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Résumé :

Code canadien du travail, Partie II (Santé et sécurité) - Refus de travailler en raison d'une interruption de l'approvisionnement en eau - Le salaire des plaignants a été réduit de l'équivalent du nombre d'heures non travaillées - Allégation de représailles contraires à l'article 147 - Plainte fondée sur l'article 133 - Motif raisonnable de croire qu'un danger existait - l'employeur a été informé qu'il y aurait un arrêt temporaire de l'approvisionnement en eau dans ses bureaux au cours de l'après-midi du 11 octobre 2001 - l'employeur a convoqué une réunion des représentants de la direction et du syndicat pour discuter de la situation; il a décidé d'apporter de l'eau en bouteille et de prendre des dispositions avec l'hôtel de ville situé près de là pour que les employés puissent y utiliser les toilettes - les plaignants ont exprimé des réserves concernant la situation au motif que les extincteurs automatiques à eau ne fonctionnaient pas, que certains employés continuaient d'utiliser les toilettes au lieu de travail même si elles n'étaient plus hygiéniques, et que les dispositions prises relativement à des toilettes de rechange ne convenaient pas - un agent de santé et de sécurité consulté au téléphone a déclaré qu'il n'existait aucun danger, mais il ne s'est pas rendu au lieu de travail avant le lendemain - les plaignants ont informé l'employeur qu'à leur avis le lieu de travail n'était pas sûr, et ils ont quitté les lieux approximativement deux heures avant la fin de la journée de travail - compte tenu du fait que l'agent de santé et de sécurité s'est ensuite rendu au lieu de travail et a déterminé qu'il n'existait aucun danger, décision à l'encontre de laquelle les plaignants n'ont pas interjeté appel, l'employeur s'est senti obligé de déduire deux heures pour le travail qui n'avait pas été effectué - les plaignants ont déposé la présente plainte en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail (le Code), alléguant que l'employeur avait enfreint l'article 147 en déduisant les deux heures pour un travail qui n'avait pas été effectué du fait que les plaignants avaient exercé leurs droits en vertu du paragraphe 128 (1) - les plaignants ont fait valoir que les conditions au lieu de travail ce jour-là n'étaient pas sûres et que l'employeur avait omis de prendre des mesures raisonnables - l'employeur a fait valoir que les plaignants n'avaient aucun motif raisonnable de croire que le lieu de travail était dangereux et que, par conséquent, la déduction du salaire était justifiée - l'arbitre a interprété de manière libérale le terme " danger " utilisé dans la partie II et elle a conclu que les employés avaient des motifs raisonnables de croire qu'il existait un danger - elle a conclu également que les plaignants avaient satisfait aux exigences des articles 128 et 129 du Code et que le fait que l'agent de santé et de sécurité n'était pas présent au lieu de travail signifiait qu'aucune décision qu'un danger existait n'avait été prise conformément à l'article 129 - puisque la décision de l'employeur de réduire la paie des plaignants découlait de l'exercice par ces derniers de leurs droits en vertu du Code, l'arbitre a ordonné le remboursement de leur salaire et la suppression de toute mention de leur refus de travailler dans leurs dossiers du personnel. Plainte accueillie. Décisions citées : Evans et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada-Service correctionnel), (160-2-14); N. McCann et Conseil du Trésor (Transports Canada) (160-2-42); John Pruyn et Agence des douanes et du revenu du Canada, 2002 CRTFP 17 (160-34-64); Martin et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada-Service correctionnel), (160-2-49); Rozon et autres c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 30 (160-2-67 à 76); Hutchinson et Conseil du Trésor (Environnement Canada), (166-2-28535); Hutchinson et Conseil du Trésor (Environnement Canada), (160-2-52); Robitaille et Conseil du Trésor (Ministère du Solliciteur général, Service correctionnel du Canada), (166-2-20997); Ladouceur et Conseil du Trésor (160-2-43); Bell Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1983] 2 C.F. 336, 51 N.R. 20 (C.A.); Roland D. Sabourin (1987), 69 di 61 (CCRT no 618); Société canadienne des postes (1993), 91 di 1 (CCRT no 998).

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2003-06-26
  • Dossier:  160-34-78
  • Référence:  2003 CRTFP 52

Devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique



ENTRE

LINDA KINHNICKI ET TERRY DUPUIS
plaignants

et

AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
employeur

AFFAIRE:  Plainte déposée en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail

Devant:  Francine Chad Smith, c.r.

Pour les plaignants:  Ian Daykin, représentant, Syndicat des employé(e)s de l'impôt, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:  Robert Lindey, avocat


Audience tenue à Saskatoon (Saskatchewan),
les 14 et 15 janvier 2003.


Introduction

[1]   La présente affaire porte sur des plaintes qui ont été déposées en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail. Les plaignants, Linda Kinhnicki et Terry Dupuis, ont exercé leur droit de refuser de travailler conformément au paragraphe 128 (1) du Code, et ont quitté le travail au cours de l'après-midi du 11 octobre 2001. Avant leur départ, un gestionnaire avait appelé un agent de santé et de sécurité de Santé Canada pour le consulter sur la situation. Au cours de cette conversation téléphonique, l'agent de santé et de sécurité a indiqué qu'à son avis, aucun danger n'existait au lieu de travail. Subséquemment, l'employeur, l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a déduit du salaire des plaignants l'équivalent de deux heures de travail. Dans leurs plaintes, les plaignants allèguent s'être fondés sur leur droit de refuser de travailler le 11 octobre et soutiennent que la déduction d'une partie de leur salaire contrevient à l'article 147 du Code canadien du travail.

Faits

[2]   Les faits essentiels ne sont pas en litige. Toutefois, les parties ont produit des preuves dont la perspective et le centre d'intérêt diffèrent.

[3]   Le 11 octobre 2001, il y a eu un arrêt temporaire de l'approvisionnement en eau dans l'immeuble où le bureau de Saskatoon de l'employeur se trouvait. Le bureau a été informé à 12 h 09 que l'approvisionnement en eau serait interrompu au cours de l'après-midi; à ce moment-là, personne ne pouvait dire combien de temps durerait l'interruption. La directrice du bureau de Saskatoon assistant alors à des réunions à Winnipeg, c'est le directeur par intérim, M. Randy Pangborn, qui a convoqué, à 12 h 45, une réunion regroupant un certain nombre de gestionnaires et de représentants syndicaux, y compris les membres du Comité de santé et de sécurité au travail qui étaient disponibles. Initialement, l'objet de la réunion était d'obtenir des détails sur l'interruption de l'approvisionnement en eau et d'élaborer un plan pour faire face à cette situation. Les participants à la réunion ont déterminé qu'il fallait obtenir des renseignements supplémentaires et que la réunion reprendrait donc son cours une heure plus tard. Dans l'intervalle, un courriel a été transmis à tous les chefs d'équipe concernant les toilettes à utiliser comme solution de rechange, et l'on a confirmé qu'il n'y aurait plus d'eau le reste de la journée.

[4]   Les parties se sont réunies à nouveau à 14 h 10. La direction a indiqué que le bureau ne fermerait pas, des dispositions ayant été prises pour que les employés utilisent les toilettes de l'hôtel de ville, et que l'on obtiendrait de l'eau pour le personnel si le service d'approvisionnement en eau n'était pas rétabli le lendemain matin. Mme Kinhnicki et M. Dupuis ont exprimé des craintes pour leur santé et leur sécurité au motif que les extincteurs automatiques à eau ne fonctionnaient pas, que des personnes continuaient à utiliser les salles de toilette sur place et qu'à leur avis, les dispositions prises relativement à des salles de toilette de rechange ne convenaient pas.

[5]   Au cours de la réunion, l'employeur a décidé de consulter un agent de santé et de sécurité de Santé Canada concernant l'arrêt de l'approvisionnement en eau et les questions soulevées à cet égard. Au même moment à peu près, M. Brian Graves, directeur adjoint, Recouvrement des recettes, a indiqué qu'il y avait trop de monde dans la salle de réunion. Par suite de cette remarque, tous les travailleurs syndiqués, y compris les représentants syndicaux faisant partie du Comité de santé et de sécurité au travail, ont quitté la réunion, à l'exception de Mme Kinhnicki et de M. Dupuis. M. Casey Peters, Directeur adjoint, Finance et administration, a alors appelé M. George Trask, un agent de santé et de sécurité, pour lui faire part de la situation et obtenir son avis. M. Trask a précisé qu'il fallait apporter de l'eau potable immédiatement (ce qui a été fait). Mme Kinhnicki a demandé la permission de s'entretenir avec M. Trask au sujet de ses craintes en matière de sécurité compte tenu du fait que les extincteurs automatiques à eau ne fonctionnaient pas et concernant également les salles de toilette. En outre, elle a demandé à l'agent de santé et de sécurité de se présenter sur les lieux pour effectuer une inspection. L'agent de santé et de sécurité a déclaré qu'il était dans l'impossibilité de se rendre sur place. Il a déclaré également que les extincteurs automatiques à eau avaient pour seul objet de protéger les biens de l'employeur, que des dispositions avaient été prises en vue de permettre l'utilisation de salles de toilette de rechange, et qu'à son avis aucun danger n'existait. Ses remarques ainsi que son opinion ont été communiquées à toutes les personnes présentes, y compris Mme Kinhnicki et M. Dupuis.

[6]   Mme Kinhnicki et M. Dupuis, qui étaient des membres exécutifs de l'un des syndicats, ont informé l'employeur qu'à titre personnel, chacun estimait que le lieu de travail posait des risques. Ils ont ensuite quitté le travail, soit environ deux heures avant la fin de la journée de travail.

[7]   La directrice, Mme Arlene White, est retournée au bureau le 12 octobre. Elle avait été préalablement informée de la situation par le directeur par intérim, M. Pangborn. Le 12 octobre au matin, une réunion à laquelle ont assisté les membres de la direction, les membres du Comité de santé et de sécurité au travail, Mme Kinhnicki, M. Dupuis et M. Trask, l'agent de santé et de sécurité, a été tenue. M. Trask a remis une lettre (pièce A-1) dans laquelle il indiquait qu'à son avis le lieu de travail ne posait aucun danger; des discussions ont suivi. Mme White n'était pas satisfaite de la teneur de la réunion. Elle avait des réserves quant à la façon dont l'agent de santé et de sécurité voyait les choses concernant Mme Kinhnicki et M. Dupuis, et elle estimait qu'aucun progrès ne serait réalisé à la réunion. Elle a demandé aux membres du Comité de santé et de sécurité au travail de désigner deux représentants - un de la direction et un autre, du syndicat - pour rédiger un rapport sur l'affaire.

[8]   À la suite de cette réunion, la directrice, Mme White, a rencontré les plaignants pour discuter des raisons qui les avaient poussés à refuser de travailler.

[9]   Le 15 octobre 2001, le rapport que la directrice, Mme White, avait demandé au Comité de santé et de sécurité au travail de préparer, a été déposé (pièce E-22). Le Comité en est arrivé à la conclusion que [Traduction] « nous ne pouvons affirmer que le lieu de travail ne posait aucun danger l'après-midi du 11 octobre ». Était joint également au rapport un résumé préparé par Mme Sandra McNiven, membre du Comité de santé et de sécurité au travail représentant le syndicat. Elle a confirmé dans son témoignage qu'elle avait conclu que les véhicules d'urgence n'avaient qu'un accès limité à la rue en raison des deux chantiers de construction.

[10]   Le 18 octobre 2001, l'agent de santé et de sécurité a remis son rapport d'enquête (pièce A-2), dans lequel il concluait qu'« à son avis aucun danger n'existait » (traduction).

[11]   Par suite de ses discussions avec les plaignants et de son examen des rapports, Mme White a conclu que ni l'un ni l'autre plaignant n'était satisfait de la manière dont la question de l'arrêt d'approvisionnement en eau avait été traitée. Tous deux ont déclaré être inquiets du degré de confusion qui avait régné et ont indiqué qu'à leur avis, la direction aurait dû être mieux outillée pour faire face à la situation. Mme White a témoigné que, si les plaignants ont déclaré qu'ils n'étaient pas d'accord avec les conclusions tirées par M. Trask, le fait qu'ils n'ont pas interjeté appel de cette décision signifie à son sens qu'en bout de ligne, ils conviennent que le lieu de travail ne présentait aucun danger. Mme White savait également que Mme Kinhnicki n'approuvait pas la manière dont M. Trask avait traité la question. Elle a témoigné qu'elle n'avait pas apprécié le comportement de M. Trask lors de la réunion du 12 octobre, qu'elle estimait que ce dernier s'était adressé à Mme Kinhnicki sur un ton disciplinaire et que, pour cette raison, elle avait donné une nouvelle orientation à la réunion. Mme White a conclu qu'il avait régné une profonde confusion sur la question de l'arrêt de l'approvisionnement en eau et que le geste des plaignants n'avait rien de malicieux et qu'il ne visait pas non plus à porter préjudice à l'employeur. Toutefois, se sentant obligée de déduire deux heures de salaire pour le travail qui n'avait pas été effectué, elle est allée de l'avant à cet égard. Les plaignants ont été avisés de la décision de la directrice, Mme White, dans des lettres datées du 25 octobre 2001 (pièces C-12 et C-13), qui indiquaient ceci :

[Traduction]

La feuille de temps pour votre absence de deux heures a été modifiée de façon à faire état d'une « absence non autorisée » 9850.

J'aimerais également vous informer à ce moment-ci qu'aucune mesure disciplinaire ne vous sera imposée pour cette absence.

[12]   Ni Mme Kinhnicki ni M. Dupuis n'a témoigné à l'audience. Toutefois, les craintes qu'ils ont éprouvées au cours de la période en question ont été exprimées dans le témoignage de nombreux autres témoins.

[13]   D'autres éléments de preuve ont permis d'obtenir des détails sur la confusion qui avait entouré la question et les problèmes concernant les processus généraux de santé et de sécurité au travail. Bien qu'elle ait demandé aux membres du Comité de santé et de sécurité au travail d'assister aux réunions, l'équipe de direction n'a pas paru saisir la portée du mandat de ce Comité ni ne lui a demandé de l'aide conformément à l'article 128 du Code canadien du travail. Au cours de la deuxième réunion, avant que l'on communique avec l'agent de santé et de sécurité, M. Brian Graves a déclaré qu'il y avait trop de monde à la réunion et suggéré que certains participants quittent les lieux. Si l'on s'en remet au témoignage de Mme Barb Olyniuk, des membres du syndicat, dont les membres du Comité de santé et de sécurité au travail, ont vu dans cette suggestion la formulation d'un ordre; ils ont donc quitté la réunion. L'équipe de direction a paru ne pas savoir exactement quel était le protocole à suivre aux fins d'évaluer la situation, et a été incapable de communiquer un sentiment de confiance aux participants à la réunion. Les membres du Comité de santé et de sécurité au travail représentant la direction connaissaient mal leurs responsabilités en matière de sécurité, et ils n'avaient reçu aucune formation à cet égard et, s'ils avaient reçu une formation, celle-ci était insuffisante. Le Comité de santé et de sécurité au travail ne jouait pas un rôle actif - peut-être convient-il davantage de dire approprié - au travail. Enfin, la directrice, Mme White, a témoigné que, malgré un certain nombre de rappels, le Comité de santé et de sécurité au travail n'avait pas donné suite aux instructions explicites qu'elle avait formulées à peu près un an avant cet incident aux fins de l'élaboration d'un document de protocole portant sur les questions de santé et de sécurité.

[14]   La preuve concernant l'immeuble abritant le lieu de travail, la répartition des employés y travaillant et une description de l'espace de travail des employés, a été obtenue par le témoignage de Mme White, la directrice. L'employeur occupait l'intégralité d'un immeuble de six étages doté d'un jour d'escalier au centre et d'une gaine d'ascenseur. L'espace de location s'élevait au total à 72 635 pieds carrés, dont 67 000 pieds carrés représentaient un espace utilisable, chaque étage comptant de 11 000 à 12 000 pieds carrés. À l'exception du rez-de-chaussée, le gros de l'espace des cinq autres étages était occupé par des postes de travail modulaires séparés par des cloisons partielles, où travaillaient un peu plus de 80 employés par étage. En outre, du deuxième au sixième étage, il y avait des bureaux, généralement situés dans chacun des quatre coins. Au total, environ 421 employés travaillaient dans l'immeuble.

[15]   L'approvisionnement en eau a dû être interrompu en raison de travaux de réparation mettant en cause une conduite principale parcourant la rue où se trouvait le lieu de travail. D'autres travaux de construction étaient effectués dans le même îlot et avaient pour effet d'interrompre la circulation sur le trottoir et d'accaparer la voie de stationnement qui se trouvait sur le même côté de la rue que le lieu de travail.

[16]   La preuve a porté également sur les dispositions prises relativement à l'utilisation de salles de toilette de rechange pour le bénéfice des employés. On avait prévu que les employés utiliseraient les salles de toilette publiques de l'hôtel de ville, qui se trouvait à moins d'un îlot. La preuve a établi que le trajet à pied entre les deux immeubles prenait environ une minute et demie et que, en cet après-midi d'automne, il faisait doux, de sorte qu'un chandail suffisait pour se tenir au chaud. Les salles de toilette publiques de l'hôtel de ville comptaient six toilettes, quatre éviers et deux urinoirs. Aucune preuve n'a été présentée sur la manière dont ces toilettes étaient séparées, le cas échéant, en fonction du sexe des utilisateurs. Par opposition, les salles de toilette au lieu de travail comptaient dix-huit toilettes et douze éviers pour les femmes (trois toilettes et deux éviers pour les femmes sur chaque étage), et dix toilettes, huit urinoirs et douze éviers pour les hommes (deux toilettes, un urinoir et deux éviers pour les hommes du premier au quatrième étage, et deux urinoirs, une toilette et deux éviers pour les hommes aux cinquième et sixième étages). La preuve a établi également que de nombreux employés allaient prendre leurs pauses dans des cafés-restaurants du voisinage, dont ils pouvaient utiliser les salles de toilette comme solution de rechange.

[17]   La politique sanitaire de l'employeur même a été déposée sous la cote U-16. Au paragraphe 3.1, elle précise que, conformément au Code national du bâtiment, les lieux de travail qui comptent plus de cinquante employés de chaque sexe doivent être dotés au minimum de trois cabinets d'aisances pour chaque sexe, et d'un cabinet d'aisances supplémentaire pour chaque ajout de 50 personnes de chaque sexe. Compte tenu du fait qu'il y avait 421 employés, et en l'absence de toute information concernant le nombre d'employés de chaque sexe, si l'on se reporte aux normes de l'employeur même, les employés auraient dû avoir accès à 12 cabinets d'aisances environ. Le paragraphe 3.2 de la politique sanitaire prévoit également que les salles de toilette ne doivent pas être situées à plus de 60 mètres du lieu de travail et plus d'un étage au-dessus ou en-dessous du lieu de travail. Enfin, je remarque que le paragraphe 2.3 prévoit que, lorsque l'approvisionnement en eau est interrompu temporairement, l'employeur établit des procédures d'urgence en consultation avec le comité de santé et de sécurité au travail concerné.

[18]   La preuve a révélé que, malgré que l'on ait ordonné la fermeture des salles de toilette dans l'immeuble, celles-ci avaient été utilisées et avaient été laissées dans un état non hygiénique toute la journée.

[19]   La politique du Conseil du Trésor sur la prévention des incendies (en vigueur à compter du 1994-06-04) a été déposée. D'après cette politique, les ministères doivent se conformer au Code national de prévention des incendies du Canada et au Code national du bâtiment du Canada. Le document numéroté CI 403, et intitulé Norme pour les réseaux d'extincteurs automatiques à eau, novembre 1994, a été déposé en preuve. Au paragraphe 1.1 de cette Norme, l'objectif est énoncé dans les termes suivants :

1.1 Objectif

La présente norme décrit les exigences concernant la conception, la construction, l'installation, l'inspection, la mise à l'essai et l'entretien des réseaux d'extincteurs automatiques à eau installés dans les propriétés de l'administration fédérale dans le but de réduire au minimum les risques pour les personnes et les biens et de protéger et maintenir la situation financière de l'administration.

[20]   L'article 1.2 précise que la norme s'applique à l'ensemble des ministères et des agences. Je n'entends pas me pencher sur la question de la norme exacte qui s'applique dans l'immeuble de l'employeur pour ce qui est du réseau d'extincteurs à eau. Aux fins de la présente affaire, il suffit à mon avis de signaler que des normes établies régissent les réseaux d'extincteurs automatiques à eau, que l'immeuble de l'employeur était doté d'un réseau d'extincteurs automatiques à eau, et que l'un des objets explicites de la politique en vigueur sur les extincteurs automatiques à eau est de réduire au minimum les risques pour les personnes. Je ne souhaite pas donner à entendre qu'une interruption de l'approvisionnement en eau, qui signifie que le réseau d'extincteurs automatiques à eau ne fonctionne pas pendant un certain temps, crée nécessairement un danger pour la santé et la sécurité des employés. Cette preuve est importante dans la mesure où elle constitue un facteur parmi les autres facteurs qui existaient au lieu de travail au moment pertinent, et où, en conséquence, elle a pu fonder une crainte légitime des plaignants.

Arguments

La thèse des plaignants

[21]   Ainsi qu'il a été indiqué au départ, les plaintes ont été déposées en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail, et font état d'un manquement par l'employeur à l'article 147 du Code, du fait qu'il a déduit deux heures de salaire pour le travail non effectué, les plaignants ayant exercé leurs droits sous le régime du paragraphe 128(1).

[22]   Les plaignants font valoir qu'il était dangereux pour eux de travailler dans le lieu de travail l'après-midi du 11 octobre 2001 et que l'employeur a omis de prendre des mesures raisonnables, compte tenu de toutes les circonstances qui existaient à ce moment-là. En ce qui concerne l'omission de la direction de prendre des mesures raisonnables, le représentant des plaignants s'est fondé sur les faits suivants : l'employeur n'a pas fait preuve de diligence raisonnable relativement à ses obligations légales et à ses propres politiques; l'équipe de direction ne connaissait pas ses fonctions et attributions en matière de santé et de sécurité au travail; et un grand nombre des membres de cette équipe de direction ignoraient encore les fonctions et attributions de l'employeur à la date de l'audience.

[23]   En outre, le représentant des plaignants a fait remarquer que l'équipe de direction n'avait pas procédé à une évaluation indépendante de la situation. Elle s'est fondée sur l'opinion du personnel de bureau régional et national, qui n'avait pas une connaissance directe de la situation. L'équipe de direction a négligé également de recourir au Comité de santé et de sécurité au travail ou de demander des conseils ou de l'aide à celui-ci.

[24]   Quant à la manière dont la question de l'arrêt de l'approvisionnement en eau a été traitée, le représentant des plaignants a déclaré que ses clients voyaient dans le déroulement des événements, y compris dans les décisions prises par la direction, un manquement par l'employeur au devoir de diligence auquel il est tenu envers ses employés.

[25]   Le représentant des plaignants a invoqué les articles 122.1 et 124 du Code canadien du travail, un certain nombre de codes contenant des normes fédérales, et la politique du Conseil du Trésor sur la prévention des incendies. Il a demandé que l'on adopte dans la présente affaire une interprétation du Code canadien du travail fondée sur l'objet, de manière à sanctionner l'action prise par les plaignants et à ordonner à l'employeur de verser à ces derniers le salaire déduit.

La thèse de l'employeur

[26]   L'avocat de l'employeur a fait valoir que les plaignants n'avaient aucun motif raisonnable de croire que le lieu de travail posait un danger. La décision de M. George Trask, l'agent de santé et de sécurité, liait les parties, et elle a été rendue et communiquée aux plaignants avant leur départ du lieu de travail. Par conséquent, les plaignants ont quitté leur travail en contravention du Code canadien du travail. Compte tenu de ces circonstances, l'avocat de l'employeur soutient-il, l'employeur était justifié de déduire de la paie des plaignants deux heures de salaire pour la période au cours de laquelle ils n'avaient pas travaillé.

[27]   L'avocat a invoqué les décisions suivantes : Evans et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), dossier de la Commission no 160-2-14, (1987) 11 CRTFP Décisions 8 (recueil), [1989] C.R.T.F.P.C. no 98 (W.L. Nisbet, c.r.); N. McCann et Conseil du Trésor (Transport Canada) dossier de la Commission no 160-2-42, (1991) 20 CRTFP Décisions 4 (recueil), [1991] C.R.T.F.P.C. no 313 (L. M. Tenace); et Sheila Green et Air Niagara Express Inc., CCRT Déc. no 983 (18 décembre 1992).

Questions en litige

[28]   La principale question en litige soulevée dans les plaintes déposées en vertu de l'article 133 du Code canadien du travail est celle de savoir si la déduction du salaire équivalant à deux heures de travail non effectuées contrevient à l'article 147. Compte tenu de la preuve et des arguments qui ont été présentés pour le compte des plaignants et de l'employeur, les questions spécifiques suivantes doivent être abordées :

  1. Qu'est-ce qu'un « danger » au sens de l'article 128 du Code?

  2. Les plaignants ont-ils satisfait aux exigences des articles 128 et 129?

  3. L'employeur s'est-il acquitté de la charge de prouver qu'il a réduit la paie des plaignants pour des raisons autres que l'exercice par les employés de leur droit de refuser de travailler sous le régime du Code?

  4. Dans l'affirmative, quelle est la mesure de réparation qui convient?

Décision

1) Qu'est-ce qu'un « danger » au sens de l'article 128 du Code?

[29]   L'article 128 de la partie II du Code est libellé dans les termes suivants :

Refus de travailler en cas de danger

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'employé au travail peut refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche s'il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

a) l'utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

c) l'accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

Exception

(2) L'employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d'utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d'accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d'une autre personne;

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

. . .

Rapport à l'employeur

(6) L'employé qui se prévaut des dispositions du paragraphe (1) ou qui en est empêché en vertu du paragraphe (4) fait sans délai rapport sur la question à son employeur.

Option de l'employé

(7) L'employé informe alors l'employeur, selon les modalités - de temps à autres - éventuellement prévues par règlement, de son intention de se prévaloir du présent article ou des dispositions d'une convention collective traitant du refus de travailler en cas de danger. Le choix de l'employé est, sauf accord à l'effet contraire avec l'employeur, irrévocable.

Mesures à prendre par l'employeur

(8) S'il reconnaît l'existence du danger, l'employeur prend sans délai les mesures qui s'imposent pour protéger les employés; il informe le comité local ou le représentant de la situation et des mesures prises.

Maintien du refus

(9) En l'absence de règlement de la situation au titre du paragraphe (8), l'employé, s'il y est fondé aux termes du présent article, peut maintenir son refus; il présente sans délai à l'employeur et au comité local ou au représentant un rapport circonstancié à cet effet.

Enquête

(10) Saisi du rapport, l'employeur fait enquête sans délai à ce sujet en présence de l'employé et, selon le cas :

a) d'au moins un membre du comité local, ce membre ne devant pas faire partie de la direction;

b) du représentant;

c) lorsque ni l'une ni l'autre des personnes visées aux alinéas a) et b) n'est disponible, d'au moins une personne choisie, dans le même lieu de travail, par l'employé.

Rapports multiples

(11) Lorsque plusieurs employés ont présenté à leur employeur des rapports au même effet, ils peuvent désigner l'un d'entre eux pour agir en leur nom dans le cadre de l'enquête.

Absence de l'employé

(12) L'employeur peut poursuivre son enquête en l'absence de l'employé lorsque ce dernier ou celui qui a été désigné au titre du paragraphe (11) décide de ne pas y assister.

Maintien du refus de travailler

(13) L'employé peut maintenir son refus s'il a des motifs raisonnables de croire que le danger continue d'exister malgré les mesures prises par l'employeur pour protéger les employés ou si ce dernier conteste son rapport. Dès qu'il est informé du maintien du refus, l'employeur en avise l'agent de santé et de sécurité.

Notification des mesures prises

(14) L'employeur informe le comité local ou le représentant des mesures qu'il a prises dans le cadre du paragraphe (13).

[30]   Il arrive fréquemment que l'on attribue au terme « danger » un élément important de préjudice. Le Random House Dictionary, dans son édition intégrale de 1967, attribue un tel sens au terme en question ainsi qu'un sens moins grave. Il définit « danger » dans les termes suivants :

[Traduction]

n. 1. Risque de subir un préjudice ou une blessure; péril. 2. Cas ou cause d'un risque. . . .

- Syn. 1. DANGER, RISQUE, PÉRIL, MENACE impliquent un certain tort ou préjudice qu'une personne peut subir. DANGER est le terme général désignant le risque de subir toute forme de préjudice ou de conséquence néfaste, qu'il soit rapproché et certain ou éloigné et incertain : être en danger d'attraper un rhume ou d'être tué. . . .
- Ant. 1. sécurité.

[31]   Aux fins de déterminer le sens à attribuer au terme « danger », il y a lieu de tenir compte du contexte dans lequel le terme est utilisé dans la disposition législative, ainsi que du sens généralement accepté du terme.

[32]   La partie II du Code canadien du travail règle la question des droits et des obligations des employeurs et des employés en matière de santé et de sécurité au travail. L'article 122.1 prévoit ceci :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi régi par ses dispositions.

[33]   Voici le texte de l'article 124 :

124. L'employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé ou de sécurité au travail.

[34]   Puis, l'article 125, « [d]ans le cadre de l'obligation générale définie à l'article 124 », énonce des normes plus précises, dont certaines sont reproduites ci-après :

(a) De veiller à ce que tous les ouvrages et bâtiments permanents et temporaires soient conformes aux normes réglementaires;

. . .

i) de fournir les installations sanitaires et personnelles réglementaires;

j) de fournir, conformément aux normes réglementaires, de l'eau potable;

. . .

n) de veiller à ce que l'aération, l'éclairage, la température, l'humidité, le bruit et les vibrations soient conformes aux normes réglementaires;

o) de se conformer aux normes réglementaires en matière de prévention des incendies et de mesures d'urgence;

p) de veiller, selon les modalités réglementaires, à ce que les employés puissent entrer dans le lieu de travail, en sortir et y demeurer en sécurité;

. . .

u) de veiller à ce que le lieu de travail, les postes de travail et les méthodes de travail soient conformes aux normes réglementaires d'ergonomie;

. . .

z.01) de veiller à ce que les membres du comité d'orientation, ainsi que les membres du comité local ou le représentant, reçoivent la formation réglementaire en matière de santé et de sécurité, et soient informés des responsabilités qui leur incombent sous le régime de la présente partie;

. . .

z.05) de consulter le comité d'orientation ou, à défaut, le comité local ou le représentant, en vue de planifier la mise en oeuvre des changements qui peuvent avoir une incidence sur la santé et la sécurité au travail, notamment sur le plan des procédés et des méthodes de travail;

. . .

z.07) de mettre à la disposition du comité d'orientation et du comité local des installations, le matériel et le personnel dont ils ont besoin dans le lieu de travail;

z.08) de collaborer avec le comité d'orientation et le comité local ou le représentant pour l'exécution des responsabilités qui leur incombent sous le régime de la présente partie;

. . .

[35]   Après avoir énoncé l'objet de la loi ainsi que les obligations et certaines des normes auxquelles les employeurs doivent se conformer, l'article 128 (et 129) de la Partie II prévoit ensuite le droit de l'employé de refuser de travailler s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu.

[36]   Comme nombre des fonctions et attributions imposées aux employeurs à l'article 125 incluent celle d'adhérer à des normes nationales en matière de bâtiment, d'hygiène et d'incendie, et comme l'un des objets établis de la partie II est de prévenir les blessures, je suis d'avis que le terme « danger », tel qu'il est utilisé dans la loi, a un sens large. Si l'on avait souhaité inclure le seul préjudice grave dans le sens du terme « danger », il aurait été simple et naturel d'utiliser un adjectif pour modifier le sens du terme ou encore d'utiliser un terme plus fort.

[37]   J'ai examiné également le libellé des articles 147 et 147.1, dont voici le texte :

Mesures disciplinaires

Interdiction générale à l'employeur

147. Il est interdit à l'employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s'il ne s'était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre - ou menacer de prendre - des mesures disciplinaires contre lui parce que :

a) soit il a témoigné - ou est sur le point de le faire - dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;

b) soit il a fourni à une personne agissant dans l'exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;

c) soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

L. R. (1985), ch. L-2, art. 147; L.R. (1985), ch. 9 (ler suppl.), art. 4; 2000, ch. 20, art. 14.

Abus de droits

147.1 (1) À l'issue des processus d'enquête et d'appel prévus aux articles 128 et 129, l'employeur peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard de l'employé qui s'est prévalu des droits prévus à ces articles s'il peut prouver que celui-ci a délibérément exercé ces droits de façon abusive.

Motifs écrits

(2) L'employeur doit fournir à l'employé, dans les quinze jours ouvrables suivant une demande à cet effet, les motifs des mesures prises à son égard.

2000, ch. 20, art. 14.

[38]   L'article 147 permet à l'employeur de prendre une mesure disciplinaire lorsque, à son avis, l'employé a délibérément exercé ses droits de façon abusive.

[39]   L'article 147.1, comme l'indique l'intitulé de la rubrique dans la loi, offre à l'employeur une autre solution après que tous les processus prévus aux articles 128 et 129 aient été épuisés. L'employeur peut prendre des mesures disciplinaires à l'égard de l'employé qui a délibérément exercé de façon abusive son droit de refuser de travailler.

[40]   L'effet combiné des articles 147 et 147.1 répond à deux objets. D'une part, celui d'exiger des employés qu'ils se conforment aux processus prescrits aux articles 128 et 129 en les exposant à des sanctions immédiates ou à des mesures disciplinaires en cas de non-respect. (Voir N. McCann et Conseil du Trésor, précité). D'autre part, celui de permettre que l'évaluation de la question de savoir si un danger existait réellement passe par tous les paliers de révision avant que l'on détermine si une mesure disciplinaire doit être imposée. Même alors, la mesure disciplinaire est limitée aux cas où l'employé exerce délibérément son droit de refuser de travailler de façon abusive. La condition selon laquelle l'employeur doit démontrer le caractère délibéré de l'exercice abusif indique une intention profonde d'accorder aux employés le bénéfice du doute lorsqu'ils invoquent leur droit de refuser de travailler conformément à l'article 128.

[41]   Si cela est juste, l'expression « a des motifs raisonnables de croire qu'il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu » au paragraphe 128(1) doit être interprétée de manière à refléter l'intention législative. C'est-à-dire que les employés qui refusent de travailler ne sont pas limités aux circonstances où un danger réel existe effectivement. Ils doivent aussi pouvoir se tromper dans leur évaluation de la situation, pour autant qu'ils aient estimé qu'un danger existait réellement et qu'ils aient eu des motifs de le croire compte tenu des conditions qui existaient dans le lieu de travail ou près de celui-ci au moment en question (voir de manière générale McCann et Evans, précité). Imposer une norme plus rigoureuse aux employés qui exercent leurs droits en vertu de l'article 128 serait contraire à l'intention législative clairement et récemment énoncée à l'article 147.1. L'impossibilité d'imposer une mesure disciplinaire à l'employé qui détermine à tort qu'un danger existait, mais qui a néanmoins agi de manière raisonnable et de bonne foi, constitue un élément important du régime de la partie II, dans la mesure où l'objectif ultime consiste à assurer la sécurité au travail grâce à une collaboration entre les parties intéressées, à savoir les employés et les employeurs.

[42]   Étant donné la vaste portée des obligations de l'employeur sous le régime des articles 124 et 125 ainsi que les obligations explicites reproduites précédemment, il semble qu'il y ait des motifs raisonnables de croire qu'il était dangereux de travailler dans le lieu de travail ou près de celui-ci lorsque l'approvisionnement en eau de l'immeuble a été interrompu le 11 octobre. (Voir de manière générale John Pruyn et Agence des douanes et du revenu du Canada, dossier de la Commission no 160-34-64 (L.-P. Guindon), 2002 CRTFP 17, [2002] C.R.T.F.P.C. no 11; Martin et Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), dossier de la Commission no 160-2-49 (L-P. Guindon), (1996) 29 CRTFP Décisions 3 (recueil), [1996] C.R.T.F.P.C. no 50; Rozon et autres c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), dossiers de la Commission nos 160-2-67 à 76, (J-P. Tessier), 2002 CRTFP 30, [2002] C.R.T.F.P.C. no 21; Hutchinson et Conseil du Trésor (Environnement Canada) , dossier de la Commission no 166-2-28535 (J. Potter), (1999) 35 CRTFP Décisions 39 (recueil), [1999] C.R.T.F.P.C. no 39; Hutchinson et Conseil du Trésor (Environnement Canada, CRTFP dossier no 160-2-52 (J.B. Turner), (1998) 33 CRTFP Décisions 5 (recueil), [1998] C.R.F.T.P.C. no 2; Robitaille et Conseil du Trésor (Ministère du Solliciteur général, Service correctionnel du Canada) , Dossier de la Commission no 166-2-20997 (J. Galipeault), (1991) 19 CRTFP Décisions 36 (recueil), [1991] C.R.T.F.P.C. no 114 ; Ladouceur et Conseil du Trésor, dossier de la Commission no 160-2-43 (T.O. Lowden), (1992) 22 CRTFP Décisions 4 (recueil), [1992] C.R.T.F.P. no 109.

2) Les plaignants ont-ils satisfait aux exigences des article 128 et 129 du Code en refusant de travailler?

[43]   Au nombre des exigences prévues à l'article 128 qui s'appliquent dans la présente affaire, l'employé doit notamment avoir des motifs raisonnables de croire qu'il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu de travail (alinéa 128 (1) b), Bell Canada c. Canada (Commission des relations de travail), [1983] 2 C.F. 336, 51 N.R. (C.A.); Roland D. Sabourin (1987), 69 di 61 (CCRT no 618); et Société canadienne des postes (1993), 91 di 1 (CCRT no 988)); faire rapport à l'employeur sur les circonstances du refus de travailler (paragraphe 128 (6)); et si, malgré les mesures prises par la suite par l'employeur, l'employé a des motifs raisonnables de croire que le danger continue d'exister, il avise l'employeur du maintien de son refus de travailler. Les faits qui entourent ces exigences et autres questions pertinentes sont discutés ci-après, bien que ce ne soit pas dans l'ordre dans lequel ils ont été énoncés.

[44]   Rapport : Il est clair que les plaignants craignaient l'impact qu'aurait sur leur santé et leur sécurité l'interruption de l'approvisionnement en eau. Leurs inquiétudes portaient en particulier sur les salles de toilette et l'absence de la protection qu'offrent les extincteurs automatiques à eau. Bien que les questions de l'évacuation de l'immeuble et de l'accès à celui-ci par les véhicules d'urgence aient été mentionnées dans le rapport du Comité de santé et de sécurité au travail, et que ces questions aient pu se rapporter à la crainte que les plaignants éprouvaient du fait que le réseau d'extincteurs automatiques à eau ne fonctionnerait pas en cas d'incendie, il semble que les plaignants n'aient pas fait part de leurs inquiétudes à cet égard. Ils ont bel et bien exprimé leurs inquiétudes à la directrice, Mme White, le lendemain, concernant la confusion et l'ignorance manifestée par l'équipe de direction à l'égard des procédures à suivre, mais, il reste que, de toute évidence, ils n'ont pas fait de ces inquiétudes à l'équipe de direction au moment opportun. J'estime malgré tout que les plaignants ont exprimé suffisamment de raisons de croire qu'un danger existait et qu'ils ont donc satisfait aux exigences prévues à l'article 128 pour ce qui est d'informer l'employeur des circonstances entourant leur refus de travailler.

[45]   Décision de l'agent de santé et de sécurité : L'employeur a appelé l'agent de santé et de sécurité en réponse aux inquiétudes exprimées par les plaignants. Il s'agit d'une procédure que le Code prévoit lorsqu'il est impossible de régler une situation où des employés refusent de travailler et que l'on a demandé la participation du comité de santé et de sécurité constitué pour le lieu de travail conformément au paragraphe 128(9).

[46]   Si la question n'est pas réglée malgré la participation du comité de santé et de sécurité, l'article 129 prévoit la marche à suivre dans les cas où l'employé continue de refuser de travailler. Dans un tel cas, l'exigence procédurale consiste, pour l'agent de santé et de sécurité, à effectuer une enquête. Si l'employé n'est pas satisfait de l'enquête et du rapport de l'agent de santé et de sécurité, le paragraphe 129(7) lui accorde un droit d'appel. Le paragraphe 129(7) prévoit également que, si l'agent de santé et de sécurité conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 pour refuser de travailler même si un appel a déjà été interjeté.

[47]   Bien que cette question n'ait pas été soulevée directement par les parties à l'audience, je me suis interrogée sur le fait que l'agent de santé et de sécurité a déterminé qu'aucun danger n'existait, alors qu'il ne s'est pas présenté au lieu de travail. La preuve a révélé que la plaignante, Mme Kinhnicki, avait expressément demandé à l'agent de santé et de sécurité de se présenter au lieu de travail l'après-midi en question pour faire enquête, et que ce dernier lui avait dit qu'il était dans l'impossibilité de se rendre sur place. Je fait remarquer également que, si l'agent de santé et de sécurité s'était présenté à l'immeuble, il aurait pu voir les chantiers de construction qui avaient cours dans la rue et prendre en considération la grandeur des locaux de l'employeur et le nombre de personnes se trouvant dans l'immeuble.

[48]   L'article 129 prévoit ceci :

Enquête de l'agent de santé et de sécurité

129. (1) Une fois informé, conformément au paragraphe 128(13), du maintien du refus, l'agent de santé et de sécurité effectue sans délai une enquête sur la question en présence de l'employeur, de l'employé et d'un membre du comité local ayant été choisi par les employés ou du représentant, selon le cas, ou, à défaut, de tout employé du même lieu de travail que désigne l'employé intéressé, ou fait effectuer cette enquête par un autre agent de santé et de sécurité.

Rapports multiples

(2) Lorsque plusieurs employés maintiennent leur refus, ils peuvent désigner l'un d'entre eux pour agir en leur nom dans le cadre de l'enquête.

Absence de l'employé

(3) L'agent peut procéder à l'enquête en l'absence de toute personne mentionnée aux paragraphes (1) ou (2) qui décide de ne pas y assister.

Décision de l'agent

(4) Au terme de l'enquête, l'agent décide de l'existence du danger et informe aussitôt par écrit l'employeur et l'employé de sa décision.

Continuation du travail dans certains cas

(5) Avant la tenue de l'enquête et tant que l'agent n'a pas rendu sa décision, l'employeur peut exiger la présence de l'employé en un lieu sûr proche du lieu en cause ou affecter celui-ci à d'autres tâches convenables. Il ne peut toutefois affecter un autre employé au poste du premier que si les conditions suivantes sont réunies :

  1. cet employé a les compétences voulues;

  2. il a fait part à cet employé du refus de son prédécesseur et des motifs du refus;

  3. il croit, pour des motifs raisonnables, que le remplacement ne constitue pas un danger pour cet employé.

Instructions de l'agent

(6) S'il conclut à l'existence du danger, l'agent donne, en vertu du paragraphe 145(2), les instructions qu'il juge indiquées. L'employé peut maintenir son refus jusqu'à l'exécution des instructions ou leur modification ou annulation dans le cadre de la présente partie.

Appel

(7) Si l'agent conclut à l'absence de danger, l'employé ne peut se prévaloir de l'article 128 ou du présent article pour maintenir son refus; il peut toutefois - personnellement ou par l'entremise de la personne qu'il désigne à cette fin - appeler par écrit de la décision à un agent d'appel dans un délai de dix jours à compter de la réception de celle-ci.

L.R. (1985), ch. L-2, art. 129; L.R. (1985), ch. 9 (1er suppl.), art. 4; 1993, ch. 42, art. 7(F); 2000, ch. 20, art. 10.

[49]   À mon avis, cette disposition signifie que l'agent de santé et de sécurité doit se présenter sur les lieux en cause pour y discuter de la question avec les personnes intéressées et pour examiner la situation lui-même. Voir Evans et Conseil du Trésor, précitée, où l'arbitre W. L. Nisbet, c. r., a écrit ceci :

[Traduction]

Dès lors qu'il est informé d'un refus de travailler par l'employé concerné ou l'employeur, l'agent de sécurité est tenu par la loi d'effectuer une enquête ou de faire effectuer une enquête par un autre agent de sécurité en la présence de l'employeur et de l'employé ou de son représentant.

[50]   À mon avis, la présence subséquente au lieu de travail ne suffit pas pour corriger l'omission initiale de s'y présenter. J'en suis donc arrivée à la conclusion que, au 11 octobre 2001, lorsque les plaignants ont refusé de travailler, aucune décision d'un agent de santé et de sécurité selon laquelle il n'existait aucun danger n'avait été prise conformément à l'article 129.

[51]   Instructions de l'agent de santé et de sécurité : Toutefois, on ne peut faire abstraction de la déclaration de l'agent de santé et de sécurité selon laquelle aucun danger n'existait. Le paragraphe 126(1) énumère un certain nombre des obligations des employés relativement à la sécurité au travail. On peut dire de manière générale que, conformément à cette disposition, les employés doivent effectuer leur travail en toute sécurité, se conformer aux politiques et directives en matière de sécurité, collaborer sur ces questions et signaler toute crainte en matière de sécurité et tout manquement à des procédures relatives à la sécurité. L'alinéa 126(1)i) est cependant d'une importance particulière :

126 (1) L'employé au travail est tenu :

. . .

i) de se conformer aux instructions verbales ou écrites de l'agent de santé et de sécurité ou de l'agent d'appel en matière de santé et de sécurité des employés;

[52]   À mon avis, les obligations de l'employé ne se rapportent d'aucune manière à la déclaration qu'a faite l'agent de santé et de sécurité le 11 octobre concernant la sécurité du lieu de travail. Je suis d'avis que cette obligation se rapporte aux instructions formulées par un agent de santé et de sécurité conformément à l'article 145 et, plus particulièrement dans la présente affaire, relativement aux paragraphes 145 (1) et 145 (1.1), qui prévoient ceci :

Cessation d'une contravention

145. (1) S'il est d'avis qu'une contravention à la présente partie vient d'être commise ou est en train de l'être, l'agent de santé et de sécurité peut donner à l'employeur ou à l'employé en cause l'instruction :

a) d'y mettre fin dans le délai qu'il précise;

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu'il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

Confirmation par écrit

(1.1) Il confirme par écrit toute instruction verbale :

a) avant de quitter le lieu de travail si l'instruction y a été donnée;

b) dans les meilleurs délais par courrier ou par fac-similé ou autre mode de communication électronique dans tout autre cas.

[53]   Cette disposition vise les instructions qu'un agent de santé et de sécurité peut formuler pour prévenir les blessures ou pour remédier à une situation dangereuse au lieu de travail. L'ordre, formulée par l'agent de santé et de sécurité à l'employeur, d'apporter de l'eau potable, est visé par cette définition. En revanche, sa déclaration qu'aucun danger n'existait n'est pas visée par cette définition.

[54]   J'en suis arrivée à la conclusion que, l'après-midi du 11 octobre, les parties devaient appliquer le volet de l'article 128 se rapportant au règlement de la situation et que, parce qu'aucune enquête visée à l'article 129 n'a été effectuée par un agent de santé et de sécurité, les plaignants étaient admis à exercer le droit, qui leur est conféré à l'article 128, de refuser de travailler. L'opinion que l'agent de santé et de sécurité a exprimée au téléphone alors qu'il ne s'était pas rendu au lieu de travail ne constituait pas une décision d'un agent de santé et de sécurité au sens du paragraphe 129(4), ni une instruction visée à l'article 126, auxquelles les parties devaient se conformer.

[55]   À la suite de la participation de l'agent de santé et de sécurité le 11 octobre 2002, les plaignants ont refusé de travailler, et l'employeur connaissait parfaitement les raisons motivant leur refus à ce moment-là.

[56]   Conviction des plaignants : La directrice, Mme White, a pris la décision de réduire le salaire des plaignants au motif que ces derniers ont refusé de travailler l'après-midi du 11 octobre 2001, se fondant sur le fait qu'ils avaient refusé de travailler après que l'agent de santé et de sécurité eut indiqué au téléphone qu'aucun danger n'existait au lieu de travail. Mme White a pris en considération également le principe suivant lequel l'absence de travail entraîne l'absence de paie, et le fait qu'elle a été incapable de trouver dans la convention collective une disposition justifiant le paiement aux plaignants du salaire représentant les heures non travaillées. J'ai cru comprendre, compte tenu de son témoignage, qu'elle n'était pas particulièrement heureuse de déduire les deux heures de salaire de la paie de chacun des plaignants, mais qu'elle s'estimait obligée d'agir ainsi en tant que gestionnaire responsable. L'une des raisons pour laquelle elle s'est sentie obligée de réduire le salaire est que les plaignants lui avaient dit qu'ils n'avaient pas l'intention d'en appeler de la décision de l'agent de santé et de sécurité sous le régime du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail.

[57]   Ayant examiné le comportement des plaignants à la lumière de tous les faits et des dispositions législatives, je conclus qu'il existait des inquiétudes réelles concernant le processus suivi par l'employeur pour faire face à la situation, les dispositions effectivement prises par l'employeur pour régler la question de l'interruption de l'approvisionnement en eau, l'impact de ces dispositions sur le lieu de travail, et le processus suivi par l'agent de santé et de sécurité. Ayant pris note de ces éléments, je reconnais que les plaignants peuvent ne pas avoir formulé pleinement toutes leurs inquiétudes au moment où les événements entourant l'interruption de l'approvisionnement en eau se sont produits. Le refus des plaignants de travailler compte tenu de toutes ces circonstances n'était pas, à mon avis, un exercice abusif de leur droit de refuser de travailler. Mme White, la directrice, l'a d'ailleurs reconnu franchement. Je conclus que les plaignants avaient des motifs raisonnables de croire, et qu'ils ont effectivement cru, qu'un danger existait.

[58]   Il faut préciser qu'aucun des témoins ni aucune des parties n'a indiqué que l'équipe de direction avait agi de mauvaise foi ou par négligence ou qu'elle ne s'était pas acquittée de ses responsabilités avec sérieux. Toutefois, j'estime également que les parties conviendraient qu'en l'absence de la directrice, l'équipe de direction est aujourd'hui - et le sera à l'avenir - mieux outillée pour faire face à des situations mettant en cause des questions de santé et de sécurité. Je suis d'avis également que la responsabilité première, en ce qui concerne les questions de cette nature, incombe à l'employeur (voir de manière générale les articles 124 et 125 du Code), mais j'invite - et prie instamment - les syndicats qui représentent les employés au lieu de travail à prendre une part active à l'examen de telles questions, puisque le processus vise d'abord et avant tout à profiter à leurs membres. Je crois que, dans toutes les situations de cette nature, il incombe également à l'exécutif du syndicat et à tous les membres des comités de santé et de sécurité au travail de jouer un rôle proactif, de concert avec l'employeur, en vue de régler les questions qui se posent. Dans la présente affaire, malgré le fait que le processus a échoué, l'équipe de direction de l'employeur a, dès les premiers instants, fait participer le personnel concerné qui était disponible.

[59]   En l'espèce, le recours institué n'est pas un appel de la décision de l'agent de santé et de sécurité; par conséquent, j'estime, et il s'agit ici d'une remarque incidente, qu'il sera utile d'aider les parties à formuler des remarques sur les questions que je pose sur les circonstances qui ont donné lieu aux plaintes. Je suis d'accord avec la prétention des plaignants selon laquelle l'équipe de direction responsable ce jour-là n'a pas démontré qu'elle était en mesure de régler la question de l'interruption de l'approvisionnement en eau et qu'elle connaissait l'impact de celle-ci sur le lieu de travail. Néanmoins, en bout de ligne, un certain nombre de mesures raisonnables ont été prises. Toutefois, à mon avis (je sais que je le dis après coup), il aurait fallu verrouiller les salles de toilette de l'immeuble ou prendre des mesures pour empêcher les employés de les utiliser. En outre, j'ignore dans quelle mesure il est raisonnable de s'attendre à ce que 421 employés environ utilisent des salles de toilettes qui se trouvent un peu plus loin dans l'îlot - sans mentionner qu'ils devaient d'abord quitter l'étage où ils travaillaient et emprunter l'escalier ou l'ascenseur - pendant une période de travail d'au moins quatre heures. À cet égard, je tiens compte du fait également que ces employés se trouvaient répartis sur six étages dans l'immeuble, que deux chantiers de construction étaient en cours à l'extérieur de l'immeuble et que ceux-ci compromettaient au moins dans une certaine mesure l'accès et l'évacuation des employés. Mme Sandra MacNevin a témoigné, en plus d'indiquer dans son rapport, qui a fait partie du rapport du Comité de santé et de sécurité (pièce E-22), qu'à son avis les chantiers de construction posaient un problème au niveau de l'accès des véhicules d'urgence.

[60]   L'omission d'avoir convenablement verrouillé ou fermé d'une autre manière les salles de toilette au lieu de travail et l'afflux d'utilisateurs dans les salles de toilette de l'hôtel de ville ont eu pour effet d'exposer les employés à des conditions sanitaires inacceptables dans ces lieux et au moment de retourner au lieu de travail.

[61]   Le représentant des plaignants s'est fondé sur la proximité de cet incident, dans le temps, avec les attaques perpétrées contre les tours à New York le 11 septembre 2001, pour donner plus de crédibilité aux craintes exprimées par les plaignants. Toutefois, compte tenu du témoignage de Mme White, suivant lequel cette dernière a admis que les plaignants avaient agi de bonne foi, il n'est pas nécessaire que je me prononce sur l'effet que la crise du 11 septembre a eu ou a pu avoir sur les personnes concernées ou touchées par l'interruption de l'approvisionnement en eau.

3) L'employeur s'est-il acquitté de la charge de prouver qu'il a réduit la paie des plaignants pour des raisons autres que l'exercice par les employés de leur droit de refuser de travailler sous le régime du Code?

[62]   L'employeur a fondé sa défense sur la question des motifs raisonnables plutôt que sur cette troisième question. L'employeur a répugné à réduire le salaire des plaignants pour les deux heures non travaillées et il n'y a aucune preuve d'une intention disciplinaire de la part de l'employeur; je conclus cependant que sa décision se rapportait à l'exercice par les plaignants des droits que leur confère le Code. D'après l'article 147, les employés auraient travaillé et auraient été payés n'eût été l'exercice de leurs droits. Je conclus par conséquent que l'employeur ne s'est pas acquitté de la charge de preuve qui lui incombe.

4) La mesure de réparation

[63]   Le pouvoir de prononcer une mesure de réparation est prévu dans les termes suivants à l'article 134 du Code canadien du travail :

134. S'il décide que l'employeur a contrevenu à l'article 147, le Conseil peut, par ordonnance, lui enjoindre de mettre fin à la contravention et en outre, s'il y a lieu :

a) de permettre à tout employé touché par la contravention de reprendre son travail;

b) de réintégrer dans son emploi tout ancien employé touché par la contravention;

c) de verser à tout employé ou ancien employé touché par la contravention une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la rémunération qui lui aurait été payée s'il n'y avait pas eu contravention;

d) d'annuler toute mesure disciplinaire prise à l'encontre d'un employé touché par la contravention et de payer à celui-ci une indemnité équivalant au plus, à son avis, à la sanction pécuniaire ou autre qui lui a été imposée par l'employeur.

[64]   Les plaignants ont demandé le remboursement du salaire qui avait été déduit pour les heures non travaillées le 11 octobre 2001; par conséquent, j'ordonne que le montant du salaire en question soit versé aux plaignants et que ces derniers soient remis dans leur position antérieure en ce qui concerne tout droit à des avantages sociaux qui peuvent en découler. J'ordonne également que tout renvoi à leur refus de travailler le 11 octobre 2001 et à la déduction du salaire découlant de ce refus soient supprimés de leur dossier du personnel et de tout dossier supplémentaire se rapportant au rendement, maintenus par leurs superviseurs.

[65]   En conclusion, je signale que la Commission des relations de travail dans la fonction publique tire son pouvoir de se pencher sur cette affaire du paragraphe 123(2) du Code canadien du travail, des paragraphes 11(1) et (1.1) de la Loi sur la gestion des finances publiques, et du paragraphe 2(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

Francine Chad Smith, c.r.,
Commissaire

6 juin 2003.

Traduction de la C.R.T.F.P.

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