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Informations sur la décision

Résumé :

Renvoi fondé sur l'article 99 - Employeur distinct - Non-respect des dispositions de la Politique sur la transition en matière d'emploi - Décret pris conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique (LRTAAP) - Transfert de certains secteurs d'un employeur distinct à une Agence mentionnée dans la partie I de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - Transfert portant obligation de consulter préalablement l'agent négociateur - Validité du règlement pris en vertu de l'alinéa 36(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) - l'agent négociateur alléguait que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), un employeur distinct pour l'application de la LRTFP, avait l'obligation de le consulter avant que certains de ses employés ne soient mutés à un organisme fraîchement créé, l'Agence des services frontaliers du Canada, mentionnée à la Partie I de l'annexe I de la LRTFP - le transfert des activités des programmes s'est fait au moyen d'un décret de la gouverneure générale pris en vertu de la LRTAAP - l'agent négociateur a fait valoir que les dispositions de la Politique sur la transition en matière d'emploi (PTME), qui a été incorporée dans la convention collective, s'appliquaient dans cette situation et imposaient à l'employeur l'obligation de le consulter avant d'effectuer le transfert - la PTME stipule qu'une transition en matière d'emploi se produit « lorsque le président ou la présidente décide que les services d'un ou plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une certaine date en raison d'un manque de travail ou de la cessation d'une fonction à l'Agence » - la Commission a conclu que la situation n'entraînait pas d'application de la PTME, étant donné qu'il n'y avait pas eu de « décision » du président de l'Agence que les services des employés n'étaient plus requis - le transfert a été effectué en vertu d'un décret de la gouverneure générale, sur recommandation du Premier ministre du Canada - la Commission a aussi conclu que les règlements pris en vertu de l'alinéa 36(1)b) de la LEFP n'étaient pas invalides, et c'est ce règlement qui rend possible l'application des dispositions de cette loi sur les « transferts en bloc ». Renvoi rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2004-10-29
  • Dossier:  169-32-678
  • Référence:  2004 CRTFP 155

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



ENTRE

L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

employeur

 

AFFAIRE :Renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les
relations de travail dans la fonction publique

Devant :  Yvon Tarte, président

Pour l'agent négociateur :  Jacquie De Aguayo

Pour l'employeur :  Neil McGraw


Affaire entendue à Ottawa (Ontario) le 22 juillet 2004;
exposés écrits présentés le 13 août ainsi que les 3 et 10 septembre 2004.


[1]   L'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a présenté un renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) le 23 décembre 2003.

[2]   Dans son renvoi, l'AFPC soutient que l'Agence canadienne d'inspection des aliments (l'ACIA ou l'employeur) a omis de s'acquitter de certaines obligations énoncées dans la Politique sur la transition en matière d'emploi, qui se trouve à l'Appendice B de la convention collective conclue entre les parties le 6 juillet 2001.

[3]   À l'audience tenue le 22 juillet 2004, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits, reproduit ci-après, de même que plusieurs des pièces justificatives qui y sont mentionnées :

[Traduction]

  1. Les parties sont liées par les modalités d'une convention collective, dont copie est jointe aux présentes sous la cote « A ». La Politique sur la transition en matière d'emploi (« la PTME ») en constitue l'Appendice B.

  2. L'employeur, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (« l'ACIA »), est un employeur distinct mentionné à l'annexe I de la partie II de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Une copie de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments est annexée aux présentes, sous la cote « B ».

  3. Le syndicat, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (« l'AFPC »), est une association d'employés accréditée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique pour représenter certains employés de l'ACIA. Une copie du certificat d'accréditation de la Commission daté du 27 octobre 1997 et modifié le 20 avril ainsi que le 22 décembre 1999 est annexée aux présentes, sous la cote « C ».

  4. Le 12 décembre 2003, au moyen du décret 2003-2065, TR/2003-217 et conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, certains secteurs de la Direction générale des opérations de l'Agence canadienne d'inspection des aliments ont été transférés à l'Agence des services frontaliers du Canada (« l'ASFC »). L'ASFC est un secteur de l'administration publique dont le Conseil du Trésor est l'employeur. Une copie du décret et une copie de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique (« la LRTAAP ») sont annexées aux présentes, sous les cotes « D » et « E » respectivement.

  5. Le 12 décembre 2003 également, un règlement pris en application de l'alinéa 36(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique établissait que le transfert à l'ASFC des employés de la Direction générale des opérations de l'ACIA qui assurent des services d'inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés dans les aéroports et aux autres postes frontaliers canadiens, à l'exclusion des centres de service à l'importation, était assujetti aux dispositions relatives aux transferts en bloc des paragraphes 37.3(1) et (2) de la LEFP. Une copie de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et une copie du Règlement sur le transfert de secteurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, DORS/2003-430, sont annexées aux présentes, sous les cotes « F » et « G » respectivement.

  6. Le 12 décembre 2003, environ 90 inspecteurs temporaires et nommés pour une période indéterminée de l'ACIA compris dans les catégories professionnelles PM et EG ont cessé d'être des employés de l'ACIA et sont devenus des employés du Conseil du Trésor.

  7. Les personnes employées par le Conseil du Trésor dans les catégories professionnelles PM et EG sont assujetties à des conditions d'emploi différentes, sur le plan de la rémunération notamment, en vertu de deux conventions collectives distinctes conclues entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Plus précisément, les employés de la catégorie professionnelle PM sont régis par la convention collective des Services des programmes et ceux de la catégorie EG, par la convention collective des Services techniques.

  8. Le 12 décembre 2003, le président de l'ACIA a écrit directement aux employés immédiatement touchés par le transfert. Une copie type de la lettre de M. Richard B. Fadden, président de l'ACIA, adressée à Mme Lisa Mah, inspectrice, aéroport international de Vancouver, est annexée aux présentes, sous la cote« H ».

  9. M. Fadden indique dans sa lettre que l'ACIA entend continuer, pendant la période de transition, à fournir des services financiers, de ressources humaines et d'administration générale aux employés touchés.

  10. Le même jour, un courriel a été envoyé aux inspecteurs visés par le transfert pour leur fournir des précisions sur la création de l'ASFC. Il y était indiqué que les activités directement reliées aux services d'inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés comme les animaux, les plantes et les aliments (à l'exclusion des tâches accomplies dans les centres de service à l'importation) étaient transférées à l'ASFC. La majorité des employés visés par cette mesure assurent les services aux postes frontaliers ainsi que dans les aéroports et les ports maritimes. Un autre courriel a été envoyé le même jour à tous les employés de l'ACIA pour les informer du transfert. Il se doublait en outre d'une série de questions et réponses. Une copie type des courriels de M. Richard B. Fadden aux employés et une copie des questions et réponses sont annexées aux présentes, sous la cote « I ».

  11. La création de l'ASFC et la décision d'y transférer certaines attributions de l'ACIA, et par ricochet, des fonctions exécutées par ses employés, a été prise par la gouverneure générale en conseil, sur la recommandation du premier ministre. Le président de l'ACIA ou ses fondés de pouvoir ont été appelés à dresser la liste des postes et des particuliers visés par la mesure afin de déterminer quels fonctionnaires cessaient d'être des employés de l'ACIA le 12 décembre 2003 et devenaient des employés de l'ASFC.

  12. Avant le 12 décembre 2003, le président ou ses fondés de pouvoir ont dressé la liste des postes qui devaient être transférés à l'ASFC. Les employés concernés ont été informés par courriel et au moyen d'une lettre, le 12 décembre 2003, que leur poste était transféré de l'ACIA à l'ASFC.

  13. Que ce soit avant ou après le 12 décembre 2003, l'ACIA n'a tenu aucune consultation avec l'AFPC, en dépit des modalités des articles 1.13 et 1.1.10 de la Partie I ou de l'article 2.1 de la Partie II de la Politique sur la transition en matière d'emploi. Les raisons de l'absence de consultation, à savoir que le transfert ne déclenchait pas l'application de la PTME, ont été communiquées au président du Syndicat de l'agriculture (« le SA »), M. Yves Ducharme, ainsi qu'à d'autres représentants du SA, comme M. Bob Kingston, premier vice-président exécutif national du SA.

  14. Une copie du courriel daté du 12 décembre 2003 par lequel M. Richard Fadden informe les employés de l'Agence du transfert a été acheminée au président du SA, M. Yves Ducharme. En outre, Mme Fiona Spencer, de l'ACIA, a téléphoné à M. Ducharme le même jour pour lui faire savoir que le transfert était en cours.

  15. Certains des employés de l'ACIA qui ont été transférés à l'ASFC ont présenté des griefs à titre personnel en vertu de la PTME.

[4]   Dans son renvoi, l'AFPC demande à la Commission des relations de travail dans la fonction publique de lui accorder les réparations suivantes :

[Traduction]

  1. Déclarer que l'ACIA a contrevenu aux dispositions de la PTME, tel qu'il est allégué;

  2. Ordonner à l'ACIA de cesser et de s'abstenir de contrevenir aux dispositions de la convention collective et de la PTME;

  3. Ordonner qu'une copie de la décision de la Commission soit fournie à tous les employés visés par la PTME et la restructuration gouvernementale et affichée bien en évidence aux lieux de travail de l'ACIA, ainsi que dans la page d'accueil de son site Intranet;

  4. Ordonner à l'ACIA de rencontrer immédiatement les représentants de l'AFPC;

  5. Ordonner à l'ACIA de fournir immédiatement à l'AFPC tous les renseignements relatifs à l'incidence de la PTME et de la restructuration gouvernementale sur les employés de l'ACIA, y compris, mais non exclusivement :

    1. Les noms de tous les employés concernés, leur lieu de travail ainsi que leur groupe et niveau professionnel;

    2. Les secteurs de travail concernés;

    3. Les modalités d'embauche convenues, le cas échéant, avec le Conseil du Trésor, y compris, mais non exclusivement, les taux de rémunération, les avantages sociaux, les congés de maladie accumulés et les crédits de vacances, ainsi que tout changement apporté à cet égard;

  6. Ordonner à l'ACIA de rencontrer périodiquement les représentants de l'AFPC pour discuter du transfert projeté de postes additionnels à l'ASFC ou ailleurs;

  7. Toute autre réparation que l'AFPC peut demander ou que la Commission peut accorder.

[5]   Un seul témoin a été entendu. M. Bob Kingston est le premier vice-président exécutif national du Syndicat de l'agriculture, un élément de l'AFPC. Il a témoigné pour le compte de l'AFPC.

[6]   M. Kingston a déclaré que les inspecteurs accomplissant les fonctions d'inspection mentionnées dans le décret 2003-2065 (annexe D de l'exposé conjoint des faits) n'avaient pas tous été transférés à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Pour illustrer son propos, M. Kingston indique que seulement 13 des 40 inspecteurs employés à l'aéroport de Vancouver ont été transférés à l'ASFC en application du décret. C'est la haute direction qui a dressé la liste des employés transférés et cela, sans donner de préavis et sans consulter le syndicat. La rumeur veut que d'autres inspecteurs soient transférés à l'ASFC à l'automne 2004.

[7]   N'ayant pas été consultée par l'employeur, l'AFPC a été incapable de répondre à la plupart des questions de ses membres.

[8]   M. Kingston a également indiqué qu'il ne savait pas si les postes de soutien opérationnel mentionnés à l'annexe I de l'exposé conjoint des faits allaient effectivement être transférés.

[9]   Les parties ont été priées de fournir des exposés écrits, lesquels sont reproduits intégralement ci-après.

Exposé de l'agent négociateur

[Traduction]

Résumé

L'AFPC est d'avis que la cessation des services d'inspection frontaliers de l'ACIA constitue une mesure de transition en matière d'emploi au sens de la Politique sur la transition en matière d'emploi. Cette condition étant remplie, l'AFPC soutient que les instruments législatifs visant à donner effet au transfert de ces services à l'ASFC, qu'il s'agisse de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique ou d'un règlement pris en application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, ne contiennent aucune disposition qui contredit explicitement ou implicitement la PTME ou a préséance sur celle-ci de manière à en rendre les modalités sans effet. Par conséquent, l'AFPC fait respectueusement valoir que rien ne permet de conclure, en fait ou en droit – comme le soutient l'ACIA –, que le droit du syndicat d'être consulté en vertu de la Politique sur la transition en matière d'emploi n'a jamais existé.

Par conséquent, et pour les moyens exposés ci-après, l'AFPC demande respectueusement à la Commission d'accueillir le renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de lui accorder les réparations demandées.

Exposé des faits

Les parties se sont présentées devant la Commission le 22 juillet 2004 pour lui soumettre un exposé conjoint des faits, lequel, par souci de commodité, est reproduit ci-après :

  1. Les parties sont liées par les modalités d'une convention collective, dont copie est jointe aux présentes sous la cote « A ». La Politique sur la transition en matière d'emploi (« la PTME ») en constitue l'Appendice B.

  2. L'employeur, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (« l'ACIA »), est un employeur distinct mentionné à l'annexe I de la partie II de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Une copie de la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments est annexée aux présentes, sous la cote « B ».

  3. Le syndicat, l'Alliance de la Fonction publique du Canada (« l'AFPC »), est une association d'employés accréditée par la Commission des relations de travail dans la fonction publique pour représenter les employés de l'ACIA. Une copie du certificat d'accréditation de la Commission daté du 27 octobre 1997 et modifié le 20 avril ainsi que le 22 décembre 1999 est annexée aux présentes, sous la cote « C ».

  4. Le 12 décembre 2003, au moyen du décret 2003-2065, TR/2003-217 et conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, certains secteurs de la Direction générale des opérations de l'Agence canadienne d'inspection des aliments ont été transférés à l'Agence des services frontaliers du Canada (« l'ASFC »). L'ASFC est un secteur de l'administration publique dont le Conseil du Trésor est l'employeur. Une copie du décret et une copie de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique (« la LRTAAP ») sont annexées aux présentes, sous les cotes « D » et « E » respectivement.

  5. Le 12 décembre 2003 également, un règlement pris en application de l'alinéa 36(1)b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique établissait que le transfert à l'ASFC des employés de la Direction générale des opérations de l'ACIA qui assurent des services d'inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés dans les aéroports et aux autres postes frontaliers canadiens, à l'exclusion des centres de service à l'importation, était assujetti aux dispositions relatives aux transferts en bloc des paragraphes 37.3(1) et (2) de la LEFP. Une copie de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et une copie du Règlement sur le transfert de secteurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, DORS/2003-430, sont annexées aux présentes, sous les cotes « F » et « G » respectivement.

  6. Le 12 décembre 2003, environ 90 inspecteurs temporaires et nommés pour une période indéterminée de l'ACIA compris dans les catégories professionnelles PM et EG ont cessé d'être des employés de l'ACIA et sont devenus des employés du Conseil du Trésor.

  7. Les personnes employées par le Conseil du Trésor dans les catégories professionnelles PM et EG sont assujetties à des conditions d'emploi différentes, sur le plan de la rémunération notamment, en vertu de deux conventions collectives distinctes conclues entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Plus précisément, les employés de la catégorie professionnelle PM sont régis par la convention collective des Services des programmes et ceux de la catégorie EG, par la convention collective des Services techniques.

  8. Le 12 décembre 2003, le président de l'ACIA a écrit directement aux employés immédiatement touchés par le transfert. Une copie type de la lettre de M. Richard B. Fadden, président de l'ACIA, adressée à Mme Lisa Mah, inspectrice, aéroport international de Vancouver, est annexée aux présentes, sous la cote« H ».

  9. M. Fadden indique dans sa lettre que l'ACIA entend continuer, pendant la période de transition, à fournir des services financiers, de ressources humaines et d'administration générale aux employés touchés.

  10. Le même jour, un courriel a été envoyé aux inspecteurs visés par le transfert pour leur fournir des précisions sur la création de l'ASFC. Il y était indiqué que les activités directement reliées aux services d'inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés comme les animaux, les plantes et les aliments (à l'exclusion des tâches accomplies dans les centres de service à l'importation ) étaient transférées à l'ASFC. La majorité des employés visés par cette mesure assurent les services aux postes frontaliers ainsi que dans les aéroports et les ports maritimes. Un autre courriel a été envoyé le même jour à tous les employés de l'ACIA pour les informer du transfert. Il se doublait en outre d'une série de questions et réponses. Une copie type des courriels de M. Richard B. Fadden aux employés et une copie des questions et réponses sont annexées aux présentes, sous la cote « I ».

  11. La création de l'ASFC et la décision d'y transférer certaines attributions de l'ACIA, et par ricochet, des fonctions exécutées par ses employés, a été prise par la gouverneure générale en conseil, sur la recommandation du premier ministre. Le président de l'ACIA ou ses fondés de pouvoir ont été appelés à dresser la liste des postes et des particuliers visés par la mesure afin de déterminer quels fonctionnaires cessaient d'être des employés de l'ACIA le 12 décembre 2003 et devenaient des employés de l'ASFC.

  12. Avant le 12 décembre 2003, le président ou ses fondés de pouvoir ont dressé la liste des postes qui devaient être transférés à l'ASFC. Les employés concernés ont été informés par courriel et au moyen d'une lettre, le 12 décembre 2003, que leur poste était transféré de l'ACIA à l'ASFC.

  13. Que ce soit avant ou après le 12 décembre 2003, l'ACIA n'a tenu aucune consultation avec l'AFPC, en dépit des modalités des articles 1.1.3 et 1.1.10 de la Partie I ou de l'article 2.1 de la Partie II de la Politique sur la transition en matière d'emploi. Les raisons de l'absence de consultation, à savoir que le transfert ne déclenchait pas l'application de la PTME, ont été communiquées au président du Syndicat de l'agriculture (« le SA »), M. Yves Ducharme, ainsi qu'à d'autres représentants du SA, comme M. Bob Kingston, premier vice-président exécutif national du SA.

  14. Une copie du courriel daté du 12 décembre 2003 par lequel M. Richard Fadden informe les employés de l'Agence du transfert a été acheminée au président du SA, M. Yves Ducharme. En outre, Mme Fiona Spencer, de l'ACIA, a téléphoné à M. Ducharme le même jour pour lui faire savoir que le transfert était en cours.

  15. Certains des employés de l'ACIA qui ont été transférés à l'ASFC ont présenté des griefs à titre personnel en vertu de la PTME.

L'AFPC a appelé un témoin, M. Bob Kingston, premier vice-président exécutif national du SA, lequel a confirmé que les employés assurant les services d'inspection mentionnés dans le décret n'avaient pas tous été transférés à l'ASFC. Utilisant l'aéroport de Vancouver pour illustrer son propos, M. Kingston a indiqué que 13 des quelque 30 ou 40 inspecteurs avaient été choisis par l'ACIA pour être transférés à l'ASFC. Il a déclaré en contre-interrogatoire qu'aucun autre transfert n'avait été officiellement annoncé, mais que les employés avaient été informés qu'un transfert d'attributions additionnelles était reporté à l'automne. Il a aussi indiqué que c'est grâce aux employés et à la rumeur publique que le syndicat réussissait à obtenir quelques renseignements, l'employeur le tenant dans le noir.

M. Kingston a également indiqué que le syndicat recevait constamment des demandes de renseignements des employés soucieux d'être informés de leurs droits en vertu de la Politique sur la transition et des options qui s'offrent à eux, et de savoir si d'autres transferts sont projetés. Or, le syndicat est incapable de leur fournir un complément d'information.

L'AFPC attire également l'attention de la Commission sur certains faits additionnels qui ressortent à la lecture des documents annexés à l'exposé conjoint des faits. Précisons toutefois que certains passages de la PTME, ainsi que les textes législatifs mentionnés dans l'exposé conjoint des faits, sont reproduits intégralement dans l'argumentation qui suit.

Le 12 décembre 2003, à 14 h 26, le personnel de l'ACIA a appris directement de l'employeur que les services d'inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés dans les aéroports et aux autres postes frontaliers canadiens (à l'exclusion des centres de service à l'importation) (ci-après appelés les « services d'inspection frontaliers ») de l'ACIA étaient immédiatement transférés à l'ASFC (voir la pièce « I »). Le communiqué, diffusé par voie électronique, n'a été transmis au syndicat qu'une demi-heure plus tard (courriel de Mme Derickx envoyé à 15 h 06). La présidente nationale de l'AFPC n'a reçu aucune information directement.

Nota : La pièce « I » est constituée d'une série de courriels connexes datés du 12 décembre 2003, soit un courriel de M. Richard Fadden envoyé à 14 h 26; un courriel de M. Richard Fadden envoyé à 15 h 53 pour le compte de l'ACIA et de l'ASFC; un courriel de Mme Josee Derickx envoyé au président du SA, M. Yves Ducharme, à 15 h 06, pour lui faire parvenir une copie du courriel que M. Richard Fadden avait fait parvenir aux employés à 14 h 26; et une copie des questions et réponses préparées par l'employeur à l'intention des employés et annexées à ce courriel. Ces documents sont désignés dans les présentes par le nom de l'expéditeur et l'heure d'envoi.

Au moyen d'une lettre datée et reçue le 12 décembre 2003, les employés visés par le décret ont également été informés de leur transfert par le président de l'ACIA, M. Richard B. Fadden (voir la pièce « H »).

Dans ces deux communiqués, l'ACIA confirme que des postes additionnels de soutien opérationnel pourraient également être transférés à une date ultérieure. Les employés concernés sont pour leur part informés qu'ils sont désormais des employés de l'ASFC mais que, dans l'intervalle, ils continuent de faire partie de la structure hiérarchique et de soutien opérationnel de l'ACIA. En fait, l'ACIA indique explicitement ce qui suit :

[traduction] « il faudra un certain temps avant que tous les aspects du transfert soient réglés » (voir les par. 3 et 5 de la pièce « I »).

On retrouve le même genre de renseignements dans le courriel que M. Fadden a fait parvenir aux employés à 15 h 53 pour le compte de l'ACIA, l'ADRC, CIC et l'ASFC. L'(les) employeur(s) y indique(nt) que durant la

[traduction] « période de restructuration », ils « entendent consulter les employés, leurs représentants syndicaux ainsi que les intervenants pour que le processus se déroule de manière organisée et transparente » (voir les par. 3, 4, 5, 10 et 12 de la pièce « I »). Or, il est manifeste que dans le cas de l'ACIA, il n'y a pas eu de consultations. Le syndicat a reçu la même information générale que les employés, en même temps qu'eux ou, en fait, après eux. (Voir le courriel général de 14 h 26 et le courriel de 15 h 06 de Mme J. Derickx à M. Y. Ducharme, ainsi que les par. 13 et 14 de l'exposé conjoint des faits.)

De plus, le paragraphe 7 du courriel de 15 h 53 confirme l'existence d'un accord entre l'ACIA, l'ADRC et l'ASFC (Conseil du Trésor) concernant les conditions d'emploi provisoires des employés transférés et les avantages qu'ils conservent. L'ACIA, l'ADRC et l'ASFC reconnaissent explicitement que la situation est différente de celle des employés touchés de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), où ces protections s'appliquent d'office parce qu'il s'agit d'un transfert d'attributions à l'intérieur d'un secteur régi par le Conseil du Trésor.

Au paragraphe 9 du même courriel, on peut également lire que

[traduction] « le transfert des attributions et des employés à la nouvelle Agence est essentiellement un processus transparent, qui a été planifié et structuré […] ». (C'est nous qui soulignons.)

Argumentation

(1)   La Politique sur la transition en matière d'emploi s'applique

L'AFPC soutient que la Politique sur la transition en matière d'emploi (« la PTME ») indique clairement que les événements du 12 décembre 2003 constituent à première vue une « mesure de transition en matière d'emploi ».

a)   Les parties ont défini de façon générale ce qu'est une mesure de transition en matière d'emploi

Une mesure de transition en matière d'emploi est définie en des termes généraux dans la PTME :

Les raisons qui motivent une mesure de transition en matière d'emploi comprennent, sans s'y limiter, la restriction des dépenses, les nouvelles mesures législatives, la modification des programmes, la réorganisation, les changements technologiques, l'accroissement de la productivité, l'élimination ou la réduction des programmes ou activités à un ou plusieurs endroits, la réinstallation et la décentralisation. Ces situations peuvent entraîner un manque de travail ou la cessation d'une fonction (p. B-1 de la pièce « A »).

La notion de transition en matière d'emploi est en outre définie de la façon suivante :

Situation qui se produit lorsque le président ou la présidente décide que les services d'un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une certaine date en raison d'un manque de travail ou de la cessation d'une fonction à l'Agence. Les raisons pour lesquelles de telles situations se produisent comprennent, sans s'y limiter, les raisons indiquées ci-dessus, sous la rubrique « Politique » (p. B-3 de la pièce « A »).

Par conséquent, l'AFPC est d'avis que les parties ont prévu un large éventail de situations donnant lieu à l'application de la PTME lorsque l'effet est la cessation d'une fonction à l'Agence. La preuve la plus convaincante de cette intention se trouve dans l'utilisation des mots « comprennent, sans s'y limiter » et « de telles situations se produisent ».

b)   Le transfert du 12 décembre 2003 cadre avec la définition de mesure de transition en matière d'emploi

Il est incontestable que les services d'inspection frontaliers de l'Agence ont cessé d'exister. Il y a donc eu élimination (ou cessation) de cette fonction le 12 décembre 2003, ce qui a eu une incidence immédiate sur quelque 90 employés.

Au surplus, la mesure de transition en matière d'emploi résulte d'une restructuration de l'administration publique élargie. Comme il a été mentionné précédemment, les parties ont expressément indiqué que les nouvelles mesures législatives, la modification des programmes, la réorganisation et l'élimination de programmes ou d'activités à un ou plusieurs endroits sont des situations qui entraînent l'application de la PTME.

Dans l'exécution du nouveau mandat de l'Agence, le président ou ses fondés de pouvoir ont dressé la liste des postes qui ne seraient plus requis à compter du 12 décembre 2003. Ce processus décisionnel interne s'est déroulé avant cette date. Nous en tenons pour preuve le courriel conjoint du 12 décembre 2003 (pièce « I ») qui indique expressément que la restructuration a été

[traduction] « planifiée de manière à en limiter les effets au minimum », et qu'un accord a été conclu au préalable concernant les conditions d'emploi des employés touchés. Il est non moins vrai que le président a choisi parmi un certain nombre de postes d'inspecteur – par exemple, 13 des 40 postes à l'aéroport de Vancouver – ceux qui allaient être transférés.

L'AFPC est d'avis que l'incidence de la restructuration de l'administration publique sur l'ACIA constitue une mesure de transition en matière d'emploi au sens de la PTME. Par conséquent, il est incontestable que l'obligation de consulter le syndicat, en application de la PTME, existait. (Voir les articles 1.1.3 et 1.1.10 de la Partie I, ainsi que l'article 2.1 de la Partie II de la pièce « A ».)

c) La PTME prévoit l'obtention d'une offre d'emploi dans l'administration publique élargie

La PTME stipule que l'objectif visé est de permettre aux employés de poursuivre leur carrière à l'Agence, dans la mesure du possible, lorsqu'il y a une « mesure de transition en matière d'emploi ». Aucune garantie d'emploi permanent n'est donnée. Cependant, la PTME indique clairement qu'on doit offrir aux employés toutes les possibilités raisonnables de « poursuivre leur carrière à l'Agence », conformément aux modalités de la PTME, en cas de manque de travail ou de cessation d'une fonction (article 1.1.1 et pages B-1 et B-2 de la pièce « A »).

La PTME offre aussi une panoplie d'options aux employés qui ne peuvent obtenir un emploi de remplacement, dont un paiement fondé sur le nombre d'années de service (mesure de soutien à la transition), une période de priorité de 12 mois pour obtenir un poste à l'ACIA, ou une indemnité d'études (p. B-2 et B-3, et article 6.3.1., p. B-14, de la pièce « A »).

La PTME prévoit que les droits individuels des employés et les possibilités d'emploi peuvent varier selon la disponibilité d'autres postes dans l'Agence ainsi que de la nature de l'offre d'emploi obtenue à l'extérieur de l'Agence et du moment où cela se produit.

Par exemple, dans le contexte des obligations générales de l'Agence en vertu de la PTME, les articles 1.1.4 et 1.1.39 prévoient le cas où un employé de l'Agence obtient une offre d'emploi d'une durée indéterminée d'un nouvel « employeur coopérant ». Il est indiqué que dans une situation de ce genre, l'Agence doit conclure un accord avec le nouvel employeur relativement à la protection salariale, aux frais de cessation d'emploi et à d'autres questions. En fait, le communiqué conjoint de 15 h 53 confirme qu'un accord a effectivement été conclu relativement aux employés transférés (par. 7 de la pièce « I »). De plus, il est difficile d'imaginer qu'une garantie de « protection salariale […] à un poste de niveau inférieur » peut s'appliquer à autre chose qu'un transfert dans l'administration publique élargie (voir le par. 1.1.39 a)).

La PTME fournit aussi des précisions sur les conséquences de l'obtention subséquente d'un emploi dans l'administration publique – au Conseil du Trésor ou chez un employeur distinct. À titre d'exemple, lorsqu'il y a eu une interruption de service, l'article 6.3.7 prévoit explicitement qu'un employé ayant bénéficié de la rémunération en remplacement de la priorité d'excédentaire, de mesures de soutien à la transition ou d'une indemnité d'études, qui obtient une offre d'emploi soit du Conseil du Trésor, soit d'un employeur distinct, doit rembourser au receveur général du Canada une somme équivalant aux montants en cause selon les modalités précisées dans la disposition.

Un autre article semblable (6.4.3) traite du remboursement de la prime de maintien en fonction lorsqu'un employé est embauché par Sa Majesté du chef du Canada dans les six mois suivant son départ de l'Agence.

Il serait effectivement incongru de prétendre que le fait d'être embauché par le Conseil du Trésor, que ce soit sur-le-champ ou par la suite, a pour effet de rendre toutes les modalités de la PTME inapplicables d'emblée. L'article 1.1.39 prouve de manière incontestable qu'une telle prétention est incompatible avec l'éventail de situations envisagées par la PTME et exposées dans les présentes. Le fait d'être embauché ultérieurement par le Conseil du Trésor peut avoir une incidence sur les droits de l'employé concerné si aucun poste de remplacement n'est disponible à l'ACIA. De toute évidence, ces questions sont appelées à être tranchées dans le contexte du règlement des griefs présentés individuellement par les employés en vertu de la PTME. Il reste cependant qu'on ne peut affirmer, en s'appuyant sur le libellé et les modalités de la PTME, que le droit d'obtenir réponse à ces questions n'a jamais existé parce que l'une des parties à cette politique a décidé, unilatéralement et, faisons-nous valoir, sans raison valable, que celle-ci ne s'appliquait pas en l'espèce.

Par conséquent, l'AFPC est d'avis que le fait d'obtenir une offre d'emploi du Conseil du Trésor n'annule en rien l'applicabilité de la PTME pour ce qui touche les employés concernés. Ce point de vue étaye également la conclusion selon laquelle le défaut de consulter le syndicat est aussi contraire aux modalités de la PTME.

d) La Politique sur la transition en matière d'emploi insiste sur l'obligation de consulter le syndicat

La PTME insiste énormément sur le rôle que le syndicat doit jouer dans le contexte de mesures de transition en matière d'emploi. On lui reconnaît donc des droits spécifiques en matière d'information, de préavis et de consultation, en même temps qu'une obligation de conseiller et de représenter les employés.

C'est le respect et la reconnaissance de ces droits et obligations qui sont au cour du présent renvoi. Le principe en jeu étant la confirmation de la légitimité du rôle joué par le syndicat dans le milieu de travail –, rôle qui est reconnu par la LRTFP et confirmé par la convention collective et la PTME.

À titre d'exemple, le principe qui sous-tend la PTME est que les employés qui s'interrogent ou nourrissent des inquiétudes au sujet de l'interprétation ou de l'application de la PTME devraient être capables d'obtenir l'information voulue de leur syndicat aussi bien que de leur employeur. (Voir la rubrique « Demandes de renseignements », à la page B-3.) L'article 1.2.1 confirme en outre que les employés ont le droit d'être représentés par leur agent négociateur en ce qui concerne l'application de la PTME ainsi que d'obtenir une copie de celle-ci quand ils font l'objet d'une mesure de transition en matière d'emploi (article 1.1.13).

De plus, l'article 1.1.3 exige que l'employeur établisse, au besoin, des comités mixtes patronaux-syndicaux de transition en matière d'emploi sur les mesures de transition en matière d'emploi à l'Agence. L'article 1.1.10 stipule que l'Agence « informe et consulte le plus possible les représentants de l'agent négociateur dans les cas de transition en matière d'emploi, dès que la décision a été prise et tout au long du processus. Elle communique à l'agent négociateur le nom et le lieu de travail des employé-e-s touchés. »

Chaque fois qu'une mesure de transition en matière d'emploi est susceptible de toucher au moins dix employé-e-s nommés pour une période indéterminée, le président de l'ACIA est tenu d'informer confidentiellement et par écrit le président de l'AFPC au plus tard 48 heures avant l'annonce de la mesure de transition en matière d'emploi (voir l'article 2.1 de la Partie II).

e) Il y a eu manquement à l'obligation de consulter le syndicat

L'AFPC soutient que le défaut de l'ACIA de consulter le syndicat constitue une violation de la PTME en fait et en esprit.

Il est incontestable que les consultations prévues par la PTME n'ont pas eu lieu en l'espèce. À la question de savoir pourquoi le syndicat n'a pas été consulté, l'ACIA a toujours répondu que c'est parce que la PTME ne s'appliquait pas (par. 13 de l'exposé conjoint des faits). S'ajoute à cela le fait que les communiqués adressés directement aux employés ont été transmis au syndicat après le fait seulement (voir le courriel de Mme J. Derickx dans la pièce « I »). Les faits font également ressortir la vacuité du communiqué, adressé directement aux employés, dans lequel l'employeur dit qu'il entend

[traduction] « solliciter la collaboration des représentants syndicaux » (par. 3 du courriel conjoint dans la pièce « I »). Il y a aussi les questions et réponses annexées au courriel envoyé aux employés à 14 h 26 le 12 décembre 2003 (question no 3 des Questions et réponses dans la pièce « I »). On y lit, en réponse à la question no 3 : [traduction] « Est-ce que les syndicats ont été consultés sur ces changements? » que : [traduction] « Les représentants syndicaux sont informés de la situation ».

La preuve révèle également que la restructuration et l'établissement de la liste des postes visés ne résultaient ni ne pouvaient résulter d'une décision spontanée prise à l'insu du président ou de ses fondés de pouvoir. Bien au contraire, le président avait en sa possession, avant le 12 décembre 2003, certains renseignements qu'il aurait pu ou aurait dû communiquer à la présidente nationale de l'AFPC conformément aux modalités de la Partie II de la PTME.

Qui plus est, les employés transférés ont été avisés qu'ils conservaient certains avantages et que, dans l'intervalle, leurs conditions d'emploi demeuraient inchangées. Comme il est prévu dans la PTME, un accord a été conclu avec l'ASFC (Conseil du Trésor) concernant leurs conditions d'emploi. Or, le syndicat n'est partie à aucun accord de ce genre, en dépit du fait que les employés sont fondés, en vertu de la PTME, d'exiger et de tenir pour acquis que leur syndicat sera en mesure de les renseigner au meilleur de sa connaissance sur leurs droits à court et à long terme, de même que sur les obligations de l'employeur (voir les pièces « I » et « H »).

La restructuration actuellement en cours dans l'administration publique confirme également le préjudice continu causé par le refus de l'employeur de reconnaître l'applicabilité de la PTME. À plus ou moins brève échéance, il se pourrait que les services de soutien qui sont actuellement assurés aux inspecteurs par des employés de l'Agence soient eux aussi transférés. En effet, le renvoi au paragraphe 37.3(2) de la LEFP dans le Règlement pris par décret (pièce G) est une preuve incontestable de cette intention. En outre, il est indéniable que les communiqués envoyés aux employés leur présentent certains changements additionnels comme étant inévitables (même si l'on demeure vague quant à leur ampleur et à leur date d'entrée en vigueur). Comme M. Bob Kingston l'a indiqué dans son témoignage, il circule plein de rumeurs que l'AFPC n'est pas en mesure de confirmer parce que l'information dont elle dispose lui parvient par le même canal ou lui est communiquée en même temps que les employés, sinon après.

Les conséquences de la violation de ce genre de dispositions pour un syndicat sont évidentes. Ce dernier se voit privé de la possibilité d'apprécier une situation à l'avance et de préparer une réponse et une série de conseils en prévision des inévitables demandes de renseignements de ses membres. Il en est dès lors réduit à réagir à l'information à chaud. L'intention de la PTME est clairement d'éviter ce genre de situation. En effet, le fait que l'obligation de consulter le syndicat y soit si souvent mentionnée est une preuve irréfutable des objectifs que poursuivait l'AFPC en négociant la politique et dont l'employeur a reconnu la légitimité. En tout illogisme, l'absence de communication tient au fait que l'employeur était d'avis que la PTME ne s'appliquait pas. Comme il est indiqué ailleurs dans les présentes observations, ce point de vue est clairement déraisonnable eu égard au libellé et aux objectifs généraux de la PTME. Compte tenu de tout ce qui précède, l'AFPC soutient que la PTME est censée être interprétée de manière générale et avec souplesse compte tenu des diverses situations ayant une incidence sur le fonctionnement de l'Agence. Par conséquent, la prépondérance de la preuve appuie à première vue la conclusion que la PTME s'appliquait.

(2)   La pertinence de la LRTAAP et de la LEFP

En réponse au présent renvoi, l'ACIA demande à la Commission de conclure que, en dépit de ses modalités, la PTME ne s'est jamais appliquée parce que la restructuration s'est effectuée « conformément à la loi ». L'AFPC est d'avis que la thèse de l'ACIA est insoutenable en fait et en droit et qu'elle devrait être rejetée par la Commission pour les motifs exposés ci-après.

a) Le transfert des attributions et de la responsabilité ministérielle reconnus par la loi d'un secteur de l'administration publique à un autre doit être sanctionné par une loi

Le mandat de l'ACIA et les attributions de son président en matière de ressources humaines sont définis dans la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, L. C. 1999, ch. 6 (« Loi sur l'ACIA ») (pièce « B »). En vertu de l'article 2, c'est le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire qui est responsable de l'ACIA.

L'Agence administre et contrôle l'exécution d'un grand nombre de lois, dont la liste est donnée à l'article 11 de la Loi sur l'ACIA. Conformément au paragraphe 13(3), c'est le président de l'Agence qui désigne les inspecteurs chargés de l'administration et de l'exécution des lois compte tenu du mandat de l'Agence. Par conséquent, les employés assurant des services d'inspection frontaliers dans les aéroports, les ports maritimes et les autres points d'entrée accomplissent une fonction prévue par la loi sous la direction du président de l'ACIA.

En application d'un décret pris le 12 décembre 2003, certaines fonctions d'inspection ont été transférées de l'Agence à l'ASFC. La Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique (« la LRTAAP ») ne comporte que quatre dispositions, lesquelles sont reproduites intégralement ci-après :

  1. Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique.

  2. Le gouverneur en Conseil peut procéder :

    1. à tout transfert d'attributions, ou de responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique, entre ministres ou entre ministères ou secteurs de l'administration publique;

    2. au regroupement de deux ministères ou plus sous l'autorité d'un seul ministre et d'un seul sous-ministre.

  3. Le ministre, le ministère ou le secteur de l'administration publique auxquels sont transférées, sous le régime de la présente loi ou en vertu de toute autre habilitation, des attributions ou responsabilités, ainsi que leurs fonctionnaires compétents, ont le plein exercice des pouvoirs et fonctions dévolus à leurs prédécesseurs.

  4. Les attributions déjà transférées nominativement à un ministre, sous le régime de la présente loi, peuvent, en cas de cessation de fonctions de leur titulaire, pour cause de décès ou autre cause, être de nouveau transférées à un autre ministre.

L'AFPC est d'avis qu'il ne s'agit pas d'une loi complexe visant un objectif d'intérêt général ou prétendant régir toutes les questions découlant de transferts dans l'administration publique. Au contraire, son objectif, bien que nécessaire, est davantage d'ordre fonctionnel. L'article 2 habilite le gouverneur en conseil à transférer des attributions, ou la responsabilité à l'égard d'un secteur de l'administration publique, entre ministres ou entre ministères ou secteurs de l'administration publique. L'article 3 confirme que le nouveau ministre, ministère ou secteur de l'administration publique ont le plein exercice des pouvoirs et fonctions dévolus à leurs prédécesseurs lorsque le gouverneur en conseil en décide ainsi.

La nécessité de s'assurer que les pouvoirs décisionnels et, en l'espèce, les pouvoirs d'exécution, sont définis par un texte législatif, est mise en évidence dans un certain nombre d'arrêts de la Cour fédérale du Canada portant sur l'application de la LRTAAP. En résumé, ces arrêts insistent sur l'importance de veiller à ce que les restructurations dans l'administration publique maintiennent une « voie hiérarchique légitime » dans les activités d'administration, d'application et d'exécution de l'État. Un manquement à cet égard aura des conséquences sur la légalité de l'exercice des pouvoirs après un transfert.

À titre d'exemple, dans l'arrêt

Branigan c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 282 (1re inst.), le demandeur contestait la légalité d'une mesure d'expulsion en raison du transfert des attributions ministérielles du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à l'ASFC. En effet, un rapport produit le 11 décembre 2003 confirmait que le demandeur était interdit de territoire au Canada en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. L'affaire a dès lors été déférée à la Section de l'immigration aux fins d'une audition d'admissibilité. Le renvoi a eu lieu le 12 décembre 2003.

La Cour a conclu que la restructuration du 12 décembre 2003 n'aurait eu aucune incidence sur la conclusion du rapport daté du 11 décembre 2003. En ce qui concerne le renvoi du 12 décembre 2003, la Cour a tenu compte des décrets pris en application de la LRTAAP avant de conclure que ces textes législatifs ne créaient « aucune lacune dans la voie hiérarchique, entre le ministre compétent et son représentant, relativement au renvoi […] » (pp. 4 et 5, par. 10 à 15).

Dans le même ordre d'idées, dans l'arrêt

Friends of the West Country Assn. c. Canada (ministre des Pêches et des Océans), [1998] A.C.F. no 976 (1re inst.), un rapport d'évaluation environnementale concluait que les deux ponts qu'on prévoyait construire n'auraient aucun effet négatif important sur l'environnement. Sur la foi de ce rapport, la Garde côtière canadienne a accordé les approbations demandées pour le compte du ministre des Pêches et des Océans sous le régime de la Loi sur la protection des eaux navigables. Le ministre des Pêches et des Océans était devenu responsable de la Garde côtière à l'issue d'une restructuration fondée sur la LRTAAP. Or, selon la Loi sur la protection des eaux navigables, sous le régime de laquelle les approbations avaient été données, le ministre responsable était celui des Transports.

La Cour a reconnu que le décret pris en application de la LRTAAP avait malencontreusement omis de transférer les attributions du ministre des Transports au ministre des Pêches et Océans. Il transférait uniquement la responsabilité de la Garde côtière canadienne. Par conséquent, les approbations accordées pour le compte du ministre des Pêches et Océans ont été jugées irrégulières. La Cour a cependant refusé de déclarer les approbations nulles et sans effet car cela n'aurait pas été dans l'intérêt de la justice.

Nous croyons que la restructuration du 12 décembre 2003 nécessitait la prise d'un décret en application de la LRTAAP, mais à la seule fin de confirmer la légalité des pouvoirs et fonctions exercées ultérieurement par des inspecteurs, le nouveau ministre responsable de l'ASFC ou des fonctionnaires comme le président de l'ASFC.

b) La LRTAAP traite du transfert d'attributions et de responsabilités à l'égard de secteurs de l'administration publique plutôt qu'à l'égard d'employés

L'AFPC soutient que la LRTAAP ne contient aucune disposition qui étaye explicitement ou implicitement la prétention selon laquelle la réalisation de ses objectifs a préséance sur l'application de la convention collective régissant les employés visés, le syndicat et l'employeur. En fait, nulle part il n'est indiqué que la LRTAAP englobe ou propose d'englober les questions de relations de travail ou les conditions d'emploi. Au contraire, cette loi traite uniquement des attributions et de la responsabilité de secteurs de l'administration publique conférés à un ministre, un ministère ou un autre secteur de l'administration publique, et ne traite aucunement des « employés ».

c) Il n'y a aucune contradiction entre la réalisation des objectifs de la LRTAAP et la reconnaissance des droits et obligations prévus par la PTME

Le fait de reconnaître l'existence d'une mesure de transition en matière d'emploi n'a aucune incidence sur la « voie hiérarchique » établie par la LRTAAP. Autrement dit, le respect de l'obligation de consulter le syndicat en application de la PTME n'a aucune incidence sur le transfert des pouvoirs de l'ACIA à l'ASFC.

En effet, la PTME a été négociée par des parties possédant une connaissance intime des rouages de l'administration publique. Elle traite directement du déplacement d'employés d'un secteur de l'administration publique à un autre dans le cadre d'une mesure de transition en matière d'emploi. (Voir les dispositions de la PTME mentionnées précédemment et celles relatives à l'accord avec un employeur coopérant, de même que l'accord conclu par l'ACIA, dont il est question dans le communiqué conjoint du 12 décembre 2003.)

Par conséquent, il n'y a aucune contradiction en fait ou en droit entre la réalisation des objectifs de la LRTAAP et un constat que le transfert était assujetti à la PTME. Le fait d'imposer une obligation d'un autre ordre, lorsqu'il y a chevauchement entre la convention collective et les textes législatifs, ne constitue aucunement une contradiction. (Voir l'ouvrage de Brown & Beatty intitulé Labour Arbitration in Canada, au par. 2:2140.) En fin de compte, les modalités de la convention collective doivent avoir préséance quand il n'y a aucune incompatibilité avec des textes législatifs.

En effet, le point de vue exprimé par les arbitres concorde avec la présomption générale, en matière d'interprétation des lois, que les textes législatifs doivent être interprétés de manière à éviter les contradictions. Le pouvoir de restructurer l'administration publique défini dans la LRTAAP doit être interprété en tenant compte des droits reconnus aux employés et aux associations syndicales par la LRTFP et une convention collective réputée lier les parties en vertu de cette loi. Le législateur est réputé adopter les lois en tenant compte des droits et obligations existants et toute intention d'en faire abstraction doit être exprimée de façon « incontestablement claire ». Or, aucune intention claire n'est exprimée en l'espèce (voir Driedger on the Construction of Statutes, pp. 185-186 et p. 288 & 368-370).

Comme Driedger le fait observer à la p. 288 :

[traduction] « [t]outes choses étant égales par ailleurs, on retiendra les interprétations qui réduisent la possibilité de contradiction ou d'incohérence parmi les différentes lois. » Par conséquent, nous faisons respectueusement valoir que la Commission devrait retenir une interprétation qui permet la réalisation des objectifs de la LRTAAP et de la LRTFP ainsi que des conventions collectives liant les parties comme le prévoit cette Loi.

d) Le règlement pris en application de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique est de nature interprétative plutôt que normative

En vertu du Règlement pris en application de l'alinéa 36(1)

b) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (« la LEFP »), les paragraphes 37.3(1) et (2) de cette Loi sont réputés s'appliquer au transfert des services d'inspection frontaliers à l'ASFC (pièce « G »). L'ACIA s'appuie à nouveau sur ce règlement pour affirmer que la PTME ne s'est jamais appliquée parce que le transfert a été réalisé « conformément à la loi ». L'AFPC est d'avis que le libellé du Règlement n'étaye pas les prétentions de l'employeur.

D'entrée de jeu, il convient de noter que l'article 37.3 de la LEFP n'est pas de nature normative. Il s'agit essentiellement d'une disposition de nature interprétative qui prévoit que les décrets pris en application de LRTAAP « ne changent rien à la situation des fonctionnaires » ayant été transférés (paragraphe 37.3(1)). L'AFPC est d'avis que c'est cette disposition qui s'applique directement aux inspecteurs transférés le 12 décembre 2003 car eux seuls étaient expressément mentionnés dans le décret pris en application de la LRTAAP (voir la pièce « D »).

En revanche, le paragraphe 37.3(2) prévoit que les employés qui exercent, en tout ou en partie, des attributions liées à celles des postes transférés en vertu du décret pris en application de la LRTAAP occupent leur poste dans le même ministère ou secteur que les employés visés au paragraphe 37.3(1). L'AFPC attire l'attention sur le fait que la mention de l'applicabilité de cette disposition dans le

Règlement sur le transfert de secteurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments ( « le Règlement ») étaye aussi la prétention selon laquelle des postes de soutien pourraient aussi être transférés à plus ou moins brève échéance.

Il va sans dire que les lois doivent être interprétées de façon globale. L'AFPC est d'avis que l'article 37.3 de la LEFP doit être interprété en fonction du contexte.

Pour déterminer les objectifs de l'article 37.3, il faut tenir compte des dispositions du paragraphe 37.3(3), qui circonscrit explicitement l'administration publique aux ministères et autres secteurs relevant du Conseil du Trésor. Il est intéressant de noter qu'ailleurs dans la LEFP, l'administration publique est définie de la même manière que dans la LRTFP.

L'AFPC est d'avis que cette restriction est justifiée car, en ce qui concerne le Conseil du Trésor (et contrairement aux employeurs distincts comme l'ACIA), la dotation et l'occupation des postes dans les ministères et autres secteurs de l'administration publique dont il est l'employeur nécessite l'application rigoureuse de la LEFP et de son règlement d'application, du principe du mérite ainsi que des droits d'appel prévus par l'article 21 de la LEFP. Au surplus, la classification des postes et les taux de rémunération applicables sont uniformes dans les ministères et organismes dont le Conseil du Trésor est l'employeur. La situation est toutefois différente dans le cas des employeurs distincts.

L'AFPC est d'avis que la mention de l'effet d'un transfert sur la « situation » d'un employé doit être interprétée dans le contexte de la LEFP. Autrement dit, un transfert ne représente pas une nouvelle nomination nécessitant l'application des autres dispositions de la LEFP et (ou) du principe de la sélection au mérite, ni n'a d'incidence sur la structure et la classification des postes qui sont partout les mêmes dans l'administration publique relevant du Conseil du Trésor.

Procureur général du Canada c. Greaves, [1982] 1 C.F. 806 (C.A.) le juge Pratte, à la p. 810 (citant l'affaire Nanda c. Le comité d'appel établi par la Commission de la Fonction publique, [1972] C.F. 277 (C.A.), le juge en chef Jackett);

Charest c. Le Procureur général du Canada, [1973] C.F. 1217 (C.A.), à la p. 1221;

Bambrough c. La Commission de la fonction publique, [1976] 2 C.F. 109 (C.A.), à la p. 115.

Or, l'ACIA demande à la Commission de statuer que le Règlement rend implicitement nuls et sans effet les droits que la convention collective reconnaît aux employés et au syndicat et auxquels le transfert donnerait par ailleurs application. Autrement dit, l'ACIA demande à la Commission de conclure que la PMTE ne s'applique pas. Il est révélateur que l'employeur demande à la Commission non pas de situer ces textes législatifs dans leur contexte pour statuer sur l'étendue des droits prévus par la PTME, mais plutôt de retrancher complètement ces droits de la convention collective dans les circonstances de l'espèce.

Une telle thèse est indéfendable. Si l'on se reporte aux précédents déjà mentionnés, le Règlement est pris en application de la LEFP et l'on doit dès lors se garder de l'interpréter de manière à lui donner préséance sur les dispositions de la LRTFP, à moins qu'il existe une contradiction manifeste ou une intention explicite en ce sens. Ni la LRTAAP ni l'article 37.3 de LEFP ne font mention de la LRTFP ou des conventions collectives. Par conséquent, on doit présumer que le législateur prévoyait que les droits, attributions et obligations définis dans chacun de ces textes législatifs s'appliquent concurremment.

S'ajoute à cela le fait qu'il n'y a aucune contradiction entre les modalités de la PTME et le transfert des inspecteurs. L'ACIA a effectivement conclu un accord analogue à celui envisagé à l'article 1.1.39 de la PTME et a reconnu dans un communiqué conjoint la nécessité d'un tel accord pour des employeurs distincts. En outre, la PTME prévoit les cas où des employés obtiennent une offre d'emploi d'un ministère ou organisme relevant du Conseil du Trésor. L'AFPC est d'avis que le libellé de la PTME est éloquent quant à la mesure où cette politique s'applique concurremment et de manière harmonieuse avec le transfert. Par conséquent, en l'absence de contradictions ou d'une intention exprimée explicitement dans le texte législatif lui-même, la Commission doit interpréter ces diverses dispositions de manière à ce qu'elles s'appliquent concurremment.

À vrai dire, il est révélateur que la thèse de l'ACIA ne fasse aucun cas du libellé inexorable la PTME dans le contexte de l'affaire qui nous occupe. Le seul élément déclencheur dans la PTME est la décision que les services d'un employé ne sont plus requis par l'Agence en raison de la cessation d'une fonction. Une fois cette condition remplie, l'ACIA est obligée de consulter le syndicat, peu importe son point de vue sur les droits qu'elle-même ou les employés pourraient avoir en vertu de la PTME. Bien que les textes législatifs sur lesquels l'employeur fonde sa prétention en l'espèce puissent avoir leur utilité pour l'interprétation de la PTME, ils n'en empêchent pas l'application.

e) Observations subsidiaires

Dans l'éventualité où la Commission serait disposée à accepter l'argument de l'ACIA selon lequel l'applicabilité des paragraphes 37.3(1) et (2) de la LEFP rend nulles les obligations prévues par la PTME, l'AFPC fait valoir que ces dispositions ne s'appliquent ni ne peuvent s'appliquer aux transferts d'employés d'un employeur distinct au Conseil du Trésor et, dès lors, qu'il ne s'agit pas de transferts effectués « conformément à la loi », contrairement à ce que prétend l'employeur.

Le Règlement est censé appliquer les dispositions de la LEFP relatives aux transferts en bloc au déplacement des employés de la partie II à la partie I de l'annexe 1 de la LRTFP. Ce Règlement a été pris en application de l'alinéa 36(1)b) de la LEFP, qui confère au gouverneur au conseil le pouvoir « nonobstant toute autre loi, [d']étendre la portée de tout ou partie des dispositions de la présente loi, notamment de celles qui ont trait aux nominations, à tout secteur de la fonction publique – ou partie de celui-ci – où ces dispositions ne sont normalement pas applicables ». Il s'agit sans conteste d'une disposition générale confirmant le pouvoir général du gouverneur en conseil de prendre des règlements.

Dans l'affaire qui nous occupe, la gouverneure générale en conseil a pris un règlement en application de l'alinéa 36(1)

b) – le Règlement sur le transfert de secteurs de l'ACIA –, qui précise que seules les dispositions des paragraphes 37.3 (1) et (2) de la LEFP s'appliquent au transfert d'employés de l'ACIA à l'ASFC. En revanche, le paragraphe 37.3(3) indique expressément que l'« administration publique », pour les fins de l'interprétation des paragraphes 37.3(1) et (2), s'entend uniquement du Conseil du Trésor. Le paragraphe 37.3(4) dispose aussi que l'article (au complet) s'applique aux transferts en vertu de la LRTAAP.

L'AFPC croit dès lors qu'il existe une condition expresse pour que les dispositions relatives aux transferts en bloc s'appliquent aux transferts en vertu de la LRTAAP, soit que les transferts s'effectuent à l'intérieur de l'administration publique au sens où celle-ci est expressément définie par cette disposition.

Les principes d'interprétation des lois sont sans équivoque : la loi a toujours préséance sur un règlement. À première vue, le Règlement pris en l'espèce n'« applique » pas la loi; il se trouve en fait à la modifier en en retranchant le paragraphe 37.3(3).

En revanche, le paragraphe 36(1) confère au gouverneur en conseil le pouvoir général de prendre un règlement appliquant certaines dispositions de la LEFP, nonobstant toute autre loi. Nous sommes d'avis que l' « autre » loi, dans l'affaire qui nous occupe, serait la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui dispose que le président de l'ACIA fixe les conditions d'emploi des employés et leur assigne leurs fonctions et est habilité à faire des nominations (voir les art. 12 et 13 de la pièce « B »). L'alinéa 36(1)

b) ne contient pas les mots nonobstant la présente loi.

De plus, lorsqu'une loi renferme une disposition générale (le pouvoir de prendre des règlements dans ce cas-ci) et une disposition spécifique (une définition d'« administration publique » circonscrite exclusivement à l'article 37.3), il est un fait reconnu que la disposition particulière l'emporte nécessairement sur la disposition générale. Par conséquent, l'AFPC est d'avis que le gouverneur en conseil ne peut pas invoquer son pouvoir général de prendre un règlement appliquant la LEFP nonobstant toute autre loi pour modifier la loi et faire abstraction d'une disposition spécifique ayant trait à l'applicabilité des dispositions relatives aux transferts en bloc (voir Drieger, pp. p. 185-186, 188).

Par exemple, dans l'arrêt

Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Commission de la fonction publique), la Cour fédérale a conclu qu'un décret du gouverneur en conseil ne pouvait pas être maintenu, au motif qu'il dérogeait au principe du mérite prévu dans la Loi. Il s'ensuit que le pouvoir de prendre des règlements ne peut pas être utilisé pour miner l'objet et le libellé manifestes de la Loi.

L'Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Commission de la fonction publique), [1992] 2 C.F. 181 (QL), aux par. 11 à 26.

En fait, dans cette affaire, le juge Rouleau rappelle les mots du juge Le Dain dans l'arrêt

Greaves :

Je suis conscient du fait que la conclusion en l'espèce peut limiter sérieusement la flexibilité que permet le pouvoir de mutation au sein de la Fonction publique, dans la mesure où une mutation précise constitue une nomination au sens de la Loi, mais si on a besoin de plus à cet égard, il faudrait le prévoir expressément dans la loi.

Compte tenu de ce qui précède, l'AFPC est d'avis qu'il est impossible d'« appliquer » les dispositions des paragraphes 37.3(1) et (2) à un transfert en vertu de la LRTAAP sans tenir compte des dispositions du paragraphe 37.3(3). L'ACIA demande à la Commission de conclure que la PTME ne s'appliquait pas parce que le transfert a été effectué « conformément à la loi ». L'AFPC fait dès lors valoir, à titre subsidiaire, que la légalité du Règlement est remise en cause et que la Commission ne devrait donc pas en tenir compte pour statuer sur la présente plainte.

Conclusion

L'AFPC est d'avis que la cessation des services d'inspection frontaliers de l'ACIA constitue une mesure de transition en matière d'emploi au sens de la Politique sur la transition en matière d'emploi. De plus, rien dans la LRTAAP ou le Règlement ne contredit ou ne fait passer au second plan, de manière explicite ou implicite, les dispositions de la PTME de façon à les rendre nulles et sans effet.

Par conséquent, l'AFPC fait respectueusement valoir qu'il n'existe aucune raison en fait et en droit permettant de conclure que l'employeur n'était pas tenu de consulter le syndicat en dépit des dispositions de la Politique sur la transition en matière d'emploi.

L'AFPC demande donc respectueusement à la Commission d'accueillir le renvoi fondé sur l'article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et de lui accorder les réparations demandées.

Réponse de l'employeur

L'employeur est d'avis que les dispositions de la convention collective en litige ne s'appliquent pas en l'espèce et qu'il est dès lors faux de prétendre qu'elles n'ont pas été respectées. L'employeur est également d'avis que le Règlement en litige, pris en application de la Loi sur l'emploi de la fonction publique (« LEFP »), est valide.

Contexte

Le 12 décembre 2003, le premier ministre Paul Martin a annoncé la création de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans la foulée de l'Initiative Frontière efficace lancée en partenariat avec les États-Unis pour accélérer le commerce et les déplacements et accroître la sécurité avec la collaboration des intervenants des milieux syndicaux, des affaires et de l'immigration. L'ASFC a été créée par décret le même jour en application de l'alinéa 3(1) a) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

Le 12 décembre 2003 également, conformément à la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique (LRTAAP), la gouverneure générale en conseil a transféré à l'ASFC certaines attributions de l'ACIA au moyen du décret reproduit à l'annexe « D » de l'exposé conjoint des faits. Le décret indique que « la responsabilité à l'égard des secteurs de l'administration publique au sein de la Direction générale des opérations de l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui assurent des services d'inspection de première ligne des voyageurs et des produits importés dans les aéroports et aux autres postes frontaliers canadiens, à l'exclusion des centres de services à l'importation », était transférée à l'ASFC.

L'employeur convient avec l'AFPC que la LRTAAP et le décret mentionnés précédemment constituent les habilitations pour le transfert des attributions à un ministre ou un ministère. Si la LRTAAP est muette sur la situation des employés, elle donne néanmoins application aux dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP)1 qui traitent spécifiquement de ce sujet :

Transferts en bloc

Présomption de transfert de fonctionnaires
37.3 (1) Les décrets pris en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique ne changent rien à la situation des fonctionnaires qui, à l'entrée en vigueur de ces décrets, occupaient un poste dans le secteur dont la responsabilité a été transférée d'un ministère ou secteur de l'administration publique à un autre ou dans l'un ou l'autre des ministères qui ont été regroupés à la différence près que, à compter de cette entrée en vigueur, ils occupent le poste dans le secteur ou ministère auquel la responsabilité a été transférée ou dans le ministère qui résulte du regroupement, selon le cas.

Transfert par décret
(2) Dans les cas de décrets pris en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique, le gouverneur en conseil, s'il estime que la mesure sert les intérêts de l'administration publique, peut, par décret pris sur la recommandation du Conseil du Trésor, prévoir que des fonctionnaires ou catégories de fonctionnaires qui, à son avis, exercent, en tout ou en partie, des attributions liées à celles des fonctionnaires visés au paragraphe (1) ou des attributions auxiliaires, occuperont, à compter de l'entrée en vigueur du décret, leur poste dans le même ministère ou secteur que les fonctionnaires visés au paragraphe (1).

Définition de « administration publique »
(3) Au présent article, « administration publique » s'entend des ministères et autres secteurs de l'administration publique fédérale figurant à la partie I de l'annexe I de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Rétroactivité
(4) Le présent article s'applique à tout décret pris en application de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique le 20 mars 1995 ou par la suite. 1995, ch. 17, art. 10.
(C'est nous qui soulignons)

Les dispositions relatives aux transferts en bloc indiquent explicitement qu'un décret pris en application de la LRTAAP ne change rien à la situation des employés en ajoutant toutefois la précision suivante :« à la différence près que, à compter de cette entrée en vigueur, ils occupent le poste dans le secteur ou ministère auquel la responsabilité a été transférée ou dans le ministère qui résulte du regroupement, selon le cas. » Par conséquent, la prétention de l'agent négociateur – p. 15 de son exposé écrit – selon laquelle l'article 37.3 de la LEFP est une disposition interprétative plutôt que normative est sans fondement.

Les dispositions relatives aux transferts en bloc de la LEFP ne s'appliquent pas d'office à l'ACIA. Il faut d'abord que la restriction prévue au paragraphe 37.3(3) soit levée. Le Règlement pris en vertu de l'alinéa 36(1)b) reproduit à l'annexe « G » de l'exposé conjoint des faits, tient effectivement compte de cette restriction en suspendant l'application du paragraphe 37.3(3). Les employés sont donc transférés dans des postes de l'ASFC à compter de l'entrée en vigueur du décret pris en application de la LRTAAP. Autrement dit, le transfert des employés à l'ASFC s'est effectué par « effet de la loi ».

La Politique sur la transition en matière d'emploi

L'issue de la plainte de l'agent négociateur repose sur la question de savoir si la PTME s'applique au transfert des employés à l'ASFC décrit précédemment. Or, dans son argumentation, l'agent négociateur s'attarde sur les objectifs de la politique ainsi que sur les obligations prévues dans la PTME et évite d'aborder la question préliminaire que doit trancher la Commission, c'est-à-dire si le transfert du 12 décembre 2003 constituait une « mesure de transition en matière d'emploi » définie comme suit dans la PTME :

Transition en matière d'emploi - Situation qui se produit lorsque le président ou la présidente décide que les services d'un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une certaine date en raison d'un manque de travail ou de la cessation d'une fonction à l'Agence. Les raisons pour lesquelles de telles situations se produisent comprennent, sans s'y limiter, les raisons indiquées ci-dessus, sous la rubrique « Politique ».

La définition de mesure de transition en matière d'emploi est sans équivoque. Il y est précisé qu'une condition primordiale doit être remplie avant que la PTME puisse s'appliquer, c'est-à-dire que le président ou la présidente de l'ACIA doit décider que les services d'un ou de plusieurs employés ne seront plus requis.

Dans l'affaire qui nous occupe, le transfert est la conséquence d'une décision qui a été prise non pas par le président de l'ACIA, mais par la gouverneure générale en conseil en application de la LRTAAP, et par l'effet de la LEFP, les postes des employés ont été transférés en droit. Il ne faut pas confondre ce transfert avec l'activité courante qui consiste à interpréter le décret et à l'appliquer à l'Agence en dressant la liste des employés et des postes transférés. Le rôle du président de l'ACIA à titre d'administrateur général est d'exécuter le décret. C'est une responsabilité qu'il partage avec le président de l'ASFC. Ce faisant, ni l'un ni l'autre ne prend une « décision » en vertu des dispositions d'une convention collective relatives aux transitions en matière d'emploi.

La thèse de l'agent négociateur nous mène à la conclusion inéluctable que le président de l'ACIA aurait le pouvoir de décider quels postes sont transférés à l'ASFC alors que l'administrateur général de l'ASFC n'aurait aucun pouvoir concernant les employés que la gouverneure générale en conseil a transférés à son organisation. Le fait d'exécuter le décret et de dresser la liste des employés visés par celui-ci ne constitue pas une « décision » du président que les services ne sont plus requis. L'exemple des inspecteurs de l'aéroport de Vancouver n'apporte donc rien au débat.

L'agent négociateur met l'accent sur des considérations de principe pour étayer la thèse selon laquelle le transfert à l'ASFC est une « réorganisation ». C'est sur ce raisonnement fondamentalement fallacieux que repose son argumentation; or, le président de l'ACIA n'a pris aucune « décision » en vertu de la PTME. S'il entreprenait de restructurer l'ACIA en raison de restrictions budgétaires, de changements technologiques ou pour une pléthore d'autres raisons et décidait par la même occasion que les services de certains employés ne sont plus requis, on pourrait alors parler de mesure de transition en matière d'emploi au sens de la PTME. Or, c'est d'une restructuration pangouvernementale décidée par la gouverneure générale en conseil en application de la LRTAAP et non pas d'une réorganisation interne dont il est question en l'espèce.

Quoiqu'il en soit, dans son examen des considérations de principe, l'agent négociateur oublie de tenir compte de la raison principale de l'existence de la PTME, soit créer le plus grand nombre possible d'occasions d'emploi pour les employés nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par une mesure de transition en matière d'emploi. Formulé autrement, le but de la PTME est de protéger l'emploi des particuliers qui se retrouvent sans travail. Cependant, comme il a été mentionné précédemment et comme les faits le confirment, pas un seul employé ne s'est retrouvé sans travail. En effet, il n'existe aucune preuve qu'un seul des employés transférés a perdu sa rémunération.

L'agent négociateur insiste également sur l'obligation à laquelle l'employeur est tenu de consulter le syndicat en vertu de la PTME et le fait qu'il n'y a pas eu de consultation, pour démontrer que la PTME s'appliquait. Les mesures que l'employeur aurait dû prendre, pour autant que la PTME s'appliquait, et les mesures qu'il a prises en réalité, sont sans intérêt pour trancher la question préliminaire en litige dans l'affaire qui nous occupe.

L'agent négociateur affirme que l'employeur a été informé du transfert avant le 12 décembre et qu'il a planifié la réorganisation de manière à en limiter au minimum les effets. Or, cette prétention n'est pas pertinente. La connaissance des intentions de la gouverneure générale en conseil ne peut être assimilée à une « décision » prise conformément aux dispositions d'une convention collective relatives aux transitions en matière d'emploi.

Poussée jusqu'à sa conclusion logique, l'argumentation de l'agent négociateur signifierait que si le transfert des employés à l'ASFC procédait d'une « décision du président » que leurs services ne sont plus requis, le président aurait aussi eu le pouvoir de prendre une autre décision. Autrement dit, il aurait pu décider que le transfert ne prenait effet que le 15 décembre ou encore qu'il n'y avait pas de transfert. Puisque ce n'est évidemment pas le cas, vu qu'il n'avait pas le pouvoir de prendre de décisions de ce genre, l'argumentation de l'agent négociateur doit être rejetée.

Enfin, la thèse de l'agent négociateur selon laquelle le transfert ne peut « avoir préséance » sur la convention collective ou « annuler » l'applicabilité de la PTME est indéfendable. L'employeur ne prétend pas que les mesures législatives ou réglementaires ont pour effet de remplacer ou d'annuler la PTME. Il soutient tout simplement que celle-ci ne s'applique pas.

Validité du Règlement pris en application de la LEFP

L'agent négociateur soutient que si la thèse de l'employeur repose sur l'applicabilité de la LEFP, le Règlement qui en applique les dispositions relatives aux transferts en bloc est dès lors invalide puisqu'il contredit le libellé explicite du paragraphe 37.3(3) que l'administration publique s'entend des ministères et autres secteurs dont le Conseil du Trésor est l'employeur.

L'employeur attire l'attention sur la règle d'interprétation des lois qui invite à présumer de la validité d'un texte législatif. Le principe de l'effet utile commande de retenir l'interprétation qui consacre le mieux la validité du texte législatif. Cette présomption s'applique aussi à la validité des règlements par rapport aux lois habilitantes. Les règlements sont présumés être non seulement valides mais aussi structurellement cohérents avec la loi habilitante2.

L'employeur attire aussi l'attention sur le fait que, contrairement à ce que prétend l'agent négociateur, il ne s'agit pas d'une situation où la disposition législative spécifique (le paragraphe 37.3(3)) doit avoir préséance sur un règlement général conférant des pouvoirs. L'alinéa 36(1)b) de la LEFP, reproduit ci-après, n'accorde pas au gouverneur en conseil un « pouvoir général de prendre un règlement », mais plutôt un pouvoir spécifique qui englobe sans contredit la situation particulière qui retient notre attention en l'espèce. Cette disposition est libellée comme suit :

36. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement :

a) étendre la portée de tout ou partie de la présente loi à la totalité ou une partie des postes occupés par les personnes mentionnées au paragraphe 39(1);

b) nonobstant toute autre loi, étendre la portée de tout ou partie des dispositions de la présente loi, notamment de celles qui ont trait aux nominations, à tout secteur de la fonction publique – ou partie de celui-ci – où ces dispositions ne sont normalement pas applicables;

c) fixer les modalités d'ouverture et de conduite des enquêtes visées par l'article 34.

(2) Un règlement pris en vertu de l'alinéa (1)b) a primauté sur les autres dispositions législatives et réglementaires régissant les questions dont il traite.
S.R., ch. P-32, art. 34.

Il faut tenir compte de l'ensemble des dispositions de la LEFP, y compris sa genèse et son interprétation, pour comprendre l'objet de l'alinéa 36(1)b). La LEFP a pour but d'établir les conditions d'emploi dans l'« administration publique », laquelle s'entend des entités dont le Conseil du Trésor est l'employeur, de même que des « employeurs distincts ». Un certain nombre d'employeurs distincts sont exclus de l'application de la plupart, voire de la totalité, des dispositions de la LEFP, généralement par l'effet de leurs lois constituantes (par exemple, la Loi sur l'ACIA).

En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'alinéa 36(1)b), le législateur a convenu d'attribuer un pouvoir spécifique au gouverneur en conseil, soit celui d'appliquer tout ou partie des dispositions de la LEFP à un secteur de l'administration publique où elles ne sont normalement pas applicables. Ce faisant, il a spécifiquement investi le gouverneur en conseil du pouvoir de prendre des règlements qui assujettissent les employeurs distincts à tout ou partie des dispositions de la LEFP.

L'agent négociateur s'appuie sur les premiers mots de la disposition, c'est-à-dire « nonobstant toute autre loi », pour dire que le Règlement ne peut pas être pris nonobstant les dispositions de cette Loi. C'est là un argument fallacieux vu que le pouvoir de prendre des règlements conféré par l'alinéa 36(1)b) est indissociable de la LEFP. Comme il a été mentionné précédemment, certaines dispositions de la LEFP peuvent ne pas s'appliquer à certains secteurs de la fonction publique en vertu de la LEFP elle-même ou d'autres lois. Les mots « nonobstant toute autre loi » sont simplement un moyen législatif d'empêcher qu'un règlement pris en application de l'alinéa 36(1)b) soit contesté au motif qu'il invalide une autre loi. Par exemple, en supposant qu'une disposition d'une loi du Parlement puisse avoir pour effet de soustraire l'ACIA à l'application de la LEFP, un règlement pris en application de l'alinéa 36(1)b) de la LEFP aurait dès lors préséance (sauf dans la mesure où la disposition de la loi du Parlement annule expressément l'effet de l'alinéa 36(1)b)).

En revanche, les termes performatifs de la disposition, c'est-à-dire « étendre la portée de tout ou partie des dispositions de la présente loi […][qui] ne sont normalement pas applicables », se trouvent après la première virgule et à la toute fin de l'alinéa. L'absence des termes « nonobstant la présente loi » signifie simplement que l'alinéa s'applique à tout ou partie des dispositions de la LEFP qui ne sont normalement pas applicables à un secteur de la fonction publique. Autrement dit, si la LEFP ou l'une ou l'autre de ses dispositions ne sont normalement pas applicables il n'est pas nécessaire d'inclure une clause indiquant que le pouvoir est conféré nonobstant la LEFP, puisque c'est déjà sous-entendu.

De plus, si l'on retient l'interprétation la plus limpide, l'alinéa 36(1)b) permet au gouverneur en conseil d'appliquer toutes les dispositions de la LEFP à un secteur de l'administration publique où elles ne sont normalement pas applicables. En supposant que l'argument de l'agent négociateur soit juste, une telle disposition aurait dès lors pour effet de donner application à toutes les dispositions de la LEFP, à l'exclusion de l'article 37.3. Cette interprétation ne cadre pas avec le principe de l'effet utile et est nettement contraire à la volonté du législateur, telle qu'elle est exprimée à l'alinéa 36(1)b). Le pouvoir de prendre des règlements permet de donner application à « tout ou partie » de la LEFP; un règlement qui a un tel effet ne peut assurément pas être considéré comme invalide.

L'employeur met aussi en relief le fait que la jurisprudence soumise par l'agent négociateur à cet égard est antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du paragraphe 37.3. Il est évident que les observations du juge Rouleau ne s'appliquent pas en l'espèce vu que la disposition de la LEFP qui retient notre attention présume que les employés occupent les postes dans la nouvelle organisation.

En résumé, l'employeur demande à la Commission de rejeter l'exposé subsidiaire de l'AFPC étant donné que le Règlement en cause a incontestablement été pris en vertu du pouvoir conféré par le législateur d'appliquer tout ou partie des dispositions de la LEFP à un secteur de l'administration publique où elles ne sont normalement pas applicables.

Conclusion

L'employeur demande respectueusement à la Commission de rejeter la plainte de l'AFPC vu que le transfert des employés et des postes à la nouvelle ASFC ne justifiait pas l'application de la PTME et que le règlement pris en vertu de l'alinéa 36(1)b) de la LEFP est valide.

Réfutation de l'agent négociateur

Quand le président « décide »-t-il?

Le défendeur affirme, à la page 3 de sa réponse, que l'AFPC « évite d'aborder la question préliminaire que doit trancher la Commission », qui est de savoir s'il y a eu une « transition en matière d'emploi » au sens de la PTME. Étant donné que l'AFPC examine directement cette question à partir de la page 6 de son exposé, nous rejetons entièrement la prétention du défendeur que l'AFPC a évité d'aborder une question fondamentale dans son renvoi.

Ce que l'AFPC n'avait pas prévu dans son exposé, c'est la thèse alarmante que ferait valoir l'ACIA concernant l'interprétation des mots « lorsque le président ou la présidente décide » dans la définition de transition en matière d'emploi. Le défendeur affirme qu'étant donné que c'est la gouverneure générale en conseil, sur la recommandation du premier ministre, qui a pris la décision, le 12 décembre 2003, de restructurer l'administration publique, on ne saurait prétendre que c'était une « décision » du président au sens de la PTME.

Il s'ensuit nécessairement, poursuit le défendeur, que la définition de transition en matière d'emploi s'applique uniquement à des restructurations rendues nécessaires à cause de « restrictions budgétaires, de changements technologiques ou pour une pléthore d'autres raisons ». Nous en sommes réduits à faire des conjectures sur ce que la « pléthore » d'autres raisons peut bien englober, mais aux dires du défendeur, la situation en litige dans le présent renvoi ne fait certainement pas partie du nombre. Dans les faits, cela équivaut dès lors à demander à la Commission d'inclure implicitement une restriction dans la définition, à savoir que la PTME s'applique seulement quand les pertes d'emploi résultent de décisions unilatérales prises exclusivement par le président.

Nous sommes d'avis que cette thèse devrait être sommairement rejetée par la Commission pour les motifs suivants.

En premier lieu, la demande dont la Commission est saisie se rapporte à l'interprétation et à l'application d'une convention collective ayant force obligatoire. Cela étant dit, la question des objectifs de la PTME et de la portée des mesures de transition en matière d'emploi doit être tranchée à partir des définitions établies et de l'interprétation de l'ensemble des modalités de la PTME. Il est révélateur que l'argumentation du défendeur repose presque exclusivement sur sept mots, c'est-à-dire « lorsque le président ou la présidente décide », et fait commodément abstraction du reste de la définition, de la PTME dans son ensemble, ainsi que du rôle de l'ACIA dans l'administration publique élargie.

La PTME est libellée en termes généraux et inclusifs. On y traite également des diverses conséquences de l'obtention d'une offre d'emploi ailleurs dans l'administration publique sur les droits reconnus aux employés. Ces points sont déjà décrits en détail dans l'exposé de l'AFPC daté du 13 août, mais il convient d'en rappeler quelques-uns.

La définition de transition en matière d'emploi englobe l'énoncé de politique de la PTME. Les deux dispositions utilisent les mots « comprennent, sans s'y limiter » et envisage entres autres situations des réorganisations, de nouvelles mesures législatives et la modification des programmes. En bout de ligne, il faut qu'il y ait « un manque de travail ou la cessation d'une fonction » pour que la PTME s'applique.

Contrairement à ce que soutient le défendeur, l'AFPC ne fonde pas uniquement sa thèse sur un aspect de la définition de transition en matière d'emploi – comme le mot « réorganisation ». Même si nous croyons qu'une telle thèse pourrait être défendue avec succès, il y a un certain nombre de situations expressément envisagées par la définition – même sans se fonder sur les mots « comprennent, sans s'y limiter » – qui pourraient s'appliquer en l'espèce. À titre d'exemple, bien que le président ne soit pas habilité à prendre de nouvelles mesures législatives, la PTME indique clairement que c'est l'effet de telles mesures sur les employés de l'Agence qui justifie l'application de la PTME. Ces précisions étayent la prétention selon laquelle les parties entendaient que les éléments déclencheurs de l'application de la PTME soient généraux et inclusifs.

De plus, le véhicule juridique du transfert peut avoir une incidence sur l'étendue des droits que possèdent les employés particuliers en vertu de la PTME. Cependant, ce véhicule n'a aucunement pour effet d'enlever toute pertinence à la PTME dans les circonstances prévues ou encore dans celles qui retiennent notre attention en l'espèce – contrairement à ce que le défendeur semble croire. L'AFPC possède certains droits en vertu de la Politique et ces droits sont déterminants de la capacité du syndicat de représenter, conseiller et informer les membres de l'unité de négociation dans le contexte des nombreux changements organisationnels envisagés par la PTME. L'importance du droit d'être consulté relativement à une mesure de transition en matière d'emploi ne ressort nulle part plus clairement que dans le libellé de la PTME, ce qui met en relief son caractère déterminant pour trancher les questions soulevées en l'espèce.

En second lieu, l'ACIA n'est pas une société privée relativement à laquelle le président possède un pouvoir décisionnel illimité et exclusif. Au contraire, l'ACIA est une personne morale dont les pouvoirs sont exercés à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada (art. 3 de la Loi sur l'ACIA). En ce qui concerne l'administration publique, l'ACIA est considérée comme l'employeur en sa qualité de représentant de Sa Majesté du chef du Canada (annexe I de la partie II de la LRTFP et définition d'employeur au paragraphe 2(1)). C'est la Loi sur l'ACIA, telle qu'édictée par le Parlement, qui établit les paramètres du mandat de l'ACIA et énonce dans son Préambule les objectifs de la politique gouvernementale visés par la création de l'ACIA. La Loi sur l'ACIA attribue un certain nombre de pouvoirs, y compris ceux conférés au président, au ministre, au gouverneur en conseil et au Comité consultatif de l'ACIA, pour réaliser ces objectifs. C'est le gouverneur en conseil qui nomme le président de l'ACIA à titre amovible. Malgré les attributions de ce dernier, c'est le ministre qui est généralement responsable de l'Agence et en fixe les grandes orientations (art. 4). Bref, l'ACIA fait partie intégrante de l'administration publique et son mandat de même que ses attributions peuvent changer – on en a d'ailleurs la preuve – au gré des décisions qui sont prises par le gouvernement ou pour son compte.

Le président est le premier dirigeant de l'Agence, comme il est indiqué au paragraphe 6(1) de la Loi. Son mandat consiste notamment à mettre en ouvre, coordonner et prendre les décisions quotidiennes nécessaires au bon fonctionnement de l'Agence, y compris tout ce qui touche les changements de politique gouvernementale définis par le Cabinet, le ministre et par décret. C'est précisément ce qu'il a fait lorsqu'il a dressé d'avance la liste des postes d'inspecteur qui allaient être transférés le 12 décembre 2003 et a écrit directement aux employés touchés, pour le compte de l'ACIA, pour les informer qu'à compter du 12 décembre 2003, les tâches qu'ils avaient l'habitude d'accomplir ne s'inscrivaient plus dans le mandat de l'ACIA.

En toute déférence pour le président, il ne doit ni devrait subsister aucun doute dans son esprit que l'application de la PTME ne se limite pas aux pertes d'emploi qui résultent exclusivement de décisions unilatérales que lui seul est habilité à prendre. Bien au contraire, son rôle est de mettre en ouvre la politique gouvernementale et de contrôler le personnel de l'Agence (art. 13 et 6). Ce n'est certes pas une mince tâche, mais l'exercice de ces attributions s'inscrit dans le cadre de l'exécution du mandat de l'Agence, laquelle fait partie intégrante de l'appareil gouvernemental, par le truchement de son ministre, ainsi que de l'administration publique élargie. Si le pouvoir de l'Agence de veiller à l'exécution et à l'administration de la Loi sur les aliments et drogues lui était retiré, ce qui entraînerait nécessairement des pertes d'emplois, il faudrait en conclure que la PTME ne s'applique pas puisque, à en croire le défendeur, ce n'est pas le président qui a pris la décision ayant causé les pertes d'emplois.

Si tel était le cas, pourquoi la définition de transition en matière d'emploi ferait-elle mention de « nouvelles mesures législatives » ou de « réorganisation »? Le défendeur ne peut pas prétendre que, parce que le président n'a pas fixé la « date d'entrée en vigueur » de la nouvelle loi ou qu'il est incapable de lui donner effet ou d'en définir les modalités, la PTME ne peut pas s'appliquer. Or, il demande à la Commission d'accepter ce résultat en s'appuyant sur les mots « lorsque le président ou la présidente décide ».

Pour accepter la thèse du défendeur, il est nécessaire de faire abstraction des modalités de la PTME et des mesures prises par le président dans l'exécution de son mandat de mettre en ouvre les politiques gouvernementales. En corollaire, si l'on interprète le libellé de la PTME conformément à ses modalités, en tenant compte des pouvoirs conférés par la Loi sur l'ACIA et du mode de fonctionnement unique de l'État, on ne peut qu'en arriver à une interprétation de l'expression « transition en matière d'emploi » qui est totalement contraire à celle que préconise le défendeur en l'espèce.

Pour tous les motifs exposés précédemment, l'AFPC demande respectueusement à la Commission de rejeter la thèse du défendeur selon laquelle la PTME n'était pas applicable parce que ce n'est pas le président qui a pris la décision de restructurer les Services frontaliers. En définitive, le libellé et la portée de la PTME, les mesures prises par le président avant le 12 décembre 2003 et ce jour-là, ainsi que le rôle de l'ACIA au sein de l'appareil gouvernemental, contredisent à tous égards la thèse du défendeur.

Article 37.3 de la LEFP

L'AFPC réitère ses observations du 13 août sur le libellé de l'article 37.3 de la LEFP. Cette disposition confirme simplement qu'un employé occupe légitimement un poste dans le nouveau ministère. On évite ainsi que chaque poste transféré nécessite une nouvelle nomination en règle, ce qui donnerait lieu à des droits d'appel et à l'application du principe du mérite. Par ailleurs, cette disposition indique expressément que le transfert en vertu de la LRTAAP n'a aucune incidence sur la « situation » de cet employé. Il s'ensuit que celui-ci peut par ailleurs faire valoir d'éventuels droits en vertu de la PTME en l'espèce, ou conserver son statut d'employé nommé pour une période indéterminée, ou quoi que ce soit d'autre.

L'AFPC est d'avis que le silence du défendeur sur la nécessité d'éviter toute contradiction entre les modalités des conventions collectives et les textes législatifs est révélateur. En effet, le défendeur n'a pas réussi à faire valoir des arguments « incontestablement clairs » au soutien de sa prétention selon laquelle la PTME n'est pas applicable parce que le transfert s'est effectué conformément à la LRTAAP et à la LEFP. Par conséquent, ses arguments à cet égard doivent être rejetés.

Validité du Règlement d'application de la LEFP

L'AFPC est d'avis que le défendeur a soit mal compris, soit mal qualifié sa prétention concernant l'alinéa 36(1)b) de la LEFP. Par souci de clarté, nous en exposons les grandes lignes ci-après.

L'AFPC soutient que l'énoncé selon lequel le gouverneur en conseil peut prendre des règlements « nonobstant toute autre loi » doit être lu en conjugaison avec la phrase « étendre la portée de tout ou partie des dispositions de la présente loi […], où ces dispositions ne sont pas applicables ». Bref, la LEFP peut s'appliquer à un employeur distinct en dépit du fait que l'« autre loi » – la Loi sur l'ACIA – confère au président le pouvoir de faire des nominations à l'ACIA. C'est tout ce que l'alinéa 34(1)b) de la LEFP permet au gouverneur en conseil de faire. Cette restriction fait en sorte, comme l'indique le défendeur, que lorsque le pouvoir du gouverneur en conseil est exercé conformément à l'article 34, il soit impossible d'invoquer la Loi sur l'ACIA pour prétendre que le président a conservé le pouvoir de faire des nominations.

Prenons un autre exemple. Si le gouverneur en conseil décidait d'appliquer toutes les dispositions de la LEFP à l'ACIA, il pourrait le faire en dépit du fait que la Loi sur l'ACIA exclut cette possibilité. En revanche, la LEFP s'appliquerait conformément à ses modalités. Cela signifie que lorsque l' « administration publique » englobe aussi les employeurs distincts, comme c'est le cas dans la presque totalité de la Loi, ses dispositions s'appliquent, et que lorsqu'elle les exclut, elles ne s'appliquent pas. Il est difficile de considérer que ce résultat est contraire à la « volonté du législateur » – comme le prétend le défendeur – lorsque c'est le législateur lui-même qui a explicitement prévu cette restriction.

Le résultat doit être le même lorsque le gouverneur en conseil applique une partie de la LEFP. Le Règlement ne peut pas prétendre appliquer la Loi de manière, effectivement, à exclure ou réécrire ses dispositions expresses – comme la Cour fédérale l'a fait observer dans l'arrêt AFPC c. Canada. En dépit du fait que cette décision a été rendue avant l'entrée en vigueur de l'article 37.3 de la LEFP, le raisonnement du juge Rouleau sur la nécessaire concordance qui doit exister entre le règlement et les dispositions explicites de la loi sont tout à fait pertinentes. L'AFPC est d'avis que le Règlement en litige en l'espèce n'applique pas certaines dispositions de la LEFP, mais qu'il les modifie, ce qui est illégal selon la conclusion à laquelle le juge Rouleau en est venu dans l'affaire de l'AFPC.

Conclusion

Pour tous les motifs exposés précédemment, l'AFPC demande respectueusement à la Commission d'accueillir le présent renvoi et de lui accorder les réparations demandées.

Motifs de la décision

[10]   Pour statuer sur le présent renvoi, je dois d'abord décider si la décision de la gouverneure générale en conseil, le 12 décembre 2003, de transférer certains postes de l'ACIA à la nouvelle ASFC a entraîné l'application des dispositions de la PTME. Je conviens avec l'employeur qu'il s'agit d'une question préliminaire sur laquelle la Commission doit se prononcer.

[11]   Les dispositions de la PTME sont claires et sans équivoque. Il y a une mesure de transition en matière d'emploi « lorsque le président ou la présidente décide que les services d'un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d'une certaine date en raison d'un manque de travail ou de la cessation d'une fonction de l'Agence ».

[12]   La décision de transférer des postes de l'ACIA à l'ASFC a été prise par la gouverneure générale en conseil sur la recommandation du premier ministre du Canada (onglet D de l'exposé conjoint des faits).

[13]   Le fait que le président de l'ACIA puisse avoir participé aux discussions entourant l'exécution du décret n'enlève rien au fait que ce n'est pas lui qui a pris la décision de transférer les postes. Je partage le point de vue de l'employeur lorsqu'il déclare que [traduction] « [l]e fait d'exécuter le décret et de dresser la liste des employés visés par celui-ci ne constitue pas une « décision » du président que les services ne sont plus requis. »

[14]   Pour ce qui touche la validité du règlement censé faire en sorte que les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique relatives aux « transferts en bloc » s'appliquent aux faits de l'affaire qui nous occupe (onglet G de l'exposé conjoint des faits), je ne trouve rien dans les documents portés à ma connaissance qui me permettrait de conclure que ce règlement est invalide.

[15]   L'alinéa 36(1)b) de la LEFP autorise expressément le gouverneur en conseil à prendre des règlements ayant pour effet d'« étendre la portée de tout ou partie des dispositions de la présente loi, […] à tout secteur de la fonction publique – ou partie de celui-ci – où ces dispositions ne sont pas applicables ». Or, par définition, la fonction publique englobe tous les ministères ou secteurs de l'administration publique du Canada mentionnés dans les parties I et II de l'annexe I de la LRTFP. Je conviens avec l'employeur que les mots « nonobstant toute autre loi » à l'alinéa 36(1)b) de la LEFP [traduction] « sont simplement un moyen législatif d'empêcher qu'un règlement pris en application de l'alinéa 36(1)b) soit contesté au motif qu'il invalide une autre loi. ».

[16]   Pour les motifs exposés précédemment, le présent renvoi est rejeté. Cela étant dit, je tiens à ajouter qu'il aurait été pertinent et utile d'inviter le syndicat à participer aux discussions qui ont précédé le transfert des attributions de l'ACIA à l'ASFC. En novembre 2003, le législateur a adopté la Loi sur la modernisation de l'administration publique, L.C. 2003, ch. 22. Bien qu'elle ne soit pas encore pleinement en vigueur, ce qui la caractérise c'est l'importance que revêt la collaboration syndicale-patronale. On y reconnaît que la consultation sur les questions qui touchent les employés et l'amélioration conjointe du milieu de travail sont essentiels au bien-être des employeurs et des employés de l'administration publique fédérale. Il est difficile d'imaginer une situation ayant plus d'impact sur le milieu de travail que la restructuration substantielle du 12 décembre 2003. En période difficile, nous devons tous faire davantage qu'appuyer superficiellement ces principes si importants et si fondamentaux.

[17]   Même si l'employeur n'était pas légalement tenu de consulter le syndicat concernant le transfert des attributions de l'ACIA à l'ASFC, il aurait pu et, surtout, il aurait dû le faire. Une telle ouverture aurait démontré qu'on cherchait véritablement à améliorer le climat des relations de travail dans le secteur public fédéral. L'omission de consulter ne peut qu'engendrer déception, frustration et ressentiment. Il n'existe pas de recette miracle pour façonner des relations de travail harmonieuses; c'est une entreprise de longue haleine qui nécessite les efforts soutenus et la détermination de toutes les parties en cause.

Yvon Tarte,
président

OTTAWA, le 29 octobre 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.


1   Nous nous pencherons plus loin sur la prétention subsidiaire de l'agent négociateur selon laquelle le Règlement pris en application de la LEFP est invalide. Cependant, pour les fins de notre argumentation sur le bien fondé du renvoi, nous partons du principe que les lois, règlements et décrets sont tous valides.
2   Côté, Pierre-André, The Interpretation of Legislation in Canada, 2nd ed., Cowansville, Qc: Les Éditions Yvon Blais Inc., 1992, p. 309-310.
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