Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La Commission a établi cinq griefs que le fonctionnaire s’estimant lésé avait renvoyés à l’arbitrage – à l’origine, il avait été affecté à un poste au groupe et au niveau AS-05 – plus tard, il a été affecté à un poste au groupe et au niveau PM-03 – finalement, il a été licencié – ses griefs étaient les suivants : i) l’employeur a fait preuve de discrimination à son endroit en l’affectant au poste au groupe et au niveau PM-03 en raison de sa déficience et le fonctionnaire s’estimant lésé a affirmé que l’employeur avait omis de prendre des mesures d’adaptation; ii) le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu que l’affectation au groupe et au niveau PM-03 constituait en fait une mesure disciplinaire et il a contesté le contenu de l’entente d’affectation; iii) il a présenté un grief concernant la réponse au dernier palier de l’employeur à un grief (le « grief sous-jacent »); iv) il a contesté son licenciement; v) il a soutenu que son licenciement contrevenait à la disposition relative à l’absence de discrimination de la convention collective – le fonctionnaire s’estimant lésé a été affecté à au poste au groupe et au niveau PM-03 en raison de son rendement insatisfaisant, selon l’employeur – le travail restait semblable, mais était moins exigeant – après l’affectation, un médecin a informé l’employeur que le fonctionnaire s’estimant lésé souffrait de troubles comme la dépression et l’apnée du sommeil, qui pouvaient avoir touché son travail – l’employeur a créé un poste pour lui comprenant les mêmes fonctions que ses postes précédents – l’employeur a demandé un examen médical indépendant afin de mieux répondre aux besoins du fonctionnaire s’estimant lésé, mais ce dernier a refusé d’y prendre part – finalement, il a été licencié en raison de son rendement insatisfaisant – la Commission a rendu les décisions suivantes à l’égard des griefs : i) elle a jugé que, au moment de l’affectation du fonctionnaire s’estimant lésé au poste au groupe et au niveau PM-03, l’employeur avait pris les mesures qu’il estimait nécessaires et qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait faire, compte tenu de sa compréhension de la situation à ce moment; ii) la Commission a jugé qu’elle n’avait pas compétence pour entendre ce grief, puisque le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas prouvé que la nouvelle affectation était une rétrogradation ou une mesure disciplinaire; iii) la Commission a noté que le grief sous-jacent avait été retiré, elle a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait présenté aucune preuve de contravention à la disposition de la convention collective relative à l’intimidation ou aux menaces qui l’ont incité à abandonner le grief sous-jacent et elle n’a constaté aucune preuve de discrimination ou d’interférence relativement au grief sous-jacent – il n’y avait aucune preuve de discrimination ou de manquement à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en ce qui concerne les griefs iii), iv) et v), comme pour le grief relatif au licenciement, les allégations de discrimination et les questions relatives aux mesures d’adaptation, la Commission a jugé que, lorsque l’employeur a été mis au courant de l’état de santé du fonctionnaire s’estimant lésé, il avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à son égard – la Commission a conclu que le changement de poste de travail avait eu un effet négatif sur le trouble du fonctionnaire s’estimant lésé et lui avait causé davantage de difficultés – la Commission a jugé que, au lieu de recueillir de nouveaux renseignements médicaux, l’employeur a accordé des mesures d’adaptation en fonction de renseignements désuets – la Commission a conclu que l’employeur n’avait pas accordé au fonctionnaire s’estimant lésé l’occasion de faire l’objet de mesures d’adaptation.

Griefs i), ii) et iii) rejetés.
Griefs iv) et v) accueillis.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180911
  • Dossier:  566-02-8688, 8689, 8829, 8830, 9976,10258, 11308, 11309 et 11310
  • Référence:  2018 CRTESPF 76

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

KEITH HERBERT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Commission des libérations conditionnelles du Canada)

défendeur

Répertorié
Herbert c. Administrateur général (Commission des libérations conditionnelles du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Craig Stehr et Sean McGee, avocats
Pour le défendeur:
Michel Girard, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
du 4 au 8 janvier et le 17 janvier, du 8 au 10 août, et les 1er et 2 novembre 2016.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1        Keith Herbert, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était employé par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (« CLCC » ou l’« employeur ») en tant qu’analyste de la planification stratégique (« APS »). Dans une lettre du 23 avril 2015, on lui a annoncé qu’il serait licencié à compter du 22 mai 2015.

2        Le 24 avril 2015, le fonctionnaire a contesté la décision de l’employeur de le licencier et a allégué qu’il avait fait l’objet d’un acte discriminatoire à l’égard de sa déficience permanente, contrevenant à la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; « LCDP ») et à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (le « CT ») et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« Alliance ») pour le groupe Services des programmes et de l’administration qui a été signée le 1er mars 2011 et qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective »). À titre de réparation, sa demande comprenait ce qui suit :

  • qu’il soit réintégré immédiatement;
  • qu’il fasse l’objet de mesures d’adaptation conformément à la LCDP et à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale du Conseil du Trésor (la « politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation);
  • qu’il soit indemnisé pour toutes les pertes subies, y compris le salaire et les avantages, et toutes les dépenses supplémentaires qui ont découlé du licenciement;
  • qu’il reçoive une indemnisation de 20 000 $ pour les préjudices moraux, psychologiques et physiques en raison de la négligence de l’employeur et qu’il reçoive une indemnisation supplémentaire de 20 000 $ pour la discrimination insouciante et délibérée qu’il a subie;
  • que l’employeur soit responsable de toutes les répercussions fiscales découlant de toute indemnité accordée dans le cadre de la procédure de grief;
  • qu’il soit indemnisé intégralement.

3        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) ont reçu la sanction royale, changeant le nom de la CRTEFP et les titres de la LCTREFP et de la LRTFP par, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

4        Avant son licenciement, le fonctionnaire avait déposé sept autres griefs, qui ont tous été renvoyés à la Commission ou à ses prédécesseurs. Après l’achèvement de la partie de l’audience portant sur les éléments de preuve et au début des arguments, il a retiré les quatre griefs suivants : le dossier 566-02-8688, daté du 2 août 2012; le dossier 566-02-8689, daté du 12 octobre 2012; le dossier 566-02-9976, daté du 20 décembre 2013; le dossier 566-02-11310, daté du 19 décembre 2014. En plus du grief visant son licenciement (les dossiers 566-02-11308 et 11309), ces retraits ont laissé les trois griefs suivants en suspens, dont les détails seront présentés au moment approprié dans la présente décision :

  1. le dossier 566-02-8829, daté du 14 février 2013;
  2. le dossier 566-02-8830, daté du 2 août 2012;
  3. le dossier 566-02-10258, daté du 22 août 2014.

5        Les parties ont demandé, et j’ai accepté que l’audience soit scindée et que la réparation soit tranchée après que j’ai rendu une décision sur la responsabilité.

II. Résumé de la preuve

6        Le fonctionnaire est titulaire d’un baccalauréat ès arts en psychologie de l’Université Carleton. Il a commencé sa carrière dans la fonction publique fédérale en avril 1993 au Service correctionnel du Canada (« SCC ») en tant qu’agent correctionnel, classifié au niveau CX-1, au pénitencier de Kingston où, en août 1994, il est devenu un CX-2. De mai 1998 jusqu’à mars 2004, il y a occupé un poste d’agent des libérations conditionnelles. En avril 2004, il a déménagé à Ottawa, en Ontario, où il a continué d’occuper un poste d’agent des libérations conditionnelles jusqu’en septembre 2007. Entre décembre 2005 et mars 2006, il a été un analyste des griefs pour le compte du SCC à son administration centrale nationale. Entre septembre et avril 2008, il y a occupé un poste d’agent de projet.

7        Le fonctionnaire a témoigné en disant que, pendant la durée de son mandat au SCC, il a été impliqué dans un incident qui a fait en sorte qu’il s’est absenté du travail. Il a affirmé s’être absenté du travail pendant environ un an et que, avant d’effectuer son retour, il a été tenu de subir une évaluation de son aptitude au travail (« EAT ») et il a été inscrit sur une liste de dotation prioritaire.

8        On ne m’a fourni aucun élément de preuve documentaire en ce qui concerne la liste de dotation prioritaire.

9        Le 8 août 2007, le fonctionnaire a présenté sa candidature dans un processus pour un poste d’analyste des politiques au groupe et au niveau AS-05 à la Commission nationale des libérations conditionnelles (« CNLC »). L’annonce pour ce poste indiquait qu’il y avait un poste à pourvoir.

10        Le 4 avril 2008, on a offert au fonctionnaire un poste d’APS d’une durée indéterminée au groupe et au niveau AS-05 dans le groupe Planification corporative et stratégique (« PCS »), qui fait partie de la Direction générale des politiques, de la planification et des opérations (« PPO ») de la CNLC. Le 9 avril 2008, il a accepté l’offre, qui est entrée en vigueur le 21 avril 2008.

11        Après que le fonctionnaire s’est joint à la CNLC, des changements organisationnels se sont produits et le nom de la CNLC a été changé à CLCC.

12        Le fonctionnaire a témoigné en disant qu’il n’avait jamais posé sa candidature pour le poste d’APS, seulement au poste d’analyste des politiques. Il a déclaré qu’il avait accepté le poste d’APS sous la contrainte, déclarant que le gestionnaire responsable de l’embauche à l’époque lui avait dit que deux postes d’analyste des politiques avaient été accordés à deux femmes et qu’il pouvait perdre sa priorité s’il n’acceptait pas le poste d’APS, car il était disponible et qu’il était qualifié.

13        Le fonctionnaire a déclaré qu’on lui avait dit que les descriptions de travail pour les deux postes étaient identiques; cependant, il a convenu qu’il n’avait jamais demandé à les voir, car il a affirmé qu’il ne voulait pas s’attaquer à l’honnêteté d’une femme inconnue.

14        Dans son témoignage principal, lorsqu’on lui a demandé s’il avait déjà déclaré qu’il pouvait assumer les fonctions du poste d’APS, il n’a pas répondu. En contre-interrogatoire, lorsqu’on lui a demandé s’il croyait qu’il n’était pas qualifié pour le poste d’APS, une fois de plus, il n’a pas répondu. Lorsqu’on lui a demandé s’il croyait qu’il aurait été avisé d’examiner la description de travail pour le poste d’APS, une fois de plus, il n’a pas répondu, laissant entendre que ce faisant équivaudrait à prétendre que la femme inconnue avait menti.

15        Il n’y a aucun élément de preuve selon lequel, à l’époque où on lui a offert le poste d’APS et où il y a été nommé, le fonctionnaire a accepté le poste sous la contrainte; il n’y avait non plus aucun élément de preuve selon lequel il avait déposé un grief ou une plainte en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.R.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13; la « LEFP »).

16        Le groupe PCS assurait la planification stratégique pour les opérations de la CLCC, y compris ce qui suit :

  • mesure du rendement;
  • harmonisation des programmes;
  • responsabilité de gestion;
  • plans et priorités;
  • la coordination avec les organismes centraux, y compris le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé.

17        Lorsqu’il a commencé à travailler à la CLCC en avril 2008, le fonctionnaire rendait compte à Shelley Trevathan.

18        Au moment de l’audience, Terrence Ryan était le gestionnaire responsable du groupe PCS, classifié au groupe et au niveau AS-07. Il occupait ce poste depuis octobre 2009. Au moment de l’audience, deux AS-05 relevaient de lui; en 2009, seul le fonctionnaire relevait de lui.

19        M. Ryan a témoigné en disant que le rôle du fonctionnaire était de recueillir des renseignements, de fournir des analyses et des conseils, d’élaborer des options et des recommandations à l’aide d’une approche logique et systématique, et ce, d’une façon articulée pour que son travail puisse être transmis à des supérieures avec peu de modifications, voire aucune. Il a affirmé que le fonctionnaire devait travailler de manière indépendante, avec une supervision et un mentorat limités.

20        La première évaluation du rendement ou le premier rapport d’évaluation du rendement (le « RER ») du fonctionnaire portait sur la période allant du 21 avril 2008 au 31 mars 2009 (le « RER de 2008-2009 »). C’est Mme Trevathan qui a procédé à cette évaluation. Elle a qualifié son rendement général d’insatisfaisant, ce avec quoi il était en désaccord.

21        Mme Trevathan n’a pas témoigné. Je ne suis saisi d’aucun élément de preuve selon lequel un grief a été déposé en ce qui concerne le RER de 2008-2009.

22        M. Ryan a effectué le deuxième RER du fonctionnaire, portant sur la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 (le « RER de 2009-2010 »). Il a indiqué qu’une quantité importante de travaux du fonctionnaire a été réunie dans un document intitulé le bulletin d’information de la PCS. Ce document devait servir à fournir des renseignements à la CLCC et à d’autres organismes en matière de justice criminelle. Selon M. Ryan, il s’agissait d’un véhicule important qui permettait au fonctionnaire de recueillir des renseignements, de les assimiler et de les analyser, puis de les formuler par écrit.

23        M. Ryan a indiqué que le bulletin d’information de la PCS représentait un défi pour le fonctionnaire et qu’il lui fallait un temps excessif pour recueillir les renseignements et préparer le document dans un format approprié. Il a indiqué que le rendement du fonctionnaire à l’époque ne correspondait pas au niveau AS-05. Malgré les problèmes, M. Ryan a affirmé qu’il avait évalué le rendement général du fonctionnaire comme satisfaisant. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait agi ainsi, M. Ryan a affirmé qu’il voulait bâtir une bonne relation avec le fonctionnaire; il n’avait pas eu l’occasion d’observer le fonctionnaire pendant l’année complète et il a agi ainsi dans un esprit de bonne volonté. Les commentaires suivants ont été présentés dans le RER de 2009-2010 et ont été attestés par M. Ryan :

[Traduction]

[…]

Connaissance […] Dans le domaine de la capacité de faire la synthèse et d’analyser des renseignements, Keith doit continuer à se perfectionner et à s’améliorer, car il s’agit d’un aspect essentiel de la nature des travaux dans sa cette division. Une amélioration doit être apportée pour qu’il puisse être en mesure de fonctionner pleinement et d’accomplir des tâches de façon satisfaisante au niveau AS-05 requis. Il est important pour Keith d’approfondir ses connaissances de la Commission et des processus de gestion de la stratégie corporative à l’appui des exigences du gouvernement et des exigences opérationnelles. […]

[…]

Jugement […] Keith doit continuer de s’efforcer d’améliorer ses compétences analytiques, car la détermination, l’analyse et l’élaboration d’options concernant les renseignements pertinents sont une partie importante du travail que l’on attend d’un analyste de la planification. Il doit également assumer un plus grand niveau d’indépendance et régler des problèmes avec moins de soutien.

[…]

Communications […] À l’écrit, Keith a travaillé dur et il a démontré une certaine amélioration en adaptant les renseignements présentés au public cible. Keith doit poursuivre sur l’élan qu’il a créé et veiller à ce qu’il continue de progresser dans ce domaine.

[…]

24        Le fonctionnaire a écrit dans le RER de 2009-2010 qu’il n’était pas d’accord avec tous les commentaires qu’il contenait; cependant, il a affirmé qu’il l’avait signé pour en accuser réception et dans un effort pour être conciliant.

25        M. Ryan a témoigné en disant que, pendant cette période (2009-2010), il a encadré le fonctionnaire presque quotidiennement, certains jours pendant jusqu’à une heure. Lorsqu’on lui a demandé s’il était informé de problèmes de santé quelconques que le fonctionnaire aurait pu éprouver à l’époque, il a répondu qu’il n’était informé d’aucun problème.

26        Le troisième RER du fonctionnaire couvrait la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011 (le « RER de 2010-2011 ») et l’évaluation a été menée par M. Ryan. Il a qualifié le rendement général du fonctionnaire d’insatisfaisant, ce avec quoi le fonctionnaire était en désaccord.

27        M. Ryan a témoigné pour dire que de nombreux problèmes relevés dans les RER antérieurs persistaient. En ce qui concerne la production du bulletin d’information de la PCS, M. Ryan a affirmé que cela aurait dû représenter environ 20 % du temps du fonctionnaire, cependant il y avait consacré près de 80 % de son temps. M. Ryan a affirmé que des problèmes de mise en forme étaient toujours présents, malgré le fait que le fonctionnaire disposait d’un modèle, qu’il avait suivi une formation et qu’on lui avait fourni deux moniteurs.

28        M. Ryan a témoigné pour dire qu’il continuait d’encadrer le fonctionnaire. Il a indiqué que, d’une personne au niveau du fonctionnaire, il s’attendait à beaucoup plus d’indépendance et à beaucoup moins de supervision. Il a affirmé que le fonctionnaire continuait d’éprouver des difficultés à trouver des renseignements pour accomplir ses tâches. Il a également indiqué que le fonctionnaire avait l’habitude de ressasser le passé, ce qui est bien dans une certaine mesure, mais que son travail n’allait pas de l’avant. Il a affirmé que le fonctionnaire continuait d’éprouver des difficultés dans son expression écrite.

29        Pour qualifier le travail du fonctionnaire, il a affirmé qu’il mettait tout dans un document, qu’il effectuait beaucoup de copier-coller sans contexte et qu’il n’adaptait pas les renseignements dans le document au public cible. M. Ryan a également relevé une incapacité du fonctionnaire en ce qui concerne l’exécution de tâches multiples et il a affirmé qu’il était difficile de faire en sorte que le fonctionnaire travaille sur plus d’une tâche à la fois. Il a déclaré que l’exécution de tâches multiples était essentielle à l’emploi AS-05.

30        M. Ryan a déclaré que pour le RER de 2010-2011, le fonctionnaire ne travaillait pas à un niveau AS-05. Lorsqu’on lui a demandé de résumer le rendement au travail du fonctionnaire, M. Ryan a affirmé qu’il était de belle prestance, qu’il avait de bonnes intentions, qu’il voulait bien faire et qu’il trouvait le travail difficile. Parallèlement, il a indiqué qu’il éprouvait les difficultés suivantes au travail : gérer son temps, exécuter le travail à temps, se concentrer sur une tâche, analyser les renseignements et produire les résultats attendus. Lorsqu’on lui a demandé quel pourcentage du travail du fonctionnaire correspondait au niveau AS-05, il a refusé de répondre, mais il a plutôt déclaré que le travail ne correspondait pas à un niveau AS-05, ce qui était la raison pour laquelle il avait reçu une cote insatisfaisante.

31        M. Ryan a affirmé qu’il avait discuté du RER de 2010-2011 avec le fonctionnaire et qu’il lui avait demandé de présenter des exemples concrets de la raison pour laquelle il était en désaccord avec la cote insatisfaisante. Il a affirmé que le fonctionnaire n’avait pas été en mesure d’en présenter aucun. Il a affirmé que le fonctionnaire lui avait dit qu’il sentait qu’il ne convenait pas pour le poste d’APS et que ses talents seraient mieux utilisés ailleurs. Lorsqu’on lui a demandé s’il était au fait que le fonctionnaire éprouvait des problèmes de santé quelconques à l’époque, il a répondu qu’il n’était informé d’aucun problème.

32        Du 4 juillet 2011 au 20 janvier 2012, le fonctionnaire a été affecté à un projet en dehors de ses fonctions d’APS et il a été supervisé par Sheila Ouellette.

33        En 2010 et au moment de l’audience, Mme Ouellette était la gestionnaire de la mesure du rendement à la CLCC. Au moment de l’audience, elle était à l’emploi de la CLCC ou de sa prédécesseure depuis 38,5 ans. Dans le cadre de ses fonctions, elle analysait les deux programmes de la CLCC, à savoir les Libérations conditionnelles et la Clémence et la Suspension du casier (la « Suspension du casier »), anciennement connu comme les Pardons, et établissait des rapports sur ceux-ci. Elle a confirmé qu’elle connaissait le fonctionnaire depuis son début à la CLCC. Dans la structure organisationnelle, M. Ryan relevait d’elle.

34        M. Ryan a témoigné en disant qu’on avait confié un projet spécial au fonctionnaire avec Mme Ouellette pour qu’il perfectionne ses compétences. Il a déclaré que cette décision était fondée sur des discussions qu’il avait eues avec le fonctionnaire et Mme Ouellette. Le projet portait sur des détenus illégalement en liberté.

35        Mme Ouellette a témoigné à propos des problèmes pendant ce projet, qui ont également été exposés dans le RER pour l’exercice 2011-2012 (le « RER de 2011-2012 »). Elle a affirmé qu’il éprouvait tellement de problèmes à accomplir le travail qu’on aurait eu besoin d’une personne pour travailler avec lui à temps plein et qu’elle ne disposait pas de ce genre de ressource. Elle a signalé que le fonctionnaire éprouvait de la difficulté à copier-coller des documents, à travailler avec le système de traitement de texte et à accepter les critiques à l’égard de son travail.

36        M. Ryan a affirmé qu’il avait participé à l’évaluation du travail du fonctionnaire pour le RER de 2011-2012, dans lequel il a reçu une autre cote insatisfaisante. En le parcourant, M. Ryan a de nouveau relevé les difficultés récurrentes dans le rendement du fonctionnaire. Il les a décrites comme une incapacité à recueillir et à organiser les renseignements dans un produit. Il a affirmé que, malgré que l’on ait donné au fonctionnaire des conseils, une aide et un encadrement importants, il n’était pas en mesure d’accomplir le travail qu’il lui était affecté.

37        Le 7 février 2012, le fonctionnaire a reçu une lettre de M. Ryan à propos de son comportement et de ses heures au travail. M. Ryan a indiqué que ce qui a mené à la lettre était qu’il avait reçu des plaintes des collègues du fonctionnaire à propos de son comportement, par exemple jurer à voix haute à son poste de travail, qu’il passait un temps inapproprié à bavarder avec des collègues et à ne pas travailler. Même si la lettre mentionnait effectivement que l’employeur avait une obligation de prendre des mesures d’adaptation, M. Ryan a déclaré que, à l’époque, il n’était informé d’aucun problème de santé du fonctionnaire qui aurait nécessité une mesure d’adaptation.

38        En juillet 2012, Richard Clair était le directeur général exécutif de la CLCC. L’ensemble des cinq bureaux régionaux de la CNLC et la plupart des employés du bureau national relevaient de lui, directement ou indirectement, ce qui représentait de 400 à 450 employés au total. Il a confirmé qu’il connaissait le fonctionnaire, mais qu’il n’avait pas travaillé avec lui.

39        En raison du rendement insatisfaisant du fonctionnaire, on a pris la décision de l’envoyer en affectation à un groupe et un niveau inférieurs (PM-03) dans le groupe Suspension du casier, en qualité d’agent de suspension du casier (« ASC »), sous la supervision de Brian Bender. M. Ryan a communiqué cette décision au fonctionnaire au cours d’une réunion, le 12 juillet 2012. L’affectation était d’une durée de quatre mois, du 30 juillet au 30 novembre 2012, avec une possibilité d’une prolongation de quatre mois si son rendement était satisfaisant. Le fonctionnaire continuerait d’être rémunéré au groupe et au niveau AS-05. Les conditions de l’affectation étaient énoncées dans une lettre du 13 juillet 2012 (avec une entente d’affectation en pièce jointe) signée par M. Clair.

40        Selon son témoignage, M. Ryan n’a eu aucun rôle à jouer dans la supervision du fonctionnaire pendant qu’il était en affectation au groupe Suspension du casier.

41        En juillet 2012 et au moment de l’audience, M. Bender était le gestionnaire du groupe Suspension du casier, classifié au groupe et au niveau PM-06.

42        La CLCC reçoit des demandes de suspension du casier (que l’on appelait anciennement des « pardons ») qui sont traitées par le groupe Suspension du casier. Un commis entre les données de base reçues avec les demandes dans le système informatique désigné, après quoi celles-ci sont envoyées à un ASC, qui examine et valide les renseignements. S’ils sont invalides, ils sont retournés au demandeur. Autrement, la demande suit le processus. Si la demande porte sur une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité, alors un ASC, classifié au niveau PM-03, enquête et vérifie les renseignements, rédige un résumé du cas et formulaire une recommandation à un commissaire de la CLCC. Si la demande porte sur un acte criminel, elle est traitée de la même façon, exception faite qu’elle est traitée par un ASC plus chevronné, classifié PM-04.

43        Les parties pertinentes de la description de travail des ASC stipulent ce qui suit :

  1. Sous l’en-tête « Résultats axés sur le service à la clientèle », l’ASC doit analyser, évaluer et examiner les demandes de pardon; élaborer des recommandations pour les commissaires en ce qui concerne les demandes de pardon et les révocations; fournir des conseils et une orientation sur le Programme de pardon et les processus aux demandeurs ou à leurs représentants, la gestion et les membres du personnel de la CLCC, ainsi que les participants et les partenaires du système de justice pénale.
  2. Sous l’en-tête « Principales activités », l’ASC doit effectuer ce qui suit :
    • analyser et interpréter des demandes de pardon ainsi que des casiers judiciaires détaillés et complexes et des documents connexes pour évaluer le caractère exhaustif et l’admissibilité après avoir décidé si les crimes commis étaient des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité mentionnées à l’annexe 1 de la Loi sur le casier judiciaire (L.R.C. (1985), ch. C-47), des actes criminels, des sévices à la personne, des actes criminels mentionnés à l’annexe 1 de la Loi sur le casier judiciaire, ou une infraction hybride;
    • coordonner et prioriser tous les dossiers opérationnels pour veiller à la prestation de services à l’intérieur des délais établis, comme l’exige la Loi sur les frais d’utilisation (L.C. 2004, ch. 6);
    • fournir des conseils, des renseignements propres à un cas, et des interprétations des politiques et des procédures liées au Programme de pardon aux parties intéressées;
    • sélectionner, extraire, examiner et valider les renseignements de nature délicate sur les demandes de pardon liées à plusieurs types d’infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité;
    • effectuer des recherches juridiques et dans des cours universitaires;
    • préparer des résumés et des recommandations à l’intention des commissaires;
    • effectuer des recherches dans les documents du casier judiciaire, les valider et les analyser, en formulant des demandes de renseignements auprès des participants et des partenaires du système de justice pénale; effectuer des recherches dans les bases de données ministérielles spécialisées et dans des bases de données sécurisées en matière de justice pénale en ce qui a trait à des demandes de pardon pour des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité; évaluer et accorder l’urgence à l’égard de demandes qui satisfont aux critères;
    • examiner les cas et décider si les critères de révocation de la CLCC et les dispositions de la loi sur la révocation ou la cessation sont satisfaits, et formuler des recommandations aux commissaires pour décisions;
    • mener des entrevues en personne avec les demandeurs pour les aider dans leurs demandes et répondre aux questions;
    • élaborer, recommander et mettre en œuvre des procédures et des systèmes de traitement et de soutien logistique nouveaux ou modifiés pour répondre à l’évolution des pratiques opérationnelles, des services et des exigences, et pour gérer la réception et le traitement de volumes de demandes de pardon et de demandes de renseignements qui fluctuent constamment;
    • formuler des recommandations sur les mises à jour sur les modules de formation et assurer la prestation de formations aux commissaires, aux partenaires du système de justice pénale et aux nouveaux employés.
  3. Sous l’en-tête « Compétences », l’ASC doit posséder les connaissances suivantes pour être en mesure d’accomplir les activités principales de l’emploi :
    • plusieurs lois;
    • les méthodes, techniques et pratiques de recherche, d’enquête et d’entrevue;
    • les méthodes, techniques et pratiques de gestion du temps;
    • les méthodes, techniques et pratiques de gestion de programmes;
    • les méthodes, techniques et pratiques d’animation;
    • le mandat, les responsabilités et les processus de la Division de la suspension du casier ainsi que la mission, le mandat et les valeurs fondamentales de la CLCC;
    • les protocoles et abréviations en ce qui concerne l’utilisation des terminaux indépendants;
    • les rôles et responsabilités des partenaires et des participants du système de justice pénale, ainsi que des ministères des différents ordres de gouvernement;
    • les méthodes, techniques et pratiques de consultation et de réseautage.
  4. Sous le même en-tête, l’ASC doit avoir les compétences suivantes pour être en mesure d’accomplir les principales activités de l’emploi : interroger, encadrer et communiquer, expressément par écrit et oralement.
  5. Sous l’en-tête « Responsabilités – Ressources humaines », l’ASC est responsable de la formation et de l’encadrement des nouveaux employés, des commissaires et des partenaires du système de justice pénale.

44        Le 2 août 2012, le fonctionnaire a déposé un grief (dossier de la Commission 566-02-8830, grief ministériel no 49061), qui stipulait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je conteste le contenu de l’entente d’affectation datée du 12-07-2012 et l’affectation liée à la lettre, qui a commencé le 30 juillet 2012 jusqu’au 30 novembre 2012. Il s’agit d’une mesure disciplinaire déguisée en une décision administrative, qui est punitive et qui contrevient à l’article 17 de la convention collective du groupe PA. Cela contrevient également à la Directive du Conseil du Trésor sur la gestion du rendement et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique en ce qui concerne le déploiement.

[…]

Mesure corrective demandée

  • Que la lettre d’affectation soit annulée et supprimée de mon dossier.
  • Que je sois réintégré à mon poste d’attache immédiatement.
  • Que la Directive du Conseil du Trésor sur la gestion du rendement soit respectée et mise en œuvre immédiatement. Quant au fait que la Directive du Conseil du Trésor pour la gestion du rendement n’a pas été respectée à la suite du rapport d’évaluation du rendement insatisfaisant pour 2010-2011, qu’aucune évaluation effectuée à la suite de ce rapport ne soit valide avant que le gestionnaire et la Division des ressources humaines aient respecté toutes les mesures requises comme il est prévu dans la Directive.
  • Que mon dossier personnel soit éliminé de tout document mentionnant cette affaire.

[…]

Date à laquelle chaque acte, omission ou autre affaire donnant lieu à l’événement a eu lieu

12-07-2012

[…]

45        Une copie du [traduction] Guide sur les mesures et questions non disciplinaires du Secrétariat du Conseil du Trésor daté de septembre 2011 (le « guide du SCT ») a été déposé en preuve. La partie 1 parle de la façon dont les gestionnaires doivent traiter le rendement insatisfaisant. La section 6 de la partie 1 est intitulée [traduction] « Gestion du rendement – Rôle du gestionnaire » et est ainsi rédigée :

[Traduction]

Dans le cadre de leurs responsabilités en matière de gestion du rendement, les gestionnaires se doivent de :

  • agir de bonne foi;
  • assurer une gestion claire et cohérente;
  • demander conseil;
  • offrir des occasions de corriger le rendement;
  • chercher et explorer des solutions de rechange;
  • respecter les droits des employés ainsi que leurs propres droits en tant que gestionnaires;
  • être transparent.

La définition des exigences du poste en matière de rendement est la première étape à franchir pour déterminer si un employé fournit un mauvais rendement. Bien que ce ne soit pas l’unique source, la description de travail est un important document puisqu’il définit les exigences du poste au chapitre du rendement.

Le gestionnaire a le droit et l’obligation de fixer des normes, des buts et des objectifs pour l’employé, puisque la description de travail ne prévoit pas tout.

Les exigences en matière de rendement doivent concorder avec les caractéristiques SMART d’un objectif efficace :

  • Spécifiques (un énoncé clair des attentes);
  • Mesurables sur les plans de la qualité, de la quantité, du coût et du temps;
  • Atteignables (ils doivent être réalisables, concrets et stimulants);
  • Réalistes (ils doivent être pertinents aux exigences légitimes du poste telles qu’elles sont énoncées dans la description de travail);
  • Limités dans le Temps (les attentes doivent s’accompagner d’une limite de temps).

Le gestionnaire définit les exigences de rendement d’un poste dès le début de la période évaluée. Il déterminera ensuite les activités d’apprentissage requises, après quoi le plan d’apprentissage personnalisé pourra être produit.

Une fois ces exigences définies, leur comparaison avec le travail effectué ou le service rendu par l’employé permettra de savoir si le rendement est satisfaisant ou non.

Les employés devraient avoir régulièrement l’occasion d’obtenir une rétroaction relativement à leur rendement. Ce processus devrait se conclure par une séance d’évaluation annuelle du rendement. Cependant, les gestionnaires ne doivent pas attendre toute une année pour effectuer un examen du rendement; des évaluations périodiques devraient être effectuées au besoin.

Lorsqu’un gestionnaire constate qu’un employé a un problème de rendement, il devrait :

  • examiner avec l’employé les raisons des lacunes de son rendement;
  • demander à l’employé comment il est possible de l’aider à s’améliorer;
  • fournir à l’employé le soutien nécessaire;
  • préparer un plan d’action.

[…]

46        La section 7 de la partie 1 du guide du SCT est intitulée [traduction] « Approche en quatre étapes pour traiter le rendement insatisfaisant » et établit de manière détaillée sur six pages l’approche en quatre étapes, qui est la suivante :

  1. Se préparer à parler à l’employé;
  2. Rencontrer l’employé;
  3. Élaborer un plan d’action;
  4. Suivi.

47        L’avocat du fonctionnaire a contre-interrogé M. Ryan à propos du rôle d’un gestionnaire en ce qui concerne le guide du SCT, le rendement du fonctionnaire et son affectation à la Suspension du casier. M. Ryan a confirmé qu’il n’avait pas mis un plan d’action en place, tel qu’il est précisé à la partie 7 du Guide du SCT en soi, mais que les attentes professionnelles ont certainement été communiquées au fonctionnaire, et il a eu des discussions informelles avec le fonctionnaire concernant un plan d’action.

48        Au cours de son interrogatoire principal, on a demandé au fonctionnaire ce qu’il pensait de l’affectation à la Suspension du casier. Il a affirmé qu’il l’avait perçu comme une rétrogradation, car il lui avait fallu beaucoup de temps pour atteindre le niveau AS-05. Lorsqu’on lui a demandé s’il en avait fait parlé à quiconque, il a déclaré qu’il l’avait fait, et ce, de manière répétée. Il a indiqué qu’il en avait parlé à tout le monde pendant la réunion du 12 juillet 2012, lorsqu’il a été informé de l’affectation.

49        La Dre Amy Moustgaard est une psychologue clinicienne autorisée à exercer dans la province d’Ontario. Elle a reçu un baccalauréat spécialisé en psychologie de l’Université d’Ottawa en 1999, une maîtrise ès arts en psychologie clinique de l’Université Lakehead (à Thunder Bay, en Ontario) en 2001 et son doctorat en psychologie clinique, également de l’Université Lakehead, en 2004. Après cela, elle a commencé sa carrière professionnelle à Thunder Bay, où elle a fourni des services psychologiques dans une pratique privée et dans un hôpital.

50        En 2006, elle a déménagé à Ottawa et, en mai de cette année, elle a commencé à offrir des services de psychologie clinique dans un environnement hospitalier au Centre de santé mentale Royal Ottawa (« HRO »). Elle continuait à offrir ces services à la date de l’audience. À compter de juin 2007, elle a continué sa pratique privée en psychologie clinique à Ottawa, qu’elle exerçait toujours à la date de l’audience. Au cours de la période de septembre 2006 à août 2011, elle a occupé un poste de professeure clinicienne à l’Université d’Ottawa, supervisant des étudiants au cycle supérieur.

51        Le 14 août 2012, la Dre Moustgaard a signé une lettre (la « lettre du 14 août »), que le fonctionnaire a remise à la CLCC. Cette lettre indiquait ce qui suit à propos de lui :

  • il avait été l’un de ses patients entre le 13 janvier et le 10 mars 2007;
  • il avait récemment communiqué avec elle pour obtenir de l’aide pour gérer une rechute de symptômes liés à l’humeur;
  • il lui avait récemment rendu visite, moment auquel elle avait évalué qu’il présentait un nombre élevé de symptômes associés à un trouble dépressif majeur qu’elle a désigné comme récurrent et qui était compatible avec une pathologie clinique d’un niveau grave;
  • il éprouvait (à la date de la lettre) des symptômes émotionnels, cognitifs et physiques de dépression.

52        La lettre du 14 août indiquait également ce qui suit :

  • les symptômes émotionnels de dépression relevés chez le fonctionnaire ont été la tristesse, l’irritabilité et la perte de plaisir;
  • les symptômes cognitifs de dépression relevés chez lui correspondaient à une difficulté de concentration et de décision ainsi qu’à une estime de soi réduite;
  • les symptômes physiques de dépression relevés chez lui étaient une énergie réduite et un sommeil perturbé;
  • il ne faisait aucun doute que ses symptômes avaient une incidence sur sa capacité de s’acquitter de ses responsabilités professionnelles;
  • il serait dans son intérêt supérieur de mettre en place certaines mesures d’adaptation, qui pourraient être mieux cernées par une évaluation menée par Santé Canada (« SC »);
  • il ne prenait aucun médicament psychotrope;
  • on l’encourageait à accomplir un travail qui lui était familier;
  • l’acuité cognitive pourrait être intrinsèque à la dépression; par conséquent, sa productivité au travail pourrait être ralentie;
  • il pourrait avoir besoin d’une orientation concrète en ce qui concerne toute attente à l’égard des tâches liées au travail, qu’on limite les exigences en matière de raisonnement créatif et que l’on tienne compte de sa crainte de l’échec;
  • il semblait motivé à s’en remettre;
  • il n’y avait aucune indication selon laquelle il ne devrait pas travailler, à condition que les mesures d’adaptation cernées fussent mises en œuvre.

53        M. Ryan a confirmé qu’il avait reçu une copie de la lettre du 14 août. Il a déclaré que cela avait incité l’employeur à demander au fonctionnaire de subir une EAT. Une lettre datée du 23 août 2012 (la « lettre du 23 août », demandant cette EAT a été préparée par M. Ryan, M. Bender et par les Ressources humaines (« RH ») et a été envoyée à la Clinique de santé occupationnelle de la RCN de Direction des services de santé spécialisés de SC (« SSSC »). La lettre présentait ce qui suit :

  • une copie de la description de travail du poste d’attache d’APS du fonctionnaire (AS-05);
  • une copie de la description de travail de son poste d’ASC temporaire (PM-03) à la Suspension du casier;
  • la lettre du 14 août;
  • depuis avril 2008, il avait reçu trois RER insatisfaisants sur quatre;
  • les motifs pour les cotes de rendement insatisfaisantes;
  • il avait démontré certains problèmes comportementaux auprès de collègues, de superviseurs, de gestionnaires et d’autres membres du personnel, et elle établissait ces comportements.

54        La lettre du 23 août demandait que les SSSC répondent à ce qui suit :

  • si le fonctionnaire était apte au travail;
  • si le fonctionnaire était apte à occuper le poste PM-03;
  • si le fonctionnaire était apte à occuper le poste AS-05;
  • l’étendue de son problème de santé, à savoir s’il était à long terme, à court terme ou d’une durée indéfinie;
  • une date de retour au travail raisonnable;
  • les restrictions pour les postes PM-03 et AS-05 qui l’empêcheraient de s’acquitter de ses fonctions, par exemple accomplir une semaine productive de 37,5 heures;
  • s’il était apte au travail et en mesure d’accomplir régulièrement les tâches de son poste d’attache (AS-05) ou un autre poste (PM-03) et, dans la négative), les restrictions précises qui l’empêchent de satisfaire aux attentes en matière de rendement;
  • s’il y avait des stratégies précises que la direction pouvait utiliser pour aider le fonctionnaire à composer avec sa situation professionnelle (gérer le stress, les conflits et les clients hostiles) au moment de son retour au travail;
  • si sa condition a eu une incidence sur sa capacité de rétablir les relations de travail avec ses collègues, les partenaires et les intervenants;
  • s’il n’était pas apte à retourner au travail, à quel moment on pouvait s’attendre à ce qu’il le soit;
  • tous les commentaires et aperçus supplémentaires.

55        On a remis une copie de cette lettre au fonctionnaire. Dans le cadre du processus d’EAT, il a signé un consentement pour la communication des renseignements médicaux datés du 23 août 2012.

56        Le 23 août 2012, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Bender, lui demandant s’il y avait [traduction] « […] des plans pour respecter les exigences en matière de mesures d’adaptation recommandées dans la lettre [la lettre du 14 août] ». M. Bender a transmis le courriel à M. Clair, qui a répondu au fonctionnaire, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Dans le cadre de votre affectation à titre d’agent de la suspension du casier, une entente de rendement a été mise en place et un coach vous aide actuellement dans votre travail. À l’heure actuelle, j’estime que cette affectation représente votre meilleure chance de réussir.

Les documents relatifs à une évaluation de votre aptitude au travail sont maintenant remplis et seront envoyés à Santé Canada au début de la semaine prochaine […]

[…]

57        En août 2012 (la date exacte n’est pas claire), le fonctionnaire était absent du travail en congé de maladie. D’après la preuve, il semblait qu’il a été absent jusqu’à un certain moment en octobre ou en novembre 2012 et qu’il est retourné progressivement au travail, atteignant des heures à temps plein en février 2013.

58        Le 10 octobre 2012, M. Bender a envoyé un courriel au fonctionnaire, confirmant leur discussion de la semaine précédente et il a déclaré que le plan d’action élaboré pour le fonctionnaire à son arrivée à la Suspension du casier serait mis de côté en attendant qu’il effectue un retour au travail à temps plein ou après que l’employeur ait reçu l’EAT de SC. À ce stade, le fonctionnaire était affecté uniquement à l’examen préliminaire, qui comportait l’examen et la validation des renseignements. M. Bender a déclaré qu’il fallait beaucoup de temps au fonctionnaire pour accomplir ce travail.

59        La Dre Sofia Lazaridis a reçu son doctorat en médecine et maîtrise en chirurgie (MDCM) de l’Université McGill, à Montréal, au Québec, en 1994. Elle a accompli sa résidence en médecine familiale à McGill entre juillet 1994 et juin 1996, ainsi que sa bourse de recherche en soins de la santé pour les personnes âgées entre août 1996 et mars 1998. Elle a commencé à travailler comme médecin en santé du travail aux SSSC dans la région de la capitale nationale en mars 2001 et occupait toujours ce poste au moment de son témoignage.

60        Le 24 octobre 2012, la Dre Lazaridis a rencontré le fonctionnaire. Ses notes ont été déposées en preuve. Elle a témoigné en disant que son diagnostic, fondé sur les symptômes qu’il présentait et ses antécédents médicaux, était de l’anxiété, une dépression et un trouble de stress post-traumatique (« TSPT »). Elle a relevé qu’il éprouvait des problèmes de concentration, d’insomnie, d’irritabilité, un trouble de la personnalité, ainsi que des traits de personnalité dépendante et évitante. Elle a déclaré qu’il était apte au travail, mais pas à son poste d’APS (AS-05).

61        La Dre Moustgaard a ensuite vu le fonctionnaire le 22 octobre 2012 pour une séance de thérapie cognitive. Elle a décrit que la thérapie cognitive représentait un moyen de l’aider à apprendre en quoi ses interprétations des situations avaient une incidence sur ses émotions. Elle a déclaré qu’il lui avait indiqué à ce moment qu’il était retourné au travail et qu’il croyait qu’il faisait un bon travail, mais qu’il voulait retourner à son poste d’attache.

62        Le 25 octobre 2012, la Dre Lazaridis a écrit aux personnes suivantes :

  • à la Dre Moustgaard, pour demander des renseignements à jour supplémentaires;
  • au Dr André Dessaulles, un psychologue clinicien qui a participé à une EAT concernant le fonctionnaire en décembre 2006 et en juillet 2007, pour connaître son évaluation du fonctionnaire;
  • au Dr S.S. Kasbia, le médecin de famille du fonctionnaire.

63        La Dre Moustgaard a ensuite vu le fonctionnaire le 14 novembre 2012. Elle a témoigné pour dire que son évaluation du fonctionnaire à ce moment était la suivante :

  • il était anxieux, ce qui était essentiellement lié à sa croyance qu’il avait été rétrogradé à un poste PM-03 et à son rendement dans ce poste;
  • son trouble de l’anxiété n’était pas autrement précisé, ce qui signifie qu’il présentait un trouble qui comportait tellement de facettes et qu’il était difficile d’évaluer exactement ce dont il s’agissait;
  • il éprouvait des problèmes avec le fonctionnement exécutif (planification, organisation et régulation du comportement, y compris la façon dont son comportement peut avoir une incidence sur les autres);
  • il s’inquiétait excessivement à propos de situations;
  • son inquiétude était difficile à contrôler;
  • il éprouvait une réaction physiologique à l’inquiétude sous la forme de crises de panique;
  • il éprouvait de l’appréhension à propos de l’évaluation de santé.

64        Le 15 novembre 2012, la Dre Moustgaard a écrit à la Dre Lazaridis, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne l’état clinique et les diagnostics de travail actuels, M. Herbert n’a pas été en mesure d’accomplir des gains importants depuis que j’ai communiqué avec votre bureau en août 2012. Bien qu’il soit retourné au travail depuis, son niveau d’anxiété et son inquiétude méditative à propos de son rôle au travail et de sa sécurité d’emploi ne semblent avoir diminué que légèrement […] Malheureusement, compte tenu de l’incertitude à l’égard de son rôle et de sa situation au travail, les interventions cognitives liées à l’inquiétude (et les comportements connexes) ont été difficiles.

[…]

M. Herbert m’a remis une description de travail de son poste d’attache d’« analyste de la planification stratégique » à la classification AS-05. D’après ce que je peux voir dans la description, il y a des exigences de travail relatives à des analyses de politiques, des conseils stratégiques, des examens d’audit et d’enquête, et de conception, d’analyse, de mise en œuvre et d’évaluation de plans stratégiques. M. Herbert a raconté que sa force et sa compétence portent sur l’analyse de documents et la communication écrite (p. ex. formuler des conclusions et des recommandations connexes). Il est dit que les tâches qui portent sur des caractéristiques multidimensionnelles (p. ex. la planification, la coordination, la mise en œuvre de plans stratégiques ou opérationnels) sont trop difficiles à accomplir pour lui.

D’après une observation clinique, les difficultés cognitives de M. Herbert comprennent des difficultés liées à la prise de décision, une difficulté d’attention et une tolérance limitée pour l’acquisition de nouveaux renseignements. Il y a un chevauchement important de ces symptômes entre les problèmes de dépression et d’anxiété. Plus particulièrement, M. Herbert signale craindre continuellement de [traduction] « commettre une erreur » et que cela pourrait mal paraître dans une autre évaluation de son travail. Par conséquent, il est excessivement prudent dans son approche à l’égard des tâches liées au travail. Je soupçonne qu’il pourrait également y avoir une contribution développementale de problèmes liés à l’attention et à la régulation exécutive connexe (par des rapports sur le rendement à l’école), bien qu’aucun test ou aucune évaluation officiels n’ait eu lieu.

À ce stade, il est manifeste que le travail constitue un facteur protecteur pour M. Herbert, en ceci qu’il aime être un employé contributif et productif à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Cela étant dit, des mesures d’adaptation en milieu de travail pouvant aider à gérer les symptômes devraient être envisagées. Sans être impliquée de près auprès des ressources et des possibilités disponibles dans l’environnement de travail, je peux uniquement formuler des recommandations qui sont logiques d’un point de vue théorique. Je crois comprendre que M. Herbert rencontre le Dr Dessaulles plus tard cette semaine, qui pourrait être mieux en mesure d’intégrer les recommandations dans la pratique. Je recommande ce qui suit :

  • Que les responsabilités professionnelles de M. Herbert demeurent dans un domaine de travail qui lui est familier. Apprendre une nouvelle compétence ou un nouveau logiciel en ce moment s’avère plutôt difficile pour lui, pour les raisons cognitives et émotionnelles susmentionnées. Cependant, M. Herbert a raconté qu’il commence à faire lentement des gains en ce qui a trait à sa compétence avec l’« encadrement » d’un collègue. Il aime le travail d’analyse des politiques stratégiques et le décrit comme l’une de ses forces. Un travail portant sur la compréhension de la lecture et des compétences d’analyse, ainsi que la rédaction serait recommandé.
  • Il est recommandé que M. Herbert travaille dans un environnement qui favorise la croissance et qui réduit au minimum le risque perçu d’être « puni » pour des erreurs. Peut-être que des réunions régulières avec son superviseur et qu’une liaison avec un mentor qui connaît bien l’environnement de travail permettrait une reconnaissance précoce des difficultés où des conseils peuvent être prodigués.
  • M. Herbert peut nécessiter des « congés personnels » lorsque ses symptômes sont exacerbés. Il pourrait être tenu de prendre des crédits de congé annuels en guise de « congé de maladie » avec un court préavis.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

65        La Dre Moustgaard a témoigné pour dire que, lorsqu’elle a vu le fonctionnaire le 14 novembre 2012, ses symptômes avaient diminué un peu, mais qu’il ne s’était pas vraiment amélioré. Elle a dit qu’elle ignorait à quel point elle pouvait l’aider, d’un point de vue cognitif. Elle a affirmé que le stress en milieu de travail avait une incidence sur son anxiété; elle a imputé son stress au fait d’exercer le rôle PM-03 et a ajouté que l’incertitude liée à l’occupation de ce rôle avait une incidence sur son humeur et son anxiété. Elle a indiqué qu’il était facile de formuler des recommandations depuis sa [traduction] « chaise »; cependant, il est difficile de le faire dans le milieu de travail.

66        Le 21 novembre 2012, le Dr Kasbia a écrit à la Dre Lazaridis et lui a transmis son rapport. Les passages pertinents sont rédigés ainsi :

[Traduction]

[…]

[…] J’ai vu ce monsieur pour la première fois le 24 janvier 2012. Il s’est plaint de son stress au travail au cours des dix-huit mois précédents et, en conséquence, il se sentait anxieux, éprouvait une léthargie et avait de la difficulté à dormir. Il prenait de l’effexor depuis quatre ans, mais il avait cessé volontairement. Il avait décidé de recommencer à en prendre avant de me consulter […] Je l’ai ensuite vu le 7 février 2012 sans constater de changement dans sa situation au travail. Ensuite, il est venu le 3 juillet et le 5 juillet. Lorsque je l’ai vu le 27 août, il se plaignait toujours du stress au travail, ce qui lui cause des problèmes de sommeil, en plus d’une difficulté à se concentrer. Un billet pour qu’il s’absente du travail du 28 août jusqu’au 14 octobre lui a été remis. Au moment du suivi du 27 septembre, il m’a informé qu’il voyait une psychologue régulièrement et qu’il ne prenait aucun médicament. Il devait recommencer à travailler graduellement deux heures par jour pendant deux semaines, puis passer à quatre heures par jour. Lors de la consultation du 29 octobre, la décision a été prise d’augmenter ses heures de travail à cinq par jour, car ses niveaux d’énergie s’étaient améliorés, de même que sa concentration.

M. Herbert n’est pas heureux de son nouveau poste, car il estime que la saisie de données n’est pas pour lui et que son ancien poste le rendait beaucoup plus heureux et lui apportait une satisfaction plus grande. J’ai vu M. Herbert à plusieurs reprises au cours des derniers mois et, à mon avis, il ne souffre d’aucune maladie dépressive. Cependant, à la lecture des rapports des superviseurs de M. Herbert que vous m’avez transmis, j’estime qu’il pourrait effectivement avoir un trouble du déficit de l’attention. Lorsque je l’ai questionné à propos de symptômes éventuels dans l’enfance, il a effectivement admis volontairement le fait qu’il avait éprouvé des problèmes d’attention à l’époque […]

[…]

67        Le Dr Dessaulles a vu le fonctionnaire le 16 novembre et le 10 décembre 2012. Dans la lettre de présentation qu’il a adressée à la Dre Lazaridis, le Dr Dessaulles a affirmé que, d’après son entrevue et son évaluation du fonctionnaire, il était d’avis que le fonctionnaire ne semblait pas apte au travail, et le Dr Dessaulles a recommandé que le fonctionnaire prenne un congé de maladie de six mois. Il a affirmé que le fonctionnaire avait de nouveau développé un trouble dépressif et qu’il était d’avis que le fonctionnaire ne pouvait pas aller mieux tant qu’il demeurait au travail. Il a poursuivi en indiquant qu’il y avait un problème important à long terme avec la capacité du fonctionnaire à composer avec le stress et, même s’il avait montré une bonne croissance post-traumatique à la suite de l’expérience traumatisante dans le milieu de travail, il éprouvait toujours un TSPT complexe et était vulnérable au développement d’un certain nombre de lacunes dans son fonctionnement. Les passages pertinents du rapport du Dr Dessaulles du 10 décembre 2012 sont ainsi rédigés :

[Traduction]

[…]

Il a été vu précédemment par cet évaluateur en 2006 et en 2007, alors qu’il travaillait pour le Service correctionnel du Canada en tant qu’agent des libérations conditionnelles et il a fait l’objet d’un diagnostic de dépression majeure et de trouble de stress post-traumatique.

[…]

M. Herbert a confirmé qu’il avait de nouveau reçu un diagnostic d’épisode dépressif […] Lorsqu’on lui a demandé s’il éprouvait des problèmes d’attention, de concentration et de mémoire, il a confirmé que cela avait constitué un problème et il a observé qu’il avait l’habitude de se réveiller pendant la nuit et de s’inquiéter à propos de ses problèmes au travail.

[…]

Conclusions et recommandations

[…] M. Herbert n’est pas apte au travail et il aura malheureusement besoin d’une autre période de congé de maladie pour recouvrer la santé. […] il y a une preuve que son état s’est détérioré par rapport au niveau de fonctionnement qui lui a permis de revenir au travail en 2007. Il y a un certain nombre de lacunes importantes dans le fonctionnement qui comprennent un trouble de l’humeur, une anxiété persistante, de la fatigue, et des lacunes générales et nettement limitantes en ce qui a trait au fonctionnement cognitif, des tendances problématiques en matière de comportement interpersonnel, ainsi qu’une capacité très limitée de gérer le stress. Bien qu’il y ait des signes selon lesquels il a été en mesure de parvenir dans une certaine mesure à une bonne croissance post-traumatique […], il semble éprouver une vulnérabilité continue et importante à l’égard du stress qui le rend plus sensible aux déclencheurs interpersonnels et qui augmentent considérablement la probabilité d’épisodes dépressifs récurrents. M. Herbert devrait être considéré comme ayant un TSPT complexe au motif de [caviardé] et cette condition continuera de limiter son fonctionnement jusqu’à ce qu’il reçoive un traitement spécialisé supplémentaire.

[…]

Compte tenu des complexités de sa situation, il serait probablement préférable pour M. Herbert de commencer une nouvelle période de congé de maladie au motif de la récurrence d’un trouble dépressif. S’il demeure au travail, il sera potentiellement confronté à de graves conséquences, car son rendement continuera de poser un problème. Son employeur pourrait également ne pas être en mesure de prendre des mesures d’adaptation appropriées à l’égard de son invalidité compte tenu de son niveau de gravité actuel. Une période de congé de maladie de six mois devrait suffire à traiter le trouble dépressif et à commencer à traiter les répercussions à long terme du TSPT sur son fonctionnement.

[…]

M. Herbert n’a toujours pas fait l’objet d’une étude sur le sommeil et cela pourrait s’avérer très utile, ne serait-ce que pour éliminer la présence d’un trouble du sommeil. Il y a de plus en plus d’éléments de preuve qui laisse entendre que les troubles du sommeil sont antérieurs au développement d’un TSPT et qu’ils pourraient prolonger les principaux déficits de fonctionnement, par exemple une résistance réduite au stress, à l’irritabilité et aux limitations cognitives.

[…]

Les professionnels de la santé de M. Herbert seront les mieux placés pour signaler son état de préparation éventuel pour commencer un processus de retour progressif au travail. Un retour au poste au niveau PM-03 semblerait très contre-productif et il pourrait être plutôt prématuré de passer directement au poste d’analyste des politiques […] Le rétablissement de M. Herbert pourrait très bien être retardé si on l’oblige à retourner au poste PM-03, car il anticiperait le retour avec une plus grande anxiété. Lorsqu’il effectuera un retour au travail, il bénéficiera d’un encadrement régulier afin de cerner et de résoudre toutes les tendances interpersonnelles problématiques ou tous les problèmes propres à l’emploi, et cela l’aidera à gagner une confiance dont il a bien besoin.

Le pronostic pour M. Herbert est quelque peu plus réservé qu’il y a cinq ans en raison de la récurrence du trouble dépressif […] La récurrence d’un trouble dépressif signale sa vulnérabilité psychologique continue et il reste à voir à quel point il réalisera des progrès dans le cadre du traitement […]

[…]

68        Je n’ai jamais été informé du traumatisme en milieu de travail qui a été subi lorsque le fonctionnaire travaillait pour le SCC.

69        Le fonctionnaire ne semblait pas avoir reçu une copie de la correspondance du Dr Dessaulles à la Dre Lazaridis. Cependant, le 10 décembre 2012, le Dr Dessaulles lui a effectivement écrit pour l’informer qu’il avait transmis son rapport à la Dre Lazaridis et il a présenté ses conclusions et recommandations au fonctionnaire.

70        Le 5 février 2013, M. Bender a écrit aux SSSC pour envoyer une mise à jour et certains renseignements supplémentaires. Dans sa lettre, il indiquait que le fonctionnaire avait été en congé de maladie pendant deux mois après avoir commencé à travailler au sein du groupe de la Suspension du casier et qu’il avait effectué un retour au travail selon un horaire progressif en novembre 2012. Il n’a atteint les heures à temps plein que le 1er février 2013. M. Bender a formulé les observations suivantes :

  • avant de partir en congé de maladie, le fonctionnaire avait éprouvé beaucoup de difficulté à se concentrer et à retenir les renseignements;
  • pendant deux semaines à la fin janvier 2013, le fonctionnaire semblait mieux comprendre et retenir les renseignements reçus de son coach pendant la formation;
  • le fonctionnaire ne cessait de mentionner qu’il ne comprenait pas pourquoi il travaillait dans le groupe de la Suspension du casier.

71        Le 6 février 2013, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Bender à propos de la lettre du 14 août et des mesures d’adaptation qu’elle présentait, laissant entendre qu’elles n’avaient pas été mises en œuvre. Il a demandé à ce qu’elles soient mises en œuvre et a demandé une réponse dans les cinq jours ouvrables.

72        M. Bender a répondu le 8 février 2013 et il a fait mention du courriel de M. Clair du 24 août 2012. Il a déclaré que ce courriel répondait à la question lorsque le fonctionnaire avait écrit à ce propos la première fois et informait le fonctionnaire que la direction mettait en œuvre les mesures établies dans la lettre du 14 août, et que l’entente de rendement et le coach étaient en place.

73        La Dre Lazaridis n’a pas parlé avec le Dr Kasbia ou la Dre Moustgaard.

74        La Dre Lazaridis a communiqué son EAT au moyen d’une lettre datée du 12 février 2013 (l’« EAT de février 2013 »), qui a déclaré ce qui suit :

  • le fonctionnaire a été vu par un expert-conseil (le Dr Dessaulles) le 16 novembre 2012;
  • des rapports ont été reçus de ses fournisseurs de soins de santé (qui n’ont pas été identifiés) les 22 et 23 novembre 2012;
  • son gestionnaire a fourni des renseignements à jour le 5 février 2013;
  • ses problèmes de santé ont été désignés comme étant chroniques;
  • il faisait l’objet d’un suivi et il suivait un traitement;
  • ses problèmes de santé n’étaient pas encore entièrement traités;
  • des mesures de traitement et des enquêtes supplémentaires ont été recommandées;
  • d’après la lettre du 5 février, on estimait qu’il était raisonnable pour le fonctionnaire de demeurer au travail et les recommandations suivantes, si elles sont possibles sur le plan opérationnel, auraient pu l’aider pour les six prochains mois :
    • limiter ses fonctions qui exigeaient l’accomplissement de tâches multiples, par exemple la planification, la coordination et la mise en œuvre de plans stratégiques ou opérationnels,
    • limiter ses fonctions qui exigeaient une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions,
    • exécuter des tâches qui lui étaient familières,
    • être encadré par une personne familière avec les fonctions,
    • participer à des réunions d’orientation régulières avec son superviseur et aider à cerner les fonctions les plus difficiles dès qu’elles sont attribuées;
  • une période de congé de maladie aurait pu être indiquée si des difficultés continues importantes en matière de rendement ou d’assiduité survenaient, malgré les recommandations.

75        Ni la lettre du 15 novembre 2012 de la Dre Moustgaard, ni la lettre du Dr Kasbia du 21 novembre 2012, ni la lettre du 10 décembre 2012 (toutes à l’intention de la Dre Lazaridis) n’ont été communiquées à l’employeur.

76        MM. Ryan et Bender ont reçu une copie de l’EAT de février 2013.

77        On a posé des questions précises à M. Ryan à propos des recommandations contenues dans l’EAT de février 2013, dans laquelle la Dre Lazaridis a suggéré de limiter certaines tâches pour le fonctionnaire (les tâches multiples, la planification, la coordination et la mise en œuvre de plans stratégiques et opérationnels, ainsi qu’une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions), que M. Ryan a désigné comme étant essentielles aux fonctions du poste d’APS du fonctionnaire. M. Ryan a affirmé que le fonctionnaire ne serait pas en mesure d’exercer ces fonctions sans accomplir ces tâches. Il a déclaré que l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions étaient essentielles aux fonctions d’emploi d’un APS.

78        En ce qui concerne la suggestion contenue dans l’EAT de février 2013 concernant des tâches désignées comme lui étant familières, M. Ryan a indiqué que l’expression [traduction] « tâches familières » était ambiguë, car le contexte était insuffisant, ce qui était requis dans un environnement de travail. Est-ce que cela voulait dire qu’il devait simplement avoir connu les tâches dans le passé ou qu’il les ait accomplies de façon satisfaisante également?

79        M. Bender a déclaré que, lorsque le fonctionnaire est retourné aux heures à temps plein après son retour progressif au travail au début de février 2013, mais avant la réception de l’EAT de février 2013, il était censé exécuter le complément complet de ses fonctions d’ASC. M. Bender a indiqué que, lorsque l’employeur avait tenté antérieurement de faire en sorte que le fonctionnaire accomplisse un travail d’enquête, ce dernier était devenu anxieux et nerveux, et il a éprouvé des problèmes de concentration.

80        Le 14 février 2013, le fonctionnaire a déposé le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-8829 (grief ministériel no 50267), qui stipulait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Énoncé du grief : […]

Je conteste le fait que mon employeur a refusé de prendre des mesures d’adaptation à mon égard dans le lieu de travail en contravention à la Politique du Conseil du Trésor sur « l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique », me causant ainsi d’importants préjudices financiers, physiques et psychologiques.

Je conteste le fait qu’en raison de ma déficience, mon employeur a fait preuve de discrimination à mon égard de façon continue et qu’il a contrevenu à la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi qu’à l’article 19 et à tous les autres articles connexes de ma convention collective.

[…]

Date à laquelle chaque acte, omission ou autre affaire donnant lieu au grief a eu lieu

Le 8 février 2013 [en caractères manuscrits]

[…]

Mesure corrective demandée

  1. Que la direction mette en œuvre des mesures d’adaptation immédiatement, conformément à mon état de santé diagnostiqué.
  2. Que je sois indemnisé pour toutes les pertes subies, y compris le salaire et les avantages, en plus d’inclure toutes dépenses supplémentaires qui pourraient découler de cette situation.
  3. Que l’employeur me verse une indemnisation d’un montant de 20 000 $ pour les préjudices moraux, psychologiques et physiques dont j’ai souffert et dont je souffrirai de façon continue en raison de la négligence délibérée de mon employeur.
  4. Que l’employeur me verse une indemnisation d’un montant de 20 000 $ en raison de la discrimination inconsidérée et délibérée dont j’ai été victime.

[…]

81        Le 15 février 2013, M. Clair a envoyé un courriel au fonctionnaire, lui indiquant qu’il communiquera avec lui au cours des prochaines semaines afin d’indiquer les mesures qui seraient prises afin de mieux répondre à la situation et aux besoins du fonctionnaire. Il a affirmé que l’affectation au poste d’ASC du fonctionnaire se poursuivrait. Cependant, conformément à l’EAT de février 2013, on lui demanderait uniquement de procéder à un examen préliminaire des demandes entrantes, on lui donnerait accès à un coach et qu’il rencontrerait M. Bender une fois par semaine.

82        M. Bender a témoigné en disant qu’après l’EAT de février 2013, la charge de travail du fonctionnaire a été limitée et ses fonctions ont été limitées à l’examen préliminaire. Il a indiqué que le travail portait essentiellement sur la vérification des renseignements initiaux et la décision de savoir si la demande devait être retenue aux fins d’une demande approfondie ou être renvoyée aux demandeurs.

83        M. Bender a indiqué qu’en neuf années à former des employés pour accomplir le travail d’un ASC, il a fait remarquer qu’il fallait environ un mois pour les former, du début à la fin. Il a affirmé qu’il a fallu beaucoup de temps au fonctionnaire pour être en mesure de faire le travail. Il avait des coachs et il semblait à M. Bender que le fait de montrer au fonctionnaire comment accomplir ce travail prenait beaucoup de leur temps et de leur énergie. Il a affirmé ce qui suit :

  • les coachs lui ont signalé qu’ils devaient souvent lui répéter les instructions, car il oubliait comment faire le travail;
  • un coach était très découragé;
  • un coach a pleuré dans son bureau;
  • un coach était très frustré;
  • tous les coachs ont demandé d’être dispensés d’encadrer le fonctionnaire;
  • le fonctionnaire se disputait avec les coachs et posait les mêmes questions encore et encore;
  • les coachs savaient que le travail pouvait s’apprendre dans un délai d’un mois et ils ne comprenaient pas pourquoi le fonctionnaire, un AS-05, n’en était pas capable.

84        Lorsqu’on lui a demandé pour quelle raison il avait changé les coachs du fonctionnaire, M. Bender a déclaré que c’était parce qu’ils lui avaient demandé de les dispenser de cette tâche.

85        M. Bender a affirmé qu’il n’avait pas passé en revue l’EAT de février 2013. Lorsqu’il a été contre-interrogé sur les points énoncés dans celle-ci, il a confirmé que le travail d’ASC exigeait l’accomplissement de tâches multiples, la planification, la coordination, le maintien d’une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions.

86        Le 1er mars 2013, la Dre Moustgaard a vu le fonctionnaire. Elle a témoigné en disant que, à l’époque, il était grandement méditatif, qu’il repensait sans cesse aux choses; il était excessivement concentré sur les problèmes liés au travail; il avait commencé à prendre des antidépresseurs; il semblait plus anxieux et dans une plus grande détresse. Elle a indiqué qu’elle a tenté de l’orienter sur le fait de s’aider soi-même et elle lui a suggéré de s’absenter du travail.

87        Le 12 mars 2013, le fonctionnaire a rencontré M. Clair, après quoi M. Clair lui a envoyé un courriel qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Comme je vous en ai parlé, votre affectation à titre d’agent de la suspension du casier (ASC) à la Division de la clémence et de la suspension du casier sera prolongée pour une période supplémentaire de trois mois, du 1er avril 2013 au 28 juin 2013. Au cours de cette période et conformément aux recommandations énoncées dans la lettre de Santé Canada, on vous attribuera un nombre limité de dossiers à traiter; on attendra de vous que vous accomplissiez toutes les fonctions d’un agent de la suspension du casier; vous relèverez toujours de M. Brian Bender, que vous rencontrerez toutes les semaines; vos objectifs établis seront utilisés pour évaluer votre travail et un coach vous sera affecté. Chaque mois, vous ferez l’objet d’une évaluation fondée sur les objectifs établis (le plan de travail).

[…]

88        Le 18 mars 2013, M. Ryan a écrit aux SSSC pour leur poser des questions sur l’EAT du 13 février. Il demandait des précisions; notamment, il a posé les questions suivantes :

[Traduction]

[…]

  1. Veuillez indiquer à quel poste chaque recommandation s’applique (en faisant référence aux descriptions de travail de l’analyste de la planification stratégique et de l’agent de la suspension du casier annexées à la demande d’évaluation médicale datée du 23 août 2012).
  2. Veuillez définir et présenter le contexte entourant le mot « familière » dans le cas présent, et veuillez expliquer les paramètres qui devraient être utilisés par l’employeur au moment d’évaluer ce que comprennent les fonctions « familières ».
  3. Dans la lettre, il est précisé que ces recommandations peuvent aider M. Herbert au cours des six prochains mois et il est indiqué que Santé Canada accepterait de procéder à une nouvelle évaluation de M. Herbert dans six mois. Étant donné que la lettre fait mention que les problèmes de santé de l’employé sont de nature chronique, quelle est l’incidence du calendrier de six mois?
  4. De plus, la lettre stipule ce qui suit :
    • Une période de congé de maladie pourrait être indiquée dans l’éventualité où il y aurait des difficultés importantes en matière de rendement ou d’assiduité, malgré les mesures susmentionnées.

    Veuillez définir et présenter le contexte entourant le mot « importantes » dans le cas présent, et veuillez expliquer les paramètres qui devraient être utilisés par l’employeur au moment d’évaluer ce que comprennent les fonctions « difficultés importantes en matière de rendement ».

[…]

89        Le 26 avril 2013, M. Ryan a écrit aux SSSC pour assurer le suivi de la lettre du 18 mars 2013. Il avait une fois de plus des questions à propos de l’EAT de février 2013. Il voulait obtenir des précisions sur les renseignements et les recommandations; notamment, il a posé les questions suivantes :

[Traduction]

[…]

  1. Étant donné que la demande d’évaluation médicale a été envoyée à Santé Canada en août 2012 et que les résultats ont été obtenus en février 2013, à quel moment ces problèmes de santé ont-ils commencé (c.-à-d. y a-t-il eu un déclencheur)?
  2. Dans la lettre, on mentionne une recommandation particulière qui pourrait aider M. Herbert au cours des six prochains mois et il est indiqué que Santé Canada accepterait de procéder à une nouvelle évaluation de M. Herbert dans six mois. Étant donné que la lettre fait mention que les problèmes de santé de l’employé sont de nature chronique :
    • quelle est l’incidence du calendrier de six mois, puisque ces problèmes sont chroniques?
    • les problèmes de rendement de l’employé sont-ils liés à ces problèmes de santé?

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

90        Des copies des lettres du 18 mars et du 26 avril 2013 ont été envoyées au fonctionnaire.

91        Le 13 mai 2013, la Dre Lazaridis a répondu aux lettres de M. Ryan datées du 18 mars et du 26 avril 2013, en indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Lettre du 18 mars 2013 :

  1. Les recommandations présentées sont fondées sur l’état de santé de M. Herbert et ne s’appliquent pas à un poste particulier. Il a exprimé son souhait de demeurer à son poste d’attache AS-05, si cela est possible sur le plan opérationnel, mais la décision quant au poste appartient à l’employeur.
  2. Les « fonctions familières » renvoient à des fonctions que M. Herbert a exercées dans le passé. Il s’agit de l’opposé de fonctions nouvelles, non familières.
  3. Les problèmes de santé de M. Herbert sont chroniques, cependant, comme je l’ai indiqué dans ma lettre, « ils ne sont pas encore entièrement traités et des mesures de traitement et des enquêtes supplémentaires sont recommandées pour le moment ». Il est à espérer qu’une période de six mois permettra à M. Herbert et à ses fournisseurs de soins de santé de donner suite à quelques-unes ou à l’ensemble de ces recommandations. Selon la disponibilité des ressources et de la réponse de M. Herbert au traitement, on pourrait observer une amélioration de son état de santé au cours des six prochains mois.
  4. Le mot « importantes » peut être interprété comme le fait de ne pas être en mesure d’accomplir la majorité de ses fonctions d’une façon satisfaisante. La décision quant à ce qui est satisfaisant à l’égard de l’exercice des fonctions appartient à l’employeur et cela concerne la détermination du degré des mesures d’adaptation qui est possible sur le plan opérationnel.

Lettre du 26 avril 2013 :

  1. Cette question n’est pas visée par […] l’évaluation de l’aptitude au travail.
    1. Veuillez voir la réponse à la question no 3 ci-dessus.
    2. Les problèmes de santé de M. Herbert contribuent aux préoccupations en matière de rendement décrites dans vos lettres. Il est difficile d’affirmer dans quelle mesure c’est le cas. À l’heure actuelle, étant donné que ses problèmes de santé nécessitent un traitement supplémentaire, il est à espérer que toutes les préoccupations en matière de rendement liées à ses problèmes de santé s’amélioreront avec le traitement.

[…]

92        M. Ryan a confirmé qu’il a reçu la lettre de la Dre Lazaridis du 13 mai 2013, mais que sa précision quant aux fonctions familières n’était pas utile; celles-ci demeuraient ambiguës. Il a indiqué qu’il comprenait que le mot « familière » renvoyait à quelque chose que le fonctionnaire connaissait. L’objet de sa demande de précision était d’aider l’employeur à mieux comprendre ce qu’il devait faire pour aider le fonctionnaire.

93        M. Clair a confirmé que, selon son souvenir, il avait vu la lettre du 13 mai de la Dre Lazaridis. Il a aussi confirmé qu’il n’avait pas parlé de cette lettre ou d’autres mesures d’adaptation avec le fonctionnaire. Il a affirmé qu’il n’avait pas parlé de mesures d’adaptation avec l’agent négociateur du fonctionnaire; cependant, il a également déclaré que l’agent négociateur ne s’était pas adressé à lui.

94        Dans le cadre de son témoignage, on a demandé à la Dre Lazaridis ce qu’elle voulait dire dans ses réponses du 13 mai 2013 aux questions de M. Ryan. Elle a répondu que d’après les renseignements qu’elle avait reçus, son évaluation et les renseignements fournis par l’employeur, il était sécuritaire de maintenir le fonctionnaire dans le milieu de travail; cependant, il existait une possibilité que son état de santé se détériore, il pouvait donc avoir besoin d’une période de congé.

95        L’opinion du Dr Dessaulles, à savoir que le fonctionnaire n’était pas apte au travail pour une période de six mois, a été présentée à la Dre Lazaridis. Elle a indiqué qu’elle avait tenu compte des renseignements de toutes provenances et que son EAT du 13 février était fondée sur l’ensemble des renseignements, en tenant compte de leur provenance.

96        La Dre Lazaridis a affirmé qu’elle avait indiqué un suivi dans six mois, car le temps écoulé aurait été suffisant pour permettre la mise en œuvre des recommandations de traitement et pour voir s’il y avait eu un changement quelconque dans l’état de santé du fonctionnaire.

97        Lorsqu’on lui a demandé d’étayer ses commentaires quant au fait que les problèmes du fonctionnaire étaient chroniques, la Dre Lazaridis a affirmé que cela voulait dire qu’ils étaient durables et de longue date. Elle a déclaré que, au moment de formuler ces commentaires, ceux-ci concernaient sa dépression, son anxiété et son TSPT. Elle a affirmé que, même s’ils étaient chroniques, des périodes d’amélioration et de rechute étaient possibles.

98        Le RER pour la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 (le « RER de 2012-2013 ») ne comprenait aucune cote générale, laquelle était établie dans l’examen, qui indiquait que [traduction] « […] des problèmes de santé peuvent avoir eu une incidence sur le rendement observé pendant la période visée par l’examen. Si une cote générale avait été accordée, celle-ci aurait été "insatisfaisante" ». Pour la période du 1er avril au 29 juillet 2012, le fonctionnaire a fait l’objet d’une évaluation à l’égard de ses fonctions d’APS, alors que pour la période du 30 juillet jusqu’à la fin de la période d’évaluation, l’évaluation portait sur ses fonctions d’ASC.

99        Entre le 1er avril et le 29 juillet 2012 (la période pendant laquelle le fonctionnaire a occupé le poste d’APS), les commentaires suivants ont été établis dans le RER de 2012-2013 :

[Traduction]

[…]

[…] des difficultés persistaient en ce qui concerne l’élaboration du contenu (c.-à-d. l’organisation, le raisonnement logique, l’analyse adéquate et la mise en forme). Des directives et des conseils ont été communiqués à plusieurs reprises à Keith et, maintes fois, de la rétroaction lui a été donnée pour aider Keith à atteindre les résultats ou produits livrables attendus. Pour illustrer les difficultés, on a mis terme à l’exercice d’analyse environnementale (après 4 mois) en raison des mêmes problèmes, sans rendement visible. Tout au long de ces activités, la capacité d’appliquer un raisonnement analytique et logique, et de recueillir et d’analyser des renseignements s’est avérée une difficulté pour Keith.

[…]

Keith continue d’éprouver des problèmes avec la mise en forme ainsi qu’à travailler avec des documents Word et Excel, ce qui rendait son travail plus difficile.

[…]

On a donné à Keith l’occasion d’examiner un certain nombre de problèmes qui demandent du jugement […] Keith doit s’efforcer d’améliorer son jugement et ses compétences en résolution de problème, car la détermination, l’analyse et l’élaboration d’options fondée sur des renseignements pertinents sont une partie importante du travail que l’on attend d’un analyste de la planification stratégique.

[…]

[…] Keith a travaillé fort, mais doit axer son attention sur l’adaptation des renseignements présentés au public cible. Il doit travailler sur sa capacité à résumer des renseignements en les points saillants nécessaires. […]

[…]

100        Pour la période du 30 juillet 2012 au 31 mars 2013 (la période pendant laquelle le fonctionnaire a occupé le poste d’ASC), les commentaires suivants ont été établis dans le RER de 2012-2013 :

[Traduction]

[…]

[…] Keith ne suivait parfois pas les étapes au moment d’effectuer un examen préliminaire ou une enquête conformément aux procédures établies.

Il n’a pas utilisé les ressources disponibles ou n’a pas suivi les mesures appropriées qui doivent être exécutées au moment d’effectuer l’examen préliminaire ou l’enquête […]

[…]

Keith a commis des erreurs à maintes reprises en procédant à l’examen préliminaire de demandes […]

[…]

Keith a continué d’éprouver des problèmes avec la mise en forme ainsi qu’à travailler avec Word […]

[…]

Après près d’un an à travailler à la Division de la clémence et de la suspension du casier, Keith posait toujours et encore le même genre de questions, il démontrait des difficultés à acquérir la confiance et les connaissances de base requises pour accomplir son travail au sein de la division, et à s’en souvenir. Des directives et des conseils ont été communiqués à plusieurs reprises à Keith et, maintes fois, de la rétroaction lui a été donnée pour aider Keith à atteindre les résultats ou produits livrables attendus.

Keith est très anxieux et s’inquiète constamment de commettre des erreurs. Keith a dû travailler avec cinq coachs différents pendant son affectation au sein de la division […]

[…]

Keith ne pondère pas les solutions de rechange et rend des décisions qui ne tiennent pas compte des renseignements factuels ou sont fondées sur une justification et des hypothèses logiques […]

[…]

Keith trouve difficile de gérer plusieurs projets simultanément […] Il n’a pas été en mesure de changer de priorités rapidement, de s’ajuster au changement et de répondre avec succès. Il doit s’efforcer d’améliorer cela.

[…]

101        La Dre Moustgaard a ensuite vu le fonctionnaire le 23 mai 2013. Elle l’a décrit comme une personne colérique et agitée, et elle estimait qu’il courrait le risque de dire quelque chose au travail qui pourrait entraîner son licenciement. Elle a affirmé que ces problèmes étaient liés à un trouble dépressif majeur. Elle a également ajouté qu’elle était préoccupée par la possibilité qu’il devienne agressif sur le plan physique et qu’il ne devrait pas se trouver au travail en raison de ses niveaux élevés de colère et d’anxiété. Le 30 mai 2013, elle lui a rédigé un billet recommandant qu’il s’absente du travail pour une période d’un mois à compter du lundi 3 juin 2013.

102        La Dre Moustgaard a déclaré lors de son témoignage en disant qu’elle n’a revu le fonctionnaire que le 26 septembre 2014 (quelque 16 mois plus tard).

103        L’affectation du fonctionnaire au groupe de la Suspension du casier a pris fin en juin 2013. M. Clair a déclaré qu’on lui avait demandé d’affecter le fonctionnaire autre part, car il ne faisait pas le travail et qu’il épuisait les employés affectés à son encadrement.

104        En juillet 2013, le fonctionnaire a été affecté à un autre projet spécial, une fois de plus sous la supervision de Mme Ouellette. Elle a indiqué que, à l’époque, on l’avait informée qu’une entente en matière de mesure d’adaptation était nécessaire. Elle a affirmé qu’elle avait conçu la partie de l’entente en matière de mesure d’adaptation qui portait sur le rendement, en consultation avec le fonctionnaire.

105        L’entente en matière de mesure d’adaptation a été conclue avec l’employeur le 3 juillet 2013 et était pour une durée de six mois. La tâche du fonctionnaire était de procéder à un examen de la conformité d’un échantillon de décisions de libération conditionnelle totale rendues entre le 1er juin 2012 et le 31 mai 2013. Un modèle d’entente en matière de rendement de quatre pages établissait les actions précises que l’on attendait de lui, les critères qui seraient utilisés pour mesurer ses progrès, la formation et autres mesures de soutien qui seraient mises à sa disposition pour l’aider à atteindre les objectifs de rendement, les échéanciers et les suivis écrits. Le modèle indiquait qu’on lui fournirait les documents et les liens nécessaires pour lui permettre d’accomplir les tâches du projet et qu’il serait encadré par un superviseur ainsi que par une rencontre quotidienne avec Mme Ouellette, qui ferait l’objet d’un suivi par écrit.

106        L’entente en matière de mesure d’adaptation établissait également les recommandations de SC, comme suit :

[Traduction]

[…]

  • Limiter les fonctions exigeant l’accomplissement de tâches multiples, par exemple la planification, la coordination et la mise en œuvre de plans stratégiques ou opérationnels;
  • limiter les fonctions exigeant une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions;
  • des fonctions familières à l’employé;
  • l’encadrement par une personne familière avec les fonctions de travail;
  • des réunions d’orientation régulières avec le superviseur (c.-à-d. pour cerner les fonctions les plus difficiles dès qu’elles sont attribuées).

[…]

[Le texte original est également en italiques]

107        Mme Ouellette a déclaré lors de son témoignage que le fonctionnaire n’avait pas à accomplir des tâches multiples et qu’il travaillait selon son propre rythme. Elle a affirmé qu’elle lui avait offert des séances d’encadrement individuelles et qu’elle avait tenu des réunions quotidiennes, qui avaient une durée de 30 à 45 minutes. Un échantillon du travail du fonctionnaire au cours de cette période, qui avait été examiné par Mme Ouellette, a été déposé en preuve. Elle a affirmé qu’elle avait examiné son travail non pas pour évaluer s’il avait été effectué de manière satisfaisante ou pour lui attribuer une cote, mais plutôt pour l’aider à renforcer ses compétences. Elle a déclaré que son travail ne correspondait pas à un poste réel à la CLCC; il s’agissait d’une affectation créée pour prendre une mesure d’adaptation à son égard. Ce travail n’avait pas à être accompli. Lorsqu’on lui a demandé si les fonctions étaient similaires à celles d’un vérificateur ou d’un enquêteur à la CLCC, elle a déclaré que seule la partie des fonctions qui nécessitaient la lecture de documents était similaire.

108        Mme Ouellette a déclaré que l’entente en matière de mesures d’adaptation a été prolongée.

109        Le 30 janvier 2014, Mme Ouellette a écrit aux SSSC et a demandé une mise à jour sur l’EAT du 13 février. À son tour, la Dre Lazaridis a écrit au Dr Kasbia le 20 mars 2014 et lui a demandé une mise à jour, plus particulièrement en ce qui concerne [traduction] « l’évolution clinique depuis février 2013; les diagnostics actuels et l’état clinique; [et] les recommandations actuelles pour la direction et le milieu de travail ».

110        On a demandé à Mme Ouellette de rédiger une note de service à SC, qui a été déposée en preuve et qui est datée du 20 février 2014; elle a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

M. Herbert est une personne très sociale et veut que tout le monde l’aime. Parfois, dans son exubérance, il dit des choses qui ne sont pas vraiment appropriées pour un environnement de bureau.

M. Herbert est très à l’aise en ce qui concerne l’accomplissement des tâches qu’il accomplit depuis les six derniers mois. Cela fait maintenant quelques mois qu’il procède à l’examen de décisions et il ne ressent pas le besoin de relever d’autres défis.

Étant donné que je rencontre M. Herbert tous les matins, j’ai eu l’occasion d’observer son comportement et j’ai remarqué qu’il éprouve de la difficulté à se concentrer sur un sujet pendant une période de temps donnée et qu’il change le sujet, parfois au milieu d’une phrase, sans donner à son interlocuteur le cadre de référence approprié.

J’ai également remarqué que, à l’occasion, M. Herbert prend des mesures ou rend des décisions sans réfléchir aux conséquences, non seulement pour lui-même, mais pour les autres. Il a tendance à sauter aux conclusions et à obséder à propos d’une question pendant une période anormalement longue.

[…]

111        Le 14 mai 2014, le Dr Kasbia a répondu à la Dre Lazaridis, lui transmettant ses trois rapports de la clinique du sommeil à l’HRO. Le premier rapport était du Dr Alan Douglass et était daté du 12 juillet 2013; il s’agissait d’une évaluation initiale qui indiquait ce qui suit :

  • dans l’ensemble, les manières du fonctionnaire étaient plutôt intenses;
  • il se plaignait que ses patrons lui donnaient une charge de travail qu’il n’était pas en mesure de gérer;
  • il a indiqué que, le jour, il avait une somnolence modérée et qu’il s’endormait à 17 h pendant de deux à quatre heures;  il a admis qu’il s’endormait pendant qu’il regardait des films, la télévision, pendant des réunions au travail et qu’il faisait de la paperasse ou pendant qu’il travaillait à l’ordinateur;
  • il a admis qu’il faisait de l’insomnie pendant le milieu de la nuit et qu’il faisait de l’insomnie saisonnière, au printemps.

112        Le diagnostic initial de la clinique des troubles du sommeil était l’apnée obstructive du sommeil et d’insomnie, découlant possiblement d’une cause psychiatrique. Le Dr Douglass a recommandé un polysomnogramme nocturne.

113        Le fonctionnaire a eu son premier polysomnogramme le 29 août 2013, dont les résultats indiquaient qu’il n’avait dormi que pendant 30 % du temps et qu’il avait eu trois épisodes d’insomnie grave d’une durée moyenne de 80 minutes. En interprétant le polysomnogramme, le Dr Douglas a déclaré que cela confirmait le diagnostic d’apnée obstructive du sommeil. Il estimait que les troubles respiratoires du sommeil étaient d’un degré justifiant le traitement au moyen d’un essai d’un appareil de ventilation nasale spontanée en pression positive continue (VNPPC).

114        Le fonctionnaire a passé un deuxième polysomnogramme le 5 décembre 2013, avec l’appareil de VNPPC. La séance a révélé qu’il a dormi en position couchée pendant la majeure partie de la nuit et qu’il avait fait beaucoup moins d’insomnie. L’architecture du sommeil montrait des transitions normales du sommeil non paradoxal (sommeil lent) au sommeil paradoxal (sommeil rapide) avec l’appareil de VNPPC.

115        Une note de suivi du Dr Douglass indiquait que le fonctionnaire, à qui on avait donné un appareil de VNPPC dans le cadre d’un essai, éprouvait une certaine difficulté en raison d’une congestion nasale.

116        La Dre Lazaridis a renvoyé le fonctionnaire au Dr Kenneth Suddaby.

117        Le Dr Suddaby a reçu sa formation médicale à l’Université du Manitoba. Il a obtenu son diplôme en 1989. Il a achevé une spécialité en psychiatrie en 1994 ainsi qu’une bourse de recherche en psychiatrie familiale et systémique en 1997 de l’Université de Rochester. Il est devenu un associé du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada en psychiatrie en 1994.

118        Le Dr Suddaby a témoigné en disant qu’il possède une pratique psychiatrique générale se consacrant aux familles et aux systèmes, ce qui comprend le milieu de travail. En ce qui concerne les systèmes de milieu de travail, il a déclaré être un évaluateur tiers et qu’il a évalué des employés pour leur compte, pour le compte de la direction ainsi que pour le compte de syndicats. Son travail porte sur l’ensemble des aspects de la santé mentale dans le milieu de travail.

119        Le Dr Suddaby a vu le fonctionnaire le 1er mai 2014 et il a rédigé un rapport de 13 pages à l’intention de la Dre Lazaridis le même jour.

120        Dans son rapport, le Dr Suddaby a indiqué que le fonctionnaire s’exprimait d’une façon plutôt décousue, raison pour laquelle il fallait fréquemment le ramener sur le sujet, et qu’il répondait d’une manière excessivement intellectualisée et que, dans ses réponses aux questions, il présentait souvent des opinions ou des autodiagnostics plutôt que de répondre en fournissant des détails. Il a affirmé que les réponses du fonctionnaire étaient parfois décousues et difficiles à comprendre, ou qu’elles avaient été écartées. Lorsqu’il a demandé au fonctionnaire pour quelles raisons il avait besoin des mesures d’adaptation qui avaient été mises en place en juillet 2013, le fonctionnaire a répondu qu’il devait travailler avec des documents familiers en raison [traduction] « d’une déficience cognitive secondaire à un trouble dépressif majeur » et qu’il éprouvait une [traduction] « grande peur de l’échec ». Le Dr Suddaby a fait remarquer qu’il n’était pas clair en quoi le fonctionnaire estimait que cela était lié à un besoin en matière de mesures d’adaptation.

121        Le rapport du Dr Suddaby a indiqué que le fonctionnaire présentait un style de personnalité quelque peu paranoïaque et qu’il avait une approche très narcissique à l’égard de ses commentaires. Le rapport ajoutait qu’il semblait avoir une orientation quelque peu paranoïaque ainsi qu’un sentiment que d’autres lui avaient causé du tort. Il indiquait en outre que le fonctionnaire semblait avoir un style interpersonnel plutôt tangentiel, ayant tendance à blâmer les autres pour ses difficultés et à minimiser, voire nier sa responsabilité personnelle dans les interactions en milieu de travail.

122        En ce qui concerne l’environnement de travail du fonctionnaire, le Dr Suddaby a inscrit dans son rapport que le fonctionnaire semblait estimer que les autres étaient moins compétents que lui; il assumait apparemment peu la responsabilité de ses actes et de son rendement dans l’environnement de travail; il semblait blâmer l’employeur de l’avoir embauché dans un poste pour lequel il n’était pas compétent et le blâmait de lui avoir retiré ces fonctions alors qu’il ne les accomplissait pas bien. De plus, le rapport indiquait que lorsque le fonctionnaire parlait des préoccupations liées au rendement soulevées à son égard au travail, il reconnaissait parfois qu’il n’était pas doué à un poste donné, mais ajoutait ensuite qu’il avait fait l’objet d’une gestion du rendement inéquitable.

123        Dans son rapport, le Dr Suddaby a affirmé que le fonctionnaire était enclin à médicaliser ses problèmes de rendement, même lorsqu’il n’éprouvait peut-être aucun symptôme, et que cela ne rendrait pas service au fonctionnaire ou à l’employeur de médicaliser, de temps à autre, des problèmes de rendement non médicaux. Le rapport précisait que, dans son narcissisme, le fonctionnaire démontrait une tendance à s’autodiagnostiquer et à imputer le blâme pour ses difficultés interpersonnelles ou en matière de rendement à des problèmes médicaux ou aux autres.

124        Le diagnostic du Dr Suddaby en ce qui concerne le fonctionnaire était une dépression majeure, récurrente, de légère à modérée, sans psychose et en rémission; une apnée obstructive du sommeil, entraînant possiblement une déficience cognitive; ainsi que, possiblement, des traits de personnalité mixte présentant des caractéristiques d’une personnalité paranoïaque et fuyante. Il a déclaré qu’aucune maladie psychiatrique ne nuisait au travail du fonctionnaire. Il était d’avis que le trouble de l’humeur du fonctionnaire était en rémission et qu’il ne causait aucune déficience cognitive ou fonctionnelle. Cependant, il a déclaré que l’apnée du sommeil posait un problème différent. Il a également fait mention des problèmes cognitifs et de concentration du fonctionnaire. Il a laissé entendre que cela indiquait que, si le problème d’apnée du sommeil était traité et que les problèmes cognitifs persistaient, on pourrait peut-être procéder à une évaluation neuropsychologique ou psychologique, qu’il a décrite comme des tests objectifs psychologiques spécialisés qui examinaient différentes fonctions cérébrales.

125        Le Dr Suddaby a parlé des déficits du fonctionnaire en ce qui a trait à ses compétences émotionnelles et interpersonnelles, affirmant qu’il s’agissait de questions caractérologiques plutôt que médicales. Ces compétences sont présentes chez tout un chacun, et elles nous permettent de fonctionner avec les autres dans nos environnements. Il a donné l’exemple d’une personne qui ne parvient pas à lire les émotions des personnes, ce qui peut donner lieu à des actions et à des réactions inappropriées. Dans son rapport, le Dr Suddaby a indiqué qu’il abondait dans le même sens qu’une note du Dr Dessaulles selon laquelle, dans les tests de personnalité, la composition caractérologique du fonctionnaire peut lui causer des difficultés interpersonnelles dans l’environnement de travail. Il était indiqué dans le rapport que les déficiences dans les compétences interpersonnelles étaient vraisemblablement chroniques et qu’elles contribuaient aux difficultés interpersonnelles et, peut-être, aux difficultés en matière de rendement dans l’environnement de travail. Le rapport précisait que les carences dans ses compétences sont considérées comme étant de nature non médicale et que l’employeur devrait y répondre de la façon administrative habituelle.

126        Lorsqu’on lui a posé des questions à propos des carences dans les compétences du fonctionnaire, le Dr Suddaby a déclaré que celles-ci comprenaient le fait que le fonctionnaire réponde aux questions de façon tangentielle, son incapacité à rester dans le sujet et son besoin d’être ramené sur le sujet au moyen de directives. Il a déclaré que le fonctionnaire se considérait comme étant blessé par d’autres, mais ne parvenait pas à voir sa participation aux situations. Il a déclaré que le fonctionnaire avait une tendance à blâmer tous les autres et qu’il avait tendance à ne pas assumer sa responsabilité. Il avait une estime de soi et de ses compétences exagérées. Le Dr Suddaby a affirmé que ces choses provoquent des difficultés interpersonnelles dans le milieu de travail et qu’elles ne sont pas assimilables à une dépression psychiatrique.

127        Le Dr Suddaby a également affirmé que le fonctionnaire avait recours à un langage dramatique qui n’était pas approprié au moment de répondre à des questions, par exemple être un [traduction] « serviteur engagé de votre superviseur », [traduction] « profiter de moi autant que possible » et [traduction] « de retour dans la boîte ».

128        La Dre Lazaridis a confirmé qu’elle avait reçu et examiné le rapport du Dr Suddaby; cependant, elle n’avait pas parlé avec lui.

129        La Dre Lazaridis a vu le fonctionnaire le 4 juin 2014. Elle a rédigé un rapport d’une page à l’intention de l’employeur le jour suivant (l’« EAT de juin 2014 »), dont les parties pertinentes sont ainsi rédigées :

[Traduction]

[…]

Les problèmes de santé chroniques mentionnés dans mes lettres précédentes du 13 février 2013 et du 13 mai 2013 sont considérés comme étant stables à l’heure actuelle. Un problème de santé supplémentaire cerné pourrait rendre compte de quelques-unes des difficultés décrites dans les documents que vous avez transmis à notre bureau. Les modalités thérapeutiques ont été examinées auprès de M. Herbert et des copies du rapport de notre spécialiste ont été transmises à M. Herbert et à son médecin traitant. L’état de santé de M. Herbert nécessite un traitement continu et un suivi. À l’heure actuelle, M. Herbert n’est pas considéré comme étant apte sur le plan médical à reprendre les fonctions complètes du poste d’attache AS-05 pour des raisons médicales et, par conséquent, les recommandations en milieu de travail demeurent identiques à ce que j’ai indiqué dans mes lettres précédentes. Selon le début des initiatives thérapeutiques proposées par M. Herbert et de sa réponse à celles-ci, il pourrait être en mesure d’assumer d’autres fonctions dans son poste AS-05 à l’avenir. Dans l’éventualité où il répondrait de façon favorable aux mesures de traitement, son fournisseur de soins de santé pourrait vous informer directement en ce qui concerne la possibilité de lever les restrictions. Subsidiairement, nous accepterions de réévaluer M. Herbert dans six mois, à votre demande, pour revoir les recommandations susmentionnées.

En ce qui a trait aux autres préoccupations soulevées dans les documents transmis à notre bureau le 20 février 2014, veuillez prendre note que ces préoccupations sont considérées comme étant de nature non médicale et il est possible d’y répondre de la façon administrative normale.

[…]

130        Le 26 juin 2014, l’employeur a écrit à la Dre Lazaridis pour demander des précisions sur l’EAT de juin 2014, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  1. Y a-t-il une probabilité raisonnable de voir M. Herbert exercer ses fonctions dans son poste d’attache AS-05 dans un avenir prévisible? Le cas échéant, selon vous, à quel moment cela sera-t-il possible?
  2. M. Herbert a fait part de son intérêt à l’égard d’un autre poste AS-05 à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, en tant que conseiller en politiques à la Division des appels. D’après les limitations fonctionnelles que vous avez établies, serait-il, selon vous, en mesure d’exercer ces fonctions? Nous sommes préoccupés par le fait qu’il s’agit d’un poste avec lequel il n’est pas familier et qui exige l’accomplissement de tâches multiples. Veuillez prendre note que M. Herbert devrait participer à un concours pour obtenir ce poste.

Vous trouverez ci-joint les descriptions de travail pour les deux postes AS-05, afin de vous aider à mieux comprendre leurs exigences respectives.

[…]

131        La Dre Lazaridis a répondu ce qui suit le 8 juillet 2014 :

[Traduction]

[…]

  1. […] Comme je l’ai indiqué dans la lettre, M. Herbert pourrait être en mesure d’assumer d’autres fonctions du poste AS-05, dépendamment de sa réponse aux initiatives thérapeutiques proposées.
  2. […]

  3. […] Nous ne sommes pas en mesure de fournir des renseignements plus définitifs à cet égard, car le fait de fournir une opinion sur la planification de carrière ne fait pas partie de la portée de l’évaluation de l’aptitude au travail. Il n’y a aucune contre-indication médicale à ce que le fonctionnaire dépose sa candidature et participe à un concours pour ce poste.

[…]

132        Dans son témoignage devant moi, la Dre Lazaridis a déclaré que les initiatives thérapeutiques auxquelles elle faisait référence concernaient le recours à un appareil de VNPPC pour son apnée du sommeil et l’attente d’une consultation avec un oto-rhino-laryngologiste, une encore en lien avec des difficultés liées à son apnée du sommeil.

133        La Dre Lazaridis n’a revu le fonctionnaire qu’après le 4 juin 2014.

134        Elle a déclaré qu’aucun des rapports qu’elle a reçus des Drs Dessaulles, Moustgaard, Kasbia, Douglass ou Suddaby n’a été communiqué à l’employeur.

135        Elle a déclaré que ses séances avec le fonctionnaire duraient habituellement d’une à deux heures.

136        Le 22 août 2014, le fonctionnaire a déposé le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-10258 (grief ministériel no 53264). Il énonce ce qui suit :

[Traduction]

Énoncé du grief : […]

Le présent grief est présenté en réponse à la réponse au grief rédigée par Harvey Cenaiko, datée du 16 juillet 2014. Dans sa réponse, il affirme que « ma décision est de réintégrer ce qui a été supprimé de votre évaluation du rendement à l’audience du grief au deuxième palier ».

En répondant cela, M. Cenaiko a contrevenu aux articles suivants de la convention collective :

Article 18 : Il est interdit à toute personne de chercher, par intimidation, par menace de renvoi ou par toute autre espèce de menace, à amener un employé-e s’estimant lésé à renoncer à son grief ou à s’abstenir d’exercer son droit de présenter un grief, comme le prévoit la présente convention.

Article 19 : Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

Article 56 : Le ou les représentants de l’Employeur qui font l’évaluation du rendement de l’employé-e doivent avoir été en mesure d’observer son rendement ou de le connaître pendant au moins la moitié (1/2) de la période pour laquelle il y a évaluation du rendement de l’employé-e. […]

[…]

Date à laquelle chaque acte, omission ou autre affaire donnant lieu au grief a eu lieu

Le 21 juillet 2014

[…]

137        Comme je l’ai mentionné plus tôt, la Dre Moustgaard n’a revu le fonctionnaire que le 26 septembre 2014. Ses notes qui ont été déposées en preuve indiquent qu’à cette époque, elle a indiqué qu’il lui avait dit qu’il avait reçu un diagnostic d’apnée du sommeil. Elle a dit qu’ils en ont discuté et d’en quoi un meilleur sommeil l’aidait à être de meilleure humeur. Ses notes indiquent également qu’il l’avait informé qu’il était de retour à son poste d’attache, qu’il suivait le rythme et qu’il avait reçu une évaluation du rendement positive. Il lui a dit qu’il participait à des activités familiales et paraprofessionnelles, et elle a indiqué que son humeur était stable. Elle a affirmé qu’il lui avait également dit qu’il prenait un médicament holistique en vente libre pour l’aider avec son humeur. Elle l’a confirmé dans son témoignage à l’audience.

138        Les notes de la Dre Moustgaard de leur rencontre du 26 septembre 2014 indiquent également que le fonctionnaire lui a dit que le Dr Suddaby avait évalué qu’il était apte au travail sans restriction au printemps. Dans son témoignage, la Dre Moustgaard a indiqué que le fonctionnaire et elle ont discuté de l’évaluation du Dr Suddaby et du fait que son avis était qu’il semblait raisonnable que le fonctionnaire n’ait besoin d’aucune mesure d’adaptation. Elle a déclaré qu’il lui avait annoncé qu’il occupait son poste d’attache et qu’il était d’avis qu’il faisait bien et qu’il répondait aux exigences du travail. Elle a affirmé qu’il semblait stable et de bonne humeur. Elle a dit qu’elle ignorait s’il avait fait l’objet d’une mesure d’adaptation.

139        Je ne suis saisi d’aucun élément de preuve qui indique que la Dre Moustgaard a vu l’évaluation du Dr Suddaby.

140        La Dre Moustgaard n’a revu le fonctionnaire que le 6 mars 2015.

141        Mme Ouellette a évalué le rendement du fonctionnaire pour la période allant du 3 juillet 2013 au 31 mars 2014. Elle a indiqué que le travail qu’il accomplissait pour elle comprenait quelques-unes des fonctions du poste de vérificateur ou d’enquêteur, mais pas toutes. Dans son témoignage, elle a précisé que la seule fonction de ce poste qu’il exerçait correspondait à la lecture de documents.

142        Les postes de vérificateur ou d’enquêteur à la CLCC sont classifiés au groupe et niveau AS-05.

143        En contre-interrogatoire, lorsqu’on a fait remarquer à Mme Ouellette que le fonctionnaire n’avait pas achevé le travail qu’il accomplissait pour elle parce qu’il avait été licencié, elle a affirmé que cela relevait de la conjecture, car aucune décision n’avait été formulée à savoir qu’il avait les compétences nécessaires pour avancer.

144        Mme Ouellette a confirmé ce qui suit :

  • l’entente en matière de mesures d’adaptation a été en vigueur jusqu’au licenciement du fonctionnaire;
  • il lui avait fait part de son souhait de travailler comme analyste des politiques et qu’il croyait qu’il s’agissait d’un poste qui convenait à ses compétences;
  • il travaillait de façon collaborative avec elle et il était très engagé;
  • elle n’avait pas été informée de détails de son invalidité; cependant, elle a confirmé qu’il lui avait dit qu’il souffrait d’une maniaco-dépression chronique [trouble bipolaire] et d’apnée du sommeil, ce qui lui causait des troubles cognitifs.

145        Mme Ouellette a procédé au RER du fonctionnaire pour l’exercice du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 (le « RER de 2014-2015 »). Elle a indiqué qu’il répondait aux attentes à l’égard du travail qu’il accomplissait dans le rôle qui lui avait été attribué dans le cadre du processus de mesures d’adaptation. Elle a confirmé qu’à aucun moment elle ne lui avait laissé entendre qu’il devait avoir un rendement supérieur à ce qui était établi dans l’entente en matière de mesures d’adaptation ou qu’il s’exposait au risque de perdre son emploi.

146        Mme Ouellette a déclaré qu’elle n’avait pas participé au processus de licenciement du fonctionnaire, qu’on ne l’avait pas consultée à ce propos et qu’elle n’avait pas contribué au contenu de la lettre de licenciement. Elle a affirmé que personne ne lui a parlé de le licencier, que l’employeur envisageait un licenciement ou lui a posé des questions sur les cotes qu’elle lui avait accordées dans ses deux derniers RER. Elle a dit qu’elle n’avait été informée de son licenciement que quelques heures avant qu’il se produise.

147        Au moment de l’audience, Cathy Gaudet était la directrice des finances et de la planification, et dirigeante principale des finances de la CLCC. Elle occupait ces postes depuis janvier 2012. Avant cela, elle avait occupé le poste de directrice des finances à la Cour suprême du Canada. Elle a commencé sa carrière dans la fonction publique en 1993.

148        Mme Gaudet a témoigné en disant qu’en avril 2014, la CLCC avait fait l’objet d’une réorganisation en raison d’une initiative de renouvellement. Le groupe CSP a fusionné avec la Division de la planification financière. Cela voulait dire que le poste d’attache du fonctionnaire (en tant qu’APS) relevait de son secteur de responsabilité. Elle a indiqué qu’avant le début de 2015, ses interactions avec lui avaient été minimales.

149        Le 5 janvier 2015, Mme Gaudet a envoyé un courriel au fonctionnaire pour lui demander une rencontre afin de discuter de son retour éventuel à son poste d’APS (à compter du 2 février 2015). Elle avait des connaissances limitées quant aux travaux qu’il accomplissait pour Mme Ouellette, indiquant qu’elle savait qu’il ne s’agissait pas d’un poste réel et que ce travail n’était pas nécessaire. Elle a indiqué qu’elle avait pris des dispositions pour la tenue de la rencontre à ce moment, car l’entente en matière de mesures d’adaptation devait prendre fin à la fin de janvier 2015.

150        Le 7 janvier 2015, la réunion a eu lieu et y ont participé le fonctionnaire, la représentante de son agent négociateur, Angela Habraken, Mme Gaudet ainsi qu’une représentante des RH, Josée Gratton. Mme Gaudet a indiqué que l’objet de cette rencontre était de commencer le processus afin d’obtenir la collaboration du fonctionnaire aux fins d’un examen médical indépendant (« EMI »). Elle a affirmé qu’elle voulait que l’on procède à un EMI, car le fonctionnaire éprouvait des difficultés à accomplir des tâches multiples et que les fonctions familières ne l’aidaient pas suffisamment pour retourner à son emploi. Elle a qualifié le processus comme la façon de découvrir comment l’aider à obtenir et à retenir les renseignements afin de mieux l’aider à retourner à son emploi. Elle a déclaré qu’il ne pouvait pas occuper ce poste en accomplissant le travail qu’il avait accompli pour Mme Ouellette, car il ne s’agissait pas d’un poste réel et que le travail qu’il accomplissait n’était pas nécessaire.

151        Mme Gaudet a déclaré que la CLCC était assujettie au Plan d’action de réduction du déficit (« PARD »), comme tous les autres ministères. Elle a déclaré qu’elle devait réduire les dépenses, comme tous les autres ministères, et qu’il y avait peu d’argent. Elle a affirmé qu’on estimait que la CLCC ne pouvait se permettre un salaire AS-05 dans un poste qui n’existait pas, pour accomplir un travail dont elle n’avait pas besoin.

152        Au cours de la réunion du 7 janvier 2015, le fonctionnaire a demandé si l’employeur lui demandait de subir une évaluation neuropsychologique, question à laquelle Mme Gaudet a répondu que cela était possible. Elle a indiqué qu’il avait demandé ce qui se produirait s’il n’acceptait pas de subir une telle évaluation. Elle a répondu qu’on traverserait le pont une fois à la rivière. Elle a affirmé qu’il avait fait mention du nombre d’évaluations auquel SC et sa psychologue avaient déjà procédé et qu’il ne voyait pas la nécessité d’en subir une autre.

153        En contre-interrogatoire, Mme Gaudet a déclaré que l’employeur croyait que, sans une évaluation spécialisée du fonctionnaire, il ne donnerait pas suite aux mesures d’adaptation à son égard. Elle a confirmé que cette croyance reposait sur le fait que l’employeur n’avait pas suffisamment de renseignements pour un exercice de mesures d’adaptation approprié. Elle a convenu qu’une nouvelle évaluation médicale aiderait l’employeur à en apprendre davantage à propos de ses problèmes de santé mentale. Elle a également convenu que l’évaluation était nécessaire afin de comparer les résultats, notamment en ce qui concerne son profil cognitif, afin d’évaluer ses forces, ses faiblesses ainsi que ses styles d’apprentissage et cognitifs. Elle a déclaré que l’employeur avait besoin d’un spécialiste et qu’il avait des préoccupations concernant l’existence de limites aux fonctions professionnelles du fonctionnaire.

154        Toujours en contre-interrogatoire, Mme Gaudet a convenu que l’employeur voulait qu’un spécialiste l’aide à déterminer si, à court terme et à long terme, le fonctionnaire pouvait occuper son poste d’attache ou un autre poste AS-05 ou s’il était plus réaliste de se pencher sur un type de rétrogradation quelconque.

155        Le 14 janvier 2015, une deuxième rencontre a eu lieu en présence du fonctionnaire et Mmes Habraken, Gaudet et Gratton. Une fois de plus, l’EMI et l’évaluation neuropsychologique éventuelle ont fait l’objet de discussions. Mme Gaudet a déclaré que le fonctionnaire avait affirmé ne pas avoir besoin d’une évaluation neuropsychologique et qu’elle avait réitéré que cette voie ne serait pas nécessairement adoptée. Elle a affirmé que l’issue de la rencontre n’avait pas été concluante, mais que le fonctionnaire n’avait pas rejeté l’idée.

156        Mme Gaudet a indiqué qu’après cette rencontre, le fonctionnaire et Mme Gratton se sont vus une fois de plus, le vendredi, 30 janvier 2015. Mme Gratton a résumé cette réunion dans un courriel adressé à Mme Gaudet le 2 février 2015, affirmant ce qui suit à propos du fonctionnaire :

  • on lui a remis un formulaire de consentement, l’ébauche d’une demande de consultation ainsi qu’une liste de médecins éventuels;
  • il était manifestement en colère;
  • il a affirmé catégoriquement qu’il n’avait aucun trouble cognitif ou aucune difficulté d’apprentissage, et il était insulté que l’employeur lui demande de subir une évaluation neuropsychologique;
  • Mme Gratton lui a dit qu’il subirait une évaluation médicale et non une évaluation neuropsychologique;
  • Mme Gratton lui a dit que l’employeur ne l’obligeait pas à consentir à l’évaluation;
  • Mme Gratton lui a donné une explication de très haut niveau quant à la raison pour laquelle l’employeur voulait qu’il soit évalué, à savoir qu’il avait besoin de renseignements plus concrets pour prendre des mesures d’adaptation appropriées à son égard;
  • Mme Gratton lui a dit que son affectation auprès de Mme Ouellette ne serait pas prolongée au-delà du 15 mars 2015;
  • il estimait que son médecin traitant et SC avaient communiqué suffisamment de renseignements à l’employeur;
  • il estimait que ses forces étaient la rédaction, l’analyse et la formulation de recommandations et qu’il conviendrait particulièrement au poste d’analyste des politiques AS-05;
  • Mme Gratton lui a indiqué que ces fonctions, qui correspondaient selon lui à ses forces, représentaient une grande partie du poste d’APS;
  • il a beaucoup juré pendant la rencontre;
  • il était lassé d’être étiqueté comme une personne handicapée et a laissé entendre que tout le monde le regardait comme si cela était écrit sur son front;
  • il a examiné la liste de médecins et il a déclaré qu’il ne voulait pas être évalué par le Dr Suddaby, car ce médecin l’avait déjà évalué et qu’il ne l’aimait pas, et il a allégué que le Dr Suddaby avait menti à son propos dans son évaluation;
  • il a conservé les documents et a indiqué qu’il consulterait son agent négociateur, et qu’il en reparlerait à Mme Gratton.

157        Le 2 février 2015, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Gratton et en a envoyé une copie conforme à son agent négociateur. Mme Gratton a transmis le courriel à Mme Gaudet. Le courriel était rédigé comme suit :

[Traduction]

[…]

Vous souvenez-vous maintenant que vous aviez effectivement confirmé par courriel que l’évaluation est une évaluation neuropsychologique? […]

Comme je l’ai dit au cours de notre dernière rencontre, vous pouvez appeler l’évaluation « une cannette de peinture », peu importe le non que vous lui attribuez, il s’agit toujours d’une évaluation neuropsychologique.

Pour renforcer mon affirmation, je vous renvoie aux deux premiers objectifs énoncés dans votre lettre explicative :

  1. les forces personnelles, neurologiques, psychologiques et professionnelles de M. Herbert;
  2. les limitations personnelles, neurologiques, psychologiques et professionnelles de M. Herbert.

J’ai maintenant eu l’occasion de lire le préambule et la lettre explicative ainsi que le formulaire de consentement réel pour l’évaluation médicale indépendante. Je crois que vous vous souviendrez que ma représentante syndicale a soulevé le point que j’aimerais que l’on me communique les noms de cinq experts-conseils de mon choix avant de consentir à l’évaluation. Dans l’éventualité où vous, Jacques et Eric continuiez d’insister à ce que je consente à une telle évaluation, veuillez me communiquer les noms dans votre prochaine itération de cette lettre.

[…]

Vous mentionnez dans la lettre explicative (raison d’être) que quatre de mes six dernières évaluations du rendement ont été insatisfaisantes. Ce n’est pas exact en ceci que j’ai déposé un grief lié à l’évaluation menée par Brian Bender et que l’affaire n’a pas été tranchée devant la CRTFP […]

Le formulaire de consentement mentionne : « Je déclare que mon consentement a été donné volontairement et sans coercition. » Veuillez supprimer cette déclaration, en ceci qu’elle n’est pas vraie pour les motifs que j’ai énoncés de manière répétée au cours des rencontres des 7, 14 et 29 janvier. À partir de maintenant, ne tentez pas de me mettre des mots dans la bouche. C’est une insulte à mon intelligence.

[…]

Dernier point pour ce matin : il y a un certain nombre d’erreurs dans les documents de demande de consultation et dans la façon dont mon employeur (représenté par Jacques, Eric McMullen et vous-mêmes) tente d’entreprendre le processus qui doivent être corrigées avant que je donne mon consentement à toute autre évaluation. Je vous encourage à lire les documents de politique et lignes directrices pertinents, et à corriger ces erreurs. Veuillez corriger ces erreurs et, une fois qu’elles auront été corrigées, vous pourrez communiquer avec moi et mon agent négociateur afin d’organiser une réunion entre vous-mêmes, Angela Habraken, Jacques Lemire et moi-même. Je réitérerai ensuite les raisons pour lesquelles je suis très ambivalent à l’égard d’une telle évaluation, mais j’envisagerai (si la lettre explicative et le formulaire de consentement sont acceptables) la possibilité de consentir à l’évaluation.

[…]

158        Le 5 février 2015, Mme Gaudet a répondu à ce courriel, en indiquant ce qui suit : « Les affirmations que vous avez faites dans votre courriel à l’attention de Josée Gratton daté du 2 février 2015, ci-dessous, nous portent à croire que vous refusez de consentir à une évaluation médicale indépendante par un tiers. »

159        Le vendredi 6 février 2015 à 7 h 07, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Gaudet (et des copies conformes ont été envoyées aux représentants de son agent négociateur et à Mme Gratton), déclarant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je ne refuse pas de consentir à une évaluation médicale indépendante par un tiers.

Je vous renvoie au dernier paragraphe du courriel ci-dessous :

Dernier point pour ce matin : il y a un certain nombre d’erreurs dans les documents de demande de consultation et dans la façon dont mon employeur (représenté par Jacques, Eric McMullen et vous-mêmes) tente d’entreprendre le processus qui doivent être corrigées avant que je donne mon consentement à toute autre évaluation. Je vous encourage à lire les documents de politique et lignes directrices pertinents, et à corriger ces erreurs. Veuillez corriger ces erreurs et, une fois qu’elles auront été corrigées, vous pourrez communiquer avec moi et mon agent négociateur afin d’organiser une réunion entre vous-mêmes, Angela Habraken, Jacques Lemire et moi-même. Je réitérerai ensuite les raisons pour lesquelles je suis très ambivalent à l’égard d’une telle évaluation, mais j’envisagerai (si la lettre explicative et le formulaire de consentement sont acceptables) la possibilité de consentir à l’évaluation.

[…]

160        Mme Gaudet a répondu à ce courriel le même jour à 8 h 58, en indiquant qu’elle avait annexé une version révisée de la lettre, qui répondait aux préoccupations qu’il avait soulevées auprès de Mme Gratton; elle a ajouté le nom d’un médecin supplémentaire pour son examen; elle a proposé deux dates pour qu’il rencontre un autre médecin. Elle a également annexé un formulaire de consentement et a écrit ce qui suit [traduction] : « Vous avez soulevé des préoccupations en ce qui concerne le dernier paragraphe. Cependant, étant donné que la décision de signer le formulaire de consentement vous incombe, il est inchangé. Si vous souhaitez donner suite à l’évaluation, veuillez me faire parvenir le formulaire de consentement au plus tard en fin de journée lundi. » La partie pertinente de la lettre annexée est rédigée comme suit :

[Traduction]

Neuropsychologue/médecin traitant

[…]

J’aimerais renvoyer M. Herbert, un employé de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, aux fins d’une évaluation médicale indépendante (EMI). Cette évaluation a pour objet de compléter l’« évaluation de l’aptitude au travail » menée par Santé Canada en 2013 ainsi qu’une évaluation de suivi en 2014, afin d’aider la Commission à obtenir une évaluation médicale objective de la capacité de M. Herbert à travailler et à déterminer les meilleures options qui s’offrent à lui dans le milieu de travail. Pour votre considération, vous trouverez ci-joint les quatre lettres que nous avons reçues de Santé Canada à ce jour.

M. Herbert est un employé à temps plein de la fonction publique depuis 1993. Il a commencé à travailler à la Commission des libérations conditionnelles du Canada le 21 avril 2008 en tant qu’analyste de la planification stratégique, au groupe et au niveau AS-05, pour l’ancienne Division de la politique, de la planification et des opérations. Avant de travailler pour la Commission, M. Herbert était un employé de Service correctionnel du Canada, ayant occupé des postes d’agent correctionnel et d’agent des libérations conditionnelles.

Depuis la nomination de M. Herbert, trois de ses six évaluations du rendement ont été insatisfaisantes. Les exceptions ont été en 2009-2010 et en 2013-2014, lorsqu’il a reçu une cote d’évaluation de « satisfaisant », tout en comprenant que l’évaluation n’était pas fondée sur les niveaux de compétence d’un AS-05.

Compte tenu des nombreux problèmes de rendement, un certain nombre de possibilités d’affectation au sein de l’organisation ont été offertes à M. Herbert, dans une tentative d’optimiser ses compétences et pour trouver du travail mieux adapté à ses aptitudes. Dans le cadre de sa dernière affectation, qui a commencé le 4 juillet 2013, M. Herbert a assumé quelques-unes des fonctions qui lui ont été confiées et qui sont étroitement liées à celles des postes de vérificateur et d’enquêteur. Cependant, il n’a pas accompli l’ensemble des fonctions indiquées dans la description de travail du poste auquel il a été affecté. De l’avis de la direction, M. Herbert se sent à l’aise avec les tâches qui lui ont été affectées. Malheureusement, le poste que M. Herbert occupe dans le cadre de son affectation n’existe pas réellement et ne peut plus être maintenu comme travail significatif.

[…]

[…] Je vous saurais également gré de donner à M. Herbert la possibilité d’examiner le rapport avant qu’il soit communiqué à la Commission ou à moi-même, car je tiens à m’assurer qu’il est pleinement au fait du produit définitif particulier.

En ce qui a trait au fonctionnement et à la capacité liés au milieu de travail, j’aimerais que le rapport porte sur ce qui suit :

  1. les forces et limitations fonctionnelles et professionnelles de M. Herbert;
  2. les styles d’apprentissage et cognitifs de M. Herbert;
  3. les stratégies afin de maximiser son apprentissage et sa rétention des connaissances;
  4.  les stratégies pour réduire au minimum l’incidence de ces limitations sur le fonctionnement professionnel;
  5. les commentaires liés aux aspirations de carrière réalistes, compte tenu de ses forces et de ses limitations;
  6. tout autre commentaire ou recommandation non énuméré qui est pertinent au fonctionnement professionnel ou à la progression de carrière de M. Herbert.

Dans le cadre des évaluations précédentes menées par Santé Canada, il a été indiqué que M. Herbert présente une lacune lorsqu’il est question de composer avec des fonctions qui ne lui sont pas familières. En conséquence, nous aimerions que votre rapport se penche sur l’idée des « fonctions familières » et qu’il fournisse des précisions sur ce que cela veut réellement dire dans le cas de M. Herbert, en ce qui concerne les limitations fonctionnelles, dans son poste actuel à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Veuillez prendre note que M. Herbert est informé des motifs du présent renvoi. […]

[…]

161        Le 10 février 2015, Mme Habraken a envoyé un courriel à Mme Gaudet et à Mme Gratton après avoir examiné cette ébauche de lettre. Elle a indiqué que le fonctionnaire accepterait de signer le consentement si l’employeur le modifiait en supprimant la phrase [traduction] « Je déclare que mon consentement a été donné volontairement et sans coercition » et en la remplaçant par [traduction] « Je donne mon consentement à ce qui précède ». Les parties pertinentes du reste du courriel sont rédigées comme suit :

[Traduction]

[…]

  1. Pourriez-vous indiquer la troisième année au cours de laquelle M. Herbert a obtenu une cote de « satisfaisant » ou mieux dans son évaluation de rendement?
  2. Les raisons pour lesquelles les objectifs 2 et 3 sont inclus dans lettre ne sont toujours pas claires. Y a-t-il une raison pour laquelle la CLCC souhaite que l’on procède à des tests de fonctionnement cognitif à l’égard de M. Herbert? Il semble qu’aucune raison n’ait été établie pour justifier une telle évaluation. M. Herbert vous a informé qu’il ne correspond pas aux paramètres d’une personne qui nécessite ce type de tests. S’il existe une telle raison, nous vous demandons de l’énoncer clairement. Autrement, nous vous demandons de retirer ces deux objectifs.
  3. Étant donné que la lettre porte sur le fonctionnement de M. Herbert en ce qui concerne son poste, nous nous attendrions à ce qu’une copie de sa description de travail soit annexée à la lettre.
  4. La lettre indique que « M. Herbert présente une lacune lorsqu’il est question de composer avec des fonctions qui ne lui sont pas familières ». M. Herbert m’informe que cela ne semble pas être une citation adéquate de son médecin ou du dernier rapport de Santé Canada. Pourriez-vous vous assurer que vous citez mot pour mot l’un ou l’autre des rapports, de sorte à ne pas donner la mauvaise impression au lecteur.

[…] Après avoir examiné l’ensemble des politiques du Conseil du Trésor […] M. Herbert demande qu’un processus d’évaluation de l’aptitude au travail par l’entremise de Santé Canada soit suivi. Par conséquent, une fois que le médecin aura été choisi par M. Herbert et son médecin, nous demandons que la demande soit formulée à l’attention de son médecin par l’entremise de Santé Canada, conformément à la politique, de sorte que Santé Canada soit le demandeur et le destinataire des renseignements médicaux et qu’il fournisse à la CLCC uniquement les renseignements requis sur les limitations fonctionnelles et professionnelles ainsi que sur les mesures d’adaptation.

[…]

162         Le vendredi 13 février 2015, Mme Gaudet a répondu à ce courriel, comme suit :

  • le libellé du consentement a été modifié par la suppression de « et sans coercition »;
  • l’année d’évaluation du rendement manquante a été corrigée;
  • l’employeur avait besoin de renseignements sur [traduction] « la façon de limiter les fonctions exigeant une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions », tel qu’indiqué par SC, afin d’examiner de manière appropriée des mesures d’adaptation éventuelles dans le milieu de travail; par conséquent, il croyait que des tests de fonctionnement cognitif permettraient de répondre à ces questions;
  • il a modifié la lettre pour que celle-ci corresponde au libellé du rapport de SC concernant les fonctions familières;
  • la politique du CT ne stipule pas que l’employeur doit utiliser exclusivement les services de SC; étant donné qu’il était insatisfait des renseignements dont il disposait au dossier, une évaluation par un tiers était requise pour veiller à ce qu’il dispose de détails suffisants pour prendre des mesures d’adaptation adéquates à l’égard du fonctionnaire;
  • l’employeur n’envisagerait pas d’apporter d’autres modifications au formulaire de consentement ou à la lettre de demande de consultation;
  • si le fonctionnaire était prêt à donner suite à l’évaluation médicale, il devait fournir le formulaire de consentement signé au plus tard à la fin de la journée, le 16 février 2015;
  • une fois que l’employeur aura reçu le consentement signé, il doit lui transmettre le nom et les coordonnées du médecin ainsi que la date du rendez-vous.

163        Le 16 février 2015, le fonctionnaire a envoyé un courriel à Mme Gratton concernant la signature du consentement et sa préférence à l’égard d’un médecin en particulier pour procéder à l’évaluation. Elle l’a renvoyé à Mme Gaudet pour prendre des dispositions pour qu’il signe le formulaire de consentement.

164        Même si le fonctionnaire a effectivement signé le consentement, il a déposé un grief le jour suivant, dont les passages pertinents stipulent ce qui suit :                           

[Traduction]

Le 7 janvier 2015, Cathy Gaudet, dirigeante principale des finances, et Josée Gratton, conseillère en RH, ont convoqué une rencontre avec moi. […] Pendant l’entrevue, Mme Gaudet m’a demandé si j’accepterais de consentir à une autre évaluation, dont elle a lu les objectifs inscrits sur une feuille de papier. Lorsque je lui ai dit que, d’après les objectifs, il semblait qu’ils voulaient que je consente à une évaluation « neuropsychologique », Mme Gratton et elle ont feint de ne savoir à quel genre d’évaluation exactement elles me demandaient de participer.

Au cours d’une réunion subséquente qui a eu lieu le 14 janvier 2015 (après que Mme Gratton a confirmé par courriel qu’ils demandaient effectivement ma participation à une évaluation neuropsychologique), j’ai indiqué que je consentirais à une telle évaluation, mais que j’étais très ambivalent à cet égard.

[…]

Pour les nombreuses raisons que j’ai clairement énoncées au cours des deuxième et troisième rencontres (la troisième du 30 janvier à laquelle a participé Mme Gratton uniquement) et en raison du fait que la gestionnaire et la conseillère en RH exigent toujours que je participe à une autre évaluation, je dépose le présent grief en ceci que cela constitue uniquement le dernier abus de pouvoir de la direction de la Commission des libérations conditionnelles du Canada dont j’ai fait l’objet. Le fait que l’on me demande une fois de plus de participer à une autre évaluation, alors que sept évaluations ont déjà été effectuées à l’égard de mon invalidité, est un autre exemple du harcèlement et de la discrimination que les gestionnaires à la CLCC m’ont fait subir, et contrevient une fois de plus à la clause 19.01 de ma convention collective.

[…]

Mesure corrective demandée

  1. Que les gestionnaires à la Commission des libérations conditionnelles du Canada mettent en œuvre, et ce, finalement et de façon permanente, la mesure d’adaptation recommandée par ma professionnelle de la santé, la Dre Amy Moustgaard, qui est énoncée dans sa lettre de diagnostic datée du 14 août 2012 […]
  2. Que si mes gestionnaires ont de la difficulté à comprendre simplement ce que signifie m’attribuer « du travail qui m’est familier », qu’ils examinent mon curriculum vitae et qu’ils effectuent le rapprochement avec les tâches que j’ai accomplies pendant l’essentiel de ma carrière jusqu’à présent.
  3. Que s’ils éprouvent toujours de la difficulté à comprendre clairement ce que signifie le terme « mesure d’adaptation », qu’ils m’interrogent et qu’ils me demandent de leur expliquer ce que « mesure d’adaptation » veut dire dans mon cas.
  4. Que les gestionnaires à la Commission cessent d’exacerber mon invalidité en me demandant de consentir à des évaluations supplémentaires, alors qu’ils disposent déjà de tous les renseignements dont ils ont besoin pour la comprendre et prendre des mesures d’adaptation à l’égard de celle-ci, et qu’ils ont eu en leur possession ces renseignements faciles à comprendre pendant les deux dernières années et cinq mois.
  5. […]
  6. Que je sois indemnisé intégralement.

[…]

165        La preuve divulguait qu’une audience de grief a eu lieu le 24 février 2015 et que le président de la CLCC, Harvey Cenaiko, a rédigé une réponse le 4 mars 2015, dont les passages pertinents se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Je crois comprendre que des précisions sont requises afin de prendre des mesures d’adaptation raisonnables et appropriées à l’égard de votre invalidité dans le milieu de travail. Pour ce faire, votre collaboration a été demandée en vue de participer à une évaluation médicale indépendante (EMI) afin de fournir à la Commission des libérations conditionnelles du Canada les renseignements nécessaires en ce qui concerne vos forces et vos limitations fonctionnelles et professionnelles.

Vous avez exprimé à de nombreuses reprises que vous êtes très ambivalent à l’égard du fait de consentir à une autre évaluation médicale et que vous considérez cette demande comme « un autre exemple de harcèlement et de discrimination […] » dont vous avez fait l’objet de la part de gestionnaires à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Bien que je sois en désaccord avec votre déclaration selon laquelle la direction a commis un acte discriminatoire à votre endroit en vous demandant de collaborer en participant à une EMI, je ne tiens pas à exacerber davantage votre invalidité. Nous rendrons par conséquent une décision concernant la capacité de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à votre égard à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en fonction des renseignements que nous avons déjà reçus de votre professionnelle de la santé, la Dre Amy Moustgaard, et des évaluations précédentes effectuées par Santé Canada.

Par conséquent, votre grief est accueilli.

[…]

166        Dans une lettre datée du 6 mars 2015, la Dre Moustgaard écrivait ce qui suit :

[Traduction]

Madame, Monsieur,

M. Herbert est toujours sous mes soins d’un point de vue fondé sur la thérapie psychologique. Il m’a récemment raconté qu’une décision a été rendue dans un grief concernant la demande de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qu’il fasse l’objet d’une évaluation neuropsychologique. Étant moi-même neuropsychologue, je ne vois pas pourquoi cette forme d’évaluation a été soulevée comme une exigence pour déterminer son besoin en matière de mesures d’adaptation. M. Herbert souffre d’un trouble dépressif majeur, et d’un trouble d’anxiété généralisé et récurrent. Au cours des huit dernières années au cours desquelles j’ai connu M. Herbert, les limitations subjectives dans son fonctionnement cognitif (p. ex. rapidité de traitement de l’information, prise de décisions, attention soutenue) n’apparaissent qu’au cours des périodes de dépression aiguë et d’anxiété liée au stress. Cependant, pendant les périodes d’humeur stable, ces problèmes ne sont pas présents.

M. Herbert m’a rapporté qu’il est nécessaire de préciser ma recommandation originale en ce qui concerne les mesures d’adaptation (14 août 2012). Je recommande que M. Herbert se livre à du travail qui lui est familier, et qui correspond à ses compétences et à son expérience.

De façon à ne pas exacerber l’invalidité de M. Herbert, je vous encouragerais à lui demander ce que l’on entend par « mesures d’adaptation » dans son cas. Cette façon de faire serait conforme à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale. M. Herbert a une excellente connaissance de ses compétences et serait en mesure de les énoncer sans difficulté.

[…]

167        Le 9 mars 2015, Mme Habraken a envoyé un courriel à Mme Gratton, Mme Gaudet et à d’autres personnes, dans lequel elle écrivait ce qui suit :

[Traduction]

Je vous écris concernant la réponse de l’employeur au grief no 54424, que j’ai reçu jeudi. Je crois que cette lettre nécessite des explications supplémentaires.

Je m’attends à ce que cette décision signifie que la CLCC passera en revue les documents médicaux versés au dossier jusqu’à présent et à ce qu’elle rende une décision fondée sur ces documents médicaux quant à la meilleure façon d’accommoder M. Herbert. M. Herbert a demandé de façon répétée qu’on lui demande ce que l’on entendait par les mesures d’adaptation recommandées par sa professionnelle dans son cas. Nous demandons à ce que cela soit fait dans le cadre de votre examen. Il s’agit d’une étape facile à suivre conformément à la politique du Conseil du Trésor et à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. À la suite de cet examen, si la CLCC détermine qu’elle a besoin d’autres renseignements, nous nous attendons à ce que la CLCC formule une demande précise quant à la nature des renseignements requis. M. Herbert signera un formulaire de consentement afin d’autoriser la CLCC à demander une évaluation de l’aptitude au travail par l’entremise de Santé Canada. Nous nous attendons à ce que la CLCC respecte la politique du Conseil du Trésor.

Si la décision signifie que la CLCC mettra en œuvre un effort concerté et de bonne foi en vue de prendre des mesures d’adaptation conformément aux lois et aux politiques applicables, le Syndicat est satisfait de la décision. M. Herbert et le Syndicat attendront ensuite l’évaluation des renseignements médicaux par la CLCC ainsi qu’une discussion avec M. Herbert, ainsi qu’une décision quant à la mesure d’adaptation appropriée pour M. Herbert conforme à son niveau professionnel de son poste d’attache.

Cependant, si le but est d’utiliser cette réponse au grief comme moyen de renvoyer M. Herbert à son domicile pour avoir omis de consentir à une autre évaluation médicale ou psychologique alors que la CLCC en a demandé une, alors le Syndicat affirme que cela est entièrement inapproprié. Nous nous attendons à ce que cela ne soit pas le cas.

[…]

168        Mme Gaudet a témoigné en disant que, à la suite de la décision du grief et à la lettre de la Dre Moustgaard du 6 mars 2015, une rencontre a été tenue le 18 mars 2018 avec le fonctionnaire et Mme Habraken afin de discuter des possibilités, ce qui comprenait trouver un emploi conforme aux capacités du fonctionnaire; elle a déclaré que ces options auraient pu comprendre une rétrogradation et, éventuellement, son licenciement. Mme Gaudet a demandé au fonctionnaire de fournir son curriculum vitae et elle lui a présenté les descriptions de travail du poste d’analyste des politiques et d’analyste de la planification. Elle lui a demandé de leur faire part de ce qui, selon lui, serait conforme aux recommandations de la Dre Moustgaard. Le 24 mars 2015, il a répondu à Mme Gaudet par courriel (en envoyant des copies conformes à d’autres personnes).

169        Selon le fonctionnaire, il estimait qu’il pouvait s’acquitter de la plupart, voire de la totalité des fonctions et des responsabilités d’un vérificateur ou d’un enquêteur, et que ses compétences feraient de lui un bon candidat pour occuper un poste au sein de la division du Secrétariat des commissaires. Il a également laissé entendre qu’il croyait que bon nombre des activités principales des postes d’analyste des politiques et d’analyste de la planification étaient conformes aux mesures d’adaptation recommandées par sa psychologue.

170        À l’audience, on a posé des questions à Mme Gaudet à propos des suggestions du fonctionnaire selon lesquelles il peut accomplir le travail d’un vérificateur ou d’un enquêteur, d’un emploi au Secrétariat des commissaires, ou d’un analyste des politiques ou d’un analyste de la planification. Mme Gaudet a répondu en déclarant ce qui suit :

  • concernant le poste de vérificateur ou d’enquêteur, il n’y avait aucun poste dans ce secteur;
  • concernant un emploi au Secrétariat des commissaires, il n’y avait aucun poste dans ce secteur, et le fonctionnaire n’avait aucune compétence à l’égard de la formation et il éprouvait des difficultés en matière de communication;
  • concernant un emploi en tant qu’analyste de la planification ou analyste des politiques, ces postes se seraient avérés difficiles pour le fonctionnaire compte tenu des difficultés qu’il avait éprouvées dans le cadre du travail qu’il avait accompli depuis son arrivée à la CLCC.

171        Mme Gaudet a déclaré que le fonctionnaire avait eu des difficultés à effectuer des analyses et à achever des tâches. Elle n’était pas d’avis que les fonctions d’analyste des politiques ou d’analyste de la planification seraient considérées comme des fonctions familières, étant donné qu’il avait eu des difficultés à les accomplir. Elle a également signalé que les fonctions qu’il avait énumérées comme celles qu’il était capable d’accomplir ne représentaient qu’une partie des fonctions du poste d’analyste de la planification. Elle a indiqué qu’elle avait consulté M. Ryan, qui l’avait informée qu’à l’époque où le fonctionnaire avait relevé de lui, il avait éprouvé des difficultés à rédiger des notes d’information, à être précis et logique ainsi qu’à utiliser Microsoft Word.

172        Le 8 avril 2015, Mme Gaudet a répondu au courriel du fonctionnaire du 24 mars 2015 et lui a demandé de fournir des exemples pour justifier ses capacités d’exercer les activités énoncées dans la section « activités principales » des postes pour lesquels il estimait être un bon candidat. Elle lui a également posé des questions à propos d’une référence dans son curriculum vitae concernant sa maîtrise d’Excel.

173        Le 13 avril 2015, le fonctionnaire a répondu à sa question portant sur Excel, déclarant que son commentaire à propos de sa maîtrise avait été exact au moment de rédiger son curriculum vitae, mais que cela faisait quatre ans ou plus qu’il n’avait pas travaillé avec Excel. Par conséquent, l’affirmation n’était plus valide.

174        Le 16 avril 2015, le fonctionnaire lui a de nouveau répondu par courriel, lui communiquant d’autres renseignements par rapport à sa demande du 8 avril 2015. Mme Gaudet a témoigné en disant qu’elle avait montré ce courriel à M. Ryan. Elle a affirmé que quelques-uns des exemples du fonctionnaire pour démontrer ses capacités en ce qui concerne les activités principales n’étaient pas exacts. Elle a déclaré qu’il avait éprouvé de la difficulté à rédiger et à modifier des notes d’information, et que M. Ryan lui avait confirmé que l’exercice d’analyse environnementale avait été un échec et qu’il avait été abandonné. Elle a affirmé que le document du fonctionnaire avait été difficile à suivre.

175        Mme Gaudet a indiqué que le courriel du 16 avril 2015 ne présentait aucune justification quant au travail que le fonctionnaire avait accompli pour le compte de Mme Ouellette dans le cadre de son affectation à un projet spécial sous sa supervision en 2013. Mme Gaudet a déclaré qu’elle avait parlé à Mme Ouellette et qu’elle croyait comprendre que le fonctionnaire avait eu des difficultés à s’exprimer par écrit.

176        Selon ce qu’elle a affirmé, Mme Gaudet n’a pas passé en revue le RER de 2014-2015 du fonctionnaire, mais elle avait examiné celui de 2013-2014. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait évalué les compétences du fonctionnaire en fonction de son travail en 2015 avant son licenciement, Mme Gaudet a répondu par la négative, affirmant que le fonctionnaire ne lui avait pas transmis ces renseignements.

177        En contre-interrogatoire et en réponse aux questions qui lui ont été posées, Mme Gaudet a déclaré n’avoir aucun renseignement sur ce qui suit :

  • tout document indiquant qu’une analyse avait été effectuée et qu’une conclusion avait été tirée selon laquelle le fonctionnaire ne pouvait pas acquérir les compétences nécessaires pour travailler au groupe et au niveau AS-05;
  • toute discussion au cours de laquelle les renseignements médicaux indiquaient clairement que le fonctionnaire ne pouvait pas acquérir les compétences nécessaires pour travailler au groupe et au niveau AS-05;
  • tout renseignement d’un point de vue médical selon lequel le fonctionnaire ne pouvait pas acquérir les compétences nécessaires pour travailler au groupe et niveau AS-05;
  • les rétrogradations n’exigent aucun consentement dans les cas portant sur les compétences;
  • la question de savoir si on avait dit au fonctionnaire que l’employeur se dirigeait vers un licenciement, mais qu’il pouvait plutôt être rétrogradé;
  • la question de savoir si une personne quelconque avait discuté d’un départ à la retraite pour des raisons médicales avec le fonctionnaire.

178        En contre-interrogatoire, Mme Gaudet a également déclaré qu’elle n’avait pas formulé auprès de quiconque l’opinion selon laquelle, entre novembre 2014 et avril 2015, le fonctionnaire n’était pas en mesure d’accomplir les fonctions de son poste; elle n’a pas non plus dit à quiconque qu’il n’était pas en mesure de démontrer qu’il pouvait accomplir les fonctions d’un analyste des politiques.

179        M. Cenaiko a été nommé président et directeur général de la CLCC en juillet 2008. Avant cela, il était député à l’Assemblée législative de l’Alberta, et avant cela, il avait été policier au service de police de Calgary.

180        M. Cenaiko a déclaré lors de son témoignage que la décision de licencier le fonctionnaire était la sienne et qu’il avait signé la lettre pour ce faire datée du 23 avril 2015. Il a déclaré qu’avant de rendre cette décision, il a parlé avec M. Ryan, Mme Gaudet et Mme Ouellette. Les passages pertinents de la lettre de licenciement sont rédigés comme suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite aux problèmes continus concernant la capacité du Ministère à répondre à vos limitations fonctionnelles telles qu’elles sont indiquées par Santé Canada le 12 février 2013 et les précisions reçues le 13 mai, en l’absence de changement ou de progression dans la réévaluation médicale de 2014. De plus, nous avons constaté que depuis votre nomination à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, trois de vos sept évaluations de rendement ont été insatisfaisantes. Les exceptions ont été en 2009-2010, 2012-2013, 2013-2014 et 2014-2015, où vous avez reçu une cote d’évaluation de « satisfaisant », tout en comprenant que l’évaluation n’était pas fondée sur les niveaux de compétence d’un AS-05.

D’après les renseignements recueillis au cours des six dernières années à la CLCC et malgré les mesures prises par notre organisation conformément à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale, nous n’avons observé aucune amélioration dans le travail que vous avez accompli qui nous porterait à nous attendre à un changement dans un avenir prévisible. Par conséquent, j’ai tiré la conclusion que vous n’êtes pas en mesure d’accomplir les activités et fonctions de votre poste d’attache en tant qu’analyste de la planification stratégique. Cette conclusion trouve appui dans votre affirmation contenue dans le courriel du 24 mars 2015 selon laquelle vous êtes en mesure d’accomplir partiellement trois des neuf activités principales au total. De plus, les possibilités de détachement antérieures au sein de l’organisation n’ont pas été concluantes afin de trouver un travail convenant mieux à vos aptitudes ailleurs dans l’organisation.

Dans les différents échanges, vous n’avez témoigné d’aucun intérêt à envisager une rétrogradation pendant ce processus. Enfin, j’ai examiné la possibilité concernant le poste d’analyste des politiques. Vous n’avez pas suffisamment démontré que vous pouvez raisonnablement accomplir les fonctions de ce poste. De toute façon, aucun poste n’est vacant.

Cette affaire se poursuit depuis 2009 et, dans toutes vos communications avec l’organisation, nous ne parvenons à nous entendre sur aucune solution pour régler cette affaire. Par conséquent, en vertu du pouvoir qui m’est conféré en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), je me vois dans l’obligation de mettre fin à votre emploi pour rendement insatisfaisant. Votre dernier jour d’emploi dans la fonction publique fédérale sera le 22 mai 2015. Cependant, votre dernier jour au lieu de travail sera officiellement aujourd’hui.

[…]

181        On a posé des questions à M. Cenaiko concernant les trois RER insatisfaisants mentionnés dans la lettre de licenciement et la raison pour laquelle ils étaient importants. Il a déclaré qu’ils portaient sur le travail AS-05 du fonctionnaire et que les RER satisfaisants concernaient le travail qu’il avait accompli à des classifications inférieures, PM-01, PM-02 ou CR-03.

182        On a interrogé M. Cenaiko sur la mention du fait qu’il n’y avait eu aucun changement ou aucune progression dans l’évaluation médicale du fonctionnaire et la raison pour laquelle cette question était pertinente. Il a affirmé que l’état du fonctionnaire ne s’améliorait pas et qu’en l’absence d’un tel changement, il devenait difficile pour la CLCC de l’accommoder. L’employeur ne pouvait pas embaucher une autre personne pour accomplir la partie du travail que le fonctionnaire était censé faire, mais dont il n’était pas en mesure.

183        Lorsqu’il a été interrogé à propos du fait qu’il a mentionné dans la lettre de renvoi que le fonctionnaire n’était pas intéressé à une rétrogradation, M. Cenaiko a déclaré que tout fonctionnaire doit se souvenir que les contribuables paient pour son salaire et qu’il doit envisager d’occuper un poste qui correspond à ses compétences. Selon M. Cenaiko, le fonctionnaire avait refusé d’envisager la possibilité d’occuper à un emploi à un niveau et à un salaire inférieurs.

184        En contre-interrogatoire, on a posé les questions suivantes à M. Cenaiko, auxquelles il a répondu comme suit :

  • si le travail accompli par le fonctionnaire lorsqu’il n’occupait pas le poste d’APS avait été évalué afin de déterminer son niveau – il a déclaré qu’il l’ignorait;
  • si son témoignage était que le fonctionnaire avait travaillé pour le compte de M. Ryan après la mise en œuvre des mesures d’adaptation – il a déclaré qu’il l’ignorait;
  • qui supervisait le fonctionnaire et à quel moment – il a déclaré qu’il ne pouvait pas le dire;
  • quelles étaient les fonctions accomplies par le fonctionnaire pour le compte de Mme Ouellette – il a déclaré qu’il ne pouvait pas le dire;
  • s’il avait parlé à Mme Ouellette à propos du rendement du fonctionnaire – il a indiqué qu’il ne l’avait pas fait;
  • s’il avait l’intention de licencier quelqu’un, en parlerait-il au superviseur de cette personne – il a répondu : [traduction] « Peut-être que quelqu’un l’a fait, je l’ignore ».

185        M. Cenaiko a aussi déclaré ce qui suit :

  • il a affirmé qu’il était informé qu’à l’automne 2014 il était nécessaire d’envoyer le fonctionnaire pour qu’il subisse un EMI. Il a en outre convenu que plus de renseignements avaient été nécessaires en ce qui concerne les compétences et l’aptitude au travail du fonctionnaire;
  • si l’évaluation médicale indiquait que le fonctionnaire était apte, ce dernier aurait été affecté à un poste déterminé par l’employeur en fonction des mesures d’adaptation, le cas échéant;
  • il a déclaré qu’à l’automne 2014, si le fonctionnaire avait refusé de subir un EMI, il aurait été tenu à l’écart du milieu de travail jusqu’à ce qu’il obtempère;
  • il a déclaré qu’entre décembre 2014 et avril 2015, lorsqu’il a décidé de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire, deux choses se sont produites : d’abord, le fonctionnaire a refusé de participer à un EMI; ensuite, M. Cenaiko a été porté à croire que le fonctionnaire n’était pas en mesure d’accomplir les fonctions de son poste d’attache en tant qu’APS.

186        Lorsqu’il a été interrogé quant à savoir ce qui avait changé et ce qui avait fait en sorte qu’il décide que le fonctionnaire n’était pas en mesure d’accomplir les fonctions de son poste d’attache, M. Cenaiko n’a pas été en mesure de répondre. Lorsqu’on lui a demandé à quel moment le fonctionnaire a affirmé qu’il n’envisagerait pas d’être rétrogradé, une fois de plus, M. Cenaiko a répondu qu’il ne le savait pas.

187        Lorsqu’on lui a demandé s’il savait que l’on avait demandé au fonctionnaire d’énoncer les principales activités avec lesquelles il croyait être familier, M. Cenaiko a répondu par la négative. Lorsqu’on lui a demandé s’il savait que l’on avait demandé au fonctionnaire de présenter des exemples en quoi il était familier avec les activités principales en question, M. Cenaiko a une fois de plus répondu par la négative. Lorsqu’on lui a demandé s’il savait qu’une seule réunion avait eu lieu afin de discuter de la possibilité de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire entre l’automne 2014 et son licenciement, M. Cenaiko a une fois de plus répondu par la négative. Lorsqu’on lui a demandé si l’employeur avait inscrit le nom du fonctionnaire sur une liste de priorité pour invalidité, M. Cenaiko a déclaré qu’il croyait qu’une discussion avait eu lieu. Cependant, lorsqu’on a insisté sur la question, il a concédé qu’il n’en avait aucune certitude et qu’il n’était pas persuadé que l’employeur ne le lui ait même jamais offert. Toutefois, il a effectivement confirmé que le fonctionnaire n’avait pas été inscrit sur une liste de priorité pour invalidité.

A. Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale

188        La Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation s’applique à la CLCC. Sa définition d’une personne handicapée comprend toute personne qui a une déficience durable ou récurrente soit de ses capacités physiques, mentales ou sensorielles, soit d’ordre psychiatrique ou en matière d’apprentissage et qui soit considère qu’elle a des aptitudes réduites pour exercer un emploi, soit pense qu’elle risque d’être considérée comme défavorisée sur le plan de l’emploi par son employeur ou par d’éventuels employeurs en raison d’une telle déficience.

189        Aux termes de la Politique sur l’obligation de prendre des personnes d’adaptation, les administrateurs généraux et leurs délégués sont tenus :

  • une fois les obstacles généraux supprimés et des mesures d’adaptation générales adoptées, de répondre aux demandes d’adaptation individuelles des employés, de la façon suivante;
    • consulter l’employé afin de définir la nature des mesures d’adaptation;
    • consulter, s’il y a lieu, des conseillers et d’autres ressources pertinentes dans le domaine médical et de la réadaptation, après avoir obtenu le consentement de l’employé, pour déterminer les mesures d’adaptation appropriées dans son cas;
    • prendre les mesures d’adaptation répondant aux besoins de l’employé;
  • de consulter les agents négociateurs ou d’autres représentants des employés et de collaborer avec eux si les mesures d’adaptation prises ont une incidence sur d’autres employés ou si la personne pour qui une mesure d’adaptation est prise demande que les agents négociateurs ou d’autres représentants des employés soient consultés.

190        Aux termes de la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, les employés sont tenus :

  • d’informer leur superviseur de leurs besoins liés à l’emploi;
  • de collaborer avec l’employeur ou ses représentants en vue de trouver la façon la plus appropriée de prendre les mesures d’adaptation répondant à leurs besoins liés à l’emploi;
  • d’aviser l’employeur lorsque des services auxiliaires ou autres, les aides techniques ou le matériel ne sont plus nécessaires et de retourner le matériel.

191        La Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation énumère un ensemble de lignes directrices non exhaustif pour aider à son interprétation et à sa mise en œuvre. Les passages pertinents sont rédigés comme suit :

  • La personne à qui la demande est adressée devrait prendre les mesures suivantes :
    • déterminer les mesures d’adaptation requises en fonction de l’information fournie par l’employé;
    • consulter des spécialistes dans le domaine afin de déterminer les mesures d’adaptation appropriées dans le cas où l’employé ne sait pas quelles mesures sont nécessaires. Il pourrait s’agir du médecin traitant de la personne, d’un psychologue ou de centres d’expertise au sein de la Commission de la fonction publique ou du ministère responsable;
    • fournir des mesures d’adaptation en fonction de la demande de la personne pour laquelle elles sont prises ou, au besoin, selon l’avis de spécialistes.
  • On s’attend à ce que les ministères et les organismes intègrent dans leurs budgets et leurs exercices de planification financière les ressources nécessaires pour répondre aux besoins de leurs employés. Au moment d’évaluer les coûts, il convient de se rappeler que les coûts seront souvent amortis pendant toute la carrière de l’employé.

192        La Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation présente des exemples de handicaps, qui comprennent des troubles d’apprentissage, des déficiences psychiatriques et des troubles du développement.

193        La Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation présente des exemples, y compris des modalités de travail flexibles, notamment le télétravail, la modification des tâches ou tout autre régime de travail non conventionnel.

B. Les dispositions pertinentes de la convention collective

194        La clause 18.06 de la convention collective prévoit ce qui suit :

18.06 Il est interdit à toute personne de chercher, par intimidation, par menace de renvoi ou par toute autre espèce de menace, à amener un employé-e s’estimant lésé à renoncer à son grief ou à s’abstenir d’exercer son droit de présenter un grief, comme le prévoit la présente convention.

195        La clause 19.01 de la convention collective prévoit ce qui suit :

19.01 Il n’y aura aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son incapacité mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié.

196        La clause 56.01b) de la convention collective prévoit ce qui suit :

56.01

b)   Le ou les représentants de l’Employeur qui font l’évaluation du rendement de l’employé-e doivent avoir été en mesure d’observer son rendement ou de le connaître pendant au moins la moitié (1/2) de la période pour laquelle il y a évaluation du rendement de l’employé-e.

C. Plaintes de harcèlement

197        La preuve divulguait que le 30 mars 2011, le fonctionnaire a déposé une plainte de harcèlement à l’encontre d’un collègue. Des copies de la plainte et du rapport d’enquête ont été déposés en preuve. Le rapport d’enquête était daté de mai 2012. Des trois allégations énoncées dans la plainte, l’enquête a révélé qu’un acte de harcèlement s’était déroulé dans le cas d’une des allégations. On ne m’a fourni aucun renseignement quant au moment où le fonctionnaire a reçu une copie du rapport d’enquête; et on ne m’a communiqué aucun autre renseignement en ce qui concerne la plainte de harcèlement ou aux retombées de celle-ci.

198        La preuve a divulgué que, le 14 décembre 2011, le fonctionnaire a déposé une plainte de harcèlement à l’égard d’un deuxième collègue, dont une copie a été déposée en preuve. On ne m’a communiqué aucun autre renseignement supplémentaire en ce qui concerne ce qui s’est produit dans ce cas.

III. Résumé de l’argumentation

199        Les deux parties ont fait valoir que les éléments de preuve médicale présentés contenaient des renseignements de nature délicate et ont demandé qu’ils soient caviardés et qu’ils ne fassent pas partie du dossier public.

A. Pour l’employeur

1. Licenciement et défaut de prendre des mesures d’adaptation

200        La question principale concerne le grief à l’encontre du licenciement et l’allégation selon laquelle l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire.

201        Trois des quatre premiers RER du fonctionnaire ont été insatisfaisants. Selon le témoignage de M. Ryan, le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de toutes les fonctions d’un APS au groupe et au niveau AS-05. Il a également témoigné des difficultés que le fonctionnaire éprouvait à accomplir ces fonctions.

202        Au cours de l’exercice 2011-2012, on a attribué au fonctionnaire une affectation aux détenus illégalement en liberté et il a travaillé auprès de Mme Ouellette. Cette dernière a déclaré qu’il éprouvait de la difficulté à accomplir les fonctions liées à cette tâche et elle a mis fin à l’affectation. Elle n’a jamais été achevée.

203        Après avoir reçu son troisième RER insatisfaisant pour l’exercice 2011-2012, on a pris des mesures aux fins d’une autre affectation pour le fonctionnaire pour qu’il travaille en tant qu’ASC à la Suspension du casier au groupe et au niveau PM-03, tout en conservant le salaire de son groupe et de son niveau AS-05. M. Bender, qui supervisait le fonctionnaire, a rapporté qu’il éprouvait des difficultés à saisir le travail et qu’il avait épuisé ses coachs.

204        En juillet 2013, le fonctionnaire a été transféré du poste d’ASC à un projet spécial, une fois de plus sous la supervision de Mme Ouellette. Le travail accompli n’était pas nécessaire et il a été mis sur pied afin d’arranger ses problèmes de santé. Même si son travail dans le cadre des projets spéciaux était jugé satisfaisant, il n’était pas évalué en fonction du niveau de travail qui aurait été accompli au groupe et au niveau AS-05.

205        L’employeur a fait valoir que la compétence d’un arbitre de grief est limitée aux termes de l’art. 230 de la Loi. À cet égard, il m’a renvoyé à Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23; Reddy c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2012 CRTFP 94; Forner c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 136; Kalonji c. Administrateur général (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2016 CRTEFP 31; Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90; Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CRTFP 6.

206        Voici les critères énoncés dans Raymond, qui feraient en sorte qu’une décision est déraisonnable :

  1. L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;
  2. Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;
  3. L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou
  4. Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

207        L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve de mauvaise foi et que, en fait, la preuve indiquait le contraire, en ceci qu’il avait agi dans l’intérêt supérieur du fonctionnaire. Il a été évalué en fonction des normes de rendement appropriées, pour le poste d’APS, et la preuve a révélé qu’il n’avait pas atteint le niveau de rendement attendu pour ce poste.

208        L’employeur a fait valoir que les normes de rendement ont été clairement communiquées au fonctionnaire chaque année et au courant de l’année, lorsqu’il rencontrait son superviseur, M. Ryan.

209        La thèse de l’employeur est que le fait que le fonctionnaire a eu un rendement satisfaisant alors qu’il travaillait sous la supervision de Mme Ouellette n’est pas pertinent, car il n’avait pas à tenir compte du travail qui n’a pas été accompli à son niveau d’attache (voir Kalonji).

210        L’employeur a fait valoir que le fonctionnaire a reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires à sa réussite. Même s’il pouvait débattre que l’employeur n’a pas respecté sa politique ou ses lignes directrices, cela n’est pas pertinent, car il savait ce qui était attendu de lui et on lui a donné les outils, la formation et l’encadrement pour réussir. L’employeur a le droit de rendre une décision liée aux conditions d’emploi qui s’écarte de la politique. À ce propos, il m’a renvoyé à Kalonji, Appleby-Ostoff c. Canada (Procureur général), 2010 CF 479, et Kubinski c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 87.

2. Aucune rétrogradation disciplinaire : Dossier de la Commission 566-02-8829 (grief ministériel no 50267)

211        Le fonctionnaire a contesté son affectation à la Suspension du casier en janvier 2012, alléguant qu’il s’agissait d’une rétrogradation disciplinaire.

212        L’employeur a fait valoir qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour examiner ce grief, car le fonctionnaire n’a pas réussi à faire la démonstration que l’affectation temporaire à la Suspension du casier constituait une rétrogradation au sens du sous-al. 209(1)c)(i) de la Loi. Il n’est pas question de rétrogradation si la classification et la rémunération de l’employé demeurent identiques. Pour qu’il soit question d’une rétrogradation aux termes de l’al. 12(1)d) de la LGFP, l’employé doit être placé dans un poste dont le taux de rémunération est inférieur.

213        L’employeur a procédé à une affectation temporaire du fonctionnaire pour qu’il accomplisse d’autres tâches dans un effort pour l’aider à améliorer son rendement. Il s’agit purement d’une question qui concerne l’exercice de ses droits de gestion d’attribuer des fonctions. La lettre d’affectation énonce la raison qui sous-tend l’affectation, qui était de traiter son mauvais rendement. Sur ce point, l’employeur m’a renvoyé à Sharaf c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2010 CRTFP 34, et Garcia Marin c. Conseil du Trésor (Travaux publics et services gouvernementaux Canada), 2006 CRTFP 16 (« Marin »).

214        Subsidiairement, l’employeur a fait valoir que, si je tire la conclusion que le fonctionnaire a effectivement été rétrogradé au poste d’ASC PM-03, il ne s’agissait pas d’une rétrogradation pour motif disciplinaire, mais pour rendement insatisfaisant et, cela étant, l’art. 230 de la Loi s’applique et je n’ai pas compétence.

215        Même si le législateur a légiféré qu’une myriade de mesures disciplinaires peuvent être contestées aux termes de l’art. 208 de la Loi, il a expressément limité la portée des mesures disciplinaires pouvant être tranchées sous le régime de l’al. 209(1)b). Pour être admissible à l’arbitrage en vertu de la Loi, un grief renvoyé aux termes de l’al. 209(1)b) doit porter sur i) une mesure disciplinaire qui ii) a entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. L’expression « mesure disciplinaire » n’est pas suffisamment étendue pour inclure toute mesure prise par l’employeur qui aurait pu être nuisible ou préjudiciable aux intérêts de l’employé. Au moment d’évaluer s’il y a eu une mesure disciplinaire, une raison principale est l’intention de l’employeur. Les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en une mesure disciplinaire. Sur ce point, l’employeur m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, et à Marin.

216        Aucun élément de preuve n’indique que les personnes qui ont évalué le rendement du fonctionnaire se sont livrées à un exercice de mauvaise foi.

3. Grief d’évaluation du rendement : dossier de la Commission 566-02-10258 (grief ministériel no 53264)

217        Ce grief vise la même évaluation du rendement qui a fait l’objet du grief dans le dossier de la Commission 566-02-9976, qui a été retiré. Dans ce dossier, le fonctionnaire avait soulevé des préoccupations à propos du RER de 2012-2013. Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’autorité déléguée a accueilli la demande du fonctionnaire de modifier le RER en supprimant certains commentaires. Malgré cela, le fonctionnaire a renvoyé le grief au troisième palier, où le décideur a annulé la décision au deuxième palier et a rétabli les commentaires que le fonctionnaire avait demandé à faire supprimer.

218        Le fonctionnaire a déposé le grief dans le dossier de la Commission 566-02-10258 en réponse à sa réponse au troisième palier, alléguant qu’il s’agissait d’une tentative d’intimidation à son endroit pour qu’il abandonne ce grief, qu’elle était discriminatoire et qu’elle contrevenait à l’article 19 de la convention collective. Il n’a pas allégué que le RER constituait une mesure disciplinaire déguisée, par conséquent la Commission n’est pas saisie de cette question.

219        Aucun élément de preuve n’a été présenté pour justifier l’allégation selon laquelle le RER de 2012-2013 était discriminatoire ou que la réponse au dernier palier constituait une tentative d’intimidation à l’endroit du fonctionnaire pour qu’il abandonne son grief.

220        Les évaluations du rendement ne relèvent pas de la compétence de la Commission. Un arbitre de grief ne peut pas réviser un RER si un employé est en désaccord avec celui-ci. Si un tel grief est rejeté, le recours qui s’impose est un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

221        Le fonctionnaire a allégué que le RER contrevenait à la clause 56.01(2) de la convention collective. Cependant, il a retiré ses griefs contestant les RER de 2010-2011, de 2011-2012 et de 2012-2013.

222        À ce propos, l’employeur m’a renvoyé à Spacek c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 115; Johnson-Paquette c. Canada, [1998] A.C.F. no 1741 (QL); Trépanier c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 1601 (QL); Dubé c. Canada (Procureur général), 2006 CF 796; Agard c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1327.

4. Obligation de prendre des mesures d’adaptation

223        Si une preuve prima facie de discrimination a été établie, les principes énoncés dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (« Meiorin ») s’appliquent et l’employeur doit établir qu’une mesure d’adaptation ne pouvait être prise à l’égard du fonctionnaire sans occasionner une contrainte excessive. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4.

224        L’employeur a admis que le fonctionnaire a établi une preuve prima facie de discrimination, mais a déclaré qu’il ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure d’adaptation dans le milieu de travail sans contrainte excessive.

225        L’obligation de prendre des mesures d’adaptation a pour objet d’empêcher que des personnes par ailleurs aptes ne soient injustement exclues, alors que les conditions de travail pourraient être adaptées sans créer de contrainte excessive pour l’employeur. Elle n’a pas pour objet de dénaturer l’essence du contrat de travail, à savoir l’obligation de l’employé de fournir, contre rémunération, une prestation de travail. À ce propos, l’employeur m’a renvoyé à Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43.

226        Aux termes de l’art. 15 de la LCDP, une mesure d’adaptation équivaut à une contrainte excessive si elle impose un fardeau déraisonnable ou indu à l’employeur, en matière de santé, de sécurité, d’atteinte importante à ses activités, de répercussions sur d’autres participants et de coûts. Chaque cas dépend du contexte et des circonstances. Sur ce point, l’employeur m’a renvoyé à Central Alberta Dairy Pool c. Alberta (Commission des droits de la personne), [1990] 2 R.C.S. 489 et à Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525.

227        Comme il est établi dans Canadian National Railway Co. v. Brotherhood of Locomotive Engineers (2003), 118 L.A.C. (4e) 228, et dans St. Paul’s Hospital v. H.E.U. (2001), 96 L.A.C. (4e) 129, un employeur n’est pas tenu de créer un poste pour un employé pour s’acquitter de son obligation de prendre des mesures d’adaptation. Ce principe trouve également appui dans Everaz Inc. NA Canada v. Shopmens (International Association of Bridge, Structural Ornamental and Reinforcing Iron Workers, Local Union No. 805), 2010 CanLII 96500, et dans Glenn Dale Curry, ALTA. G.A.A. 2010-009.

228        La décision Callan v. Suncor Inc., 2006 ABCA 15, établit que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation ne sous-entend pas une mesure d’adaptation parfaite et instantanée.

229        Dans Pourasadi v. Bentley Leathers Inc., 2015 HRTO 138, on a conclu que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation peut exiger d’organiser le milieu de travail de l’employé d’une façon qui lui permet d’exercer les fonctions essentielles dans le cadre de son travail. Cependant, cela n’exige pas une modification permanente aux fonctions essentielles d’un poste ou leur attribution permanente à d’autres employés. Elle n’exige pas non plus d’exempter des employés d’exercer les fonctions essentielles de leurs postes.

230        La décision Gables Lodge Limited v. C.U.P.E., Local 1315 (2009), 187 L.A.C. (4e) 286, a confirmé que le seuil de contrainte excessive est franchi si l’employeur est tenu de maintenir un employé handicapé dans un poste qui n’est ni utile ni productif en soi dans le contexte de ses activités.

231        Comme il est établi dans St. Paul’s Hospital, un employé qui demande une mesure d’adaptation n’a pas le droit de refuser une mesure d’adaptation raisonnable, même si une autre mesure est disponible et qui n’entraînait pas une contrainte excessive pour l’employeur et que l’employé privilégierait. Un employé qui demande une mesure d’adaptation ne peut s’attendre à obtenir une solution parfaite. Si l’employé rejette une proposition de mesure d’adaptation raisonnable, alors l’employeur s’est acquitté de son obligation de prendre des mesures d’adaptation.

232        L’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas à sens unique et l’employeur n’a pas à faire tous les efforts d’accommodement (voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal)).

233        Le rôle d’un médecin se limite à déterminer et à fournir une expertise sur les besoins et les limitations d’un patient. La mesure d’adaptation appropriée incombe à l’employeur, à l’employé et à l’agent négociateur. En fonction de ce que le médecin cerne et présente, l’employeur doit déterminer la meilleure façon d’arranger les besoins et les limitations en milieu de travail de l’employé. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Leclair c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 97.

234        La décision Leclair a également établi qu’il existe une conception erronée chez les employés selon laquelle l’élaboration d’une mesure d’adaptation constitue une carte blanche pour obtenir le poste de leur choix en raison de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation jusqu’au point de contrainte excessive à leur égard. Les employés n’ont pas droit aux mesures d’adaptation qu’ils privilégient, mais à des mesures d’adaptation raisonnables qui répondent à leurs besoins déterminés.

235        Dans Canada (Procureur général) c. Cruden, 2013 CF 520, la Cour a conclu qu’il n’existe aucun élément procédural distinct de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation; par conséquent, si des mesures d’adaptation ne peuvent être prises à l’égard d’un employé sans entraîner une contrainte excessive pour l’employeur, alors il n’y a pas de discrimination.

236        L’employeur a fait valoir qu’il n’avait pas commis un acte discriminatoire à l’endroit du fonctionnaire, mais qu’il lui a fourni au contraire une mesure d’adaptation appropriée jusqu’à la limite de la contrainte excessive.

237        La preuve a révélé qu’entre 2008 et juillet 2012, le fonctionnaire avait pour tâche d’accomplir les fonctions de son poste d’attache, à savoir le poste d’APS au groupe et au niveau AS-05. L’employeur n’était informé d’aucun problème de santé. Il ne peut prendre aucune mesure d’adaptation à l’égard d’un problème de santé qui ne lui a pas été communiqué.

238        D’août 2012 jusqu’à juin 2013, le fonctionnaire a été affecté à des fonctions d’ASC au groupe et au niveau PM-03. En août 2012, l’employeur a reçu la lettre du 14 août de la psychologue traitante du fonctionnaire qui établissait certaines modalités relatives aux mesures d’adaptation, qui étaient que le fonctionnaire se livre à du travail qui lui était familier, qu’on lui donne des directives concrètes concernant les attentes à l’égard des tâches relatives au travail et que les mesures d’adaptation seraient mieux orientées au moyen d’une évaluation de SC.

239        M. Ryan a témoigné en disant que le concept du travail familier au fonctionnaire était confus, car lorsqu’il occupait son poste d’attache en tant qu’APS, il n’a pas accompli ses fonctions d’une façon satisfaisante.

240        L’employeur a suivi la recommandation de la psychologue traitante afin qu’une évaluation de SC soit menée, qui a été organisée et exécutée. SC n’a communiqué les résultats de l’EAT qu’en février 2013. Entre août 2012 et février 2013, le fonctionnaire était en congé de maladie pendant deux mois; il a effectué un retour progressif au travail dans le cadre duquel il n’a atteint les heures à temps plein qu’en février 2013.

241        Entre août 2012 et février 2013, le plan d’action qui avait été élaboré pour le fonctionnaire a été mis de côté, et il a exercé uniquement quelques-unes des fonctions d’un ASC, à savoir, l’examen préliminaire. Au cours de cette période, un coach lui a été désigné et il avait des réunions hebdomadaires avec son superviseur. D’après les faits connus de l’employeur et les renseignements médicaux, pour la période d’août 2012 à février 2013, il a pris des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire.

242        L’EAT de février 2013 énonçait les recommandations suivantes en ce qui concerne le fonctionnaire, si celles-ci étaient possibles sur le plan opérationnel :

  • limiter ses fonctions qui exigeaient l’accomplissement de tâches multiples, par exemple la planification, la coordination, et mettre des plans stratégiques ou opérationnels;
  • limiter ses fonctions qui exigeaient une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions;
  • exécuter des tâches qui lui étaient familières;
  • être encadré par une personne familière avec les fonctions de travail;
  • avoir des réunions d’orientation régulières avec son superviseur.

243        M. Ryan a déclaré lors de son témoignage que, d’après les recommandations de l’EAT de février 2013, il était manifeste que le fonctionnaire ne pouvait pas accomplir les fonctions de son poste d’attache en tant qu’APS. Les fonctions que l’EAT suggérait de limiter représentaient en fait les fonctions du poste d’APS. Essentiellement, l’EAT indiquait de limiter les fonctions essentielles à ce poste. La preuve divulguait que le fonctionnaire n’avait pas de succès dans son poste d’APS et que, d’après les recommandations de l’EAT, il n’était pas en mesure d’accomplir le travail analytique, la gestion du temps et d’avoir l’attention au détail que l’on attendait de lui dans ce poste d’APS. Il n’aurait pas été dans son intérêt supérieur de lui attribuer ses tâches d’APS et, par conséquent, l’employeur a jugé qu’il était préférable de le conserver dans le poste d’ASC, avec les mesures d’adaptation en place.

244        L’employeur a demandé des précisions à SC à l’égard des recommandations en matière de mesures d’adaptation énoncées dans l’EAT de février 2013. Entre avril et la fin de juin 2013, le fonctionnaire était tenu d’exercer l’ensemble des tâches affectées à un ASC, malgré le fait qu’il assumait une charge de travail moindre que d’autres ASC.

245        Le 13 mai 2013, l’employeur a reçu une réponse de SC indiquant que l’état de santé du fonctionnaire était chronique. Deux semaines plus tard, il est parti en congé de maladie jusqu’à la fin de juin 2013. Pendant cette période, pendant que l’employeur attendait de recevoir les précisions qu’il avait demandées de SC, il n’a commis aucun acte discriminatoire à l’endroit du fonctionnaire en lui attribuant les tâches d’un ASC au groupe et au niveau PM-03.

246        La CLCC n’est pas un employeur important. M. Clair a témoigné qu’il avait parlé à l’ensemble de ses gestionnaires et qu’il avait étudié les possibilités de travail là où c’était nécessaire. Les fonctions d’ASC attribuées au fonctionnaire correspondaient à un besoin réel. On lui a donné des objectifs clairs pouvant être mesurés, ainsi que des coachs et un encadrement. Un plan de formation ciblé et de la rétroaction ont été mis en œuvre afin de le maintenir sur la bonne voie. Il n’avait pas droit à une mesure d’adaptation parfaite ou instantanée.

247        Pour accommoder le fonctionnaire, à compter de juillet 2013 et jusqu’à son licenciement, le fonctionnaire a été affecté à un projet spécial sous la supervision de Mme Ouellette. Son travail ne correspondait pas à un poste réel à la CLCC, qui n’avait pas besoin de ce travail et ne l’avait pas utilisé. Même si le titre de ce poste était « vérificateur ou enquêteur AS-05 », la seule fonction qui correspondait à la description de travail AS-05 était la lecture des décisions des commissaires de la CLCC. Le rendement du fonctionnaire a été évalué comme satisfaisant pendant la période de ce projet spécial. Cependant, il n’a pas été évalué en ce qui concerne les fonctions d’attache du poste d’APS AS-05 ou à l’ensemble des fonctions du poste de vérificateur ou d’enquêteur établies dans l’entente en matière de mesures d’adaptation et le RER pour cette période.

248        En juin 2014, en réponse à une demande de l’employeur, SC a affirmé que l’on ne considérait pas que le fonctionnaire était apte à reprendre l’ensemble des fonctions de son poste d’attache AS-05 et que les mesures d’adaptation en milieu de travail qui étaient en place devraient se poursuivre. La réponse indiquait effectivement que, selon son traitement, le fonctionnaire pourrait être en mesure d’assumer d’autres fonctions du poste AS-05 à l’avenir. SC a également déclaré qu’il acceptait d’évaluer le fonctionnaire après un délai de six mois. À la lumière des renseignements, son entente en matière de mesures d’adaptation et le projet spécial à l’égard de Mme Ouellette ont été prorogés jusqu’en janvier 2015.

249        Mme Gaudet a témoigné en disant que, compte tenu du fait que l’entente en matière de mesures d’adaptation devait prendre fin en janvier 2015 et que la CLCC était une petite organisation et que, comme tous les autres ministères, elle était assujettie au PARD et à des réductions budgétaires, elle ne pouvait pas maintenir la mesure d’adaptation, qui comprenait le fait de le rémunérer au groupe et au niveau AS-05 pour un travail qui n’était pas nécessaire, et ce, dans en poste qui n’existait pas. L’affectation spéciale du fonctionnaire auprès de Mme Ouellette ne pouvait pas se poursuivre.

250        Des rencontres ont eu lieu en janvier 2015 et le fonctionnaire a éventuellement consenti à la demande d’EMI de l’employeur. Malgré cela, il a déposé un grief le jour suivant, alléguant que l’exigence de participer à l’EMI constituait un abus de pouvoir. Même si l’employeur était en désaccord qu’il avait commis un acte discriminatoire à son endroit en demandant l’EMI, il a accueilli son grief et a affirmé qu’il rendrait une décision sur sa capacité de prendre des mesures d’adaptation à son égard en fonction des renseignements qu’il avait reçus de sa professionnelle de la santé et des évaluations antérieures de SC. Après cela, on a reçu une autre lettre de la psychologue traitante du fonctionnaire, dans laquelle elle a répété qu’il devrait se livrer à du travail qui lui était familier et encourageait l’employeur à lui demander ce qu’il entendait par [traduction] « mesures d’adaptation ».

251        Le fonctionnaire, la représentante de son agent négociateur et l’employeur ont tenu une autre rencontre, au cours de laquelle on a discuté des possibilités pour aller de l’avant, dont la possibilité éventuelle de trouver un emploi qui était conforme aux recommandations. Une possibilité était une rétrogradation, ce qui n’intéressait pas le fonctionnaire.

252        Selon le témoignage de M. Cenaiko, lors de la rencontre, le fonctionnaire lui avait dit qu’il n’était pas intéressé par une rétrogradation. Même si le fonctionnaire a témoigné en disant qu’il n’a pas refusé la possibilité d’une rétrogradation, l’employeur a fait valoir que son témoignage n’est tout simplement pas crédible. Le fait de rejeter une offre de rétrogradation serait conforme à son caractère et à son témoignage. Il n’était pas heureux qu’on lui attribue le travail d’ASC, ce qui selon lui était dégradant et embarrassant, et il a contesté cette affectation, alléguant qu’il s’agissait d’une rétrogradation disciplinaire. Cela correspond également au témoignage du Dr Suddaby. Il a témoigné, et son rapport l’indiquait, en disant que le style du fonctionnaire était d’imputer le blâme aux autres pour les difficultés et de minimiser, voire nier sa responsabilité.

253        Dans le cadre du processus de mesures d’adaptation qui a eu lieu en mars 2015, on a confié la tâche au fonctionnaire de fournir une liste des principales activités du poste d’analyste des politiques et du poste d’APS, et de cerner celles qu’il jugeait conformes aux recommandations de sa psychologue. Il a fourni une liste. Conformément à une autre demande, il a fourni des détails sur la façon dont il estimait satisfaire à ces activités. D’après son témoignage, il estimait qu’il pouvait accomplir partiellement seulement trois des neuf activités du poste d’APS.

254        Il n’y avait aucun poste de vérificateur ou d’enquêteur AS-05 vacant; il n’y avait pas non plus de poste vacant au Secrétariat des commissaires ou de poste d’analyste des politiques, qui correspondait aux autres secteurs où le fonctionnaire s’estimait qualifié à occuper un poste.

255        Mme Gaudet a déclaré que les éléments de preuve médicale indiquaient que le fonctionnaire ne pouvait pas accomplir de tâches multiples, ce qui était essentiel pour les postes d’analyste des politiques et d’APS AS-05.

256        En conséquence, l’employeur s’est acquitté de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation au point de subir une contrainte excessive pour les raisons suivantes :

  • le fonctionnaire ne pouvait pas demeurer dans le projet spécial temporaire auprès de Mme Ouellette; la jurisprudence dispose que l’employeur n’a pas à créer un nouvel emploi, un emploi qui n’est pas productif ou un emploi pour lequel les fonctions essentielles sont éliminées;
  • le fonctionnaire indiquait qu’il pouvait accomplir uniquement trois des neuf activités principales essentielles du poste d’APS; en conséquence, cela aurait constitué une contrainte excessive pour l’employeur de le retourner à ce poste, étant donné qu’il ne pourrait pas accomplir les fonctions essentielles du poste;
  • SC a déclaré que les recommandations dans l’EAT de février 2013 devaient demeurer en vigueur;
  • il n’y avait aucun poste d’analyste des politiques AS-05, de poste de vérificateur ou d’enquêteur AS-05, ou de poste d’AS-05 au Secrétariat des commissaires et, même s’il y avait eu des postes vacants, les fonctions étaient telles que le fonctionnaire n’aurait pas été en mesure de les accomplir;
  • le fonctionnaire a rejeté la possibilité de rétrogradation et il était improbable que, de toute façon, il ait pu accomplir les fonctions du poste d’un niveau inférieur, compte tenu de l’évaluation de SC qu’il ne pouvait pas accomplir de tâches multiples.

257        SC a déclaré que l’état de santé du fonctionnaire est chronique. Sa psychologue traitante a témoigné en disant que son état de santé est chronique et qu’il avait besoin d’une mesure d’adaptation permanente, de sorte que ses niveaux de stress ne s’aggravent pas. Elle a déclaré qu’il était nécessaire en tout temps de prendre des mesures d’adaptation à son égard, afin de ne pas exacerber ses symptômes, il doit donc toujours accomplir des fonctions familières.

258        Le fait de créer un poste pour le fonctionnaire dans le cadre duquel il pourrait choisir ce en quoi consiste une fonction familière pour ne pas devenir stressé, ne pas accomplir de tâches multiples, ne pas avoir à maintenir une attention soutenue et ne pas avoir à prendre de décisions entraînerait une contrainte excessive pour l’employeur.

259        Le Dr Suddaby a témoigné en disant que le fonctionnaire présentait des déficiences non médicales en matière de trait de caractère qui pouvaient expliquer son mauvais rendement, ce qui a été justifié dans les rapports médicaux du Dr Dessaulles déposés en preuve. Le fonctionnaire autodiagnostique ses lacunes en matière de compétences comme un problème de santé, même lorsqu’il n’éprouve pas un épisode de dépression ou d’anxiété. Il cesse de demander de l’aide lorsqu’il n’est pas en crise, car ses émotions ne sont plus au premier plan. Lorsqu’il ne reçoit pas ce qu’il perçoit comme des droits ou qu’il se sent traité injustement, cela déclenche un épisode de dépression. Le Dr Suddaby a témoigné en disant qu’il est très difficile pour un employeur de prendre des mesures d’adaptation à l’égard d’une personne qui présente ces lacunes dans ses traits de caractère. Il a indiqué que la difficulté consiste à tenter de déterminer si quelque chose constitue ou non un problème de santé légitime.

260        L’employeur a soutenu que les griefs devraient être rejetés.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

261        Le présent cas porte sur le rendement et des mesures d’adaptation, et ces deux questions sont inextricablement liées. Même s’il s’agit de deux concepts distincts auxquels s’appliquent des critères différents et distincts, ils sont parfois parallèles, parfois ils se fusionnent et parfois ils se séparent. Ils doivent être examinés de manière indépendante avant d’être examinés conjointement.

262        Le fonctionnaire soutient qu’il n’y a pas beaucoup de désaccord quant aux faits; le désaccord vise la qualification que les parties attribuent aux faits.

263        Au moment de son licenciement, le fonctionnaire travaillait pour la fonction publique fédérale depuis plus de deux décennies, ce qui représente un nombre important d’années de service. Rien ne laisse entendre qu’il ait posé un problème en matière de discipline ou qu’il y ait un dossier disciplinaire.

264        Le fonctionnaire avait passé de nombreuses années dans la fonction publique, travaillant pour le SCC à Kingston, en Ontario, avant de déménager à Ottawa en 2005. À la suite d’un congé de maladie, il a été inscrit sur une liste de dotation prioritaire. Il a participé à un concours en vue d’obtenir un poste d’analyste des politiques AS-05 et, malgré que sa candidature ait été retenue, le poste a été accordé à une autre personne et on lui a offert un poste d’APS, également classifié au groupe et au niveau AS-05. Le fonctionnaire a déclaré que les deux postes étaient identiques; on lui a dit que s’il refusait de prendre le poste d’APS, sa priorité serait compromise, il l’a donc accepté.

265        Au cours de sa première année en tant qu’APS, le rendement du fonctionnaire a été qualifié d’insatisfaisant. En 2009, M. Ryan est devenu son superviseur et son deuxième RER a obtenu une cote de satisfaisant. À un certain moment entre avril 2010 et l’été 2012, M. Ryan a eu l’impression que le fonctionnaire n’avait pas un rendement qui correspondait au niveau attendu de lui et, malgré cela, ni M. Ryan ni personne d’autre n’a communiqué un plan d’action écrit au fonctionnaire.

266        En 2011, le fonctionnaire a été victime de harcèlement.

267        Au début de 2012, M. Ryan a constaté quelques problèmes comportementaux, dont il a été question auprès du fonctionnaire au moyen d’une lettre en février 2012.

268        Le rendement du fonctionnaire pour les exercices 2010-2011 et 2011-2012 a été qualifié d’insatisfaisant. M. Ryan n’a pas respecté la Directive du SCT en matière de gestion du rendement.

269        En juillet 2012, le fonctionnaire a été rétrogradé au poste d’ASC.

270        Le lettre du 14 août de la Dre Moustgaard est arrivée à un certain moment en août 2012. Cette lettre expose des renseignements importants concernant l’invalidité du fonctionnaire, qu’elle a décrit comme un degré de gravité en termes directs. Elle a été précise en ce qui concerne l’incidence de son invalidité sur lui et a laissé entendre que la maladie avait une incidence sur sa façon de s’acquitter de ses responsabilités professionnelles.

271        SC a procédé à une EAT et, au début de février 2013, le ministère a publié l’EAT de février 2013. Parallèlement, le fonctionnaire a déposé un grief concernant le défaut de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

272        En juillet 2013, le fonctionnaire a été affecté à un projet spécial sous la supervision de Mme Ouellette. Selon elle, son travail avait été pleinement satisfaisant. Il a fait valoir que son travail était au groupe et au niveau AS-05.

273        En janvier 2015, l’employeur voulait que le fonctionnaire participe à une autre EAT [EMI], qui ne lui semblait pas nécessaire. Il a déposé un grief à l’encontre de l’employeur qui, à son tour, a agi de mauvaise foi et a décidé qu’il renoncerait à l’évaluation et qu’il rendrait des décisions fondées sur les renseignements dont il disposait.

274        Le témoignage de Mme Gaudet sur ce point est essentiel. Elle a déclaré que l’employeur ne pouvait pas rendre une décision sur les mesures d’adaptation en l’absence d’une nouvelle EAT [EMI], qui n’a jamais été effectuée. À ce stade, les parties ont discuté des mesures d’adaptation.

275        À l’automne 2014, Eric McMullen, des RH, a dit à M. Cenaiko, le président de la CLCC, que le fonctionnaire devait passer une autre évaluation médicale pour que l’employeur puisse obtenir des renseignements plus concrets en ce qui concerne ses compétences et son aptitude au travail. Une fois l’évaluation médicale achevée, cela permettrait à l’employeur de procéder à l’analyse des mesures d’adaptation. Selon le témoignage de M. Cenaiko, il était non seulement d’accord avec cette recommandation, mais aussi, si le fonctionnaire avait refusé l’évaluation, il aurait été mis en congé non payé jusqu’à ce qu’il obtempère.

276        Le fonctionnaire a convenu que M. Cenaiko avait le pouvoir en vertu de l’al. 12(1)d) de la LGFP de mettre fin à un emploi pour rendement insatisfaisant. Le fonctionnaire a admis que la compétence de la Commission est limitée à l’égard des licenciements ou des rétrogradations pour rendement insatisfaisant (en vertu de l’art. 230 de la Loi) et m’a renvoyé aux critères énoncés dans Raymond et dans d’autres cas cités par l’employeur.

277        Le fonctionnaire a fait valoir que le droit en matière de droits de la personne est quasi constitutionnel et, par conséquent, les obligations établies dans les lois sur les droits de la personne l’emportent sur d’autres lois. Sur ce point, il m’a renvoyé à A.J. c. Procureur général du Canada, 2008 CF 591.

278        En août 2014, avant que l’employeur reçoive la lettre de la Dre Moustgaard et après qu’il a transféré le fonctionnaire du poste d’APS ou poste d’ASC (après trois RER insatisfaisants), il n’envisageait pas de le licencier.

279        Lorsqu’il a demandé l’EAT, l’employeur a expressément demandé si les problèmes de rendement du fonctionnaire étaient liés à son état de santé. Cela démontre clairement que cette question lui avait traversé l’esprit. La Dre Lazaridis a abordé cette question dans sa lettre du 13 mai 2013, lorsqu’elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Les problèmes de santé de M. Herbert contribuent aux préoccupations en matière de rendement décrites dans vos lettres. » Il est manifeste que deux ans avant de décider de licencier le fonctionnaire, la CLCC savait que son invalidité avait une incidence sur ses RER.

280        La décision de licencier le fonctionnaire ne peut être justifiée au moyen du RER de 2012-2013, puisque ce rapport a été préparé concernant des fonctions qui ne lui étaient [traduction] « pas familières » ainsi qu’à un moment où la psychologue traitante du fonctionnaire et le médecin de SC ont affirmé qu’il devrait accomplir des fonctions familières.

281        L’employeur a rejeté les évaluations du rendement positives du fonctionnaire pour la période de juillet 2013 à avril 2015. Il travaillait dans le cadre d’une entente en matière de mesures d’adaptation qui établissait les normes de rendement. Il est discriminatoire et déraisonnable de s’attendre à ce qu’un employé qui fait l’objet d’une mesure d’adaptation à un niveau d’avoir un rendement à un niveau supérieur.

282        En outre, le fonctionnaire n’a pas été informé qu’il ferait l’objet d’une évaluation à un niveau autre qu’au niveau AS-05.

283        Le travail accompli par le fonctionnaire pour le compte de Mme Ouellette était soit du travail réel, soit il ne l’était pas. S’il ne s’agissait pas d’un travail réel, alors il ne s’agissait pas d’une mesure d’adaptation réelle, en plus de ne pas respecter le droit en matière de mesures d’adaptation. S’il s’agissait d’un travail réel et d’une entente légitime en matière de mesures d’adaptation, le témoignage de Mme Ouellette était qu’elle était satisfaite du travail du fonctionnaire. Le cas échéant, il ne pouvait pas avoir été licencié pour rendement insatisfaisant.

284        Tout l’objet de la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et la raison qui sous-tend l’existence des lois sur les droits de la personne est la suppression des obstacles pour que, avec des mesures d’adaptation appropriées, les personnes handicapées puissent réussir.

285        Le fonctionnaire a fait valoir qu’il y avait une preuve prima facie d’invalidité et, en conséquence, il était nécessaire de prendre des mesures d’adaptation à son égard. À ce stade, le fardeau de la preuve s’est déplacé, et l’employeur devait démontrer qu’il n’était pas en mesure de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Les questions deviennent maintenant : L’employeur a-t-il démontré une contrainte excessive? A-t-il démontré qu’il n’avait aucun autre moyen d’accommoder le fonctionnaire?

286        Le fonctionnaire m’a renvoyé à Panacci c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 2, qui dispose que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation comporte à la fois des aspects procéduraux et des éléments de fond. L’aspect procédural exige de l’employeur qu’il examine sérieusement de quelle façon il peut prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’employé, et les éléments de fond exigent que l’employeur montre qu’il n’aurait pas pu prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’invalidité de l’employé sans contrainte excessive (voir Panacci au paragraphe 85). L’aspect procédural exige de l’employeur qu’il obtienne tous les renseignements pertinents à propos de l’invalidité de l’employé, ce qui pourrait inclure des renseignements à propos de son état de santé actuel, le pronostic de récupération, ainsi que sa capacité d’accomplir les tâches de son poste d’attache ou à occuper un autre emploi. Le défaut de prendre en considération la question des mesures d’adaptation revient à manquer à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation (voir Panacci, au paragraphe 86).

287        Comme il est indiqué dans Panacci, qui est citée dans Hydro-Québec, les éléments de fond de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation exigent de l’employeur qu’il démontre qu’il n’aurait pas pu prendre des mesures d’adaptation à l’égard de l’invalidité du fonctionnaire sans entraîner une contrainte excessive. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’exige pas de l’employeur qu’il modifie les conditions de travail [traduction] « d’une façon fondamentale » qui modifierait l’essence de la relation d’emploi.

288        Au paragraphe 125 de Giroux c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2008 CRTFP 102, l’arbitre de grief a déclaré que « […] entre le retour de la fonctionnaire s’estimant lésée au travail et son renvoi, quatre ans plus tard, l’employeur ne lui a jamais donné l’occasion d’accomplir les autres fonctions qui constituaient l’essentiel de son travail ». Au paragraphe 126, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit : « Comment pouvait-il être à l’aise, comme il l’a affirmé, avec la décision de renvoyer une employée après 31 années de service, sans exiger une opinion médicale actualisée pour établir la capacité fonctionnelle de la fonctionnaire s’estimant lésée à s’acquitter des fonctions de son poste d’attache ou d’un autre poste, et sans mettre à jour la liste des postes disponibles dressée en 2002? »

289        Au paragraphe 138 de Giroux, l’arbitre de grief a affirmé ce qui suit : « Il y a déjà de nombreuses années que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation et la [LCDP] s’appliquent dans l’administration publique fédérale. Du reste, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas un principe immuable […] »

290        Au paragraphe 149 de Pepper c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 8, l’arbitre de grief a déclaré ce qui suit :

149    Avant de prendre la décision radicale de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé parce qu’il n’est plus capable de se présenter au travail, l’employeur est manifestement tenu de déterminer quel est exactement son état de santé et d’obtenir un pronostic selon lequel il sera incapable de retourner au travail dans un avenir prévisible. En l’espèce, l’employeur n’avait pas de preuves concluantes à ces égards. Il est irréfutable qu’il a décidé de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé avant d’obtenir la moindre preuve qu’il était absolument invalide. Il s’est fondé sur une opinion médicale donnée en 2004 et obtenue dans le cadre de la médiation en ce qui concernait un autre grief, ainsi que sur l’opinion d’un autre gestionnaire […]

291        Nicol c. Conseil du Trésor (Service Canada), 2014 CRTEFP 3, au paragraphe 121, a déclaré que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation exige de l’employeur qu’il prenne, dans un premier temps, des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de l’employé à son niveau d’attache avant d’envisager des postes à un niveau inférieur. Dans le cas du fonctionnaire, cela ne s’est jamais produit.

292        La décision Cyr c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 35, disposait que le défaut de l’employeur de consulter l’employé en ce qui concerne des mesures d’adaptation éventuelles peut constituer un défaut de prendre des mesures d’adaptation. Les mesures d’adaptation ne sont pas à sens unique. À ce propos, le fonctionnaire m’a également renvoyé à Lloyd c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 15.

293        Le fardeau de la preuve incombait à l’employeur de démontrer qu’il a entrepris, mené et achevé un exercice approprié en matière de mesures d’adaptation et qu’il n’était pas possible de prendre des mesures d’adaptation.

294        Le fonctionnaire m’a également renvoyé à Ransanz c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CF 1109; Vuktilaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 188; Lapointe c. Canada, 2004 CF 244; Fischer c. Canada (Procureur général), 2012 CF 720; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27; O’Leary c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 10 (confirmée dans 2008 CF 212); Meiorin; Stringer c. Procureur général du Canada, 2013 CF 735; Audet c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2006 TCDP 25; Procureur général du Canada c. Grover, 2007 CF 28.

1. Grief du dossier de la Commission 566-02-8830 (grief ministériel no 49061)

295        La Commission peut annuler une rétrogradation en fonction de la preuve selon laquelle la mesure prise par l’employeur constituait un trompe-l’œil ou un subterfuge ou une mesure disciplinaire déguisée. Dans Stevenson c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 89, la Commission a refusé de conclure à l’existence d’une mesure disciplinaire parce que l’employeur n’avait jamais soulevé les problèmes disciplinaires auprès de l’employé.

296        Le fonctionnaire a fait valoir que la décision de l’employeur de le rétrograder constituait une mesure disciplinaire déguisée et qu’elle a été prise de mauvaise foi. À l’appui, il a déclaré ce qui suit :

  • les allégations de rendement faible présentées par l’employeur étaient déraisonnables et sans fondement;
  • M. Ryan n’était pas un gestionnaire qui offrait un soutien. Il a offert peu d’aide ou de formation pour aider le fonctionnaire, n’a jamais élaboré un plan d’action et n’a tenu aucune réunion sur le rendement. Il n’a pas non plus tenu compte de l’allégation du fonctionnaire selon laquelle il avait fait l’objet d’un harcèlement;
  • peu de temps avant la rétrogradation, M. Ryan a envoyé au fonctionnaire une lettre d’avertissement au sujet de son comportement au travail et de ses heures de travail en indiquant que s’il n’y avait aucune amélioration à l’égard de ces deux éléments, il ferait l’objet d’une mesure disciplinaire et que la situation serait évaluée de nouveau dans un mois. Quelques mois après l’envoi de cette lettre, M. Ryan a rétrogradé le fonctionnaire.

2. Grief des dossiers de la Commission 566-02-8829 et 566-02-10258 (grief ministériel nos 50267 et 53264)

297        Le 13 février 2013, le fonctionnaire a perdu patience en attendant que la CNLC mette en œuvre les recommandations de son médecin qui dataient alors de six mois. À ce moment-là, personne n’avait discuté avec lui de mesures d’adaptation.

298        M. Clair n’a discuté avec le fonctionnaire que le 12 mars 2013 afin de lui expliquer la mesure d’adaptation que la CNLC était prête à mettre en œuvre. Le fonctionnaire a soutenu que la seule mesure d’adaptation proposée par la CNLC consistait à prolonger son affectation au poste d’ASC. Il a fait valoir que M. Clair avait refusé de tenir compte de sa demande de retourner à son poste d’APS. L’employeur a agi de manière autocratique, plutôt que de manière collaborative. Il ne connaissait pas le nouveau rôle du poste d’ASC et celui-ci aggravait sa déficience.

299        Le fonctionnaire a communiqué de nouveau avec M. Clair et M. Bender au sujet des questions liées aux mesures d’adaptation. Il a soutenu qu’ils ont répondu à sa demande avec hostilité. Malgré ses tentatives de discuter avec M. Clair et M. Bender au sujet de la mesure d’adaptation, la CNLC n’était pas disposée à en discuter.

C. Réponse de l’employeur

300        Même si la Dre Moustgaard a peut-être commencé à traiter le fonctionnaire en 2007, elle ne l’a pas traité pendant certaines périodes. Elle était une représentante du patient.

301        Le fonctionnaire ne pouvait pas exercer la gamme complète de fonctions pendant qu’il était affecté au poste d’ASC.

302        Le fonctionnaire ne pouvait pas être réaffecté à son poste d’attache d’APS parce qu’il a indiqué qu’il ne pouvait exercer que partiellement certaines des fonctions.

303        De juillet 2013 jusqu’à son licenciement, le fonctionnaire occupait le poste de vérificateur/enquêteur uniquement sur papier et il n’exerçait pas les fonctions complètes de ce poste. Selon la preuve non contestée, il s’agissait d’une mesure d’adaptation.

IV. Motifs

A. Mise sous scellés de documents

304        La décision Basic c. Association canadienne des employés professionnels, 2012 CRTFP 120, énonce ce qui suit aux paragraphes 9 à 11 :

[9] La mise sous scellés de documents ou de dossiers déposés en vue d’une audience judiciaire ou quasi judiciaire va à l’encontre du principe fondamental consacré dans notre système de justice selon lequel les audiences sont publiques et accessibles. La Cour suprême du Canada a statué que l’accès du public aux pièces et aux autres documents déposés dans le cadre d’une procédure judiciaire était un droit protégé par la Constitution en vertu des dispositions sur la « liberté d’expression » de la Charte canadienne des droits et libertés; voir Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), [1996] 3 R.C.S. 480; Dagenais c. Société Radio-Canada, [1994] 3 R.C.S. 835; R. c. Mentuck, 2001 CSC 76, Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 (CanLII).

[10] Cependant, la liberté d’expression et le principe de transparence et d’accessibilité publique des audiences judiciaires et quasi judiciaires doivent parfois être soupesés en fonction d’autres droits importants, dont le droit à une audience équitable. Bien que les cours de justice et les tribunaux administratifs aient le pouvoir discrétionnaire d’accorder des demandes d’ordonnance de confidentialité, de non-publication et de mise sous scellés de pièces, ce pouvoir discrétionnaire est limité par lexigence de soupeser ces droits et intérêts concurrents. Dans Dagenais et Mentuck, la Cour suprême du Canada a énuméré les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il convient d’accepter une demande de restriction de l’accès aux procédures judiciaires ou aux documents déposés dans le cadre de ces procédures. Ces décisions ont mené à ce que nous connaissons aujourd’hui comme étant le critère Dagenais/Mentuck.

[11] Le critère Dagenais/Mentuck a été établi dans le cadre de demandes d’ordonnance de non-publication dans des instances criminelles. Dans Sierra Club of Canada, la Cour suprême du Canada a précisé le critère en réponse à une demande d’ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une procédure civile. Le critère adapté est le suivant :

[…]

  1. elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter le risque.
  2. ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

305        Un certain nombre de rapports ou de lettres médicaux du fonctionnaire, des notes cliniques de son médecin et des résultats d’examen médical ont été déposés en preuve. Ces rapports décrivent en détail les différents aspects de sa vie, dont une grande partie n’est pas nécessairement pertinente aux questions que je dois trancher. Les parties qui sont pertinentes ont été exposées en détail dans la présente décision. Elles ont été exposées afin que les parties et les lecteurs puissent comprendre comment la décision a été prise.

306        Toutefois, le reste de l’information n’a aucune pertinence aux griefs et, par conséquent, je conclus que les effets bénéfiques de protéger la confidentialité des renseignements personnels figurant dans les rapports ou lettres médicaux, dans les notes cliniques du médecin et des résultats des examens médicaux l’emportent sur les effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires de ne pas rendre publics l’historique et les renseignements médicaux personnels du fonctionnaire. En conséquence, j’ai ordonné la mise sous scellé des documents suivants, liés aux allégations de harcèlement :

  1. pièce E-1, onglet 8 : lettre de la Dre Moustgaard du 14 août 2012, une page;
  2. pièce E-1, onglet 10 : lettre de la Dre Lazaridis du 12 février 2013, deux pages;
  3. pièce E-1, onglet 41 : lettre de la Dre Moustgaard du 6 mars 2015, une page;
  4. pièce E-1, onglet 55: lettre de la Dre Moustgaard à l’intention de la Dre Lazaridis du 15 novembre 2012, trois pages;
  5. pièce E-1, onglet 56 : lettre du Dr Kasbia à l’intention de la Dre Lazaridis du 21 novembre 2012, deux pages;
  6. pièce E-1, onglet 57 : lettre du Dr Dessaulles à l’intention du fonctionnaire du 10 décembre 2012, trois pages;
  7. pièce E-1, onglet 58 : lettre et rapport du Dr Dessaulles à l’intention de la Dre Lazaridis du 10 décembre 2012, 11 pages;
  8. pièce E-1, onglet 59 : lettre relative au rapport du Dr Suddaby à l’intention de la Dre Lazaridis du 1er mai 2014, 13 pages;
  9. pièce E-3 : lettre de la Dre Lazaridis à l’intention du Dr Kasbia du 20 mars 2014, à laquelle sont joints les documents suivants :
    • la première évaluation de la clinique de trouble de sommeil du HRO dictée par le Dr Douglass et du 12 juillet 2013, quatre pages;
    • le rapport du laboratoire de l’étude de sommeil du HRO sur le polysomnogramme nocturne signé par le Dr Douglass et des 23 et 30 décembre 2013, deux pages;
    • le rapport du laboratoire de l’étude de sommeil du HRO sur le polysomnogramme nocturne comportant la titration de l’appareil de VNPPC signée par le Dr Douglass et du 6 janvier 2014, deux pages;
  10. pièce E-5 : notes manuscrites de la Dre Lazaridis du 7 juillet 2014, deux pages;
  11. pièce E-6 : notes manuscrites de la Dre Lazaridis du 24 octobre 2012, cinq pages, recto verso;
  12. pièce E-7 : notes manuscrites de la Dre Lazaridis du 5 juin 2014, trois pages, recto verso;
  13. pièce G-3 : mémoire de rapports médicaux comportant les onglets suivants :
    • onglet 1 : lettre de la Dre Moustgaard du 14 août 2012, une page,
    • onglet 2 : lettre de la Dre Moustgaard à l’intention de la Dre Lazaridis du 15 novembre 2012, trois pages,
    • onglet 4 : lettre de la Dre Moustgaard du 6 mars 2015, une page,
    • onglet 5 : lettre de la Dre Moustgaard du 29 avril 2015, une page,
    • onglet 6 : [traduction] « Rapport sur la consultation psychologique » de la Dre Moustgaard du 25 juin 2015, cinq pages,
    • onglet 7 : notes manuscrites de la Dre Moustgaard de plusieurs dates, 17 pages,
    • onglet 8 : Consultation d’un patient externe concernant sa santé mentale à la Queensway Carleton Hospital du Dr Michael Browne, du 29 juin 2015, trois pages,
    • onglet 9 : lettre de la Dre Moustgaard du 14 août 2012, une page,
    • onglet 10 : lettre de la Dre Lazaridis du 12 février 2013, deux pages,
  14. pièce G-5 : notes manuscrites de la Dre Lazaridis du 28 janvier 2015, deux pages.

307        Des documents liés aux plaintes de harcèlement déposées par le fonctionnaire à l’égard de deux collègues ont également été déposés en preuve. Pendant l’audience, étant donné que huit griefs avaient été renvoyés à l’arbitrage, je soupçonnais que les plaintes de harcèlement pourraient avoir une certaine pertinence aux questions que je devais trancher. En fin de compte, elles n’avaient aucune pertinence.

308        Puisque les allégations figurant dans les plaintes de harcèlement n’ont aucune pertinence à ces griefs, je conclus que les effets bénéfiques de protéger la confidentialité des allégations contre ces autres employés (qui n’étaient pas des parties à la présente procédure; et ils n’y ont pas assisté afin de témoigner) l’emportent sur les effets préjudiciables, y compris les effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires, de ne pas rendre publiques ces allégations litigieuses et potentiellement préjudiciables. En conséquence, j’ai ordonné la mise sous scellé des documents suivants, liés aux allégations de harcèlement :

  1. Pièce G-2, onglet 11 : une série de courriels de deux pages. Le premier courriel est du 30 mars 2011 et provient du fonctionnaire à l’intention de Suzanne Brisebois, alléguant un harcèlement, et le dernier courriel du 11 avril 2011, envoyé par M. McMullen à Michèle Lampron.
  2. Pièce G-2, onglet 13 : un document de six pages intitulé [traduction] « Plainte de harcèlement – Keith Herbert » du 29 mai 2011, envoyé par le fonctionnaire à Mme Trevathan et qui ajoute des renseignements à une plainte de harcèlement qu’il a déposée le 30 mars 2011.
  3. Pièce G-2, onglet 14 : un échange de courriels de deux pages entre le fonctionnaire, Eric McMullen et Mme Trevathan du 3 août 2011 et qui ajoute des renseignements à la plainte de harcèlement.
  4. Pièce G-2, onglet 16 : une plainte de harcèlement de deux pages déposée par le fonctionnaire du 14 décembre 2011.
  5. Pièce G-2, onglet 18 : un document de 42 pages intitulé [traduction] « Rapport final sur le harcèlement » de mai 2012 et rédigé par Charron Human Resources Inc., en ce qui concerne la plainte de harcèlement déposée par le fonctionnaire du 30 mars 2011.

B. Grief du dossier de la Commission 566-02-8830 (grief ministériel no 49061)

309        Le fonctionnaire a contesté le contenu de son entente d’affectation du 12 juillet 2012 et l’affectation en soi. Il a soutenu que l’affectation constituait une mesure disciplinaire déguisée et qu’elle contrevenait à l’article 17 de la convention collective, au Guide du SCT et à la LEFP.

310        L’employeur s’est opposé à ma compétence pour entendre ce grief. Il a fait valoir que le grief n’était pas visé par l’art. 209 de la Loi. Pour les motifs suivants, l’objection de l’employeur à la compétence est accueillie et le grief est rejeté.

311        Même si le législateur a légiféré une multitude de mesures qui peuvent faire l’objet d’un grief en vertu de l’art. 208 de la Loi, il a expressément limité la portée des griefs qui peuvent faire l’objet d’un arbitrage aux termes de l’art. 209 de la Loi. Ce grief a été renvoyé en vertu de l’al. 209(1)b), ce qui signifie qu’il découle d’une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire.

312        S’il est visé par l’al. 209(1)b), le fonctionnaire doit établir qu’il a subi soit un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire découlant d’une mesure disciplinaire prise par l’employeur. Il ne suffit pas d’établir uniquement que c’est ce qui s’est produit; il doit également établir qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire.

313        Une mesure disciplinaire n’est pas suffisamment étendue pour inclure toute mesure prise par l’employeur qui pourrait être nuisible ou préjudiciable aux intérêts de l’employé. Tel que cela est énoncé dans Frazee et Marin, l’intention de l’employeur constitue un facteur principal dans le cadre de l’évaluation de la question de savoir si une mesure disciplinaire a été prise. Les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire.

314        Il est clair qu’aucun élément de preuve selon lequel l’affectation ou le contenu de l’entente d’affectation constituait un licenciement, une suspension ou une sanction pécuniaire du fonctionnaire n’a été déposé en preuve puisqu’il est demeuré employé et n’a pas été renvoyé du travail (avec ou sans traitement) et que, pendant son affectation, il a continué d’être rémunéré selon le groupe et niveau AS-05.

315        Il reste la rétrogradation. Afin que j’aie compétence, le fonctionnaire devait établir que selon la prépondérance des probabilités, la mesure prise par l’employeur constituait une rétrogradation.

316        Selon une caractéristique d’une rétrogradation, la personne est affectée à un poste à un moindre niveau de rémunération. Même si la preuve établit clairement que l’affectation était à un poste à moindre niveau de rémunération, elle a également établi que le fonctionnaire a continué de toucher sa rémunération au groupe et niveau AS-05.

317        Avant d’être affecté au poste le 12 juillet 2012, trois des quatre RER du fonctionnaire avaient été insatisfaisants. Le seul RER satisfaisant était celui de 2009-2010 fait par M. Ryan. De plus, M. Ryan a déclaré que même s’il avait évalué le rendement du fonctionnaire comme satisfaisant, il a indiqué qu’il n’avait pas évalué le fonctionnaire par rapport à toutes les compétences du poste d’APS. De plus, lorsque le fonctionnaire a été affecté au poste et qu’il a déposé ce grief, il n’avait pas encore consulté la Dre Moustgaard et l’employeur n’avait pas non plus reçu sa lettre du 14 août.

318        Les éléments de preuve indiquent que le fonctionnaire éprouvait des difficultés quant à son rendement dans le cadre de son poste d’APS. Ils indiquent également que l’employeur avait l’intention de tenter de l’aider à améliorer son travail afin qu’il corresponde au niveau nécessaire lui permettant de faire son travail. Ces faits sont étayés par la preuve médicale qui indique clairement que le fonctionnaire avait un ou des problèmes médicaux qui, selon tous les professionnels médicaux qui ont comparu devant moi ou qui ont fourni des rapports dans le cadre de l’EAT, lui causait des problèmes cognitifs, surtout en ce qui concerne ce que M. Ryan a décrit comme les fonctions essentielles du poste d’APS, notamment l’exécution de tâches multiples, la planification et la coordination de plans stratégiques, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions.

319        Vu que les éléments de preuve n’indiquent pas que l’affectation au poste d’ASC ou que le contenu de l’entente d’affectation ne constituait ni une rétrogradation ni une mesure disciplinaire en nature, je n’ai aucune compétence à l’égard de ce grief.

320        Même si le fonctionnaire a reçu une lettre en date du 7 février 2012 qui renvoyait à son comportement au travail et aux plaintes déposées par certains de ses collègues, aucun élément de preuve n’établissant un lien entre cette lettre, qui date d’environ six mois auparavant, et l’affectation n’a été déposé en preuve.

C. Grief du dossier de la Commission 566-02-10258 (grief ministériel no 53264)

321        Le fonctionnaire a déposé ce grief en réplique à la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs à un grief qui a depuis été retiré (dossier de la Commission 566-02-9976).

322        Dans le dossier de la Commission 566-02-9976, le fonctionnaire a soulevé des préoccupations au sujet de son EAT de 2012-2013. Au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs, l’autorité déléguée a décidé que la demande de modifier l’EAT de 2012-2013 en radiant certains commentaires serait accordée. Malgré ce résultat, le fonctionnaire a renvoyé le grief au troisième palier, où l’autorité déléguée, M. Cenaiko, a annulé la réponse au deuxième palier et a réinséré les commentaires que l’autorité déléguée du deuxième palier avait accueillis. Le fonctionnaire a déposé le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-10258 en réponse à la décision de M. Cenaiko d’annuler la réponse au deuxième palier au grief qui est devenu le dossier 566-02-9976.

323        Dans le dossier de la Commission 566-02-10258, le fonctionnaire a soutenu que l’annulation de M. Cenaiko de la décision antérieure (du dossier de la Commission 566-02-9976) constituait une tentative de l’intimider afin qu’il abandonne le grief, qu’il s’agissait d’une décision discriminatoire et qu’elle contrevenait aux articles 18, 19 et 56 de la convention collective. Dans la partie de la formule de grief où le fonctionnaire énonce le redressement qu’il demandait, il a déclaré qu’il souhaitait de rétablir la réponse au deuxième palier du dossier de la Commission 566-02-9976.

324        Pour les motifs suivants, le grief est rejeté.

325        La procédure de règlement des griefs dans la fonction publique fédérale est actuellement énoncée dans le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79; le « Règlement ») et elle est la continuation de la procédure qui a été mise en place, en grande partie inchangée, depuis des décennies. La procédure a été mise en œuvre pour la première fois pendant l’époque du prédécesseur de la Commission, soit la Commission des relations de travail dans la fonction publique, en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) et elle a ensuite été continuée en vertu de la LRTFP.

326        La procédure établie par le Règlement prévoit que, si un employé qui a déposé un grief individuel n’est pas satisfait de la décision obtenue à un palier de la procédure de règlement des griefs, il peut renvoyer le grief plus loin dans la procédure jusqu’à ce qu’elle soit épuisée. Lorsque cela se produit, selon la nature du grief, le fonctionnaire s’estimant lésé peut le renvoyer à la Commission aux fins d’arbitrage, si la Commission est compétente (actuellement en vertu de l’art. 209 de la Loi).

327        Le fonctionnaire a déposé ce grief malgré le fait qu’il a renvoyé le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-9976 à la CRTFP aux fins d’arbitrage.

328        M. Cenaiko a témoigné à l’audience. Dans le cadre de son témoignage, aucune question concernant sa décision au dernier palier relative au grief qui est devenu le dossier 566-02-9976 ne lui a été posée.

329        Lorsqu’il a témoigné, le fonctionnaire n’a pas parlé de la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs au grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-9976.

330        Juste avant l’argumentation, le fonctionnaire a retiré le grief dans le dossier de la Commission 566-02-9976.

331        En ce qui concerne l’article 18 de la convention collective, aucun élément de preuve portant sur un acte d’intimidation, une menace de congédiement ou toute autre menace faite à l’égard du fonctionnaire qui lui causerait d’abandonner son grief, celui qui serait devenu le dossier de la Commission 566-02-9976 ou qui l’aurait empêché d’exercer un droit d’en déposer un, n’a été déposé en preuve. En effet, les éléments de preuve concernant cette dernière partie de l’article 18 ([traduction] « […] s’abstenir d’exercer un droit de présenter un grief […] ») indiquent que lorsque M. Cenaiko a rendu une décision défavorable, le fonctionnaire a déposé le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-10258.

332        En ce qui concerne l’article 19 de la convention collective, encore une fois aucun élément de preuve d’aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé-e du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine nationale ou ethnique, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, sa déficience mentale ou physique, son adhésion à l’Alliance ou son activité dans celle-ci, son état matrimonial ou une condamnation pour laquelle l’employé-e a été gracié, n’a été déposé en preuve en ce qui concerne le dépôt du grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-9976.

333        Enfin, en ce qui a trait à l’article 56 de la convention collective, aucun élément de preuve n’a été déposé quant à la façon dont il se rapporte au grief. Même s’il pouvait être pertinent au contenu du grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-9976, il n’a aucune pertinence à ce grief.

334        Dans son argumentation, le fonctionnaire a fait valoir que la décision de M. Cenaiko au dernier palier concernant le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-9976 constituait une omission de prendre des mesures d’adaptation à son égard. Il n’y a absolument aucune preuve quant à la façon dont ce grief se rapporte à sa déficience ou à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

D. Griefs dans les dossiers de la Commission 566-02-8829, 11308 et 11309

335        J’ai regroupé les deux griefs qui sont devenus les dossiers de la Commission 566-02-8829, 11308 et 11309 puisqu’ils portent sur la déficience du fonctionnaire dans le milieu de travail, la question liée aux mesures d’adaptation qu’il a soulevée et son licenciement qui était lié aux questions concernant la déficience et les mesures d’adaptation.

336        Le grief qui est devenu le dossier de la Commission 566-02-8829 a été déposé le 14 février 2013, soit deux jours après la publication du rapport sur l’EAT de février 2013. Le fonctionnaire l’a signé le 12 février 2013 et le représentant de l’agent négociateur l’a signé le lendemain. Le grief indique que la date à laquelle chaque acte, omission ou toute autre affaire donnant lieu au grief a eu lieu était le 8 février 2013.

337        Le grief qui est devenu les dossiers de la Commission 566-02-11308 et 11309 a été déposé le 24 avril 2015 et découlait du licenciement du fonctionnaire. Il a également soutenu que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa déficience et qu’il avait omis de prendre des mesures d’adaptation.

338        Contrairement aux représentants de l’employeur qui avaient traité avec le fonctionnaire en tant que superviseurs ou de personnes desquelles il relevait dans le cadre de la hiérarchie organisationnelle, j’ai eu l’avantage d’examiner tous les rapports et les lettres médicaux rédigés par son médecin de famille, son psychologue traitant, les médecins de SC (y compris les psychiatres) et le spécialiste du sommeil.

339        Il est clair qu’au cours de la période visée par les faits qui ont donné lieu à ces griefs et probablement d’une période antérieure, le fonctionnaire connaissait une situation de santé mentale très complexe et qu’il l’a présentée à ses fournisseurs de soins de santé et aux spécialistes en EAT qui le touchait dans son milieu de travail et qui présentait une situation difficile non seulement pour lui, mais également pour ses collègues et pour ceux dont la tâche consistait à le surveiller.

E. La déficience du fonctionnaire s’estimant lésé

340        Les Drs Moustgaard, Lazaridis, et Suddaby ont tous témoigné devant moi. De plus, les rapports, lettres et notes cliniques suivants qu’ils ont rédigés à l’égard du fonctionnaire ont été déposés en preuve :

  • Les lettres ou rapports de la Dre Moustgaard du 14 août et du 15 novembre 2012, ainsi que du 6 mars 2015 et ses notes du 8 août, du 6 septembre, du 28 septembre, du 22 octobre et du 14 novembre 2012; du 1er mars, du 5 avril et du 23 mai 2013; du 26 septembre 2014; du 6 mars, du 29 avril, du 22 juin, du 8 et du 29 octobre et du 3 décembre 2015.
  • Le rapport sur l’EAT de la Dre Lazaridis du 12 février 2013; ses lettres du 13 mai 2013 et du 5 juin 2014; ses notes du 24 octobre 2012, du 5 juin et du 7 juillet 2014 et du 28 janvier 2015.
  • Le rapport du Dr Suddaby du 1er mai 2014.

341        De plus, les documents suivants ont été déposés en preuve :

  • le rapport du médecin de famille du fonctionnaire, le Dr Kasbia, du 21 novembre 2012;
  • le rapport du Dr Dessaulles, psychiatre, du 10 décembre 2012;
  • les rapports du Dr Douglass, en dte du 12 juillet, du 29 août et du 5 décembre 2013.

342        Aucun des Drs Kasbia, Dessaulles ou Douglass n’ont témoigné.

343        À l’exception du Dr Douglass, qui a évalué les difficultés de sommeil du fonctionnaire, il n’est pas contesté que le fonctionnaire souffrait d’un trouble dépressif majeur. Cela dit, dans l’étendue du trouble et de son effet sur lui variait, selon un nombre de différentes variables, et qu’il se présentait de différentes manières aux différents professionnels de la santé, selon la date à laquelle il les a consultés et ce qui se passait dans sa vie à ces dates particulières.

344        Il semble également que nul ne conteste que le trouble dépressif n’était pas un nouveau trouble, mais une maladie récurrente ou une rechute à l’égard desquels le fonctionnaire avait été traité par son médecin de famille (Dr Kasbia) et sa psychologue traitante (Dre Moustgaard) et qui avait été constatée dans une ETA effectuée par le Dr Dessaulles en 2006-2007.

345        Dans la lettre du 14 août, la Dre Moustgaard a indiqué que le trouble du fonctionnaire était « récurrent » et [traduction] « […] conforme à une pathologie clinique de niveau grave » [le passage en évidence l’est dans l’original]. Dans son témoignage, elle a déclaré que lorsqu’elle l’a vu le 14 novembre 2012, son trouble anxieux était [traduction] « non spécifié », signifiant qu’il avait un trouble qui était [traduction] « si polyvalent qu’il était difficile de l’évaluer ». Dans son rapport en date du 10 décembre 2012, le Dr Dessaulles a décrit le trouble du fonctionnaire comme un [traduction] « trouble dépressif récurrent ». Dans l’EAT de février 2013, la Dre Lazaridis n’était pas aussi précise, mais elle a décrit le trouble du fonctionnaire comme étant de [traduction] « nature chronique » en ajoutant qu’il recevait un traitement et que ses troubles n’étaient pas entièrement réglés.

346        En mai 2014, le Dr Suddaby a donné le diagnostic suivant au fonctionnaire [traduction] « Dépression majeure, récurrente, de faible à modéré, sans psychose, en rémission ». Il a également donné les diagnostics suivants : [traduction] « Syndrome d’apnées obstructives du sommeil, avec déficit cognitif résultant » et [traduction] « Traits de personnalité mixtes avec des caractéristiques paranoïaques et évitantes ».

347        Les éléments de preuve provenant des professionnels de la santé ont également indiqué que le ou les troubles dont souffrait le fonctionnaire entraînaient des symptômes sur les plans émotionnel, physique et cognitif. Même si aucun de ceux-ci n’était sans importance du point de vue du fonctionnaire, puisqu’il doit traiter le trouble, les symptômes sur les plans cognitif et physique, déterminés encore une fois par les professionnels, touchaient directement sa capacité d’exécuter les fonctions et les responsabilités de son poste d’APS. Il est ressorti de la preuve qu’ils pouvaient toucher sa concentration et sa prise de décision et qu’ils diminuaient son énergie et touchaient son sommeil.

348         En résumé, les principales activités du poste d’attache d’APS du fonctionnaire exigeaient qu’il acquière, assimile et analyse des renseignements et qu’il fournisse des résumés et des recommandations. Il va sans dire qu’une déficience qui touche les capacités cognitives d’une personne, lorsque celle-ci exécute un travail qui est en grande partie un travail cognitif, aurait un effet dévastateur sur cette personne et son travail. Le fonctionnaire satisfait à ces critères.

349        Il est ressorti des éléments de preuve que le trouble dépressif du fonctionnaire touchait son sommeil. De plus, les rapports du Dr Douglass (visant la période de juillet à décembre 2013) ont indiqué que le fonctionnaire souffrait également de l’apnée du sommeil. Encore une fois, selon ce qui se passait dans sa vie, il pouvait avoir des problèmes cognitifs découlant entièrement de son manque de sommeil en raison de l’apnée du sommeil ou il pouvait avoir deux problèmes causés par l’apnée du sommeil et le trouble dépressif.

350        Il y a peu de doute que le fonctionnaire avait une déficience et que l’obligation de prendre des mesures d’adaptation s’appliquait à son égard.

F. Grief du dossier de la Commission 566-02-8829

351        Pour les motifs suivants, le grief est rejeté.

352        Dans Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970, (« Central Okanagan »), la Cour suprême du Canada a établi les principes qui sont maintenant bien reconnus à suivre dans les cas concernant l’obligation de prendre des mesures d’adaptation comme suit :

[…]

La recherche d’un compromis fait intervenir plusieurs parties. Outre l’employeur et le syndicat, le plaignant a également l’obligation d’aider à en arriver à un compromis convenable. La participation du plaignant à la recherche d’un compromis a été reconnue par notre Cour dans l’arrêt O’Malley. Le juge McIntyre y affirme, à la p. 555 :

Cependant, lorsque ces mesures ne permettent pas d’atteindre complètement le but souhaité, le plaignant, en l’absence de concessions de sa propre part, comme l’acceptation en l’espèce d’un emploi à temps partiel, doit sacrifier soit ses principes religieux, soit son emploi.

Pour faciliter la recherche d’un compromis, le plaignant doit lui aussi faire sa part. À la recherche d’un compromis raisonnable s’ajoute l’obligation de faciliter la recherche d’un tel compromis. Ainsi, pour déterminer si l’obligation d’accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

Cela ne signifie pas qu’en plus de porter à l’attention de l’employeur les faits relatifs à la discrimination, le plaignant est tenu de proposer une solution. Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise. Lorsque l’employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en {œ}uvre, remplirait l’obligation d’accommodement, le plaignant est tenu d’en faciliter la mise en {œ}uvre. Si l’omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l’origine de l’échec de la proposition, la plainte sera rejetée. L’autre aspect de cette obligation est le devoir d’accepter une mesure d’accommodement raisonnable. C’est cet aspect que le juge McIntyre a mentionné dans l’arrêt O’Malley. Le plaignant ne peut s’attendre à une solution parfaite. S’il y a rejet d’une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur s’est acquitté de son obligation.

[…]

353        Tel que cela a été énoncé dans Central Okanagan, le processus de prise de mesures d’adaptation ne signifie pas qu’un employeur est tenu de mettre en place ce qu’un médecin déclare être requis ou ce qu’un employé souhaite. De nombreux facteurs et variables doivent être pris en compte lorsque la maladie ou la déficience d’un employé touche son milieu de travail, ce qui peut ensuite entraîner d’autres problèmes possibles.

354        Un peu plus d’un mois après que le fonctionnaire avait été muté temporairement au poste d’ASC, il a donné à l’employeur la lettre du 14 août, dans laquelle la Dre Moustgaard a déclaré qu’il souffrait d’un trouble dépressif majeur qui était « récurrent » et [traduction] « […] conforme à une pathologie clinique de niveau grave » [le passage en évidence l’est dans l’original] ». En conséquence, il a fait en sorte qu’il souffre de symptômes de dépression sur les plans émotionnel, cognitif et physique.

355        La Dre Moustgaard a indiqué les symptômes cognitifs comme une difficulté à se concentrer et à prendre des décisions et elle a déclaré qu’ils touchaient son sommeil. Elle a affirmé qu’il serait dans son intérêt supérieur de mettre en place des mesures d’adaptation, mais qu’elles pourraient être mieux orientées dans le cadre d’une évaluation de SC. Elle a ensuite déclaré qu’il pourrait exiger une orientation concrète des attentes relatives à ses tâches de travail afin de limiter les demandes concernant son raisonnement créatif. Elle a indiqué qu’elle l’a encouragé à exécuter un travail qu’il connaissait bien.

356        Il ressort clairement de la preuve que les professionnels de la santé, tant dans le cadre de leur témoignage devant moi que dans les documents fournis, que les problèmes déterminés et présentés dans la lettre du 14 août existaient avant la mutation du fonctionnaire au poste d’ASC. Il avait signalé des difficultés quant au travail, un stress au travail et la difficulté à se concentrer au travail dès janvier 2012 (voir la lettre du Dr Kasbia à l’intention de la Dre Lazaridis, du 21 novembre 2012).

357        Il est ressorti de la preuve que le fonctionnaire semble avoir été atteint d’un TSPT lié aux événements qui sont survenus plus tôt dans sa vie et à d’autres événements qui sont survenus lorsqu’il était employé à SCC. Selon la preuve médicale déposée, le Dr Dessaulles lui avait diagnostiqué une dépression majeure et un TSPT en 2006-2007. Dans la lettre du 14 août, la Dre Moustgaard a énoncé qu’elle avait traité le fonctionnaire entre le 13 janvier et le 10 mars 2007.

358        L’employeur n’était pas au courant des problèmes et des difficultés de santé mentale du fonctionnaire lorsqu’il l’a muté au poste d’ASC en juillet 2012. Le fonctionnaire et l’employeur n’ont abordé les évaluations médicales, les EAT et la possibilité de prendre des mesures d’adaptation uniquement après la mutation et après que le fonctionnaire lui ait donné la lettre du 14 août.

359        Les deux événements suivants sont survenus à la réception de la lettre du 14 août :

  1. le fonctionnaire a pris un congé de maladie prolongée d’une certaine date en août 2012 et il est retourné au travail selon un horaire très progressif à compter d’octobre ou de novembre 2012;
  2. l’employeur a pris des mesures pour effectuer une ETA à son égard.

360        Le fonctionnaire n’est pas retourné à plein temps avant le 1er février 2013. Lorsqu’il est retourné, il occupait toujours le poste d’ASC et non son poste d’attache d’APS.

361        Le fonctionnaire a déposé un grief (dossier de la Commission 566-02-8829) le 14 février 2013. Toutefois, il l’a signé le 12 février 2013, la même date à laquelle la Dre Lazaridis a signé son rapport sur l’EAT de février 2013. Le grief indique ce qui suit : [traduction] « […] mon employeur a refusé de prendre des mesures d’adaptation à mon égard en milieu de travail, en contravention avec la [politique sur l’OPMA], me causant ainsi un grave préjudice financier, physique et psychologique ». À titre de mesure corrective, il a demandé que l’employeur mette immédiatement en œuvre des mesures d’adaptation conformément à son trouble médical diagnostiqué, ainsi que des pertes, y compris la rémunération, les avantages sociaux, les dépenses supplémentaires et des dommages, aux termes de la LCDP.

362        Entre le moment où le fonctionnaire a quitté le travail en août 2012 et la date à laquelle il est retourné au travail à temps plein en février 2013, il était parfaitement au courant du fait que l’employeur avait pris des mesures pour effectuer une EAT, puisqu’il était une partie intégrante de ce processus, vu ce qui suit :

  • il avait consulté la Dre Moustgaard, qui a rédigé la lettre du 14 août dans laquelle une évaluation de SC était suggérée;
  • il avait signé un consentement à une EAT;
  • des documents envoyés par SC en prévision d’une EAT lui avaient été fournis;
  • il avait consulté, dans le cadre du processus d’EAT, la Dre Lazaridis le 24 octobre 2012 et le Dr Dessaulles le 16 novembre et le 10 décembre 2012;
  • il avait ensuite consulté la Dre Moustgaard le 6 septembre, le 28 septembre, le 22 octobre et le 14 novembre 2012 et ses notes cliniques tiennent compte des discussions avec lui au sujet de l’évaluation de SC;
  • la lettre du Dr Dessaulles lui avait été envoyée le 10 décembre 2012 qui comporte un résumé de ses conclusions quant à l’évaluation psychologique effectuée à l’égard du fonctionnaire.

363        L’employeur a reçu l’EAT de février 2013 soit le 12 février 2013, soit peu de temps après cette date et elle a été acheminée au fonctionnaire.

364        L’état de santé mentale et médical polyvalente dont était atteint le fonctionnaire, ainsi que le mandat et le type de travail de l’employeur et les fonctions qu’il devait exercer pour réaliser les tâches liées à ses obligations et à ses responsabilités du poste d’APS ou d’ASC faisaient en sorte que cette situation soit difficile et complexe.

365        Dans le cadre des postes d’APS et d’ASC, les tâches que le fonctionnaire devait exécuter pour exercer les fonctions de ces postes étaient de nature cognitive; la différence était le niveau de détail et la difficulté des tâches propres à chaque poste. Selon les éléments de preuve des professionnels de la santé, à certains moments, sa maladie était débilitante et elle lui causait d’énormes difficultés. Le fait que les difficultés de son trouble semblaient avoir causé ses difficultés quant à son fonctionnement cognitif était primordial.

366        Au mois de juillet 2012, le fonctionnaire occupait le poste d’APS depuis plus de quatre ans. Les éléments de preuve dont je dispose indiquent que ses gestionnaires estimaient non seulement que son rendement ne correspondait pas à ce niveau, mais également qu’il n’exécutait pas non plus toutes les tâches exigées du poste. Lorsqu’il l’a muté au poste d’ASC, l’employeur espérait qu’il serait au niveau où il était en mesure d’exercer des types de tâches plus simples, mais semblables. Il occupait le poste d’ASC pendant près d’un mois lorsqu’il a consulté la Dre Moustgaard le 8 août 2012, pour la première fois depuis ou vers 2006-2007. Elle a rédigé la lettre du 14 août et il est ressorti de la preuve que le fonctionnaire s’était absenté du travail pendant une période importante au cours du mois d’août jusqu’à son retour à la fin d’octobre ou de novembre 2012, selon un horaire progressif. À son retour, il n’exerçait pas toute la gamme des fonctions d’ASC.

367        Sans une EAT complète et vu la nature de la déficience du fonctionnaire et la lettre du 14 août, il était difficile, voire impossible pour l’employeur de déterminer les mesures d’adaptation exactes à prendre à son égard en milieu de travail. Lorsque la Dre Moustgaard a rédigé la lettre du 14 août, elle ne le traitait pas de manière continue. Il l’avait consulté entre le 13 janvier et le 10 mars 2007, avant son emploi auprès de la CNLC. Selon les éléments de preuve, il l’avait également consulté au sujet de problèmes qui sont survenus en raison de l’incident et du congé de son travail à SCC en 2006-2007. Il ne l’a consulté de nouveau que le 8 août 2012.

368        La réunion avec la Dre Moustgaard le 8 août 2012 (et la lettre du 14 août qui en découle), même si elle a été judicieuse et avantageuse, ne constituait pas une évaluation du milieu de travail du fonctionnaire. La réunion ne constituait pas non plus une EAT et ne visait pas à énoncer les mesures d’adaptation que l’employeur devait mettre en place à l’égard du fonctionnaire. Principalement, la lettre du 14 août informait l’employeur des problèmes continus, importants et graves de santé mentale éprouvés par le fonctionnaire et offrait des suggestions à son avantage. Même si la lettre a suggéré qu’il serait peut-être préférable de mettre en place des mesures d’adaptation, la Dre Moustgaard a suggéré qu’elles seraient mieux orientées dans le cadre d’une évaluation de SC.

369        Dans son témoignage, le fonctionnaire renvoie souvent au poste d’APS comme n’étant pas le poste à l’égard duquel il avait fait concurrence et déclare que le poste d’analyste de politiques lui convenait mieux. Il a également suggéré qu’il était une priorité. Même si les deux faits sont véridiques, il ne ressort aucunement de la preuve qu’il a déposé une plainte en vertu de la LEFP à l’égard du processus de nomination concernant le poste d’analyste de politiques et il a accepté volontairement le poste d’APS. Il est également clair que l’employeur estimait qu’il était qualifié pour le poste d’APS.

370        Lorsque le fonctionnaire a déposé son grief le 14 février 2013, il est ressorti de la preuve que l’employeur avait fourni au fonctionnaire une supervision, une orientation concrète et un encadrement. Les éléments de preuve révèlent également qu’il a eu de nombreux coachs. Jusqu’à ce que l’EAT de février 2013 soit fournie à l’employeur, celui-ci a pris les mesures qu’il estimait être nécessaires et qui auraient pu être prises en fonction de sa compréhension de la situation à ce moment-là.

371        Même si l’obligation de prendre des mesures d’adaptation constitue une obligation continue, et ce grief pourrait être considéré comme continu, l’EAT de février 2013 n’a permis guère d’atténuer la situation du fonctionnaire et de l’employeur. Essentiellement, elle indiquait que l’employeur devrait faire deux choses contraires. La Dre Lazaridis a indiqué que le fonctionnaire devrait exercer des tâches qu’il connaissait, mais elle a également indiqué que l’employeur devrait limiter ses fonctions qui exigeaient l’exécution de tâches multiples, comme la planification, la coordination et la mise en œuvre de plans stratégiques, ainsi que celles qui exigent une attention soutenue, l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions. La lettre du 14 août de la Dre Moustgaard utilisait un langage semblable, même si elle renvoyait aux conseils qu’elle avait donnés au fonctionnaire, soit d’[traduction] « exécuter un travail qui lui est familier ». À l’audience, à la question de savoir ce qu’elle voulait dire par cette phrase, elle a répondu qu’elle signifiait [traduction] « un travail où il était à l’aise et compétent ».

372        Selon les éléments de preuve de l’employeur, les tâches indiquées par l’EAT de février 2013 que le fonctionnaire ne devrait pas exécuter, qui concernaient l’exécution de tâches multiples, comme la planification, la coordination et la mise en œuvre de plans stratégiques, ainsi que celles qui exigeaient une attention soutenue et l’acquisition de nouveaux renseignements et la prise de décisions, constituaient des activités clés de son poste d’APS, ainsi que de principales tâches du poste d’ASC. Lorsque la Dre Moustgaard a envoyé la lettre du 14 août, il avait déjà fait l’objet d’une évaluation à l’égard de ces tâches dans le cadre de son poste d’APS et il avait reçu trois RER insatisfaisants sur quatre. De plus, la mutation au poste d’ASC constituait sa deuxième mutation du poste d’APS.

373        Il s’agissait du problème relatif à l’objectif de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du fonctionnaire. Face à ce dilemme, l’employeur a envoyé une lettre à la Dre Lazaridis le 18 mars 2013 et encore une fois le 26 avril 2013, et il lui a demandé ce qu’elle signifiait particulièrement au sujet de l’exercice de fonctions avec lesquelles le fonctionnaire était familier.

374        Le terme « familier » est défini dans le Canadian Oxford Dictionary, deuxième édition, comme [traduction] « bien connu; ce qui n’est plus nouveau; commun, habituel, auquel une personne est souvent confrontée; bien connaître une chose ou la connaître en détail ».

375        Le 13 mai 2013, dans sa réponse, la Dre Lazaridis a déclaré ce qui suit : [traduction] « Des “fonctions familières” renvoient à des fonctions que M. Herbert a exercées dans le passé. Il s’agit de l’opposé de fonctions nouvelles, non familières. »

376        Dans sa réponse, la Dre Lazaridis a également déclaré que ses recommandations étaient fondées sur l’état de santé du fonctionnaire et qu’elles ne s’appliquaient pas à un poste de travail particulier. Elle a indiqué qu’il revient à l’employeur de prendre la décision. Cela n’était pas utile pour déterminer les tâches requises dans l’exécution des fonctions de l’un ou l’autre des postes. Dans son témoignage devant moi, à la question de savoir ce qu’elle voulait dire par l’expression « fonctions familières », la Dre Lazaridis a indiqué qu’elle signifiait les fonctions qui étaient routinières et que le fonctionnaire avait exercées dans le passé. Le fonctionnaire a reçu une copie de sa lettre du 13 mai 2013 à l’intention de l’employeur.

377        Le 30 mai 2013, la Dre Moustgaard a rédigé la lettre recommandant que le fonctionnaire s’absente du travail pendant un mois, et ce, à compter du 3 juin 2013. Dans son témoignage devant moi, elle a affirmé qu’il n’aurait pas dû et ne pouvait travailler en aucune qualité. Son absence du travail a coïncidé avec la fin de son affectation de travail à la Suspension du casier.

378        À son retour au travail en juillet 2013, le fonctionnaire a été affecté à un projet spécial sous la supervision de Mme Ouellette. Il n’avait pas été affecté à un autre poste au sein de l’organisation. Il a continué d’occuper ce poste jusqu’en janvier 2015. Mme Ouellette l’a supervisé, lui a donné une orientation concrète et a évalué son rendement.

379        Vu la nature des recommandations énoncées dans l’EAT de février 2013 et le témoignage des deux Dres Moustgaard et Lazaridis et des gestionnaires du fonctionnaire quant à son rendement dans le cadre des postes d’ACS et d’APS, il se peut que les tâches de l’un ou l’autre des postes soient des tâches qu’il a exercées dans le passé, mais on peut certes dire qu’il ne les avaient pas exercées de manière compétente.

380        À l’audience devant moi, j’ai eu l’avantage d’entendre tous les Drs Moustgaard, Lazaridis et Suddaby. De plus, j’ai eu l’avantage d’examiner les rapports de ces professionnels et d’autres professionnels qui ont soit traité le fonctionnaire ou vu le fonctionnaire dans le cadre du processus d’EAT. J’ai également eu l’avantage d’entendre le témoignage des superviseurs du fonctionnaire, soit les messieurs Ryan et Bender, et du fonctionnaire lui-même. Malgré le fait que j’ai eu l’avantage d’entendre tous ces témoignages, un avantage dont l’employeur ne bénéficiait pas, je ne puis décider si des mesures supplémentaires auraient pu avoir été mises en place au printemps 2013 pour répondre aux besoins du fonctionnaire.

381        Au moment où le fonctionnaire a déposé ce grief, les renseignements médicaux limités dont disposait l’employeur consistait en la lettre du 14 août. Au moment où la lettre a été envoyée, la Dre Moustgaard avait vu le fonctionnaire une fois (le 8 août 2012) depuis qu’elle l’avait vu la dernière fois, peut-être depuis aussi loin que cinq ans. La Dre Moustgaard était franche dans la lettre du 14 août lorsqu’elle a déclaré que le problème du fonctionnaire était « récurrent » et [traduction] « […] conforme à une pathologie clinique de niveau grave » [le passage en évidence l’est dans l’original]. Dans son témoignage, elle a déclaré que lorsqu’elle l’a vu le 14 novembre 2012, son trouble anxieux était [traduction] « non spécifié », signifiant qu’il avait un trouble qui était [traduction] « si polyvalent qu’il était difficile de l’évaluer ».

382        Si le trouble du fonctionnaire était si polyvalent qu’il était difficile pour son psychologue traitante d’évaluer et qu’elle recommandait que cette évaluation soit faite dans le cadre d’une évaluation de SC, je ne puis savoir exactement la ou les mesures d’adaptation que l’employeur aurait pu avoir mis en œuvre avant l’évaluation de SC recommandée. En réssumé, si les professionnels de la santé étaient confus quant à ce qu’étaient exactement ses malaises et qu’ils suggéraient qu’une autre ressource l’évalue, comment les gestionnaires n’ayant aucune formation dans les dommaines de la santé médicale et mentale (dont avaient suivi les professionnels spécialistes qui le traitaient) pouvaient-ils être bien placés pour déterminer, à ce moment-là, la mesure d’adaptation à prendre?

G. Grief dans les dossiers de la Commission 566-02-11308 et 11309

383        Le fonctionnaire a déposé un grief concernant son licenciement le 24 avril 2015 (grief ministériel no 54954). Son agent négociateur a renvoyé le grief à l’arbitrage pour deux motifs distincts et la Commission lui a attribué deux numéros de dossier. Il a été déposé en ce qui concerne le licenciement du fonctionnaire (sous-al. 209(1)c)(i) de la Loi) (dossier de la Commission 566-02-11308) et à l’omission de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation ayant trait à sa déficience (violation des articles 17 et 19 de la convention collective) (dossier de la Commission no 11309).

384        Pour les motifs suivants, ces griefs sont accueillis.

385        L’employeur a fait valoir qu’il a le pouvoir de licencier un employé pour un rendement insatisfaisant et que la compétence d’un arbitre de grief pour examiner de telles décisions est limitée par l’art. 230 de la Loi. À cet égard, il m’a renvoyé à Reddy, à Kalonji, à Plamondon et à Mazerolle. Il a indiqué en outre les critères que la Commission et ses prédécesseurs ont accepté qui établissent quand la Commission peut intervenir dans de tels cas.

386        Le problème relatif à l’argument de l’employeur est le fait qu’il n’a pas tenu compte de faits évidents de la situation du fonctionnaire et a tenté de faire valoir ses arguments dans l’abstrait, en ne tenant aucunement compte de la déficience évidente et de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation.

387        Je suis disposé à accepter le fait que le rendement du fonctionnaire dans son poste d’attache d’APS au groupe et au niveau AS-05 fût insatisfaisant. Si l’employeur ne l’avait pas muté au poste d’ASC au niveau PM-03 et qu’il n’avait pas divulgué sa déficience à l’employeur, les arguments de l’employeur auraient pu avoir une certaine influence. Toutefois, une fois que sa maladie et sa déficience ont été divulguées, la voie adoptée par les parties après le 14 août 2012 a changé le caractère de sa relation de travail et de son licenciement. La politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation de l’employeur(sans parler du droit en matière d’obligation de prendre des mesures d’adaptation) s’appliquait dans le cadre de leur relation de travail à l’avenir. L’employeur ne pouvait pas simplement se fier aux critères énoncés dans Raymond ou dans des cas semblables. Les parties devaient aborder la situation du fonctionnaire à la lumière de la politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptationde l’employeur et du droit en matière de mesures d’adaptation en milieu de travail. Tout simplement, les règles avaient changé.

388        Environ trois ans après que le fonctionnaire a divulgué sa maladie et sa déficience et après que l’employeur a amorcé un processus important concernant celui-ci et le fonctionnaire portant sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation, il ne pouvait pas déclarer simplement que le rendement du fonctionnaire était insatisfaisant et qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait faire, conformément à ce qui est établi dans la jurisprudence. Ce n’est tout simplement pas vrai. Même si le fonctionnaire a reçu trois évaluations du rendement insatisfaisantes sur quatre, dont la dernière était au cours de l’exercice 2011-2012, il ressort clairement de la preuve qu’il avait une maladie et une déficience qui existaient avant l’arrivée de la lettre du 14 août en 2012.

389        De plus, le fonctionnaire n’aurait peut-être pas occupé un poste particulier de juillet 2013 à avril 2015, mais, selon le témoignage de Mme Ouellette, elle était entièrement satisfaite de son travail. Si les éléments de preuve avaient établi que des mesures d’adaptation complètes avaient été prises en ce qui concerne sa maladie et sa déficience et que son travail demeurait insatisfaisant, l’argument de l’employeur aurait peut-être eu une certaine crédibilité. Toutefois, ce n’est pas ce qui est ressorti de la preuve.

390        Tel que cela a été énoncé antérieurement, il est bien documenté que le fonctionnaire souffrait d’un trouble dépressif majeur, qui tirait probablement son origine d’événements qui sont survenus avant qu’il n’ait commencé son emploi auprès de la CNLC. Selon la preuve médicale, il semble que les problèmes de santé mentale, ainsi que l’apnée du sommeil (diagnostiquée à la fin de 2013) ont probablement joué un rôle important à lui causer des difficultés à exercer les fonctions de son poste d’attache d’APS et de son poste d’affectation d’ASC.

391        L’employeur a invoqué et m’a fourni la jurisprudence suggérant qu’il avait fait tout ce qu’il pouvait pour répondre aux besoins du fonctionnaire; il ne pouvait simplement pas répondre à ses besoins et avait atteint le point de subir une contrainte excessive. Il a laissé entendre qu’il n’a pas répondu à ses besoins, qui étaient clairement indiqués, et qu’il aurait dû avoir été muté de nouveau à son poste d’APS avec des mesures d’adaptation. Je suis en désaccord avec les deux parties.

392        Dans Central Okanogan, la Cour suprême a énoncé que la recherche d’un compromis fait intervenir plusieurs parties. Même si, dans certains cas, la recherche par plusieurs parties peut être abordée simplement au moyen d’une courte lettre ou note du médecin de famille et peut être facilement mise en œuvre par un employeur, dans d’autres cas, les faits dicteront qu’un processus plus complet est nécessaire, ainsi qu’une discussion, des commentaires et une collaboration beaucoup plus approfondis sont nécessaires. Nous sommes en présence de l’un de ces cas.

393        Dans son témoignage devant moi, le Dr Suddaby a affirmé que la plupart des psychiatres et psychologues font des recommandations concernant des mesures d’adaptation qui ne sont pas appropriées parce qu’ils n’ont pas suffisamment de connaissances au sujet du milieu de travail ou de l’emploi visé. Il a déclaré que, lorsque tous les intervenants concernés communiquent de manière efficace avec le niveau de divulgation approprié, il est probable que l’employé sera dans une meilleure position. Les commentaires de tous les intervenants sont importants, mais très rares dans notre système de soins de santé. Les commentaires du Dr Suddaby sont particulièrement pertinents, surtout lorsqu’ils ont trait au fonctionnaire et à sa situation.

394        Selon les éléments de preuve dont je suis saisi, même si toutes les parties ont participé à ce processus à multiples parties, il n’était pas aussi rigoureux qu’il aurait dû l’être. Les problèmes médicaux et de santé mentale du fonctionnaire, par rapport aux exigences de son travail, exigeaient un processus beaucoup plus approfondi de la part de toutes les parties. Même si l’employeur a soutenu qu’il avait tout fait ce qu’il pouvait et qu’il avait atteint le point de subir une contrainte excessive et que le fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’avait pris aucune mesure d’adaptation à son égard, les deux ont tort.

395        Le système ne facilitait pas le règlement de la situation du fonctionnaire. SC a été chargé de réaliser les EAT. La Dre Lazaridis a dirigé cette tâche et elle a demandé des commentaires du médecin de famille du fonctionnaire et de son psychiatre traitant. Elle a également demandé des avis d’experts (même s’il s’agissait de différents moments) dont un psychologue et un psychiatre. Tous les professionnels de la santé ont convenu que le fonctionnaire souffrait d’un trouble dépressif majeur. Cependant, à un moment donné entre août 2012 et juin 2014, ils avaient souvent des points de vue très différents quant à la façon dont la maladie se présentait, si elle se présentait; quant à la façon dont elle touchait le fonctionnaire; quant à la façon dont les effets sur celui-ci devraient être traités en milieu de travail à l’aide de mesures d’adaptation.

396        Avant de remettre son EAT de février 2013, la Dre Lazaridis n’a non seulement évalué elle-même le fonctionnaire, mais elle a également reçu des renseignements des Drs Kasbia (un médecin de famille), Moustgaard (un psychologue traitant) et Dessaulles (un expert psychologue). Même si la Dre Lazaridis a reçu des rapports de ces sources et des renseignements écrits de l’employeur, elle n’a parlé à aucun de ceux-ci. Bien que cela ne soit pas nécessairement inhabituel, le problème est le suivant : les rapports des professionnels de la santé étaient, en ce qui concerne des aspects importants, contradictoires. Même si la Dre Moustgaard estimait que le fonctionnaire pouvait demeurer au travail et que le travail constituait un facteur de protection pour lui, la Dre Kasbia a ordonné qu’il prenne un congé et qu’il retourne au travail de manière progressive. D’autre part, le Dr Dessaulles a affirmé (le 10 décembre 2012) que le fonctionnaire n’était pas apte à travailler, a suggéré un congé de six mois et a déclaré que s’il demeurait au travail, il pouvait subir de graves conséquences possibles puisque son rendement au travail continuerait d’être un problème.

397        Au printemps 2014, lorsque l’employeur a demandé que SC évalue de nouveau le fonctionnaire en ce qui concerne une EAT, la Dre Lazaridis l’a vu encore une fois et a demandé des commentaires du Dr Suddaby. Au cours de cette période, la Dre Moustgaard a déclaré dans son témoignage qu’elle n’avait pas vu le fonctionnaire depuis mai 2013 et qu’elle ne l’avait pas vu encore avant septembre 2014 (soit des dates bien avant et bien après l’EAT de juin 2014). En juin 2014, lorsque la Dre Lazaridis a écrit à l’employeur et a affirmé que la mesure d’adaptation en place en fonction de l’EAT de février 2014 et de la lettre subséquente de mai 2013 devrait demeurer en place, l’expert qu’elle avait recommandé que le fonctionnaire consulte et qu’il évalue le fonctionnaire, soit le Dr Suddaby, a affirmé dans son rapport de 13 pages à l’intention de la Dre Lazaridis que le trouble dépressif majeur du fonctionnaire était en rémission et qu’aucune mesure d’adaptation n’était nécessaire à cet égard. Le fonctionnaire et la Dre Moustgaard semblent avoir accepté ce fait, tel que cela ressort de son témoignage devant moi. De plus, le Dr Suddaby a déclaré que le fonctionnaire avait d’importants problèmes de comportement qui n’étaient pas de nature médicale et que l’employeur devrait les aborder dans le cours normal de l’administration.

398        Malgré les points de vue du Dr Suddaby, dans l’EAT de juin 2014, la Dre Lazaridis a affirmé que le fonctionnaire n’était pas considéré comme apte sur le plan médical à reprendre toutes les fonctions de son poste au groupe et au niveau AS-05 (le poste d’APS). Elle a déclaré qu’il poursuivait son traitement. La raison pour laquelle il n’était pas considéré comme apte sur le plan médical à reprendre toutes ces fonctions ne m’a pas été expliquée clairement. Le traitement qu’il recevait ne m’a pas été précisé ni expliqué clairement. Selon les éléments de preuve dont je suis saisi, son médecin traitant était le Dr Kasbia. Il n’a pas témoigné et le dernier rapport médical déposé en preuve était le rapport qu’il a remis à la Dre Lazaridis en novembre 2012. Le Dr Douglass, qui a traité l’apnée du sommeil du fonctionnaire, n’a pas témoigné et son dernier rapport datait du 5 décembre 2013. En conséquence, je dois soupçonner que lorsqu’elle a renvoyé au médecin traitant, la Dre Lazaridis voulait dire la Dre Moustgaard. Toutefois, elle est une psychologue et non une docteure en médecine. Cela dit, il est ressorti des éléments de preuve que le fonctionnaire ne l’avait pas vu depuis le 23 mai 2013, au moins un an auparavant.

399        Tel que cela a été indiqué antérieurement, l’affectation du fonctionnaire au poste d’ASC a pris fin en juin 2013, après quoi il a pris un congé de maladie d’un mois. Il est retourné au travail aux fins d’un projet spécial sous la supervision de Mme Ouellette jusqu’à son licenciement.

400        En janvier 2015, on a demandé au fonctionnaire de rencontrer Mme Gaudet, qui était à ce moment-là responsable du groupe CSP à la CNLC; dans le cadre de son poste d’attache, le fonctionnaire relevait indirectement d’elle. Le 7 janvier 2015, le fonctionnaire; la représentante de son agent négociateur, Mme Habraken; Mme Gaudet; et Mme Gratton, une représentante des RH de l’employeur, ont tous eu une réunion. Selon Mme Gaudet, qui était la force motrice de la réunion, son objectif était d’amorcer le processus visant à obtenir la collaboration du fonctionnaire aux fins d’une EMI, qu’elle a indiqué être nécessaire parce qu’il éprouvait encore des difficultés en ce qui concerne l’exécution de tâches multiples et les fonctions familières ne l’aidaient pas à retourner à son poste d’APS. Elle a décrit le processus comme la détermination de la façon de l’aider à obtenir et à retenir des renseignements afin de mieux l’aider à retourner à son poste d’APS. Elle a affirmé qu’il ne pouvait pas continuer de travailler sur le projet spécial sous la supervision de Mme Ouellette parce que, sans mâcher ses mots, il s’agissait d’un projet d’emploi factice.

401        L’employeur envisageait cette nouvelle EMI depuis l’automne 2014. Dans son témoignage, M. Cenaiko a confirmé que le fonctionnaire devait faire l’objet d’une IME parce qu’il était nécessaire d’obtenir plus de renseignements en ce qui concerne ses compétences et son aptitude au travail.

402        Ce qui a découlé de la réunion du 7 janvier 2015 était un désaccord continu entre l’employeur et le fonctionnaire au sujet de l’EMI. Il lui semblait que l’employeur voulait qu’il subisse une évaluation neuropsychologique. L’employeur a été quelque peu évasif à accepter le fait que c’était ce qu’il voulait, mais en fin de compte, c’était exactement ce qu’il voulait. D’autre part, le fonctionnaire ne semblait pas être disposé à subir ce type d’évaluation.

403        Il est ressorti de la preuve que, même si le fonctionnaire a suggéré qu’il était contre l’évaluation neuropsychologique, en fin de compte, il a signé un formulaire de consentement. Cela a été de courte durée, malgré son supposé consentement, parce qu’il a déposé immédiatement un grief concernant le processus. Le grief a été tranché au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et le 4 mars 2015, M. Cenaiko a maintenu le grief et a décidé que le fonctionnaire n’était pas tenu de participer à une autre EAT. Dans sa réponse au dernier palier, M. Cenaiko a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Je crois comprendre que des précisions sont requises afin de prendre des mesures d’adaptation raisonnables et appropriées à l’égard de votre invalidité dans le milieu de travail. Pour ce faire, votre collaboration a été demandée en vue de participer à une évaluation médicale indépendante (EMI) afin de fournir à la Commission des libérations conditionnelles du Canada les renseignements nécessaires en ce qui concerne vos forces et vos limitations fonctionnelles et professionnelles.

Vous avez exprimé à de nombreuses reprises que vous êtes très ambivalent à l’égard du fait de consentir à une autre évaluation médicale et que vous considérez cette demande comme « un autre exemple de harcèlement et de discrimination […] » dont vous avez fait l’objet de la part de gestionnaires à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Bien que je sois en désaccord avec votre déclaration selon laquelle la direction a commis un acte discriminatoire à votre endroit en vous demandant de collaborer en participant à une EMI, je ne tiens pas à exacerber davantage votre invalidité. Nous rendrons par conséquent une décision concernant la capacité de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation à votre égard à la Commission des libérations conditionnelles du Canada en fonction des renseignements que nous avons déjà reçus de votre professionnelle de la santé, la Dre Amy Moustgaard, et des évaluations précédentes effectuées par Santé Canada.

[…]

404        Immédiatement après cette réponse, le 6 mars 2015, la Dre Moustgaard a envoyé une lettre à l’employeur, en affirmant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

M. Herbert est toujours sous mes soins d’un point de vue fondé sur la thérapie psychologique. Il m’a récemment raconté qu’une décision a été rendue dans un grief concernant la demande de la Commission des libérations conditionnelles du Canada qu’il fasse l’objet d’une évaluation neuropsychologique. Étant moi-même neuropsychologue, je ne vois pas pourquoi cette forme d’évaluation a été soulevée comme une exigence pour déterminer son besoin en matière de mesures d’adaptation. M. Herbert souffre d’un trouble dépressif majeur, et d’un trouble d’anxiété généralisé et récurrent. Au cours des huit dernières années au cours desquelles j’ai connu M. Herbert, les limitations subjectives dans son fonctionnement cognitif (p. ex. rapidité de traitement de l’information, prise de décisions, attention soutenue) n’apparaissent qu’au cours des périodes de dépression aiguë et d’anxiété liée au stress. Cependant, pendant les périodes d’humeur stable, ces problèmes ne sont pas présents.

M. Herbert m’a rapporté qu’il est nécessaire de préciser ma recommandation originale en ce qui concerne les mesures d’adaptation (14 août 2012). Je recommande que M. Herbert se livre à du travail qui lui est familier, et qui correspond à ses compétences et à son expérience.

De façon à ne pas exacerber l’invalidité de M. Herbert, je vous encouragerais à lui demander ce que l’on entend par « mesures d’adaptation » dans son cas. Cette façon de faire serait conforme à la Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale. M. Herbert a une excellente connaissance de ses compétences et serait en mesure de les énoncer sans difficulté.

[…]

405        À ce stade critique, ni l’employeur ni le fonctionnaire n’étaient en harmonie en ce qui concerne les principes énoncés par la Cour suprême dans Central Okanagan.

406        Dans son témoignage devant moi, Mme Gaudet a affirmé que l’EMI, en tant qu’évaluation neuropsychologique ou autre chose, était nécessaire parce que l’employeur estimait que sans une évaluation spécialisée du fonctionnaire, il ne pouvait pas prendre une mesure d’adaptation. Elle a affirmé que cette croyance était fondée sur le fait que l’employeur n’avait pas suffisamment de renseignements pour effectuer un exercice approprié relatif aux mesures d’adaptation. L’EMI était nécessaire pour comparer les résultats précis concernant le profil cognitif du fonctionnaire, pour évaluer ses forces et ses faiblesses, ainsi que ses styles cognitifs et d’apprentissage personnels. Elle a indiqué que l’employeur avait besoin d’un spécialiste et qu’il avait des préoccupations selon lesquelles les fonctions professionnelles du fonctionnaire étaient limitées. Cela correspondait également au témoignage de M. Cenaiko, sans le dire explicitement.

407        Je n’ai aucune raison de douter ce que Mme Gaudet a affirmé au sujet du raisonnement de la demande d’une autre évaluation médicale. Contrairement aux professionnels de la santé, j’ai eu l’avantage d’entendre le témoignage des trois superviseurs du fonctionnaire, soit M. Ryan, M. Bender et Mme Ouellette. J’ai également eu l’avantage d’entendre des témoignages portant sur le travail qu’il devait exécuter dans le cadre des postes d’APS et d’ASC, sur les difficultés qu’il éprouvait à exécuter le travail exigé dans le cadre de ces postes et le milieu de travail. En outre, contrairement à l’employeur, j’ai eu l’avantage d’entendre le témoignage de trois professionnels de la santé, y compris la psychologue traitante du fonctionnaire, un médecin de SC chargé de la réalisation des EAT (la Dre Lazaridis) et l’expert psychiatre (le Dr Suddaby).

408        Les éléments suivants ressortent clairement de tous les témoignages des professionnels de la santé :

  • le fonctionnaire souffre d’un trouble dépressif majeur qui, lorsqu’il n’est pas en rémission, peut le débiliter extrêmement et lui causer des difficultés cognitives;
  • son trouble n’est pas statique; il varie selon son niveau de gravité et de ses effets sur lui;
  • son trouble entre en rémission et, en conséquence, il devrait être en mesure de fonctionner à un niveau beaucoup plus élevé;
  • en plus du trouble dépressif majeur, il souffre de l’apnée du sommeil, qui touche également probablement son fonctionnement cognitif en soi et peut-être en plus du trouble dépressif majeur;
  • la Dre Lazaridis avait recommandé un suivi six mois après l’EAT de juin 2015 puisque le fonctionnaire devait recevoir des traitements.

409        Il n’y a aucun doute en ce qui concerne les aspects de la santé mentale et de ses capacités d’exercer certaines fonctions et tâches. En mars 2015, les faits suivants étaient connus à son sujet :

  • il n’avait pas occupé son poste d’attache d’APS depuis près de trois ans;
  • pendant la période de juillet 2012 à juin 2014, il n’a jamais exercé toutes les fonctions du poste d’ASC;
  • pendant la période de juillet 2014 à janvier 2015, il a travaillé sur un projet spécial qui n’était pas propre à un poste et il réalisait des tâches qui n’étaient pas nécessaires. Toutefois, son superviseur estimait qu’il faisait un bon travail.

410        Selon les éléments de preuve que j’ai examinés, dont l’employeur ou les superviseurs du fonctionnaire n’avaient peut-être pas nécessairement vus, il n’y a aucun doute que l’affectation au poste d’ASC a eu un effet sur le trouble dépressif du fonctionnaire. Malgré peut-être les bonnes intentions des messieurs Ryan et Bender, il semble des notes cliniques de la Dre Moustgaard qu’il est possible que cette affectation ait aggravé le trouble du fonctionnaire et, en conséquence, a créé plus de difficultés pour lui plutôt que de régler ses lacunes liées au travail.

411        En fin de compte, plutôt que de mener une EAT rigoureuse et complète, l’employeur s’est adapté au grief du fonctionnaire et, plutôt que de recueillir des renseignements médicaux et sur les mesures d’adaptation dont il avait besoin (qui, à l’audience, a admis être nécessaires), a déterminé qu’il rendrait une décision quant à l’emploi du fonctionnaire et à la mesure d’adaptation en fonction de renseignements médicaux désuets et à sa contribution à une autoévaluation de ses compétences et habilités. Ce processus a été profondément vicié et voué à l’échec.

412        Le fonctionnaire a contesté une autre EAT sous forme d’une EMI ou d’une évaluation neuropsychologique et a déposé un grief à l’encontre de l’obligation d’en subir une. Cela dit, il a souffert du trouble dépressif majeur que l’employeur savait lui causait d’importants problèmes cognitifs. Je n’ai aucun doute que vu les problèmes de santé mentale dont il était atteint, le fonctionnaire n’était probablement pas la bonne personne à juger ce qu’il pouvait faire ou son niveau de compétence. Pourtant, c’est ce que l’employeur a fait, à la lumière de ce fait et en affirmant qu’il ne pouvait pas évaluer les compétences du fonctionnaire et la mesure d’adaptation sans une autre évaluation par un spécialiste.

413        La correspondance de la Dre Moustgaard à ce stade (le 5 mars 2015) n’a pas aidé la situation. Même si elle traitait le fonctionnaire, un facteur important à prendre en compte est que le médecin traitant d’une personne (ou, en l’espèce, la psychologue traitante) offre à la personne une attention et des conseils en matière de traitement, fondés sur la diagnostique du médecin à l’égard de cette personne. Leurs objectifs sont le bien-être de leurs patients et de les aider à se rétablir de ce dont ils souffrent. Selon un certain nombre de différents faits et facteurs, leurs interventions, commentaires ou recommandations, peuvent ou non aider ou être faisables dans le cadre d’une mesure d’adaptation.

414        Cela dit, encore une fois, j’ai eu l’avantage d’entendre le témoignage de ce qui se passait dans le milieu de travail, tandis que la Dre Moustgaard n’avait entendu que ce que le fonctionnaire avait choisi de lui dire. De plus, elle aurait pu avoir fait des hypothèses et des évaluations fondées sur des renseignements erronés qu’il lui a fournis.

415        Dans son témoignage devant moi, lorsqu’elle a décrit un [traduction] « travail qui est familier », la Dre Moustgaard l’a décrit comme signifiant un travail à l’égard duquel le fonctionnaire était [traduction] « à l’aise et compétent ». Son domaine de spécialité est la psychologie. D’autre part, les superviseurs du fonctionnaire étaient bien au courant du fait qu’il devait exercer les fonctions en question. Laissant entendre encore une fois qu’environ trois ans après la lettre du 14 août qu’il exerce des fonctions qui lui étaient familières. Toutefois, un examen attentif de ses notes et de son témoignage devant moi indique que le fonctionnaire lui avait dit qu’il était retourné à son poste d’APS antérieur et qu’il respectait les exigences de travail et qu’il y répondait. Ce qui n’était clairement pas le cas, mais cela aurait bien pu avoir une incidence sur l’évaluation de la Dre Moustgaard en mars 2015, faisant en sorte qu’elle suppose qu’il existait un travail (son poste d’attache) qui lui était familier.

416        Même si certains des actes du fonctionnaire lui-même n’ont pas aidé sa situation, on ne peut pas faire abstraction du fait qu’il souffrait d’un trouble de santé mentale complexe qui aurait pu avoir influé sur ces actes. L’employeur et son agent négociateur étaient tenus d’agir de manière responsable afin de veiller à ce qu’il ait, à tout le moins, l’occasion de faire l’objet de mesures d’adaptation. Ce qu’ils n’ont pas fait. En fin de compte, même si tout le monde devait en faire plus, c’est le fonctionnaire qui a perdu son emploi.

417        Il est impossible d’évaluer si le fonctionnaire aurait pu retourner à son poste d’attache d’APS, avec ou sans une mesure d’adaptation, ou s’il avait pu combler un autre poste vacant ou poste à la CNLC parce que l’employeur a consenti au grief concernant l’obligation de subir une autre EAT (sous toute forme que ce soit) à la lumière de savoir que les renseignements qu’il avait dans son dossier étaient insuffisants pour lui permettre de prendre les décisions nécessaires pour répondre à ses besoins en matière d’emploi et d’adaptation (s’il y a lieu). Plutôt que de faire ce qui était nécessaire, il a adopté la voie de la facilité.

418        Peut-être que le fonctionnaire aurait pu être retourné à son poste d’APS ou peut-être sa déficience est telle qu’il n’aurait simplement pas été en mesure d’exécuter le travail requis du poste ou de tout poste à la CNLC. Toutefois, il est impossible de répondre à cette question parce que le processus n’a pas été suivi et, par conséquent, l’employeur a manqué à son obligation dans le cadre du processus d’adaptation.

419        Tel que cela est indiqué ci-dessus, les parties ont demandé et j’ai accepté que la Commission ne tranche que la question liée à la responsabilité à la suite de la présente audience. Ayant accueilli les griefs, j’ai conservé la compétence d’entendre, à une date ultérieure, les témoignages et les arguments des parties en ce qui concerne la question de réparation.

420        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

421        Le grief figurant au dossier 566-02-8829 est rejeté.

422        Le grief figurant au dossier 566-022-8830 est rejeté.

423        Le grief figurant au dossier 566-02-10258 est rejeté.

424        Les griefs figurant aux dossiers 566-02-11308 et 11309 sont accueillis.

425        Les parties doivent, dans les 15 jours suivant la date de la présente décision, se consulter et fournir au greffe des dates convenues mutuellement d’une audience supplémentaire en vue de trancher toute question en suspens. Les dates suggérées doivent être dans les 120 jours suivant la date de la présente décision.

Le 11 septembre 2018.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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