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Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

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  • Date:  2004-08-27
  • Dossier:  169-2-649
  • Référence:  2004 CRTFP 124

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique



entre

L’ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES AGENTS DU SERVICE EXTÉRIEUR
agent négociateur

et

LE CONSEIL DU TRÉSOR
employeur

 

Affaire concernant :   Renvoi en vertu de l’article 99 de la
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant :    Joseph W. Potter, vice-président

Pour l’agent négociateur : Ron Cochrane, Association professionnelle des agents du service extérieur

Pour l’employeur : John G. Jaworski, avocat


Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 24 et 25 juin 2004.


[1]   Le 29 octobre 2001, le directeur général de l’Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE), Ron Cochrane, a fait parvenir une lettre à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la Commission) dans laquelle il prétend que de nombreux fonctionnaires nommés pour une période indéterminée à des postes d’agent du Service extérieur (FS) ne payaient pas leurs cotisations syndicales à l’APASE.   M. Cochrane demandait une ordonnance enjoignant à l’employeur de verser les cotisations à son Association.

[2]   L’employeur a répliqué à cette allégation par une lettre en date du 14 décembre 2001 adressée à la Commission, lettre dans laquelle l’employeur déclarait que les fonctionnaires qui étaient affectés ou détachés à des postes d’agent du SE continuaient à verser leurs cotisations à leur agent négociateur d’ « attache ».   Ces fonctionnaires [traduction] «  [...] ne deviennent pas titulaires de ces postes au SE ».   L’employeur a déclaré que les fonctionnaires conservent leur groupe et leur niveau de titularisation, demeurent assujettis aux conditions rattachées à leur groupe et niveau de titularisation et, par conséquent, ne sont pas [traduction] « des fonctionnaires de l’unité de négociation des (SE) » comme l’énonce la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’APASE relativement à l’unité de négociation du groupe FS (code 312).

[3]   Plus loin dans sa lettre adressée à la Commission, l’employeur a soutenu que les cotisations syndicales auraient dû être versées à l’APASE dans certains cas où les fonctionnaires « occupaient » des postes au sein du groupe FS.   Dans ces situations, le ministère concerné entendait «  [...] rectifier cette erreur administrative ».

[4]   M. Cochrane a répliqué à la Commission, en date du 18 mars 2002, et a décrit la position qu’il a adopté concernant les points soulevés dans la lettre de l’employeur en date du 14 décembre 2001.   M. Cochrane a déclaré que le terme « détachement » ne se trouvait nulle part dans la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ( LEFP) à titre de mesure de dotation reconnue.   En outre, M. Cochrane écrivait [traduction] : « Nous sommes d’avis que dans les faits, les fonctionnaires décrits dans ces ententes de « détachement » ont été nommés à ces postes du SE   i) par intérim [...] ou en vertu des dispositions relatives à la rémunération d’intérim de leur convention collective. »

[5]   M. Cochrane a ensuite ajouté [traduction] «  [...] que les fonctionnaires occupent tous un poste de SE et [...] que l’on s’attend à ce qu’ils exécutent le travail que ces postes exigent [...]  ».   Une autre demande a été présentée pour que l’APASE perçoive les cotisations pour ces fonctionnaires.

[6]   Cette affaire devait être entendue en avril 2002, mais elle a été reportée à la demande de l’employeur.

[7]   Une autre audience devait avoir lieu en juin 2002, mais elle a été reportée à la demande de l’APASE. Elle a ensuite été fixée en novembre 2002, mais elle a été reportée à la demande de l’employeur.

[8]   L’affaire a de nouveau été fixée en mai 2003. Cependant, à la demande des parties, cette date d’audience a été transformée en une médiation.   De nombreuses questions ont été réglées, mais l’une d’entre elles demeure en suspens; par conséquent, la Commission a inscrit l’affaire au rôle pour novembre 2003.

[9]   Étant donné que cette question pouvait avoir des répercussions sur d’autres agents négociateurs, la Commission, en date du 17 novembre 2003, a fait parvenir une lettre aux personnes susceptibles d’être touchées afin de les aviser que l’affaire allait être entendue.   L’un des agents négociateurs a demandé que l’affaire soit remise, car il ne disposait pas de suffisamment de temps pour se préparer en vue de l’audience.   Cette demande a été acceptée.

[10] La Commission a ensuite inscrit l’affaire au rôle pour une audience les 24 et 25 juin 2004, et l’affaire a été instruite.   La Commission a fait parvenir un avis d’audience à tous les agents négociateurs qui pourraient être touchés par cette décision, mais à l’audience, aucun des autres agents négociateurs n’a choisi d’intervenir.

[11]   D'entrée de jeu à l'audience, les parties ont soumis un exposé conjoint des faits (pièce E-1), qui se lit en partie de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

  1. L’APASE est l’agent négociateur accrédité de l’unité de négociation composée de tous les agents du service extérieur (FS).

  2. Parmi les fonctionnaires de l’unité de négociation du service extérieure (FS), certains relèvent du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (« MAECI ») et certains relèvent de Citoyenneté et Immigration Canada (« CIC »).

[…]

  1. De nombreuses personnes qui sont employDe nombreuses personnes qui sont employées dans la fonction publique fédérale, au MAECI et à CIC et dans des ministères fédéraux autres que le MAECI et CIC (« AMG ») ont été affectées provisoirement au MAECI ou à CIC dans des postes qui seraient généralement des postes permutants ou des postes dans des missions étrangè

[…]

[12]   L’exposé conjoint des faits dressait également une liste de fonctionnaires au MAECI et à CIC qui ont conclu des ententes de détachement et dont le poste d’attache était soit équivalent, soit d’un niveau supérieur au poste de FS-1 ou de FS-2 qu’ils occupaient.

[13]   M. Cochrane a témoigné pour le compte du requérant et j’ai entendu deux témoins de l’employeur.   Au total, 14 pièces ont été déposées avec le consentement de l’employeur et trois l’ont été avec le consentement du requérant.

Les faits

[14]   M. Cochrane a déclaré qu’après une demande qu’il a présentée en vue d’obtenir des détails concernant des mesures de dotation au MAECI, il a reçu un document intitulé « Non FS in FS positions » (pièce G-1).   Il s’agit d’une liste de 10 pages de personnes ayant été classifiées autre que FS mais qui occupent des postes de FS et qui exécutent des fonctions de FS.   Dans les situations où le salaire maximal du poste d’attache des fonctionnaires dépasse celui du poste de FS qu’ils occupent, ces fonctionnaires ne versent pas de cotisations à l’APASE.

[15]   En avril 2001, l’APASE a signifié un avis de négocier à l’employeur en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective.   La procédure de règlement des différends était la conciliation/la grève.   Les parties devaient donc s’entendre au sujet de la question des postes ayant des fonctions liées à la sécurité.

[16]   M. Cochrane a déclaré, dans son témoignage, que tous les postes de la pièce G-1 étaient désignés comme des postes ayant des fonctions liées à la sécurité.   De plus, l’APASE et CIC ont convenu que les postes de FS à l’étranger seraient des postes désignés (pièce G-2).   Ces listes de désignations pour des raisons de sécurité renferment les noms des fonctionnaires dont le poste d’attache n’est pas un poste de FS, mais qui exécutent des fonctions liées à un poste de FS.   Ces documents montrent que l’employeur a proposé que des fonctionnaires autres que FS et occupant des postes de FS soient désignés pendant les négociations du groupe FS.

[17]   Robert Daoust est conseiller en relations de travail au MAECI. Il a déclaré qu’au cours de la ronde de négociations collectives de 2001, tous les postes de FS à l’étranger étaient des postes désignés.   Toutefois, ce ne sont pas tous les fonctionnaires qui comblent ces postes qui étaient désignés.   Les gestionnaires s’étaient fait dire de ne pas remettre de lettres de désignation à des fonctionnaires autres que FS ayant été détachés dans des postes FS, parce qu’étant donné que les détachements ne constituaient pas des nominations, les fonctionnaires se trouvant dans cette situation demeuraient dans l’unité de négociation de leur poste d’attache.

[18]   Pendant le contre-interrogatoire, M. Daoust a reconnu que la Commission a produit des lettres de désignation pour tous les postes de FS à l’étranger relevant du MAECI. Cependant, le Ministère a décidé de ne pas faire parvenir de lettres de désignation à certains fonctionnaires qui ne sont pas des FS.

[19]   Michael Siewecke est agent d’affectation à la Division des affectations et des regroupements du MAECI.   Il a pour fonction d’aider les gestionnaires à trouver des fonctionnaires possédant les compétences qui conviennent pour les postes à combler.   M. Siewecke a expliqué que les postes de FS à l’étranger étaient comblés de façon permutante, les fonctionnaires étant en poste pendant deux à quatre ans.   Ce ne sont pas tous les postes de FS qui sont comblés par des fonctionnaires FS. En effet, dans certains cas, les gestionnaires ne peuvent pas trouver de fonctionnaires FS possédant l’ensemble de compétences requis pour le poste libre à l’étranger.   Dans ces cas, le MAECI cherche à l’extérieur de la filière des FS pour doter les postes disponibles.

[20]   En contre-interrogatoire, M. Siewecke a expliqué que l’on donne préférence aux fonctionnaires FS pour combler des postes de FS et que lorsqu’on procède à une affectation, il n’existe pas de droit d’appel.   Par conséquent, lorsqu’un employé autre que FS est retenu pour combler un poste de FS, la personne qui n’a pas décroché cette affectation ne possède pas de droit d’appel.

Plaidoiries

Pour le requérant

[21]   Le groupe FS est différent de tous les autres groupes de la fonction publique.   Les fonctionnaires de la catégorie FS sont nommés à un niveau et non à un poste, et à ce titre, ils passent leur carrière à faire des concours pour décrocher une série d’affectations.

[22]   Afin que le système d’affectation permutante fonctionne, il existe un décret d’exclusion (pièce E-6) qui, pour l’essentiel, interdit les appels à l’encontre des affectations.   Si les appels étaient autorisés, le système s’effondrerait.

[23]   En 2001, l’APASE a découvert qu’un grand nombre de fonctionnaires autres que FS occupant des postes de la catégorie FS ne payaient pas leurs cotisations à l’APASE.   Un renvoi a été déposé devant la Commission en vertu de l’article 99 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ( LRTFP).   Depuis, le taux de rémunération maximal du groupe FS a changé et de nombreux fonctionnaires autres que FS en situation de détachement qui sont visés par la demande initiale reçoivent maintenant une rémunération par intérim du groupe FS.   Ces fonctionnaires paient maintenant des cotisations à l’APASE.   Rien n’a changé, sauf le salaire.  C’est donc le salaire qui déterminait si un employé faisait partie ou non de l’unité de négociation.   Les fonctions accomplies devraient permettre d’établir si une personne fait partie ou non de l’unité de négociation.

[24]   Les fonctionnaires autres que FS des deux ministères en question ont été affectés à des postes de FS.   Ceux dont le taux maximal de rémunération du poste d’attache est inférieur au taux maximal de rémunération du poste FS auquel ils sont affectés (« sous-classement ») reçoivent une rémunération par intérim et paient des cotisations à l’APASE.   À l’inverse, ceux dont le taux maximal de rémunération du poste d’attache est supérieur au taux maximal de rémunération du poste FS auquel ils sont affectés (« surclassement ») ne reçoivent pas de rémunération par intérim et ne paient pas de cotisations à l’APASE.   Il s’agit de déterminer si les fonctionnaires de ce dernier groupe devraient payer des cotisations syndicales à l’APASE.

[25]   L’employeur affirme que ce sont des ententes de détachement.   En fait, ce sont des nominations déguisées.   Une entente de détachement n’est pas une mesure de dotation reconnue sous le régime de la LEFP.   Ces ententes ne comportent aucun fondement juridique.   Dans les faits, une entente de détachement correspond à une situation dans laquelle un fonctionnaire nommé pour une période indéterminée accepte une nomination pour une période déterminée en sachant qu’il ou elle cessera d’être employé(e) dans son poste de détachement et qu’il ou elle est assuré(e) de retrouver son poste d’attache.

[26]   Si le fonctionnaire occupe un poste de FS et accomplit du travail de FS, il se trouve, en raison de l’accréditation de l’unité de négociation de l’APASE, à faire partie de l’unité de négociation du groupe FS et il devrait payer des cotisations à l’APASE.

[27]   Le témoin de l’employeur a déclaré qu’une entente avait été conclue lors des négociations de 2001 en vue de désigner tous les postes de FS à l’étranger.   Cette entente a été inscrite auprès de la Commission, et celle-ci a produit des lettres de désignation à tous ces fonctionnaires.   La Formule 13 du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. (1993) est la lettre envoyée aux fonctionnaires.   Elle renferme une section à l’intention de l’agent négociateur, qui, à ne pas en douter, est l’APASE.   Le Ministère a décidé de façon arbitraire de ne pas envoyer ces lettres à certains fonctionnaires qui ne font pas partie de la catégorie FS. Cependant, la production de ces lettres par la Commission signifie que l’APASE est l’agent négociateur.

[28]   Tous les indices révèlent que les personnes occupant des postes de FS ont obtenu leur poste à la suite d’une nomination et qu’à ce titre, elles devraient être membres de l’unité de négociation de l’APASE.

[29]   L’APASE demande que la Commission ordonne à l’employeur de payer les cotisations syndicales que ces fonctionnaires auraient autrement versé à l’APASE.

[30]   M. Cochrane m’a renvoyé aux affaires suivantes : Doré c. Canada , [1987] 2 R.C.S. 503; Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489 et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, [1993] A.C.J. n o 1426 (C.A.F.) (QL).

Pour l’employeur

[31]   Les postes de FS sont des postes permutants et couvrent habituellement une période de deux à quatre ans.   Les ententes de détachement conclues par les fonctionnaires figurent dans les pièces E-12 et E-13.   Ces ententes prévoient le lieu de travail de la personne et la durée de l’affectation.

[32]   Dans la première entente de détachement figurant à la pièce E-12, le document révèle que l’agent participant est Gilles Couturier et qu’il a été détaché de Ressources naturelles Canada pour une période de deux ans.   Le poste occupé par M. Couturier est classifié ES-06.   Si ce fonctionnaire avait fait quelque chose d’importun pendant son détachement et qu’on avait mis fin à son emploi, il perdrait son poste de ES-6.   Si M. Couturier perdait un avantage prévu par sa convention collective du groupe ES, l’agent négociateur du groupe ES soumettrait le différend à la Commission afin qu’elle statue.   En conséquence, des cotisations devraient être versées à l’agent négociateur   du groupe ES dans ce cas particulier.

[33]   La question de la désignation n’est pas pertinente.   C’est le poste qui est désigné et c’est également ce que dit la Formule 13 produite par la Commission.   Si un poste est désigné, le titulaire ne peut pas faire la grève.   Si ce même poste devait être comblé par une personne extérieure au groupe FS, cette personne ne pourrait pas non plus faire la grève, car le poste d’attache de la personne se trouve dans une autre unité de négociation.

[34]   L’avocat de l’employeur m’a référé aux affaires suivantes : Keenan c. Canada (Commission de la Fonction publique) , [1989] 3 C.F. 643 (C.A.); Sinclair c. Canada (Conseil du Trésor), [1991] A.C.J. n o 1266 (C.A.F.) (QL); Institut professionnel de la fonction publique du Canada et Sénat du Canada, dossier de la CRTFP 469-S-3 (1992) (QL); Langlois v. Canada(1991), 46 F.C.R. 305; Virany c. Conseil du Trésor (Consommation et Affaires commerciales Canada), dossier de la CRTFP 166-2-24019 (1993) (QL); Roberts c. Canada (Procureur général), [1999] C.F.J. n o 323 (C.A.F.) (QL); et Elmore c. Canada (Procureur général) , [2000] C.J.F. n o 2028 (C.A.F.) (QL) .

Réplique du demandeur

[35]   Pour la période d’affectation des fonctionnaires dans des postes FS, ils devraient verser des cotisations à l’APASE.   Les fonctionnaires paient des cotisations à l’APASE lorsqu’ils reçoivent une rémunération intérimaire et ils devraient le faire également dans toutes les autres situations.

[36]   En l’espèce, les fonctionnaires exécutent des fonctions différentes de celles qui sont propres à leur poste d’attache.   Ils effectuent le travail décrit dans la définition du groupe FS, ce qui diffère de la jurisprudence citée par l’employeur.

[37]   Si les fonctionnaires occupent un poste de FS, ils doivent verser des cotisations du groupe FS.   Dans l’éventualité de conséquences négatives, comme des avantages plus grands dans leur poste d’attache que dans le poste FS, l’employeur doit s’adresser à l’APASE pour veiller à ce que leurs avantages soient protégés.

Motifs de décision

[38]   Le requérant fait notamment valoir que comme il avait été convenu en 2001 au MAECI que tous les postes à l’étranger seraient désignés et que la Formule 13 envoyée par la Commission renferme une partie intitulée « agent négociateur », il ne peut y avoir aucun doute que l’agent négociateur pour tous ces postes est l’APASE.   Les cotisations devraient donc être remises à l’APASE.

[39]   L’employeur affirme que la question des postes ayant des fonctions liées à la sécurité n’est pas pertinente en l’espèce.

[40]   Selon moi, le fait qu’il ait été convenu que tous les postes à l’étranger du MAECI étaient des postes désignés pendant le processus de négociation collective de 2001 n’a pas d’incidence sur la question dont je suis saisi.   La LRTFP énonce à l’article 78 une procédure par laquelle les parties conviennent ou non que certains postes doivent être désignés à des fins de sécurité.   C’est le poste qui est désigné.   Dans la présente affaire, tous s’entendent pour dire que les postes en question sont des postes de FS.   La seule question en litige consiste à déterminer si les titulaires des postes devraient payer des cotisations syndicales à l’APASE ou à l’agent négociateur de leur poste d’attache.

[41]   Le requérant fait également valoir que le terme « détachement » ne se trouve pas dans la LEFP et que dans les faits, cette mesure de dotation est une nomination.   Par conséquent, lorsqu’un fonctionnaire est nommé à un poste de FS, les cotisations sont dues à l’APASE.

[42]   Les ententes de détachement intervenues avec le MAECI qui ont été signées par les personnes (pièce E-12) renferment une déclaration selon laquelle, pour la durée du détachement, la personne demeure [traduction] «  [...] un fonctionnaire sur la liste de paie […]  » du ministère d’attache.   Faute de meilleur terme, la personne est « prêtée » au MAECI pendant la durée de l’affectation.   Celle-ci peut durer de deux à quatre ans.

[43]   La question du « détachement » a été traitée dans Keenan c. Canada (Commission de la fonction publique) , supra. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a statué, au paragraphe 4 de la version Quicklaw :

[…]

               Aux fins des présentes, il n'est pas nécessaire de définir les expressions "détachements", "affectation" et "nomination" de façon exhaustive. La différence importante entre les deux premiers concepts que le détachement vise l'"installation", pour employer les termes neutres, d'une personne d'un autre ministère ou organisme dans un poste donné, tandis que l'affectation concerne une personne déjà en poste au sein du même ministère ou organisme. La jurisprudence est claire à ce sujet: tous deux peuvent constituer ou non une nomination, selon les circonstances, voir notamment Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489; Doré c. Canada, [1987] 2 R.S.C. 503; et Lucas c. Canada (Comité d'appel de la Commission de la fonction publique), [1987] 3 C.F. 354 (C.A.). Je n'évoque ces décisions que pour illustrer que la question n'est pas réglée et qu'elle dépend grandement des circonstances de chaque cas .  

[…]

[44]   Comme nous le constatons, les circonstances particulières de chaque affaire établissent s’il s’agit d’un détachement, d’une nomination ou d’une affectation.

[45]   M. Cochrane a fait valoir que comme ces ententes de détachement étaient d’aussi longue durée, à savoir de deux à quatre ans, elles prenaient le caractère d’une affectation, comme le décrit la décision de la Cour suprême du Canada dans Doré c. Canada, supra .

[46]   Ma lecture et mon interprétation de l’affaire Doré , supra, indiquent qu’elle est très différente de l’espèce.   Dans Doré, il s’agissait d’une situation d’option dans laquelle le ministère employeur a affecté une personne à la fonction de superviseur et y a maintenu la personne pendant quelque neuf mois.   La candidate non retenue, M me Doré, a interjeté appel de l’affectation.   Le Ministère prétendait que l’affectation ne constituait pas une nomination à un poste donnant lieu à un droit d’appel.   La Cour suprême du Canada n’était pas d’accord avec le Ministère, statuant notamment, à la page 511 :

[…]

[...] bien que l'administration doive être en mesure d'affecter temporairement un fonctionnaire à de nouvelles fonctions sans donner lieu à l'application du principe du mérite et au droit d'appel, cet accommodement ne devrait plus pouvoir être utilisé lorsque, en l’espèce, on permet que la durée de l'affectation soit considérable et indéterminée au point que le titulaire du poste est présumé détenir un net avantage dans tout processus de sélection subséquent. […]  

[47]   La Cour suprême du Canada a statué que l’affectation aurait pu faire en sorte que le «  [...] titulaire du poste est présumé détenir un net avantage dans tout processus de sélection subséquent [...]  » et elle pourrait être considérée comme une nomination assortie de droits d’appel.   Autrement dit, la personne qui s’est vue affecter la fonction de superviseur pendant quelque neuf mois aurait eu un avantage distinct quand le poste de supervision aurait fait l’objet d’un concours.

[48]   Les postes de FS sont des postes permutants.   Personne n’est « titulaire » d’un poste comme tel.   Les fonctionnaires sont permutés dans divers postes; par conséquent, le fait d’être affecté à un poste de FS pendant deux à quatre ans ne confère au titulaire aucun avantage dans le processus de sélection subséquent en vue de ce poste parce qu’il n’y a « sélection » que lorsque le titulaire quitte.   En conséquence, la personne affectée dans le poste pendant deux à quatre ans n’obtient aucun avantage de sélection subséquent.   En ce sens, je ne conclus pas que ce sont des nominations et la situation particulière qui prévaut en l’espèce m’indique que dans les faits, ce sont des détachements comme le décrit la Cour d’appel fédérale dans Keenan , supra.

[49]   M. Cochrane a également affirmé que selon le mode de fonctionnement actuel de l’employeur, c’est le taux de rémunération maximal lié au poste d’attache d’une personne qui détermine à qui doivent être versées les cotisations syndicales de la personne.   Si le taux de rémunération maximal de la personne lié à son poste d’attache dépasse le taux maximal de rémunération du poste FS où cette personne est détachée (« surclassement »), l’employeur soutient que les cotisations doivent demeurer auprès de l’agent négociateur du poste d’attache.   Par ailleurs, si le taux de rémunération maximal du poste d’attache est inférieur au taux de rémunération maximal du poste FS en détachement (« sous-classement »), la personne qui occupe ce poste reçoit une rémunération par intérim de FS et les cotisations sont versées à l’APASE.   M. Cochrane faisait valoir que le salaire ne devrait pas déterminer à qui les cotisations sont versées.

[50]   Il semblerait que la mesure prise par l’employeur contrevient aux dispositions du paragraphe 3.01 de la convention collective du groupe FS.   La disposition prévoit ce qui suit :

Sous réserve des dispositions du présent article et à titre de condition d'emploi, l'Employeur retient sur la rémunération mensuelle de toutes les fonctionnaires de l'unité de négociation un montant qui est égal aux cotisations syndicales .

[51]   Je ne vois rien dans le paragraphe 3.01 ni ailleurs dans la convention collective qui dit que l’acheminement des cotisations syndicales est fonction du taux de rémunération du poste d’attache des fonctionnaires.   Dans les faits, c’est ce qui se produit.

[52]   L’unité de négociation a été définie de la façon suivante dans Association professionnelle des agents du service extérieurc . Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 142-2-326 (1999) (QL) :

Tous les fonctionnaires de l’employeur compris dans le groupe Service extérieur, tel que défini dans la Gazette du Canada du 27 mars 1999.

[53]   La partie I de la Gazette du Canada publiée le 27 mars 1999 renferme la définition suivante du groupe Service extérieur aux pages 820 et 821 :

Définition du groupe Service extérieur

Le groupe Service extérieur comprend les postes qui sont principalement liés à la planification, à l’élaboration, à l’exécution et à la promotion des politiques et intérêts du Canada en matière de diplomatie, de commerce, de droits de la personne, de culture, de promotion et de développement international dans les autres pays et dans les organisations internationales au moyen d’affectations successives dans le service extérieur.

Postes inclus

Sans limiter la généralité de la définition énoncée ci-dessus, sont inclus dans ce groupe les postes dont les responsabilités principales se rattachent à l’une ou à plusieurs des activités suivantes :

  1. politique en matière de relations et d’échanges commerciaux et économiques - planification, élaboration, réalisation ou gestion de politiques, de programmes, de services ou d’activités axés sur les relations économiques ou commerciales du Canada avec les autres pays, y compris le développement, la promotion ou le renforcement des intérêts économiques ou commerciaux du Canada dans des forums bilatéraux ou multilatéraux;
  2. relations politiques et économiques - planification, élaboration, réalisation ou gestion de politiques, de programmes, de services ou d’autres activités axés sur les relations politiques du Canada avec d’autres pays;
  3. immigration - exécution ou gestion des politiques, programmes, services et autres activités à l’appui du programme d’immigration du Canada à l’étranger;
  4. questions juridiques - prestation de conseils juridiques au gouvernement fédéral sur les obligations et les droits internationaux du Canada; interprétation et application d'obligations légales internationales; négociation de diverses ententes, traités et conventions bilatéraux et multilatéraux; défense de la position du Canada relativement à ces obligations et ententes, y compris le règlement de différends;
  5. communications et culture - planification, élaboration, réalisation ou gestion de politiques, de programmes, de services ou d’autres activités liés aux communications ou à la culture au Canada et à l’étranger afin de promouvoir le rôle du service extérieur du Canada auprès des Canadiens et de promouvoir le Canada à l’étranger;
  6. la prestation de conseils connexes.

Sont aussi inclus les postes occupés par des membres du groupe dans le cadre d’affectations au Canada.

Postes exclus

Les postes exclus du groupe Service extérieur sont ceux dont la principale raison d’être est comprise dans la définition d’un autre groupe ou ceux dont l’une ou plusieurs des activités suivantes sont primordiales :

  1. prestation de services administratifs ou de services d’information comme il est décrit dans le groupe Services des programmes et de l’administration;
  2. représentation dans d’autres pays des intérêts canadiens dans un domaine spécialisé lorsque le ou la titulaire n’est pas un ou une membre du personnel faisant carrière dans le service extérieur par affectations successives.

[54]   Dans la situation visée par cette requête, les fonctionnaires en question effectuent du travail de FS.   Les fonctionnaires occupent des postes de FS et le travail qu’ils exécutent se range nettement dans la définition du groupe Service extérieur (pièce E-4).   Ce fait n’est pas contesté.

[55]   La durée des détachements est l’autre fait qui n’est pas contesté en l’espèce.   Ce ne sont pas des affectations de trois à quatre mois dans le cadre desquelles il serait peut-être plus facile pour les agents négociateurs de convenir entre eux que les cotisations syndicales ne seront pas transférées d’une unité de négociation à une autre.   Ce sont plutôt des détachements de longue durée.

[56]   Quand M. Cochrane s’est penché pour la première fois sur la question de savoir à qui les cotisations syndicales étaient acheminées, il a réagi comme la personne qui commande un steak mais qui reçoit du boeuf tranché très mince; c’était beaucoup moins que prévu!

[57]   L’employeur déclare que M. Cochrane n’aurait pas dû être surpris de cette situation, parce qu’une situation semblable est survenue en 1992 et a été réglée par la Commission dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, supra.  La Commission a décrit le différend de la façon suivante :

[…]

Il s'agit ici d'une affaire renvoyée à l'arbitrage par l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'"Institut") en vertu de l'article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement.  L'Institut demande à la Commission d'ordonner au Sénat du Canada de retenir les cotisations syndicales d'une certaine M me Lank et de les lui remettre, en conformité avec l'article 11 de la convention collective qu'il a conclue avec le Sénat du Canada (et qui expire en septembre 1992).   La présente affaire a ceci de particulier que M me Lank est détachée au Sénat par suite d'une entente conclue avec son employeur normal, le Conseil du Trésor.   La Commission doit tout simplement déterminer si M me Lank est une employée du Sénat et si elle est visée par la convention collective susmentionnée.

[…]

[58]   La décision énonce notamment ce qui suit :

[…]

          Je conclus que M me Lank est et a toujours été une employée du Conseil du Trésor et que, par conséquent, elle n'est pas une employée du Sénat au sens de l'article 3 de la Loi sur les relations de travail au Parlement.

           L'énoncé des faits et l'entente de détachement montrent clairement qu'en fait, M me Lank devait rester et est restée une employée du Conseil du Trésor faisant partie de l'effectif du Service correctionnel du Canada.   Les paragraphes 5 et 6 de l'énoncé conjoint des faits le   montrent amplement.   J'aimerais également signaler que, selon le paragraphe 10 dudit énoncé, M me Lank était et est encore en congé de maternité.   Elle a demandé et vraisemblablement obtenu ce congé en vertu des conditions d'emploi des employés du Service correctionnel (voir la pièce 3).

          Du point de vue juridique, j'aurais également de la difficulté à conclure, étant donné l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Econosult [1991] 1 R.C.S. 614, que M me Lank est devenue une employée du Sénat du seul fait de son détachement, car je jugerais ainsi qu'elle n'est plus fonctionnaire, c'est-à-dire qu'elle a en quelque sorte agi de façon à révoquer sa nomination en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.   Or la preuve produite montre le contraire.  

[…]

[59]   L’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel fédérale et la demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

[60]   M. Cochrane a fait valoir que la requête actuelle diffère de l’affaire du « Sénat » citée précédemment en ce sens qu’à l’égard de l’affaire de l’APASE, il n’y a qu’un employeur, le Conseil du Trésor, et une loi applicable, la LRTFP.   L’avocat de l’employeur a déclaré que les mêmes principes s’appliquent en l’espèce.   Après avoir examiné la preuve dans cette affaire, je conviens avec M. Cochrane que l’affaire actuelle est différente.   En l’espèce, nous n’avons qu’un employeur, qui a établi que les cotisations syndicales sont acheminées à l’unité de négociation dont le taux de rémunération du poste d’attache est le plus élevé.   Cette pratique entre en contradiction avec cette convention collective.

[61]   La définition du groupe Service extérieur exclut certains postes comme le décrit le paragraphe 53 de la présente décision.   Elle énonce que :

[…]

Les postes exclus du groupe Service extérieur sont ceux […] dont l’une ou plusieurs des activités suivantes sont primordiales :

[…]

  1. représentation dans d’autres pays des intérêts canadiens dans un domaine spécialisé lorsque le ou la titulaire n’est pas un ou une membre du personnel faisant carrière dans le service extérieur par affectations successives.

[62]   Aucune des parties n’a présenté d’arguments sur ce point.   Toutefois, de prime abord, il semblerait que dans le cas des postes à l’extérieur du Canada qui comportent un détachement, ces postes peuvent être exclus du groupe FS.   Si tel est le cas, aucune cotisation rattachée à ces postes ne serait due à l’APASE avant que ces postes aient été dotés par un agent du service extérieur permutant.   Il se peut que les parties fonctionnent en ayant une compréhension différente de cette partie de la définition du groupe.  Par conséquent, je propose que les parties se rencontrent et discutent de son application à la situation actuelle.

[63]   Il semblerait, d’après les pièces qui m’ont été présentées, qu’au moins certains postes au Canada ne sont pas visés par cette exclusion.   Après avoir passé en revue toute la preuve produite dans le cadre de la présente requête, je ne vois pas pourquoi l’APASE ne recevrait pas les cotisations syndicales qu’elle demande à l’égard de ces postes canadiens.   L’employeur a plaidé qu’agir ainsi pourrait placer les fonctionnaires dans une position pire que celle dans laquelle ils se trouvaient déjà.   M. Cochrane a abordé ce point en déclarant que l’employeur pourrait demander la protection d’un avantage qu’un fonctionnaire recevait avant que l’entente de détachement soit achevée.   À mon avis, cette suggestion est une façon de protéger l’avantage du fonctionnaire et il pourrait y en avoir d’autres.   Il ne serait dans l’intérêt de personne qu’un fonctionnaire accepte un détachement uniquement pour se rendre compte qu’il n’est pas aussi bien nanti qu’il l’aurait été s’il était demeuré dans son poste d’attache.

[64]   M. Cochrane a fait valoir que si le fonctionnaire occupe un poste de FS et fait du travail de FS, il fait partie, suivant l’accréditation syndicale de l’APASE, de l’unité de négociation du groupe FS et il devrait payer des cotisations à l’APASE dans la mesure décrite précédemment.   Je souscris à cette position, sauf en ce qui a trait aux réserves formulées plus haut concernant l’exclusion possible du groupe FS des agents du service extérieur permutants contractuels qui occupent des postes de FS à l’extérieur du Canada.

[65]   L’employeur et l’APASE doivent se rencontrer pour déterminer le montant des cotisations dues à l’APASE conformément à cette décision, à compter de la date de la requête, soit le 29 octobre 2001.   Le montant dû sera remis à l’APASE.   Compte tenu de l’incertitude que j’ai exprimé relativement aux postes qui pourraient être exclus du groupe FS, je demeurerai saisi de cette requête si l’une ou l’autre des parties me le demande au plus tard le 29 octobre 2004.

Joseph W. Potter,
vice-président

 OTTAWA, le 27 août 2004.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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