Décisions de la CRTESPF

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Date: 20180227

 

 Dossier: 585-02-67

                                                                                                                              

 Référence: 2018 CRTESPF 16

Loi sur la Commission

des relations de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral et

Loi sur les relations de travail

dans le secteur public fédéral

Arms of Canada/Armoiries du Canada

Devant une formation de la

Commission des relations

de travail et de l’emploi

dans le secteur public fédéral

 

DANS L’AFFAIRE DE LA

LOI SUR LES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE SECTEUR PUBLIC FÉDÉRAL

et d’un différend entre

l’Association professionnelle des agents du service extérieur, l’agent négociateur,

et le Conseil du Trésor, l’employeur,

relativement à l’unité de négociation du Service extérieur

 

                                                                             

 

Répertorié

L’Association professionnelle des agents du service extérieur c. Conseil Trésor

 

 

 

MANDAT MODIFIÉ

DESTINATAIRES : Ian Mackenzie, président de la commission d’arbitrage;
Ronald A. Pink et Jock Climie, membres du conseil d’arbitrage

Devant : Catherine Ebbs, présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

Pour l’agent négociateur :       Ron Cochrane, Association professionnelle des agents du service extérieur

Pour l’employeur :        Daniel Cyr, Conseil du Trésor

Décision rendue sur la base d’arguments écrits,

datés du 20 décembre 2017, des 11, 16 et 22 janvier et du 16 février 2018.

(Traduction de la CRTESPF)


MANDAT

1                        Dans la décision 2017 CRTESPF 26, rendue le 22 septembre 2017, la présidente de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « CRTESPF ») a publié le mandat dans le dossier de la Commission 585-02-67 (le « mandat » à la suite d’une demande d’arbitrage formulée par l’Association professionnelle des agents du service extérieur (l’« agent négociateur »). La demande a été formulée à l’égard d’employés du Conseil du Trésor du Canada (l’« employeur ») dans l’unité de négociation du service extérieur (« FS ») (l’« unité de négociation du FS »).

2                        Les parties ont été informées dans la décision que, dans l’éventualité où une question de compétence était soulevée dans le cadre de l’audience quant à l’inclusion d’une question dans le mandat, alors cette question devait être soumise sans délai à la présidente de la CRTESPF, qui est, aux termes du par. 144(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »), la seule personne autorisée à rendre une telle décision.

3                        Au moyen d’une lettre du 20 décembre 2017, l’employeur a déposé des observations à l’appui d’une objection préliminaire relative à la compétence qu’il formulait à l’égard de l’inclusion dans le mandat concernant cinq nouvelles clauses de la convention collective que l’agent négociateur avait proposées (les clauses 24.02, 24.05, 24.07, 44.02 et 44.03).

4                        Au moyen d’une lettre du 11 janvier 2018, l’employeur a déposé des observations à l’appui d’une objection préliminaire supplémentaire relative à la compétence qu’il formulait à l’égard de l’inclusion dans le mandat concernant une autre clause de la convention collective que l’agent négociateur avait proposée (la clause 24.06).

5                        Au moyen d’une lettre du 16 janvier 2018, l’agent négociateur a déposé des observations en réponse à la première objection relative à la compétence de l’employeur.

6                        Au moyen d’une lettre du 22 janvier 2018, l’agent négociateur a déposé des observations en réponse à l’objection relative à la compétence supplémentaire de l’employeur.

7                        Au moyen d’une lettre du 16 février 2008, l’employeur a déposé des observations en réponse aux réponses de l’agent négociateur, dans laquelle il a également déclaré qu’il retirait son objection à l’inclusion de la clause 24.02.

8                        La CRTESPF a informé les parties que la présidente trancherait les objections relatives à la compétence sur la base de leurs arguments écrits.

Motifs

 

Les dispositions législatives applicables

 

9                        D’après le par. 144(1) de la Loi, la présidente renvoie les questions en litige entre les parties au conseil d’arbitrage (le « conseil »), sous réserve des articles 150 et 238.22 de la Loi, dont seul l’art. 150 est pertinent aux questions en litige. Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

144 (1) Sous réserve des articles 150 et 238.22, dès la constitution du conseil d’arbitrage, le président lui renvoie les questions en litige.

[…]

150 (1) La décision arbitrale qui régit une unité de négociation qui n’est pas définie à l’article 238.14 ne peut pas avoir pour effet direct ou indirect de modifier, de supprimer ou d’établir une condition d’emploi :

a) soit de manière à nécessiter ou entraîner l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application;

b) soit qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État;

c) soit qui porte sur des normes, procédures ou méthodes régissant la nomination, l’évaluation, l’avancement, la mutation, le renvoi en cours de stage ou la mise en disponibilité des fonctionnaires;

d) soit, dans le cas d’un organisme distinct, qui porte sur le licenciement, sauf le licenciement imposé pour manquement à la discipline ou inconduite;

e) soit de manière que cela aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique, l’attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de celle-ci et leur classification.

(2) Sont exclues du champ de la décision arbitrale les conditions d’emploi n’ayant pas fait l’objet de négociations entre les parties avant que ne soit demandé l’arbitrage.

 

10                     Par conséquent, étant donné qu’il est interdit à la commission de rendre des décisions arbitrales dans les domaines énumérés à l’art. 150, toute question en litige relativement à ces domaines ne peut pas faire partie du mandat.

11                     La question dont je suis saisie consiste à décider si les nouvelles clauses auxquelles l’employeur s’est opposé sont des questions qui peuvent être renvoyées au conseil en application du par. 144(1) et de l’art. 150.

Clause 24.05

 

12                     La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

[Traduction]

24.05  Un agent du service extérieur peut refuser de travailler dans un environnement qui mettrait sa santé ou sa vie en danger.

13                     L’employeur fait valoir que cette clause va à l’encontre de l’al. 150(1)a) de la Loi et de sa disposition connexe, l’al. 113a), qui dispose ce qui suit :

113 La convention collective qui régit une unité de négociation qui n’est pas définie à l’article 238.14 ne peut pas avoir pour effet direct ou indirect de modifier, de supprimer ou d’établir :

                             a) une condition d’emploi de manière que cela nécessiterait l’adoption ou la modification d’une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application […]

14                     Plus particulièrement, l’employeur fait valoir que cette proposition exigerait l’apport de modifications à la partie II du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L‑2 : le « Code ») en ce qui concerne les circonstances permettant de refuser du travail dangereux, ainsi que le processus prévu par la loi en vertu du Code et du règlement applicable. L’employeur n’a pas précisé quelles seraient les dispositions du Code touchées, mais a souligné qu’en vertu du Code, le droit de refuser du travail prend effet uniquement lorsqu’il y a une situation, condition ou tâche raisonnablement susceptible de constituer une menace imminente ou sérieuse à la vie ou à la santé d’une personne qui y est exposée avant que la situation ou la condition ne puisse être corrigée ou la tâche modifiée. Cependant, un employé ne peut se prévaloir du droit de refuser du travail si le refus compromet la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne directement en danger ou si le danger est une condition d’emploi normale.

15                     L’employeur signale que l’agent négociateur a indiqué dans ses observations que la nouvelle clause 24.05 proposée vise à aller au-delà des dispositions du Code et confère aux employés dans le groupe FS la capacité de refuser des affectations dans certaines régions où le gouvernement du Canada a des missions diplomatiques et consulaires. L’employeur fait valoir que la position de l’agent négociateur signifierait effectivement qu’un manque de couverture d’assurance dans des régions d’affectation dangereuses deviendrait un motif pour refuser certaines affectations de travail.

16                     L’employeur fait essentiellement valoir que la clause 24.05 irait au-delà de ce qui est envisagé dans le Code et conférerait une protection ou des options supplémentaires aux employés FS.

17                     Je ne vois pas en quoi cela exigerait l’apport d’une modification au Code. Les parties pourraient négocier librement cette condition, qui ajouterait aux droits des employés prévus en vertu du Code. L’employeur n’a pas démontré pour quelle raison l’adoption d’une telle condition exigerait nécessairement une modification au Code et, par conséquent, déclencherait l’application des al. 113a) et 150(1)a). Par conséquent, je ne suis pas convaincu par cet argument.

18                     De plus, l’employeur soutient que la question du droit de refus d’un employé du travail est déjà visée par la convention collective par l’intermédiaire de la partie XIX de la Directive sur la santé et la sécurité au travail (la « directive ») du Conseil national mixte (le « CNM »), conformément à la clause 40.05 de la convention collective, qui stipule que la directive fait partie de la convention collective.

19                     La partie XIX dispose qu’elle renforce et complète la partie II du Code et qu’elle devrait être interprétée dans ce contexte. À la clause 19.1, la disposition dispose également que la sélection d’un mécanisme de recours prévu dans le Code est révocable si l’employeur et l’employé en conviennent, et si aucune solution n’est trouvée en vertu de la directive, l’une ou l’autre des parties peut utiliser le processus prévu en vertu du Code. Par conséquent, selon l’employeur, la nouvelle clause 24.05 proposée [traduction] « incombe catégoriquement au CNM » et devrait être négociée dans le cadre du processus de révision périodique convenu par l’employeur et l’agent négociateur, et décrit à la partie 7 du Règlement du CNM. L’employeur souligne également que ce Règlement exige que l’agent négociateur [traduction] « s’abstienne » de formuler une proposition de négociation collective contenant des points contenus dans une directive du CNM, à moins que l’agent négociateur se soit retiré du processus de révision périodique de la directive, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

20                     En réponse, l’agent négociateur souligne que cette proposition a été incluse dans l’échange initial de propositions au début de la négociation, il y a plusieurs années, mais l’employeur n’a jamais soulevé une préoccupation selon laquelle elle ne devrait pas faire l’objet des négociations à l’époque. C’est la première fois qu’une objection a été soulevée. Depuis le début de la négociation, des échanges de propositions concernant la révision périodique des Directives sur le service extérieur du CNM ont eu lieu. Cependant, depuis qu’on a reçu la proposition concernant cette clause il y a plusieurs années, l’employeur n’a pas suivi la procédure adéquate pour participer au processus d’examen des Directives sur le service extérieur du CNM.

21                     Je ne suis pas convaincue du fait que l’argument de l’employeur établit une objection valide relative à la compétence pour ce qui est de l’inclusion de la clause 24.05 proposée dans le mandat. L’employeur n’a pas démontré en quoi le fait que la clause traite d’une question qui est également mentionnée dans la directive signifie que son inclusion dans le mandat contreviendrait à l’une des dispositions visées à l’art. 150 de la Loi. Si ce fait montre quelque chose, c’est que l’employeur et l’agent négociateur ont déjà convenu d’« améliorer et de compléter » les dispositions du Code sans la nécessité de le modifier, ce qui est conforme à ma conclusion antérieure à l’égard du premier argument de l’employeur.

22                     Enfin, l’employeur fait également valoir que la clause proposée aurait une incidence sur l’organisation de la fonction publique ou l’attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées au sein de celle-ci. Essentiellement, il fait valoir que la capacité des employés de refuser des affectations pour des motifs qui vont au‑delà de ce qui est déjà prévu dans le Code l’empêcheront d’affecter des employés à certaines fonctions. Je ne suis également pas convaincue par cet argument. La clause proposée n’empêcherait pas l’employeur d’affecter ses employés pour accomplir ces fonctions. La clause créerait uniquement la possibilité pour un employé de refuser de travailler si les circonstances décrites dans la clause étaient présentes.

23                      Par conséquent, l’employeur n’a pas établi que la clause 24.05 proposée ne relève pas de la compétence de la commission.

Clause 24.06

 

24                     La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

                   [Traduction]

                   24.06  Nonobstant tous les autres avantages concernant les employés qui, en raison de leur affectation, rendraient leur couverture MA et M nulle et non avenue, recevront une COUVERTURE MA et M PAYÉE PAR L’EMPLOYEUR POUR 1 000 000 $. La prime payée par l’employeur constituera un avantage non imposable.

 

La « couverture MA et M » mentionnée dans la clause renvoie à une assurance en cas de mort accidentelle ou de mutilation.  

25                     L’employeur fait valoir que cette clause va également à l’encontre des al. 113a) et 150(1)a) de la Loi, car elle propose de rendre un avantage imposable non imposable, ce qui nécessiterait l’adoption ou la modification d’une loi, à savoir la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.); la « LIR »). L’employeur soutient que la question de savoir si un avantage particulier est imposable est déterminée par la loi et, par conséquent, elle ne peut être incluse dans le mandat du conseil. La disposition particulière en question est l’al. 6(1)e.1) de la LIR, qui porte sur le traitement fiscal des régimes d’assurance collective contre la maladie ou les accidents. L’employeur stipule que, dans une lettre du 12 juin 2017, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a confirmé que, selon cette disposition de la LIR, les primes payées par l’employeur pour la couverture collective d’assurance-mort accidentelle et mutilation doivent être incluses par les employés dans le calcul de leur revenu d’emploi.

26                     Par conséquent, l’employeur fait valoir que, pour accomplir ce que la clause 24.06 propose dans sa dernière phrase, la LIR devrait être modifiée, ce qui contreviendrait aux al. 113a) et 150(1)a) de la Loi et que cela ne peut pas faire partie du mandat.

27                     Dans sa réponse à l’objection de l’employeur, l’agent négociateur indique qu’avant 2014, on ne demandait pas aux employés de payer de l’impôt sur les primes. L’employeur a tenté de modifier cette pratique en 2014, mais a corrigé le tir après que l’agent négociateur s’y soit opposé. L’agent négociateur soutient que l’ARC n’a pas insisté sur le fait que les employés paient des impôts à l’égard des primes. Il signale un courriel que l’employeur lui a envoyé le 1er février 2016, déclarant que l’ARC a confirmé à l’employeur que les primes sont non imposables, car il s’agit de polices individuelles, pas de polices collectives. Il convient de souligner que la lettre de l’ARC du 12 juin 2017, que l’employeur a déposé avec ses observations, portait sur le traitement des polices collectives.

28                     De toute façon, peu importe l’interprétation pouvant être appropriée aux circonstances particulières des employés en question, le fait est que la détermination est fondée sur les dispositions de la LIR, et toute modification nécessiterait l’apport d’une modification à cette loi ou à l’adoption de nouvelles dispositions législatives. En conséquence, le conseil n’aurait pas compétence pour rendre la décision demandée, car cela contreviendrait aux al. 150(1)a) et 133a) de la Loi. La question du traitement fiscal des primes payées par l’employeur ne peut donc pas faire partie du mandat.

29                     Je souligne que, même si la dernière phrase de la clause 24.06 proposée ne peut pas être incluse dans le mandat, l’employeur n’a présenté aucun motif pour exclure le reste de la clause. En conséquence, je distinguerai la partie qui ne relève pas de la compétence du conseil du reste de la proposition, qui relève toujours de sa compétence (voir Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20, au par. 31; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Procureur général du Canada, 2015 CF 55, au par. 46 (« Statistique Canada »)).

Clause 24.07

 

30                     La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

[Traduction]

24.07  Les parties reconnaissent que la partie 2 du Code canadien du travail s’applique au Canada et aux missions à l’étranger, et ont la responsabilité de s’assurer que les dispositions sont respectées.

31                     L’employeur s’oppose à l’inclusion de cette clause dans le mandat, car elle propose des droits qu’ont déjà les agents du groupe FS en vertu du Code. Il fait valoir que les droits et obligations énoncées dans le Code font partie de la convention collective, même en l’absence d’un libellé particulier en ce sens dans la convention. Il fait remarquer que la clause 1.04 de la convention collective qu’aucune disposition ne doive être interprétée comme une diminution ou une restriction d’un droit conféré à un employé par une loi du Parlement du Canada.

32                     Par conséquent, l’employeur fait valoir qu’il serait redondant d’inclure la clause proposée dans la convention collective. En outre, l’employeur fait valoir que cela pourrait éventuellement rendre ces questions confuses en créant un certain chevauchement avec le Code, qui prévoit déjà un régime exhaustif pour prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi, y compris un processus de règlement interne des plaintes en vertu de l’art. 127.1.

33                     D’après ce qui précède, l’employeur fait valoir qu’il n’est pas nécessaire d’inclure le nouveau libellé proposé.

34                     Cependant, l’employeur omet d’établir pour quel motif lié à la compétence la clause devrait être exclue autrement que pour formuler une déclaration générale selon laquelle il ne s’agit pas d’une question en litige aux termes du par. 144(1) de la Loi et qu’elle est [traduction] « trop générale » et pourrait exiger l’adoption et la modification d’une loi, ce qui contrevient à l’al. 150(1)a). L’employeur n’explique pas en quoi la clause est trop générale et, le cas échéant, la raison pour laquelle le Code devrait être modifié simplement pour interpréter un libellé contractuel différemment de toute autre condition de la convention collective.

35                     En ce qui concerne l’argument lié à la redondance, l’agent négociateur fait observer à juste titre qu’il ne s’agit pas d’une question liée à la compétence. Si le Code protège les employés dans le cadre de leurs affectations de travail, le reconnaître n’élimine pas leurs droits en vertu de celui-ci et ne fait rien de plus que de rendre ces droits plus visibles. Comme le fait observer l’agent négociateur dans ses observations, les conventions collectives du secteur public contiennent habituellement des clauses portant sur l’« élimination de la discrimination », même si celles-ci reproduisent les protections conférées par la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C., 1985, ch. H-6; la « LCDP »). Il n’y a aucune raison de croire que la discrimination ne puisse pas faire partie du mandat si une partie devait proposer, par exemple, que la portée de la disposition portant sur l’« élimination de la discrimination » devrait être étendue à des motifs qui ne sont pas énumérés dans la LCDP.

36                     En conséquence, je conclus que l’employeur n’a pas établi que la proposition contenue à la clause 24.07 ne relève pas de la compétence du conseil.

Clause 44.02

 

37                     La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

[Traduction]

 

44.02  L’employeur ne donnera pas en sous-traitance du travail qui est habituellement accompli par des employés du groupe FS au sens de la définition du groupe professionnel des agents du service extérieur.

 

38                     L’employeur fait valoir que cette clause, qui l’empêcherait de donner du travail du groupe FS en sous-traitance, contreviendrait à l’al. 150(1)e) de la Loi et qu’elle nuirait à ses prérogatives en matière de gestion, au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11); la « LGFP ») et de la Loi. Il signale que l’art. 6 de la Loi dispose qu’aucune disposition de la Loi ne doit être interprétée comme ayant pour effet de porter atteinte à son droit ou à son autorité en vertu de l’al. 7(1)b) de la LGFP. Cette dernière disposition permet à l’employeur d’agir pour le compte du Conseil privé de la Reine à l’égard de l’organisation de l’administration publique fédérale ou d’une partie de celle-ci, et la détermination et le contrôle des établissements dans celle-ci.

39                     L’employeur fait également remarquer que l’art. 7 de la Loi dispose que la Loi n’a pas pour effet de porter atteinte au droit ou à l’autorité de l’employeur quant à l’organisation de tout secteur de l’administration publique fédérale à l’égard duquel il représente Sa Majesté du chef du Canada à titre d’employeur, à l’attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées dans un tel secteur et à la classification de ces postes et personnes.

40                     L’employeur soutient que la proposition à la clause 44.02 empêchant de donner en sous-traitance du travail du groupe FS porte atteinte à son pouvoir de déterminer l’organisation de l’administration publique fédérale et d’attribuer des fonctions à des postes au sein de celle-ci, qui est un pouvoir réservé à l’employeur aux termes de l’art. 7 de la Loi.

41                     L’employeur fait également valoir que la proposition contrevient aux alinéas 113b) et 150(1)b) et c) de la Loi, puisqu’il s’agit d’une condition d’emploi établie aux termes de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12, 13; la « LEFP ») liée aux procédures et aux processus régissant la nomination d’employés et exigeraient l’apport de modifications à la LEFP, concernant les nominations.

42                     Pour appuyer cette position, l’employeur m’a renvoyée à la décision dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Commission de la capitale nationale [1998] 2 CF 128 (1re inst.). La Section de première instance de la Cour fédérale a confirmé la décision du président de l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne CRTFP ») de refuser d’inclure dans le mandat une proposition concernant une clause qui aurait empêché la sous-traitance de fonctions déjà accomplies par les employés pendant leurs heures de travail normales. La Cour a conclu que la clause pourrait être appliquée directement afin d’empêcher les mises en disponibilité et que, par conséquent, cela irait à l’encontre des al. 69(3)a) et b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35) (les équivalents des al. 150(1)a) et e) de la Loi).

43                     En 2005, une question similaire a été soulevée devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») dans Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est c. Conseil du Trésor, 2005 CRTFP 42 (« Chantier maritime »). L’agent négociateur dans ce cas avait proposé le renvoi d’une clause à l’arbitrage qui empêchait l’employeur de donner en sous-traitance du travail qui était normalement accompli par des employés dans l’unité de négociation lorsque des employés qualifiés pour effectuer le travail étaient disponibles ou lorsque des employés qualifiés mis en disponibilité étaient disponibles. L’employeur s’est opposé à l’inclusion de la clause dans le mandat d’arbitrage pour des motifs similaires à ceux en l’espèce.

44                     Aux paragraphes 19 et 20, le président de la CRTFP a tranché que le droit de l’employeur de déterminer l’organisation de la fonction publique et d’attribuer des fonctions aux postes au sein de celle-ci est protégé par la loi et qu’une proposition portant sur la sous-traitance portait clairement atteinte au droit que possède l’employeur de déterminer son organisation et ne pouvait être examinée dans le cadre d’une demande d’arbitrage.

45                     Dans sa réponse contestant l’objection de l’employeur à l’égard de la clause 44.02, l’agent négociateur fait valoir que les tribunaux ont confirmé de telles restrictions à l’égard de la sous-traitance, notamment si l’employeur donne en sous-traitance du travail identique accompli par des employés actifs et mis en disponibilité au sein d’une unité de négociation. Dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, la Cour suprême du Canada a tranché que l’ancienne CRTFP avait conclu à juste titre qu’une initiative de 1985 en vue de donner en sous-traitance le travail accompli par 270 préposés au traitement de données avait contrevenu à la politique sur le réaménagement des effectifs en vigueur à l’époque, laquelle avait été acceptée par le CNM et qui avait fait partie de la convention collective régissant ces employés. La politique indiquait que les ministères devaient passer en revue leur utilisation des services contractuels et y mettre fin lorsque, ce faisant, cela « faciliterait » le redéploiement des employés touchés, des employés excédentaires ou des personnes mises en disponibilité.

46                     Dans Alliance de la Fonction publique c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1152, la Cour fédérale s’est penchée sur une disposition similaire, ne serait-ce d’un libellé légèrement différent, concernant la politique sur le réaménagement des effectifs en vigueur en 2012. La Cour a fait remarquer que, dans cette affaire, l’employeur n’avait pas entrepris de réduire le nombre d’employés nommés pour une période indéterminée et de donner en sous-traitance leur travail, comme cela avait été le cas avec les préposés au traitement de données trois décennies auparavant. Au lieu de cela, une décision stratégique a été prise dans le cadre du système opérationnel du ministère en question qui a changé la nature même du travail accompli par les employés et qui a entraîné une réduction du travail à accomplir. La Cour a conclu que la disposition sur la sous-traitance dans la politique n’empêchait pas le gouvernement de procéder à ce type de réaménagement des effectifs.

47                     Par conséquent, en s’appuyant sur ces deux décisions, l’agent négociateur fait valoir que sa proposition devrait réellement être interprétée comme signifiant que la sous-traitance serait interdite si celle-ci entraîne une mise en disponibilité d’employés qui accomplissent un travail identique, une interprétation qui serait compatible avec les conclusions de la Cour suprême.

48                     Cependant, je conclus que les observations de l’agent négociateur n’abordent pas la question réelle dont je suis saisie. Les deux jugements portent sur l’application de clauses que l’employeur avait librement acceptées dans la politique sur le réaménagement des effectifs et intégrés dans les conventions collectives. Ils ne portent pas sur la question de savoir si le conseil a compétence pour trancher les propositions.

49                     Les conclusions de la Cour fédérale dans Commission de la capitale nationale sont claires et je suis d’accord avec la conclusion du président de la CRTFP dans Chantier maritime qu’une proposition interdisant toute sous-traitance du travail portait clairement atteinte au droit de l’employeur de déterminer son organisation et ne pouvait pas être examinée dans le cadre d’une demande d’arbitrage, aux termes de l’al. 150(1)e).

50                     Par conséquent, l’objection de l’employeur à l’inclusion de la nouvelle clause 44.02 proposée a été justifiée et la proposition ne fera plus partie du mandat.

Clause 44.03

 

51                     La nouvelle clause proposée se lit comme suit :

[Traduction]

 

44.03  Avant d’envisager ou d’attribuer du travail du groupe FS à d’autres groupes professionnels, le travail ou l’affectation du groupe FS sera d’abord offert à un employé du groupe FS en priorité sur toutes les autres personnes.

 

52                     L’employeur fait valoir que l’objet de cette nouvelle clause proposée consiste à l’obliger à attribuer des fonctions à des postes ou à des personnes en particulier. Comme il l’a soutenu de façon similaire en ce qui concerne la clause 44.02, son droit de déterminer l’organisation de l’administration publique fédérale et d’attribuer des fonctions à des postes et à des personnes au sein de celle-ci est protégé par les art. 6 et 7 de la Loi.

53                     L’employeur s’appuie sur la décision dans Statistique Canada, dans laquelle la Cour fédérale a confirmé les décisions du président intérimaire de la CRTFP de l’époque de refuser de renvoyer à l’arbitrage plusieurs clauses qui proposaient que le travail soit attribué aux employés par ordre de préférence fondé sur plusieurs facteurs, y compris le statut d’employé nommé pour une période indéterminée ou déterminée, et l’ancienneté. Le président intérimaire a fondé sa conclusion sur les alinéas 150(1)c) et e), car les propositions auraient porté atteinte à la capacité de l’employeur d’attribuer des fonctions aux employés en imposant la façon dont les heures étaient attribuées et auraient empêché l’employeur d’embaucher de nouveaux employés avant d’avoir épuisé certaines mesures (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Opérations des enquêtes statistiques, aux paragraphes 67 et 68).

54                     L’employeur fait également valoir que la conclusion dans Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Commission canadienne de la sûreté nucléaire, 2005 CRTFP 174, au par. 45, dans laquelle le président de la CRTFP a conclu qu’une clause proposée dictant les postes de gestion qui auraient la tâche de répondre aux griefs à chaque palier était une question portant sur l’identité de la personne qui accomplirait les fonctions, ce qui ne pouvait pas faire l’objet d’un renvoi à l’arbitrage en vertu de l’art. 7 et de l’al. 150(1)e) de la Loi.

55                     Dans sa réponse à l’objection, l’agent négociateur fait valoir qu’il n’y a aucune atteinte à la capacité de l’employeur de déterminer l’organisation de l’administration publique fédérale. Il signale que les postes mentionnés dans la proposition relèvent tous du groupe professionnel FS et, par conséquent, elle est rédigée expressément pour être appliquée dans la structure organisationnelle déterminée par l’employeur. L’agent négociateur ajoute qu’on peut donc distinguer la décision de la Cour fédérale sur laquelle l’employeur s’appuie, car les propositions dans cette affaire ne sont pas limitées à un seul groupe professionnel ou à une seule unité de négociation.

56                     L’agent négociateur fait également un certain nombre d’observations quant à l’utilité de sa proposition en vue de promouvoir de bonnes relations de travail et d’améliorer le moral. Cependant, ces points portent sur le bien-fondé de la clause proposée. Ils ne portent pas sur la question relative à la compétence soulevée par l’employeur.

57                     Revenant sur l’argument principal de l’agent négociateur, je conclus qu’il tente de créer une distinction qui ne figure simplement pas dans les dispositions applicables de la Loi. Comme le signale l’employeur dans ses arguments, l’al. 150(1)e) dispose qu’une décision arbitrale ne doit ni modifier ni éliminer une condition d’emploi existante ou établir une nouvelle condition si, ce faisant, cela a une incidence sur l’organisation de la fonction publique ou l’« […] attribution de fonctions aux postes et aux personnes employées de celle-ci et leur classification ». Aucune distinction n’est établie entre l’attribution du travail au sein d’une unité de négociation et les affectations d’une unité à une autre.

58                     Par conséquent, je conclus que l’objection de l’employeur à l’inclusion de la nouvelle clause 44.03 proposée est justifiée, et la proposition ne fera plus partie du mandat.

ORDONNANCE

 

59                     Par conséquent, en application de l’art. 144 de la Loi, le mandat publié le 22 septembre 2017 dans la décision 2017 CRTESPF 26, est modifié. Les questions en litige à l’égard desquelles le conseil doit rendre une décision arbitrale sont celles énoncées aux annexes 1 à 3, inclusivement, contenues dans le mandat, avec les exceptions suivantes :

         La dernière phrase de la clause 24.06 est supprimée. La clause sera désormais rédigée comme suit, mais il convient de souligner qu’il semble y avoir une erreur dans la syntaxe de la proposition; je laisse le soin aux parties et au conseil de la corriger :

 

24.06  Nonobstant tous les autres avantages concernant les employés qui, en raison de leur affectation, rendraient leur couverture MA et M nulle et non avenue, recevront une COUVERTURE MA et M PAYÉE PAR L’EMPLOYEUR POUR 1 000 000 $.  

 

         La clause 44.02 ne fera pas partie du mandat.

         La clause 44.03 ne fera pas partie du mandat.

60                     Dans l’éventualité où une autre question de compétence serait soulevée dans le cadre de l’audience quant à l’inclusion d’une question dans le présent mandat, alors cette question doit être soumise sans délai à la présidente de la CRTESPF, qui est, aux termes du par. 144(1) de la Loi, la seule personne autorisée à rendre une telle décision.

Le 27 février 2018.

 

Traduction de la CRTESPF

 

Catherine Ebbs,

Présidente de la

Commission des relations de travail  

et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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