Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a pris un congé de maladie qu’elle a éventuellement épuisé – l’employeur lui a avancé un congé de maladie supplémentaire – après cela, sa demande de congé non payé (CNP) a été approuvée et a été prolongée à plusieurs reprises pendant environ sept ans – l’employeur avait demandé plusieurs fois à la fonctionnaire s’estimant lésée de lui faire part de son état, a obtenu des preuves médicales de son médecin et lui a dit à maintes reprises qu’elle ne pouvait pas rester en CNP indéfiniment – il a conclu qu’il était peu probable qu’elle soit en mesure de retourner au travail à un moment quelconque dans l’avenir prévisible et il a décidé de la congédier pour des motifs non disciplinaires – la fonctionnaire s’estimant lésée a déposé un grief, dans lequel elle alléguait que son congédiement était un acte discriminatoire fondé sur son invalidité, ce qui contrevient à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la convention collective – la Commission a conclu qu’il n’y avait aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle l’employeur avait commis une erreur en se fondant sur les conclusions de l’assureur privé – la preuve a également établi que rien de ce que le médecin de la fonctionnaire s’estimant lésée a dit en sept ans n’indiquait que sa santé s’améliorait au point où un retour au travail était prévu, voire possible, de son opinion médicale professionnelle – le dernier billet du médecin indiquait tout simplement que la fonctionnaire s’estimant lésée prévoyait retourner au travail dans un an – selon la Commission, il ne s’agissait pas d’une opinion médicale professionnelle fondée sur des renseignements à l’appui de la santé de la fonctionnaire s’estimant lésée – en se fondant sur la preuve, la Commission a conclu qu’il était raisonnable pour l’employeur de conclure qu’il était peu probable que la fonctionnaire s’estimant lésée puisse retourner au travail à un moment donné dans un avenir raisonnablement prévisible – la Commission a également rejeté l’observation formulée par la fonctionnaire s’estimant lésée selon laquelle l’employeur aurait dû la faire consulter un autre médecin pour qu’elle subisse une autre évaluation médicale ou qu’il avait l’obligation de vérifier auprès du médecin et de communiquer encore une fois avec elle pour lui mentionner qu’il n’était pas satisfait du billet médical – après avoir parlé à l’employeur et reçu une autre correspondance qui lui indiquait de nouveau qu’elle ne pouvait pas rester en CNP indéfiniment, la fonctionnaire s’estimant lésée a demandé d’avoir une dernière chance de prouver qu’elle avait progressé au point de devenir apte sur le plan médical à retourner au travail – l’employeur lui a accordé une dernière prolongation de son CNP afin de lui permettre d’obtenir une telle opinion de son médecin – quand cette opinion a été donnée, on a conclu qu’elle ne contenait aucun renseignement utile sur le pronostic quant à son rétablissement et à sa capacité de retourner au travail – la Commission a conclu qu’il incombe à l’employé de prouver qu’il est apte sur le plan médical à retourner au travail – après des années d’efforts déployés de bonne foi pour soutenir son employée et attendre qu’elle se rétablisse au point d’être apte au travail, l’employeur n’avait aucune obligation d’en faire plus – l’employeur a agi de manière raisonnable en tout temps et a pris des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire s’estimant lésée jusqu’au point où il aurait pu en résulter une contrainte excessive.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20181211
  • Dossier:  566-02-10981 et 10982
  • Référence:  2018 CRTESPF 93

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

NADRINE MAHER

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Maher c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Christopher Schulz, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Richard Fader, avocat
Affaire entendue à Toronto (Ontario),
les 10 et 11 octobre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Résumé

1        Nadrine Maher, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était employée au Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») et travaillait en tant que coordonnatrice de la gestion des cas à l’établissement de Beaver Creek au nord de Toronto (Ontario). Sa dernière journée de travail était le 23 juin 2006; après ce jour, elle a commencé un congé de maladie qu’elle a éventuellement épuisé. L’employeur lui a avancé à ce moment-là un congé de maladie supplémentaire. Après cela, sa demande de congé non payé (CNP) a été approuvée et a par la suite été prolongée à plusieurs reprises pendant environ sept ans (d’octobre 2006 à décembre 2013).

2        Malgré son désir sincère de se rétablir et de retourner au travail et les efforts qu’elle a déployés à cette fin, Mme Maher n’est toujours pas apte sur le plan médical à retourner au travail et elle reçoit des prestations d’assurance-invalidité. L’employeur avait demandé plusieurs fois à la fonctionnaire de lui faire part de son état et, après avoir obtenu des preuves médicales de son médecin et lui avoir dit à maintes reprises qu’elle ne pouvait pas rester en CNP indéfiniment, il l’a congédiée pour des motifs non disciplinaires à compter du 3 janvier 2014.

3        L’employeur a reconnu l’état de santé de la fonctionnaire et était d’accord avec sa décision de prendre un congé de maladie; il lui a avancé des crédits de congé de maladie et a finalement approuvé un CNP d’environ sept ans. Il a continué de communiquer régulièrement avec elle et lui a demandé de lui donner une mise à jour sur son état. Il a éventuellement mentionné qu’il ne pouvait plus continuer de prolonger son CNP et que son médecin devait donner plus de détails, y compris une date ou un calendrier de retour au travail, pour qu’il examine une autre prolongation.

4        Après avoir reçu la réponse du médecin de la fonctionnaire, l’employeur a conclu qu’il était peu probable qu’elle soit en mesure de retourner au travail à un moment quelconque dans l’avenir prévisible et il a décidé de la congédier.

5        Pour les motifs présentés plus loin dans la présente décision, je conclus que l’employeur a agi de manière raisonnable en tout temps dans cette affaire malheureuse. Par conséquent, je conclus qu’il a pris des mesures d’adaptation à l’égard de la fonctionnaire jusqu’au point où il aurait pu en résulter une contrainte excessive pour lui et je rejette les griefs.

II. Contexte

6        Le 7 septembre 2004, l’employeur a offert à la fonctionnaire un déploiement à l’établissement de Beaver Creek dans un poste classifié au groupe et au niveau WP-05 en tant que coordonnatrice de la gestion des cas. Elle a accepté et a commencé à travailler là peu de temps après. En deux ans environ, elle a fait l’objet d’une allégation de harcèlement, qui a été confirmée à la suite d’une enquête. Quand elle en a discuté avec la direction, elle est tombée malade et a commencé un congé de maladie le 23 juin 2006. L’employeur a appris plus tard que la fonctionnaire souffrait de trouble de stress post-traumatique (TSPT) en raison d’un événement traumatisant survenu au travail précédemment, ce qui avait déclenché du stress et de l’anxiété quand son gestionnaire lui a parlé de la plainte de harcèlement.

7        L’employeur a soutenu la fonctionnaire en approuvant son congé de maladie et en lui avançant des crédits de congé de maladie après qu’elle a entièrement épuisé son temps mis en réserve. Une fois que le congé de maladie supplémentaire a été utilisé, l’employeur a approuvé un CNP, qu’il a prolongé jusqu’à la fin de l’année 2013.

8        Pendant la majeure partie du temps que la fonctionnaire a passé à l’extérieur du bureau, son médecin et elle ont indiqué à l’employeur de ne pas communiquer directement avec elle, puisque son médecin l’avait avertie que cela aggraverait sa maladie. Néanmoins, la fonctionnaire et l’employeur ont eu des contacts périodiques au moyen d’un intermédiaire ou directement, à l’occasion, dans le cadre d’appels téléphoniques et de correspondance écrite.

9        L’employeur a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire à compter du 3 janvier 2014. Un grief, dans lequel on alléguait que le congédiement était un acte discriminatoire fondé sur l’invalidité de la fonctionnaire, ce qui contrevient à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6) (la « LCDP ») et à l’article 19 de la convention collective, a été déposé. L’agent négociateur de la fonctionnaire a renvoyé les griefs à l’arbitrage conformément à l’alinéa 209(1)a) et au sous-alinéa 209c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP)après avoir reçu la réponse de l’employeur au palier final du processus de grief.

10        La fonctionnaire était la seule à témoigner pour son compte. L’employeur a appelé le sous-directeur David Dunk, le directeur Charles Stickel et le conseiller en relations de travail Daniel Winter à témoigner parce qu’ils avaient tous traité directement avec la fonctionnaire et les affaires liées à ces griefs. L’employeur a aussi appelé Aphrodite Drakopoulos d’Industrielle Alliance (IA), une compagnie d’assurance, à témoigner; elle était la gestionnaire de cas qui gérait le dossier d’assurance-invalidité de la fonctionnaire à tous les moments pertinents dans cette affaire. IA était l’administrateur privé d’assurance-invalidité pour le gouvernement fédéral.

11        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, art. 365; LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84) et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEF), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). En vertu de l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une instance engagée au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; LRTFP) avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec laLRTFP, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

12        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et les titres de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

III. Questions

13        Je dois déterminer si l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire quand il l’a congédiée. Dans leurs observations, les parties s’entendaient sur le fait que l’issue de ce grief serait de déterminer s’il était raisonnable pour l’employeur d’établir qu’il était peu probable que la fonctionnaire soit en mesure de retourner au travail à un moment quelconque dans l’avenir prévisible. Le cas échéant, tout effort qu’il a continué de déployer constituerait une difficulté excessive et il ne serait plus responsable d’avoir congédié la fonctionnaire parce qu’elle n’était pas apte à travailler sur le plan médical.

14        Pour répondre à cette question, il faut se pencher sur plusieurs questions pour lesquelles les parties ont exposé leurs arguments afin de déterminer si la décision ultime prise par l’employeur était raisonnable. La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur s’est fondé de manière déraisonnable sur des renseignements insuffisants fournis par IA, qui la déclarait complètement invalide, et qu’il n’a également pas tenu compte d’une lettre du médecin traitant qui indiquait que la fonctionnaire prévoyait retourner au travail d’ici un an. L’employeur a fait valoir qu’il s’était fondé sur tous les renseignements à sa disposition pendant l’absence du travail d’environ sept ans de la fonctionnaire pour conclure qu’elle ne serait pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible.

15        Selon l’alinéa 226(2)a) de la Loi, la Commission peut, pour ce qui est de toute affaire renvoyée à l’arbitrage, interpréter et appliquer la LCDP, sauf les dispositions de cette loi sur le droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes, même si la LCDP entre en conflit avec une convention collective.

A. L’employeur a-t-il commis une erreur en se fondant sur la conclusion de l’assureur privé selon laquelle la fonctionnaire était admissible à recevoir des prestations d’assurance-invalidité de longue durée et qu’elle ne pouvait donc pas travailler?

16        L’avocat de la fonctionnaire a interrogé les témoins et a avancé que la question selon laquelle l’employeur s’était fondé de manière inadéquate sur la décision d’IA quand il a décidé qu’elle était incapable de retourner au travail et que cette situation se poursuivrait dans un avenir prévisible. Les témoins de l’employeur ont avoué qu’ils s’étaient en partie fondés sur des renseignements provenant d’IA quand ils se sont demandé si la fonctionnaire était en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible.

17        L’avocat de la fonctionnaire a interrogé les trois témoins de la direction de l’employeur sur la quantité de faits à l’appui des décisions d’IA dont ils étaient réellement au courant. Bon nombre de questions ont été posées sur les lettres d’IA et en vue de déterminer si l’assureur avait réellement déclaré que la fonctionnaire était invalide ou totalement invalide ou s’il n’avait fait qu’indiquer la définition du terme « invalidité » pour ensuite sous-entendre que la fonctionnaire était invalide, puisque l’une des lettres confirmait qu’elle était approuvée pour toucher des prestations d’invalidité.

18        Près de la fin du CNP de sept ans de la fonctionnaire, quand elle a dit à l’employeur qu’elle prévoyait retourner au travail, celui-ci s’est informé auprès d’IA sur la possibilité de modifier son état puisque son intention de retourner au travail sous-entendait qu’une amélioration précédente de son état passée inaperçue était survenue.

19        La demande de l’employeur a exigé à IA d’organiser une autre consultation de réhabilitation et une autre évaluation médicale indépendante (EMI). Le témoignage non contredit indique que le consultant en réhabilitation, à la suite d’une entrevue téléphonique menée en août 2012, a conclu que la fonctionnaire elle-même ne se sentait pas prête à songer à un retour au travail ou à se préparer pour un retour au travail.

20        Quand la fonctionnaire a subi l’EMI, qui a eu lieu quelques mois seulement avant son congédiement, elle a parlé brièvement avec le médecin et a ensuite choisi de mettre fin à l’évaluation parce qu’elle s’inquiétait de ne pas pouvoir obtenir une copie du rapport du médecin provenant directement de celui-ci, vu ses tentatives précédentes pour obtenir des rapports d’IA.

21        L’avocat de la fonctionnaire a contesté le témoignage de chacun des témoins de la direction de l’employeur sur la question de cette consultation de réhabilitation définitive et ses conclusions car aucun témoin n’est parvenu à identifier le consultant qui avait mené l’évaluation ou à mentionner ses qualifications. L’avocat de la fonctionnaire a même demandé, en contre-interrogatoire, s’il était possible que le consultant en réhabilitation fût un orthophoniste, sous-entendant qu’IA n’avait pas déployé des efforts fiables et que l’employeur n’avait pas agi de manière responsable en se fondant sur les conclusions tirées par IA selon lesquelles la fonctionnaire était invalide.

22        La nature hypothétique de la question sur l’orthophoniste a été mise au jour quand Mme Drakopoulos a été appelée à témoigner. Elle et son avocat avaient de nombreux volumes de documents qui, selon eux, prouvaient les efforts considérables qu’ils avaient déployés pour évaluer la fonctionnaire, lui offrir un traitement et finalement déterminer qu’elle n’était pas une bonne candidate pour une réhabilitation réussie. Ils ont indiqué que son dossier avait finalement été placé dans un état d’invalidité permanente et un avis de cette décision a été donné à l’employeur le 20 septembre 2013.

23        L’état d’invalidité permanente a été examiné et confirmé par un gestionnaire et un directeur de département d’IA, ce qui signifiait que l’on ne déploierait aucun autre effort de réhabilitation et que l’on ne ferait que vérifier annuellement l’état de la fonctionnaire.

24        Quand l’avocat de la fonctionnaire a commencé à poser des questions à Mme Drakopoulos sur la façon dont elle était parvenue à sa décision finale de déclarer que la fonctionnaire souffrait d’une invalidité permanente, Mme Drakopoulos a pris une grosse pile de papier et de rapports et a demandé si elle devait commencer à lire les rapports de médecins sur l’état et le traitement de la fonctionnaire. Étant donné que j’avais déjà entendu l’avocat de la fonctionnaire poser autant de questions aux témoins de la direction de l’employeur sur les mêmes sujets, je l’ai invitée à lire un rapport. Elle a lu un extrait d’un rapport de février 2009 présenté par le médecin traitant de la fonctionnaire, le Dr McIntosh, qui a écrit à ce moment que la fonctionnaire n’était pas apte sur le plan médical à exécuter un travail quelconque. Mme Drakopoulos a aussi indiqué dans son témoignage qu’après plusieurs autres renvois médicaux et efforts de réhabilitation, tous les rapports produits indiquaient que la fonctionnaire n’était pas apte à travailler.

25        Après avoir entendu ce témoignage, j’ai demandé à Mme Drakopoulos de faire une pause avant de commencer à lire le rapport médical suivant. J’ai demandé à l’avocat de la fonctionnaire s’il souhaitait aux fins de l’audience qu’IA présente d’autres preuves médicales. Je lui ai offert d’ajourner brièvement l’audience pour étudier cette question avec la fonctionnaire. Quand nous avons repris, aucune autre question n’a été posée à Mme Drakopoulos sur ses nombreux rapports médicaux et de réhabilitation.

26        L’aspect le plus pertinent du témoignage de Mme Drakopoulos était sa déclaration claire et ferme selon laquelle IA protège les renseignements confidentiels de ses clients, comme la fonctionnaire, et qu’elle ne donne pas de détails sur ce que les professionnels indiquent exactement sur l’état médical d’un client.

27        Mme Drakopoulos a aussi reconnu avoir présenté ses conclusions générales sur l’approbation de la fonctionnaire à recevoir des prestations d’invalidité et que plus tard, le 20 septembre 2013, elle a fait placer le dossier à un « état permanent » puisque la fonctionnaire avait été considérée comme une [traduction] « […] mauvaise candidate à la réhabilitation en vue d’un retour au travail ». Elle a expliqué que cet état permanent signifiait qu’aucun autre effort ne serait déployé en ce qui concerne la qualification de la fonctionnaire à recevoir des prestations d’invalidité autre qu’une mise à jour annuelle auprès de la fonctionnaire.

28        Vu la preuve très claire et convaincante présentée par IA, je conclus que les allégations selon lesquelles l’employeur s’est fondé de manière inappropriée sur les conclusions tirées par IA et il aurait dû en savoir plus sur les dossiers qu’IA détenait, ne sont pas étayées par la preuve.

B. L’employeur a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte de renseignements fournis par le médecin de la fonctionnaire au moment de déterminer que la fonctionnaire ne serait pas en mesure de retourner au travail dans un avenir prévisible?

29        Dans son plaidoyer final, l’avocat de la fonctionnaire a indiqué que l’employeur avait commis une erreur en choisissant de se fonder sur la conclusion d’invalidité de la fonctionnaire tirée par IA et en ne tenant pas compte d’une lettre du médecin, qui, selon ce que l’avocat a avancé, contient un pronostic pour son retour au travail.

30        En résumé, la preuve ne soutient pas cet argument vu ce que l’employeur a reçu du médecin de la fonctionnaire. Tous les témoins de l’employeur ont indiqué qu’ils avaient examiné tous les documents du dossier sur l’état de la fonctionnaire provenant de son médecin, et surtout vu la lettre définitive reçue, chacun des témoins a déterminé de manière indépendante qu’il était très improbable qu’elle retourne au travail dans un avenir prévisible.

31        L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que l’employeur ne disposait d’aucune preuve concrète de son invalidité et de son incapacité à retourner au travail. Une telle observation est déraisonnable. Le fait qu’elle n’était pas au travail en raison d’une maladie de façon continue pendant environ sept ans, même sans preuve médicale de son aptitude à travailler, prouve qu’elle était incapable de retourner au travail dans un avenir prévisible. En l’absence de preuve médicale claire du contraire, un employé qui n’est pas apte à travailler pendant autant d’années crée une présomption selon laquelle il est improbable qu’un rétablissement suffise à permettre un retour au travail.

32        La preuve présentée par le médecin de la fonctionnaire indique ce qui suit :

[Traduction]

[Le 10 octobre 2006]

Mme Maher sera absente pour des raisons médicales à compter du 3 octobre 2006 pour une période indéfinie. Merci de votre compréhension à l’égard de cette affaire.

[…]

[Le 17 juin 2011]

Nadrine a demandé la présente lettre en appui à sa demande de prolongation de congé médical. Nadrine est absente du bureau depuis juin 2006; pendant cette période, j’ai échangé continuellement avec la compagnie Industrielle Alliance sur son état et son plan de traitement.

En ce qui concerne la demande liée au plan de travail de Nadrine, le retour au travail demeure le but. Nadrine reçoit des soins médicaux et suit un traitement depuis les dernières années dans l’espoir que son état s’améliore suffisamment pour qu’elle retourne au travail. Son rétablissement est lent.

[…]

[Le 11 juillet 2012 : Le médecin a présenté une copie textuelle de sa lettre de 2011 indiquée ci-dessus et a ensuite ajouté le paragraphe suivant :]

[…]

On me dit qu’on a présenté des options à Nadrine sur son état de congé. Selon moi, l’option de congédiement ou d’un risque de congédiement ferait reculer considérablement son rétablissement en raison d’une anxiété accrue. Je recommande d’accorder à Nadrine une prolongation de son congé médical.

[…]

[Je souligne]

33        Et, finalement, après avoir d’abord informé la fonctionnaire par écrit, le 13 juillet 2009, que son CNP ne pourrait pas se poursuivre indéfiniment et après l’avoir fait de nouveau tous les ans par la suite (le 8 mars 2010, le 2 mai 2011 et le 7 juin 2012), l’employeur a écrit de nouveau le 21 février 2013 afin de confirmer ce qui avait été dit au téléphone entre la fonctionnaire et le directeur Stickel plusieurs semaines plus tôt. Cette discussion portait sur le fait que la fonctionnaire était absente du bureau depuis 2006 en raison d’une maladie ou d’une blessure, qu’IA la considérait comme totalement invalide et qu’elle devait choisir entre remettre sa démission ou prendre sa retraite pour des raisons médicales.

34        La fonctionnaire a répondu le 8 mars 2013 afin de demander une prolongation de son CNP [traduction] « jusqu’à concurrence d’un an ». Elle a indiqué que ses renseignements médicaux avaient toujours indiqué qu’elle [traduction] « s’employait à retourner au travail » et a ajouté qu’elle avait présenté une demande auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail.

35        L’employeur a répondu le 17 avril 2013 et indiqué qu’il accorderait une prolongation de cinq semaines de son CNP afin de permettre à la fonctionnaire d’obtenir des renseignements médicaux à jour de son médecin et d’indiquer une date ou un échéancier précis de retour au travail. Dans la lettre, on indiquait précisément qu’il fallait obtenir [traduction] « des renseignements plus détaillés de la part de votre médecin » pour examiner la demande de prolongation du CNP d’une autre année et que les documents médicaux devaient être présentés au plus tard le 22 mai 2013.

36        Le médecin de la fonctionnaire a répondu rapidement, le 23 avril 2013, dans une lettre de deux lignes qui se lisait ainsi : [traduction] « Mme Maher prévoit retourner au travail en juin 2014 et un examen aura lieu deux mois avant cette date. Le rétablissement de son TSPT a été lent. Elle continue de respecter la thérapie et de faire des suivis par l’intermédiaire de ce bureau. »

37        Tous les témoins de l’employeur ont indiqué dans leur témoignage qu’ils avaient conclu que les renseignements fournis par le médecin de la fonctionnaire étaient inadéquats parce qu’ils ne contenaient pas de renseignements médicaux ou l’avis du médecin sur l’état de santé de la fonctionnaire et son retour au travail.

38        Si, en fait, comme la fonctionnaire l’a soutenu, le billet médical contenait l’opinion d’un médecin traitant selon laquelle elle est apte à retourner au travail, je conclus qu’il est ambigu et indirect au point d’en devenir inintelligible. Je conclus plutôt que le billet n’est que ce qu’il indique – une répétition de l’espoir de la fonctionnaire de retourner au travail. Les seuls renseignements médicaux que le médecin présente indiquent que la fonctionnaire souffre d’un TSPT dont elle se remet lentement.

39        L’employeur a mentionné qu’il est bien reconnu dans la jurisprudence canadienne qu’une fois qu’un employé produit une preuve d’invalidité, l’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de cette invalidité. Toutefois, cette obligation ne dénature pas entièrement l’essence du contrat de travail, soit l’obligation de l’employé de fournir, contre une rémunération, une prestation de travail.

40        L’employeur a l’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des invalidités médicales d’un employé jusqu’au point d’être en mesure de prouver qu’il en subira une contrainte excessive. Si l’employé qui souffre d’une maladie demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura répondu à ce critère, même s’il a tenté de prendre des mesures d’adaptation à son égard.

41        L’obligation de prendre des mesures d’adaptation qui incombe à l’employeur cesse quand les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible. À ce moment-là, le critère lié aux contraintes excessives aura été satisfait (voir Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, aux paragraphes 15 à 19; « Hydro-Québec »).

42        La Cour suprême du Canada s’est aussi penchée sur la question de l’absence prolongée du travail d’un employé en raison d’une blessure ou d’une maladie et a conclu qu’un arbitre avait correctement conclu que « …] l’employeur ne pouvait garder à son service une employée déclarée invalide pour une période indéterminée »; voir Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, au paragraphe 36 (« McGill »).

43        L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que la fonctionnaire avait le potentiel de se rétablir complètement et de retourner au travail, comme il l’était indiqué dans le dernier billet de son médecin, même si elle recevait des prestations d’invalidité depuis plusieurs années et qu’IA l’avait considérée comme entièrement invalide.

44        L’avocat a invoqué la preuve selon laquelle la fonctionnaire devait subir une évaluation médicale indépendante en août 2013 et qu’elle a refusé qu’elle ait lieu, même si elle s’y était présentée, parce qu’elle s’inquiétait de ne pas obtenir une copie du rapport directement du médecin. L’avocat a soutenu que l’on avait permis de fixer une autre date pour l’évaluation, et qu’il est possible que l’on indique que son état s’était amélioré, ce qui signifie qu’il était plus probable qu’elle retourne au travail. L’avocat a aussi mentionné qu’en 2013, certains éléments de preuve sur l’invalidité de la fonctionnaire étaient devenus assez désuets.

45        La preuve présentée à l’audience sur les quelque sept années de traitement, de thérapie et d’évaluations indique qu’un espoir de rétablissement à la fin de l’année 2013 était improbable, même s’il était possible en théorie qu’une autre évaluation donne lieu à un tel résultat.

46        Même s’il ne m’est pas nécessaire de définir ce que je considère comme l’« avenir prévisible » à la lumière des faits qui me sont présentés, je mentionne McCormick c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26274 (19950918), [1995] C.R.T.F.P.C. no 92 (QL) à 32, où l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique a conclu ce qui suit :

Il faut définir l’« avenir prévisible » en fonction des circonstances de chaque cas, définition qui variera par ailleurs suivant le domaine de droit en cause […] Je suis d’avis que, après près de deux ans d’absence, une période de six mois pourrait raisonnablement constituer l’avenir prévisible […]

47        Au contraire, je verrais la période de prévisibilité réduire à mesure que les années d’absence en raison d’une maladie ou d’une blessure augmentent, puisque la preuve qui m’est présentée indique qu’après plusieurs années de congé, IA a mis fin au programme de réadaptation de la fonctionnaire et aux travaux pour évaluer sa capacité à retourner au travail après avoir déterminé, dans une lettre du 20 septembre 2013, qu’elle n’était pas une bonne candidate à un retour au travail et que son dossier serait donc placé dans un état permanent.

48        L’avocat de l’employeur a cité English-Baker c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 24, au paragraphe 91, qui en retour invoquait la conclusion tirée par la Cour suprême du Canada dans McGill, selon laquelle la « […] contrainte excessive résultant de l’absence de l’employé doit s’évaluer globalement à compter du moment où l’employé s’absente ».

49        La Cour suprême du Canada a repris la conclusion qu’elle a tirée dans McGill quand elle a indiqué qu’elle avait opté pour une évaluation globale de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation qui tient compte de l’ensemble de la période pendant laquelle l’employée s’était absentée (Hydro-Québec, au paragraphe 20). La Cour a aussi conclu dans cet arrêt que « […] l’incapacité totale d’un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n’est […] pas le critère de détermination de la contrainte excessive ».

50        Je conclus que la preuve établit que rien de ce que le médecin de la fonctionnaire a dit en sept ans n’indiquait que sa santé s’améliorait au point où un retour au travail était prévu, voire possible, de son opinion médicale professionnelle. Le dernier billet du médecin indique tout simplement que la fonctionnaire prévoit retourner au travail dans un an. Il ne s’agissait pas d’une opinion médicale professionnelle fondée sur des renseignements à l’appui de la santé de la fonctionnaire.

51        fondant sur les billets rédigés au fil des ans par le médecin de la fonctionnaire qui ont été copiés en l’espèce, je conclus qu’il était raisonnable pour l’employeur de conclure à la fin de l’année 2013 qu’il était peu probable que la fonctionnaire puisse retourner au travail à un moment donné dans un avenir raisonnablement prévisible.

C. L’employeur avait-il l’obligation d’en savoir plus sur l’état de santé de la fonctionnaire avant de décider de la congédier?

52        L’avocat de la fonctionnaire a fait vigoureusement valoir que l’employeur avait une obligation absolue d’ordonner ou de demander à la fonctionnaire d’une façon quelconque de subir une évaluation médicale indépendante, possiblement menée par Santé Canada, pour obtenir une opinion de plus sur le pronostic quant à son rétablissement et à son éventuel retour au travail. Je suis fortement en désaccord.

53        L’avocat de la fonctionnaire a invoqué Pepper c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2008 CRTFP 8, aux paragraphes 149 à 157 afin d’étayer l’argument selon lequel l’employeur avait une obligation absolue de prendre des mesures pour confirmer l’état de santé de la fonctionnaire et en discuter avec celle-ci quand il a songé au congédiement. La Commission a indiqué ce qui suit dans ce cas :

[149] Avant de prendre la décision radicale de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé parce qu’il n’est plus capable de se présenter au travail, l’employeur est manifestement tenu de déterminer quel est exactement son état de santé et d’obtenir un pronostic selon lequel il sera incapable de retourner au travail dans un avenir prévisible […] Il est irréfutable qu’il a décidé de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé avant d’obtenir la moindre preuve qu’il était absolument invalide […]

[150] En outre, et c’est plus significatif encore, après avoir obtenu cette mise à jour, l’employeur s’est empressé de prendre la décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé sans tenir le moindrement compte des possibilités qui étaient suggérées. Le Dr Rosenberg […] avait précisé que M. Pepper pourrait retourner au travail dans les trois mois si l’on finissait par régler les problèmes qui sévissaient à son lieu de travail […]

[151] Étant donné que le fonctionnaire s’estimant lésé était déjà absent de son travail depuis sept ans, l’employeur n’a pas donné de raison suffisante pour justifier sa décision de ne pas prendre quelques semaines de plus afin de réévaluer sa position […]

[…]

[153] Si l’employeur refuse d’envisager des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins d’un employé, il doit avancer des preuves fiables, objectives et convaincantes pour le justifier […]

[…]

[155] L’employeur n’a pas non plus eu de discussions valables avec le fonctionnaire s’estimant lésé sur les conséquences des renseignements médicaux les plus récents qu’il ait obtenus et sur les recommandations visant à déterminer s’il était possible de lui offrir des tâches qu’il pouvait accomplir compte tenu des restrictions applicables dans son état […]

[…]

[157] J’en arrive donc inévitablement à la conclusion que l’employeur a décidé de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé sans prendre les mesures nécessaires pour que sa décision soit éclairée […]

54        Je refuse la notion selon laquelle la décision rendue par la Commission dans Pepper devrait éclairer ma décision dans l’affaire dont je suis saisi. Dans Pepper, la direction et l’employé en question avaient une relation acrimonieuse, qui a contribué à son absence prolongée en raison d’une maladie. Le médecin traitant de cet employé avait indiqué qu’il pouvait retourner au travail (dans trois mois), si certaines mesures d’adaptation étaient prises. Et, le plus important, peut-être, c’est que la Commission a conclu que les mesures prises par l’employeur constituaient presque de la mauvaise foi à mon avis puisque l’arbitre de grief avait conclu que la direction avait décidé de congédier M. Pepper avant même d’avoir reçu l’opinion médicale selon laquelle il aurait pu retourner au travail dans trois mois si des mesures d’adaptation étaient prises. Aucun de ces aspects importants de Pepper n’était présent dans la preuve qui m’a été présentée.

55        Je rejette donc l’observation formulée par l’avocat de la fonctionnaire selon laquelle vu la preuve dont je suis saisi, l’employeur n’aurait pas pu se fonder sur le dernier billet médical de son médecin et que, vu l’ensemble de son absence du travail de sept ans, sans preuve qu’elle était apte sur le plan médical à retourner au travail à un moment donné dans le présent ou à l’avenir, l’employeur aurait dû en fait la faire consulter un autre médecin pour qu’elle subisse une autre évaluation médicale. Je rejette aussi l’observation formulée par son avocat selon laquelle l’employeur avait l’obligation de vérifier auprès du médecin et de communiquer encore une fois avec la fonctionnaire pour lui mentionner qu’il n’était pas satisfait du billet médical.

56        Ce qui était en jeu n’aurait pas pu être exposé plus clairement pour la fonctionnaire. Plusieurs lettres et finalement un appel téléphonique du directeur pour lui expliquer ce qui se passait l’informaient tous clairement qu’elle pouvait être congédiée. En fait, la direction de l’employeur a communiqué régulièrement avec elle, même si elle avait parfois demandé que l’on ne communique pas avec elle. Elle a confirmé que l’employeur avait gardé un contact positif et professionnel avec elle quand elle a décrit un appel téléphonique qu’elle a reçu du directeur Stickel au début de l’année 2013.

57        Après avoir parlé au directeur et reçu une autre correspondance qui lui indiquait qu’elle ne pouvait pas rester en CNP indéfiniment, la fonctionnaire a demandé d’avoir une dernière chance de prouver qu’elle avait progressé au point de devenir apte sur le plan médical à retourner au travail. L’employeur a répondu en lui accordant une dernière prolongation de son CNP afin de lui permettre d’obtenir une telle opinion de son médecin. Quand cette opinion a été donnée, on a conclu qu’elle ne contenait aucun renseignement utile sur le pronostic quant à son rétablissement et à sa capacité de retourner au travail.

58        Un employé qui s’absente du travail et qui est malade ou blessé a le fardeau de prouver à l’employeur qu’il est malade ou blessé et ensuite, qu’il s’est rétabli au point où son médecin traitant a fixé une date concrète et clairement communiquée de retour au travail, à partir de laquelle les parties peuvent commencer à songer aux mesures d’adaptation pouvant être prises pour son retour au travail.

59        Ma conclusion selon laquelle il incombe à l’employé de prouver qu’il est apte sur le plan médical à retourner au travail est conforme à la décision rendue par la CRTFP dans Halfacree c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2012 CRTFP 130, au paragraphe 221, qui a conclu ainsi : « Il revenait au fonctionnaire de fournir l’information demandée par l’employeur. L’employeur n’avait pas l’obligation d’agir comme son propre détective. »

60        La fonctionnaire a aussi invoqué Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2005 CRTFP 150, pour étayer l’argument selon lequel l’employeur aurait dû en faire plus pour remettre en question et préciser les renseignements médicaux qu’il considérait comme insuffisants et sur lesquels il s’est finalement fondé pour congédier le fonctionnaire.

61        Je distingue Grover en fonction des faits qui y sont présentés puisque l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait de nombreuses options et qu’il avait ignoré le processus habituel pour remettre en question la preuve médicale présentée. On a conclu, dans Grover, que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas eu l’occasion de présenter d’autres preuves médicales parce que son employeur ne lui avait pas indiqué clairement ce qu’il voulait obtenir. Ce n’était manifestement pas la situation en l’espèce, vu la preuve dont je suis saisi.

62        La fonctionnaire a aussi invoqué la décision arbitrale rendue dans Nelsons Laundries v. Retail Wholesale Union, Local 580 (1997), 64 L.A.C. (4e) 120, à 5. Ce cas portait sur un employé qui retournait au travail après une absence causée par une blessure. L’employeur est demeuré préoccupé par l’aptitude au travail de l’employé. L’arbitre a conclu que c’est à l’employeur qu’il incombe de recueillir des éléments de preuve médicaux pour prouver l’aptitude au travail d’un employé. Encore une fois, ces faits ne sont pas pertinents étant donné que la situation est très différente dans l’affaire dont je suis saisi et je distingue donc Nelsons Laundries.

63        La fonctionnaire a cité une jurisprudence qui indique que c’est l’employeur qui est le mieux placé pour déterminer les mesures d’adaptation à prendre au travail et que l’employé doit y participer. Toutefois, ce n’est pas pertinent en l’espèce parce que la fonctionnaire n’a jamais été réputée apte sur le plan médical à retourner au travail par son médecin. Après des années d’efforts déployés de bonne foi pour soutenir son employée et attendre patiemment qu’elle se rétablisse au point d’être apte au travail, l’employeur n’avait aucune obligation d’en faire plus. Toute autre mesure qu’il aurait prise aurait été au-delà d’une contrainte excessive.

64        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

65        Le grief est rejeté.

Le 11 décembre 2018.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,
une formation de la Commission des relations

de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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