Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) a déposé un grief de principe en vertu de l’art. 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en affirmant que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) n’avait pas versé d’indemnité aux membres qui avaient travaillé 75 heures dans l’exercice de leurs fonctions au mois de juin, conformément aux dispositions de l’annexe J de la convention collective – la convention prévoyait des avantages à l’intention des employés qui travaillaient 75 heures au cours d’un mois civil – l’ASFC a partiellement fait droit au grief, en affirmant que seuls les employés qui avaient travaillé 75 heures entre le 21 juin (date d’entrée en vigueur des dispositions en question) et le 30 juin avaient droit à l’indemnité pour ce mois là – la Commission a conclu que l’argument de l’employeur n’était conforme ni au sens du terme « annuel » ni au reste de la convention – si c’était vrai, un employé pourrait être payé pour 13 mois et non pour 12 mois au cours d’une année – la Commission a reconnu que la date d’entrée en vigueur, lue isolément, s’entendait au sens où les avantages devaient prendre effet le 21 juin – cependant, l’article 4 de l’annexe indiquait que les avantages devaient être payés aux employés qui atteignaient le seuil de 75 heures par mois civil – juin est un mois civil – la Commission a conclu que si le terme « mois civil » avait dû s’interpréter différemment, cela aurait été expliqué dans la convention – par conséquent, tous les employés qui avaient travaillé 75 heures durant tout le mois de juin avaient droit à l’avantage.

Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20181016
  • Dossier:  569-02-176
  • Référence:  2018 CRTESPF 82

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA)

employeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour l'agent négociateur:
Lisa Greenspoon, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 12 octobre 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief de principe renvoyé à l’arbitrage

1        Le 19 septembre 2014, l’agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « fonctionnaire s’estimant lésé » ou AFPC), a déposé un grief de principe en vertu de l’art. 220 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) déclarant ce qui suit :

[Traduction]

L’AFPC conteste la contravention de l’employeur à l’égard de l’annexe J de la convention collective de l’Agence des services frontaliers du Canada, ayant une date d’expiration au 20 juin 2014. L’employeur a omis de rémunérer les membres qui ont travaillé 75 heures au cours du mois de juin 2013, conformément aux dispositions de l’appendice J.

2        En guise de réparation, l’AFPC a demandé une ordonnance :

  1. déclarant que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« employeur » ou ASFC) a contrevenu à la convention entre l’AFPC et le Conseil du Trésor pour le groupe des Services frontaliers (tous les employés) qui a été signée le 17 mars 2014, et qui a expiré le 20 juin 2014 (la « convention collective des ASF »);
  2. exigeant que l’employeur rémunère tous les membres qui, au cours du mois de juin 2013, ont reçu une rémunération pour avoir consacré au moins 75 heures à accomplir des fonctions pour lesquelles l’indemnité en cause dans le grief s’applique;
  3. prévoyant toute autre réparation que le fonctionnaire s’estimant lésé peut demander et que la Commission estime juste.

3         Le 17 juin 2015, l’employeur a accueilli partiellement le grief, déclarant que tout membre de l’unité de négociation qui a accompli 75 heures de travail au cours du mois de juin 2013, et entre le 21 et le 30 juin, avait droit à l’indemnité pour ce mois.

4         Le 7 juillet 2015, le fonctionnaire s’estimant lésé a renvoyé le grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) pour arbitrage.

5         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale, modifiant le nom de la CRTEFP et le titre de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur les relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

6         Les parties ont présenté un énoncé conjoint des faits (ECF).

7         Au début de l’audience, l’employeur a déclaré qu’il avait l’intention de convoquer un témoin à témoigner, à propos du contexte. Le fonctionnaire s’estimant lésé a indiqué qu’il estimait que son témoignage n’était pas pertinent; cependant, il ne s’est pas opposé à l’intention et a indiqué qu’il convoquerait également un témoin pour témoigner à propos du contexte.

II. Résumé de la preuve

8         L’AFPC est l’agent négociateur pour tous les membres de l’unité de négociation du groupe des Services frontaliers, dont les conditions d’emploi sont régies, en partie, par la convention collective des ASF.

9         Au moment de l’audience, Morgan Gay était depuis 11 ans le négociateur national pour l’AFPC. Au moment de l’audience, Morgan Gay était depuis 11 ans le négociateur national pour l’AFPC; il a participé à la négociation de 40 à 50 conventions collectives. Également au moment de l’audience, Ted Leindecker était depuis 2009-2010 un négociateur principal pour le compte de l’employeur. Il a déclaré qu’il avait participé à la négociation de six ou sept conventions collectives et que, en date de l’audience, il a participé à la négociation de huit autres conventions.

10        L’appendice J de la convention collective des ASF (l’« appendice J ») est intitulé « Protocole d’entente entre le Conseil du Trésor du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada concernant l’indemnité des Services frontaliers intégrés » (l’« indemnité des ASF »). On y indique ce qui suit :

  1. L’employeur reconnaît les responsabilités associées aux Services frontaliers intégrés à l’appui des priorités liées à la sécurité nationale et à la sécurité publique.

  2. À compter du 21 juin 2013, l’employeur versera une indemnité annuelle aux titulaires des postes du groupe FB pour l’exécution des fonctions FB dans le groupe des Services frontaliers.

  3. L’indemnité des Services frontaliers intégrés sera versée conformément à la grille suivante :

    Indemnité annuelle
    Groupe des Services frontaliers (FB)

    Postes

    Indemnité annuelle

    Agents en civil

    1 250 $

    Agents en uniforme

    1 750 $


  4. Cette indemnité sera versée selon les mêmes modalités que celles de la rémunération normale de l’employé-e. L’employé-e a le droit de recevoir cette indemnité pour chaque mois civil au cours duquel il ou elle touche au moins soixante-quinze (75) heures de rémunération pour l’exécution de fonctions FB auquel s’applique cette indemnité.

  5. Un employé sera en droit de recevoir l’indemnité des Services frontaliers intégrés :

    1. pendant une période de congé payé jusqu’à un maximum de soixante (60) jours civils consécutifs;

    2. ou


    3. pendant la période entière de congé payé lorsque l’employé bénéficie d’un congé payé pour accident de travail.

  6. L’indemnité ne fait pas partie du salaire d’un FB, sauf pour le calcul des indemnités de maternité et indemnités parentales.

  7. Un employé à temps partiel est en droit de recevoir l’indemnité au prorata.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

11        La convention collective des ASF comportait également les dispositions suivantes :

[…]

ARTICLE 34

CONGÉ ANNUEL PAYÉ

34.01 L’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars inclusivement de l’année civile suivante.

Acquisition des crédits de congé annuel

34.02 Pour chaque mois civil pour lequel il ou elle a touché au moins soixante-quinze (75) heures de rémunération, tout employé-e acquiert des crédits de congé annuel à raison de :

  1. neuf virgule trois sept cinq (9,375) heures jusqu’au mois où survient son huitième (8e) anniversaire de service;

  2. douze virgule cinq (12,5) heures à partir du mois où survient son huitième (8e) anniversaire de service;

  3. treize virgule sept cinq (13,75) heures à partir du mois où survient son seizième (16e) anniversaire de service;

  4. quatorze virgule quatre (14,4) heures à partir du mois où survient son dix-septième (17e) anniversaire de service;

  5. quinze virgule six deux cinq (15,625) heures à partir du mois où survient son dix-huitième (18e) anniversaire de service;

  6. seize virgule huit sept cinq (16,875) heures à partir du mois où survient son vingt-septième (27e) anniversaire de service;

  7. dix-huit virgule sept cinq (18,75) heures à partir du mois où survient son vingt-huitième (28e) anniversaire de service.

[…]

Établissement du calendrier des congés annuels payés

34.05

[…]

b)       Établissement du calendrier des congés annuels :

  1. Les employé-e-s doivent présenter leur demande de congés annuels au plus tard le 15 avril pour les vacances estivales et au plus tard le 15 septembre pour les vacances hivernales. L’Employeur doit répondre à ces demandes au plus tard le 1er mai pour la période estivale et au plus tard le 1er octobre pour la période hivernale.

    Nonobstant le sous-alinéa précédent et avec l’accord de l’Alliance, l’Employeur peut modifier les dates de présentation des demandes de congés annuels. Le cas échéant, l’Employeur doit répondre aux demandes de congés dans les quinze (15) jours suivant ces nouvelles dates de présentations.


  2. Les périodes de congés annuels sont les suivantes :

    • pour la période estivale, du 1er juin au 30 septembre;

    • pour la période hivernale, du 1er décembre au 31 mars.

[…]

Report et épuisement des congés annuels

34.11

  1. Lorsque, au cours d’une année de congé annuel, un employé-e n’a pas épuisé tous les crédits de congé annuel auquel il ou elle a droit, la portion inutilisée des crédits de congés annuels jusqu’à concurrence de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures sera reportée à l’année de congé annuel suivante. Tous les crédits de congé annuel en sus de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures seront automatiquement payés en argent au taux de rémunération journalier de l’employé-e calculé selon la classification indiquée dans son certificat de nomination à son poste d’attache le dernier jour de l’année de congé annuel.

  2. Nonobstant l’alinéa a), si au 31 mars 1999 ou à la date où l’employé-e est assujetti à la présente convention après le 31 mars 1999, l’employé-e a à son crédit plus de deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures de congé annuel non utilisés, un minimum de soixante-quinze (75) heures par année seront utilisés ou payés en argent au plus tard le 31 mars de chaque année, à partir du 31 mars 2000 jusqu’à ce que tous les crédits de congé annuel qui dépassent deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures aient été épuisés. Le paiement se fait en un versement par année et est calculé au taux de rémunération journalier de l’employé-e selon la classification établie dans le certificat de nomination à son poste d’attache le 31 mars de l’année de congé annuel précédente applicable.

34.12 Pendant une année de congé annuel, les crédits de congé annuel acquis mais inutilisés qui dépassent cent douze virgule cinq (112,5) heures peuvent, sur demande de l’employé-e et à la discrétion de l’Employeur, être payés en argent au taux de rémunération journalier de l’employé-e calculé selon la classification stipulée dans son certificat de nomination à son poste d’attache le 31 mars de l’année de congé annuel précédente.

[…]

34.18

  1. L’employé-e a droit une seule fois à un crédit de trente-sept virgule cinq (37,5) heures de congé annuel payé le premier (1er) jour du mois suivant l’anniversaire de sa deuxième (2e) année de service, comme le précise le paragraphe 34.03.

  2. Les crédits de congé annuel prévus à l’alinéa 34.18a) ci-dessus sont exclus de l’application du paragraphe 34.11 visant le report et épuisement des congés annuels.

ARTICLE 35

CONGÉ DE MALADIE PAYÉ

Crédits

35.01

  1. L’employé-e acquiert des crédits de congé de maladie à raison de neuf virgule trois sept cinq (9,375) heures pour chaque mois civil pendant lequel il ou elle touche la rémunération d’au moins soixante-quinze (75) heures.

[…]

ARTICLE 62

ADMINISTRATION DE LA PAYE

62.01 Sauf selon qu’il est stipulé dans le présent article, les conditions régissant l’application de la rémunération aux employé-e-s ne sont pas modifiées par la présente convention.

[…]

62.03

  1. Les taux de rémunération indiqués à l’appendice A entrent en vigueur aux dates précisées.

  2. Lorsque les taux de rémunération indiqués à l’appendice A entrent en vigueur avant la date de signature de la présente convention, les conditions suivantes s’appliquent :

    1. aux fins des sous-alinéas (ii) à (v), l’expression « période de rémunération rétroactive » désigne la période qui commence à la date d’entrée en vigueur de la révision jusqu’à la date précédant la date de signature de la convention ou le jour où la décision arbitrale est rendue à cet égard;

    2. la révision rétroactive à la hausse des taux de rémunération s’applique aux employé-e-s, aux anciens employé-e-s ou, en cas de décès, à la succession des anciens employé-e-s des groupes identifiés à l’article 9 de la présente convention pendant la période de rétroactivité;

    3. pour les nominations initiales faites pendant la période de rétroactivité, le taux de rémunération choisi parmi les taux révisés de rémunération est le taux qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision;

    4. **

    5. pour les promotions, les rétrogradations, les déploiements, les mutations ou les affectations intérimaires qui se produisent durant la période de rétroactivité, le taux de rémunération doit être recalculé, conformément à la Directive sur les conditions d’emploi, en utilisant les taux révisés de rémunération. Si le taux de rémunération recalculé est inférieur au taux de rémunération que l’employé recevait auparavant, le taux de rémunération révisé sera le taux qui se rapproche le plus du taux reçu avant la révision, sans y être inférieur. Toutefois, lorsque le taux recalculé se situe à un échelon inférieur de l’échelle, le nouveau taux est le taux de rémunération qui figure immédiatement dessous le taux de rémunération reçu avant la révision;

[…]

ARTICLE 64

DURÉE DE LA CONVENTION

**

64.01 La présente convention vient à expiration le 20 juin 2014.

64.02 Sauf indication expresse contraire, les dispositions de la présente convention entreront en vigueur à la date de sa signature.

[…]

12        M. Gay a témoigné en disant que l’appendice J a été négocié près de la fin de la négociation, en fait, au cours de la séance finale. Il a déclaré que le modèle de celui-ci correspondait à ce que les agents correctionnels avaient négocié dans la convention collective entre le Conseil du Trésor et le Syndicat des agents correctionnels du Canada – Union of Canadian Correctional Officers – CSN qui a été signée le 5 novembre 2013 et qui a expiré le 31 mai 2014 (la « convention collective CX »).

13        Lorsqu’on a demandé à M. Gay de quelle façon on était parvenu au seuil de 75 heures à l’article 4 de l’appendice J, il a répondu qu’il était fondé sur la convention collective CX. Lorsqu’on lui a demandé de quelle façon on était parvenu à la date d’entrée en vigueur à l’article 2 de l’appendice J, il a répondu que cette date avait été utilisée, car elle coïnciderait avec le même jour et le même mois des augmentations salariales figurant à l’appendice A de la convention collective des ASF, qui entraient en vigueur le 21 juin 2011, 2012 et 2013.

14        On a porté à l’attention de M. Gay les articles 34 et 35 de la convention collective des ASF, qui stipulent qu’un crédit de congé est accumulé et qui font mention du seuil de 75 heures, et on lui a demandé s’il y avait une discussion concernant le fait de s’inspirer du seuil de 75 heures à l’annexe J sur ces articles. Sa réponse était qu’il avait fallu trouver le seuil, qu’il était cohérent avec les autres articles et qu’il s’inspirait de la convention collective CX.

15        La clause 43.07 de la convention collective CX est rédigée en ces termes :

43.07 Indemnité d’agent correctionnel

Les employé-e-s qui sont admissibles à l’indemnité de facteur pénologique ou à l’indemnité pour la surveillance des délinquants ne sont pas visés par le présent article.

L’Employeur offrira une indemnité aux titulaires des postes classifiés CX qui exercent les fonctions du groupe Services correctionnels à partir du 1 juin 2013.

  1. L’indemnité d’agent correctionnel est utilisée pour reconnaître les conditions de travail du travail d’agent correctionnel et accorder une rémunération supplémentaire au titulaire d’un poste qui, en raison de fonctions exercées, assume les responsabilités associées au Groupe Services correctionnels.

  2. La valeur de l’indemnité d’agent correctionnel est de mille sept cent cinquante dollars (1 750 $) par année. Cette indemnité est payée selon les mêmes modalités que celles de la rémunération normale de l’employé-e. L’employé-e a le droit de recevoir cette indemnité pour chaque mois au cours duquel il ou elle touche un minimum de quatre-vingt (80) heures de rémunération dans un poste auquel s’applique cette indemnité.

  3. L’employé-e a le droit de recevoir l’indemnité d’agent correctionnel :

    1. pendant toute la période de congé payé jusqu’à un maximum de soixante (60) jours civils consécutifs;

    2. ou   

    3. pendant la période entière de congé payé lorsque l’employé-e bénéficie d’un congé payé pour accident de travail.

  4. L’indemnité ne fait pas partie du traitement des CX, sauf pour le calcul des indemnités de maternité et parentale.

16        M. Leindecker a déclaré que l’employeur a présenté la proposition à l’égard de l’appendice J au fonctionnaire pendant la négociation. Lorsqu’on lui a demandé d’où cela venait, il a déclaré qu’il était fondé sur le libellé des règles de rémunération de l’employeur à l’article A.3.11 de la « Directive sur les conditions d’emploi » (les « conditions d’emploi »), en annexe, mais a déclaré qu’il y avait d’autres formules. Il a affirmé qu’elle provenait également du libellé de la convention collective pour le groupe Services techniques, que le Conseil du Trésor et l’agent négociateur ont conclue et qui a été signée le 18 octobre 2013 et qui a expiré le 21 juin 2011 (la « convention collective des TS »), et, peut-être, la convention collective pour le groupe Officiers de navire. Aucun exemplaire de la convention collective pour le groupe Officiers de navire n’a été déposé en preuve.

17        L’article A.3.11 de l’appendice des conditions d’emploi est rédigé comme suit :

  • A.3.11 Calcul de la rémunération brute

    • 3.11.1        Le Conseil du Trésor a autorisé le recours à un facteur de conversion de 13,044 pour la période de quatre semaines aux fins du calcul de la rémunération brute pour la période de deux semaines. Ce facteur sert à établir la rémunération brute aux deux semaines ou d’autres indemnités versées le jour de paye régulier, en divisant le taux de rémunération annuel ou le taux d’indemnité annuel de la personne par 26,088. On utilise la formule suivante :

      Rémunération brute pour la période de quatre semaines :

      taux de rémunération annuel et autres indemnités divisé par 13,044

      Rémunération brute pour la période de deux semaines :

      taux de rémunération annuel et autres indemnités divisé par 26,088

      La rémunération brute est calculée à la troisième décimale près.

      Lorsque la troisième décimale est cinq ou plus, la deuxième décimale est augmentée de un. Par exemple, le montant de 6,055 $ sera arrondi à 6,06 $.

      Lorsque la troisième décimale est inférieure à cinq, la deuxième décimale reste inchangée. Par exemple, le montant de 6,064 $ sera arrondi à 6,06 $.

    • 3.11.2        Le taux horaire est multiplié par le nombre d’heures compris dans une semaine normale de travail multiplié par 52,176 pour obtenir le taux annuel. Les autres indemnités versées avec la paye régulière sont également converties en un taux annuel.


    • 3.11.3        Rémunération pour une partie de la période de paye

      Lorsqu’une personne travaille une partie de la semaine ou lorsqu’un taux différent est versé pour une partie de la période de paye, le calcul s’effectue au moyen des jours d’admissibilité, sans compter les jours réglementaires de repos. On utilise la formule suivante :

      (Journées d’admissibilité multipliées par taux de rémunération (aux deux semaines)) divisé par *journées de rémunération

      *Une journée de rémunération est calculée en divisant le taux aux deux semaines par le nombre de journées d’admissibilité dans cette période de deux semaines.

    • 3.11.4        Journées d’admissibilité


      • 3.11.4.1    L’expression « journées d’admissibilité » désigne les journées pour lesquelles la personne a droit à une rémunération, et inclut :

        1. toute journée normale de travail durant laquelle la personne était de service ou en congé payé autorisé ou


        2. tout jour de congé autorisé à titre de jour férié rémunéré.



      • 3.11.4.2    Une personne n’a pas droit à la rémunération pour un jour férié :

        1. si elle est en congé non payé le dernier jour de travail qui précède le jour férié et le premier jour de travail qui suit le jour férié;


        2. si elle est absente sans autorisation (se reporter à la convention collective pertinente ou aux conditions d’emploi applicables);


        3. si elle fait l’objet d’une suspension;


        4. si elle est en congé non payé aux fins d’instruction au sein des forces de réserve ou pour accident de travail non payé;


        5. si elle est un travailleur saisonnier et que le congé férié tombe à l’intérieur de la période au cours de laquelle la personne n’est pas requise d’accomplir les tâches de son poste en raison de la nature saisonnière des tâches;


        6. si elle travaille à temps partiel et que le congé férié tombe une journée normale de travail;


        7. lorsque le jour férié précède immédiatement sa première journée de travail; et


        8. lorsque le jour férié suit et est contigu à la dernière journée de travail.



      • 3.11.4.3    Lorsque deux indemnités ou plus ayant la même date d’entrée en vigueur sont autorisées, les paiements sont traités dans l’ordre suivant : augmentation d’échelon de rémunération, révision salariale, promotion, mutation et rétrogradation.



    • 3.11.5        Journées de rémunération

      • 3.11.5.1    L’expression « journées de rémunération » désigne le nombre de journées que compte la période de paye à l’exception des jours habituels de repos.


      • 3.11.5.2    Lorsque les heures travaillées correspondent en moyenne au nombre d’heures comprises dans la semaine de travail normale d’une période donnée, les jours de repos accordés en remplacement des samedis et dimanches ne sont pas compris dans le calcul des journées de rémunération.

18        La convention collection collective des TS stipule en partie à l’appendice P ce qui suit :

PROTOCOLE D’ACCORD
ENTRE LE CONSEIL DU TRÉSOR
(CI-APRÈS APPELÉ L’EMPLOYEUR)
ET
L’ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA
(CI-APRÈS APPELÉE L’ALLIANCE)
À L’ÉGARD DES EMPLOYÉS-E-S DU
GROUPE INSPECTION TECHNIQUE (TI)

[…]

3. À la date de la signature du présent protocole d’accord, les parties conviennent que les titulaires des postes susmentionnés seront admissibles à une indemnité provisoire dont le montant et les conditions sont établis ci-après :

  1. Cette indemnité sera versée conformément à la grille suivante :
  2. […]

  3. L’indemnité provisoire stipulée ci-dessus ne fait pas partie intégrante du traitement de l’employé-e.
  4. L’employé-e occupant l’un des postes ci-dessus reçoit l’indemnité provisoire pour chaque mois civil pour lequel l’employé-e a touché au moins soixante-quinze (75) heures de rémunération.
  5. L’indemnité provisoire n’est pas versée à une personne ou à l’égard d’une personne qui cesse d’appartenir à l’unité de négociation avant la date de signature de la présente convention collective.

[…]

6.       Le présent protocole d’accord prend fin le 21 juin 2014.

19        Lorsqu’on lui a demandé si une discussion avait eu lieu concernant l’article 4 de l’appendice J, M. Leindecker a affirmé qu’il ne se souvenait pas qu’une discussion avait eu lieu; il a affirmé que la discussion était axée sur le montant de l’indemnité et si elle ouvrait droit à pension. Lorsqu’on lui a demandé si une discussion avait eu lieu concernant l’article 2 de l’appendice J, M. Leindecker a déclaré qu’il n’y en avait eu aucune et que l’employeur avait présenté la clause fonctionnaire s’estimant lésé dans la forme dans laquelle elle figurait à l’appendice J.

20        En contre-interrogatoire, M. Leindecker a convenu qu’un mois civil commence au premier jour d’un mois donné et qu’il se termine au dernier jour du même mois.

21        Le paragraphe 6 de l’ECF précise que, à l’origine, l’employeur a commencé à verser l’indemnité à compter de juillet 2013 uniquement; cependant, après le dépôt du grief, il a été déterminé que tout employé visé par la convention collective des ASF qui satisfaisait au seuil de 75 heures établies à l’appendice J entre le 21 et le 30 juin 2013 avait droit à la partie de l’indemnité payable par mois.

22        Exception faite du mois de juin 2013, les parties ont convenu que le montant de l’indemnité annuelle de 1 250 $ ou de 1 750 $ était versé mensuellement, de façon proportionnelle, aux employés qui étaient visés par la convention collective des ASF et qui satisfaisaient à l’exigence du seuil des 75 heures par mois, ce qui correspondait au douzième de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon la question de savoir s’il s’agissait de membres en civil ou de membres en uniforme de l’unité de négociation.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

23        La question en litige consiste à savoir si l’exigence minimale de 75 heures établie à l’article 4 de l’appendice J s’applique au mois de juin 2013 dans son intégralité, comme le laisse entendre le fonctionnaire s’estimant lésé, ou si elle est limitée d’une façon quelconque par la date d’entrée en vigueur (21 juin 2013), comme l’applique l’employeur, limitant ainsi le paiement à une indemnité pour le mois de juin 2013 uniquement aux employés qui ont accumulé 75 heures de rémunération entre le 21 et le 30 juin 2013.

24        La preuve a révélé que les négociateurs n’avaient pas tenu compte de la façon dont l’indemnité annuelle devait être calculée ou appliquée pour le mois de juin 2013.

25        En l’absence d’une discussion quelconque sur la façon de calculer ou d’appliquer l’indemnité annuelle pour le mois de juin 2013, le fonctionnaire s’estimant lésé a fait valoir que le sens ordinaire du libellé devait être appliqué. À cet égard, il m’a renvoyé à Construction and General Workers’ Local 1111 v. PCL Construction Ltd. (1982), 8 L.A.C. (3e) 49 (« PCL »), et à Maple Leaf Consumer Foods v. U.F.C.W. Canada, Local 175 (2011), 205 L.A.C. (4e) 393 (« Maple Leaf »).

26        Le paragraphe 23 de PCL précise que les règles bien établies pour l’interprétation des contrats écrits sont les suivantes :

[Traduction]

  1. Tous les contrats doivent être interprétés conformément au sens principal et naturel du libellé utilisé par les parties.

  2. Si le libellé clair et ordinaire est sans équivoque, n’est pas exclu du contexte et est sensible en référence aux circonstances extrinsèques, une telle signification doit être interprétée de façon concluante comme l’intention des parties.

27        Le paragraphe 18 de Maple Leaf stipule ce qui suit :

[Traduction]

18.     La règle d’interprétation fondamentale pour les conventions collectives est la même que pour les contrats commerciaux et les lois : il faut donner aux mots employés leur sens clair et ordinaire à moins qu’il soit apparent d’après la structure de la disposition ou de la convention collective considérée dans son intégralité que l’on songeait à un sens différent ou spécial. Il faut conférer un sens à tous les mots et il est présumé que les mots différents ont un sens différent, à moins que cela n’entraîne un résultat qui est absurde ou incohérent avec le régime et la structure généraux de la convention.

28        Le seul écart par rapport à cette règle du sens ordinaire est établi dans Alliance de la Fonction publique du Canada c. Centre de la sécurité des télécommunications, 2009 CRTFP 121, qui précise ce qui suit au paragraphe 162 :

[162] […] C’est un truisme de dire que je dois ce faisant appliquer les termes choisis par les parties à la convention ou, comme en l’espèce, les termes qui y sont inclus par suite d’une décision arbitrale. En appliquant la décision arbitrale, je dois donner à ces mots leur sens ordinaire, en évitant de chercher l’intention des parties au-delà des mots. Les droits ou les obligations des parties découlent simplement du texte de la convention, à moins que son sens ordinaire n’aboutisse à une incongruité ou à un résultat franchement absurde.

29        Le libellé qui, selon le fonctionnaire s’estimant lésé, devrait être interprété de la même façon que le libellé aux articles 34 et 35 de la convention collective des ASF. « Mois civil » s’entend du mois particulier dans son intégralité. Si une personne travaille (ou gagne autrement un salaire pendant qu’elle est en congé payé qui n’est pas par ailleurs exclu par l’appendice J) 75 heures au cours d’un mois donné, cette personne reçoit alors la partie de l’indemnité annuelle correspondant à ce mois (ou le douzième de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon le montant qui s’applique).

30        Le minimum de 75 heures n’est aucunement lié à la date d’entrée en vigueur du 21 juin. Seules les deux questions suivantes doivent être posées :

  1. L’indemnité était-elle en vigueur à la fin de juin 2013?
  2. L’employé a-t-il accompli 75 heures de travail?

31        Si l’indemnité prévue à l’appendice J était en vigueur en juin 2013 et qu’un employé donné avait accompli le minimum de 75 heures de travail qui est prévu à l’appendice, alors cet employé a droit au douzième du montant annuel de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon le cas.

32        Le paragraphe 35 de Brisson c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2005 CRTFP 38, dispose ce qui suit : « […] L’arbitre de grief, devant une clause claire, ne peut y ajouter de termes qui auraient pour effet d’en élargir ou d’en diminuer la portée. […] » Le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré que le fait d’interpréter l’appendice J de la façon suggérée par l’employeur, qui est que, pour gagner l’indemnité annuelle pour le mois de juin 2013, un employé doit avoir accompli 75 heures entre le 21 et le 30 juin 2013, aurait pour effet d’ajouter des termes qui étendent ou réduisent la portée de l’appendice J.

33        Le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que le grief soit accueilli, qu’une déclaration soit faite à savoir que l’employeur contrevient à l’appendice J de la convention collective et qu’une ordonnance soit prononcée que l’employeur doit verser le douzième du montant mensuel approprié de l’indemnité annuelle à chaque membre de l’unité de négociation qui a accompli au moins 75 heures de travail au cours du mois de juin 2013.

B. Pour l’employeur

34        Le fardeau de la preuve incombe au fonctionnaire s’estimant lésé, qui, selon l’employeur, ne s’en était pas acquitté.

35        Le grief soulevait la question suivante : [traduction] « L’indemnité devrait-elle être versée d’une façon prospective à compter du 21 juin 2013? » L’employeur a fait valoir qu’elle devrait l’être et qu’il n’y avait eu aucune contravention de la convention collective.

36        Dans Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, au paragraphe 20, il est indiqué ce qui suit :

[20] […] les interprétations de dispositions de conventions collectives comportent des facteurs d’appréciation des faits, de spécialisation et d’expertise concernant les conventions collectives, les différends auxquels elles donnent lieu, les négociations qui précèdent leur conclusion et, de façon plus générale, la manière dont la cohabitation patronale-syndicale qui les entoure se manifeste dans une variété de circonstances. […]

37        Un certain nombre de règles d’interprétation sont utilisées pour aider à cerner l’intention réelle des parties en cas de différend à propos du sens et de l’interprétation d’une disposition d’une convention collective.

38        L’article 229 de la Loi dispose que la décision d’un arbitre de grief peut ne pas avoir l’effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale, ce qui est confirmé par Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil national de recherches du Canada, 2013 CRTFP 88 (« IPFPC c. CNR »).

39        Un arbitre de grief est obligé de cerner l’intention réelle des parties lorsqu’elles ont conclu une convention collective. Il doit tenir compte du sens ordinaire des mots que les parties ont utilisés, à moins que cela n’entraîne une absurdité quelconque. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Chafe c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2010 CRTFP 112.

40        Les parties sont présumées avoir eu l’intention de dire ce que dit la convention. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à IPFPC c. CNR et à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 4:2100.

41        Dans Wamboldt c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 55, au paragraphe 27, on indique qu’un avantage qui comporte un coût financier pour l’employeur doit avoir été clairement et expressément stipulé dans les conditions de la convention collective.

42        L’employeur a également fait valoir qu’il est approprié d’examiner les versions françaises et anglaises de la convention collective des ASF, et que l’interprétation à chercher est celle qui est cohérente dans les deux textes. À cet égard, il m’a renvoyé à IPFPC c. CNR et à Lahnalampi c. Conseil du Trésor (ministère de l’Emploi et du Développement social), 2014 CRTFP 22.

43        Le contexte dans lequel les mots sont situés est essentiel à leur sens. Un arbitre de grief doit tenir compte d’une convention collective dans son intégralité, car la convention globale forme le contexte dans lequel les mots doivent être interprétés. Il est nécessaire de décider si l’interprétation des mots, lus dans leur contexte immédiat et dans le contexte de la convention dans son ensemble, contredit les autres dispositions de la convention collective. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Chafe; Cooper c. Agence du revenu du Canada, 2009 CRTFP 160; Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 30 v. Irving Pulp & Paper Ltd., 2002 NBCA 30; Burgess c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2017 CRTESPF 20; Brown et Beatty, au paragraphe 4:2150.

44        La décision Chafe établit aussi que, même si une disposition particulière semble injuste, cela ne donne pas à l’arbitre de grief une raison de l’ignorer si elle est par ailleurs claire.

45        L’employeur a fait valoir que, d’après son sens clair et ordinaire, le syntagme « [à] compter du 21 juin 2013 » est utilisé pour signifier une date de début ou de commencement de l’indemnité. Les parties ont convenu de la date d’entrée en vigueur de l’indemnité. Cela est conforme à l’usage de l’expression « à compter de » ailleurs dans la convention collective et du sens qui lui est conféré par les dictionnaires.

46        En anglais, « Effective » (à compter de) est défini dans le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, comme [traduction] « entrer en vigueur ». Dans le Black’s Law Dictionary, 9e édition, le sens qui lui est conféré est [traduction] « en vigueur à un moment donné ». Ces définitions sont renforcées lorsque l’on tient compte de la version française. Elle utilise à compter du, qui dénote « from » (à partir de) (selon le Dictionnaire français-anglais Collins (en ligne)) ou « from that day on » (à partir de ce jour) (selon le Grand Dictionnaire Larousse de 1999).

47        La proposition du fonctionnaire s’estimant lésé en ce qui concerne le sens va à l’encontre de la notion selon laquelle quelque chose est en vigueur à compter d’une date précise; au lieu de cela, il suggère que l’avantage devrait s’appliquer au temps travaillé avant la date d’entrée en vigueur convenue. Cela entraîne un résultat absurde, qui consiste à reconnaître un droit qui n’existe pas.

48        La Commission peut examiner la question de savoir s’il existe une compréhension ou une définition ordinaire et généralement reconnue par ce que l’on entend par « à compter du ».

49        L’employeur a fait valoir que l’interprétation que fait l’agent négociateur des mots à l’article 4 de l’appendice J est erronée. Le fonctionnaire s’estimant lésé a suggéré que la mention du « mois civil » dans cet article devrait être interprétée comme une disposition indépendante qui l’emporte effectivement sur le sens du syntagme « à compter du 21 juin 2013 » à l’article 2. L’employeur a fait valoir que cette interprétation ignore le libellé général de l’appendice J dans son intégralité. L’article 4 doit se lire conjointement avec les autres dispositions dans cet appendice, y compris l’article 5.

50        L’article 5 de l’appendice J prévoit l’indemnité à verser aux employés qui sont en congé payé ou en congé pour accident de travail d’un maximum de 60 jours civils consécutifs. Il est essentiel de le lire conjointement à l’article 2 pour comprendre la date d’entrée en vigueur pour que l’avantage soit versé à une personne dans ces circonstances; autrement, il ne serait pas possible de déterminer la date de début des 60 jours.

51        Étant donné que la clause 64.02 de la convention collective des ASF précise que la date d’entrée en vigueur de la convention collective est la date à laquelle celle-ci a été signée (le 17 mars 2014) et qu’une date d’entrée en vigueur différente a été expressément stipulée (21 juin 2013), le fonctionnaire s’estimant lésé a suggéré une date d’entrée en vigueur au 1er juin 2013. En effet, cette interprétation de la convention collective reviendrait à la réécrire, ce qui va à l’encontre des principes de l’interprétation des conventions collectives.

52        Étant donné que l’indemnité prévue à l’appendice J est une indemnité annuelle, celle-ci est définie comme couvrant la période d’une année, à savoir 365 jours. L’interprétation de l’employeur est que cela est conforme à la date d’entrée en vigueur exprimée du 21 juin 2013 et à la date d’expiration de juin 2014, ainsi qu’avec la période annuelle de 365 jours comme l’indique l’intervalle du 21 juin 2013 au 20 juin 2014. Essentiellement, la suggestion du fonctionnaire s’estimant lésé, qui antidate effectivement l’avantage au 1er juin 2013, ferait en sorte que l’indemnité serait plus qu’une indemnité annuelle, ce qui serait incohérent avec le cycle exprimé ailleurs dans la convention collective d’une date d’entrée en vigueur le 21 juin 2013 et une date d’expiration du 20 juin 2014.

53        Le libellé de la clause 35.01 de la convention collective des ASF est similaire à celui de l’article 4 de l’appendice J. Il précise que pour chaque mois civil pour lequel l’employé reçoit une rémunération pour avoir accompli 75 heures de travail, l’employé gagne 9,375 heures de congé de maladie.

54        L’appendice A de la convention collective des ASF établit les échelons pour les taux de rémunération annuels. Chaque année commence à compter du 21 juin. L’expression « à compter du » dans cette partie de la convention signale clairement un point de départ pour l’avantage, à savoir une augmentation de salaire.

55        On ne conteste pas le fait que l’indemnité est une indemnité annuelle. Une année comprend 365 ou 366 jours. L’interprétation de l’employeur est conforme à une indemnité annuelle couvrant une période de 365 jours, ce qui diffère de l’interprétation de l’agent négociateur, à savoir que l’indemnité est antidatée au 1er juin 2013 et qu’elle couvre plus de 365 jours.

56        L’employeur a fait valoir que l’interprétation du fonctionnaire s’estimant lésé exige un effet rétroactif, alors que cela n’était pas prévu dans la convention collective des ASF et que l’interprétation du fonctionnaire s’estimant lésé exigerait une interprétation incohérente de la convention.

57        La convention collective des ASF précise que celle-ci entre en vigueur à compter de la date de sa signature, sauf indication contraire. Il est par ailleurs stipulé que l’indemnité entre en vigueur à compter du 21 juin 2013. Aucune disposition dans la convention collective des ASF ne permet une interprétation rétroactive.

58        Un exemple d’incohérence serait que les membres de l’unité de négociation qui ont cessé d’être des membres au plus tard le 20 juin 2013. Peu importe le nombre d’heures travaillées au cours du mois de juin 2013, ils n’auraient pas droit à l’indemnité.

59        Qui plus est, les parties ont négocié la prestation de l’indemnité à des employés en congé payé. Il n’y a aucune disposition analogue pour les employés en congé non payé. En conséquence, une personne en congé non payé en date du 20 juin 2013 n’aurait pas droit à l’indemnité. Cela serait le cas, peu importe le nombre d’heures qui auraient été accomplies au cours du mois civil de juin avant cette date.

60        La position de l’employeur est que, selon l’interprétation du fonctionnaire s’estimant lésé, le droit serait incohérent entre les membres de l’unité de négociation. Il ne serait pas logique de permettre le paiement de l’indemnité uniquement au groupe d’employés qui étaient encore des membres ou qui étaient en congé payé en prétendant reconnaître les heures travaillées entre le 1er et le 20 juin 2013 pour ces groupes, mais reconnaissant le droit pour d’autres qui auraient pu être accomplies entre le 1er et le 20 juin, mais qui ont cessé d’être des membres de l’unité de négociation ou qui étaient en congé non payé en date du 21 juin 2013.

61        L’employeur m’a également renvoyé à Maple Leaf; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (ministère des Anciens Combattants), 2013 CRTFP 165; Stevens c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 34; Tembec Industries Inc. v. Pulp, Paper and Woodworkers of Canada, Local 15, [2010] B.C.C.A.A.A. No. 168 (QL); Fehr c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTESPF 17; Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 77 (« IPFPC c. ARC »).

62        L’employeur demande que le grief soit rejeté.

C. Réponse du fonctionnaire s’estimant lésé

63        À aucun moment le fonctionnaire s’estimant lésé n’a laissé entendre que, pour le mois de juin 2013, il était approprié de calculer les 75 heures uniquement entre les 21 et 30 juin.

64        La position du fonctionnaire s’estimant lésé est que si une personne a travaillé 75 heures en juin 2013 ou avait une combinaison d’heures de travail ou de congé payé reconnue à l’appendice J totalisant 75 heures, cette personne avait droit à l’indemnité.

IV. Motifs

65        Le droit dans ce domaine est bien établi. Il est résumé comme suit dans Canadian Labour Arbitration au paragraphe 4:2100 : [traduction] « […] pour établir l’intention des parties, la présomption cruciale est que les parties sont censées avoir voulu dire ce qu’elles ont dit et que le sens d’une disposition de la convention collective doit être cherché dans ses dispositions. »

66        Au moment d’interpréter la convention collective, l’art. 229 de la Loi dispose que la décision d’un arbitre de grief ou de la Commission ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

67        Le grief en l’espèce porte sur la question très étroite de savoir si les employés visés par la convention collective des ASF qui ont reçu une rémunération pour 75 heures pour avoir accompli les fonctions d’un agent frontalier (« FB ») au cours du mois de juin 2013 et à qui on n’avait pas versé le douzième de l’indemnité annuelle de 1 250 $ ou de 1 750 $ avaient droit à ce versement.

68        Les parties conviennent que l’appendice J prévoit le versement d’une indemnité annuelle de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon la question de savoir si l’employé est en uniforme ou non. Cependant, il ne s’agit pas d’une indemnité annuelle au sens véritable en ceci qu’elle n’est pas versée une seule fois par année ou intégralement à chaque agent des services frontaliers (ASF) membre de l’unité de négociation au cours d’une période d’une année ou de 12 mois.

69        Les parties ont également convenu que, exception faite du mois de juin 2013, si un employé a été rémunéré pour avoir accompli pendant 75 heures les fonctions d’un FB au cours d’un mois civil, l’employé a le droit de recevoir un versement pour ce mois sous la forme d’une somme équivalent au douzième de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon que l’employé soit en uniforme ou non.

70        La définition de « mois » civil n’est pas contestée; les parties conviennent que le libellé de l’article 4 de l’appendice J est que les 75 heures par « mois civil » signifiaient chaque mois civil particulier individuel.

71        Le douzième de 1 250 $ s’élève à environ 104,17 $ et le douzième de 1 750 $, à environ 148,83 $. Pour le moment, en laissant de côté une fois de plus le mois de juin 2013, les parties sont d’accord et l’appendice J stipule que les employés recevront au cours de chaque mois civil une somme maximale de (selon qu’ils sont en uniforme ou non) 104,17 $ ou 148,83 $, en plus de leurs autres rémunérations et avantages, dans la mesure où ils ont reçu une rémunération au cours de ce mois civil pour un minimum de 75 heures à accomplir les fonctions d’un FB. En termes simples, si un ASF en uniforme hypothétique a été rémunéré au cours du mois de juillet 2013 pour avoir accompli les fonctions d’un FB pendant 75 heures ou plus, l’ASF aurait droit à 148,83 $ aux termes de l’appendice J.

72        Les 75 heures de fonctions d’un FB comprennent en théorie et en pratique un congé payé, mais uniquement dans une certaine mesure. L’article 5 de l’appendice J indique les employés qui sont en congé payé (jusqu’à un maximum de 60 jours consécutifs) ou en congé pour accident de travail payé ont toujours le droit de recevoir l’indemnité des ASF.

73        Par conséquent, ce ne sont pas tous les employés qui auraient par ailleurs le droit de recevoir l’indemnité des ASF la recevront pour chaque mois civil. Si un employé ne satisfait pas au seuil des 75 heures de rémunération pour les fonctions d’un FB au cours d’un mois civil donné, l’employé ne recevra pas le versement de 104,17 $ ou de 148,83 $ pour ce mois civil donné. Cela signifie qu’au cours d’une période de 12 mois, certains employés dans l’unité de négociation des ASF peut recevoir soit le versement de 1 250 $ ou de 1 750 $, alors que d’autres reçoivent un montant moindre.

74        Une fois encore, en mettant de côté le mois de juin 2013, au cours d’une année ou d’une période de 12 mois, par exemple du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014, un employé qui a satisfait au seuil de 75 heures uniquement au cours de 6 de ces 12 mois ne recevrait que 6 versements de 104,17 $ ou de 148,83 $ (selon le cas), totalisant uniquement la moitié de l’indemnité annuelle (soit 625 $ ou 875 $).

75        Le titre ou la qualification de l’indemnité des ASF comme une indemnité annuelle constitue une désignation erronée. Malgré le fait qu’elle soit désignée comme un montant annuel et un montant fixe (de 1 250 $ ou de 1 750 $), la réception d’une indemnité des ASF dépendait entièrement de la réception d’une rémunération pour avoir accompli les fonctions d’un FB pour un minimum de 75 heures au cours d’un mois civil donné. L’indemnité est en réalité un avantage conditionnel comportant un montant conditionnel payable tous les mois (tant qu’un membre de l’unité de négociation des ASF qualifié satisfait à certains critères). Le montant maximum au cours d’une période de 12 mois donnée ne doit pas dépasser 1 250 $ ou 1 750 $. En réalité, il s’agit d’une indemnité mensuelle, payable tous les mois et entièrement dépendante du respect des critères énoncés à l’appendice J. Les sommes de 1 250 $ et de 1 750 $ constituent simplement le paiement maximal pouvant être versé aux membres de l’unité de négociation des ASF qualifiés au cours d’une période d’un an.

76        Un des arguments de l’employeur pour appuyer sa position selon laquelle l’indemnité est une indemnité annuelle est la date d’entrée en vigueur énoncée à l’article 2 de l’appendice J, à savoir le 21 juin 2013, et la date d’expiration de la convention collective, soit le 20 juin 2014, exactement un an ou 365 jours plus tard. Je n’accepte pas cet argument.

77        Dans son recueil de jurisprudence, l’employeur m’a présenté plusieurs définitions du mot « annual » (annuel). Le Canadian Oxford Dictionary définit ce terme comme [traduction] « calculé par année;qui se produit chaque année;qui vit ou qui dure pendant un an * nom : un livre, etc., publié une fois par année; un annuaire; une plante qui vit pendant une année ou moins ».

78        Immédiatement sous cette définition figure celle de « annual allowable cut » (possibilité annuelle de coupe), qui est définie comme « le volume de bois qui peut être coupé chaque année dans une région précise ».

79        Immédiatement sous cette définition figure celle de « annual general meeting » (assemblée générale annuelle), qui est définie comme [traduction] « une réunion annuelle des membres ou des actionnaires, particulièrement pour tenir des élections et rendre compte des événements de l’année ».

80        Sous cette définition est la définition de « annual report » (rapport annuel), qui est défini comme [traduction] « un rapport annuel présenté par les administrateurs d’une société à ses actionnaires comportant les états financiers et un résumé des activités annuelles ».

81        Enfin, sous cette définition figure la définition de « annual ring » (cerne annuel), qui est défini comme [traduction] « un anneau dans la section transversale d’une plante, particulièrement un arbre, produit par une année de croissance ».

82        Il me semble évident que le mot « annual » signifie quelque chose qui se produit plus d’une fois, mais une seule fois par année civile ou pendant une période de 12 mois. Un événement annuel, comme Noël, se produit chaque année, mais une seule fois pendant une année civile, par conséquent, on peut affirmer qu’il est annuel.

83        L’indemnité des ASF prévue à l’appendice J, cependant, n’était pas un paiement versé une fois par année. Le montant, qu’il soit de 1 250 $ ou de 1 750 $, n’est pas un versement du type « tout ou rien »; ce qui signifie qu’il dépend du fait que chaque employé soit rémunéré pour avoir accompli les fonctions d’un FB pendant au moins 75 heures au cours de chaque mois civil pendant l’année (ou au courant de l’année) pour recevoir le montant intégral de l’indemnité, à défaut de quoi il ne reçoit rien. En termes simples, même si le mot « annuelle » est utilisé pour modifier le mot « indemnité », une lecture de l’appendice J dans son intégralité signifie qu’il s’agit réellement d’une indemnité mensuelle, qui est calculée et versée chaque mois, et qui ne doit pas dépasser au cours d’une année ou de 12 mois, la somme de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon que l’employé soit en uniforme ou non.

La qualification de l’employeur de « annuel » ne tient pas compte des employés qui ont joint l’unité de négociation des ASF après le 21 juin 2013. Par exemple, un employé qui l’a joint en août 2013 n’aurait pas droit au montant intégral de 1 250 $ ou de 1 750 $ (selon le cas) entre août 2013 et le 20 juin 2014. Cependant, sous réserve du respect du seuil d’une rémunération de 75 heures à accomplir les fonctions d’un FB au cours d’un mois civil, l’employé aurait le droit de recevoir le maximum de 1 250 $ ou de 1 750 $ (selon le cas) au cours de la période d’un an commençant en août 2013 et se terminant à la fin de juillet 2014. Cependant, au cours de la période du 1er août 2013 au 21 juin 2014, l’employé recevrait uniquement 11/12 de l’indemnité des ASF.

84        L’argument de l’employeur ignore l’art. 107 de la Loi, communément appelée la disposition sur le gel, qui stipule ce qui suit :

      Obligation de respecter les conditions d’emploi

      107 Une fois l’avis de négocier collectivement donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve du paragraphe 125(1), les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou :

  1. dans le cas où le mode de règlement des différends est l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;
  2. dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

85        L’histoire récente et la réalité dans la négociation collective dans le secteur public fédéral révèlent que des intervalles importants sont courants entre la date d’expiration d’une convention collective et la signature d’une nouvelle convention pour la même unité de négociation. Dans le cas de l’unité de négociation des ASF, il s’est écoulé près de trois ans entre l’expiration de l’ancienne convention collective et la signature de celle faisant l’objet du grief en l’espèce.

86        En outre, ce n’est pas un secret qu’à la date de l’audition du présent grief, la convention collective des ASF n’avait pas été remplacée par une nouvelle convention et qu’il s’était écoulé plus de trois ans depuis son expiration. Elle a été signée le 17 mars 2014 et avait une date d’expiration au 20 juin 2014. Essentiellement, sans les dispositions sur le gel, elle a été en vigueur pendant 95 jours. L’indemnité des ASF acceptée à l’appendice J n’a pas pris fin en date du 21 juin 2014. L’application pratique de l’art. 107 de la Loi dicte que, jusqu’au moment où l’une ou l’autre des parties négocie une fin à l’appendice J ou que le législateur légifère en vue de l’éliminer, il demeurera en vigueur.

87        L’appendice A de la convention des ASF établit les augmentations de salaire, qui sont annuelles pour la plupart. Il n’est pas rare que les augmentations salariales dans les conventions collectives du secteur public, par exemple la convention collective des ASF, entrent en vigueur annuellement le même jour. Selon l’appendice A, les employés sont censés recevoir une augmentation de salaire annuellement le 21 juin 2011, 2012 et 2013. La convention collective pour l’unité de négociation des ASF avant la question soulevée dans le grief en l’espèce a été signée le 29 janvier 2009 et a expiré le 20 juin 2011. Il est évident que ce qui se produit à l’appendice A est que les augmentations de salaire qui devaient être versées annuellement à compter de 2011 jusqu’à 2013, inclusivement, le 21 juin de chaque année, entrent en vigueur le premier jour après l’expiration de la convention collective précédente (le 20 juin 2011). L’article 2 de l’appendice J indiquait qu’il était en vigueur à compter du 21 juin 2013, incidemment le même jour de l’entrée en vigueur de la dernière augmentation indiquée à l’appendice A.

88        Comme il est indiqué dans l’ECF, au départ, l’employeur n’était pas prêt à verser à un employé quelconque tout montant attribuable à l’indemnité des ASF pour le mois de juin 2013. Ce n’est qu’au dernier palier de la procédure de règlement des griefs que l’employeur a accepté de verser la partie mensuelle de l’indemnité pertinente pour tout employé qui, entre le 21 et le 30 juin 2013, avait respecté le seuil des 75 heures.

89        Cette position adoptée par l’employeur ne correspond pas à ses arguments. Si un employé a respecté le seuil des 75 heures pour juin 2013 et pour tout autre mois à compter de cette date jusqu’au 20 juin 2014, l’employé aurait reçu une rémunération pour chaque mois civil – 13 mois, pas 12 mois. Il est concevable que cela ait pu se produire, car l’employeur a reconnu qu’il était prêt à verser la partie mensuelle pour juin 2013, si un employé respectait le seuil des 75 heures entre le 21 et le 30 juin 2013. Cela n’est pas conforme à son argument concernant le sens du mot « annuel ».

90        Même si cet argument n’est pas expressément soulevé par l’employeur, dans ce scénario, on pourrait dire que le versement de l’indemnité de juin 2014 est dans la prochaine période annuelle. Cet argument ne pourrait être retenu, car la situation se reproduirait perpétuellement chaque mois de juin suivant.

91        L’employeur a fait valoir que le seuil des 75 heures par mois civil, comme il est établi à l’article 4 de l’appendice J, était circonscrit par la date d’entrée en vigueur établie à l’article 2. Je suis en désaccord.

92        La preuve révélée par les deux témoins, qui étaient les négociateurs respectifs des parties, était qu’aucune discussion n’avait eu lieu à l’égard de ce qui suit :

  • l’établissement de la date d’entrée en vigueur;
  • le sens de la date d’entrée en vigueur par rapport au versement de l’indemnité;
  • la date d’entrée en vigueur par rapport au seuil des 75 heures.

93        M. Gay a témoigné en disant que, d’après ses souvenirs, la négociation et l’accord à l’égard de l’appendice J étaient qu’il était structuré conformément au modèle d’une disposition similaire, la clause 43.07 de la convention collective des CX. M. Leindecker a déclaré qu’il suivait le modèle de l’article A.3.11 de l’appendice des Conditions d’emploi, appendice P de la convention collective des TS et, peut-être, de la convention collective des Officiers de navire.

94        À la suite un examen des références de MM. Gay et Leindecker, il me semble évident que la clause 43.07 de la convention collective des CX et l’appendice P de la convention collective des TS, qui portent tous deux sur les indemnités, sont très similaires à l’appendice J en litige. L’article A.3.11 de l’appendice des Conditions d’emploi ne semble ressembler en rien à l’appendice J.

95        Lorsque les parties voulaient conférer à des mots ou à phrases un sens qui différaient de leur sens clair et ordinaire, elles l’ont fait.

96        Lorsque les parties voulaient être précises à l’égard de la définition des avantages ou des dates de début et de fin pour le calcul des avantages, elles l’ont été.

97        L’article 34 de la convention collective des ASF précise également un seuil de 75 heures. Cet article porte sur les congés annuels payés. La clause 34.01 dispose que l’année de congé s’étend du 1er avril au 31 mars inclusivement de l’année civile suivante. En termes simples, cela signifie que l’année de congé annuel s’étend du 1er avril d’une année (par exemple 2017) jusqu’au 31 mars de l’année suivante (2018). Il est clair que lorsque les parties voulaient être précises à propos d’un intervalle particulier, lorsqu’il pouvait y avoir de la confusion, elles ont défini la période.

98        Cela est éloquent, car il est bien connu dans le secteur public fédéral que l’exercice de l’employeur est le 1er avril d’année donnée jusqu’au 31 mars de l’année suivante. Cela diffère d’une année civile (par exemple 2017), qui s’étend du 1er janvier au 31 décembre.

99        La clause 34.02 établit qu’un employé qui accumule au moins 75 heures de rémunération au cours de chaque mois civil accumulera des crédits de congé annuel à un taux déterminé, selon les années de service. Les clauses 34.02a) à g) établissent ensuite les différents taux de crédits de congé annuels accumulés par mois civil, selon des années de service particulières et le moment où un employé donné passe d’un taux au suivant.

100        La clause 34.02a) établit que les employés qui comptent 8 années de service ou moins accumulent au cours d’un mois civil 9,375 heures de congé annuel jusqu’au mois où l’employé célèbre l’anniversaire de sa 8e année de service. La clause 34.02b) dispose qu’une augmentation du taux mensuel survient au cours du mois où l’employé célèbre son huitième anniversaire de service. Si le huitième anniversaire de service d’un employé tombe un jour donné quelconque au cours d’un mois en particulier, alors à compter de ce mois, l’employé gagne le montant le plus élevé des crédits de congé.

101        La clause 34.05 porte sur l’établissement des congés annuels.

102        La clause 34.05b)(ii) indique expressément que la période de congé estivale s’étend du 1er juin au 30 septembre de toute année donnée et que la période de congé hivernale s’étend du 1er décembre d’une année au 31 mars de l’année suivante. La clause 34.05b)(i) dispose que les employés doivent présenter leur demande de congés estivaux au plus tard le 15 avril et, pour la période de congé hivernale, au plus tard le 15 septembre.

103        L’article 62 porte sur l’administration de la paye. Une fois de plus, un examen attentif de la clause 62.03 révèle que lorsque les parties ont tenu à faire preuve d’exactitude quant au sens de certains termes, lorsqu’un litige était possible, elles ont ajouté des détails dans les dispositions visées.

104        La date d’entrée en vigueur, lorsqu’elle est interprétée de façon indépendante, signifie que l’avantage lié à l’indemnité des ASF doit commencer le 21 juin 2013. Cependant, ce sens est modifié par l’inclusion de l’article 4, qui énonce les critères pour le versement de l’avantage. On y stipule qu’il doit être versé aux employés qui satisfont au seuil de 75 heures par mois civil. Juin est un mois civil. Aucune disposition dans l’appendice J ne limite le sens de ce terme pour qu’il ait une signification différente, comme l’employeur voudrait que j’accepte que cela ne signifie que les jours dans le mois civil de juin compris entre les 21 et 30 juin.  

105        On m’a renvoyé aux décisions dans Delios, IPFPC c. ARC et Fehr. Il me semble également clair, comme il est indiqué dans ces décisions, que lorsque les parties souhaitent trancher des questions transitoires portant sur un avantage, elles le font habituellement. Cela est également vrai dans la convention collective des ASF, qui a établi à l’article 34 presque au mot à mot les dispositions qui figurent dans la convention collective visée dans IPFPC c. ARC, dans laquelle je me suis penché sur la question des dispositions transitoires.

106        Dans IPFPC c. ARC, dans laquelle j’ai suivi le raisonnement de la prédécesseure de la Commission dans Delios c. Agence du revenu du Canada, 2013 CRTFP 133 (confirmée dans 2015 CAF 117), j’ai déclaré ce qui suit :

[…]                   

104    Même si les faits de la présente affaire ne sont pas exactement les mêmes que ceux dans Delios, l’employeur dans cette affaire donne à penser qu’une restriction est implicite dans l’interprétation de la clause 17.21, même s’il n’y a pas de restriction explicite. Il est manifeste que les parties à la convention collective de 2012 ont imposé des restrictions ou des précisions relativement aux clauses relatives sur les congés. Les congés en général sont visés par l’article 14, les congés annuels sont visés par l’article 15, les congés de maladie sont visés par l’article 16, et les autres congés, payés ou non, sont visés par l’article 17.

105    Tel qu’il est mentionné dans Delios, dans les clauses 17.11 et 17.14 de la convention collective, les parties ont imposé des restrictions au congé en utilisant les expressions « […] pendant la durée totale de son emploi dans la fonction publique » (clause 17.11) et « […] pendant sa période d’emploi totale dans la fonction publique » (clause 17.14). À la clause 15.03, traitant du congé annuel, la convention collective de 2012 utilise l’expression « […] toute période de service au sein de la fonction publique, qu’elle soit continue ou discontinue, entre en ligne de compte dans le calcul des crédits de congé annuel […] ».

106    Aux termes de la clause 15.17 de la convention collective, l’employé a droit une seule fois à un congé de 37,5 heures (l’objet de la décision dans IPFPC 2011), qui remplace l’ancien congé de mariage. À la clause 15.17, une restriction à la restriction des alinéas 15.07 a), b) et c) est établie, indiquant que ce congé est exclu de l’application des alinéas 15.07 a), b) et c), qui vise le report et l’épuisement de certains crédits de congé annuel excédentaires.

107    À mon avis, il ressort clairement que, dans la convention collective de 2012, lorsque les parties ont souhaité imposer des restrictions, des exclusions, ou encore des exclusions aux restrictions, sur les congés, elles l’ont fait.

108    De plus, il ressort clairement que, lorsque les parties ont souhaité inclure une disposition transitoire à la convention collective de 2012, elles l’ont fait. La clause 15.07 contient les alinéas c) et d), qui portent sur les dispositions transitoires relatives au report de crédits de congés annuels inutilisés, qui traitent certains sous-ensembles d’employés de l’unité de négociation du groupe VFS différemment et qui prévoient une transition à la date de la signature de la convention collective. La clause 15.07c) contient la disposition transitoire suivante : « Nonobstant l’alinéa 15.07a) ci-dessus et sujet de la clause 15.07d), si à la date de signature de cette convention[…] » [je souligne]. De plus, entre les clauses 15.07c) et d) de la convention collective de 2012, se trouve la disposition transitoire suivante :

L’alinéa 15.07d) s’applique aux employés classifiés AU et MG-AFS (AU) (tel qu’indiqué à l’annexe E) qui ont un solde de crédits de congés annuels accumulés, mais inutilisés dépassant deux cent soixante-deux virgule cinq (262,5) heures à la date de la signature de la présente convention collective seulement.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

107        Le raisonnement établi à partir de IPFPC c. ARC s’applique également en l’espèce. En effet, les dispositions établies dans la convention collective en litige dans IPFPC c. ARC portant sur la semaine de congé unique (pour remplacer l’ancien congé de mariage) et les dispositions de report concernant le congé annuel (clause 15.07) sont pratiquement identiques aux clauses 34.18 (la disposition pour remplacer l’ancien congé de mariage), 34.11 et 34.12, les dispositions concernant le report du congé annuel dans la convention collective des ASF.

108        Si les parties peuvent envisager les dispositions transitoires dans les détails énoncés dans ces clauses (34,11, 34,12 et 34,18), alors certainement, si elles voulaient dire que l’expression « mois civil » devrait avoir un sens différent pour le mois de juin 2013, elles l’auraient indiqué à l’appendice J ou dans la partie de la convention collective portant sur les dispositions transitoires.

109        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

110        Le grief est accueilli.

111        L’employeur contrevient à l’appendice J de la convention collective des ASF.

112        L’employeur doit verser à chaque employé qui a été rémunéré pour avoir accompli les fonctions d’un FB pendant un minimum de 75 heures en tout temps au cours du mois de juin 2013 la partie mensuelle de l’indemnité, qui correspond au douzième de 1 250 $ ou de 1 750 $, selon le cas.

Le 16 octobre 2018.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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