Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement – il est décédé avant qu’une décision ne soit rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs – son agent négociateur a renvoyé son grief à l’arbitrage au nom de sa succession, à titre de grief d’interprétation de la convention collective et de grief relatif à une mesure disciplinaire – avant l’audience, l’agent négociateur a informé la Commission qu’il retirait le grief renvoyé à l’arbitrage – la Commission a conclu que l’agent négociateur ne pouvait pas retirer le grief sans le consentement écrit de la succession du fonctionnaire s’estimant lésé – l’agent négociateur n’a pas pu obtenir ce consentement écrit – la Commission a écrit à la succession du fonctionnaire s’estimant lésé pour lui dire qu’un défaut de comparaître à l’audience pouvait être considéré comme un abandon du grief – personne n’a comparu à l’audience, et l’agent négociateur a informé la Commission par écrit qu’il ne représentait plus le fonctionnaire s’estimant lésé en ce qui concerne le grief – l’administrateur général a demandé par téléconférence que le grief soit réputé abandonné – la Commission a conclu que la succession du fonctionnaire s’estimant lésé avait l’obligation de s’enquérir de l’état du renvoi à l’arbitrage et de prendre des mesures raisonnables pour y donner suite – la Commission a conclu que la succession du fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas l’intention de poursuivre le renvoi à l’arbitrage et qu’elle avait abandonné le grief.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180705
  • Dossier:  566-02-11841 et 11842
  • Référence:  2018 CRTESPF 56

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

CHRIS OWENS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Pêches et des Océans)

défendeur

Répertorié
Owens c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Abudi Awaysheh, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Karl Chemsi, avocat
Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
les 24 et 25 avril 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1        Chris Owens, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaillait pour le ministère des Pêches et des Océans (le « défendeur ») dans son lieu de travail de Fraser Valley-Ouest, à Abbotsford (Colombie-Britannique). Le 29 août 2013, il a été licencié pour des motifs disciplinaires. Le 4 septembre 2013, il a déposé un grief pour lequel il était représenté par son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance »).

2        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec laLRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le Plan d’action économique de 2013.

3        Le fonctionnaire est décédé le 6 janvier 2015.

4        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publiqueet de laLRTFPpour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

5        L’Alliance a renvoyé le grief à l’arbitrage le 17 décembre 2015, en vertu des alinéas 209(1)a) (interprétation et application d’une disposition de la convention collective) et b) (mesure disciplinaire entraînant le licenciement) de la Loi. L’Alliance a aussi avisé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) que le grief soulève une question liée à l’interprétationde l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6).

6        La CCDP n’a pas avisé la Commission qu’elle avait l’intention de formuler une observation concernant la question des droits de la personne liée au grief.

7        Dans une lettre du 21 mars 2018, la Commission a informé les parties qu’une audience sur le présent grief se tiendrait du 24 au 26 avril 2018, à Abbotsford.

8        Le 11 avril 2018, la Commission a reçu une lettre de l’Alliance l’avisant que celle-ci retirait le grief de l’arbitrage.

9        Le 12 avril 2018, j’ai demandé au greffe d’écrire un courriel à l’Alliance, afin de lui rappeler que même si elle voulait retirer sa représentation, ce qu’elle n’avait pas encore fait à ce jour, il ne lui était pas loisible de retirer le grief sans le consentement explicite de la succession du fonctionnaire (la « succession »), parce qu’il portait sur un licenciement.

10        Le 16 avril 2018, l’Alliance a écrit à la Commission qu’elle avait entamé les démarches visant à obtenir le consentement écrit de la succession confirmant qu’elle convenait de retirer le grief de l’arbitrage. L’Alliance a aussi fait allusion à de nombreuses conversations qu’elle avait eues récemment avec l’exécuteur testamentaire, concernant les prochaines dates d’audience et la nécessité de confirmer son retrait du grief de l’arbitrage.

11        Le 19 avril 2018, la Commission a pris une mesure supplémentaire en envoyant une lettre à la succession par messagerie, à l’adresse postale qui figurait dans le dossier, dont l’Alliance avait confirmé qu’il s’agissait de l’adresse postale courante de l’exécuteur. La lettre confirmait les dates et le lieu de l’audience et avisait la succession que ces dates étaient considérées comme étant définitives, et que son défaut de comparaître à l’audience pouvait être considéré comme un abandon de grief. Dans la lettre, la Commission fournissait aussi une adresse électronique et un numéro de téléphone.

12        Comme elle n’avait pas reçu le consentement de la succession à retirer le grief, la Commission n’a pas annulé les arrangements relatifs à l’audience.

13        L’audience a débuté le 24 avril 2018. Ni les parties ni leurs représentants n’y ont assisté.

14        La Commission a reporté l’audience au lendemain matin, affiché un avis en ce sens sur la porte d’entrée de la salle d’audience, et pris des arrangements aux fins d’une conférence téléphonique avec les représentants des parties. Pendant la conférence, la Commission a rappelé aux représentants que l’Alliance ne pouvait pas retirer ce type de grief sans le consentement de la succession, que ce consentement n’avait été ni obtenu ni donné à ce jour, que l’Alliance n’avait pas retiré sa représentation dans cette affaire, et qu’à aucun moment la Commission n’avait avisé les parties de l’annulation de l’audience. La Commission a aussi indiqué que l’audience aurait lieu le 25 avril 2018, à 9 h 30.

15        Le 25 avril 2018, la Commission a reçu une lettre de l’Alliance du 24 avril 2018. Celle-ci y indiquait qu’elle retirait sa représentation dans le cadre du grief.

16        L’audience a repris le 25 avril 2018, comme prévu. Personne n’a comparu au nom de la succession. Le greffe de la Commission a aussi confirmé qu’aucune personne de la succession n’avait communiqué avec lui, et qu’il n’avait reçu d’elle aucune correspondance. À ce jour, personne de la succession n’a communiqué avec la Commission. Le défendeur a comparu par téléconférence.

Résumé de l’argumentation

17        Le défendeur a confirmé qu’il était disposé à présenter ses arguments par téléconférence ou vidéoconférence. Il a demandé que le grief soit rejeté par suite de l’abandon. Il a soutenu qu’il n’y avait aucune raison de penser que la succession n’était pas au courant des dates d’audience, compte tenu des préavis que la Commission et l’Alliance avaient donnés. Le défendeur a aussi soutenu qu’il incombait à la succession de prendre des mesures raisonnables pour s’enquérir de l’état du grief.

Motifs

18        La Commission a souvent reconnu que les employeurs et le public ont intérêt à ce qu’un différend soit réglé rapidement et efficacement (voir Fletcher c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 39; Cardinal c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CRTFP 137; Smid c. Administrateur général (Service administratif des tribunaux judiciaires), 2014 CRTFP 24).

19        La succession devait prendre des mesures raisonnables pour s’enquérir et se prévaloir de la procédure qu’elle avait renvoyée à l’arbitrage. Elle n’en a pris aucune, malgré les efforts qu’ont déployés la Commission et l’Alliance pour la tenir au courant des dates d’audience. Elle a omis de répondre à l’Alliance, omis de répondre à la Commission et omis de comparaître à l’audience, même si elle a été mise au courant de la procédure. À ce jour, elle n’a jamais communiqué avec la Commission pour s’enquérir de l’état du grief ou prendre note du contenu de la lettre que la Commission avait envoyée le 19 avril 2018.

20        Je suis convaincu que la succession a été avisée, en bonne et due forme, des dates et du lieu de l’audience. L’Alliance l’a confirmé pendant la conférence téléphonique tenue le 24 avril 2018. La correspondance et les courriels antérieurs aux dates d’audience étayent aussi cet argument.

21        De plus, les données de suivi de la société de messagerie dont les services ont été retenus pour délivrer la lettre de la Commission du 19 avril 2018 laissent penser qu’un bon de livraison a été déposé à la résidence de l’exécuteur testamentaire le 20 avril 2018. Ce bon indiquait qu’on avait tenté de délivrer une lettre et que le destinataire pouvait la récupérer au bureau de la société de messagerie. Le bon laisse aussi penser que la société de messagerie a communiqué avec l’exécuteur testamentaire le 25 avril 2018. Malgré tout cela, personne de la succession n’a communiqué avec la Commission.

22        Je suis également convaincu que la succession n’avait eu ni l’intention d’assister à l’audience ni celle de se prévaloir du présent grief, et qu’elle a délibérément fait fi des nombreux efforts que l’Alliance avait déployés pour obtenir son consentement à retirer le grief et de ceux qu’avait fournis la Commission afin de communiquer avec elle.

23        La seule chose que je puisse faire est de conclure que le grief a été abandonné. Par conséquent, celui-ci est rejeté.

24        Je tiens également à souligner que la Commission a dépensé des fonds publics considérables afin de préparer l’audience, de la tenir et de faire comparaître les parties. Comme ces dates étaient réservées à la présente audience, il n’a pas été possible d’instruire d’autres affaires en suspens qui avaient été soumises à la Commission.

25        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

26        Le grief est rejeté. J’ordonne la fermeture des dossiers.

Le 5 juillet 2018.

Traduction de la CRTESPF

Stephan J. Bertrand,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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