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Résumé :

Pratique déloyale de travail - Plainte fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) relativement à une prétendue violation du paragraphe 10(2) de la LRTFP - Devoir de représentation juste - Affaires internes du syndicat - une plainte de harcèlement avait été déposée contre le plaignant par une collègue - le plaignant a demandé à son agent négociateur de lui venir en aide et de le représenter, mais il s'est inquiété du fait que celui-ci aidait sa collègue à rédiger la plainte contre lui - l'agent négociateur a répondu au plaignant qu'il ne représentait ni l'une ni l'autre des parties étant donné que l'employeur n'autorise pas de représentation durant les enquêtes sur ce type de plainte - l'agent négociateur a informé le plaignant que, s'il retenait les services d'un avocat, il devrait en assumer lui-même les frais - le plaignant a ensuite retenu les services d'un avocat pour le représenter durant l'enquête de l'employeur sur la plainte de harcèlement - la veille des entrevues avec l'employeur au sujet de la plainte de harcèlement, une agente syndicale de l'agent négociateur a communiqué avec le plaignant pour lui dire qu'elle assisterait aux entrevues le lendemain et que son rôle était de s'assurer que les entrevues se déroulent correctement et que l'employeur respecte les droits du plaignant - le plaignant a refusé l'offre d'aide de l'agente syndicale parce qu'elle aidait également la collègue qui avait déposé la plainte de harcèlement contre lui et parce qu'il croyait qu'elle ne connaissait pas suffisamment le dossier - l'employeur a conclu que la plainte de harcèlement n'était pas fondée - le plaignant a alors demandé que son agent négociateur lui rembourse les frais judiciaires qu'il avait engagés - l'agent négociateur a répondu que son agente syndicale lui avait offert de l'aider et que l'aide juridique devait être approuvée avant que les dépenses ne soient engagées - le plaignant a répondu qu'il aurait engagé des frais judiciaires même s'il avait accepté l'aide de l'agente syndicale étant donné que l'aide en question ne lui a été offerte que la veille des entrevues avec l'employeur - le plaignant a soutenu que son agent négociateur avait un préjugé favorable à l'endroit de la collègue qui avait déposé la plainte de harcèlement sexuel contre lui - le plaignant a également soutenu qu'il avait besoin des conseils d'un avocat pour régler la plainte de harcèlement - l'agent négociateur a répondu que, même s'il avait aidé la collègue du plaignant à déposer sa plainte, il ne l'avait pas représentée lors des entrevues avec l'employeur au sujet de la plainte - l'agent négociateur a ajouté que l'employeur n'autorise pas la représentation des fonctionnaires durant ce genre d'entrevues - il a soutenu qu'il avait offert la même aide au plaignant et à la collègue qui a déposé la plainte de harcèlement - la Commission a conclu que les agents négociateurs ont beaucoup de latitude pour déterminer l'aide à apporter aux employés - la Commission a en outre conclu qu'il n'y avait aucune preuve que l'agent négociateur avait agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi - elle a conclu que le plaignant avait été traité de manière égale et équitable et que l'agent négociateur n'avait pas manqué à son devoir de représentation juste à l'égard du plaignant. Plainte rejetée. Décisions citées : Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509; Vaca v. Sipes, (1967) 55 L.C. 11,733; Gendron c. le Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298; Shore (166-2-732); Ruda (161-2-821).

Contenu de la décision

Dossier : 161-2-861 Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE Dino Sophocleous plaignant et Cres Pascucci et Brian Richey défendeurs AFFAIRE : Plainte fondée sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Donald MacLean, commissaire Pour le plaignant : Allan MacKinnon Pour les défendeurs : Michael Tynes, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Sydney (Nouvelle-Écosse),

les 4 et 5 mai 1998.

DÉCISION La présente affaire concerne le devoir de représentation juste d'une organisation syndicale envers un de ses membres.

M. Dino Sophocleous est le plaignant en l'espèce. Il prétend que le Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada (SEIC) et ses dirigeants, M. Cres Pascucci, président national, et M. Brian Richey, un des vice-présidents nationaux, ont manqué à leur devoir de représentation juste en refusant de le représenter.

Le SEIC affirme avoir fait tout ce qu'il devait faire en fournissant à M. Sophocleous tous les renseignements dont il avait besoin. Il ne lui devait rien de plus.

M. Sophocleous travaille pour le ministère du Développement des ressources humaines (DRHC), et ses prédécesseurs, depuis plus de 25 ans. Durant cette période il a toujours été membre du SEIC, un élément de l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Il était membre en règle durant toute les périodes pertinentes.

Le 12 juin 1997, M. Wayne Talbot, directeur du bureau de DRHC à Sydney, a avisé M. Sophocleous qu'une plainte de harcèlement avait été déposée contre lui par une collègue, M m e Ann Dunn. Il a expliqué à M. Sophocleous que l'employeur allait faire enquête.

Le lendemain, soit le 13 juin 1997, M. Sophocleous a communiqué avec son syndicat. Il a d'abord parlé à M. Al Provoe, président de la section locale du SEIC à laquelle il appartenait. Ce jour-là, il a également communiqué avec M. Brian Richey à Halifax. M. Richey est vice-président national du SEIC pour la Nouvelle-Écosse. M. Sophocleous leur a tous deux demandé des renseignements au sujet du genre d'aide ou de représentation que pouvait lui offrir le SEIC. Il leur a aussi fait part de ses préoccupations au sujet du manque d’impartialité du SEIC dans cette affaire car il avait vu certains dirigeants de la section locale aider M me Dunn à rédiger sa plainte. En juillet 1997, il y a eu échange de correspondance entre M. Sophocleous et M. Richey. M. Sophocleous a réitéré ses préoccupations concernant sa représentation et l'impartialité du SEIC. Un comité d'enquête devait interviewer les témoins en août.

Les délégués syndicaux de la section locale du SEIC ont aidé M soumettre sa plainte à la direction. Ils ont ultérieurement soulevé des questions de Commission des relations de travail dans la fonction publique

me Dunn à

Décision Page 2 procédure au sujet de la composition du comité et du déroulement des entrevues. Les agents de la section locale ont demandé à d'autres membres de fournir des renseignements à l'employeur au sujet du fonctionnaire s'estimant lésé. Ce dernier voulait savoir comment le SEIC entendait le représenter à l'entrevue.

Le 21 juillet, M. Richey a répondu aux demandes de renseignements de M. Sophocleous. Il lui a dit qu'une fois [traduction] « déposée, la plainte devient la responsabilité de l'employeur, lequel doit s'assurer de mener une enquête complète et de traiter toutes les parties en cause de manière équitable. » Il lui a aussi expliqué que le rôle du SEIC dans ce genre d'enquête [traduction] « consiste à réagir aux mesures prises par l'employeur pour régler la plainte. »

En réponse à M. Richey, M. Sophocleous a de nouveau indiqué qu'il croyait avoir droit à la représentation. Il savait que M m e Ellen MacDonald, une vice-présidente nationale du SEIC, aidait M me Dunn, de concert avec deux autres délégués syndicaux de la section locale du SEIC.

Le 22 juillet, M. Richey a avisé M. Sophocleous (pièce 1.7) que [traduction] « le syndicat ne « représenterait » aucune des parties. » De nouveau, M. Richey a expliqué que le rôle du SEIC dans ce genre de situation est de réagir aux mesures prises par la direction pour régler la plainte. Il a aussi indiqué que, bien que le SEIC n’assure pas de représentation dans ce genre d'enquête, il [traduction] « intervient lorsque son aide est requise, ce qui très souvent signifie qu’il vient en aide au membre lors du dépôt d'une plainte et au cours de l'audition ou de l’« entrevue » comme telle. » Il a précisé que le fonctionnaire s'estimant lésé pouvait se faire accompagner par un témoin à l'entrevue pour s'assurer que celle-ci se déroule de façon équitable. M. Richey a décrit le rôle du SEIC durant l'enquête (pièce 1.7) : Traduction] Le syndicat intervient généralement lorsque son aide est requise, ce qui très souvent signifie qu’il vient en aide au membre lors du dépôt d'une plainte et au cours de l'audition ou de l'entrevue comme telle. Sauf erreur, le syndicat a aidé la plaignante lors du dépôt de sa plainte. En règle générale, s’arrête son intervention, à moins qu'un membre visé par le « processus d'audition », et par là, j’entends toute personne appelée à comparaître devant le comité, ne sollicite son aide. À ce moment-là, n'importe quel membre (y compris

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Décision Page 3 vous-même) peut demander d'avoir un témoin présent à l’audition.

M. Richey a également envoyé une copie d'un document expliquant la politique et le rôle du SEIC dans ce genre d'enquête. La politique indique que le membre se fait conseiller par son syndicat ou un avocat. Elle précise également que l’employé qui retient les services d'un avocat assume les honoraires de celui-ci.

M. Sophocleous a poursuivi ses efforts en vue d'obtenir de l'aide du SEIC ou de se faire représenter. Le 25 juillet 1997, il a communiqué avec M. Harry O’Brien, agent syndical régional du SEIC (et de l'AFPC) à Moncton. Ce dernier a confirmé ce que M. Richey avait dit, soit que l'enquête administrative est l’affaire de la direction et que le SEIC n'intervient que si l'employeur donne suite à la plainte.

M. Sophocleous a décidé de communiquer avec un avocat de l'endroit, M e Brian Ripley. Il n'avait pas le choix, d'après lui, car il lui fallait protéger ses intérêts. Il était incapable d'obtenir des conseils, de l’aide ou une représentation du SEIC, son propre syndicat, d'où le recours à un avocat. De graves accusations pesaient contre lui.

Le 19 août 1997, la veille de sa comparution devant le comité d'enquête, M. Sophocleous a reçu un appel de M me Kathryn Leger, un autre agent syndical du SEIC (et de l'AFPC) à Moncton. Elle lui a dit qu'elle assisterait aux entrevues le lendemain. Elle se trouvait à Sydney à la demande de M m e Donna Boutilier, la déléguée syndicale de la section locale. Elle a expliqué à M. Sophocleous qu’elle avait pour rôle de s'assurer que l'entrevue menée par l'employeur se déroule correctement. Elle devait également veiller à ce que l'employeur n’enfreigne pas ses droits. Elle a également offert de le rencontrer le soir même. M. Sophocleous a refusé vu qu'il avait un engagement personnel ce soir-là. À cause de l'heure à laquelle les entrevues avaient été fixées le lendemain, M me Leger lui a dit qu'elle n'était pas sûre de pouvoir le rencontrer avant l’entrevue.

M me Leger a rencontré M. Sophocleous et son avocat, M e Ralph Ripley, avant l'entrevue avec les enquêteurs de l'employeur. Elle a de nouveau précisé qu’elle était pour protéger les droits du fonctionnaire et voir à ce que les enquêteurs ne cherchent pas à l'intimider. Toutefois, M. Sophocleous a jugé que M me Leger ne lui serait d'aucune utilité étant donné qu'elle aidait également la plaignante et qu'elle ne Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision connaissait pas suffisamment le dossier, selon lui. Il s'est donc présenté devant le comité accompagné uniquement de son avocat. Bien que M l'entrevue, il n'a fait aucune observation en son nom au comité.

M me Leger a de nouveau communiqué avec M. Sophocleous le 20 août. Elle lui a demandé comment s'était déroulée l'entrevue. M. Sophocleous lui a répondu que tout s'était bien passé.

La plainte contre M. Sophocleous n'était pas fondée. Le comité d'enquête l'a exonéré.

L'affaire dont est saisie la Commission concerne la représentation de M. Sophocleous durant l'enquête. Croyant ne pas bénéficier de la représentation ou de l'aide à laquelle il estimait avoir droit, M. Sophocleous a embauché un avocat. Il a donc engagé des frais considérables.

À l'issue de l'entrevue avec le comité, M. Sophocleous a informé M. Pascucci, président national du SEIC, qu'il jugeait que le SEIC ne l'avait pas représenté convenablement. Il a demandé qu'on l'aide à payer ses frais judiciaires. M. Pascucci a répondu que le SEIC avait offert de l'aider par l'intermédiaire de M me Leger. Il a ajouté que [traduction] « l'aide juridique doit être approuvée avant que les frais ne soient engagés. »

Dans sa réponse à la lettre de M. Pascucci, M. Sophocleous a résumé pourquoi il croyait que l'offre de M me Leger ne constituait pas une représentation ou une aide adéquates. Entre autres choses, il estimait que M me Leger ne pouvait pas apporter une aide impartiale aux deux parties adverses. Il s’interrogeait aussi sur l’utilité de l’aide de M m e Leger vu son peu de connaissance du dossier. Dans la même lettre, M. Sophocleous précisait que, même si M me Leger avait pu lui être utile, il aurait malgré tout engagé des frais judiciaires étant donné qu'elle n’avait communiqué avec lui que la veille de l'entrevue.

En vue d'obtenir le remboursement de ses frais judiciaires par le SEIC, M. Sophocleous a intenté des poursuites contre le syndicat devant la cour des petites créances. Cette poursuite a été reportée indéfiniment en vue de saisir la présente Commission de l’affaire.

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Page 4 e Ripley l'ait aidé durant

Décision Page 5 Résumé des observations faites au nom des parties Argumentation du plaignant Le plaignant soutient que le SEIC a refusé de l'aider ou de le représenter à titre de membre, comme il se devait de le faire et que, par conséquent, il a violé l'article 23 de la Loi.

Le SEIC a violé l'article 23 du fait qu'il n'est en rien intervenu pour venir en aide à M. Sophocleous, un membre du syndicat. Ce dernier a essuyé un refus net lorsqu'il a demandé au SEIC de l'aider.

À l'appui de son allégation, le représentant de M. Sophocleous affirme que le SEIC a davantage aidé ou représenté M me Dunn. M. Sophocleous estime que les agissements et les positions du SEIC indiquaient un préjugé favorable à l’endroit de M me Dunn. L'aide technique que lui ont offerte les délégués syndicaux de la section locale, M me Ellen MacDonald et M m e Leger montre qu'il a été traité injustement par le SEIC. Il a été obligé de consulter un avocat. Il demande à la Commission d'ordonner au SEIC de lui rembourser les frais judiciaires qu'il a engagés pour défendre ses intérêts.

Argumentation du SEIC La thèse du SEIC repose sur la distinction entre les termes « aide » et « représentation ».

Le SEIC reconnaît avoir offert de l'aide à M plainte, mais elle n'a bénéficié d'aucune représentation à l'audience.

M. Sophocleous n'a fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire à quelque stade que ce soit du processus. Il n'avait pas besoin d'être représenté pour exposer ou contester les accusations portées contre lui. Lors de l'entrevue devant le comité d'enquête, il n'avait pas le droit de se faire représenter. Le comité était chargé d'établir les faits. M. Sophocleous aurait pu se faire accompagner, comme le lui a

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me Dunn. Il l’a aidé à déposer la

Décision expliqué M. Richey en juillet. Le SEIC aurait pu le conseiller ou l'aider s'il le lui avait demandé. Le SEIC n'a jamais refusé de le conseiller ou de l'aider. M Sydney pour l'aider lors de l'entrevue, mais il a refusé son aide parce qu'il avait déjà retenu les services d'un avocat.

L'aide que le SEIC a offerte à M M. Sophocleous, qui a refusé de s'en prévaloir.

M. Tynes demande que la plainte soit rejetée. Il invoque les affaires suivantes : (1) Gendron c. Syndicat des approvisionnements et services de l'Alliance de la Fonction publique du Canada, section locale 50057, [1990] 1 R.C.S. 1298.

(2) La Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon, [1984] 1 R.C.S. 509. (3) Azim Ruda et l'Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la Commission 161-2-821 (1997).

Conclusion et motifs de décision M. Sophocleous prétend que le SEIC a manqué à son devoir légal de le représenter. Sa plainte est fondée sur l'alinéa 23(1)a) de la Loi. 23. (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10 b)  [...]

Le plaignant soutient que le SEIC n'a pas observé les interdictions énoncées au paragraphe 10(2) de la Loi : 10.(2) Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des fonctionnaires qui font partie de l'unité de négociation dont elle est l'agent négociateur.

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Page 6 me Leger était à

m e Dunn était également accessible à

Décision Page 7 En l'espèce, il incombe au plaignant d'établir que les défendeurs ont agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi à son endroit.

La présente affaire concerne la représentation ou l'aide fournie à M. Sophocleous par le SEIC. Je dois déterminer si, par ses agissements, le SEIC a rempli ses obligations aux termes de la Loi. Si tel n’est pas le cas, je dois déterminer si le SEIC doit rembourser les frais judiciaires de M. Sophocleous.

Pour étayer ses allégations, M. Sophocleous a mentionné plusieurs points. Il a affirmé que la direction et les délégués syndicaux de la section locale du SEIC avaient appuyé la plaignante en incitant d'autres personnes à fournir des renseignements à son sujet. Une vice-présidente nationale du SEIC, M aidé la plaignante.

Bien que les lettres des délégués syndicaux puissent indiquer qu’ils se sont occupés de près de la plainte de M m e Dunn, elles ne prouvent pas que le SEIC a pris quelque mesure qui prenne valeur de représentation ou qui révèle un préjugé favorable à l’endroit de M m e Dunn. Ils ont aidé cette dernière à déposer sa plainte. Leurs lettres traitaient de procédures et de questions techniques; ils s’interrogeaient notamment sur la composition du comité et voulaient connaître les questions qui seraient posées. Ce type d'aide n'est pas une indication que le SEIC aidait M me Dunn à constituer un dossier convaincant en vue de sa comparution devant le comité.

M. MacKinnon prétend également que l'aide offerte à M. Sophocleous par le SEIC est insuffisante dans les circonstances et ne se compare pas à celle dont a bénéficié M m e Dunn. Toutefois, la preuve présentée devant la présente Commission indique que le SEIC n'a jamais refusé d'aider M. Sophocleous. À une occasion, ce dernier a même été avisé que le SEIC l'aiderait, au même titre que M me Dunn, s'il le voulait. M. Richey a informé M. Sophocleous dès le début de l'affaire (le 22 juillet 1997, pièce 1.7) que le SEIC ne représenterait pas les employés lors de l’entrevue devant le comité. Il était prêt à les aider et à assister avec eux à l'entrevue. C'est le même genre d’aide qui a été offerte à M me Dunn. La preuve indique que M me Dunn a demandé l'aide du SEIC et qu'elle a profité de l'aide qui lui était offerte. M. Sophocleous, pour sa part, n'a jamais demandé expressément de l'aide pour l'entrevue. Il a refusé l'aide que lui a offerte M me Leger. Commission des relations de travail dans la fonction publique

m e Ellen MacDonald, a également

Décision Page 8 La raison donnée par M. Sophocleous pour expliquer pourquoi il a refusé l'aide de M me Leger ne convainc pas la présente Commission. Il a déclaré avoir refusé cette aide parce qu'il croyait que M me Leger était en conflit d'intérêts vu qu'elle avait également aidé M me Dunn lors de son entrevue. Toutefois, ce genre de raisonnement ne tient pas compte du type d'aide qui a été offerte. M me Leger n'a pas défendu M me Dunn devant le comité. Ce n'était pas son rôle. Elle était plutôt pour s'assurer que le comité respecte les droits de l'employée. M m e Leger n'était pas en conflit d'intérêts du fait qu'elle aidait les deux parties car elle n'était pas obligée de se prononcer sur le fond de la plainte. Elle était à Sydney pour protéger les deux employés contre les recours abusifs de la part de l'employeur.

Une autre raison invoquée par M. Sophocleous pour justifier sa décision de refuser l'aide de M m e Leger est le fait qu'elle a communiqué avec lui à la toute dernière minute et qu'elle ne connaissait pas le dossier qu'il voulait présenter.

Assurément, M m e Leger a tardé à communiquer avec M. Sophocleous. Toutefois, ce dernier a eu autant d'occasions que M me Dunn de demander de l'aide. Il ne l'a jamais fait. Le fait que M me Leger ne connaissait pas le dossier que M. Sophocleous voulait présenter aux membres du comité a très peu de rapport avec la capacité de cette dernière de jouer son rôle au cours de l'entrevue, soit de protéger M. Sophocleous contre les recours abusifs ou d'autres violations de ses droits. La comparution devant le comité d'enquête n'exigeait pas une représentation plus poussée. En fait, lors de l’entrevue, l’avocat de M. Sophocleous a joué exactement le rôle que M me Leger avait décrit. Il a aidé M. Sophocleous sans présenter d’observations en son nom aux membres du comité.

M. MacKinnon a déclaré que le SEIC n'avait pas suffisamment représenté M. Sophocleous. À son avis, la gravité de la plainte portée contre celui-ci exigeait que le SEIC l’appuie sans réserve.

Toutefois, la jurisprudence reconnaît que les organisations syndicales ont beaucoup de latitude pour déterminer l’aide à apporter aux employés. Tant qu'une organisation syndicale agit de façon équitable, impartiale et de bonne foi, la présente Commission respectera sa décision.

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Décision Page 9 L'arrêt Gagnon, précité, concernait le refus du syndicat de renvoyer un grief à l'arbitrage. Il faut le reconnaître, les circonstances de cette affaire diffèrent de celles de la présente affaire. Toutefois, la Cour se prononce sur la question du devoir de représentation juste d'un syndicat.

Dans l'arrêt Gagnon, la Cour reconnaît qu'un syndicat a une grande latitude pour déterminer le type d'aide ou de représentation qu'il offrira à un employé. La Cour souscrit au raisonnement de la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Vaca v. Vipes, elle dit (page 520) : Un syndicat manque à son devoir légal de juste représentation équitable uniquement lorsqu'il se comporte envers un membre de l'unité de négociation collective d'une façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi [...].

Ce principe est repris dans l'arrêt Gendron, précité. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada a décidé ce qui suit (page 1298) : [...] lorsqu'un syndicat se trouve dans une situation de conflit en ce qui concerne les intérêts de certains de ses membres, il remplit son devoir de juste représentation dans la mesure il agit honnêtement, traite tous ses membres de la même façon, n'agit pas d'une manière négligente ou hostile et ne fait pas preuve de favoritisme

D'après moi, aucun élément de preuve en l'espèce ne démontre que le SEIC a agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. En revanche, la preuve indique que le SEIC a traité M. Sophocleous et M me Dunn de manière égale et équitable. Le SEIC avait des motifs clairs et convaincants de ne pas offrir de représenter davantage M. Sophocleous. Même si M. Sophocleous et son représentant devant la présente Commission sont d’avis contraire, ce ne sont pas toutes les entrevues devant un comité d'enquête qui justifient une intervention comme celle que voulait M. Sophocleous.

Le comité administratif est constitué aux termes de la politique de l'employeur, et il relève de ce dernier. Le processus normal du SEIC est d'offrir de « représenter » un employé après que l'employeur a pris des mesures contre lui. En l'espèce, aucune mesure n'a été prise contre l'employé; l'employeur menait plutôt une enquête interne relativement à une plainte d'une collègue.

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Décision Page 10 Le SEIC a traité le dossier de M. Sophocleous de la façon habituelle. Ce dernier a bénéficié des conseils de MM. Richey et O'Brien. M m e Leger a offert de l'aider lors de l'entrevue. Même si M. Sophocleous estime que le SEIC aurait en faire plus, il n'est pas du ressort de la présente Commission de décider du degré d'aide que le SEIC doit offrir. La Commission, dans l'affaire Shore (161-2-732), a fait remarquer que les dispositions du paragraphe 10(2) n’ont pas pour but de contrôler la régie interne d'une organisation syndicale.

La présente Commission a été appelée à se prononcer sur cette question dans l'affaire Azim Ruda, précitée, qui comporte certaines similitudes avec la présente affaire. Le plaignant, dans cette affaire, avait allégué que le syndicat ne l'avait pas représenté équitablement lors de la procédure d'arbitrage concernant une mesure disciplinaire qui lui avait été imposée par suite d'une plainte de harcèlement sexuel. M. Ruda, insatisfait de la façon dont il avait été traité par le représentant de l'AFPC, avait embauché un avocat et engagé des frais judiciaires considérables. Il avait exigé le remboursement de ces frais par l'AFPC. La présente Commission a rejeté la plainte en faisant remarquer que l'organisation syndicale peut décider de quelle façon elle peut le mieux représenter ses membres tant qu'elle fait preuve de bonne foi et qu'elle tient compte de tous les faits pertinents.

En l'espèce, le SEIC devait décider du type d'aide ou de représentation à offrir aux deux parties. Il a décidé de les aider uniquement à remplir les formalités administratives. Le SEIC se devait avant tout d'agir d'une manière qui n'était ni arbitraire, ni discriminatoire, ni de mauvaise foi. C'est ce qu'il a fait.

Par conséquent, à la suite d'un examen de la preuve et de la jurisprudence, je ne peux que conclure que le SEIC n'a pas manqué à son devoir de représentation juste envers M. Sophocleous.

Les présentes plaintes doivent donc être rejetées et elles le sont par les présentes.

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Décision Page 11 Fait à Moncton (Nouveau-Brunswick), le 21 octobre 1998.

Donald MacLean, commissaire Traduction certifiée conforme Serge Lareau

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