l'employeur à l'égard des arrérages de cotisations, en soulignant que, dans l'éventualité ou les demandes de l'agent négociateur seraient accueillies, j'en demeurerais saisi pour régler toutes les questions concernant le montant à verser qui pourraient être soulevées.

La preuve

[13]   La disposition relative au précompte des cotisations syndicales est la même dans toutes les six conventions collectives conclues entre l'IPFPC et le Conseil du Trésor (pièce A-1). Pour qu'il soit plus facile de s'y reporter, je précise que les dispositions citées dans la présente décision sont tirées de la convention collective du groupe Vérification, commerce et achat :

26.01  À titre de condition d'emploi, l'Employeur retient sur la rémunération mensuelle de tous les employés de l'unité de négociation un montant égal aux cotisations syndicales. Si la rémunération de l'employé pour un mois donné n'est pas suffisante pour permettre le prélèvement des retenues en conformité du présent article, l'Employeur n'est pas obligé d'opérer des retenues pour ce mois sur les payes ultérieures.

26.02  L'Institut informe l'Employeur par écrit du montant autorisé à retenir chaque mois pour chaque employé visé au paragraphe 26.01.

...

26.05  Aucune association d'employés, sauf l'Institut, définie dans l'article 2 de la

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'est autorisée à faire déduire par l'Employeur des cotisations syndicales ni d'autres retenues sur la paye des employés de l'unité de négociation.

26.06  Les sommes retenues conformément au paragraphe 26.01 doivent être versées par chèque à l'Institut dans un délai raisonnable suivant la date de leur retenue et être accompagnées de détails qui identifient chaque employé et les retenues faites en son nom.

...

26.08  L'Institut convient d'indemniser l'Employeur et de le mettre à couvert de toute réclamation ou responsabilité découlant de l'application du présent article, sauf dans le cas de toute réclamation ou responsabilité découlant d'une erreur commise par l'Employeur, qui se limite alors au montant de l'erreur.

26.09  Lorsqu'il est reconnu d'un commun accord qu'une erreur a été commise, l'Employeur s'efforce de la corriger dans les deux (2) périodes de paye qui suivent la reconnaissance de l'erreur.

[14]   La politique du Conseil du Trésor sur la « Retenue des cotisations syndicales » (pièce A-2) prévoit ce qui suit sur la retenue et le versement des cotisations :

11.  Arrérages

Les ministères doivent percevoir les cotisations exigibles mais non payées en déduisant un montant correspondant au taux mensuel courant de cotisation jusqu'à ce que le plein montant ait été remboursé.

Remarque :

Dans le cas des employés membres d'unités de négociation représentées par l'AFPC, seuls les arrérages correspondant aux cotisations pour un an peuvent être perçus.

12.  Remboursement des cotisations

Pour corriger les cotisations perçues par erreur, les ministères et organismes doivent présenter des formules d'entrée de paye au bureau de la paye d'ASC. Toutefois, s'il s'agit d'employés représentés par l'AFPC, ils doivent envoyer à ce syndicat une demande de remboursement (DSS-MAS 2595 (10.88) : appendice B) dans laquelle ils décrivent la transaction qui a donné lieu à la demande de remboursement.

Si l'AFPC est d'accord, les ministères et les organismes peuvent remettre les formules d'entrée de paye à ASC. Si elle n'est pas d'accord, les ministères et organismes doivent consulter la Division des relations de travail du Secrétariat du Conseil du Trésor.

[15]   La politique précise les responsabilités du Secrétariat du Conseil du Trésor, des ministères et organismes, d'Approvisionnement et Services Canada (désormais Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC)) et des agents négociateurs. Elle prévoit que le Secrétariat du Conseil du Trésor est chargé d'informer les ministères et organismes ainsi que TPSGC des changements généraux apportés aux cotisations, de même que d'administrer la politique et de coordonner les activités en sa qualité « de mandataire de l'employeur ». Les ministères et organismes, eux, sont chargés de commencer et de cesser de retenir les cotisations, de modifier les retenues de cotisations lorsqu'il y a un changement d'unité de négociation, de remplir et de distribuer les formulaires requis, et enfin de percevoir les arrérages et les remboursements de cotisations payées en trop. TPSGC est chargé pour sa part d'appliquer les instructions sur les retenues des ministères et organismes, de remettre les cotisations et les listes d'employés visés aux agents négociateurs, d'appliquer les augmentations générales, sur avis du Secrétariat du Conseil du Trésor, et enfin de modifier les cotisations individuelles calculées par les agents négociateurs. De leur côté, les agents négociateurs doivent informer le Secrétariat du Conseil du Trésor des changements généraux apportés aux cotisations, calculer les cotisations individuelles à retenir et en informer TPSGC et - seulement dans le cas de l'AFPC - approuver les remboursements.

[16]   Edward Gillis, secrétaire exécutif de l'IPFPC, est globalement chargé de l'administration de ses cotisations. Il a témoigné que les cotisations sont retenues mensuellement sur la paye des employés membres de l'unité de négociation et électroniquement portées au compte de banque de l'IPFPC par TPSGC. L'IPFPC reçoit une liste mensuelle des membres de l'unité de négociation. L'information sur les cotisations retenues lui est fournie séparément par TPSGC sur une base mensuelle. Ce document est un relevé détaillé des cotisations retenues pour chaque fonctionnaire. Les cotisations retenues pour les membres des unités de négociation de l'IPFPC sont fixées à 47 $ par mois depuis 2001 (pièce A-3).

[17]   M. Gillis a témoigné que c'est en 1999 que l'IPFPC a commencé à s'inquiéter des écarts entre le nombre des membres des unités de négociation qui figuraient sur la liste des membres de l'unité de négociation et le montant des cotisations correspondantes reçu. Une rencontre a donc été organisée avec des hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor et de TPSGC, le 11 mai 2001. Les participants étaient le secrétaire du Conseil du Trésor, Frank Claydon, le président de l'IPFPC, Steven Hindle, et Michael Nurse, sous-ministre associé à TPSGC. En préparation de la rencontre, M. Gillis a envoyé à M. Claydon une lettre (pièce A-4) contenant une note d'information intitulée : [traduction] « La politique de remboursement de l'AFPC - Un problème pressant » :

[Traduction]

LA POLITIQUE DE REMBOURSEMENT DE L'AFPC - UN PROBLÈME PRESSANT

Il existe un irritant auquel l'Institut professionnel souhaite qu'on s'attaque sans délai.

À l'été de 1999, l'Alliance de la Fonction publique du Canada a adopté la politique interne de refuser de rembourser plus que douze mois de retenues de cotisations syndicales que l'employeur a faites et lui a versées sans qu'elle y ait droit.

Les ministères et organismes ont pour leur part refusé de verser à l'IPFPC les cotisations syndicales qui ne lui avaient pas été versées pour une période dépassant douze mois quand ces cotisations avaient été incorrectement versées à l'AFPC, en se fondant sur la politique interne de ce syndicat.

En effet, les ministères et organismes contreviennent aux dispositions de nos conventions collectives pour se conformer à une politique interne de l'AFPC. L'Institut professionnel maintient que les obligations prévues par les conventions collectives ne peuvent le céder à une telle politique. De plus, l'Institut est convaincu qu'on ne peut pas arriver à maintenir des relations de travail efficaces dans un environnement où l'employeur favorise les intérêts d'un agent négociateur plutôt que d'un autre.

L'Institut professionnel demande au Conseil du Trésor d'informer tous les ministères et organismes de se conformer aux obligations que leur imposent les conventions collectives sans égard à la politique de l'AFPC sur le remboursement des cotisations.

[18]   Le 5 novembre 2001, M. Gillis a écrit à M. Smith pour lui dire qu'on avait réalisé des progrès à certains égards, mais qu'il était moins sûr des améliorations quant aux questions relatives aux politiques, notamment la politique de remboursement de l'AFPC (pièce A-6). Dans sa réponse, datée du 17 décembre 2001, M. Smith déclarait que, en ce qui concernait la politique interne de remboursement de l'AFPC, son ministère s'employait à [traduction] « élaborer une stratégie pour résoudre [ce] problème » (pièce A-7). M. Gillis a témoigné que les représentants du Conseil du Trésor ne l'ont jamais informé de la stratégie en question.

[19]   Brian Jackson, analyste des politiques du Secrétariat du Conseil du Trésor qui s'occupe des questions d'administration des cotisations syndicales, a témoigné sur la procédure appliquée par les ministères et organismes pour traiter les changements de syndicats et d'administration de la retenue des cotisations qui en découlent. Quand un fonctionnaire est nommé à un nouveau poste, le ministère ou l'organisme envoie une copie de la lettre d'offre au conseiller en rémunération, qui amorce alors une opération de rémunération pour commencer à verser son traitement à l'intéressé et pour recommencer les retenues de cotisations syndicales. Lorsque le conseiller fait cette opération électroniquement, il doit passer à un autre « écran » pour faire cesser les retenues de cotisations versées à un agent négociateur et les faire commencer pour le nouvel agent négociateur. Après avoir fait ce changement électroniquement, une formule de changement de syndicat est remplie et envoyée à l'agent négociateur.

[20]   M. Jackson a témoigné qu'il n'est pas toujours possible de commencer la retenue des cotisations dans le délai de deux périodes de paye prévu par la convention collective, parce que TPSGC prépare les opérations de rémunération deux semaines à l'avance et que la possibilité d'introduire un changement dans un délai de deux périodes de paye dépend du moment auquel l'avis est communiqué. Dans certains cas, il n'est peut-être pas possible de faire le changement nécessaire avant la troisième période de paye.

[21]   M. Jackson a déclaré que trois agents négociateurs exigent d'approuver le remboursement par l'employeur des cotisations versées par erreur : l'AFPC, l'Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) et l'Association des gestionnaires financiers de la fonction publique (AGFFP). Dans tous les autres cas, le ministère ou l'organisme rajuste simplement les versements mensuels de l'agent négociateur et délivre un chèque forfaitaire aux fonctionnaires dont les cotisations ont été versées par erreur. Une formule de déclaration de revenu révisée (T-4A) leur est délivrée, le cas échéant, pour préciser le remboursement des cotisations syndicales. Dans la plupart des cas, les arrérages de cotisations dus au syndicat intéressé sont alors retenus mensuellement sur la paye du fonctionnaire, qui paie le double de ses cotisations ces mois-là, en se faisant retenir à la fois les cotisations exigibles de même qu'une partie des arrérages. Toutefois, dans certains cas, les ministères et organismes offrent aux fonctionnaires la possibilité de payer les arrérages en bloc, auquel cas l'intéressé fait parvenir directement un chèque personnel à l'IPFPC.

[22]   En contre-interrogatoire, M. Jackson a déclaré qu'il n'est pas possible de payer directement la totalité des arrérages au nouvel agent négociateur en recouvrant la somme due de l'ancien, pour des raisons fiscales. Il a déclaré que, si les arrérages étaient versés de cette façon, il serait impossible de délivrer des T-4A, de sorte que les fonctionnaires intéressés seraient défavorisés en ce qui a trait à l'impôt.

[23]   M. Gillis a donné plusieurs exemples de lettres échangées entre l'IPFPC et les ministères et organismes en vue du recouvrement des arrérages (pièce A-8). Dans la correspondance reçue de chacun des ministères et organismes, il y a la formule dont ils se servent pour réclamer un remboursement des cotisations de l'AFPC. Cette formule précise que l'AFPC doit autoriser le remboursement. Dans chaque cas, l'AFPC a inclus sur la formule une déclaration précisant qu'elle a pour politique de rembourser l'équivalent d'un an de cotisations. L'AFPC calcule le montant des cotisations dues pour une période de douze mois.

[24]   Les ministères et organismes ne retiennent pas pour une période excédant douze mois l'équivalent des arrérages de cotisations dans le cas des fonctionnaires qui faisaient partie d'une unité de négociation de l'AFPC. Dans une lettre de Transports Canada datée du 4 avril 2001 (pièce A-8, onglet 1), la raison de cette politique est exposée comme suit :

[Traduction]

Je n'ai pas donné suite à votre demande de versement des arrérages de cotisations parce que nous estimons que c'est injuste pour l'employé, qui a payé des cotisations à l'AFPC pour toute cette période et qui ne s'en est fait rembourser que pour douze mois.

[25]   Les ministères et organismes ont pour pratique de ne pas commencer à exiger les arrérages de cotisations des fonctionnaires tant que l'autre agent négociateur n'a pas approuvé le remboursement des cotisations versées en trop. M. Jackson a témoigné que la politique du Conseil du Trésor (pièce A-2) n'oblige pas les ministères et organismes à attendre d'obtenir un remboursement avant de commencer à retenir les cotisations en double, et que le Secrétariat du Conseil du Trésor ne leur a jamais donné de directives en ce sens. Dans ses lettres aux ministères et organismes, l'IPFPC précisait que ce devrait être la procédure normale (pièce A-8) :

[Traduction]

Si les cotisations ont été retenues par erreur pour un autre syndicat, veuillez vous assurer que ces sommes seront recouvrées et remboursées aux fonctionnaires avant de percevoir les arrérages dus à l'Institut professionnel.

[26]   Dans une lettre à TPSGC datée du 6 novembre 2001, sur les arrérages de cotisations pour un membre d'une unité de négociation de l'IPFPC travaillant à ce ministère, Paula Shaver, qui était la chef de section responsable à l'IPFPC, précisait ce qui suit :

[Traduction]

Comme l'AFPC accepte de rembourser seulement douze mois de cotisations, veuillez faire recouvrer les douze mois de cotisations dus à l'Institut professionnel.

Le fonctionnaire ne devrait pas se faire facturer des cotisations en double pour la même période. Toutefois, nous maintenons que le reste du montant dû

[...] est en souffrance.

[27]   Dans une lettre à l'intention des Affaires indiennes et du Nord Canada datée du 10 janvier 2003, Mme Shaver soulignait que les membres des unités de négociation ne devraient pas payer deux fois des cotisations pour la même période, en soulignant en outre que :

[Traduction]

Le Ministère et non l'employé devrait être tenu responsable du reste du solde dû à l'Institut professionnel (833,21 $), puisque les cotisations ont été versées par erreur à l'AFPC par suite d'une erreur administrative et que le Ministère n'est pas en mesure d'obtenir un remboursement pour le fonctionnaire.

[28]   Dans une lettre envoyée à l'IPFPC par Développement des ressources humaines Canada, région de l'Ontario, en date du 16 janvier 2004 (pièce A-9), l'Institut s'est fait informer qu'un membre de ses unités de négociation avait versé par erreur des cotisations syndicales à l'AFPC pendant plus de dix ans. Le Ministère déclarait qu'il avait présenté une demande pour qu'on rembourse à ce fonctionnaire le « maximum » de douze mois de cotisations qu'il avait payées à l'AFPC, en ajoutant que le total des arrérages de cotisations s'élevait à 4 531,04 $. Il demandait s'il y avait une disposition propre à [traduction] « augmenter les arrérages dus à l'IPFPC ».

[29]   M. Jackson a témoigné que, en septembre 2001, le Secrétariat du Conseil du Trésor a lancé un processus en vue de se procurer un système automatique : chaque fois qu'un conseiller en rémunération amorcerait un changement de la paye par suite d'une nomination, un écran apparaîtrait pour l'obliger à modifier en conséquence les retenues de cotisations. Les estimations du coût de ce système ont été fournies en août 2003. Selon le témoin, l'employeur a opté pour la « version Cadillac ».

[30]   M. Jackson a déclaré qu'il y avait deux possibilités pour faire en sorte que les arrérages ne s'accumulent pas dans l'avenir. La première serait que l'IPFPC et TPSGC travaillent ensemble pour créer un système automatique qui permettrait à l'Institut de contourner les ministères et organismes pour traiter directement avec TPSGC, comme l'AFPC. La seconde serait que l'IPFPC passe à un système de cotisations en pourcentage (du traitement de ses membres), afin que, dès qu'un fonctionnaire apparaîtrait sur la liste des membres de l'unité de négociation, l'ordinateur commencerait automatiquement les retenues de cotisations, ce qui éliminerait la plupart des interventions des conseillers en rémunération. Dans son interrogatoire principal, M. Jackson a témoigné qu'on n'a pas discuté de ces possibilités avec l'IPFPC.

[31]   M. Gillis estime que le montant des arrérages résultant du versement de cotisations par erreur à l'AFPC s'élève à environ 400 000 $, ce qui inclut les arrérages pour la période de douze mois dont l'AFPC approuve automatiquement le remboursement de même que les arrérages pour des périodes excédant douze mois. Cette estimation est basée sur les cotisations dues à compter de la date de la lettre d'offre et ne tient pas compte de la décision de la Commission rendue le 11 décembre 2003 (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra) quant à la date réelle à laquelle les retenues de cotisations devraient commencer. M. Gillis a ajouté que l'AFPC mettait environ douze mois à répondre aux demandes d'approbation du remboursement des cotisations.

Arguments

Pour l'agent négociateur

[32]   Me Brown a déclaré que l'IPFPC a pris conscience qu'on lui devait une forte somme en cotisations après que M. Gillis eut assumé ses fonctions de secrétaire exécutif. L'Institut a cerné les pratiques qui sont les principales causes systémiques du problème et les a signalées aux hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor en mai 2001 (pièce A-4). Quand les progrès réalisés à la suite des consultations avec l'employeur se sont révélés insuffisants, deux demandes fondées sur l'article 99 de la LRTFP ont été faites. La Commission a rendu une décision sur la première demande le 11 décembre 2003, supra).

[33]   Me Brown a déclaré que la présente demande - la seconde - concerne la pratique applicable aux cotisations dues à l'Institut, mais versées par erreur à l'AFPC, ce qui n'est pas un problème isolé ni unique, mais bien un problème systémique comme en témoignent la correspondance et les documents de la pièce A-8, et que cette partie de la preuve n'est pas contestée. Il ne fait à vrai dire aucun doute que l'IPFPC a droit à un important dédommagement pour ces arrérages.

[34]   M. Brown a précisé que le problème commence lorsque des fonctionnaires jusqu'alors représentés par un autre syndicat deviennent membres d'une unité de négociation de l'IPFPC, quand le conseiller en rémunération de leur ministère ne fait pas le nécessaire pour changer les retenues de cotisations. Les cotisations retenues continuent donc d'être versées à leur ancien agent négociateur. Typiquement, l'erreur est signalée à l'employeur seulement lorsque l'IPFPC remarque le nom des intéressés sur une liste des membres de l'unité de négociation. Une fois que l'employeur est informé de l'erreur, le changement des retenues est fait, et il n'y a plus de problème. Nul ne conteste que les arrérages à partir de la date réelle de la nomination sont bel et bien dus à l'IPFPC.

[35]   Selon Me Brown, le droit de l'IPFPC de se faire verser ces arrérages découle de deux dispositions de la convention collective : les paragraphes 26.01 et 26.06. La convention collective précise clairement que les parties sont convenues que les erreurs doivent être corrigées promptement (paragraphes 26.08 et 26.09). L'obligation consiste à corriger l'erreur dans deux périodes de paye plutôt qu'à simplement amorcer un processus pouvant aboutir ou non au versement des arrérages dus à l'IPFPC. Le libellé de la convention collective et la pratique des parties signifient que les cotisations dues doivent être versées dans le cours normal des choses sur une base mensuelle, et que les erreurs doivent être corrigées promptement. Dans le cas des autres agents négociateurs que l'AFPC, les erreurs sont corrigées par un rajustement forfaitaire des retenues mensuelles de cotisations. La pratique de l'employeur quant aux arrérages à recouvrer de l'AFPC est contraire à son obligation aux termes de la convention collective. La preuve a révélé que la pratique de l'employeur consiste à ne pas verser les arrérages dus à l'IPFPC tant que l'AFPC n'a pas répondu à sa demande de remboursement. Lorsque les arrérages sont pour une période excédant douze mois, l'IPFPC n'obtient pas toutes les cotisations que l'employeur admet lui devoir. Me Brown a fait valoir qu'il est clair qu'une obligation découlant d'une convention collective l'emporte sur une politique du Conseil du Trésor.

[36]   Me Brown a déclaré que la convention collective stipule que, lorsqu'il est reconnu que des arrérages lui sont dus, ils sont payables à l'IPFPC dans un délai de deux périodes de paye (paragraphe 26.09). L'employeur peut ensuite recouvrer les cotisations versées par erreur à l'autre agent négociateur, et les fonctionnaires intéressés peuvent être dédommagés des cotisations payées en trop à cause de son erreur; les paiements insuffisants pouvant être compensés par la poursuite des retenues sur la paye des intéressés. Et Me Brown a déclaré qu'il n'y a aucune raison plausible pour que l'employeur ne puisse pas adopter un tel système.

[37]   Me Brown a soutenu que la pratique et la politique de l'employeur quant aux arrérages de cotisations sont manifestement incompatibles avec les dispositions limpides de la convention collective. Le fait que l'employeur ne corrige pas l'erreur relative aux cotisations tant que l'AFPC n'a pas répondu à sa demande de remboursement, typiquement des mois après que l'erreur ait été constatée, est manifestement contraire au paragraphe 26.09 de la convention collective. La pratique de l'employeur de rembourser les sommes récupérées directement aux fonctionnaires est aussi contraire à la convention collective, car ces cotisations devraient être versées à l'IPFPC. Ces fonctionnaires sont représentés par l'IPFPC et bénéficient de la protection de sa convention collective. Les cotisations versées par erreur à un autre agent négociateur devraient être payées directement à l'IPFPC plutôt que rendues aux intéressés.

[38]   La pratique de l'employeur de limiter le recouvrement des arrérages de cotisations à douze mois est elle aussi contraire à la convention collective, selon Me Brown. En effet, le paragraphe 26.08 stipule que la responsabilité de l'employeur est limitée au montant de l'erreur plutôt qu'à une partie seulement de ce montant. Le refus de l'employeur de payer plus que douze mois d'arrérages de cotisations signifie que, si l'IPFPC devait insister pour qu'on lui rembourse intégralement ces arrérages, le fonctionnaire se retrouverait dans une situation où il aurait payé des cotisations à deux syndicats pour la même période. Or, c'est incompatible avec les dispositions du paragraphe 26.05. La pratique de payer les arrérages en faisant une double retenue sur la paye est aussi contraire au paragraphe 26.09, qui exige que les erreurs soient corrigées dans deux périodes de paye. Dans certains cas, l'IPFPC se fait verser des cotisations des années après qu'elles auraient dû l'être. C'est une situation déraisonnable qui ne peut pas répondre aux attentes raisonnables de l'une ou l'autre des parties à la convention collective, et qui n'y répond pas dans la pratique.

[39]   Me Brown a déclaré que l'argument de l'employeur voulant que trois parties devraient s'entendre pour corriger la situation ne tient pas debout. La convention collective a été conclue entre l'IPFPC et l'employeur, et c'est à ce dernier qu'il incombe de prendre les mesures qu'il juge appropriées pour recouvrer les cotisations qu'il a versées par erreur à l'AFPC. Si l'employeur veut limiter l'obligation de l'AFPC, il a le pouvoir de le faire, mais une entente intervenue à cette fin ne peut pas être invoquée par lui pour justifier une réduction ou une limitation de son obligation envers l'IPFPC, conformément à la convention collective.

[40]   Me Brown a fait valoir que, dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (dossier de la CRTFP 125-2-63 (1995) (QL)), la Commission a conclu que l'employeur est tenu de verser les cotisations syndicales qu'il n'a pas retenues à la source quand il n'est plus possible de les retenir à même le chèque de paye d'un fonctionnaire. Dans cette décision, la Commission a ordonné à l'employeur de payer les cotisations dues dans les 60 jours et non à tempérament. Me Brown me renvoie aussi à Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada) (dossier de la CRTFP 169-2-588 (1997) (QL)) et Re Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers (1992), 29 L.A.C. (4th) 289.

[41]   Selon Me Brown, quand l'erreur de la retenue des cotisations n'est absolument pas attribuable à l'agent négociateur, il devrait être immédiatement indemnisé intégralement. La partie en faute devrait assumer tout le préjudice ou toutes les pertes. Il n'y a pas d'intérêt payable sur les sommes dues, et si quelqu'un doit attendre qu'on lui rembourse les arrérages, ce ne devrait pas être la partie innocente.

[42]   Me Brown a déclaré que l'agent négociateur réclamait un redressement déclaratoire à l'égard des pratiques systémiques de l'employeur et que ce redressement comprend les trois volets suivants :

  • que la pratique de l'employeur de retarder le versement des arrérages dus à l'IPFPC jusqu'à ce que l'AFPC réponde à sa demande de remboursement est contraire à la convention collective;

  • que la pratique de l'employeur de limiter les arrérages versés à l'IPFPC à l'équivalent de douze mois est contraire à la convention collective;

  • que la pratique de l'employeur de rembourser les cotisations versées par erreur à l'AFPC en versant une somme forfaitaire directement au fonctionnaire intéressé plutôt qu'à l'IPFPC est elle aussi contraire à la convention collective.

[43]   Me Brown a fait valoir que, pour indemniser intégralement l'IPFPC et pour que la présente décision soit compatible avec celle que la Commission a déjà rendue dans ce contexte, je devrais rendre une ordonnance enjoignant à l'employeur de payer les arrérages dus à l'IPFPC en me fondant sur les principes établis dans cette décision-là. Il a soutenu que l'ordonnance de dédommagement ne devrait pas être limitée chronologiquement et que la responsabilité de l'employeur devrait s'entendre du plein montant des cotisations versées par erreur à un autre agent négociateur.

[44]   Il a demandé que la Commission ordonne aux parties de se rencontrer pour déterminer le montant dû par l'employeur et que je demeure saisi de l'affaire pour une période de 90 jours. Selon lui, l'agent négociateur aurait alors le choix de se représenter devant la Commission pour demander la mise en place d'un processus dans lequel elle confierait à ses agents la tâche de déterminer la somme exacte due.

Pour l'employeur

[45]   Me Champagne a commencé par souligner que l'employeur n'a pas eu assez de temps pour valider le contenu de la pièce A-8 (cartable de correspondance) et qu'il ne l'admet pas en preuve. Elle a précisé que nous ne savons pas si les situations exposées dans ces documents ont été résolues ou s'il y avait d'autres renseignements disponibles pour compléter le tableau.

[46]   L'avocate a soutenu que la question dont je suis saisi résulte de la décision antérieure sur les retenues de cotisations que la Commission a rendue le 11 décembre 2003. Selon elle, cette décision réglait entièrement et définitivement le renvoi fondé sur l'article 99. Dans cette décision-là, la Commission a conclu que les cotisations devraient être retenues et versées en temps voulu et qu'elles devraient l'être à compter de la date réelle de la nomination. Or, dans les cas qui figurent à la pièce A-8, les cotisations n'avaient été ni retenues, ni versées à compter de cette date réelle. C'est probablement ce qui explique la plus grande partie des longs délais de retenue et de versement, dans la plupart des cas. L'ordonnance du 11 décembre 2003 de la Commission s'applique à cette situation. Me Champagne a fait valoir que je devrais laisser la mise en ouvre de la décision du 11 décembre 2003 se faire et que, s'il reste quoi que ce soit sans solution, on me le soumettra puisque je demeure saisi de cette affaire-là.

[47]   Subsidiairement, Me Champagne a déclaré que l'argument de l'IPFPC voulant que l'employeur refuse de lui payer les cotisations dues tant que le remboursement de l'AFPC n'a pas été reçu n'est pas fondé. M. Jackson a témoigné que cela ne faisait absolument pas partie des conditions ni de l'intention de la politique de l'employeur, et ce n'est pas une pratique conforme non plus aux directives que le Conseil du Trésor a données aux ministères et organismes. La politique exige bel et bien que le recouvrement des arrérages commence immédiatement (articles 4.1 et 11). Elle n'a peut-être pas été appliquée de cette façon, à la demande de l'IPFPC. Dans la pièce A-8, on peut lire dans la correspondance reçue de l'IPFPC qu'il a demandé que le remboursement soit obtenu avant que les arrérages lui soient versés. L'employeur ne peut pas être blâmé pour avoir agi conformément aux désirs de l'IPFPC.

[48]   Me Champagne a aussi déclaré que rien dans la convention collective ou dans la politique du Conseil du Trésor n'oblige l'employeur à payer les arrérages directement à l'IPFPC. Cet argent est celui des fonctionnaires intéressés. Les sommes versées à un agent négociateur sont basées sur un calcul et sur des montants des cotisations qui lui sont propres. L'argent est donc remboursé aux fonctionnaires, après quoi les arrérages sont recouvrés par des retenues sur leur paye.

[49]   L'avocate a souligné en outre que le paragraphe 26.09 de la convention collective stipule que l'employeur s'efforce de corriger l'erreur dans deux périodes de paye. M. Jackson a témoigné que cela ne peut pas se faire automatiquement et que c'est souvent en raison du moment de l'avis que le délai est dépassé. L'employeur ne peut pas garantir que la correction sera faite dans deux périodes de paye; il se pourrait qu'elle en prenne trois. Il est précisé dans le paragraphe pertinent que l'employeur « s'efforce » de corriger l'erreur, pas qu'il « la corrige ». Cela signifie que l'employeur s'efforce de corriger l'erreur dans les deux périodes de paye suivant sa reconnaissance. Si les parties avaient voulu que l'erreur soit corrigée dans un délai de deux périodes de paye, la convention collective l'aurait stipulé.

[50]   Selon Me Champagne, la jurisprudence invoquée par l'agent négociateur ( Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra, Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada), supra et Re Canada Post Corp. v. Canadian Union of Postal Workers, supra) a établi que, lorsque les cotisations peuvent être recouvrées, elles devraient l'être. Le Conseil du Trésor n'est pas une banque; il ne devrait pas être tenu de verser une somme forfaitaire à l'IPFPC. Son rôle consiste plutôt à être un facilitateur ou un intermédiaire pour retenir les cotisations et les verser aux agents négociateurs. Il n'a aucune obligation de payer les cotisations de sa poche. Dans Re Canada Post Corp., supra, l'arbitre a déclaré que toutes les sommes recouvrables devraient être recouvrées. Le Conseil du Trésor n'est pas autorisé à puiser dans sa poche pour payer les cotisations recouvrables. L'argent qui peut être recouvré grâce à des retenues sur la paye des fonctionnaires devrait ensuite être versé à l'IPFPC. Trois agents négociateurs (APASE, AGFFP et AFPC) ont un processus d'approbation des remboursements. L'AFPC n'est pas le seul agent négociateur dans cette situation. Pour ces agents négociateurs, il faut obtenir une approbation avant que le remboursement puisse se faire. Cet argent appartient aux fonctionnaires, et jamais le Conseil du Trésor ou quiconque qui représente l'employeur ne l'a en sa possession.

[51]   Me Champagne m'a renvoyé au témoignage de M. Jackson, qui a déclaré que diverses solutions sont envisageables pour faciliter le versement des cotisations, comme le système automatique qu'emploie l'AFPC. M. Jackson a aussi témoigné que l'employeur était disposé à mettre en ouvre un système automatisé pour ses commis en rémunération. Depuis 2001, on a réalisé de grands progrès pour surmonter les problèmes signalés par l'IPFPC, mais ce syndicat n'a pas envisagé d'autres possibilités ni d'autres mécanismes dont il pourrait se servir pour les régler. Or, l'agent négociateur a lui aussi des obligations; il se doit de faire ce qu'il peut pour faciliter la perception et le versement des cotisations. Il pourrait avoir un plus grand contrôle du processus de retenue des cotisations.

[52]   L'avocate a fait valoir que rien dans la preuve soumise à la Commission ne pourrait justifier la prétention de l'IPFPC qu'on lui doit des arrérages de cotisations de l'ordre de 400 000 $.

[53]   Elle a aussi déclaré que, en ce qui concerne la politique de l'AFPC de ne pas rembourser les arrérages pour une période rétroactive excédant douze mois, l'IPFPC me demande de déclarer que c'est l'employeur et non le fonctionnaire qui est directement responsable du versement des cotisations à l'IPFPC. Pourtant, la convention collective n'impose aucune obligation à l'employeur de verser les arrérages directement à l'IPFPC, et M. Jackson a aussi témoigné des conséquences d'une telle pratique pour les déductions de l'impôt sur le revenu exigible du fonctionnaire.

[54]   Me Champagne a fait valoir que, dans la pratique, l'employeur doit composer avec trois agents négociateurs qui ont une politique interne exigeant l'approbation du remboursement des cotisations. Si tous les agents négociateurs avaient les mêmes procédures, la perception et le versement des cotisations seraient certainement plus faciles; elle m'a demandé de reconnaître cette réalité. L'employeur n'est pas en mesure de demander à un agent négociateur de modifier ses politiques internes.

[55]   De plus, d'après Me Champagne, une fois que les cotisations sont retenues à partir de la date réelle de la nomination à un poste dans une unité de négociation de l'IPFPC, la politique de l'AFPC comme telle ne devrait pas poser de problème. Si les cotisations sont versées dans les délais prévus, il ne devrait pas y avoir de situation où le syndicat réclame des arrérages de plus de douze mois. L'ordonnance figurant dans la décision de la Commission du 11 décembre 2003 apportait une solution à ce problème.

[56]   Me Champagne a soutenu que si je devais conclure qu'un montant est dû, je devrais fixer une certaine période - de 30 jours - pour que l'IPFPC fournisse à l'employeur des renseignements détaillés sur ce qu'il réclame exactement. Après ces 30 jours, je devrais accorder aux parties une période de 90 jours pour qu'elles exécutent ma décision.

[57]   Me Champagne a souligné que la porte reste ouverte pour que l'IPFPC discute d'autres possibilités de retenue des cotisations avec l'employeur. Les deux parties ont l'obligation de chercher ce qu'elles pourraient faire pour rendre le processus de retenue et de versement des cotisations plus efficient et moins laborieux.

Réplique

[58]   L'employeur n'a proposé aucune autre solution à l'IPFPC, de sorte qu'il ne peut pas lui reprocher de ne pas en avoir envisagé d'autres. M. Jackson a proposé une autre façon de calculer les cotisations, mais ce n'est pas à l'employeur de suggérer à l'agent négociateur de modifier sa façon de procéder à cet égard.

[59]   Me Brown a soutenu qu'il est important d'interpréter la prétention de l'employeur que l'IPFPC lui a demandé de ne pas retenir les cotisations tant que le remboursement n'aura pas été reçu du point de vue de l'agent négociateur. Si l'employeur commençait d'emblée à retenir les cotisations en double, les fonctionnaires en cause devraient les payer deux fois. Or, on leur a déjà retenu des cotisations, et voilà qu'ils se les feraient retenir en double. L'approche que l'IPFPC a proposée aux ministères et organismes est vraiment un moyen de mitiger les conséquences de la pratique de l'employeur, qui n'a pas démontré que les conseillers en rémunération se sont fondés sur cette prétention dans les lettres. De plus, même si c'était le cas, l'IPFPC a clairement déclaré au secrétaire du Conseil du Trésor, en mai 2001, que ce qui se faisait était contraire à la convention collective.

[60]   Selon Me Brown, le mot « s'efforce » au paragraphe 26.09 de la convention collective s'entend d'une situation où, en raison du moment auquel l'opération de rémunération se fait, l'erreur ne pourrait être corrigée que dans trois périodes de paye plutôt que deux. Nul ne prétendrait qu'il y a eu une violation de la convention collective si l'erreur était corrigée dans un délai de trois périodes de paye.

[61]   Me Brown a soutenu que l'argument selon lequel le Conseil du Trésor n'aurait pas le pouvoir de payer les cotisations quand elles ont été versées à un autre agent négociateur n'est pas étayé par l'interprétation littérale de la convention collective (paragraphe 26.08), qui stipule que l'employeur est responsable du montant de l'erreur. Si la seule obligation de l'employeur consistait à faire office d'intermédiaire, ce paragraphe aurait été formulé différemment.

[62]   Me Brown souscrit à la demande de l'avocate de l'employeur réclamant un délai pour que l'IPFPC lui fournisse des renseignements détaillés sur le montant dû. Selon lui, à compter de la date à laquelle l'IPFPC fournira ces renseignements, les parties devraient avoir 60 jours pour tenter de s'entendre sur cette somme.

[63]   Me Brown a déclaré que l'agent négociateur accepterait certainement l'offre de l'employeur de collaborer avec lui afin de trouver des solutions pour régler le problème des arrérages de cotisations. L'IPFPC tente de le faire depuis 2001, sans toutefois obtenir des résultats satisfaisants.

Motifs de la décision

[64]   Dans une décision antérieure (Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra), j'ai conclu que l'employeur avait contrevenu à la convention collective quant à la détermination de la date réelle applicable à la retenue des cotisations. La demande soumise en l'espèce porte sur la politique et sur les pratiques de l'employeur en ce qui concerne le versement des arrérages de cotisations. Bien que la décision antérieure sur la date réelle à partir de laquelle les cotisations doivent être retenues va inévitablement influer sur le montant des arrérages dans certains cas, les questions soulevées dans les deux demandes sont bien différentes. La première décision porte sur le moment à partir duquel les fonctionnaires ont l'obligation de payer des cotisations syndicales, tandis que l'affaire que je dois trancher ici porte sur les obligations de l'employeur une fois que cette obligation des fonctionnaires commence. La suggestion de l'avocate de l'employeur que ma décision antérieure va résoudre le problème est pure conjecture. Même si cette décision tranche effectivement la question sous-jacente du versement des arrérages, elle ne le fait que pour l'avenir, pas pour la situation qui nous occupe en l'espèce.

[65]   Tous les fonctionnaires membres d'une unité de négociation ont l'obligation de payer des cotisations à leur agent négociateur accrédité, et l'avocate de l'employeur a raison de déclarer que les sommes retenues sur leur paye n'appartiennent pas à l'employeur. Le rôle de l'employeur comme percepteur des cotisations syndicales a été décrit comme celui d'un « agent » du syndicat et d'un « fiduciaire » des cotisations retenues (MacNeil, Lynk et Engelmann, Trade Union Law in Canada). Dans Re Sun Haulage Inc. v. Teamsters' Union, Local 230 (1981), 29 L.A.C. (2d) 396, l'arbitre a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Le paiement des cotisations au syndicat est une obligation des employés et non de la compagnie. Aux termes de la convention collective, la compagnie fait office d'agent ou de fiduciaire pour le syndicat en percevant les cotisations des employés, puis en les lui versant.

[66]   Dans International Union, United Automobile, Aerospace & Agricultural Implement Workers of America (U.A.W.) Local 636 v. Truck Engineering Ltd., [1978] 1 C.L.R.B.R. 293, la Commission des relations de travail de l'Ontario a conclu que :

[Traduction]

Lorsqu'on applique un système de précompte des cotisations syndicales, l'employeur fait essentiellement office de percepteur des sommes dues par les employés au syndicat. Les employés ont gagné toute la rémunération sur laquelle les cotisations sont retenues, mais ils l'ont gagnée conformément à une convention collective

[...]l'employeur retient sur leur dû des montants équivalant à ce qu'ils doivent eux-mêmes au syndicat. Ce faisant, l'employeur n'a pas personnellement droit à cet argent puisqu'il est simplement un agent de perception et de remise des cotisations au syndicat. Il n'a pas le pouvoir de faire quoi que ce soit avec l'argent ainsi obtenu, si ce n'est de le remettre au syndicat.

[67]   Bien que l'obligation de payer des cotisations incombe aux employés vis-à-vis du syndicat, il est clair que la convention collective impose à l'employeur des obligations contractuelles de retenir ces cotisations et de les verser. Dans Caressant Care Nursing Home of Canada Ltd. v. Christian Labour Association of Canada, [1999] O.L.A.A. No. 307 (Q.L.), l'arbitre a déclaré que :

[Traduction]

L'employeur a conclu un marché avec le syndicat en s'engageant à accomplir certaines tâches pour lui, à savoir retenir les cotisations des employés et les lui verser. L'employeur a contrevenu à cet engagement; par conséquent, le syndicat a subi des pertes financières. La conséquence d'une telle rupture de contrat est que l'employeur devient responsable du montant perdu en raison de son manquement à ses obligations. La responsabilité de l'employeur ne consiste pas à payer les cotisations syndicales au nom de ses employés, mais plutôt à dédommager le syndicat des pertes qu'il lui a causées en manquant à ses obligations contractuelles. C'est un principe de base fondamental du droit contractuel, et il est également applicable dans les cas de violation d'une convention collective.

[68]   La Commission a conclu (dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada), supra, et dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra) que l'employeur est responsable du montant des cotisations syndicales non retenues lorsque les fonctionnaires intéressés ont quitté l'unité de négociation. La situation en l'espèce est différente, en ce sens que les cotisations avaient déjà été retenues sur la paye des fonctionnaires (quoique pas pour le bon montant) et versées à un autre agent négociateur que celui qui y avait droit. Le principe de la responsabilité de l'employeur quant aux cotisations non versées à l'agent négociateur est toutefois applicable. Lorsqu'un fonctionnaire a quitté une unité de négociation à laquelle il doit des cotisations (comme c'était le cas dans Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada), supra, ainsi que dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra), l'employeur pourrait fort bien avoir un recours contre son ancien employé pour obtenir de lui les cotisations impayées. De même, lorsque les cotisations ont été versées à un agent négociateur qui n'y avait pas droit, l'employeur pourrait bien avoir un recours contre l'agent négociateur qui a reçu de l'argent par erreur. Toutefois, ce n'est pas la question que je dois trancher. Le différend dont je suis saisi porte seulement sur les droits et les obligations découlant de la relation contractuelle entre l'employeur et l'IPFPC.

[69]   Dans cette affaire-ci, les fonctionnaires se sont acquittés de leur obligation de se faire retenir leurs cotisations syndicales. Bien que le montant retenu n'ait pas été le bon, il n'en demeure pas moins, à cause de l'inaction de l'employeur, que ces montants ont été versés au mauvais agent négociateur. À titre d'agent de l'IPFPC, l'employeur a manqué à son obligation de verser les cotisations qu'il a retenues et qui sont dues. La pratique de l'employeur de limiter le paiement d'arrérages à une période de douze mois constitue par conséquent une violation de la convention collective, de sorte qu'il est responsable des pertes causées par son manquement à la convention collective. Le fait que les montants versées par erreur peuvent être recouvrables est une question sur laquelle je n'ai pas à me prononcer dans le contexte de ces demandes.

[70]   L'agent négociateur réclame le paiement d'un montant égal aux pertes découlant des manquements à la convention collective, rétroactivement au début de cette convention. Dans sa plaidoirie, Me Brown a fait valoir que l'ordonnance de versement d'un dédommagement ne devrait pas être limitée dans le temps. L'agent négociateur a informé l'employeur que les arrérages de cotisations posaient un problème dès mai 2001. Auparavant, il semble, d'après la preuve qui m'a été soumise, que l'IPFPC acceptait la pratique de l'employeur de ne pas lui verser d'arrérages pour les périodes excédant douze mois. Par conséquent, l'ordonnance de dédommagement des pertes subies par l'IPFPC est rétroactive au 1er mai 2001, quand l'employeur a été informé de la position de l'agent négociateur. Dans ses demandes, l'IPFPC réclamait aussi des intérêts sur les montants qui lui sont dus. Pourtant, à l'audience, Me Brown a reconnu que la Commission n'a pas le pouvoir d'ordonner le paiement d'intérêts.

[71]   Par ailleurs, la question de l'obligation de l'employeur dans les cas d'arrérages qui pourraient être soulevés à l'avenir a elle aussi été mentionnée à l'audience. La position de l'agent négociateur est que l'obligation de l'employeur consiste à payer les arrérages dus dans un délai de deux périodes de paye, conformément à la convention collective (paragraphe 26.09). Pour sa part, l'employeur soutient que les arrérages ne sont dus qu'après réception du remboursement de l'autre agent négociateur en cause. Dans les décisions antérieures de la Commission (Association canadienne du contrôle du trafic aérien c. Conseil du Trésor (Transports Canada), supra, et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, supra), les fonctionnaires ne s'étaient jamais fait retenir des cotisations sur leur paye, et l'employeur avait le droit de disposer d'un certain temps pour obtenir ces sommes en les retenant à la source. La pratique applicable aux arrérages dus par des fonctionnaires qui travaillent encore dans la fonction publique consiste à les obtenir de la façon la moins préjudiciable aux fonctionnaires intéressés; cette approche reconnaît quand même leur obligation de payer des cotisations syndicales. Dans l'affaire dont je suis saisi, les fonctionnaires se sont déjà acquittés de leur obligation de payer des cotisations, et c'est seulement à cause d'une erreur de l'employeur que les cotisations retenues ont été versées au mauvais agent négociateur.

[72]   La convention collective stipule que l'employeur « s'efforce de [...] corriger [l'erreur] dans les deux (2) périodes de paye qui suivent la reconnaissance de l'erreur ». Or, « s'efforcer » signifie faire de son mieux pour résoudre un problème. Dans le contexte de cette disposition de la convention collective, cela signifie qu'il n'y a pas d'obligation absolue de corriger l'erreur dans un délai de deux périodes de paye. Néanmoins, compte tenu du fait que l'obligation de l'employeur de dédommager l'agent négociateur de toutes les pertes subies par suite d'une violation de la convention collective s'applique dès que l'erreur est reconnue par les deux parties, il n'est pas raisonnable que l'employeur retarde le versement des sommes dues jusqu'à ce qu'il obtienne un remboursement des cotisations versées à un autre agent négociateur par suite d'une erreur qu'il a commise. L'employeur doit faire de son mieux pour déterminer le montant des cotisations dues et faire les rajustements nécessaires du virement électronique mensuel de fonds à l'IPFPC, qu'il ait obtenu ou non un remboursement des cotisations versées au mauvais agent négociateur. La question des paiements de cotisations insuffisants des fonctionnaires intéressés pour la période d'arrérages peut être réglée par des retenues « en double ». De même, celle des cotisations payées en trop par les fonctionnaires peut être solutionnée par le versement d'un montant forfaitaire directement aux intéressés.

[73]   L'avocate de l'employeur a fait état des implications pour l'impôt sur le revenu du versement des arrérages à l'IPFPC plutôt que directement aux fonctionnaires. Les implications fiscales du fait que les fonctionnaires ne se font pas verser un remboursement intégral sont du ressort de l'Agence du revenu du Canada (ARC) et ne relèvent pas de la compétence de la Commission.

[74]   À l'audience, il était clair qu'on n'avait pas encore déterminé exactement le montant des arrérages dus actuellement. Les parties auront besoin d'un certain temps pour échanger de l'information et déterminer ce montant. Je leur accorde 120 jours à compter de la date de la présente décision pour s'entendre sur cette question et pour que l'employeur verse la somme à l'agent négociateur.

[75]   Pour conclure, j'estime que l'employeur a manqué à l'obligation que la convention collective lui impose de verser les cotisations à l'IPFPC, de sorte qu'il est responsable des pertes que l'IPFPC a subies par suite de ce manquement et ce, rétroactivement au 1er mai 2001. Je vais demeurer saisi de l'affaire pour une période de 130 jours à partir de la date de ma décision, dans l'éventualité où les parties auraient des difficultés à l'exécuter.

Ian R. Mackenzie,
commissaire

OTTAWA, le 26 avril 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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