Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) relativement à une prétendue violation du paragraphe 10(2) de la LRTFP - Renvoi en période de stage - Représentation - Refus de présenter un grief - Procédure - Effet de l'absence du plaignant lors de l'audition des plaidoiries - Abandon de la plainte - Réparation recherchée déjà obtenue - le plaignant a été renvoyé avant la fin de sa période de stage - il a consulté son agent négociateur quant à la procédure des griefs pour contester son renvoi - l'agent négociateur a informé le plaignant que ce dernier n'avait pas droit de présenter de grief, puisqu'il n'était plus fonctionnaire - le plaignant a déposé une plainte à l'encontre du refus de son agent négociateur de déposer un grief pour contester le renvoi - l'agent négociateur s'est ensuite ravisé et a déposé un grief au nom du plaignant, après l'expiration du délai de 25 jours prévu pour ce faire - l'employeur a déclaré, aux deux paliers de la procédure des griefs, que le grief était en retard - l'employeur a cependant traité du fond du grief pour conclure que le renvoi du plaignant était justifié - le plaignant n'a assisté qu'à la première journée de l'audience, qui a duré deux jours : une partie de la preuve a été présentée la première journée; la deuxième journée, la preuve a été complétée et la plaidoirie de l'agent négociateur a été entendue - l'agent négociateur a demandé à la Commission de conclure que, en ne se présentant pas à l'audience le deuxième jour, le plaignant avait abandonné sa plainte - subsidiairement, l'agent négociateur a plaidé qu'il a présenté un grief à l'encontre du renvoi du plaignant et que, bien que le grief ait été en retard, le plaignant n'en a subi aucun préjudice, puisque l'employeur a quand même traité du fond du grief - la Commission a déclaré que, étant donné les circonstances de l'affaire, il lui était impossible de conclure que le plaignant avait abandonné sa plainte - la Commission a conclu que l'agent négociateur avait déjà accordé au plaignant la réparation que ce dernier recherchait lors du dépôt de sa plainte et que le plaignant n'avait subi aucun préjudice du fait du retard de l'agent négociateur dans la présentation du grief. Plainte rejetée. Décision citée : Deschamps (148-2-205).

Contenu de la décision

Dossier : 161-2-924 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE YETA-YALL SAMBA plaignant et L'INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA défendeur AFFAIRE : Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Evelyne Henry, présidente suppléante Pour le plaignant : lui-même Pour le défendeur : Pascale-Sonia Roy, avocate

Affaire entendue à Ottawa, Ontario, les 9 et 10 février 1999

Décision DÉCISION Page 1 M. Yeta-Yall Samba a déposé, le 29 avril 1998, une plainte, en vertu de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, à l’encontre de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) à l’effet que le représentant de son agent négociateur refusait de soumettre un grief contestant son renvoi survenu le 6 mars 1998. Cette plainte a été transmise à l’IPFPC le 1 er mai 1998. Sur le formulaire de plainte, M. Samba demandait que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) délivre une ordonnance pour permettre de redresser la situation et de présenter un grief.

L’audience de cette plainte avait initialement été prévue pour le 23 novembre 1998. À la demande de la partie défenderesse, l’audience a été remise aux 9 et 10 février 1999. Le 19 janvier 1999, M e Roy demandait de reporter l’audience plus tard en février ou en mars en raison de l’absence, en dehors du pays, de son témoin principal. M. Samba s’est opposé à la remise et la CRTFP a refusé de reporter l’audience à nouveau.

Un grief a été présenté pour M. Samba le 1 assuré la représentation à deux paliers de la procédure des griefs. Les réponses à ces deux paliers ont été négatives et M. Samba a renvoyé ce grief à l’arbitrage.

M. Samba a témoigné en son nom mais n'a pas été contre-interrogé immédiatement, car la défenderesse a demandé à faire entendre M. Michel Charette, qui avait être rappelé de la Floride pour venir témoigner, vu l'objection de M. Samba de reporter l'audience de la plainte. M. Samba ayant eu des difficultés de transport, l'audience a été retardée jusqu'à 13 h 00 et M. Charette devait repartir à 18 h 00.

M. Samba reproche à l'IPFPC de n'avoir pas respecté les délais de présentation du grief. Il considère avoir subi un préjudice de ce fait puisque l'employeur le mentionne dans les réponses aux deux paliers de la procédure des griefs. M. Samba ne dit pas quel est ce préjudice, ni comment il peut y être remédié. Il veut que les délais soient suspendus et que le grief soit entendu au fond.

La preuve de M. Samba a été que M. Michel Paquette, de l'IPFPC, l'a rencontré à l'intérieur des délais pour soumettre un grief, mais qu'il a refusé de présenter le grief lorsqu'il a obtenu une copie de la lettre de « congédiement ». M. Paquette était

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er mai 1998 par l’IPFPC, qui en a

Décision Page 2 d'opinion que M. Samba ne pouvait soumettre un grief puisqu'il avait cessé d'être un employé.

M. Samba déclare qu'il a considéré se représenter lui-même. Il a ajouté que, comme il n'avait pas les moyens d'en assumer tous les frais, il avait « le choix entre abandonner sa cause ou que l'Institut lui donne un coup de main ». Il est retourné à l'IPFPC et il a parlé à M. Denis Cardinal, le superviseur de M. Paquette.

M. Samba déclare que, avant de parler à M. Denis Cardinal, il a parlé avec M. Dennis Dumoulin, de la CRTFP, à qui il lui a demandé s'il avait un recours puisque M. Paquette ne voulait pas le représenter. M. Dumoulin lui a remis une copie de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et lui a expliqué le formulaire à remplir s'il voulait porter plainte. M. Samba a signé la plainte le 8 avril, mais ne l'a soumise que le 28 ou 29 avril 1998. Il a parlé à M. Denis Cardinal entre le 8 et le 28 avril. M. Denis Cardinal l’a assuré que les délais n'étaient pas importants et qu'il assignerait son dossier à M. Charette, qui communiquerait avec lui et le représenterait. Deux semaines plus tard, M. Samba a rencontré M. Charette et le grief a été présenté le 1 er mai 1998 (voir onglet 8 du cahier des documents). L’audition du grief au premier palier de la procédure des griefs a eu lieu le 9 juin 1998. M. Samba déclare qu'il avait oublié d’enlever sa plainte. Lorsqu'il a reçu la réponse à son grief (voir onglet 14 du cahier des documents), par laquelle le Directeur a rejeté le grief à cause du retard, il a appelé M. Denis Cardinal, qui lui avait promis que les délais n'auraient pas d'importance. Il a appris qu'il y avait un autre palier dans la procédure des griefs, au niveau du sous-ministre. M. Charette lui a assuré que, à ce niveau, s'il y a eu faute du ministère, le sous-ministre ne tiendra pas compte des délais et qu'il y aura une réponse positive.

Lorsque la réponse du sous-ministre est arrivée (voir onglet 21 du cahier des documents), M. Samba a décidé de réactiver sa plainte. M. Samba considère que le grief a été rejeté à cause du refus initial de l'IPFPC de le représenter. Si les délais avaient été respectés, il croit que la réponse aurait été différente. M. Samba déclare que l'employeur n'avait pas intérêt à prendre tous les moyens pour étudier son cas, puisque le grief est hors délai. M. Samba est convaincu que le retard a joué un rôle et que l'employeur n'a pas répondu aux représentations faites au premier ni au dernier palier de la procédure des griefs pour cette raison.

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Décision Page 3 M. Samba admet que M. Charette a présenté tous les faits pertinents au grief, conformément à l’approche dont ils avaient convenue lors de leur préparation. Il admet aussi avoir fait des commentaires lors des deux rencontres avec l'employeur au sujet du grief. M. Samba a fait un commentaire, au dernier palier de la procédure des griefs, sur la question du retard, indiquant qu'il avait présenté son grief à temps à l'IPFPC et qu'on lui avait promis que les délais ne seraient pas pris en considération.

M. Samba n'est pas certain des dates de ses communications avec l'IPFPC concernant ses problèmes et son congédiement, mais il est convaincu avoir eu une rencontre le 5 ou 6 mars 1998 avec M. Paquette, car il est certain que sa rencontre a eu lieu à l'intérieur des délais fixés pour présenter un grief. Il admet avoir annulé, le matin même, un rendez-vous fixé au 23 février 1998 par M. Paquette. Il admet avoir dit à M. Paquette qu'il allait procéder autrement que par grief, qu'il allait s’adresser à la Commission canadienne des droits de la personne. M. Samba indique qu'il avait, par la suite, changé d'idée et qu'il a contacté M. Paquette en laissant dans sa boîte vocale un message à l'effet qu'il voulait contester le « congédiement ». M. Samba se rappelle avoir eu une rencontre avec M. Paquette. Il se rappelle qu'il y a eu un rendez-vous manqué avant la rencontre durant laquelle il lui a expliqué son cas. M. Samba explique qu’il n'avait pas en main sa lettre de « congédiement » lors de cette rencontre et que M. Paquette à faire des démarches pour en obtenir une copie.

M. Samba indique qu’il a renvoyé son grief à l’arbitrage et que les dates du 26 au 28 mai ont été mises au rôle d’audiences. Il déclare qu’il a aussi contacté la Commission canadienne des droits de la personne pour présenter une plainte, mais qu’on lui a dit d’attendre que la procédure des griefs soit terminée, « qu’ils ne peuvent pas faire les deux en même temps ».

M. Charette a témoigné pour l'IPFPC. Il est agent des relations de travail. Il a pris connaissance du dossier Samba entre les 24 et 26 avril 1998, à la demande de M. Denis Cardinal. Il a rencontré M. Samba, le 1 er mai, après un échange de communications par boîtes vocales le 27 avril 1998. M. Charette a pris en note tous les faits pertinents concernant le dossier de M. Samba. M. Charette a identifié et lu dans le cahier de documents, à l'onglet 7, les notes de cette rencontre. M. Charette a, à nouveau, rencontré M. Samba le 2 juin 1998 pour préparer la présentation du grief qui devait avoir lieu le 9 juin 1998. Dans la lettre de M. John Bremner, conseiller en relations de travail, confirmant la date du 9 juin pour l’audition du grief, l’employeur

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Décision Page 4 s’engage à entendre le grief au fond (voir onglet 10 du cahier des documents). M. Charette identifie ses notes de préparation aux onglets 11 et 12 du cahier des documents.

M. Charette déclare que la réunion de grief du 9 juin a duré environ 45 minutes. Il lui semblait qu'il y avait une entente, qu'on allait faire fi des délais, qu'il était pour démontrer le bien-fondé de la cause de M. Samba. M. Charette indique qu'il avait convenu avec M. Samba qu'il allait diriger la discussion : il y aurait un historique par M. Samba; M. Charette ferait valoir les arguments concernant la façon inacceptable dont le stage de M. Samba avait été conduit, contrairement au programme de formation, le fait qu'on ne lui a jamais donné la chance de faire du travail et la manière dont on a mis fin au stage; et, par la suite, M. Samba pourrait faire les commentaires qu'il voulait. M. Charette a pris des notes lors de l'audition (voir onglet 13 du cahier des documents), qui confirment son témoignage.

Lorsque la réponse négative du premier palier de la procédure des griefs est arrivée, M. Charette était en vacances et ses collègues se sont chargés de la transmission du grief au dernier palier de la procédure des griefs (voir le cahier des documents onglets 15 à 18 inclusivement).

La rencontre au dernier palier de la procédure des griefs fut fixée au 19 octobre 1998. Une heure avant celle-ci, M. Charette a rencontré M. Samba pour se préparer, ses notes sont reproduites à l'onglet 19 du cahier des documents, et elles indiquent, en première page, ce dont il fut question lors de cette rencontre et à l'audition au dernier palier de la procédure des griefs. Lors d'une conversation avec une Mme Monique Paquin, le 26 octobre 1998 (voir notes à l'onglet 20 du cahier des documents), cette dernière a déclaré à M. Charette que M. Samba a démontré, lors de ses commentaires sur les délais pendant l'audition du grief, son incompréhension de la procédure, incompréhension semblable à celle qu'il a démontré face aux tâches qui lui ont été données. M. Charette a reproché à Mme Paquin d'avoir piégé M. Samba.

M. Charette a étudié le dossier de M. Samba et la réponse du sous-ministre Michel Cardinal et a conclu qu'il n'y avait aucun élément disciplinaire qui permettait de porter le grief en arbitrage. Il a écrit une lettre à cet effet à M. Samba en date du 14 décembre 1998 (voir onglet 22 du cahier des documents). Cette lettre expliquait la procédure de l'IPFPC pour en appeler d'une décision de ne pas poursuivre la représentation. Il a parlé à M. Samba du contenu de sa lettre le 23 décembre 1998 (voir Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 onglet 23 du cahier des documents). M. Samba s'est prévalu de cette procédure et a rencontré M. Georges Nadeau le 7 janvier 1999 (voir les notes à l'onglet 24 du cahier des documents). M. Nadeau a expliqué à M. Samba qu'il n'y avait pas lieu d'aller à l'arbitrage, que l'IPFPC a des ressources limitées et qu'il serait inutile de renvoyer le grief devant la CRTFP car elle n'a pas compétence pour entendre un grief contre un renvoi en période de stage. À cette rencontre, M. Samba a été prévenu que la période d'un an pour loger une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne tirait à sa fin et il a été encouragé à le faire avant le 19 février 1999.

En contre-interrogatoire M. Charette indique que lui et M. Samba s'étaient entendus pour ne pas soulever la question des délais, mais que M. Samba, suite à une question de l’employeur, a décrit toutes ses démarches ainsi que sa plainte contre l'IPFPC. M. Charette déclare que le sous-ministre Michel Cardinal n'a pas contacté l'IPFPC, que l'enquête de l’employeur suite à la rencontre au dernier palier de la procédure des griefs a été menée auprès des gestionnaires du ministère et non de l'IPFPC. Au sujet de ses notes de la conversation qu’il a eu avec Mme Paquin, M. Charette précise que c'est lui qui a soulevé la question piège que l'employeur avait posée à M. Samba lors de la rencontre au dernier palier de la procédure des griefs et que Mme Paquin a mentionné que les réponses du plaignant étaient une illustration de son incompréhension. Elle a aussi questionné la crédibilité de M. Samba, qui avait indiqué avoir été en chômage pendant 5 ans, alors qu'il a travaillé durant cette période. Mme Paquin aurait dit à M. Charette que les gestionnaires lui ont mentionné que M. Samba comprenait mal ce que les gestionnaires lui disaient.

Le contre-interrogatoire de M. Samba a eu lieu après le témoignage de M. Charette et s'est terminé à 17 h 00. M. Samba n'avait pas d'autre témoin à faire entendre. M e Roy a indiqué que le témoignage de M. Paquette, son dernier témoin, serait assez long. J'ai décidé que le moment était propice pour ajourner et que, comme deux jours d’audience avaient été prévus, nous poursuivrions à 9 h 30, le 10 février 1999, au même endroit. J'ai demandé à M. Samba s'il avait bien compris que le lendemain matin l’IPFPC continuerait la présentation de la preuve, c'est-à-dire le témoignage de M. Paquette, et que les plaidoiries viendraient ensuite, en commençant par le sien, auquel répondrait M e Roy. M. Samba a hoché la tête en signe d'affirmation. Le lendemain matin, à 9 h 30, M. Samba ne s’est pas présenté. J'ai ajourné jusqu'à 10 h 00 pour m'enquérir si M. Samba avait téléphoné pour avertir d'un retard

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Décision Page 6 ou d'un problème. Le personnel de la CRTFP a tenté de rejoindre M. Samba au numéro apparaissant au dossier. Il s'agissait d'un numéro de téléphone relié à la boîte vocale d’une personne autre que M. Samba.

À 10 h 00, comme M. Samba n'était toujours pas là, M e Roy m'a demandé de rejeter la plainte comme étant frivole, ajoutant que le comportement de M. Samba était vexatoire. J'ai refusé la requête de M e Roy et lui ai demandé de procéder avec le témoignage de M. Paquette. Si M. Samba arrivait en retard, j'aviserais ce dernier de la preuve reçue en son absence, puisque l'avis d'audience indiquait « qu'à défaut par vous de comparaître à l'audience ou à toute reprise d'audience éventuelle, le Commissaire qui présidera peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis ».

M. Paquette est agent de relations de travail à l'IPFPC depuis 1987. Il utilise un cahier, ou « log », il note les appels et messages reçus ou retournés, et un agenda, il note ses rendez-vous et ses rencontres. M. Paquette identifie, à l'onglet 3 du cahier des documents, des photocopies d'extraits de son cahier d'appels et de messages. Il a souligné en jaune les messages ou appels provenant de M. Samba. Il a appris l’existence de M. Samba le 9 février 1998 et il a eu avec lui des échanges de messages et de conversations téléphoniques à de nombreuses reprises, qui sont tous notés à l'onglet 3 du cahier des documents.

M. Paquette déclare avoir rencontré M. Samba pour la première fois le 13 mars 1998 et il a pris des notes lors de cette rencontre (voir onglet 6 du cahier des documents). M. Paquette déclare avoir fixé, le 19 février 1998, un rendez-vous à M. Samba pour le 23 février 1998 pour discuter du « congédiement » de ce dernier, mais M. Samba a annulé cette rencontre le 20 février 1998 par un message laissé dans la boîte vocale de M. Charette, disant qu'il allait procéder autrement que par la présentation d’un grief. À l'onglet 4 du cahier des documents, il y a une copie d'une note d'échange de messages avec Mme Mary-Lynn Adair à ce sujet. Cette note est au dossier de M. Samba.

M. Paquette a obtenu de M. Samba une copie de la lettre d'offre d'emploi de ce dernier (voir onglet 1 du cahier des documents). Il a également obtenu une copie du manuel de formation des stagiaires (voir onglet 2 du cahier des documents). Comme M. Samba n'avait pas de copie de sa lettre de « congédiement », M. Paquette a

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Décision Page 7 communiqué avec le ministère des Travaux publics et services gouvernementaux pour l'obtenir et il l'a reçue le 19 mars 1998 (voir onglet 5 du cahier des documents).

Lorsqu'il a reçu la lettre du renvoi en période de stage de M. Samba, M. Paquette a conclu qu'il était trop tard pour faire un grief, puisque la fin d'emploi prenait effet le 6 mars 1998 et que M. Samba avait déjà cessé d'être un employé. Il a téléphoné à M. Samba le 19 mars 1998 pour lui dire que son chèque de paye lui serait envoyé par la poste par l'employeur, mais aussi qu'il était trop tard pour faire un grief. Le 20 mars, il a reçu un appel de M. Samba, qui lui a dit que son « congédiement » avait pris effet le 24 février 1998 et lui a demandé ce qui advenait des 25 jours ouvrables pour présenter un grief. Suite à cet appel, M. Paquette a rappelé M. Samba le 23 mars pour lui dire qu'il n'était plus un employé au sens de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et que les 25 jours n'étaient pas applicables, parce qu'il n'était plus employé.

M. Paquette n'a pas eu d'autres contacts au sujet de M. Samba jusqu'à ce que M. Denis Cardinal l'approche autour du 15 ou 16 avril 1998 pour lui faire part d'un appel de M. Samba. M. Denis Cardinal ne partageait pas l'opinion de M. Paquette sur sa façon d'interpréter le droit de présenter un grief suite à un renvoi en période de stage. M. Cardinal a décidé que, puisque M. Samba venait de Travaux publics et que ce portefeuille venait d'être remis à M. Charette, il assignerait le dossier à ce dernier, qui s'occuperait de M. Samba. M. Paquette a compris que M. Charette, de par ses connaissances des personnes au ministère, pourrait avoir une entente pour que le grief soit traité au fond.

M. Paquette témoigne que, dans son expérience de renvoi en période de stage, il avait toujours été avisé avant que prenne fin la période de préavis et que les griefs avaient toujours été soumis avant que l'emploi prenne fin. C'était la première fois qu'il traitait avec un employé déjà « licencié ». Il avait interprété la définition d'employé dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique comme indiquant que, lorsqu'une personne n'est plus employée, elle n'a plus le droit de présenter un grief. Suite à ses discussions avec M. Denis Cardinal, il a changé d'avis. Il avait fait part de son opinion erronée à M. Samba à deux reprises, mais M. Denis Cardinal et M. Charette se sont appliqués à trouver une solution pour que le grief soit entendu au fond. Il s'était dit que, si le cas avait du mérite, le retard ne pénaliserait pas M. Samba.

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Décision Page 8 PLAIDOIRIES M. Samba n’était pas présent lors des plaidoiries et n’en a pas présentée. M e Roy a fait remarquer qu'il n'y avait pas lieu de procéder plus loin et que, vu l’absence de M. Samba, l'exercice du matin avait été futile. Selon M e Roy, procéder plus loin aurait créé un précédent dangereux. Une personne a porté plainte, a fait valoir ses opinions, a fourni un peu de preuve et a disparu sans dire ce qu'elle recherche ou ce qu'elle réclame. À cause d'une plainte signée le 8 avril et déposée le 29 avril 1998, tout un processus s’est engagé. Eu égard à ce processus, la CRTFP a été plus que juste envers le plaignant. Le début de l’audience a été reporté pour accommoder le plaignant pour que celui-ci puisse y exposer sa position; et après avoir confirmé qu'il serait le lendemain, il n'a pas eu la décence de se présenter ou d'avertir de son absence. La défenderesse demande de rejeter la plainte uniquement au motif d'abandon.

M e Roy a fait valoir, sous toute réserve de sa position initiale, que la plainte pourrait être rejetée car il n'y a aucune preuve au dossier que l’agent négociateur ait agi de mauvaise foi, de façon abusive, capricieuse, arbitraire ou discriminatoire.

Dans sa déclaration préliminaire et au cours de son témoignage, M. Samba a déclaré qu'il a subi un préjudice du fait que son grief a été présenté en retard. La preuve de ce préjudice serait que l'employeur a rejeté son grief en invoquant les délais dans le premier paragraphe de la réponse à son grief. M. Samba ne tient pas compte de la preuve à l'effet que l'employeur a traité du fond du grief et qu'il a pris la peine d'aborder les arguments de fond présentés tant par l’agent négociateur que par M. Samba. M e Roy me réfère à l'onglet 14, qui est la réponse au premier palier de la procédure des griefs, et à l'onglet 21, qui est la réponse du sous-ministre Michel Cardinal. Il est clair, d'après la lettre de M. Bremner à M. Charette, en preuve à l'onglet 10, que l’agent négociateur avait eu une entente avec l'employeur, selon laquelle ce dernier s'engageait à traiter du fond du grief. M. Charette a fait des représentations quant au fond du grief, soit la raison pour laquelle le renvoi était injuste et non fondé. M. Samba a confirmé qu’il a eu l'opportunité de faire valoir sa position aux divers paliers de la procédure des griefs et que, d’ailleurs, il l'a fait valoir.

Il ressort clairement du témoignage non contredit de M. Charette, étayé par les notes au dossier, qui sont en preuve aux onglets 11, 12, 13 et 19, que M. Charette a fait

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Décision Page 9 valoir tous les faits et arguments se rapportant au cas de M. Samba. Ce dernier y a donc eu, sans contredit, une représentation offerte par l’agent négociateur quant au fond du grief. Il ne s'agit pas d'une situation l'employeur refuse d'avoir des rencontres ou de considérer le fond du grief au motif qu’il a été présenté hors délai. Il n'y a donc aucun préjudice. La plainte est donc sans fondement car la procédure des griefs a été suivie et l'employeur a traité du fond du grief. De plus, on sait que M. Samba a référé son grief à l’arbitrage et qu'une date d'audience a été mise au rôle.

Quand on regarde la réparation recherchée par M. Samba, on se rend compte qu’il l’a déjà obtenue. M. Samba avait déposé sa plainte pour que son grief soit présenté et, lorsque le grief a été présenté, il a « oublié de l'enlever », c'est son témoignage. La plainte devrait être rejetée car M. Samba a obtenu ce qu'il recherchait.

M. Samba a réactivé sa plainte parce qu'il semble tenir l’agent négociateur responsable du rejet du grief par l'employeur. C'est que l'analyse du statut de l'employé en période de stage devient importante. Il faut regarder la position juridique de l'employé en période de stage quant à son droit à renvoyer un grief à l'arbitrage. Elle n'est pas forte, la loi lui enlève ce droit, il a le droit de présenter un grief, d’être entendu sur le fond du grief et d’avoir une réponse de l'employeur. Son seul droit est de faire valoir, au cours de la procédure des griefs, ses objections quant aux causes de son renvoi, bien qu’il n'y ait pas de garantie que l'employeur va changer d'idée.

Au sujet de l'erreur initiale de M. Paquette, M commise de bonne foi par l’agent négociateur et qu’elle a été sans conséquence, parce que, ultérieurement, un grief a été déposé et l’employeur a traité du fond du grief.

M e Roy m'invite à lire l'article 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ainsi que l'article 92(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Elle me réfère à la décision Deschamps (dossier de la Commission n o 148-2-205), plus particulièrement aux pages 13 à 16, et à la décision Perreault (dossier de la Commission n o 166-2-26094), aux pages 23, 24, 25 et 26. MOTIFS DE LA DÉCISION Peut-on déduire du comportement du plaignant face à sa plainte que cette dernière est frivole ou vexatoire? On serait tenté d’arriver à cette conclusion lorsqu’on

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e Roy soutient que cette erreur a été

Décision Page 10 entend le plaignant dire de sa plainte qu’il avait « oublié de l’enlever », lorsque le grief a été présenté et défendu par l’IPFPC, et qu’il ne sait que dire lorsqu’on lui demande ce qu’il attend comme ordonnance de la CRTFP maintenant que le redressement indiqué dans sa plainte a été accordé. De plus, M. Samba a attendu jusqu’à une demi-heure avant l’audience pour prévenir de ses problèmes de transport de Montréal à Ottawa et pour demander une remise. C’est à la suggestion de l’agent du greffe qu’il a décidé de prendre l’autobus de 10 h 00 et de demander que l’audience soit retardée, car l’agent du greffe lui a indiqué que, en son absence, et vu la décision de la CRTFP de refuser la demande d’ajournement de la partie défenderesse, demande à laquelle M. Samba s’était objectée, il risquait que sa plainte soit rejetée s’il ne faisait pas un effort pour être présent à l’audience.

Lorsque, à la fin de la première journée d’audience, j’ai expliqué à M. Samba qu’il était normal d’ajourner à 17 h 00, lorsqu’il reste encore un témoignage assez long à être entendu, et que l’audience se poursuivrait le lendemain, à 9 h 30, au même endroit pour entendre le dernier témoin de l’IPFPC et les plaidoiries, il n’a donné aucune indication qu’il prévoyait y être absent. M. Samba avait reçu, au début de l’audience, une explication de la procédure et de ses diverses étapes et de l’ordre à suivre. M. Samba avait été assuré de la tolérance de la CRTFP s’il lui arrivait de confondre la preuve et la plaidoirie et qu’il aurait l’occasion, après que les témoignages soient entendus, de faire sa plaidoirie et soumettre les raisons pour lesquelles il croyait que sa plainte devrait être accueillie et expliquer ce qu’il attendait de la CRTFP. Lorsque j’ai demandé, à 17 h 00, à M. Samba s’il comprenait ce qui se passerait le lendemain, il a hoché de la tête pour signaler qu’il avait compris.

M. Samba ne s’est pas présenté le lendemain et n’a donné aucun signe de vie à la CRTFP. Ce manque de courtoisie élémentaire doit-il être interprété comme un abandon de la plainte? L’avis d’audience indique : « Veuillez également noter qu’à défaut par vous de comparaître à l’audience ou à toute reprise d’audience éventuelle, le Commissaire qui présidera peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis ». Malheureusement, l’adresse de M. Samba est un casier postal et le numéro de téléphone figurant au dossier ne semble plus valable parce qu’il correspond à la boîte vocale attribuée à une personne autre que lui. Il était donc très difficile de rejoindre rapidement M. Samba. Il m’est donc impossible de conclure que M. Samba a décidé d’abandonner sa plainte. Je ne peux non plus, à la lumière de son témoignage et de sa

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Décision Page 11 déclaration préliminaire, conclure que M. Samba a décidé de réactiver sa plainte de façon frivole ou par dépit envers l’IPFPC. M. Samba est quand même venu de Montréal pour déclarer qu’il croit avoir subi un préjudice du retard dans la présentation de son grief et pour demander que je suspende les délais et que l’employeur traite du fond de son grief. Il n’a pas présenté de plaidoirie sur le redressement qu’il attend de la CRTFP, comme il avait été avisé qu’il serait appelé à le faire une fois toute la preuve entendue. Cela ne démontre pas nécessairement une attitude vexatoire envers la CRTFP ou l’IPFPC. À tout le moins, cela pourrait signifier une incompréhension de la procédure de la part de M. Samba. Je ne peux donc pas accéder à la requête de la partie défenderesse et rejeter la plainte de M. Samba au seul motif de son absence de l’audience.

Bien que la plainte de M. Samba ne puisse être considérée comme frivole ou vexatoire, cela ne signifie pas qu’elle soit bien fondée. M. Samba a porté plainte afin d’obtenir que son agent négociateur le représente dans un grief à l’encontre de son renvoi. Le redressement qu’il recherche a été accordé le même jour la CRTFP a fait parvenir sa plainte à l’IPFPC. L’IPFPC avait déjà pris des mesures pour corriger l’erreur de M. Paquette et la représentation que M. Charette a fournie à M. Samba était tout à fait conforme à ses attentes, sauf qu’elle n’a pas produit les résultats qu’il désirait.

M. Samba me demande de suspendre les délais pour que le grief soit traité au fond. Cela a déjà été fait, en ce sens que l’employeur a entendu les représentations de M. Charette et de M. Samba à deux paliers de la procédure des griefs et y a répondu en rejetant les allégations de M. Samba. M. Samba n’avait pas besoin de l’approbation de son agent négociateur pour soumettre un grief à l’encontre de son renvoi, mais il a choisi d’attendre que son grief soit présenté par l’IPFPC. Il avait le droit de demander l’aide de son agent négociateur, mais l’employeur avait également le droit d’invoquer les délais dans sa réponse, même s’il a rejetté le fond du grief. M. Samba n’a apporté aucune preuve, aucun indice que l’employeur aurait traité son grief différemment sur le fond s’il avait été soumis à l’intérieur des délais. Si, en fait, l’employeur n’a pas pris « tous les moyens pour étudier son cas », ce n’est pas parce que M. Samba était hors délai, mais plutôt parce que l’employeur est tenu à beaucoup moins de contrainte lorsqu’il effectue un renvoi en période de stage en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique que lorsqu’il effectue un licenciement.

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Décision Page 12 Je dois rejeter la plainte de M. Samba, car la preuve démontre qu’il a, en fait, été représenté par l’IPFPC dans la poursuite de son grief et que ce dernier a été entendu au fond.

Il reste l’allégation de M. Samba à l’effet que le grief a été présenté hors délai par suite d’une erreur de l’agent négociateur. Il n’appartient pas à la CRTFP de substituer son jugement à celui des agents négociateurs lorsqu’ils décident de poursuivre ou pas des griefs, mais la CRTFP doit s’assurer que l’agent négociateur n’agit pas de mauvaise foi, de façon abusive, capricieuse, arbitraire ou discriminatoire. L’erreur commise par M. Paquette l’a été de bonne foi. M. Samba avait accès aux recours internes dont disposait l’agent négociateur dans les cas une décision d’un de ses représentants était contestable et les a utilisés. L’agent négociateur a pris les moyens pour réparer l’erreur commise et, fort heureusement, cette erreur n’a pas eu de conséquences tangibles pour M. Samba.

Pour ce qui est de la jurisprudence soumise par la partie défenderesse, elle n’est guère pertinente, car M. Samba ne se plaint pas du refus de l’IPFPC de renvoyer son grief à l’arbitrage. Si tel était le cas, la décision Deschamps (supra) revêtirait énormément d’importance, mais ce n’est pas le cas.

Je n’ai pas non plus à décider de la compétence de la CRTFP pour entendre le renvoi à l’arbitrage du grief de M. Samba, car je ne suis saisie que de sa plainte à l’effet qu’on avait refusé de le représenter dans la présentation d’un grief, plainte que je dois rejeter pour les raisons mentionnées plus haut.

Evelyne Henry, présidente suppléante.

OTTAWA, le 15 mars 1999.

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