Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Pratiques déloyales de travail - Plaintes fondées sur l'alinéa 13(1)a) de la Loi sur les relations de travail au Parlement alléguant violation du paragraphe 6(1) de la Loi - Ingérence dans la représentation syndicale - les plaignants étaient des agents négociateurs qui avaient allégué que les défendeurs, tous des cadres supérieurs, étaient intervenus dans la représentation des employés des unités de négociation pertinentes en menant, sans consulter au préalable les plaignants, un sondage auprès des employés qui abordait certaines questions relevant de la négociation collective - la Commission a fait remarquer que la jurisprudence a établi que, bien qu'un employeur ait le droit de communiquer directement avec ses employés, il doit exercer ce droit judicieusement et ne peut l'utiliser en vue de miner le rôle de l'agent négociateur - en se fondant sur la preuve, la Commission a conclu que le sondage portait sur plusieurs sujets qui faisaient l'objet ou auraient pu faire l'objet de négociations collectives entre l'employeur et les plaignants - de plus, en ce qui concerne le sondage, il n'y avait eu aucune consultation significative qui permettrait d'affirmer qu'on a accordé aux plaignants une occasion raisonnable de participer au processus - il n'était pas crucial à ce genre de plainte que la communication avec les employés syndiqués ait eu lieu durant les négociations collectives, pas plus qu'il n'était nécessaire de prouver l'intention d'ingérence - la Commission a conclu que, dans un sens limité et subtil, le sondage avait porté atteinte à la capacité des plaignants de représenter les membres en soulevant des questions quant à l'utilité et à la nécessité des agents négociateurs - la Commission a rendu une décision déclaratoire portant que les défendeurs avaient violé le paragraphe 6(1) de la Loi sur les relations de travail au Parlement. Plaintes admises. Décisions citées : Saskatchewan Wheat Pool, [1996] C.L.R.B.D. No. 17, C.C.R.T. Décision no 1167 (C.C.R.T.); United Nurses of Alberta v. Alberta Healthcare Association, [1995] 95 CLLC 143,711 (Alberta Labour Relations Board).

Contenu de la décision

Dossiers: 461-HC-10 461-HC-11 461-HC-12

Loi sur les relations Devant la Commission des relations de travail au Parlement de travail dans la fonction publique ENTRE L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA, L’ASSOCIATION DES EMPLOYÉS DU SERVICE DE SÉCURITÉ ET LE SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

plaignants et ROBERT MARLEAU, MARY ANNE GRIFFITHS ET JACQUES SABOURIN défendeurs AFFAIRE: Plaintes fondées sur l'article 13 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

Devant: Yvon Tarte, président Pour les plaignants: Dougald Brown, avocat Pour les défendeurs: Jacques Emond, avocat les 14 et 15 novembre 1996 ainsi que les 1

Affaire entendue à Ottawa, e r et 2 avril 1997.

Decision Page 1 DÉCISION Les trois plaintes portent sur un questionnaire de sondage envoyé à tous les employés de la Chambre des communes. Les faits essentiels dans les trois plaintes sont identiques et ne sont pas en général contestés. Les parties ont demandé que les trois plaintes soient entendues ensemble et qu’une seule décision soit rendue pour trancher les questions en litige. Les trois plaignants sont des agents négociateurs accrédités en vertu de la Loi sur les relations de travail au Parlement et seront ci-après désignés par leurs sigles respectifs, à savoir l’AFPC (ou l’Alliance), l’AESS et le SCEP.

Les défendeurs Robert Marleau, Mary Ann Griffiths et Jacques Sabourin sont respectivement greffier de la Chambre des communes, sous-greffier de la Chambre, Administration et directeur général des Ressources humaines. Deux des défendeurs, MM. Marleau et Sabourin, ont témoigné.

Les plaintes ont été déposées en vertu de l’article 13 de la Loi sur les relations de travail au parlement (la Loi), qui dit ce qui suit : 13. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui- ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 6, 7 ou 8;

b) mis à effet une disposition d'une décision arbitrale; c) mis à effet une décision d'un arbitre sur un grief; d) respecté l'un des règlements pris en matière de griefs par la Commission conformément à l'article 71.

(2) Dans les cas où, en application du paragraphe (1), la Commission juge une personne coupable d'un des manquements énoncés dans les alinéas (1)a) à d), elle peut rendre une ordonnance enjoignant à cette personne de remédier à son manquement ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu'elle juge approprié. Elle adresse en outre son ordonnance :

a) lorsque l'auteur du manquement a agi ou prétendu agir pour le compte de l'employeur, à celui-ci;

b) lorsque la personne a agi ou prétendu agir pour le compte d'une organisation syndicale, au dirigeant attitré de celle-ci.

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Decision Page 2 Plus précisément, les plaintes portent sur l’interdiction prévue au paragraphe 6(1) de la Loi : 6. (1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des employés par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

Les plaignants demandent une déclaration portant qu’il y a eu violation du paragraphe 6(1) de la Loi, une ordonnance d’interdiction ainsi que certaines ordonnances concernant le questionnaire et ses résultats.

Les faits Au début de la précédente législature, à la fin de 1993, le gouvernement a clairement fait savoir que la fonction publique ferait l’objet d’un examen de programme plus serré. La Chambre des communes a décidé de prendre les devants et d’agir rapidement.

Au printemps de 1995, la Chambre des communes a créé une équipe de transition pour produire un plan de renouveau. En juin et octobre 1995, deux documents traitant du processus de renouveau ont été rédigés. M. Marleau se réfère à ces documents dans les termes suivants dans la note de service qu'il a envoyée à tous les employés le 19 février 1996 (pièce E-1) : Depuis quelque temps maintenant, nous sommes engagés dans un important processus de renouveau. À la lumière des documents intitulés Plan de renouveau (juin 1995) et Aperçu de l'ordre des priorités des programmes et des dépenses (octobre 1995), une série d'activités ont été entreprises pour permettre à la Chambre des communes d'atteindre son objectif, qui est de rationaliser ses opérations, de devenir plus efficace, de réduire ses effectifs et de faire des économies tout en continuant à fournir aux députés un service compétent et professionnel, conformément aux directives approuvées par les députés eux-mêmes.

Au printemps de 1996, plusieurs comités de direction avaient été créés pour étudier les divers thèmes traités dans l'Aperçu. De plus, le Groupe de travail sur la culture de l’organisation [aussi appelé le Groupe de travail sur la culture d’entreprise

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Decision Page 3 dans quelques documents] a été formé. Les comités de direction et le Groupe de travail sur la culture de l’organisation devaient travailler en étroite collaboration avec l'Équipe de transition dirigée par M. Marleau. Ce dernier a refusé les demandes des agents négociateurs de participer aux activités de l'Équipe de transition parce qu'il estimait que le processus de renouveau devait être pris en charge par la direction.

La Chambre des communes a annoncé qu'elle était à la recherche de volontaires pour son Groupe de travail sur la culture de l'organisation (pièce E-2) : Le Chambre des communes est actuellement à la recherche de 6 à 8 volontaires désireux de faire partie du nouveau Groupe de travail sur la culture d'entreprise. L'équipe supérieure de gestion s'est fixé comme objectif de restructurer la Chambre pour en faire une organisation plus rationalisée et plus efficace, disposant de moins d'employés et opérant à un coût moindre, tout en continuant à offrir un service compétent et professionnel aux députés et au public. C'est grâce à la culture d'entreprise, à ses forces et à ses faiblesses, que la Chambre des communes pourra atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés.

Pour être en mesure de relever les défis qui l'attendent, la Chambre des communes doit évoluer dans une culture qui fasse une grande place au savoir, à la collaboration, à l'innovation, à la prise l'expérimentation, ce qui adaptabilité. Pour prendre harmonieusement son virage vers le renouveau, la Chambre doit pouvoir compter sur une direction intègre et sur des employés compétents, motivés, engagés et investis de la confiance totale de la direction.

Le Groupe de travail sur la culture d'entreprise contribuera au renouveau de la Chambre. Plus précisément, le Groupe:

favorisera le virage culturel; fournira des conseils sur la façon de lever les obstacles à l'implantation de la culture visée;

prévoira diverses activités favorisant l'implantation de la culture d'entreprise (petits déjeuners, forums, etc.);

évaluera les programmes existants et les nouveaux programmes (Programme d'attestation du mérite des employés, enquête sur les attitudes des employés, etc.);

offrira des conseils sur l'incidence qu'auront les politiques et les initiatives actuelles et futures sur la culture et sur la

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de risques calculés et à lui donnera souplesse et

Decision Page 4 façon dont la culture agira sur les mesures et les dispositions prises.

La composition du Groupe de travail devra, dans la mesure du possible, être représentative de la population de la Chambre, c'est-à-dire que plusieurs niveaux et services devront y être présents. En outre, les participants devront faire preuve d'un esprit novateur et ne pas avoir peur du changement; ils devront accorder une grande importance à l'aspect humain, au savoir et à la communication; enfin, ils devront être prêts à consacrer un minimum d'heures aux activités du Groupe.

Les personnes désireuses de faire partie du Groupe de travail sont priées de communiquer avec Anne Bouffard ou Marie-Andrée Lajoie (par note de service à l'adresse suivante: pièce 1200, 151, rue Sparks, par télécopieur (995-5357) ou encore par courrier électronique) avant le 31 août 1995. Les candidats sont invités à fournir les raisons de leur intérêt et également à indiquer ce qu'ils pensent pouvoir apporter au Groupe de travail.

M. Marleau a témoigné que, bien que l'Équipe de transition n'eût aucune influence sur la sélection des membres du Groupe de travail sur la culture de l’organisation, il y a accordé son « appui intellectuel ». À l'été de 1995, avant d'annoncer la recherche de volontaires, le Groupe de travail a présenté une note d'information à l'Équipe supérieure de gestion, dont font partie les trois défendeurs. L'objet de cette note était d'obtenir l'appui de la Chambre pour le travail du Groupe de travail sur la culture de l’organisation. Les services de M me Diane Salt, experte en communications et membre de l'Équipe de transition, ont été mis à la disposition du Groupe de travail.

La réponse à la demande de volontaires pour le Groupe de travail sur la culture de l’organisation a été très bonne. Afin de remplir le mandat du Groupe de travail, les volontaires se sont regroupés en plusieurs comités, notamment un comité de direction et le Comité chargé de prendre le pouls de l'organisation (CPO). À sa première réunion en janvier ou février 1996, le CPO a discuté de la possibilité de mener un sondage auprès des employés pour connaître leurs attitudes et solliciter des idées de changement. À la mi-février 1996, le Groupe de travail sur la culture de l’organisation a rencontré M. John Luik , un consultant que la Chambre des communes avait engagé à titre de facilitateur du processus. Le CPO a abordé la

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Decision Page 5 question du sondage avec M. Luik, qui en a à son tour parlé à M. Marleau. Après avoir obtenu l’approbation conditionnelle de M. Marleau, M. Luik a rapporté ce qui suit au CPO le 27 février 1996 (pièce E-13) :

[Traduction] J’ai parlé du sondage à M. Marleau et il accepte avec plaisir que votre groupe en conçoive un et le réalise. Il vous demande cependant de faire trois choses :

1) lui faire part, par courrier électronique, de ce que vous envisagez;

2) lui montrer le questionnaire lorsqu’il sera prêt; 3) travailler avec moi afin qu’il soit bien conçu. J’ai sa permission de passer un certain temps avec votre groupe. Veuillez me faire savoir quand vous voulez travailler. Je vous remettrez des spécimens de sondages auprès des employés que nous avons utilisés ailleurs.

Le 26 avril 1996, le CPO a présenté une ébauche du Sondage d’opinion des employés à M. Marleau pour qu’il l’approuve (pièce E-15). Dans sa note de service à M. Marleau, le CPO a signalé que, pour aller de l’avant avec le projet de sondage, il avait besoin que la haute direction appuie le projet, approuve les questions du sondage et autorise les fonds nécessaires. On a demandé au CPO de présenter son projet à l’Équipe supérieure de gestion (ESG). À la suite de cette présentation le 15 mai 1995, l’Équipe supérieure de gestion a approuvé le projet de sondage et a enregistré sa décision à cet effet comme suit (pièce E-18) :

Sondage de l’opinion des employés de la Chambre des communes

Yves Legault et Ted Buglas, membres du Sous-comité chargé de prendre le pouls de l’organisation (Groupe de travail sur la culture de l’organisation), présentent la proposition du Comité visant la tenue d’un sondage d’opinion. Les objectifs du sondage sont les suivants :

obtenir un certain nombre de données fondamentales permettant de mesurer les progrès de la Chambre des communes en matière de renouveau;

établir les fondements d’un partenariat entre les gestionnaires et les employés sur les points importants

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Decision Page 6 grâce à des plans d’action concrets et axés sur les résultats;

fournir à la direction des mécanismes fiables de communication ascendante en vue de planifier les mesures à prendre au sein de la Chambre des communes.

Il est convenu - Que la proposition soit approuvée et que les employés soient autorisés à remplir le questionnaire pendant les heures de travail. L’ÉSG fixe les dates du 6 et du 7 juin à cette fin. Il est également convenu, - Que des fonds soient dégagés pour permettre le recours aux services d’un conseil indépendant chargé d’analyser les résultats; on convient aussi d’utiliser la franchise postale du Greffier pour envoyer directement les formulaires remplis au conseil. On convient en outre d’autoriser l’impression du questionnaire en deux couleurs.

Les membres de l’ÉSG émettent quelques observations au sujet du contenu du questionnaire et demandent que le conseil retenu étudie les résultats avant de les communiquer aux employés. L’ÉSG demande également à être mis (sic) au courant des résultats avant les employés. LA DGRH propose que les syndicats soient informés de la tenue du sondage à la réunion conjointe prévue cette semaine.

Les membres de l’ÉSG félicitent le Sous-comité chargé de prendre le pouls de l’organisation pour l’excellence de son rapport et de son exposé.

Une réunion régulière de consultation patronale-syndicale a eu lieu le 22 mai 1996. Bien que le projet de sondage du CPO ne fût pas à l’ordre du jour, la question a été soulevée à la réunion, conformément à la suggestion qu’avait faite M. Sabourin à la réunion du 15 mai de l’ESG (supra). Voici un extrait du procès-verbal de cette réunion (pièce U-1, onglet 2) :

(Traduction) 1. EXPOSÉ DU COMITÉ SUR LE POULS DE L’ORGANISATION 1.1 Les membres du Comité sur le pouls de l’organisation, lequel est un sous-groupe du Groupe de travail sur la culture de l’organisation, font un exposé au sujet du sondage d’opinion qui doit être effectué auprès de l’ensemble des employés de la Chambre le 6 juin 1996. Les réponses des employés seront entièrement confidentielles. Le sondage servira à recueillir leur opinion sur divers sujets reliés au travail et répartis

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Decision Page 7 selon trois thèmes : attitude de l’employé, climat de l’organisation et culture de l’organisation. Une centaine de questions seront posées aux employés et les résultats seront communiqués simultanément à tous les employés au début de septembre. L’Équipe supérieure de gestion a convenu de payer un cabinet de consultation spécialisé pour compiler les réponses des employés.

Le SCEP entretient de sérieuses réserves à l’égard des « sondages d’attitudes » et de la façon dont les résultats sont interprétés et utilisés. Il demande si le sondage renferme des questions au sujet des syndicats. Aux dires du SCEP, ce sondage leur a été « imposé » et son utilisation est une façon d’écarter les agents négociateurs. Enfin, le SCEP se demande qui paiera pour les services du consultant et pourquoi le questionnaire en cause n’a pas été distribué aux participants à la présente réunion.

La Gestion répond que le Comité sur le pouls de l’organisation est entièrement dirigé par des employés et que la Gestion n’intervient pas dans le contenu ou le déroulement de ses travaux. Elle confirme qu’avec l’approbation de l’Équipe supérieure de gestion, l’ébauche du questionnaire sera communiquée aux syndicats avant d’être envoyée aux employés.

L’AFPC abonde dans le même sens que le SCEP et ajoute qu’elle aurait être consultée et qu’elle a été écartée du processus. Ses représentants précisent qu’ils sont conscients de la somme de travail investie dans le sondage et ne veulent pas priver les membres de ce comité du crédit qu’ils méritent.

L’IPFPC remercie les membres du Comité pour leur exposé et mentionne qu’à son avis, il n’y a eu aucune tentative délibérée pour écarter les syndicats et que maintenant que le Comité sur le pouls de l’organisation est au courant de l’existence des syndicats, des agents négociateurs devraient être intégrés au processus. Ses représentants demandent eux aussi à obtenir une copie du questionnaire avant que celui-ci ne soit envoyé aux employés.

L’AESS affirme avoir de l’admiration pour les groupes d’employés qui s’efforcent de faire changer les choses et encourage ses propres membres à faire partie de ce genre de comité. Ses représentants estiment eux aussi qu’une ébauche du questionnaire devrait leur être fournie avant d’être distribuée, ne

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Decision Page 8 serait-ce que pour les rassurer. L’AESS met aussi en garde tous les participants du CCPS contre la tentation de réviser le questionnaire. L’AESS termine en affirmant qu’il s’agit d’un bon travail et que « c’est un signe que les choses changent sur la colline ». Même l’existence du présent comité témoigne d’une évolution positive et tous doivent reconnaître que la Gestion ne peut pas changer du jour au lendemain et qu’au cours des trois dernières années, il y a eu une amélioration sensible. L’AESS exhorte tout le monde à la patience.

Les membres du Comité sur le pouls de l’organisation précisent que la moitié des participants au Groupe de travail sur la culture de l’organisation sont syndiqués et que leur intention n’était nullement d’écarter les syndicats. Ils réitèrent leur intention d’informer les agents négociateurs et proposent d’offrir des séances d’information aux employés à la demande des agents négociateurs.

Le SCEP mentionne que le Groupe de travail sur les communications a envoyé un questionnaire à quelque 100 employés dans lequel on leur demande d’indiquer leur satisfaction à l’égard de la qualité des communications dans les réunions syndicales. Le SCEP trouve cette question inacceptable et envisage de déposer une plainte officielle pour ingérence dans les affaires syndicales.

La Gestion est d’accord avec le SCEP et souligne que le présent questionnaire n’a aucunement pour but de s’ingérer dans les affaires syndicales. Elle signale aussi que deux représentants syndicaux faisant partie du présent CCPS sont membres du Groupe de travail sur les communications et qu’ils n’ont signalé aucun problème avec ce sondage tendancieux. La Gestion reconnaît l’erreur et offre ses plus sincères excuses. Elle ajoute qu’elle partagera avec tous les représentants les résultats du présent sondage.

Un membre de l’exécutif de l’IPFPC précise qu’il faisait partie du groupe de travail en question et a admis ne pas avoir lu le questionnaire avant qu’il ne soit envoyé aux employés et que par contre, le questionnaire a été conçu après un examen attentif des documents existants et que son objectif ne visait nullement à s’ingérer dans les affaires syndicales.

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Decision Page 9 À la suite de cette réunion patronale-syndicale, l’Équipe supérieure de gestion a autorisé la communication du questionnaire du sondage aux agents négociateurs. Les 27 et 28 mai, après avoir eu l’occasion d’examiner le questionnaire, les trois plaignants ont soulevé des réserves auprès de la Chambre des communes. Dans la lettre qu’il a envoyée à M. Sabourin (pièce U-1, onglet 5), le SCEP a affirmé que l’envoi du questionnaire à ses membres était tout à fait déplacé et qu’il portait atteinte à ses droits de représentation, et il a demandé qu’on ne distribue pas le questionnaire à ses membres. Le 28 mai, dans sa lettre à M. Sabourin (pièce I-1, onglet 7), l’Alliance a avancé les mêmes arguments et a ajouté que l’agent négociateur avait de sérieuses réserves à propos des questions [traduction] « qui [avaient] trait, entre autres, à la santé et à la sécurité au travail, aux heures de travail et au temps supplémentaire ainsi qu’à l’administration de la paye, des questions qui [étaient] régies par les diverses conventions collectives ».

Compte tenu de ces objections, une réunion a été convoquée le 3 juin 1996 afin de permettre aux plaignants de rencontrer le CPO, M. Sabourin et M me Griffiths. Selon M. Yves Legault, un membre du CPO, à la réunion du 3 juin les agents négociateurs ont formulé leurs réserves de façon plus explicite. M. Sabourin a témoigné que, à cette réunion, les plaignants ont continué de réclamer l’abandon du sondage. En contre-interrogatoire, M. Sabourin a exprimé l’avis qu’il serait inopportun que la direction sonde les syndiqués sur des questions directement reliées à la paye et que cela placerait la direction dans une situation « précaire » si, dans un tel sondage, elle abordait des avantages reliés au travail.

À la suite de la réunion, le CPO a envoyé la note de service suivante à tous les participants à la réunion (pièce E-17) : À la lumière de la réunion qui s’est tenue en début d’après-midi, le Comité a soigneusement étudié chacun des points soulevés et aimerait vous faire part de sa décision d’aller de l’avant avec le sondage de l’opinion des employés.

Tout au long de ce projet initié par des employés, nous nous sommes efforcés de faire participer le plus grand nombre de personnes possible au stade de l’élaboration. Ainsi, notre groupe est composé d’employés de différentes catégories d’emplois, différents secteurs et comprend des employés syndiqués et non syndiqués.

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Decision Page 10 Nous reconnaissons que des consultations officielles avec les agents de négociation et les représentants de la direction nous auraient fournis de précieux renseignements sur le contenu du sondage. Nous n’avons jamais eu l’intention d’écarter les syndicats qui, nous le savons bien, ont pour mandat de représenter leurs employés. Cependant, nous sommes persuadés que le sondage que nous avons élaboré nous fournira des informations fiables sur tous les employés de la Chambre des communes et sur l’organisation dans son ensemble.

Même si nous allons de l’avant avec le projet tel que prévu, nous avons néanmoins apporté plusieurs changements afin de répondre à certaines préoccupations émises par les représentants des syndicats, en particulier au sujet de la confidentialité des données relatives aux variables démographiques. Nous avons réglé le problème en éliminant la question dans laquelle nous demandions aux employés de donner leur groupe professionnel. En outre, la ventilation par département a été élargie afin de garantir l’anonymat des répondants.

De plus, nous avons éliminé du texte de présentation du sondage la mention selon laquelle « les gestionnaires et les employés collaborent à l’établissement des priorités, à la préparation des plans d’action et à l’application des mesures jugées nécessaires à la lumière de l’analyse des données », afin de permettre une plus grande souplesse dans l’utilisation des résultats.

C’est le 6 juin que nous lançons notre sondage, mais cela ne constitue qu’un commencement. Il reste encore à discuter de la stratégie à adopter pour appliquer les résultats du sondage. D’ici la fin du mois d’août, nous espérons pouvoir établir les paramètres de l’analyse des données, de la présentation des résultats à tous les employés de la Chambre, ainsi que la façon d’appliquer le résultats, en collaboration avec tous (sic) les personnes intéressées. Nous solliciterons votre avis en la matière plus tard ce mois-ci.

Bien évidemment, de nombreuses occasions de consultation entre la direction et les syndicats se présenteront encore. La collaboration au cours des mois qui viennent ne peut qu’être bénéfique pour tous et augmenter les avantages du sondage. Nous savons que les représentants syndicaux prendront leurs décisions dans l’intérêt de leurs membres.

En vous remerciant de l’intérêt que vous portez au sondage, nous vous invitons à communiquer avec nous si besoin est.

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Decision Page 11 M. Marleau a témoigné qu’il n’avait jamais demandé le droit d’opposer son veto à toute question du sondage, puisqu’il voulait que le CPO prenne toutes les décisions et gère le processus. M. Sabourin, en revanche, a déclaré que M. Marleau avoir le pouvoir d’opposer son veto à toute question, à toutes série de questions, voire à tout le projet.

Le questionnaire du sondage a été distribué à tous les employés de la Chambre des communes le 6 juin 1996. Les résultats du sondage ont été rendus publics le 11 septembre 1996.

Les parties ont échangé leurs plaidoiries et répliques par écrit dans la présente affaire. Voici le texte intégral de leurs plaidoiries.

Argumentation des plaignants [Traduction] LA LÉGISLATION La disposition de la Loi sur les relations de travail au Parlement qui s’applique paragraphe 6(1) :

6(1) Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des employés par une telle organisation ou dans les affaires en général de celle-ci.

Cette disposition est semblable aux dispositions qui existent dans le Code canadien du travail [al. 94(1)a)], dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique [par. 8(1)] et dans la plupart des lois provinciales en matière de relations du travail.

ANALYSE Les commissions des relations de travail canadiennes reconnaissent dans de nombreuses décisions que le rôle du syndicat en tant qu'agent négociateur exclusif peut être miné par les tentatives de l’employeur de communiquer directement avec les employés sur des questions touchant le milieu de travail. Même lorsque les communications ne sont

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à ces plaintes est le

Decision Page 12 pas faites dans l'intention expresse d'avoir le dessus sur le syndicat, elles peuvent transmettre un message subtil mais efficace comme quoi il est possible de protéger et de promouvoir les intérêts des employés sans syndicat. De nombreuses décisions des commissions canadiennes des relations de travail ont reconnu qu'un employeur doit respecter scrupuleusement la ligne fine qui sépare les communications appropriées de l'employeur de celles qui ne le sont pas. On trouve dans Saskatchewan Wheat Pool, [1996] C.L.R.B.D. No. 17 (au paragraphe 31), CCRT Décision n o 1167, un résumé utile de l'approche adoptée par les commissions des relations de travail dans ces affaires :

Toutefois, ce que ces décisions montrent clairement par ailleurs, c'est que le contexte des relations de travail dans lequel ces communications ont lieu, le contenu des communications et les conséquences, voulues ou non, qu'elles ont sur le pouvoir de l'agent négociateur sont autant de facteurs critiques qui aident à déterminer si l'employeur a franchi le seuil qui sépare une communication directe permise par le Code d'une communication qui ne l'est pas. Le processus de communication dans un milieu de travail syndiqué est dynamique et, par ses diverses permutations et formes, il peut influer non seulement sur les relations employeur-employé, mais également sur les relations employé-agent négociateur.

Le paragraphe 6(1) de La loi sur les relations de travail au Parlement n'interdit pas l'introduction de programmes destinés à favoriser et à promouvoir une plus grande participation des employés au travail. Dans Syndicat canadien de la Fonction publique, Division de radio- télévision et Société Radio-Canada, 27 C.L.R.B.R. (2d) 110, CCRT Décision n o 1102, le CCRT a récemment tranché une affaire dans laquelle l'employeur avait introduit un processus de participation des employés appelé « Possibilités de changement ». Les observations du CCRT dans l'affaire SRC s'appliquent tout autant en l'espèce :

Des consultations et une interaction accrues entre la direction et les travailleurs sur les questions touchant le milieu du travail sont non seulement souhaitables mais, dans l'environnement socio-économique actuel, de plus en plus nécessaires. Pour que le patronat et les syndicats établissent les relations de travail positives et les pratiques de négociation collective que le Parlement entendait appuyer et encourager lorsqu'il a promulgué le Code canadien du travail, les parties, comme le syndicat et l'employeur à la SRC, doivent, pour surmonter les circonstances difficiles de l'heure,

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Decision Page 13 adopter, en matière de relations du travail, des stratégies progressistes et réalistes. Des stratégies qui tiennent compte de la situation actuelle sur le plan de l'économie et de la concurrence, tout en appréciant l'indispensable interdépendance mutuelle du syndicat et de l'employeur pour ce qui est de promouvoir et de réaliser le bien-être commun à l'exploitation de l'employeur et aux conditions de travail des employés en « assurant à tous une juste part des fruits du progrès », pour reprendre les termes qu'emploie le législateur dans le préambule du Code.

Dans les circonstances qui règnent à la SRC, il est compréhensible que l'employeur ait cherché à établir un processus apte à faciliter cette participation générale des employés qu'il souhaitait atteindre. Toutefois, dans un milieu syndiqué, l'employeur ne peut instituer un programme de participation des employés, du genre du PDC, qui soit axé sur des domaines qui ressortent directement au syndicat, soit aux termes de la convention collective ou à la table de négociation, sans faire intervenir ce dernier dans l'instauration et la gestion de ce processus. Pour obtenir de bons résultats, l'employeur qui désire instaurer un programme consultatif en milieu de travail syndiqué doit y faire participer le syndicat d'une façon significative. Pour s'assurer que le processus consultatif créé ne contrevient pas aux dispositions du Code, l'employeur doit veiller à ce que sa mise en oeuvre ne contribue pas à renverser, contourner ou remplacer le rôle légitime d'agent négociateur exclusif du syndicat, ou, aux termes de l'article 94, ne constitue pas une ingérence dans l'administration d'un syndicat ou la représentation des employés.

De même, le syndicat ne devrait pas être en mesure de faire échec au processus consultatif en refusant d'y participer. Lorsque des formules progressistes de relations du travail sont mises en place ou lorsque des efforts sont tentés à une telle fin, les réalités actuelles du monde du travail empêchent le Conseil d'envisager la conduite de l'employeur dans l'abstrait. En l'espèce, si l'employeur avait, en adoptant ce processus, pris des mesures concrètes pour assurer la participation du syndicat, le Conseil aurait pu aborder l'affaire différemment (Société canadienne des postes, supra).

Le syndicat ne peut s'appuyer sur le Code pour faire échouer une tentative de l'employeur, par ailleurs légitime et conforme aux dispositions du Code, en vue

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Decision Page 14 d'instaurer des stratégies de relations professionnelles efficaces, aptes à amener le syndicat et ses adhérents à faire face aux mutations que doit subir le monde du travail pour être en mesure de contrer les réalités de l'économie et des relations de travail et pour assurer le bien-être mutuel de l'employeur, du syndicat et, ce qui est plus important, des employés.

Si l'employeur fait un effort réel et raisonnable en vue de faire participer un syndicat à un processus consultatif qui satisfait aux exigences énoncées dans la présente décision et que ce syndicat refuse d'y participer, le Conseil pourrait bien refuser, si les circonstances le justifiaient, d'ordonner, comme il en a la discrétion, les mesures correctives prévues à l'article 99, même si la conduite subséquente de l'employeur, à strictement parler, contrevenait à l'article 94. (c'est nous qui soulignons)

Le CCRT a conclu que la SRC, en élaborant et en mettant en oeuvre le processus de consultation « Possibilités de changement » sans faire participer le syndicat, avait violé l'alinéa 94(1)a) du Code canadien du travail.

Défaut de consulter les agents négociateurs En l'occurrence, les plaignants ont été privés de tout rôle dans l'élaboration et la mise en oeuvre des divers processus de participation des employés qui ont suivi le lancement du « plan de renouveau » à la Chambre des Communes. On ne trouve nulle part dans le mandat ou les activités du Groupe de travail sur la culture de l’organisation la reconnaissance du fait que les syndicats, qui représentent la moitié des effectifs de la Chambre, constituent une partie intégrante et légitime de la culture du milieu de travail. Il est très indicatif de l'état des relations de travail à la Chambre des communes que l’Équipe supérieure de gestion, dont font partie les trois défendeurs, ait avalisé et approuvé un mandat pour le Groupe de travail sur la culture de l’organisation (pièce U-10) dans lequel le Groupe de travail est décrit comme [traduction] « l'élément catalyseur premier et la conscience de l'organisation » et qui omet toute mention des syndicats ou le fait que la Chambre des communes est un milieu de travail syndiqué. Cela en dépit du fait que le mandat du Groupe de travail était de favoriser une culture d'entreprise qui incluait « la participation des employés à la prise de décision » et une « communication ouverte et honnête ».

En dépit de l'existence d'une procédure officielle prévoyant des réunions de consultation patronale-syndicale, les syndicats n'ont rien su du Sondage d'opinion des employés

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Decision Page 15 avant le 22 mai 1996. Lorsque, finalement, les syndicats ont été informés du sondage, le projet était avancé à un point tel qu'il s'agissait d'un fait accompli. Dans son témoignage, M. Sabourin l'a bien reconnu lorsqu'il a affirmé que la direction s'était sentie obligée d'aller de l'avant avec le sondage face à l'opposition des syndicats, car autrement le cynisme et le manque de confiance auraient gagné le Groupe de travail. Parce qu'ils ont été consultés si tard dans le processus, les syndicats ont été placés dans la situation toute objection légitime était perçue comme de l'obstruction. C'était manifestement l'attitude de M m e Griffiths, qui a déclaré qu'elle ne comprenait pas « pourquoi on faisait tant d'histoires ».

La consultation avec les syndicats le 22 mai est venue après coup. Bien que la consultation sur le sondage fût le premier point à l'ordre du jour, elle ne figurait pas sur l'ordre du jour préparé par le bureau de M. Sabourin, et les agents négociateurs ont donc été pris par surprise.

Les syndicats n'ont pas reçu la même information au sujet du sondage que M. Marleau avait reçue dans la note d'information qui avait été transmise à l'Équipe supérieure de gestion. Contrairement à la direction, les syndicats n'ont pas été informés du fait que l'on considérait le sondage comme faisant partie intégrante du plan de renouveau de la direction. On n'a rien dit aux syndicats de la stratégie de communication qu'un membre de l'équipe de transition, Dianne Salt, avait dressée et soumise à l'approbation de l'Équipe supérieure de gestion. Les syndicats n'ont par ailleurs pas su que l'un des groupes cibles visés dans la stratégie de communication de M m e Salt était [traduction] « le personnel syndiqué et ses représentants » (pièce E-15).

On n'a pas non plus, à la réunion de consultation patronale-syndicale du 22 mai, fourni de copie du questionnaire du sondage aux représentants syndicaux. Lorsque ces derniers ont demandé à voir le questionnaire, on leur a répondu qu'il ne pourrait leur être remis sans l'approbation de l'Équipe supérieure de gestion.

Contexte des relations du travail On a fait beaucoup de cas, à l'audience, du fait que les plaignants ne seraient pas, à la suite de l'adoption de la Loi sur la rémunération du secteur public, L.C. 1991, ch. 30, dans sa forme modifiée par L.C. 1993, ch. 13, en mesure d'amorcer la négociation collective avant le début de 1998. Cependant, le gel de la négociation n'a pas conféré à la direction de la Chambre la licence de communiquer avec les employés sur des questions touchant le milieu de travail en

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Decision Page 16 passant par-dessus les syndicats. Dans un contexte de relations de travail la négociation collective est gelée depuis six ans, les agents négociateurs sont plus, et non moins, vulnérables à voir leur rôle miné par les communications de l'employeur avec les employés. La raison d'être d'un agent négociateur est de négocier collectivement. Dans un contexte de relations de travail cette fonction a été supprimée par la loi, encore que ce soit temporaire, même les messages subtils de l'employeur risquent d'amener les employés à se demander si le syndicat a un rôle réel et significatif à jouer lorsqu'il s'agit de les représenter au sujet de questions touchant le milieu de travail.

Les défendeurs savaient très bien que le gel statutaire et les réductions d'effectifs pourraient inciter les employés à remettre en question la raison d'être des syndicats. À une réunion tenue le 27 juin, M. Marleau a carrément dit aux représentants des agents négociateurs que le processus de renouveau aurait un impact négatif sur les syndicats. Selon le ministre, M. Marleau a déclaré :

Les gestionnaires se sont fait dire en 1994 que les carottes étaient cuites et que les choses ne seraient plus les mêmes. Ce changement de paradigme a aussi eu un impact sur les syndicats : ils perdent des collègues et des cotisations syndicales. [traduction] (pièce E-4)

Au cours de la même réunion, M. Marleau a également mis les représentants de l'unité de négociation en garde contre « la représentation syndicale inflexible ».

Contenu du sondage et des communications connexes Quelques jours avant la date prévue de distribution du questionnaire, un dépliant a été distribué à tous les employés (pièce U-1, onglet 12). Dans ce dépliant on pouvait lire que le sondage était « géré à 100 % par des employés » et que « la gestion supérieure [appuyait] le sondage ». Le dépliant disait :

Les résultats permettront aux employés et à la gestion de formuler conjointement des solutions et des améliorations.

Il n'y avait aucune indication dans le dépliant que les agents négociateurs représentant la moitié des employés à la Chambre des communes auraient quelque rôle que ce soit à jouer dans la mise en œuvre des solutions ou améliorations identifiées par le sondage.

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Decision Page 17 Le dépliant décrivait également le sondage à venir comme « le tout premier sondage d'opinion des employés de toute la Chambre une occasion pour tous les employés, peu importe leur poste, de donner leurs idées sur un nombre de questions touchant l'organisation, telles que les communications, la satisfaction envers leur emploi, les possibilités de formation, et bien plus ». Qu'on l'ait voulu ou non, le dépliant distribué avant le sondage a transmis le message que les agents négociateurs étaient sans importance dans la communication et la représentation des intérêts des employés sur les questions touchant le milieu de travail.

Le même message a été communiqué dans les renseignements descriptifs fournis aux employés le 6 juin en même temps que le questionnaire du sondage. L'introduction du sondage contenait notamment ce qui suit :

AU SUJET DES SONDAGES D'EMPLOYÉS... De nombreux organismes publics et privés procèdent régulièrement à des sondages auprès de leurs employés, souvent dans le cadre d'initiative (sic) de renouvellement de l'organisation.

Bien des organisations utilisent les commentaires recueillis lors de ces sondages pour ajuster leur stratégie d'ensemble et résoudre des problèmes particuliers qui se posent dans le milieu du travail.

Le succès de tels sondages repose sur la franchise déployée par les employés dans la proposition des meilleures façons de faire et le repérage des problèmes de l'organisation, ainsi que sur leur volonté de collaborer avec les dirigeants de l'organisation pour régler les problèmes recensés lors du sondage.

Ici encore, en omettant toute mention des syndicats, on donne implicitement à croire que les syndicats n'ont aucun rôle à jouer lorsqu'il s'agit de cerner les problèmes qui existent dans le milieu de travail ou d'y apporter des correctifs.

Il n'est pas nécessaire que tous les employés syndiqués reçoivent ce message des communications entourant le sondage. L'Alberta Labour Relations Board a fait remarquer dans une décision récente que les communications avec les employés transmettaient inévitablement plusieurs messages :

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Decision Page 18 [Traduction] [...] le fait de s'adresser directement aux employés, soit dans le contexte de réunions ou de sondages, a eu pour effet de miner le pouvoir du syndicat à l'égard de ses membres. Cela a inévitablement envoyé plusieurs messages. « Votre syndicat ne représente pas ce que vous voulez vraiment », « Nous ne pensons pas que votre syndicat fasse honnêtement état des souhaits de ses membres » ou « Votre syndicat ne peut vous aider dans la difficile période de mise en disponibilité prochaine, alors vous devriez agir en votre propre nom ». Manifestement, tous les syndiqués ne tireront pas le même message de la conduite de l'employeur. Toutefois, le seul fait de devoir composer avec les réactions diverses des employés à ces sondages, menaces de mise en disponibilité etc., en plus des négociations directes, n'a pu que rendre plus difficile la représentation des employés.

United Nurses of Alberta v. Alberta Healthcare Association, [1995] 95 CLLC 143,711 (Alberta Labour Relations Board)

Le questionnaire du sondage proprement dit contenait des questions sur de nombreux sujets relevant à bon droit de la négociation collective entre les plaignants et la Chambre des communes. Une section du questionnaire portait sur la rémunération et les avantages sociaux. On a demandé aux employés d'indiquer leur accord ou désaccord avec un certain nombre d'affirmations :

62. Dans l'ensemble, j'estime être payé équitablement comparativement :

a. à d'autres employés de la Chambre des communes qui occupent des emplois similaires.

b. aux employés du secteur public qui occupent des emplois similaires.

c. aux employés du secteur privé qui occupent des emplois similaires

63. Dans l'ensemble, je suis satisfait de ma paie. 64. Dans l'ensemble, je suis satisfait de mes avantages sociaux.

La rémunération et les avantages sociaux des employés sont clairement au coeur du rôle de représentation d'un syndicat. Le fait de solliciter les vues des membres des

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Decision Page 19 unités de négociation sur le caractère adéquat de leur rémunération et de leurs avantages sociaux a directement transmis le message non équivoque que les agents négociateurs n'avaient aucune importance. Comme l'a souligné le Conseil canadien des relations du travail dans une récente décision :

[...] cette disposition accorde à l'agent négociateur une forme de protection institutionnelle pour qu'il puisse s'acquitter des obligations que lui impose le Code, notamment celle de négocier une nouvelle convention collective pour ses membres. Il n'est un secret pour personne que la ronde de négociations à venir entre la SWP et le SSG portera, nécessairement, sur le régime de classification salariale. Toute communication directe de l'employeur avec les employés sur une question d'une telle importance pour les deux avait le potentiel, sinon pour effet réel, de faire pencher la balance en faveur de l'employeur. Il s'agit d'une situation qui va manifestement à l'encontre de l'esprit du Code en ce qui a trait au processus de négociation collective. Une des raisons justifiant les restrictions que place le Code sur cette forme de communication est de maintenir un équilibre entre les parties, avant les négociations, de façon à ce que l'employeur ne puisse pas profiter du fait qu'il a beaucoup plus facilement accès aux employés pour avoir une longueur d'avance à la table de négociation. Ici encore, quelle qu'ait été l'intention de l'employeur, le fait que la communication a eu lieu dans ces circonstances justifie, de l'avis du Conseil, la conclusion selon laquelle cette conduite enfreint l'alinéa 94(1)a) du Code.

Saskatchewan Wheat Pool, [1996] C.L.R.B.D. No. 17 (au paragraphe 37), CCRT Décision n o 1167. D'autres parties du sondage portaient aussi sur des domaines intéressant légitimement les unités de négociation. La Loi sur les relations de travail au Parlement ne précise pas expressément ce qui peut faire partie d'une convention collective. Elle définit « convention collective » comme une convention « [...] renfermant des dispositions relatives aux conditions d'emploi et à des questions connexes ».

Le questionnaire portait sur de nombreuses questions intéressant légitimement les agents négociateurs. En dépit du fait que les conventions collectives des plaignants contenaient des dispositions sur les congés de formation et de perfectionnement professionnel, le sondage a demandé aux employés leurs vues sur la formation. On leur a demandé d'indiquer leur opinion au sujet des affirmations suivantes :

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Decision Page 20 La Chambre des communes me donne la formation dont j'ai besoin pour bien exécuter mon travail.

La Chambre des communes offre de bonnes possibilités de perfectionnement professionnel.

Les politiques et les programmes de la Chambre des communes contribuent à aider les employés à concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales.

L'enquête a également sondé les employés sur d'autres domaines qui, bien qu'ils ne soient pas du ressort exclusif des agents négociateurs, sont des domaines dans lesquels les syndicats joueraient normalement un rôle important en ce qui concerne la définition des vues et préoccupations de leurs membres. Par exemple, on a demandé aux employés de dire si le nombre d'heures supplémentaires qu'on leur demandait était raisonnable (question 5) et on leur a demandé leur opinion sur les sujets suivants : l'introduction de nouvelles technologies (question 3); les régimes de travail souples (question 8); le harcèlement en milieu de travail (question 10); les évaluations de rendement (questions 26 à 31); et l'avancement (questions 69 et 89).

Le message clair qui a été véhiculé par le sondage et le dépliant de promotion qui l'a précédé était que les syndicats n'avaient aucune fonction à remplir lorsqu'il s'agissait de définir les vues de ses membres et n'avaient aucun rôle face à la mise en œuvre des changements nécessaires touchant l'éventail des questions relatives au milieu de travail.

Le rôle des défendeurs dans le sondage Tout au long de l'audience, les défendeurs ont soutenu que le sondage d'opinion n'avait pas été ni conçu ni préparé par la direction. Cependant, M. Yves Legault, le coprésident du CPO, a admis en contre-interrogatoire que le Sondage d'opinion des employés n'aurait pu être effectué sans l'approbation et l'appui de l'Équipe supérieure de gestion, qui comprenait M. Marleau, M. Sabourin et M m e Griffiths. M. Sabourin, en contre-interrogatoire, a concédé que la direction de la Chambre des communes n'enverrait pas un sondage directement aux membres des unités de négociation concernant leur rémunération et leurs avantages sociaux. M. Sabourin a également admis qu'il avait continué d'appuyer le sondage même après avoir appris que les syndicats s'opposaient vigoureusement aux questions touchant la rémunération et les avantages sociaux. En contre-interrogatoire, on lui a posé les questions suivantes :

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Decision Page 21 [Traduction] Q. Après la réunion de consultation patronale-syndicale du 22 mai, vous avez réalisé que les syndicats avaient de sérieuses réserves à propos du sondage?

R. Oui. Q. Vous saviez que les syndicats considéraient que ce sondage minait leur pouvoir de représenter leurs membres?

R. Oui, j'étais au courant de ce point de vue. Q. Mais malgré cela, la direction a continué d'appuyer un sondage qui comprenait des questions que vous l'avez admis vous n'auriez pas envoyées directement?

R. Oui. M. Sabourin a justifié la réalisation du sondage en dépit des objections des syndicats en affirmant qu'il y aurait eu un « manque de confiance » et du « cynisme » si on avait laissé tomber le sondage. Même lorsqu'il est devenu évident que les syndicats n'avaient pas été consultés comme ils auraient l'être concernant le projet de sondage et que des parties du sondage étaient inappropriées, la haute direction de la Chambre des communes a décidé qu'il fallait sacrifier les préoccupations légitimes des syndicats afin d'éviter que le CPO devienne cynique envers la direction.

Il est clair d'après la preuve qui est ressortie durant l'audience que l'Équipe supérieure de gestion, dont faisaient partie les défendeurs, considérait que le Sondage d'opinion des employés faisait partie intégrante du plan de renouveau, une initiative à laquelle ne souscrivait pas les agents négociateurs et qui, à leurs yeux, allait à l'encontre des intérêts de leurs membres à plusieurs égards. C'est devenu presque un mantra durant l'audience d'entendre le sondage décrit comme un projet « géré par les employés ». Toutefois, lorsque la présentation complète à l'Équipe supérieure de gestion a finalement été communiquée (pièce E-18), il est devenu clair que la description du sondage comme une « initiative gérée par les employés » constituait un élément clé de la stratégie de communication conçue par M m e Diane Salt de l'Équipe de transition. Nonobstant les efforts déployés pour donner au sondage cette « allure », il est très clair que la haute direction de la Chambre des communes, y compris les

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Decision Page 22 défendeurs, a eu son mot à dire, en approuvant et en appuyant le sondage, du début à la fin.

Tant M. Marleau que M. Sabourin ont témoigné qu'à leur avis le greffier avait le pouvoir d'opposer son veto aux questions du sondage qu'il jugeait inappropriées. Le manquement des défendeurs réside en ceci qu'ils n'ont pas su reconnaître que certaines questions du sondage, en particulier celles traitant de la rémunération et des avantages sociaux, étaient tout aussi inappropriées, compte tenu du rôle légitime du syndicat. Si les plaignants avaient été consultés et appelés à prendre part au projet de sondage dès le départ, il est tout à fait probable qu'on aurait pu régler les problèmes par une consultation significative.

Cependant, lorsque les agents négociateurs ont été informés du sondage, ce dernier faisait déjà partie d'une stratégie élaborée que les défendeurs avaient approuvée et qu'ils n'étaient pas disposés à retarder ni à faire dérailler par crainte de susciter une « perte de confiance » de la part du CPO. Le sondage et les communications l’entourant ont complètement passé sous silence le rôle légitime joué par les plaignants non seulement par rapport à la « culture » de la Chambre, mais également à titre d’agent négociateur exclusif de plus de la moitié des employés de la Chambre en ce qui concerne les conditions d’emploi et les questions connexes. Dans un climat de relations de travail déjà tendu, et dans un climat un gel de six ans de la négociation collective inciterait déjà certains employés à mettre en question l’utilité de la représentation syndicale, le sondage était une invitation aux employés à considérer les agents négociateurs comme inutiles face à la tâche de cerner et de résoudre les problèmes liés au milieu de travail. En continuant d’approuver et de soutenir financièrement un sondage qui transmettait ce message, les défendeurs ont enfreint le paragraphe 6(1) de la Loi.

Argumentation des défendeurs [Traduction] POSITION DE LA CHAMBRE DES COMMUNES La Chambre des communes l’employeur ») soutient qu’elle n’est pas intervenue dans la représentation des employés par les syndicats et qu’elle n’a donc pas enfreint le paragraphe 6(1) de la Loi sur les relations de travail au Parlement.

L’employeur soutient que la création du sondage n’était pas une initiative de la direction et que, par conséquent, il n’était

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Decision Page 23 nullement obligé de consulter les syndicats avant de distribuer le questionnaire.

Subsidiairement, si la Commission conclut que le sondage était une initiative de la direction, l’employeur fait valoir que celle-ci n’était nullement obligée de consulter les syndicats. L’employeur, par l’entremise du sondage, se trouvait simplement à communiquer avec ses employés et ne minait d’aucune façon l’existence des syndicats ni ne portait atteinte au droit des syndicats de représenter leurs membres.

Les syndicats soutiennent que le sondage est une communication illégale avec les employés syndiqués de la Chambre des communes; toutefois, ils maintiennent également que s’il y avait eu des consultations étendues avec eux durant la création du sondage cela aurait rendu la communication légale. Par conséquent, comme autre argument, si la Commission juge que l’employeur était obligé de consulter les syndicats afin de rendre les communications légitimes, l’employeur soutient qu’il s’est acquitté de cette obligation dans le cadre des réunions qu’il a tenues le 22 mai et le 3 juin 1996.

L’employeur maintient que le sondage n’était pas une forme de communication interdite étant donné que :

1. L’employeur n’a généraux de communication;

2. Les parties entretiennent négociation collective de longue date;

3. Les communications n’ont pas eu lieu dans le contexte de la négociation collective, pas plus que les parties n’étaient négociations collectives communications;

4. Il y a eu des consultations significatives entre les parties.

ARGUMENTATION JURIDIQUE Le paragraphe 6(1) de la Loi sur les relations de travail au Parlement est ainsi libellé :

« Il est interdit à quiconque occupant un poste de direction ou de confiance, qu'il agisse ou non pour le compte de l'employeur, de participer à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ou d'intervenir dans la représentation des employés par une

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pas enfreint les principes

une relation de

engagées dans des au moment des

Decision Page 24 telle organisation ou dans les affaires en général de celle- ci. »

Communications générales Nous soutenons que les communications directes avec les employés ne sont pas en soi illégales.

Le Conseil canadien des relations du travail a fourni une liste des principes régissant les communications directes avec les employés dans Brown et le Syndicat international des marins canadiens (Sedpex Inc.), (1988), dossiers du Conseil 565-320, 745-2722 et 745-2752, décision n o 667, 72 di, pages 159-160.

« Règle générale, les principes suivants s’appliquent aux communications de l’employeur:

- un employeur peut répondre à ce qui, à ses yeux, constitue de la propagande, mais il ne peut pas promettre une récompense ou avoir recours à l’intimidation, à des menaces ou à d’autres moyens de contrainte pour s’ingérer dans les affaires du syndicat, pour miner celui-ci ou pour le dénigrer;

- il ne peut pas laisser entrevoir les conséquences fâcheuses découlant de ce qu’un syndicat fait ou ne fait pas;

- un employeur ne peut pas noircir ou abaisser un syndicat;

- il ne peut pas chercher à vendre une idée aux employés sans tenir compte du syndicat;

- l’employeur est dans son droit dans la mesure où il ne fournit pas de renseignements trompeurs destinés à discréditer, ou ayant pour effet de discréditer, l’agent négociateur aux yeux des membres de l’unité.

Bref, si un employeur dit la vérité, et ce, d'une manière modérée et rationnelle, et s'il reconnaît comme il se doit la légitimité et le rôle de l'agent négociateur, la communication sera probablement réputée autorisée. Lorsque la communication ne déforme pas la vérité ou n'est pas trompeuse, lorsqu'elle représente d'une manière raisonnablement juste et exacte la situation, lorsqu'elle ne dénigre pas le syndicat, lorsqu'elle ne vise pas à miner l'effort que fait ce dernier pour représenter ses membres et qu'elle n'a pas un tel effet, elle peut être considérée comme n'étant pas assujettie à l'interdiction énoncée à l'alinéa 184(1)a).

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Decision Page 25 Dans la décision qu’a rendue la Commission des relations de travail de l’Ontario dans A.N. Shaw Restoration Ltd. and O.P.C.M., Local 172, [1978] May O.L.R.B. Rep. 393, à la page 398, la Commission a examiné les règles énoncées dans Brown dans le contexte du processus de négociation collective. La Commission a fait remarquer que, durant la négociation collective, toute communication de l’employeur avec ses employés doit être scrutée attentivement pour s’assurer qu’elle ne porte pas atteinte au droit du syndicat de négocier au nom de ses employés.

[Traduction] « L’existence du principe bien établi de l’exclusivité du droit de négociation signifie que l’employeur doit faire preuve de circonspection lorsqu’il communique avec des employés représentés par un agent négociateur, spécialement lorsque ces communications ont lieu durant les négociations. La nécessité pour l’employeur de faire preuve de circonspection, toutefois, ne signifie pas que toutes les communications entre l’employeur et les employés sont interdites. [...] Lorsque les communications ont lieu entre l’employeur et les employés pendant les négociations, la Commission doit départager la liberté légitime d’expression des empiétements illégaux sur le droit exclusif du syndicat de négocier au nom des employés. La distinction n’est pas aisée à faire et, pour l’établir, l’on doit se demander si ces communications représentent en réalité une tentative de négocier directement avec les employés. Si on peut qualifier ainsi les communications de l’employeur, on doit les considérer comme influençant de manière indue les employés et, par conséquent, comme échappant à la protection accordée à la liberté d’expression par l’article 56. » (c’est nous qui soulignons)

Dans Rubbermaid Canada Inc. and United Automobile Workers, Local 252 (1985), 21 L.A.C. (3d) 168, l’employeur a institué une série de déjeuners de travail mensuels auxquels les employés étaient invités à assister avec les cadres supérieurs de la compagnie. Les employés y assistaient à titre volontaire. Il n’y avait aucune représentation syndicale. Aux réunions, les cadres supérieurs faisaient le point sur les progrès de la compagnie et sur diverses questions. Les employés avaient la possibilité de poser des questions, de faire des suggestions, d’exprimer leurs propres vues et de discuter en général des progrès de la compagnie. Les questions pouvant faire l’objet d’un grief ou touchant les négociations n’étaient pas abordées à ces réunions. La Commission a conclu que ces communications de l’employeur

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Decision Page 26 avec ses employés n’étaient pas interdites, et a déclaré ce qui suit à la page 170 :

[Traduction] « Il ne fait aucun doute que le syndicat est l’agent négociateur exclusif, et qu’il est le représentant des employés, ayant le droit de parler en leur nom dans les négociations et par rapport à l’administration de la convention collective.

[...] Bien que le syndicat soit l’agent négociateur exclusif des employés, la direction n’est pas de ce fait empêchée de communiquer directement avec les employés à propos de la conduite de ses opérations ou de leur demander leurs commentaires ou suggestions au sujet de l’entreprise en général. Il peut exister des circonstances le climat des relations de travail est tel que les communications de ce genre peuvent en fait constituer une tentative de miner le syndicat, ou d’influer sur la négociation collective [...] En l’occurrence, cependant, la preuve ne montre pas que la compagnie a cherché à agir ainsi. Notamment, il n’y a aucune preuve de tentative de négocier ou d’influencer la négociation, pas plus qu’il n’y a eu de tentative de traiter les griefs directement avec les employés. »

Nous affirmons que l’employeur, en distribuant le questionnaire de sondage, n’a promis aucune récompense, n’a fait aucune intimidation, aucune menace ni recouru à d’autres moyens pour nuire aux syndicats, pour les miner ou pour leur porter atteinte, pas plus qu’il n’a menacé de faire subir aux syndicats des conséquences déplaisantes s’ils faisaient ou ne faisaient pas quelque chose; les syndicats n’ont pas été calomniés ni dévalorisés; et la distribution des questionnaires n’a été accompagnée d’aucune promotion déplacée. De plus, nous soutenons que le sondage n’a communiqué aucune information aux employés, mais qu’il a plutôt demandé de l’information de ceux-ci sur une base volontaire et anonyme.

Le sondage visait uniquement à obtenir les commentaires ou suggestions des employés à propos du climat à la Chambre des communes. L’employeur n’a pas tenté de négocier directement avec ses employés ni d’influer sur la négociation, et il n’a donc pas communiqué avec ses employés d’une manière interdite.

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Decision Page 27 Relation de négociation bien établie Lorsqu’elles ont à déterminer si une forme particulière de communication de la part de l’employeur est interdite par la loi applicable, les commissions de relations de travail tiennent compte du contexte dans lequel la communication a lieu. Dans Pride of Alberta, a Limited Partnership of Burns Foods (1985) Ltd. [1996] Alta. L.R.B.R. 143, l’Alberta Labour Relations Board s’est appuyée sur un passage du texte du professeur Adams, Canadian Labour Law, au paragraphe 12 (version de Quicklaw) pour faire valoir que les communications directes d’un employeur devraient être assujetties à moins de contraintes lorsqu’il existe une relation de négociation de longue date que lorsque les parties en sont à leurs débuts en matière de négociations collectives.

[Traduction] « [...] lorsqu’une campagne de syndicalisation est en marche ou lorsque la relation de négociation collective est nouvelle, les Commissions scrutent les communications de l’employeur de façon plus critique. Le passage suivant de l’ouvrage de Adams, Canadian Labour Law, illustre bien l’approche utilisée :

Une analyse des affaires montre qu’en général une norme de communication plus stricte s’applique aux employeurs durant syndicalisation que négociation collective communication, lorsqu’il n’y a pas de syndicat en place, nécessite une appréciation plus délicate de la sensibilité des employés. Dans le contexte de la négociation collective, cependant, une commission sera plus encline à interpréter l’information transmise comme justifiée et du type que les employés devraient en recevoir. » [traduction]

Dans Canada Cement Lafarge Ltd. v. United Cement, Lime and Gypsum Workers’ International Union, Local 368 [1980] O.L.R.B.R. 1583, la Commission a examiné l’impact des déclarations de l’employeur, qui menaçait de fermer l’usine pendant des mois et de réduire les effectifs à l’avenir si les employés n’acceptaient pas une offre finale. À la lumière de la relation de négociation collective de longue date et des conditions du marché qui constituaient le contexte général de la déclaration de l’employeur, la Commission de l’Ontario a conclu que l’employé « moyen » membre de l’unité de négociation comprendrait que la menace de fermeture faisait partie « de la réalité des négociations collectives » et que

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une campagne de lorsque la relation de est en place. La

Decision Page 28 l’employé « mature » serait à même de se faire sa propre idée quant au bien-fondé de la prédiction de mises à pied futures.

Or l’employeur et les syndicats entretiennent des relations de négociation collective depuis longtemps. L’unité de négociation du SCEP a été accréditée pour la première fois en mars 1987; celle de l’AESS, en 1987; et celle de l’AFPC, en mai 1987. Nous soutenons donc que, vu la relation de négociation collective de longue date qui existe entre l’employeur et ses syndicats, toute communication directe de l’employeur devrait faire l’objet de contraintes moins rigoureuses que si les parties en étaient à leurs débuts sur le plan des négociations collectives.

Communications effectuées dans le contexte de la négociation collective

Un sondage qui n’est pas anonyme et qui porte directement sur des questions négociables collectivement ou sur des questions qui font l’objet de négociations collectives courantes entre l’employeur et le syndicat constituerait une forme de communication interdite.

Dans The United Nurses of Alberta and the Alberta Healthcare Association [1995] Alta. L.R.B.R. 373, des questionnaires ont été administrés dans quatre hôpitaux : un hôpital voulait savoir si les employés accepteraient une réduction salariale de 5 % et, le cas échéant, comment structurer la réduction; un autre hôpital a tenu une réunion du personnel et a sondé individuellement les employés, les réponses étant identifiées selon le nom de l’employé; le troisième hôpital a tenu une réunion du personnel et distribué un questionnaire auquel les employés étaient libres de répondre; et la direction du quatrième hôpital a réuni les employés et a tenté d’obtenir directement des concessions salariales de la section locale du syndicat. Dans chaque cas, l’employeur a affirmé que des mises à pied seraient la conséquence inévitable de tout refus de faire des concessions salariales. L’Alberta Labour Relations Board a conclu aux pages 23 et 24 (version de Quicklaw) :

[Traduction] « Dans trois des cas qui nous occupent, l’employeur cherche, au moyen d’un sondage ou d’une enquête, à obtenir l’appui des employés pour modifier les dispositions de la convention collective. Pourquoi les employeurs veulent-ils que les employés fassent connaître ainsi leurs souhaits? La réponse évidente est qu’ils espéraient exercer des pressions sur le syndicat pour qu’il accepte les

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Decision Page 29 réductions de salaire suggérées par le gouvernement et recherchées par les employeurs [...] »

En concluant qu'il y avait eu violation de la loi en matière de relations de travail applicable, la Commission s'est appuyée sur le fait qu'il « n'y avait aucune prétention d'anonymat » dans les sondages et sur le fait que « les questions mentionnaient carrément la perspective de mises à pied ». La Commission a ajouté, à la page 26 (version Quicklaw), que si les sondages avaient été menés différemment, ils n'auraient peut-être pas enfreint la loi sur les relations de travail.

[Traduction] « S'il s'était agi d'un questionnaire du genre « faites-nous part de vos suggestions » ne portant pas sur des questions faisant alors l'objet de négociations, nous n'aurions peut-être même pas conclu à l'ingérence. Or la mention des mises en disponibilité et des réductions de salaire et d'avantages sociaux a placé le sondage dans la sphère qui faisait manifestement l'objet de négociations de la part du syndicat. »

Dans Staff Nurses Association of Alberta and University Hospitals Board [1995]Alta. L.R.B.R. 346, l'employeur avait amorcé un processus visant à remanier son modèle de soins aux malades. Il a communiqué avec les syndicats sur des questions touchant la convention collective et ceux-ci ont permis à leurs membres de participer au projet pourvu qu'on n'aborde pas de questions faisant l'objet de négociations collectives. Lorsque, durant la renégociation de la convention collective, l'employeur n'a pas abordé les questions découlant du projet de remaniement, le syndicat s'est plaint que l'employeur intervenait dans la représentation des employés en discutant directement des questions concernant le remaniement avec les employés. En rejetant la plainte du syndicat, la Commission a déclaré ce qui suit aux pages 12-13 (version Quicklaw) :

[Traduction] « En l'occurrence, l'[employeur] n'a fait aucune proposition pour modifier la convention collective. Il vient juste de conclure une convention collective de trois ans avec le [syndicat] et il a déclaré de vive voix et par écrit qu'il avait l'intention de la respecter. Cela va dans le même sens que l'affirmation de l'[employeur] comme quoi la mise en oeuvre s'échelonnera sur trois ans. Il n'y a aucune preuve à l'appui de la prétention du [syndicat] selon laquelle les recommandations émanant du projet de remaniement sont en fait les propositions avancées par

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Decision Page 30 l'[employeur] en vue de modifier la convention collective. Par conséquent, il n'y avait rien encore qui pouvait faire l'objet de négociations entre les parties. Il y aura vraisemblablement des propositions futures à négocier, mais la plainte est prématurée à ce stade-ci. »

[...] Lorsque le projet de remaniement sera au stade il pourrait influer sur les conditions contractuelles, nous estimons que l'[employeur] devrait consulter le [syndicat] et non les employés.

La preuve ne nous convainc pas que l'[employeur] se trouvait à nuire à la représentation des employés par le syndicat ou à y participer. Il ne cherchait pas à négocier avec les employés individuellement ou collectivement en vue d'obtenir des changements à la convention collective, passant ainsi par-dessus le [syndicat]. »

Dans Civic Service Union No. 52 and Edmonton Public Library [1995] Alta. L.R.B.R. 476, la Commission a adopté le raisonnement que la Commission avait retenu dans Staff Nurses Association et a conclu, aux pages 12 et 14 (version Quicklaw)que la Bibliothèque, en sollicitant directement l'appui de ses employés pour le programme de financement de son expansion, ne s'est pas immiscée dans la représentation des employés par le syndicat.

[Traduction] « [Nous] concluons que la Bibliothèque n'est pas intervenue dans la représentation des employés par le syndicat. La Bibliothèque n'a pas cherché à obtenir des changements à la convention collective, pas plus qu'elle n'a tenté de négocier d'une façon ou d'une autre avec les employés. La Bibliothèque n'a nullement cherché à faire modifier les conditions d'emploi des employés.

[...] [...] l'employeur ici ne cherchait pas à modifier la convention collective ou les conditions d'emploi. L'employeur ne cherchait pas à augmenter les déductions des chèques de paye de ses employés ou à réduire d'une façon ou d'une autre leur salaire. Au contraire, les contributions des employés sont demeurées inchangées et devaient rester telles quelles, que les efforts de l'employeur réussissent ou non. Au mieux, du point de vue du syndicat, comme dans Staff Nurses Association of

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Decision Page 31 Alberta v. University Hospitals Board, cette demande est prématurée.

[...] Bien que la Bibliothèque eût pu réduire les tensions en approchant le syndicat avant d'envoyer la note de service, le fait qu'elle eut choisi de ne pas le faire, dans les circonstances, ne constitue pas une violation du Code. »

Dans Syndicat canadien de la Fonction publique, Division de radio-télévision et Société Radio-Canada, 27 C.L.R.B.R. (2d) 110, CCRT Décision n o 1102, la décision de la SRC de mettre en oeuvre la consultation directe de l'employeur avec les employés membres du syndicat afin d'obtenir l'opinion des employés sur la restructuration imminente de la Société a été jugée comme de l'ingérence dans la représentation des employés par le syndicat. Le Conseil canadien des relations du travail a signalé aux pages 117 et 119 que les sujets abordés dans la consultation étaient les mêmes que ceux faisant l'objet des négociations collectives en cours ou étaient enchâssés dans la convention collective conclue entre les parties.

« [L]es communications directes d'un employeur avec ses employés, une fois enclenché le processus de la négociation collective, violent effectivement ces dispositions du Code si elles affaiblissent ou discréditent le syndicat aux yeux des employés.

[...] Compte tenu du fait que l'employeur et le syndicat avaient amorcé la négociation collective et que les grandes questions débattues avec les employés au moyen du programme PDC se rattachaient à des points devant être débattus à la table de négociation ou inclus dans la convention collective, nous en concluons que la conduite de l'employeur ne pouvait que miner le syndicat aux yeux de ses membres et avoir un effet défavorable sur l'administration du syndicat et sur sa représentation des employés syndiqués en qualité d'agent négociateur attitré. La conduite de l'employeur constitue donc clairement une violation de l'alinéa 94(1)a) et de l'article 50 du Code. »

Contrairement aux sondages effectués dans l'affaire Alberta Health Care Association, le sondage que la Chambre des communes a mené demandait des suggestions aux employés ne portait pas sur des questions faisant l'objet de négociations et était entièrement anonyme et volontaire.

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Decision Page 32 Nous soutenons que, comme dans Staff Nurses Association and Edmonton Public Library, aucune preuve n'a été avancée à l'audience pour montrer que l'employeur n'avait pas l'intention de respecter les conventions collectives régissant ses unités de négociation; il n'y a aucune preuve comme quoi les recommandations émanant du Sondage d'opinion des employés sont des propositions visant à modifier la convention collective; le sondage n'est pas à une étape il pourrait empiéter sur les conditions d'emploi des employés syndiqués à la Chambre; et l'employeur n'a nullement cherché à obtenir des changements à la convention collective.

Nous soulignons par ailleurs que, contrairement à ce qui était le cas dans Edmonton Public Library, le CPO a consulté les syndicats avant de distribuer le questionnaire et a même changé des parties de ce dernier en réponse aux préoccupations des syndicats.

Contrairement à ce qui était le cas dans l'affaire Société Radio-Canada, il n'y avait aucune négociation collective en cours à la Chambre des communes; la distribution du questionnaire à tous les employés de la Chambre n'a donc pu avoir pour effet de miner le syndicat aux yeux de ses membres, pas plus qu'elle n'a pu porter atteinte à la capacité des syndicats de représenter leurs employés.

Consultations significatives À notre avis, une partie ne s'acquitte pas de son obligation de tenir des consultations significatives si elle ne fait rien de plus que distribuer de l'information. Pour consulter il faut écouter les suggestions, répondre aux questions et expliquer pourquoi on ne retient pas certaines suggestions.

Dans Conseil du Trésor et Alliance de la Fonction publique du Canada, [1985] CPSSRB No. 158, l'arbitre a retenu, à la page 14 (version de Quicklaw), le raisonnement qui avait été avancé dans l'affaire Terminus de Sidney (dossier de la CRTFP 169-2-49) au sujet du sens de la consultation.

« [...] M. Jolliffe avait décidé [...] que, selon les parties, les consultations exigeaient que, avant de modifier les postes, l'employeur explique à fond et tente de justifier les modifications qu'il a proposées. Autrement dit, l'employeur aurait violé ladite clause s'il avait pris une telle décision sans tenir compte des opinions de l'Alliance. Cependant, il ne s'ensuit pas que le fait que l'employeur n'ait pas convaincu les représentants syndicaux de la nécessité de modifier les postes constitue une violation de

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Decision Page 33 la clause. En effet, il n'est pas indispensable que les consultations aboutissent à une entente entre les parties.

Le CPO a rencontré les agents négociateurs à deux reprises, le 22 mai 1996 et le 3 juin 1996. À ces deux réunions il a expliqué l'objet du sondage et a répondu aux questions concernant le sondage. De plus, le CPO, à la suite de la réunion du 3 juin 1996, a modifié le sondage en réponse aux préoccupations soulevées par les agents négociateurs.

Nous estimons donc que le CPO a tenu des consultations significatives avec les agents négociateurs avant de distribuer le questionnaire aux employés de la Chambre des communes. La décision du CPO de mener le sondage après que les agents négociateurs lui eurent demandé de ne pas le faire ne change pas le fait que des consultations significatives ont eu lieu.

REDRESSEMENT DEMANDÉ Nous demandons respectueusement à la Commission, à partir de ce qui précède, qu'elle rejette les plaintes déposées.

Personne occupant un poste de direction ou de confiance n'a participé à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ni représentation des employés par une telle organisation.

De plus, personne agissant pour le compte de l'employeur n'a participé à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ni représentation des employés par une telle organisation.

Enfin, l'employeur n'a pas, ni dans les faits ni en droit, tel que nous l'avons montré plus haut, participé à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale, ni n'est intervenu dans la représentation des employés par une telle organisation.

Réplique des plaignants [Traduction] Dans ses arguments écrits, l'employeur affirme à maintes reprises que la haute direction n'a pas pris part à la création du sondage ou à la formulation des questions, et que la direction n'a rien eu à voir avec la décision d'aller de l'avant avec le sondage.

Les faits contredisent cette thèse :

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n'est intervenu dans la

n'est intervenu dans la

Decision une des coprésidents du CPO, M Hannah, était un cadre;

le greffier de la Chambre, M. Marleau, a informé le CPO que les travaux relatifs au sondage pouvaient aller de l'avant à condition qu'il revoie le texte final du sondage avant sa distribution. M. Marleau pouvait opposer son veto à toute question qu'il considérait comme inappropriée;

M m e Diane Salt, un cadre, était chargée d'élaborer une stratégie de communication et de promotion pour la mise en œuvre du sondage;

le plan de travail préparé par le CPO nécessitait qu'on donne à M. Marleau la possibilité de commenter et d'approuver en dernier ressort le sondage;

en concevant le sondage, le CPO a consulté les présidents de trois groupes de travail de la direction;

lorsque la version préliminaire du sondage et de la stratégie de communication a été prête, on a demandé à M. Marleau d'approuver les questions du sondage, d'approuver les fonds nécessaires pour payer les honoraires des consultants et d'engager le soutien de la haute direction;

à la demande de M. Marleau, le CPO a demandé à l'Équipe supérieure de gestion d'approuver la réalisation du sondage et les fonds nécessaires pour engager les consultants. L'approbation voulue a été obtenue dans les deux cas;

les agents négociateurs n'ont pas obtenu de copie du sondage avant son approbation par l'Équipe supérieure de gestion;

les questionnaires ont été postés en franchise dans des enveloppes de la Chambre des communes portant la griffe du greffier.

M. Yves Legault, coprésident du CPO, a témoigné que le sondage n'aurait pu être réalisé sans l'appui et l'approbation de la haute direction.

Contrairement à ce paragraphes 22 et 47 des arguments de l'employeur, à la réunion du 3 juin 1996, les syndicats ont formulé des

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Page 34 m e Nathalie

qui est affirmé aux

Decision Page 35 objections précises concernant la portion du sondage traitant de la rémunération et des avantages sociaux.

Contrairement aux affirmations faites au paragraphe 75 des arguments de l'employeur, à propos de la rémunération et des avantages sociaux, le sondage n'a pas demandé des « suggestions », mais a plutôt demandé carrément aux employés s'ils étaient « satisfaits de leur paie et de leurs avantages sociaux ».

Réponse à l'argumentation juridique de l'employeur Au paragraphe 69, l'employeur fait l'aveu critique suivant :

Un sondage qui n’est pas anonyme et qui porte directement sur des questions négociables collectivement ou sur des questions qui font l’objet de négociations collectives courantes entre l’employeur et le syndicat constituerait une forme de communication interdite.

L'employeur soutient que, du fait que le sondage était anonyme, qu'il ne portait pas directement sur des questions négociables collectivement et qu'il n'a pas été mené pendant les négociations, il ne s'est pas livré à une forme de communication interdite.

Anonymat Le fait qu'un sondage soit anonyme est sans rapport avec la question de savoir si le sondage porte atteinte au droit exclusif d'un syndicat de représenter ses membres.

Tel qu'il est signalé dans la décision Alberta Healthcare Association citée par l'employeur, un sondage ou une enquête auprès des employés concernant des questions relatives à la rémunération peut très bien [traduction] « exercer des pressions sur le syndicat pour qu'il accepte [des salaires moindres] ». Le fait qu'un sondage soit anonyme ne réduit pas la capacité de l'employeur d'utiliser effectivement le sondage pour plus tard exercer des pressions sur l'agent négociateur afin qu'il accepte moins, non plus qu'il ne réduit l'effet de l'affirmation implicite, à savoir que le syndicat n'est pas nécessaire pour protéger les intérêts des employés.

Questions négociables Comme il est signalé aux pages 19 à 21 des arguments écrits des plaignants, le sondage renfermait de nombreuses questions sur des sujets relevant à bon droit de la négociation collective entre les plaignants et la Chambre des communes, par exemple, la rémunération et les avantages sociaux.

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Decision Page 36 Négociations L'affaire Shaw Restoration citée par l'employeur ne permet pas de conclure que les limitations imposées aux communications de l'employeur avec les employés s'appliquent seulement durant les négociations. Le passage cité par l'employeur au paragraphe 62 est de nature générale, mais il mentionne expressément les communications qui ont lieu durant les négociations (la situation qu'analysait la Commission dans cette affaire) :

L’existence du principe bien établi de l’exclusivité du droit de négociation signifie que l’employeur doit faire preuve de circonspection lorsqu’il communique avec des employés représentés par un agent négociateur, spécialement lorsque ces communications ont lieu durant les négociations.

Dans l'affaire Rubbermaid Canada à laquelle se reporte l'employeur au paragraphe 63 de ses arguments, l'arbitre signale que les communications de l'employeur sont interdites lorsqu'elles [traduction] « minent le syndicat ou [...] influent sur la négociation collective ». Dans l'affaire Rubbermaid Canada, l'arbitre a souligné que les communications de l'employeur avec les employés ne concernaient pas des questions touchant les relations de travail (p. 170).

De toute évidence, il peut être porté atteinte au rôle du syndicat à titre d'agent négociateur exclusif lorsque l'employeur tente de communiquer directement avec les employés sur des questions ayant trait au milieu de travail, que la communication ait lieu ou non durant les négociations avec le syndicat.

Conclusion En résumé, l'employeur a admis que, sous réserve de contraintes liées au moment auquel il a lieu et à l'anonymat, un sondage auprès des employés qui aborde directement des questions négociables collectivement est une forme de communication qui est interdite à l'employeur. Comme nous le faisons valoir plus haut, le fait qu'un sondage est anonyme, ou qu'il est distribué en dehors de la période des négociations, ne change rien au fait qu'il aura inévitablement pour effet de miner le rôle de l'agent négociateur. Comme tel, le Sondage d'opinion des employés, qui a été autorisé et payé par la direction, constituait une forme de communication interdite.

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Decision Page 37 Réplique des défendeurs [Traduction] En guise de réplique, le défendeur réitère et invoque les arguments qu'il a déjà fait valoir.

Le défendeur réitère que dans cette plainte les plaignants n'allèguent pas qu'il y a eu défaut de tenir les consultations prévues par la convention collective; ils allèguent plutôt que le défendeur a participé à la formation ou à l'administration d'une organisation syndicale. Dans leur argumentation, les plaignants maintiennent que le défendeur n'a pas tenu de consultations significatives. Le défendeur réitère qu'au contraire il y a eu des consultations significatives.

Les plaignants allèguent, à la page 3 de leurs arguments, qu'ils n'ont pas été invités à participer au Groupe de travail sur la culture de l'organisation. Or M m e Paquette a témoigné que M m e Anne Bouffard, aux réunions qui ont eu lieu en juillet 1995, a demandé aux syndicats de participer au Groupe de travail. De plus, le Groupe de travail sur la culture de l'organisation était ouvert à tous les employés de la Chambre des communes et rien n'empêchait les syndicats d'y participer.

À la page 4 de leur argumentation, les plaignants allèguent que M. Lytle a été affecté au comité de direction du Groupe de travail sur la culture de l'organisation. M. Lytle n'a pas été affecté à ce comité, il a choisi de son propre chef d'y siéger. M. Lytle a déclaré, en contre-interrogatoire, qu'on avait demandé aux membres du Groupe de travail sur la culture de l'organisation de dresser la liste des sous-groupes auxquels ils voulaient participer. M. Lytle est devenu membre du comité de direction parce que c'était un des sous-groupes dont il avait dit vouloir faire partie.

Les plaignants allèguent, à la page 7 de leurs arguments, qu'un « certain nombre de cadres de la Chambre ont été consultés au sujet du sondage ». M. Legault a témoigné que le CPO avait approché les membres de l'ESG avant la présentation du 15 mai 1996 à l'ESG. Si le CPO a approché les membres de l'ESG, c'était dans le but de s'assurer qu'ils appuyaient leur demande de financement.

Les plaignants affirment, à la page 7 de leurs arguments, que l’ordre du jour de la réunion de l’ESG du 22 mai 1996 « mentionnait nullement le projet de sondage ». Bien que cela soit exact, M. Morin a affirmé en contre-interrogatoire qu’il n’était pas inhabituel de déroger à l’ordre du jour aux réunions de l’ESG.

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Decision Page 38 Les plaignants allèguent à la page 9 de leurs arguments que, « à la réunion du 3 juin 1996, les syndicats ont formulé des objections précises concernant la portion du sondage traitant de la rémunération et des avantages sociaux ». Or aucune preuve n’a été produite à l’audience pour étayer cette affirmation. De plus, MM. Batho, Lytle et Morin ont tous admis en contre-interrogatoire que les syndicats n’avaient soulevé aucune objection précise à la réunion du 3 juin 1996, sauf à propos du préambule et de la question traitant des groupes professionnels.

Les plaignants se sont appuyés sur le passage suivant de la décision rendue dans Saskatchewan Wheat Pool, [1996] C.L.R.B.D. No. 17, CCRT Décision n o 1167, aux pages 11 et 12 de leur argumentation, pour montrer que les employeurs doivent respecter la fine ligne qui sépare les communications de l'employeur qui sont permises de celles qui ne le sont pas.

« Toutefois, ce que ces décisions montrent clairement par ailleurs, c'est que le contexte des relations de travail dans lequel ces communications ont lieu, le contenu des communications et les conséquences, voulues ou non, qu'elles ont sur le pouvoir de l'agent négociateur sont autant de facteurs critiques qui aident à déterminer si l'employeur a franchi le seuil qui sépare une communication directe permise par le Code d'une communication qui ne l'est pas. Le processus de communication dans un milieu de travail syndiqué est dynamique et, par ses diverses permutations et formes, il peut influer non seulement sur les relations employeur-employé, mais également sur les relations employé-agent négociateur. »

Il n’est pas contesté que la décision Saskatchewan Wheat Pool établit correctement le critère qui doit être appliqué lorsqu’il s’agit de déterminer si les actions de l’employeur sont permises. L’application de ce critère à la présente affaire, estimons-nous, nous amène à la conclusion que les communications qui ont eu lieu n’étaient pas interdites par la loi. Le contexte dans lequel les communications ont lieu, leur contenu et leurs conséquences, d’après l’arrêt précité, sont des facteurs critiques lorsqu’on doit établir si les communications sont appropriées.

Pour ce qui est du contexte dans lequel les communications ont eu lieu, nous soulignons qu’il n’y avait pas de négociation collective en cours au moment du sondage, qu'aucun avis de négocier n’avait été signifié par aucun des agents négociateurs à la Chambre et que le plus tôt qu’un avis de négocier aurait pu être donné était le début de 1998. En ce qui concerne le contenu des négociations, le contenu du

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Decision Page 39 sondage ne renvoie directement à aucune question visée par la convention collective ni à aucune question liée à des négociations entre l’employeur et les agents négociateurs. Les communications étaient simplement une demande d’information les répondants demeuraient anonymes et étaient libres de répondre ou non. Quant aux conséquences des communications, les syndicats n’ont présenté aucune preuve pour montrer en détail les conséquences préjudiciables ou potentiellement nuisibles associées au fait de recueillir des renseignements par l’intermédiaire du sondage.

Le Conseil, dans l’affaire Saskatchewan Wheat Pool, a jugé qu’il y avait eu des communications non permises du fait que celles-ci avaient porté sur des questions qui non seulement avaient fait l’objet de négociations intenses, mais étaient au coeur du processus spécial de négociation établi pour résoudre la négociation collective, sans compter que les communications avaient eu lieu immédiatement après que l’exécutif du syndicat eut recommandé à son unité de négociation de rejeter la proposition. Or les circonstances qui existaient dans Saskatchewan Wheat Pool, estimons-nous, sont complètement différentes de celles qui existent en l’espèce.

Les plaignants allèguent, à la page 12 de leurs arguments, que les observations qu’a faites le CCRT dans Syndicat canadien de la Fonction publique, Division de radio-télévision et Société Radio-Canada, 27 C.L.R.B.R. (2d) 110, CCRT Décision n o 1102 s’appliquent tout autant dans la présente affaire. Nous ne sommes pas d’accord. Nos commentaires ont trait au passage suivant de l’affaire Société Radio-Canada sur laquelle les plaignants se sont appuyés.

« Toutefois, dans un milieu syndiqué, l'employeur ne peut instituer un programme de participation des employés, du genre du PDC, qui soit axé sur des domaines qui ressortent directement au syndicat, soit aux termes de la convention collective ou à la table de négociation, sans faire intervenir ce dernier dans l'instauration et la gestion de ce processus. Pour obtenir de bons résultats, l'employeur qui désire instaurer un programme consultatif en milieu de travail syndiqué doit y faire participer le syndicat d'une façon significative. » (c’est nous qui soulignons)

À notre avis, le sondage ne portait pas sur des domaines qui « ressortissent directement » aux syndicats dans la convention collective ou à la table de négociation. De plus, le sondage fournissait simplement aux employés l’occasion de faire connaître leurs opinions sur des questions générales à la

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Decision Page 40 Chambre de Communes. M. Batho, dans son témoignage, a tenté de relier les questions du sondage à des dispositions de sa convention collective, mais il n’a pas réussi à fournir beaucoup de détails, si ce n’est que quelques questions du sondage avaient trait à des sujets identiques ou semblables à ceux visés par la convention collective, mais traitaient en fait de questions totalement différentes à l’intérieur de ces sujets. Par exemple, le changement technologique est abordé tant dans le sondage que dans la convention collective. Dans le sondage, la question concernant le changement technologique (question 3) demande aux répondants si la Chambre des communes applique correctement la nouvelle technologie au travail des employés. Dans la convention collective (pièce 2 du syndicat, article 10), cependant, la clause sur le changement technologique concerne le préavis à donner, le contenu du préavis, la nécessité de consulter le syndicat sur le recyclage ou la réaffectation ayant trait au changement technologique et au recyclage que doit offrir l’employeur.

Dans l’extrait de l’affaire Société Radio-Canada sur lequel s’appuient les plaignants on peut également lire que « [s]i l'employeur fait un effort réel et raisonnable en vue de faire participer un syndicat à un processus consultatif [...] et que ce syndicat refuse d'y participer, le Conseil pourrait bien refuser [...] d'ordonner [...] [d]es mesures correctives [...] ». Nous soulignons qu’il y a eu des consultations avec les syndicats, tant à la réunion de l’ESG du 22 mai 1996 qu’à la réunion fixée pour discuter du sondage le 3 juin 1996. Exception faite des deux suggestions qui ont été incorporées au sondage, les syndicats n’ont formulé aucune objection particulière concernant le sondage et ont simplement demandé qu’on stoppe le sondage. Le fait que les plaignants invoquent maintenant des objections qu’ils n’ont jamais soulevées durant la consultation, en fait, équivaut à ne pas avoir participé au processus de consultation.

À la page 15 de leurs arguments, les plaignants allèguent qu’ils n’ont pas été informés du sondage avant la réunion de l’ESG du 22 mai 1996. Or en juillet 1995, les syndicats ont été invités à des réunions auxquels on leur a parlé du Groupe de travail sur la culture de l’organisation et remis une affiche indiquant que le Groupe de travail mènerait peut-être un sondage. M m e Paquette a témoigné qu’on a remis une copie de l’affiche à chacun des représentants présents à la réunion. De plus, M. Lytle, le vice-président du SCEP, a témoigné qu’il faisait partie du comité de direction du Groupe de travail sur la culture de l’organisation, soit le comité qui supervisait toutes les activités des comités du Groupe de travail, y compris le CPO.

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Decision Page 41 Les plaignants allèguent, à la page 15 de leurs arguments, que la consultation qui a eu lieu entre le CPO et les syndicats est arrivée si tard dans le processus qu'elle a placé les syndicats dans une situation le fait de soulever des objections légitimes était perçu comme de l'obstructionnisme. Aucune preuve en ce sens n'a été produite à l'audience et à aucun moment une partie n'a laissé entendre que les objections légitimes seraient qualifiées d'obstructionnistes. D'ailleurs, comme l'a signalé M. Morin dans son témoignage, les syndicats ont effectivement soulevé des objections légitimes concernant le préambule et la question sur les groupes professionnels, et le CPO y a répondu en retirant ces points du sondage.

Les plaignants allèguent, à la page 16 de leurs arguments, qu'un gel de la négociation rend les agents négociateurs plus vulnérables à l'effet préjudiciable que les communications de l'employeur peuvent avoir sur eux. Ils n'ont toutefois avancé aucune preuve à l'appui de cette affirmation, non plus qu'ils n'ont fait d'observations au sujet du gel de la négociation collective.

À la page 17 de leurs arguments, les plaignants allèguent que le gel statutaire et les réductions d'effectifs pouvaient amener les employés à remettre en question l'utilité des syndicats. Or le sondage n'a mentionné aucun de ces deux points. D'ailleurs, à l'audience les plaignants n'ont présenté aucune preuve concernant ces points.

Les plaignants affirment, à la page 18 de leur argumentation, que le fait de ne pas mentionner les syndicats dans l'introduction au sondage envoie aux employés le message qu'ils ne remplissent aucun rôle dans le milieu de travail. Nous signalons qu'à la réunion de consultation du 3 juin 1996 les syndicats ont soulevé précisément cette section du sondage et demandé qu'une partie de celle-ci soit retirée. Aucune autre objection n'a été soulevée concernant cette section à la réunion, non plus qu'à l'audience.

Les plaignants s'appuient sur l'affaire United Nurses of Alberta v. Alberta Healthcare Association, [1995] 95 CLLC 143,11, aux pages 18 et 19 de leurs arguments, pour affirmer que les communications avec les employés envoient inévitablement plusieurs messages. Cependant, la Commission, dans Alberta Healthcare Association, avait à se prononcer sur une situation très différente de celle qui existe en l'espèce. Dans Alberta Healthcare Association, on demandait aux employés de choisir habituellement sur une base non volontaire et de façon non anonyme entre des mises à pied et une diminution proportionnelle de leur paie. C'est une situation différente de celle qui nous occupe il

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Decision Page 42 n'y avait pas de négociations directes et l'on a demandé aux employés, d'une façon anonyme et volontaire, de faire part de leurs opinions sur divers sujets. La possibilité de transmettre aux employés un mauvais message est grandement réduite lorsque les communications se déroulent dans un contexte tel celui qui a existé en l'occurrence.

Les plaignants invoquent un autre passage de Saskatchewan Wheat Pool, à la page 20 de leurs arguments, pour affirmer que le fait de solliciter les vues des employés sur leur rémunération et leurs avantages sociaux envoie le message que les syndicats sont inutiles. Le Conseil, dans Saskatchewan Wheat Pool, souligne qu'une raison de restreindre la communication est d'empêcher l'employeur d'obtenir un avantage concurrentiel à la table de négociation. Nous rappelons que M. Legault a témoigné que l'information recueillie auprès des employés a été présentée à l'ESG et aux syndicats en même temps. Tant l'ESG que les syndicats ont reçu des renseignements identiques à cette réunion. Le fait que les plaignants ont choisi de ne pas assister à cette réunion ne saurait être invoqué pour faire valoir que l'employeur a gagné un avantage concurrentiel.

Les plaignants, dans leurs arguments, affirment à la page 24 que « [s]i les plaignants avaient été consultés et appelés à prendre part au projet de sondage dès le départ, il est tout à fait probable qu'on aurait pu régler les problèmes par une consultation significative ». Or la présente plainte n'a pas trait au défaut de consulter. Il est d'ailleurs facile de faire une telle affirmation après coup; toutefois, les plaignants n'ont produit aucune preuve pour montrer que tel aurait été le résultat. Rien dans la preuve présentée par les plaignants ne donne à croire que les syndicats auraient souscrit au sondage.

Les plaignants affirment, aux pages 3 et 5 de leurs arguments, que le défendeur n'a cité ni M M m e Salt à témoigner à l'audience. Le défendeur rappelle qu'il ne faisait que répondre aux plaintes des syndicats. Par conséquent, afin de traiter des questions réelles et non de digressions, le défendeur n'a pas cité M puisque les dépositions d'autres témoins ont porté sur leur participation dans les circonstances entourant le sondage.

À la lumière de toute la preuve présentée à la Commission, nous soutenons que le sondage et les communications l'entourant n'ont pas porté atteinte à la formation ni à l'administration des syndicats, pas plus qu'à la représentation des employés de la Chambre des communes par ces derniers.

La plainte, estimons-nous, devrait donc être rejetée. Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Bouffard ni m e Bouffard ni M m e Salt,

Decision Page 43 Motifs de la décision En juin 1986, le Parlement a décidé que certains employés de la Chambre des communes et du Sénat pouvaient participer à la négociation collective. À cette fin, il a adopté la Loi sur les relations de travail au Parlement. Les trois plaignants dans les affaires qui nous occupent ont été accrédités à titre d'agents négociateurs en vertu de la Loi en 1987.

Le processus de négociation collective envisagé par la législation crée un régime bilatéral selon lequel l'employeur doit traiter avec des agents négociateurs accrédités pour l'établissement de certaines conditions d'emploi. Ces conditions de travail ne sont pas négociées individuellement entre l'employeur et les employés. Par conséquent, dans ce contexte, l'une des conditions sine qua non au succès de la négociation collective est la règle primordiale voulant que l'employeur doive négocier uniquement avec un syndicat et ne doive pas intervenir dans la représentation des employés syndiqués par un agent négociateur.

À cette fin, la Loi sur les relations de travail au Parlement prévoit l'accréditation d'agents négociateurs afin que la négociation collective puisse se dérouler suivant les paramètres établis dans la Loi. L'accréditation d'un agent négociateur donne lieu à certains droits et obligations énoncés principalement aux articles 5, 6, 7, 8 et 28 de la Loi sur les relations de travail au Parlement. L'article 28 dit clairement que, une fois accrédité, l'agent négociateur a le droit exclusif de négocier collectivement au nom des employés de l'unité de négociation qu'il représente.

Il y a lieu de signaler que la Loi sur les relations de travail au Parlement ne contient pas de disposition sur la liberté d'expression de l'employeur comme l'Alberta Labour Code et la Loi sur les relations de travail de l'Ontario. Les dispositions sur la liberté d'expression portent invariablement que l'employeur ne viole pas l'interdiction d'intervenir dans la représentation des employés syndiqués du seul fait qu'il exprime ses vues, pourvu qu'il ne recourt pas à la contrainte, à l'intimidation, à des menaces, ou à des promesses, ni n'abuse de son influence.

Dans l'affaire United Nurses of Alberta citée par les défendeurs, l'Alberta Labour Relations Board fait des observations utiles sur les communications de l'employeur avec des employés syndiqués et sur la façon dont ces communications peuvent porter

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Decision Page 44 atteinte au droit de l'agent négociateur de représenter ses membres (argumentation des défendeurs, onglet 7, pages 20 et 21) : [Traduction] Les affaires traitant de l'ingérence traitent en général de la distinction à faire entre l'ingérence et la liberté d'expression. C'est une question d'équilibre. Comme la Commission ontarienne l'a affirmé :

Bien que l'employeur ait le droit de communiquer directement avec ses employés nonobstant l'accréditation d'un syndicat, ce droit doit être exercé judicieusement et ne peut servir à miner le rôle du syndicat à titre de négociateur.

United Steelworkers of America v. Radio Shack [1979] C.L.L.C. para. 16,003 (C.R.T.O.)

La Commission ontarienne longuement sur ce thème dans :

Operative Plasterers' International Association Local 172 v. A.N. Shaw Restoration Ltd. et al [1978] CLRBR 214, à la page 219.

L’existence du principe bien établi de l’exclusivité du droit de négociation signifie que l’employeur doit faire preuve de circonspection lorsqu’il communique avec des employés représentés par un agent négociateur, spécialement lorsque ces communications ont lieu durant les négociations. La nécessité pour l’employeur de faire preuve de circonspection, toutefois, ne signifie pas que toutes les communications entre l’employeur et les employés sont interdites. L'article 56 de la Loi, qui interdit à l'employeur de participer au choix, à la formation ou à l'administration d'un syndicat, porte expressément que cette interdiction générale n'a pas pour effet de « priver l'employeur de la liberté d'exprimer son point de vue pourvu qu'il ne recourt pas à la contrainte, à l'intimidation, à des menaces, ou à des promesses, ni n'abuse de son influence ». Lorsque les communications ont lieu entre l’employeur et les employés pendant les négociations, la Commission doit départager la liberté légitime d’expression des empiétements illégaux sur le droit exclusif du syndicat de négocier au nom des employés. La distinction n’est pas aisée à faire et, pour l’établir, l’on doit se

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s'est prononcée plus

and Cement Masons'

Decision Page 45 demander si ces communications représentent en réalité une tentative de négocier directement avec les employés. Si on peut qualifier ainsi les communications de l’employeur, on doit les considérer comme influençant de manière indue les employés et, par conséquent, comme échappant à la protection accordée à la liberté d’expression par l’article 56. Dès qu'elles échappent à cette protection, les communications peuvent être réputées violer l'article 59 de la Loi, et violer également l’obligation de négocier de bonne foi si elles ont pour effet de miner la viabilité de l'agent négociateur.

Plusieurs affaires soulignent la sensibilité accrue dont l'employeur doit faire preuve lorsqu'il communique directement avec les employés durant la négociation. Voir, par exemple, Union of Calgary Co-op Employees v. Calgary Co-op Association [1993] Alta. L.R.B.R. 335, à la page 358.

On trouve une discussion plus utile des principes entourant cette question dans Saskatchewan Wheat Pool, une décision du Conseil canadien des relations du travail à laquelle se sont reportés les plaignants dans leurs arguments écrits (onglet 1, pages 12 et 13). Le Code canadien du travail, de même que la Loi sur les relations de travail au Parlement, ne contient pas de disposition relative à la « liberté d'expression » :

[par. 29] Le Conseil a eu de nombreuses occasions récemment de commenter le sens et la portée de cette interdiction en ce qui concerne les communications directes de l'employeur avec les employés représentés par un syndicat. Voir Aéroports de Montréal (1995), 97 di 116 (CCRT n o 1115); Société Radio-Canada (1994), 96 di 122; 27 CLRBR (2d) 110; et 95 CLLC 220-028 (CCRT n o 1102); Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1994), 95 di 78; et 94 CLLC 16,061 (CCRT n o 1081). De même, des commissions provinciales ont formulé des mises en garde à propos de communications entre l'employeur et ses employés syndiqués. Voir Irving Oil Limited, 4 août 1995 (NBLRB); et Canada Safeway Limited et al., [1995] 3rd Quarter Sask. Labour Rep. 170.

[par. 30] Ce que font ressortir toutes ces décisions, premièrement, c'est que l'article 94 ne signifie pas que l'employeur ne devrait en aucune circonstance communiquer directement avec les employés concernant des questions d'intérêt professionnel. Tel qu'il est signalé dans Société Radio-Canada, précitée, les réalités et les tendances qui se

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Decision Page 46 manifestent dans le milieu de travail étant ce qu'elles sont, notamment en ce qui concerne la participation et la responsabilisation des employés, il est souhaitable et normal que l'employeur et le syndicat (sic) se consultent et communiquent davantage sur les questions qui touchent le milieu de travail. L'alinéa 94(1)a) n'a pas pour objet de restreindre ce type de communication. Par contre, lorsque l'employeur établit un tel processus de consultation ou de communication, il doit veiller à «ce que sa mise en oeuvre ne contribue pas à renverser, contourner ou remplacer le rôle légitime d'agent négociateur exclusif du syndicat» (Société Radio-Canada, précitée, pages 134; 122; et 143,273).

[par. 31] Toutefois, ce que ces décisions montrent clairement par ailleurs, c'est que le contexte des relations de travail dans lequel ces communications ont lieu, le contenu des communications et les conséquences, voulues ou non, qu'elles ont sur le pouvoir de l'agent négociateur sont autant de facteurs critiques qui aident à déterminer si l'employeur a franchi le seuil qui sépare une communication directe permise par le Code d'une communication qui ne l'est pas. Le processus de communication dans un milieu de travail syndiqué est dynamique et, par ses diverses permutations et formes, il peut influer non seulement sur les relations employeur-employé, mais également sur les relations employé-agent négociateur.

[par. 32] Il faut interpréter les limites imposées au processus de communication par l'alinéa 94(1)a) en gardant à l'esprit qu'un agent négociateur accrédité demeure investi du pouvoir exclusif de représenter pleinement les intérêts de ses membres et de s'acquitter des obligations que lui impose le Code. Ce qui est en cause, finalement, c'est la place centrale qu'occupe l'institution de la négociation collective dans l'esprit général du Code, et la nécessité conséquente de maintenir l'intégrité du processus de négociation collective en protégeant les parties à la négociation.

En l'occurrence, la Commission doit déterminer si les défendeurs, qui occupent tous un poste de direction, sont intervenus dans la représentation des membres syndiqués par les plaignants. Elle doit répondre à deux questions principales. Premièrement, le sondage du 6 juin représente-t-il une communication interdite avec les employés syndiqués en ce sens qu'il a porté atteinte à leur représentation? Deuxièmement, si la réponse à la première question est oui, les défendeurs sont-ils responsables du sondage?

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Decision Page 47 Le fondement de relations de travail saines dans tout milieu de travail syndiqué est la communication. Malheureusement, ces affaires ont montré qu’en 1996 les communications entre les parties étaient lamentables. Des interactions inadéquates et un manque de confiance de part et d’autre semblent être au coeur de cette malheureuse situation. En ce qui concerne le sondage du 6 juin, il n’y a eu aucune consultation significative qui permettrait d’affirmer qu’on a accordé aux plaignants une occasion raisonnable de participer au processus. Si une telle consultation avait eu lieu en temps utile et d’une manière raisonnable, les litiges qui nous occupent n’auraient probablement pas surgi. S’il est vrai que chaque partie à la négociation collective a des droits et responsabilités, il demeure que tant la direction que le syndicat doivent se montrer souples dans l’exercice de ces droits afin d’assurer l’harmonie dans le milieu de travail.

Le questionnaire du sondage touche à plusieurs sujets qui font ou qui peuvent faire l’objet de négociations collectives entre les parties. Il n’est pas crucial à ce genre de plainte que la communication avec les employés syndiqués ait lieu durant les négociations collectives. Pas plus qu’il n’est nécessaire de prouver l’intention d’ingérence. Le noeud de l’affaire est de savoir si le sondage a porté atteinte à la capacité des plaignants de représenter les membres.

Après avoir étudié tous les éléments de preuve produits ainsi que les arguments des parties, je suis venu à la conclusion que, dans un sens limité et subtil, le sondage a eu cet effet. Le questionnaire, en abordant la question de la rémunération et des avantages sociaux, soulevait la question intentionnellement ou non de l’utilité et de la nécessité des agents négociateurs et a nui à leur capacité de représenter leurs membres. L’ingérence, encore qu’elle fût réelle, n’a pas été très importante si on la place dans le contexte de la présente affaire.

La preuve produite montre clairement que le sondage du 6 juin n’aurait pu avoir lieu et n’aurait pas eu lieu sans l’appui, tant moral que financier, de l’Équipe supérieure de gestion dont M me Griffiths et M. Sabourin étaient membres et que dirigeait M. Marleau.

De toute évidence, la direction de la Chambre des communes a adopté le questionnaire du sondage et en a fait la promotion comme une initiative qu’il valait la

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Decision Page 48 peine de réaliser. L’imprimatur accordé à ce projet par l’ESG en a fait une initiative de la direction. Même si le CPO a bénéficié d’une assez large liberté dans l’exécution du projet, le fait demeure que le sondage n’aurait pu avoir lieu sans l’approbation et la sanction des répondants.

À la lumière de ce qui précède, je dois donc conclure que les défendeurs ont enfreint le paragraphe 6(1) de la Loi sur les relations de travail au Parlement et je fais une déclaration à cet effet. Compte tenu de la nature du manquement et dans l’espoir que les parties pourront se mettre à la tâche de redresser leur relation quelque peu tendue, la Commission ne fait aucune autre ordonnance.

Le président, Yvon Tarte Ottawa, le 30 juillet 1997.

Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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