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Informations sur la décision

Résumé :

Le demandeur a présenté un grief portant sur des violations de la convention collective – la Commission a reçu par courrier sa demande de renvoyer son grief à l’arbitrage deux jours après l’expiration du délai applicable – il a demandé une prorogation – la Commission a tranché que les cinq critères énoncés dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services Gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1, avaient été satisfaits – le retard a été expliqué par des raisons claires, logiques et convaincantes, y compris le fait que son représentant a d’abord envoyé le renvoi à l’arbitrage par courriel, mais s’est fait dire que ce n’était pas permis, et ensuite n’a pas pu l’envoyer par télécopieur parce que son télécopieur était brisé – le retard a été extrêmement court – le représentant du demandeur a fait preuve de diligence raisonnable durant la procédure de règlement des griefs, communiquant à plusieurs reprises avec l’employeur afin de renvoyer cette affaire à l’arbitrage et remédiant à ses erreurs en temps utile – le retard n’a causé aucun préjudice à l’employeur – la Commission n’a pas pu conclure que le grief n’avait aucune chance de succès.

Demande accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

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  • Date:  20180828
  • Dossier:  568-02-0386
  • Référence:  2018 CRTESPF 71

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

NICHOLAS CHARLES LEGGE

demandeur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

défendeur

Répertorié
Legge c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)


Affaire concernant une demande visant la prorogation d’un délai visée à l’alinéa 61b) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le demandeur:
Ronald A. Pink, c.r.
Pour le défendeur:
Cristina St-Amant-Roy, avocate
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
le 13 février 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Demande devant la Commission

1        Nicholas Charles Legge, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté un grief portant sur des violations de l’article 36 et de la clause 38.01 de la convention entre le Conseil du Trésor et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) (l’« agent négociateur ») visant le Groupe de la réparation de navires (est), qui a expiré le 31 décembre 2014 (la « convention collective »), de la part du ministère de la Défense nationale (MDN). En guise de redressement, le fonctionnaire a demandé dans son grief qu’une lettre de réprimande que l’employeur avait envoyée le 29 septembre 2016 soit retirée de son dossier du personnel.

2        Le fonctionnaire a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») le 5 septembre 2017.

3        L’employeur a déposé une objection à la compétence de la Commission, en déclarant que le grief n’avait pas été renvoyé à l’arbitrage dans le délai prescrit par la loi de 40 jours prévu au paragr. 90(1) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »). En vertu de cette disposition, un tel renvoi peut être fait au plus tard 40 jours après la date à laquelle le fonctionnaire a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

4        Subséquemment, le fonctionnaire a présenté une demande de prorogation du délai afin de renvoyer le grief à l’arbitrage aux termes de l’art. 61 du Règlement. En vertu de cette disposition, la Commission ou un arbitre de grief peut, par souci d’équité, proroger le délai de renvoi d’un grief à l’arbitrage et prolonger la période prescrite par la partie 2 du Règlement ou prévue dans une procédure de règlement des griefs énoncée dans une convention collective pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure de règlement des griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la présentation ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document.

II. Résumé de la preuve

5        Yves Fournier a témoigné pour le compte du fonctionnaire. M. Fournier travaille auprès du MDN depuis 26 ans et occupe le poste de premier vice-président auprès de l’agent négociateur depuis les trois dernières années.

6        M. Fournier a aidé le fonctionnaire durant la procédure de règlement des griefs et a assisté à l’audience au troisième palier. Il a confirmé qu’une lettre de réprimande avait été envoyée au fonctionnaire le 29 septembre 2016, pour avoir fumé dans une zone visée par une interdiction.

7        M. Fournier a indiqué que la réponse de l’employeur au dernier palier avait été envoyée par courriel au fonctionnaire le 18 mai 2017, et que ce dernier ne l’avait lue que le 25 mai 2017. La preuve documentaire déposée conjointement par les parties a corroboré ces faits.

8        Le 26 mai 2017, M. Fournier a tenté de renvoyer le grief à un quatrième palier de la procédure de règlement des griefs. Plus tard, à la mi-juin, il a appris que le troisième palier était le dernier palier au MDN et que, par conséquent, il n’était pas possible de transmettre le grief à un quatrième palier afin que le MDN le réexamine. À la suite de diverses discussions avec Michael Barnes, un agent des relations du travail du MDN, M. Fournier a compris que si le fonctionnaire n’était pas satisfait de la réponse finale de l’employeur, il fallait renvoyer le grief à la Commission pour arbitrage.

9        M. Fournier a expliqué qu’il possédait très peu d’expérience pour ce qui était d’aider ses membres à déposer un grief, et que c’était la première fois qu’il avait été sommé de renvoyer un grief à l’arbitrage.

10        Le 26 juin 2017, M. Fournier a envoyé par courriel un avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel (Formule 20) à la Commission. Il a indiqué qu’il avait procédé de cette façon parce que le télécopieur de son bureau était brisé. Le lendemain, la Commission l’a informé qu’il ne pouvait pas envoyer un pareil avis par courriel, mais qu’une télécopie pouvait être acceptée, afin de respecter le délai.

11        Comme le télécopieur était encore brisé, M. Fournier a posté l’avis. La Commission l’a reçu le 6 juillet 2017. M. Fournier a concédé qu’il n’avait pas envisagé d’utiliser un autre télécopieur, par exemple, l’un de ceux qui appartiennent à l’employeur ou un télécopieur se trouvant chez un détaillant de fournitures de bureau.

12        Le témoignage de M. Barnes n’a pas été litigieux. Il a confirmé ses discussions avec M. Fournier au sujet du renvoi de la réponse de l’employeur au troisième palier. MM. Barnes et Fournier ont discuté de cette question en mai et en juin 2017, à quatre reprises au moins, et ils ont échangé des courriels à ce propos. M. Barnes a confirmé que l’employeur était au courant de l’intention de l’agent négociateur de renvoyer le grief à l’arbitrage, qu’il aurait été contraire à l’éthique de ne pas informer M. Fournier qu’il tentait erronément de transmettre le grief à un quatrième palier, et qu’il avait avisé M. Fournier de renvoyer le grief à la Commission le 26 juin 2017. Deux notes versées au dossier, l’une le 23 juin 2017, et l’autre, le 26 juin 2017, corroborent ce dernier fait. M. Barnes a aussi indiqué que même s’il avait eu des échanges avec M. Fournier dans le passé, il n’était au courant d’aucun renvoi à l’arbitrage auquel M. Fournier aurait procédé antérieurement.

13        M. Barnes a indiqué qu’au cours de la période pertinente, c’est-à-dire, entre le 26 juin et le 6 juillet 2017, il ignorait que le télécopieur de l’agent négociateur était brisé, mais qu’il l’avait appris peu de temps après.

14        M. Barnes a aussi reconnu que l’employeur avait fait droit au grief du fonctionnaire portant sur la violation présumée de la clause 38.01 de la convention collective, notamment dans ses réponses aux deuxième et dernier paliers, sans accorder le redressement que le fonctionnaire avait demandé, soit de retirer la lettre de réprimande de son dossier du personnel.

15        M. Barnes a aussi confirmé qu’une suspension d’un jour avait été imposée au fonctionnaire six mois après l’envoi de la lettre de réprimande pour avoir fumé dans une zone visée par une interdiction. Cette suspension fait l’objet d’un autre grief que les parties laissent en suspens, en attente du résultat du présent grief.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

16        Le fonctionnaire a soutenu que le paragr. 90(1) du Règlement prévoit que le délai de 40 jours débute au moment où la personne qui a présenté le grief, lui-même en l’espèce, reçoit la décision de l’employeur au dernier palier. Selon le fonctionnaire, cela veut dire que le délai aurait dû commencer le 25 mai 2017, au moment où il a ouvert et lu le courriel de l’employeur en date du 18 mai 2017.

17        Le fonctionnaire a admis que sans égard à la date de début qui est utilisée (le 18 mai 2017 ou le 25 mai 2017), son grief a été renvoyé à la Commission pour arbitrage avec un certain retard, mais que le retard est minime dans l’un ou l’autre cas. Le 40e jour suivant le 18 mai tomberait le 27 juin, et le 40e jour suivant le 25 mai tomberait le 4 juillet. La Commission a reçu l’avis posté le 6 juillet 2017.

18        Le fonctionnaire a soutenu que son grief vise non seulement la lettre de réprimande envoyée par l’employeur, au sens de l’al. 209(1)b) de la Loi, mais aussi l’interprétation ou l’application de l’article 36 et de la clause 38.01 de la convention collective, au sens de l’al. 209(1)a).

19        Entre autres choses, l’article 36, qui traite de « l’élimination de la discrimination », interdit la discrimination, le harcèlement ou toute mesure disciplinaire fondée sur l’un des motifs interdits qu’il énumère.

20        La clause 38.01 prévoit le droit d’un employé à recevoir au minimum deux jours de préavis d’une audience disciplinaire et à y être accompagné par un représentant de l’agent négociateur.

21        Le fonctionnaire a soutenu que même si l’employeur avait fait droit à la partie de son grief portant sur la violation de la clause 38.01, aucun véritable redressement n’avait été accordé, notamment pas celui qu’il avait demandé. Selon lui, la Commission peut et devrait se prononcer sur le fond de cette question, ce qui pourrait entraîner l’annulation de la lettre de réprimande.

22        Dans le même ordre d’idées, le fonctionnaire a soutenu qu’en ce qui concerne l’interprétation de l’article 36 et la question de savoir si l’employeur l’a violé, la Commission peut et devrait se prononcer sur le fond de cette question, et que l’employeur ne l’a pas traitée exhaustivement dans la procédure de règlement des griefs.

23        Le fonctionnaire est d’avis que ses allégations ayant trait aux violations de l’article 36 et de la clause 38.01 peuvent et devraient être renvoyées à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)a) de la Loi.

24        Sur la question de savoir si le grief peut être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)b) de la Loi, le fonctionnaire a soutenu que la preuve documentaire a clairement révélé que la lettre de réprimande constituait une mesure disciplinaire. Il a ajouté que même si la lettre en soi n’entraînait pas de sanction pécuniaire, n’eût été de cette mesure disciplinaire injustifiée et illégale, il n’aurait pas fait l’objet de la suspension d’un jour six mois plus tard à l’égard d’une conduite similaire.

25        En dernier lieu, le fonctionnaire a soutenu qu’une prorogation du délai devait être accordée en l’espèce, puisque les cinq critères énoncés dans Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services Gouvernementaux Canada), 2004 CRFTP 1 sont réunis. La preuve a révélé que des raisons claires, logiques et convaincantes justifiaient le retard. La durée du retard était minime. Ses représentants ont fait preuve de diligence raisonnable pendant toute la procédure de règlement des griefs. L’employeur n’a subi aucun préjudice, de quelque nature que ce soit. Et le grief, tel qu’il est présenté, pourrait être accepté, surtout en ce qui a trait aux violations présumées de la convention collective.

B. Pour l’employeur

26        L’employeur a soutenu que la prorogation du délai ne devait pas être accordée en l’espèce, puisque le fonctionnaire n’a pas satisfait aux cinq critères énoncés dans Schenkman.

27        Tout d’abord, l’employeur a soutenu que le fait que le télécopieur de l’agent négociateur ait été brisé ne constitue pas une raison claire, logique et convaincante du retard, puisque l’agent négociateur aurait pu s’efforcer d’utiliser un autre télécopieur ou recourir aux services d’un détaillant de fournitures de bureau. Selon l’employeur, cela constitue de la négligence de la part de l’agent négociateur.

28        Deuxièmement, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire avait reçu sa réponse au dernier palier le jour où il lui avait envoyé un courriel, soit le 18 mai 2017, ce qui signifiait que son grief aurait dû être renvoyé à l’arbitrage au plus tard le 27 juin 2017. Le retard de neuf jours a été long, selon l’employer.

29        Troisièmement, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable en ne lisant son courriel du 18 mai 2017 que le 25 mai 2017.

30        Quatrièmement, l’employeur a concédé qu’il n’avait subi aucun préjudice par suite du retard.

31        En dernier lieu, l’employeur a soutenu que puisqu’aucune sanction pécuniaire n’avait été imposée au fonctionnaire, son grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)b) de la Loi, et que, par conséquent, il n’avait aucune chance d’avoir gain de cause pour défaut de compétence. Lorsqu’il lui a été demandé si le grief pouvait être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)a), l’employeur a reconnu que c’était possible, mais il a soutenu que ce grief portant sur des violations présumées de l’article 36 et de la clause 38.01 de la convention collective n’avait aucune chance de succès, puisque l’employeur avait remédié à l’allégation du fonctionnaire fondée sur la clause 38.01, et que cette allégation avait été traitée dans de nouvelles audiences aux deuxième et dernier paliers.

32        Sur ce point, l’employeur m’a renvoyé au paragraphe 109 de Higgins c. Procureur général du Canada, 2016 CF 32. L’employeur a aussi soutenu que l’allégation du fonctionnaire fondée sur l’article 36 était faible et que la preuve n’avait pas démontré qu’il y avait eu discrimination en l’espèce.

IV. Motifs

33        Le paragraphe 209(1) de la Loi définit l’objet d’un renvoi à l’arbitrage. Dans le contexte du présent grief, les parties pertinentes du paragr. 209(1) sont rédigées en ces termes :

209 (1)Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire qui n’est pas un membre, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

  1. soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;
  2. soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire[…]

34        Le paragraphe 90(1) du Règlement prévoit dans les termes qui suivent le délai d’un renvoi à l’arbitrage :

90 (1)Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d’un grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

35        Il n’est pas contesté que le grief a été renvoyé à l’arbitrage après l’expiration du délai applicable. Cependant, en vertu de l’art. 61 du Règlement, ce délai peut être prorogé. Cette disposition est ainsi rédigée :

61.Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

  1. soit par une entente entre les parties;
  2. soit par la Commission ou l’arbitre de grief, selon le cas, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

36        Les parties ont convenu que les cinq facteurs énoncés dans Schenkman peuvent guider l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire de décider s’il convient d’accorder une prorogation du délai. Ces facteurs sont énumérés en ces termes au paragraphe 75 de cette décision :

[…]

  • le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes;
  • la durée du retard;
  • la diligence raisonnable du fonctionnaire s’estimant lésé;
  • l’équilibre entre l’injustice causée à l’employé et le préjudice que subit l’employeur si la prorogation est accordée;
  • les chances de succès du grief.

37        À mon avis, la preuve révèle que le fonctionnaire a satisfait aux cinq facteurs.

38        Tout d’abord, je suis convaincu que le retard a été expliqué par des raisons claires, logiques et convaincantes. M. Fournier ne connaissait pas bien la procédure de renvoi à l’arbitrage. Il a erronément tenté de transmettre le grief à un quatrième palier, alors que le troisième palier était en fait le dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Il a tenté de renvoyer le grief à l’arbitrage devant la Commission par télécopieur, mais son télécopieur était brisé. Il a envoyé l’avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel (Formule 20) à la Commission par courriel, mais s’est fait dire que les renvois ne pouvaient pas être effectués par courrier électronique. En dernier lieu, M. Fournier a envoyé l’avis à la Commission par courrier ordinaire, et celle-ci l’a estampillé le 6 juillet 2017.

39        Deuxièmement, le retard en l’espèce a été extrêmement court. La réponse au dernier palier de l’employeur a été envoyée au fonctionnaire par courrier électronique le 18 mai 2017. Je souligne qu’elle n’a pas été envoyée à M. Fournier par courrier électronique, malgré le fait que la clause 19.18 de la convention collective prévoit qu’elle aurait dû l’être. La preuve documentaire a révélé que le courriel envoyé au fonctionnaire n’a été lu que le 25 mai 2017. À mon avis, c’est à ce moment-là qu’il a reçu le courriel aux fins du calcul du délai dont il est fait mention au paragr. 90(1) du Règlement. Le fonctionnaire n’a pas été prié d’accuser réception de la réponse au dernier palier de l’employeur, en la signant ou autrement, avant ce jour-là.

40        Cela veut dire que le grief devait être renvoyé à la Commission au plus tard le 4 juillet 2017. Il a été renvoyé le 6 juillet 2017, avec deux jours de retard. Même si je devais conclure que le fonctionnaire a reçu la réponse au dernier palier de l’employeur le 18 mai 2017 (date d’envoi du courriel de l’employeur renfermant la réponse au dernier palier) et que le renvoi à l’arbitrage a été effectué avec neuf jours de retard, j’estimerais quand-même qu’il s’agit d’un retard extrêmement court.

41        Troisièmement, je suis convaincu que le fonctionnaire et son représentant ont fait preuve de diligence raisonnable durant la procédure de règlement des griefs et dans le renvoi de cette affaire à l’arbitrage. M. Fournier a pris des mesures pour contester la décision de l’employeur et pour protéger les intérêts du membre de son unité de négociation. Il a communiqué à plusieurs reprises avec M. Barnes et d’autres employés du MDN, afin de renvoyer cette affaire à l’arbitrage. M. Fournier a commis des erreurs, mais il a pris des mesures afin d’y remédier en temps utile. Je ne suis pas d’accord avec la suggestion de l’employeur selon laquelle M. Fournier a fait preuve de négligence.

42        Quatrièmement, je suis convaincu que le retard en l’espèce n’a causé aucun préjudice à l’employeur. Ce dernier a même concédé ce point dans son argumentation.

43        Cinquièmement, il m’est impossible de conclure que le grief n’a aucune chance de succès. Bien que je ne sois pas convaincu que la lettre de réprimande ait entraîné l’imposition d’une sanction pécuniaire au fonctionnaire, malgré son nouvel argument [traduction] « n’eût été de » (selon lequel n’eût été de la délivrance de la lettre de réprimande, la suspension d’un jour n’aurait pas été imposée à l’égard de l’inconduite subséquente), les allégations que le fonctionnaire a faites en vertu de l’article 36 et de la clause 38.01 de la convention collective peuvent être renvoyées à l’arbitrage, et il est permis de penser qu’elles pourraient être jugées bien fondées.

44        Contrairement aux circonstances de Higgins, la présente affaire ne porte pas sur l’équité procédurale. La disposition prévue à l’article 36, que le fonctionnaire a invoquée, traite d’un droit fondamental que l’employeur et l’agent négociateur ont négocié. La question de savoir si un droit fondamental a été refusé doit être tranchée sur le fond, et si ce refus est corroboré, il doit y être remédié de façon appropriée.

45        Quoi qu’il en soit, ce facteur ne devrait pas entrer en ligne de compte pour examiner le bien-fondé d’une affaire prématurément. À mon avis, le présent grief n’est ni frivole, ni vexatoire, et il n’est pas parfaitement clair que la Commission n’ait pas compétence pour se prononcer sur le grief.

46        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

47        La demande de prorogation du délai est accueillie.

48        J’ordonne au greffe de la Commission de mettre au rôle une audience sur le bien-fondé du grief.

Le 28 août 2018.

Traduction de la CRTESPF

Stephan J. Bertrand,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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