Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant était membre de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et a occupé plusieurs postes auprès de la section locale de l’un de ses éléments – après avoir reçu trois plaintes à son égard dont une de la présidente de la section locale, l’exécutif national de l’élément a décidé de destituer le plaignant de sa qualité de représentant et l’AFPC a suspendu son appartenance pour une durée de deux ans – le plaignant a déposé une plainte de pratique déloyale de travail aux termes de l’alinéa 188c) de la LRTSPF à l’encontre du président de la section locale et du président national de l’élément, alléguant que ces derniers lui ont imposé une mesure disciplinaire en appliquant de manière discriminatoire des normes de discipline à son égard – les défendeurs ont fait valoir que la plainte était en dehors de la portée de l’alinéa 188c) et qu’elle devrait être rejetée au motif que les allégations n’étaient pas suffisantes pour établir une cause défendable au sens de cette disposition – plus particulièrement, les défendeurs ont soutenu que les motifs du plaignant étaient insuffisants pour établir qu’il avait été traité de manière discriminatoire au sens de la LCDP – la Commission a conclu que l’expression « manière discriminatoire » au sens de l’alinéa 188c) ne se limitait pas aux pratiques discriminatoires au sens de la LCDP, mais visait également les distinctions illégitimes fondées sur des motifs non pertinents – toutefois, la Commission a conclu que le plaignant n’avait présenté aucune allégation de la sorte – essentiellement, le plaignant allègue que les défendeurs ont appliqué les règlements de l’élément et la constitution de l’AFPC incorrectement et de manière arbitraire – sans plus, il n’y a pas de cause défendable voulant qu’une mesure disciplinaire lui ait été imposée d’une manière discriminatoire au sens de l’alinéa 188c) – la Commission n’a pas compétence pour trancher les questions qu’il a soulevées.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180816
  • Dossier:  561-02-847
  • Référence:  2018 CRTESPF 67

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

RANDOLPH LEACH

plaignant

et

JEAN-PIERRE FORTIN ET KIMBERLY POIRIER

défendeurs

Répertorié
Leach c. Fortin


Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
Chantal Homier-Nehmé, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant:
Lui-même
Pour les défendeurs:
Amy Kishek, agente aux griefs et à l’arbitrage
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 11 mai, les 10 et 19 juillet, le 19 septembre,
les 6 et 10 octobre 2017, et le 4 juillet 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1        Le plaignant, Randolph Leach, était membre de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (« AFPC ») et de son élément, le Syndicat des Douanes et de l’Immigration (« SDI »), depuis 2002. À partir de 2010, il a occupé des postes au sein de sa section locale du SDI, en qualité de délégué syndical officiel du Point d’entrée de Landsdowne, dans l’est de l’Ontario.

2        En décembre 2015, il a été informé que Kimberly Poirier, présidente de la section locale, et deux autres membres, avaient présenté trois plaintes à son égard auprès du SDI.

3        En septembre 2016, à la suite d’une enquête interne, le Comité exécutif national du SDI a adopté une résolution afin de destituer le plaignant de sa qualité de représentant de la section locale du SDI. En février 2017, le conseil d’administration national de l’AFPC a suspendu son appartenance à l’AFPC pour une durée de deux ans.

4        Le plaignant a contesté ces décisions et, en mai 2017, il a présenté une plainte à l’encontre des défendeurs, Mme Poirier, et Jean-Pierre Fortin, président national du SDI, auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP ») en vertu de l’article 190 et de l’alinéa 188c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP). Il allègue que les défendeurs se sont livrés à des pratiques déloyales de travail. Entre autres, il allègue qu’ils lui ont imposé une mesure disciplinaire et qu’ils ont appliqué les normes de discipline d’une manière discriminatoire. Il soutient que M. Fortin et Mme Poirier ont contrevenu aux règlements administratifs du SDI et à la constitution de l’AFPC en ce qui a trait à l’administration des trois plaintes. Il fait valoir que M. Fortin est intervenu auprès du comité d’enquête pour veiller à ce que les conclusions du rapport soient arbitraires et qu’il a exercé une influence indue sur l’exécutif national du SDI afin que ce dernier ne fasse pas preuve de diligence raisonnable au moment de la réception du rapport du comité et lors du vote relatif à ce même rapport.

5        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »). Dans la présente décision, la CRTESPF, la CRTEFP et la Commission des relations de travail dans la fonction publique (« CRTFP ») sont désignées de façon interchangeable comme étant la « Commission ».

6        L’AFPC, au nom des défendeurs, a déposé une réponse à la plainte le 10 juillet 2017. Dans cette réponse, elle a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence pour entendre la plainte, puisque les allégations qui y sont présentées ne relèvent pas de la portée de l’alinéa 188c) étant donné qu’aucun motif n’a été est soulevé permettant d’étayer une conclusion de discrimination, au sens de cette disposition.

7        Le 19 juillet 2017, le plaignant a déposé une réponse.

8        Le 15 septembre 2017, j’ai mené une téléconférence avec les parties et je les ai informées que je trancherais la question de la compétence avant de convoquer une audience sur le fonds de la plainte. Par la suite, je leur ai demandé de présenter des observations supplémentaires par écrit relativement à la définition de l’expression « manière discriminatoire » au sens de l’alinéa 188c).

9        Au deuxième paragraphe des observations du plaignant en date du 19 septembre 2017, il a déclaré qu’il restait certains renseignements à divulguer, comme suit :

[Traduction]

J’aimerais d’abord reformuler ma réponse à la Commission à sa question de savoir s’il y avait d’autres éléments que j’aimerais ajouter au résumé qui a été communiqué par l’arbitre de grief pendant la conférence téléphonique du 15 septembre. J’ai déclaré qu’il n’y avait aucun problème dans la façon dont le comité d’enquête, mis sur pied par le SDI, a entrepris son enquête sur la question dont est saisie la Commission. Je crois que je peux fournir une correspondance par courriel entre moi-même et l’enquêteur principal qui montre qu’on ne m’a donné ni la possibilité d’examiner les allégations dont je faisais l’objet ni la possibilité de réfuter ces allégations, ce qui a donné lieu à une violation de la règle de droit que l’enquête était tenue de respecter. Je suis impatient de présenter une description plus complète de ces circonstances et de transmettre les courriels pertinents à la Commission par courriel lorsque la question de la compétence aura été tranchée.

10        Étant donné sa déclaration, j’ai déterminé qu’il ne serait pas approprié de procéder à l’analyse de la question de savoir si le plaignant a établi une cause défendable selon laquelle l’alinéa 188c) a été enfreint sans qu’il ait la possibilité de fournir les renseignements mentionnés dans ses observations. J’ai décidé que je procéderais à l’analyse lorsque j’aurais reçu les renseignements mentionnés et la réponse des défendeurs.

11        Le 4 juillet 2018, afin de traiter de manière appropriée la question de savoir si la plainte relevait de la portée de l’alinéa 188c), on a demandé aux parties de fournir tous les documents restants sur lesquels elles comptaient s’appuyer.

12        Le 9 juillet 2018, le plaignant a indiqué qu’il n’avait rien d’autre à ajouter à ses observations. Les défendeurs n’ont présenté aucun autre argument supplémentaire.

13        Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’expression « manière discriminatoire » figurant à l’alinéa 188c) ne renvoie pas exclusivement à la discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. 1985, ch. H-6; LCDP). Sa portée est plus vaste. Cependant, la plainte n’a pas établi une cause défendable voulant que les défendeurs aient appliqué les normes de discipline de l’organisation d’une manière discriminatoire à son égard.

II. Analyse

A. Question I : L’expression « manière discriminatoire » figurant à l’alinéa 188c) se limite-t-elle à la discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite en vertu de la LCDP?

14        L’alinéa 190g) de la Loi prévoit que la Commission doit instruire toute plainte selon laquelle une organisation syndicale ou toute personne s’est livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185, y compris les pratiques énumérées à l’article 188, qui prévoit ce qui suit :

Pratiques déloyales par les organisations syndicales

188 Il est interdit à l’organisation syndicale, à ses dirigeants ou représentants ainsi qu’aux autres personnes agissant pour son compte :

  1. sans consentement de l’employeur, de tenter, sur le lieu de travail d’un fonctionnaire et pendant les heures de travail de celui-ci, de l’amener à adhérer ou continuer d’adhérer, ou à s’abstenir ou cesser d’adhérer à une organisation syndicale;
  2. d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale ou de le suspendre, ou de lui refuser l’adhésion, en appliquant d’une manière discriminatoire les règles de l’organisation syndicale relatives à l’adhésion;
  3. de prendre des mesures disciplinaires contre un fonctionnaire ou de lui imposer une sanction quelconque en appliquant d’une manière discriminatoire les normes de discipline de l’organisation syndicale;
  4. d’expulser un fonctionnaire de l’organisation syndicale, de le suspendre, de prendre contre lui des mesures disciplinaires ou de lui imposer une sanction quelconque parce qu’il a exercé un droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1 ou qu’il a refusé d’accomplir un acte contraire à la présente partie ou à la section 1 de la partie 2.1;
  5. de faire des distinctions illicites à l’égard d’une personne en matière d’adhésion à une organisation syndicale, d’user de menaces ou de coercition à son égard ou de lui imposer une sanction, pécuniaire ou autre, pour l’un ou l’autre des motifs suivants :
    1. elle a participé, à titre de témoin ou autrement, à une procédure prévue par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1, ou pourrait le faire,
    2. elle a soit présenté une demande ou déposé une plainte sous le régime de la présente partie ou de la section 1 de la partie 2.1, soit déposé un grief sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2.1,
    3. elle a exercé un droit prévu par la présente partie ou les parties 2 ou 2.1.

15        En vertu de cette disposition, le Parlement a accordé à la Commission la compétence très limitée d’intervenir dans les affaires internes des organisations syndicales, comme il a été soulevé récemment au paragraphe 16 de Gilkinson c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2018 CRTESPF 62. Ce point a également été soulevé dans une décision antérieure sur laquelle les défendeurs se sont appuyés dans leurs observations, soit Shutiak c. Syndicat des employé(e)s de l’impôt – Bannon, 2008 CRTFP 103, aux paragraphes 11 à 13, où il est mentionné que le prédécesseur de la Commission, la Commission des relations de travail dans la fonction publique, n’avait pas le pouvoir d’examiner les affaires d’un agent négociateur. En raison de l’entrée en vigueur de la LRTFP, en 2005, et de la création de la nouvelle CRTFP, une exception a été créée par le nouvel article 188, qui permet à la Commission d’enquêter sur les affaires internes d’un agent négociateur, mais uniquement dans certaines circonstances.

16        Ce nouveau recours ne signifie pas que la Commission pourrait agir en qualité d’organisme d’appel à l’égard de la décision d’une organisation syndicale ou qu’elle peut agir comme arbitre de dernier recours de tous les conflits entre des membres d’une organisation syndicale (voir Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2013 CRTFP 22 (« Bremsack 2013 »), au paragraphe 495). En ce qui concerne l’alinéa 188c), la portée des pouvoirs de la Commission n’est élargie que lorsqu’un agent négociateur impose une mesure disciplinaire ou une sanction à l’égard d’un membre, et ce, d’une manière discriminatoire.

17        Dans Shutiak, la Commission a déclaré que, même si le terme « discriminatoire » n’était pas défini dans la LRTFP, à son avis, il renvoyait aux motifs de distinction illiciteénoncés dans la LCDP. La Commission a déclaré ce qui suit aux paragraphes 16 et 17 :

[16] Le mot « discriminatoire » n’est pas défini dans la Loi, mais je conclus qu’il renvoie aux motifs de distinction illicites qui sont énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. La nouvelle Loi confère effectivement à la Commission le pouvoir de faire enquête sur les affaires syndicales internes dans certaines circonstances, mais la Loi ne va pas jusqu’à permettre à un membre d’assujettir chaque décision d’un agent négociateur à l’examen de la Commission.

[17] Si le législateur avait eu l’intention de permettre à un membre de l’agent négociateur de contester les décisions internes du syndicat sur la base de l’équité, les mots « arbitraire » ou « injuste » auraient été utilisés, comme dans l’article 187. L’utilisation du mot « discriminatoire », qui a une signification juridique particulière, est importante et limite l’enquête de la Commission aux motifs illicites énoncés dans la loi fédérale sur les droits de la personne. Comme les plaignantes n’allèguent pas que les gestes de leur agent négociateur contreviennent à leurs droits de la personne, la plainte n’établit pas une violation à première vue de l’article 187.

18        L’article 187 de la Loi prévoit qu’il est interdit à une organisation syndicale qui agit à titre d’agent négociateur d’une unité de négociation d’agir « […] de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur ».

19        Les défendeurs soulignent que le plaignant n’a formulé aucune allégation de discrimination au sens de la LCDP et soutiennent en conséquence que les motifs qu’il a soulevés ne peuvent aucunement étayer une conclusion qu’ils ont agi d’une manière discriminatoire.

20        Je ne suis pas d’accord avec la conclusion que la portée de l’expression « manière discriminatoire », figurant à l’alinéa 188c), soit aussi limitée. Les décisions subséquentes ont étendu la définition au-delà des pratiques discriminatoires en vertu de la LCDP. Par exemple, le plaignant m’a renvoyé à une décision qui a été publiée l’année suivante, soit ShutiakBremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 103 (« Bremsak 2009 »). La Commission a conclu que cette disposition protège les employés contre les distinctions faites illégalement, arbitrairement ou d’une manière déraisonnable. La Commission a déclaré ce qui suit aux paragraphes 86 et 87 :

86 Dans le contexte de la justice administrative et des relations de travail, la Commission se doit de retenir une interprétation libérale de la discrimination en respectant les limites de la législation; la Commission doit aussi étudier non seulement « […] les résultats de l’application des normes disciplinaires, mais aussi les raisons qui les ont justifiées et la manière dont elles furent appliquées. » À ce propos, je renvoie à Daniel Joseph McCarthy, [1978] 2 Can LRBR 105; cité dans Beaudet-Fortin, au paragraphe 84, dans laquelle le CCRT dit ceci :

[…]

Nous croyons que, dans le présent contexte, le terme « discriminatoire » signifie l’application de règles d’adhésion visant à établir des distinctions entre des personnes ou des groupes, pour des motifs illégaux, arbitraires ou déraisonnables. La distinction est de toute évidence illégale lorsqu’elle se fonde sur des considérations interdites [par la législation sur les droits de la personne], la distinction est arbitraire si elle n’est pas fondée sur aucune règle, aucune politique ni principe d’ordre général; enfin la distinction est jugée déraisonnable si elle n’a aucun rapport juste ou raisonnable avec la décision prise, bien qu’elle ait été établie conformément à une règle ou à une politique générale […]

87 J’estime que ces observations s’appliquent aussi à l’interdiction d’agir d’une manière discriminatoire contenue à l’alinéa 188c) de la Loi. Cette interdiction est de nature inclusive et vise à empêcher les agents négociateurs d’exclure des employés des activités de l’organisation syndicale en se basant sur les aptitudes qu’on leur attribue plutôt que sur leurs aptitudes réelles. La protection consiste essentiellement à éliminer les obstacles qui sont illégaux, arbitraires ou déraisonnables. Il n’en reste pas moins que les obstacles ou les distinctions valides en droit qui sont véritablement basés sur une règle ou une politique ayant un lien juste et raisonnable avec la décision qui est prise peuvent être considérés comme valides et défendables. Dans certains cas, la mesure prise à l’égard du fonctionnaire est basée sur une distinction valide plutôt que sur un motif de discrimination interdite, même si la distinction a une incidence négative pour le fonctionnaire : « [l]es distinctions ne sont pas toutes discriminatoires. » De plus, c’est le fonctionnaire qui a la charge de démontrer que l’agent négociateur a agi d’une manière discriminatoire.

[Je souligne]

21        Dans Bremsak 2013, qui concerne la même employée que dans Bremsak 2009, la Commission a utilisé les mêmes critères pour évaluer si elle avait été traitée d’une manière discriminatoire. Elle a conclu au paragraphe 497 qu’elle n’avait « […] reçu aucun traitement discriminatoire ou même arbitraire ou autrement déraisonnable […] » pendant les enquêtes ou dans l’application d’une politique à son égard.

22        Lors du contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a souligné que la Commission avait conclu que le processus de l’organisation syndicale n’était ni discriminatoire ni arbitraire ou autrement déraisonnable, et a conclu que la Commission n’avait « commis aucune erreur en tirant cette conclusion » (voir Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2014 CAF 11, au paragraphe 15).

23        Dans Gilkinson, la Commission a conclu que bien que le mot « discrimination » ne soit pas défini dans la Loi, la version française de cette loi parle de distinctions illicites, ou de distinctions illégitimes, pour traduire le mot « discrimination ». La Commission s’est appuyée sur la définition du Black’s Law Dictionary, qui définit la discrimination comme étant un [traduction] « traitement différentiel ». Le Concise Oxford Dictionary définit le verbe « discriminate » ([traduction] discriminer) comme suit : [traduction] « faire une distinction injuste dans le traitement de personnes différentes ». La Commission a ensuite conclu, au paragraphe 19, que la discrimination au sens de cette disposition comporte une distinction illégitime fondée sur des motifs non pertinents.

24        Je souscris à l’interprétation de l’expression « manière discriminatoire » tirée de ces décisions. Sa portée ne se limite pas aux pratiques discriminatoires au sens de la LCDP. Je souligne que la LCDP est expressément mentionnée à de nombreuses reprises ailleurs dans la Loi (p. ex., aux paragraphes 66(2), 93(2), 98(2), 210(1) et 226(2)). Si le législateur avait voulu que la portée de cette expression soit limitée aux pratiques discriminatoires au sens de la LCDP, il l’aurait exprimé d’une manière explicite et semblable.

B. Question II : Le plaignant a-t-il établi une cause défendable selon laquelle le défendeur a contrevenu à l’alinéa 188c) de la Loi

25        Ayant statué sur la compétence très limitée de la Commission en vertu de l’alinéa 188c) de la Loi, je dois maintenant décider, dans l’éventualité où l’ensemble des faits allégués sont vrais, s’il y a des indications que les défendeurs, ou plus généralement l’AFPC ou le SDI, ont pris une mesure disciplinaire à l’égard du plaignant ou lui ont imposé une sanction en appliquant des normes de discipline d’une manière donnant lieu à des distinctions illégitimes fondées sur des motifs non pertinents.

26        Le défendeur soutient que, même si l’expression « manière discriminatoire » ne se limite pas aux manquements à la LCDP, comme je l’ai déterminé, les allégations du plaignant, si on y prête foi, demeurent à première vue insuffisantes pour établir un manquement à cette disposition. Le défendeur soutient que, même si elle est examinée en fonction de ce fondement, la plainte ne satisfait pas à l’exception visée à l’alinéa 188c) concernant le principe général que la Commission n’a pas compétence pour intervenir dans les affaires internes d’un agent négociateur.

27        Comme il a été conclu dans Therrien, si la Commission suppose que les faits allégués sont vrais et qu’elle détermine qu’ils seraient néanmoins insuffisants pour établir qu’une plainte a été traitée d’une manière discriminatoire au sens de l’alinéa 188c), la plainte doit alors être rejetée. On considère que le plaignant n’a pas réussi à établir une cause défendable, par conséquent, même si les allégations sont prouvées, elles ne suffisent pas à établir qu’il y a eu violation de la Loi (voir également Bate c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2016 CRTEFP 27, au paragraphe 19).

28        Cependant, pour procéder à une telle analyse, les plaignants doivent avoir l’occasion de présenter toutes les allégations proposées à la Commission. Le plaignant a eu de nombreuses occasions de présenter ses allégations et les documents à l’appui. À l’exception de la [traduction] « déclaration concise » qui a accompagné sa plainte initiale datée du 11 mai 2017, il a déposé des détails supplémentaires le 3 juin 2017, ainsi que des observations en réponse à l’objection du défendeur le 19 juillet 2017 et le 19 septembre 2017. Le 10 octobre 2017, il a refusé de déposer des observations supplémentaires à l’égard de la [traduction] « demande de compétence ». Le 4 juillet 2018, lorsqu’on lui a demandé de fournir à la Commission tous les documents restants sur lesquels il s’appuyait, il a déclaré qu’il n’avait rien d’autre à ajouter. À mon avis, le plaignant a eu amplement l’occasion de décrire tous les faits qui, selon ses allégations, établissent un manquement à l’alinéa 188c) de la Loi.

29        Le plaignant soutient qu’il a fait l’objet d’un processus disciplinaire au cours de la période allant du 1er décembre 2015 au 10 février 2017, à la suite des plaintes formulées par la présidente locale, Mme Poirier, et deux autres membres du SDI. Il était alors un membre et un délégué de la section locale Saint-Laurent du SDI (section locale 27 du SDI)

30        Le 9 décembre 2015, il a reçu une lettre de M. Fortin affirmant que Mme Poirier et lui examineraient les trois plaintes et prendraient des mesures à cet égard. Le plaignant allègue que cette pratique contrevenait aux règlements administratifs du SDI. Il prétend que Mme Poirier a menti au comité d’enquête.

31        Il affirme qu’en acceptant de gérer la plainte de Mme Poirier, M. Fortin a contrevenu aux règlements administratifs du SDI et à la constitution de l’AFPC. Il allègue également que M. Fortin a contrevenu à ces règlements administratifs en participant au comité d’enquête et en en choisissant les membres.

32        Le plaignant s’oppose également au fait que les trois plaintes à son encontre ont été tranchées dans le cadre d’un seul processus disciplinaire. Il soutient qu’elles auraient dû être traitées séparément puisqu’elles sont différentes de la plainte de Mme Poirier.

33        Il allègue que M. Fortin s’est efforcé d’influencer les membres du comité d’enquête qu’il avait nommés pour veiller à ce que les conclusions du rapport soient arbitraires. Il allègue également que M. Fortin a eu recours à son influence sur l’exécutif national du SDI pour veiller à ce qu’il ne fasse pas preuve de diligence raisonnable au moment de se voir confier la tâche de recevoir le rapport du comité et de voter sur celui-ci.

34        Cependant, le plaignant n’a présenté aucune allégation de distinctions illégitimes contre lui fondées sur des motifs non pertinents. Comme dans Gilkinson, aucun motif n’a été invoqué. Le plaignant n’a pas allégué que les défendeurs ont pris une mesure disciplinaire à son égard ou qu’ils lui ont imposé une sanction en appliquant les règlements administratifs ou la constitution de l’AFPC en se fondant sur des motifs illégitimes.

35        Essentiellement, le plaignant allègue que les défendeurs ont appliqué les règlements administratifs du SDI et la constitution de l’AFPC incorrectement et d’une manière arbitraire. Sans plus, il n’y a pas de cause défendable voulant qu’une mesure disciplinaire ou une sanction lui aient été imposées d’une manière discriminatoire au sens de l’alinéa 188c). La Commission n’a pas compétence pour trancher les questions qu’il a soulevées.

36        Par conséquent, la plainte est rejetée.

37        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

III. Ordonnance

38        La plainte est rejetée.

Le 16 août 2018.

Traduction de la CRTESPF

Chantal Homier-Nehmé,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.