Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Pratiques déloyales de travail - Plaintes fondées sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) alléguant la violation des paragraphes 8(2) et 10(2) de la LRTFP - Devoir de représentation juste - Retard indu - le plaignant a déposé deux plaintes parce qu'il était insatisfait de l'annulation d'un concours auquel il avait posé sa candidature en 1994 - cela s'est produit après qu'il eut réussi à deux reprises à faire annuler la liste d'admissibilité, sur laquelle ne figurait pas son nom, avec l'aide de deux des défendeurs qui étaient des représentants de l'agent négociateur - l'autre défendeur était un gestionnaire supérieur dans le ministère pertinent - les défendeurs ont fait valoir que les plaintes étaient hors délai parce qu'elles avaient été présentées plusieurs années après les actions visées - la Commission a conclu que les plaintes auraient dû être présentées dans un délai raisonnable après les actions reprochées - le fait d'avoir laissé tant d'années s'écouler avant de présenter les plaintes constituait un délai déraisonnable parce que les défendeurs pouvaient difficilement y répondre - les plaintes ont été rejetées parce que le plaignant a attendu un temps déraisonnable avant de les présenter. Plaintes rejetées. Décision citée : Harrison (161-2-725)

Contenu de la décision

Dossiers : 161-2-825 161-2-826

Loi sur les relations de travail Devant la Commission des relations dans la fonction publique de travail dans la fonction publique ENTRE DAVE GIROUX plaignant et GUY SÉGUIN (Santé Canada) ET JOHN WHITNEY ET NEVILLE VINCENT (Alliance de la Fonction publique du Canada)

défendeurs AFFAIRE : Plaintes fondées sur l'article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Devant : Rosemary Vondette Simpson, commissaire Pour le plaignant : Lui-même Pour les défendeurs : Georges Hupé, Conseil du Trésor, et Edith Bramwell, Alliance de la Fonction publique du Canada

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 20 août 1998.

DECISION Au début de l’audience, les parties se sont mises d’accord sur les faits suivants. Le plaignant, M. Dave Giroux, occupait à Santé et Bien-être Canada un poste d’une durée déterminée au niveau CR-2. Un poste de commis de soutien aux dossiers a été annoncé. La date de clôture du concours était le 15 avril 1992. Le plaignant figurait parmi 30 candidats. Une liste d’admissibilité a été publiée le 24 juillet 1992. M. Giroux ne figurait pas parmi les candidats reçus et a déposé un appel. Il a été représenté dans cet appel par M. Neville Vincent de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. L’audience d’appel dans cette affaire a eu lieu le 5 novembre 1992. À l’audience, le Ministère a fait savoir que, en raison de vices dans la tenue du concours, il allait réévaluer tous les candidats, y compris M. Giroux dont le contrat avait expiré, avant que des nominations puissent être faites.

La réévaluation de tous les candidats a été terminée en juin 1993 et une nouvelle liste d’admissibilité a été établie. M. Giroux n'y figurait toujours pas. Lorsqu’il a déposé un deuxième appel, M. Giroux a été de nouveau représenté par M. Vincent, qui a eu gain de cause et qui a fait annuler la liste d’admissibilité. Cette démarche a plus tard été suivie par des compressions budgétaires et une restructuration majeure au sein du Ministère.

Le Ministère a décidé d’annuler le concours. Le 22 juin 1994, M. Vincent a reçu du plaignant une lettre le remerciant de la représentation que celui-ci lui avait accordée. Aucune allégation contre M. Séguin de Santé Canada n’a été soulevée avant la présente plainte, qui survient quelque cinq années après l’expiration du contrat du plaignant.

En janvier 1997, M. Giroux a déposé deux plaintes en vertu de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Dans la première plainte (dossier de la Commission 161-2-825) contre M. Guy Séguin, de Santé Canada, le plaignant allègue violation du paragraphe 8(2) de la LRTFP; la plainte est ainsi formulée : [Traduction] Santé Canada a fait preuve de discrimination à mon endroit parce que je faisais partie du syndicat (AFPC) et m’a laissé partir parce que je n’avais pas réussi à un concours alors qu’il a gardé dans son effectif d’autres employés - les briseurs

Public Service Staff Relations Board

Décision Page 2 de grève Monot Hunot et Bruce Valentine - même s’ils n’avaient par réussi au même concours.

Dans la deuxième plainte (dossier de la Commission 161-2-826) contre MM. John Whitney et Neville Vincent, de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, le plaignant allègue violation du paragraphe 10(2) de la LRTFP; la plainte est ainsi formulée : [Traduction] Le syndicat m’a mal renseigné à propos de l’appel que j’ai déposé contre Santé Canada. On aurai me dire de présenter un grief en 1992 et de ne pas simplement faire appel. Le syndicat m’a réduit au silence à la deuxième audience devant la Fonction publique et a mentionné une « preuve non contredite » et a menti à la Commission de la fonction publique.

Les dispositions pertinentes de la LRTFP sont ainsi libellées : 8. (2) Sous réserve du paragraphe (3), il est interdit : a) de refuser d'employer ou de continuer à employer une personne, ou encore de faire des distinctions injustes fondées, en ce qui concerne l'emploi ou l'une quelconque des conditions d'emploi d'une personne, sur l'appartenance de celle-ci à une organisation syndicale ou sur l'exercice d'un droit que lui accorde la présente loi;

b) d'imposer ou de proposer d'imposer —, à l'occasion d'une nomination ou d'un contrat de travail, une condition visant à empêcher un fonctionnaire ou une personne cherchant un emploi d'adhérer à une organisation syndicale ou d'exercer un droit que lui accorde la présente loi;

c) de chercher, notamment par intimidation, par menace de destitution ou par l'imposition de sanctions pécuniaires ou autres, à obliger un fonctionnaire :

(i) à adhérer d'adhérer —, ou encore, sauf disposition contraire dans une convention collective, à continuer d'adhérer à une organisation syndicale,

(ii) à s'abstenir d'exercer tout autre droit que lui accorde la présente loi.

10.(2) Il est interdit à l'organisation syndicale, ainsi qu'à ses représentants, d'agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation des

Commission des relations de travail dans la fonction publique

ou s'abstenir ou cesser

Décision Page 3 fonctionnaires qui font partie de l'unité dont elle est l'agent négociateur.

23.(1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle l'employeur ou une organisation syndicale ou une personne agissant pour le compte de celui-là ou de celle-ci n'a pas, selon le cas :

a) observé les interdictions énoncées aux articles 8, 9 ou 10;

[...] (2) Dans les cas où, en application du paragraphe (1), elle juge l'employeur, une organisation syndicale ou une personne coupable d'un des manquements qui y sont énoncés, la Commission peut, par ordonnance, lui enjoindre d'y remédier ou de prendre toute mesure nécessaire à cet effet dans le délai qu'elle estime approprié.

(3) L'ordonnance visant une personne est en outre adressée

a) lorsque l'auteur du manquement a agi ou prétendu agir pour le compte de l'employeur,

(i) au premier dirigeant concerné, dans le cas d'un employeur distinct, ou

(ii) au secrétaire du Conseil du Trésor, dans les autres cas;

b) lorsqu'il a agi ou prétendu agir pour le compte d'une organisation syndicale, au dirigeant attitré de celle-ci.

Une audience a eu lieu le 20 août 1998. Au début de l’audience, la question du respect des délais a été soulevée en tant que question préliminaire.

J’ai informé les parties que j’entendrais et trancherais la question préliminaire en premier. M. Hupé a soulevé cette question dans une lettre datée du 27 janvier 1997 adressée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Le représentant de l’employeur a formulé des objections à l’égard du long retard qu’a mis le plaignant a présenté sa plainte. Cinq années se sont écoulées sans que le plaignant ne fasse état de la discrimination et de l’intimidation présumées. M. Hupé soutient que la plainte de M. Giroux constitue un abus de procédure, en ce sens que

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 4 son problème fondamental était qu’il n’avait pas reçu un poste d’une durée indéterminée a l’expiration de son contrat. Il avait déposé des appels auprès de la Commission de la fonction publique, qui avait tranché l’affaire. En fait, en raison de la réduction de ses effectifs le Ministère n’a pas doté les postes en question. M. Giroux a cessé d’être un employé à la fin de son contrat en septembre 1992.

Selon M. Hupé, M. Giroux cherchait simplement à trouver une autre instance qui lui accorderait le redressement qu’il n’avait pu obtenir de la procédure d’appel, et il était prêt à avancer des allégations nouvelles et non fondées afin de se faire entendre par cette instance.

M. Guy Séguin est nommément désigné comme défendeur dans la plainte portant le numéro de dossier 161-2-825; toutefois, les accusations qui y figurent n’ont pas été portées contre lui avant 1997 (un laps de cinq ans).

Même si l’affaire de M. Giroux était entendue sur le fond et qu’il avait gain de cause, la Commission ne pourrait pas lui accorder le redressement qu’il veut. Il ne pourrait être placé dans un poste. La Commission pourrait, à tout le mieux, déclarer qu’il y a eu violation des interdictions prévues par l’article 23 de la LRTFP et rendre une ordonnance enjoignant au défendeur de ne plus violer cette disposition de la loi.

M. Hupé conteste la prétention de M. Giroux selon laquelle il avait soulevé la question du harcèlement parce que ce mot figurait dans un document soumis dans son appel en 1993. Le nom de M. Séguin n’y était pas mentionné. M. Giroux, de poursuivre M. Hupé, soulève de nouvelles allégations dans l’espoir qu’un tiers l’écouterait jusqu’au bout une fois de plus et se prononcerait sur les questions déjà soulevées dans son appel déposé en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique. Or, c’est la Commission de la fonction publique, par la procédure d’appel, qui peut lui accorder le redressement demandé et M. Giroux s’est déjà prévalu de ce recours.

En ce qui concerne la question du respect des délais, M me Bramwell s’est dite très préoccupée que tant d’allégations aussi graves soient portées contre des dirigeants de l’agent négociateur trois à cinq ans après que ceux-ci eurent traité la plainte. Un des dirigeants, M. Whitney, a pris sa retraite; l’autre, M. Vincent, a non seulement représenté M. Giroux dans son appel, mais a eu gain de cause. Ce n’est

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 5 certes pas la faute de l’agent négociateur si le Ministère a décidé de ne pas doter le poste. Maintenant M. Giroux accuse l’agent négociateur d’avoir sabordé sa carrière et d'avoir comploté contre lui. Comment peut-on croire que M. Giroux puisse prétendre avoir subi une injustice aussi grave (après deux appels interjetés en son nom il a eu gain de cause), alors qu’il a attendu cinq ans pour se plaindre. La procédure d’appel lui était accessible depuis le début et il aurait pu obtenir cette information facilement de l’agent négociateur et même de la CRTFP qui, lorsqu’on lui téléphone, informe souvent les gens de leur droit de présenter une plainte en vertu de l’article 23 de la LRTFP.

Il s’est écoulé beaucoup trop de temps et cela va bien au-delà de ce qui est raisonnable dans les circonstances. Il est nettement injuste et préjudiciable aux dirigeants de l’agent négociateur, dont l’un d’entre eux a pris sa retraite, que ces questions soient soulevées après tant d’années. Les dirigeants en question ont eu à traiter de nombreuses affaires et il est nettement injuste, des années après qu’ils ont représenté M. Giroux, que ce dernier revienne et dise : [traduction] « Je ne pense pas que vous m’avez représenté comme il faut. » Ce genre de retard met en cause l’équité fondamentale de la procédure.

Arguments du plaignant Bien qu’on l’ait invité à être spécifique, le plaignant s’est limité à dire que le Ministère avait essayé de se débarrasser de lui. Si on l’a laissé partir, dit-il, c’est à cause de l’attitude antisyndicale du Ministère. À son avis le Ministère, en refusant de renouveler son contrat et de le nommer à un poste permanent, se trouvait à envoyer un message antisyndical, mais le plaignant a été incapable de dire quel genre de preuve il pourrait produire à l’appui de sa position. Il dit avoir consulté sa députée, mais que celle-ci avait été « bombardée par le Ministère ». M. Vincent, soutient-il, aurait lui conseiller de présenter un grief concernant le non-renouvellement de son contrat en 1992. Le plaignant n’a donné aucune raison pour justifier le temps qu’il avait mis à présenter sa plainte.

Décision Les présentes plaintes auraient être présentées dans un délai raisonnable suivant les actes reprochés. Le fait d’avoir attendu tant d’années avant de présenter

Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 6 les plaintes constitue un délai déraisonnable qui fait que les défendeurs peuvent difficilement y répondre.

La LRTFP et les Règlement et règles de procédure de la C.R.T.F.P. ne précisent pas de délai pour la présentation de telles plaintes. Toutefois, le client doit établir qu’il n’a pas attendu un temps déraisonnable. En l’occurrence, le plaignant, M. Giroux, n’a avancé aucune explication quant aux motifs pour lesquels il n’a pas déposé les plaintes plus tôt. En faisant preuve d’une diligence normale, il aurait certes pu obtenir il y a nombre d’années l’information voulue à propos de la procédure de plainte.

Contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire Harrison (dossier de la Commission 161-2-725), une autre plainte fondée sur l’article 23 de la LRTFP (où le plaignant a soutenu qu’il avait été empêché par son alcoolisme de déposer une plainte plus tôt), M. Giroux n’a offert aucune explication réelle de son retard. Quoi qu’il en soit, la plainte de M. Harrison a été rejetée à cause du retard excessif même s’il s’était écoulé moins de temps entre les faits allégués et le dépôt de la plainte que ce n’est le cas en l’espèce.

Il faut allouer une certaine latitude pour la présentation tardive de plaintes lorsque les circonstances le justifient, mais nous ne sommes pas ici en présence de telles circonstances.

Les plaintes de M. Giroux sont rejetées parce qu’il a attendu un temps déraisonnable avant de les présenter.

Rosemary Vondette Simpson, commissaire

OTTAWA, le 29 janvier 1999. Traduction certifiée conforme

Serge Lareau Commission des relations de travail dans la fonction publique

Décision Page 7 Commission des relations de travail dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.