Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée, une gestionnaire, a déposé un grief contestant son licenciement, au motif qu’il n’était pas justifié – quatre allégations de harcèlement ont été déposées contre elle – l’employeur a décidé de la licencier en raison des allégations et d’une série d’inconduites – la Commission a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait adopté une approche intransigeante en matière de gestion et que l’environnement de travail qu’elle avait ainsi créé était tellement difficile qu’elle a fait l’objet de plaintes de harcèlement – la Commission a été convaincue que les quatre allégations étaient fondées – par son style de gestion, la fonctionnaire s’estimant lésée s’est adonnée à un comportement humiliant à l’égard d’un employé, ce qui constituait un abus de pouvoir – la Commission a conclu que ce comportement était inadmissible de la part d’une gestionnaire de son niveau et qu’il se reproduirait si cette dernière était réintégrée dans ses fonctions – la Commission a également conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait enfreint la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement ainsi que le Code de valeurs et d’éthique de l’employeur – la Commission a conclu que, compte tenu de tous les éléments de preuve, le licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas une mesure excessive et qu’il était raisonnable dans les circonstances – la Commission a conclu que l’employeur ne pouvait plus faire confiance à la fonctionnaire s’estimant lésée étant donné que cette dernière avait continuellement nié ses torts et qu’elle avait fait preuve à plusieurs reprises d’insubordination et d’un manque de respect envers l’employeur et son équipe de gestion – la fonctionnaire s’estimant lésée a également déposé une plainte en vertu de l’article 147 du Code canadien du travail, alléguant que les mesures disciplinaires imposées à son égard par l’employeur constituaient des mesures de représailles parce qu’elle avait exigé qu’il lui offre un milieu de travail exempt de violence – la Commission a conclu qu’il ne suffisait pas de démontrer qu’une mesure disciplinaire avait été imposée et a ajouté que la fonctionnaire s’estimant lésée devait également démontrer qu’il existait un lien entre la mesure disciplinaire et l’exercice des droits, ce qu’elle n’a pas fait – enfin, elle a soutenu que l’employeur avait violé ses droits relatifs à l’équité procédurale – la Commission a conclu qu’elle n’avait pas établi que l’employeur agissait à des fins malhonnêtes.

Grief rejeté.
Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20180928
  • Dossier:  566-02-12916 et 560-02-123
  • Référence:  2018 CRTESPF 78

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ANGELA WALKER

fonctionnaire s'estimant lésée et plaignante

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l’Environnement et du Changement climatique)

défendeur

Répertorié
Walker c. Administrateur général (ministère de l’Environnement et du Changement climatique)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail


Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée et plaignante:
Michael Korbin, avocat, et Christopher Schulz, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Sean Kelly et Joel Stelpstra, avocats
Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
du 15 au 18 novembre 2016; du 6 au 9 juin, du 25 au 28 juillet et du 15 au 17 août 2017; du 16 au 19 janvier, du 13 au 16 février et du 20 au 23 mars 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage et plainte devant la Commission

1        La fonctionnaire s’estimant lésée et plaignante, Angela Walker (appelée dans la présente décision la « fonctionnaire ») a allégué que le défendeur (l’administrateur général, le ministère de l’Environnement et du Changement climatique) (appelé dans la présente décision l’« employeur ») l’a licenciée sans motif valable. Elle a également soutenu que le licenciement constituait des représailles pour une plainte qu’elle a déposée en vertu du Code canadien du travail (L.R.C. (1985), c. L-2; CCT), en violation de l’art. 147.

2        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans fonction publique et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

II. Résumé de la preuve pour le grief

A. Pour l’employeur

3        La fonctionnaire était gestionnaire des opérations pour le District côtier de la Colombie-Britannique de l’employeur. Elle était responsable des opérations et de la gestion du personnel aux bureaux de Vancouver et de Nanaimo, y compris les agents de l’autorité en environnement.

4        Un agent, Ken Russell, a déposé une plainte de harcèlement contre la fonctionnaire en janvier 2014. Les parties ont été séparées en mars 2014, moment auquel M. Russell a commencé à relever de Peter Krahn.

5        Au bout du compte, quatre de ses allégations de harcèlement ont été maintenues, soit que le 15 mai 2012, la fonctionnaire a fait des remarques non appropriées à ses collègues au sujet de la façon où il a obtenu un transfert au bureau de Nanaimo; que le 13 mars 2013, elle l’a exclu d’une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse sans fournir d’explication; que le 14 août 2013, elle a annulé unilatéralement son cours de sauvetage en eaux vives sans l’aviser; que le 11 octobre 2013, elle l’a obligé à suivre un cours de gestion à Edmonton, en Alberta, ou à Gatineau, au Québec, alors qu’il a demandé de le suivre au moment où il serait offert à Vancouver.

6        Selon l’employeur, lorsque la fonctionnaire a reçu le rapport préliminaire de l’enquêteur sur le harcèlement, elle est passée à l’offensive. Elle a abordé et tenté d’intimider Patrick Fraser, qui avait été interrogé à titre de témoin à l’enquête. Le 28 décembre 2014, elle a fait parvenir un courriel à son superviseur pour l’informer qu’elle allait probablement devoir prendre des mesures contre l’employeur au cours des quatre à six mois suivants qui seraient susceptibles d’entacher sa réputation. L’employeur a soutenu qu’elle a proféré des menaces voilées à son superviseur dans une conversation tenue le 12 février 2015. Puis, le 31 mars 2015, malgré qu’elle ne fût plus la supérieure immédiate de M. Russell, elle a examiné ses dossiers personnels électroniques dans PeopleSoft (le logiciel de gestion des ressources humaines de l’employeur) pour vérifier s’il avait fait des demandes d’accès à l’information (AIPRP) pendant ses heures de travail.

7        Le 2 avril 2015, l’employeur a avisé la fonctionnaire qu’il avait reçu le rapport d’enquête final sur le harcèlement. Le 3 avril, elle a déposé un rapport qui indiquait que M. Russell était une menace pour elle-même et qui exigeait que l’employeur prenne des mesures pour la protéger, comme il était tenu de le faire en vertu du CCT. Il a fait enquête sur sa plainte et a conclu que M. Russell ne représentait aucune menace à son égard.

8        Le 10 avril 2015, l’employeur a avisé la fonctionnaire que le rapport d’enquête final sur le harcèlement serait publié 48 heures plus tard. Le dimanche 12 avril 2015, elle a communiqué avec une agente de sécurité du bureau de la rue Burrard à Vancouver où elle travaillait et a demandé que l’accès de M. Russell au bureau soit annulé. Le 13 avril 2015, l’agente de sécurité a communiqué avec Marko Goluza, le supérieur de la fonctionnaire, afin de confirmer la demande. Lorsqu’elle a annulé l’accès de M. Russell selon la demande, l’agente de sécurité avait supposé que la fonctionnaire avait l’autorisation de M. Goluza pour faire la demande.

9        Lorsque l’employeur lui a demandé pourquoi elle avait fait cela, la fonctionnaire a envoyé un courriel irrespectueux à son superviseur et a placé un message d’absence du bureau dans son compte de courriel pour aviser quiconque souhaitait communiquer avec elle de contacter le bureau des relations de travail de l’employeur à Montréal en son absence, ce que l’employeur a considéré comme de l’insubordination.

10        Le 11 mai 2015, la fonctionnaire aurait continué de harceler et d’intimider M. Russell et M. Fraser en lançant une enquête de recherche de faits sur un incident dont elle était au courant depuis des mois. On lui a précisément ordonné de ne pas le faire, mais elle a quand même décidé de le faire. Le même jour, elle a formulé un certain nombre de commentaires non appropriés devant d’autres gestionnaires au sujet de son superviseur qui aurait influencé le résultat de sa plainte en matière de santé et de sécurité.

11        Vers le 13 avril 2015, l’employeur a décidé de faire enquête sur l’inconduite de la fonctionnaire, y compris son harcèlement à l’égard de M. Russell et son insubordination. Elle a été avisée le 11 mai que l’enquête irait de l’avant et que toute mesure disciplinaire liée à la plainte de harcèlement serait suspendue en attendant le résultat de l’enquête.

12        Au cours de l’été 2015, Margaret Meroni, directrice générale de la Direction de l’application de la loi en environnement, a rencontré les témoins et la fonctionnaire. À la suite de son enquête, l’employeur a décidé de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire en septembre en raison de son harcèlement à l’égard de M. Russell et de la série de 11 incidents d’inconduite dont elle a fait preuve.

13        La fonctionnaire a été licenciée sur la foi des allégations liées à M. Fraser et au retour au travail de ce dernier, des allégations relatives à l’accès à PeopleSoft, de sa demande de suspendre l’accès de M. Russell au bureau de la rue Burrard, du résultat d’une entrevue menée avec les personnes qui relevaient d’elle au sujet d’un conflit au bureau de Nanaimo et de ses commentaires à la réunion du 11 mai 2015 des gestionnaires, alors qu’elle a signalé à l’équipe de direction de M. Goluza qu’il avait tenté de convaincre un agent de ne pas collaborer à une enquête menée par Gordon Leek qui effectuait une évaluation du risque de menace liée aux allégations concernant le fait que M. Russell aurait commis des actes de violence dans le lieu de travail. La fonctionnaire aurait dit que [traduction] « […] [M. Goluza] n’est peut-être pas d’accord, mais l’agent devrait être interrogé par M. Leek ».

14        Selon la fonctionnaire, la source de cette déclaration était une rumeur qu’elle avait entendue et elle ne faisait que l’en informer. Si elle semblait agressive, c’était dû à la situation avec M. Russell. Aucun de ses agissements n’avait pour but de nuire à l’employeur; elle ne faisait que se protéger. L’employeur n’avait aucun motif pour lui imposer une mesure disciplinaire, et encore moins pour mettre fin à son emploi.

1. M. Russell

15        M. Russell a déclaré lors de son témoignage qu’avant d’être muté au bureau de Nanaimo de l’employeur, il avait travaillé à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, et à Prince George, en Colombie-Britannique, pour l’employeur. Peu de temps après son arrivée à Nanaimo, la fonctionnaire est devenue sa superviseure.

16        Les collègues de M. Russell l’ont mis en candidature pour la Médaille du Jubilé de diamant de la reine en raison de son travail dans les camps de pêche sportive de la Colombie-Britannique en ce qui concerne le rejet par ces derniers de déchets toxiques dans les zones de pêche sportive. La fonctionnaire a appuyé cette mise en candidature. Le responsable de la mise en application de la loi de l’employeur, Gordon Owen, a avisé M. Russell de sa mise en candidature. Le directeur général régional lui a remis le prix à une réunion au bureau régional de Vancouver. Après avoir reçu sa médaille et sa plaque, des photos ont été prises de M. Russell seul, avec le groupe de récipiendaires de prix, avec la directrice générale ainsi que le directeur général régional et M. Goluza. M. Russell a demandé à la fonctionnaire de figurer dans la dernière photographie, mais elle a refusé. Elle a de nouveau refusé lorsque M. Goluza a répété la demande. Selon M. Russell, cela l’a embarrassé et humilié.

17        Lorsque M. Russell a commencé à relever de la fonctionnaire au début du printemps de 2010, le bureau de Nanaimo avait une importante charge de travail et il avait ce qu’il a décrit comme une lourde charge de travail composée de dossiers qui l’avaient suivi depuis son époque à Prince George et de nouveaux dossiers qu’il avait repris au moment de sa mutation. M. Russell a déclaré que ses collègues de Nanaimo étaient dans la même situation et qu’ils avaient tous décidé d’aborder la fonctionnaire pour obtenir d’autres ressources qui se chargeraient d’une partie du travail. Lorsque M. Russell, M. Fraser et Jarrett Brochez ont soulevé cette question auprès de la fonctionnaire et qu’ils lui ont demandé si c’était possible, selon le témoignage de M. Russell, elle a répondu que si cela était possible, il s’agirait de concours ouverts et non [traduction] d’« accord secret à huis clos entre vieux copains comme celui qui a permis à [M. Russell] d’obtenir l’emploi à Nanaimo ».

18        Ce commentaire, formulé devant les collègues de M. Russell, a embarrassé ce dernier. Selon son témoignage, il était pratique courante au sein du ministère d’effectuer des mutations latérales de même niveau, ce qui lui avait permis d’obtenir le poste à Nanaimo, tout comme M. Brochez. M. Fraser avait obtenu son poste à la suite d’un concours. Selon M. Russell, les commentaires de la fonctionnaire [traduction] « insinuaient que [M. Russell] avait obtenu [sa] mutation grâce à une entente malhonnête à huis clos ». Il a indiqué qu’il avait été renversé, choqué et embarrassé.

19        En août 2012, M. Russell a dû prendre un congé de maladie. Le 10 avril 2013, après être retourné dans le lieu de travail en mars, la fonctionnaire l’a informé par courriel (pièce 5, onglet 8) qu’il devait subir une évaluation de l’aptitude au travail, qui contenait 10 questions. Il a respecté cette demande et est allé voir son médecin pour l’évaluation. Le médecin a répondu que M. Russell était apte à accomplir toutes les fonctions (pièce 2, onglet 9). Il a envoyé la réponse du médecin à la fonctionnaire et à M. Goluza le 12 avril 2013. La fonctionnaire s’attendait à obtenir une réponse à chacune de ses 10 questions, mais elle n’a pas demandé d’autres précisions, selon M. Russell.

20        La demande d’évaluation faisait suite à une enquête du 26 mars 2013 de la fonctionnaire au sujet de la nécessité pour M. Russell de renouveler son adhésion au club de pêche et de chasse, qui était nécessaire pour qu’il puisse préserver son habileté dans le maniement d’un fusil de chasse. Les inspecteurs doivent porter des fusils de chasse lorsqu’ils accomplissent leurs fonctions, afin de se protéger des prédateurs. Comme le port d’une arme à feu était une exigence du poste de M. Russell, il devait obtenir une nouvelle accréditation de ses qualifications (pièce 5, onglet 7).

21        M. Russell a demandé à l’agent de formation s’il était possible pour lui de procéder au renouvellement de son accréditation alors qu’il se trouvait au bureau régional entre le 29 avril et le 2 mai 2013. Une pratique de renouvellement d’accréditation du recours à la force avait été prévue à ce moment et elle était requise pour tous les agents. Comme la politique sur le renouvellement de l’accréditation du recours à la force avait été modifiée cette année-là pour exiger qu’il se produise tous les deux ans, la séance sur le recours à la force n’était qu’une pratique, alors M. Russell a demandé à la fonctionnaire s’il pouvait plutôt utiliser ce moment pour renouveler son accréditation sur le maniement des armes à feu. Le 16 avril 2013, elle a répondu que ce ne serait pas possible puisqu’elle consultait les Relations de travail au sujet de la réponse à l’évaluation de l’aptitude au travail de son médecin. M. Russell a donc manqué le renouvellement de son accréditation sur le maniement des armes à feu et il a dû le faire plus tard. Il a déclaré que son absence au renouvellement de l’accréditation sur le maniement des armes à feu a été remarquée et que les gens s’interrogeaient à ce sujet. Il croyait que la négation par la fonctionnaire de ses droits de participer au renouvellement de son accréditation était injuste et embarrassante.

22        Dans le cadre du processus d’examen du rendement annuel, les employés élaborent des plans d’apprentissage avec leur gestionnaire. M. Russell l’a fait pour l’exercice 2013-2014 (pièce 5, onglet 12). Lui-même et la fonctionnaire y ont indiqué qu’il avait accompli le cours de formation de sauvetage en eaux vives, qui était nécessaire pour son poste. Il s’est inscrit à la séance qui devait se tenir du 20 au 23 août 2013 à Chilliwack et il a fait des plans pour s’y rendre avec un autre employé. Il en a avisé la fonctionnaire le 12 août 2013 et lui a demandé d’approuver sa demande de formation (pièce 5, onglet 15). Il s’attendait vraiment à ce qu’elle soit approuvée puisqu’il s’était inscrit au cours obligatoire au moment et au lieu indiqués dans son plan d’apprentissage.

23        Le même jour, M. Russell s’est vu attribuer la responsabilité de ce qui était appelé le déversement de l’usine Harmac. M. Russell a reçu un courriel de la fonctionnaire pour l’aviser de son affectation à 15 h 46 (pièce 5, onglet 16). Il lui a fait parvenir sa demande de formation par courriel à 13 h 54. Le déversement s’était produit 45 jours plus tôt, le 26 juin 2013, et avait entraîné le rejet d’un effluent non traité d’une usine de pâte et papier. Il avait auparavant été attribué à un autre agent de l’autorité. Selon M. Russell, cette affectation et la formation prévue le 20 août n’entraient pas en conflit.

24        M. Russell a reçu et examiné le « Rapport d’avis de rejet ou d’immersion irréguliers » (ARII) le 14 août. Il a eu de la difficulté à comprendre la terminologie qui y était utilisée et il a dû faire des recherches sur les termes avant de mener des entrevues à l’usine pour éviter, selon ses mots, d’être [traduction] « enseveli » sous la terminologie utilisée par les employés de l’usine. Il avait l’intention de traiter ce dossier comme tout autre dossier qui lui était attribué. Il en a avisé la fonctionnaire par courriel (pièce 5, onglet 17). Il n’y avait rien d’urgent au sujet de ce dossier qui nécessitait un traitement différent, selon la fonctionnaire. Le seul élément probant de nature urgente quant au déversement aurait été la preuve des matières libérées et de tout poisson ou animal mort, qui aurait disparu depuis longtemps, au moment où le dossier a été attribué à M. Russell.

25        Dans l’après-midi du 14 août, M. Russell a reçu un courriel du fournisseur de formation pour l’aviser que sa formation avait été reportée aux dates du 16 au 18 septembre à Nanaimo (pièce 2, onglet 18). Il en a été surpris puisqu’il n’avait pas été consulté sur le changement de la date et qu’il n’en était pas l’instigateur. Il a communiqué avec le fournisseur de formation pour savoir s’il s’agissait d’une erreur et il a appris que la fonctionnaire avait procédé au changement par téléphone. Peu de temps après avoir reçu le courriel, il en a reçu un de la fonctionnaire qui l’avisait qu’elle s’était renseignée pour savoir s’il était possible de reporter le cours de formation de sauvetage en eaux vives puisque le fournisseur de formation avait une liste d’attente. Il a déclaré qu’il n’avait eu absolument aucune discussion avec elle au sujet du changement des dates de formation avant que cela soit fait.

26        Selon ce que la fonctionnaire a dit à M. Russell dans son courriel du 14 août à 14 h 44, elle a décidé de reporter sa formation pour lui donner plus de temps pour se pencher sur le déversement de l’usine Harmac et lui permettre de recueillir des éléments probants de nature urgente. Elle a choisi la formation à Nanaimo parce qu’elle diminuait le temps de déplacement de M. Russell, ce qui, selon elle, était difficile pour lui; cela réduisait le coût pour l’employeur; elle se déroulait avant les dates qu’il avait demandées en congé pour la saison de la chasse. Il a déclaré qu’il n’avait jamais dit à la fonctionnaire que le déplacement était difficile pour lui. Le changement l’a pris par surprise. Ils n’ont pas discuté de la modification des dates de cours ou de la quantité de travail à consacrer au déversement de l’usine Harmac. Le changement signifiait qu’il devait aviser un autre agent qu’ils ne pouvaient plus voyager ensemble pour se rendre au cours à Chilliwack, ce qui était embarrassant selon lui puisque cette personne voulait connaître la raison du changement soudain.

27        Dans le cadre du plan d’apprentissage et de perfectionnement de M. Russell en juillet 2013 (pièce 5, onglet 12), la fonctionnaire a indiqué qu’il devait suivre un cours de gestion de projet à Gatineau ou à Edmonton. Ce cours a été décrit comme faisant partie d’un perfectionnement professionnel. Selon M. Russell, il ne s’agissait pas d’une formation obligatoire. La fonctionnaire a suggéré qu’il le suive plutôt que son cours de perfectionnement professionnel préféré, qui était extrêmement coûteux. Il ne voulait pas suivre le cours de gestion de projet, mais il a accepté de le suivre pour éviter une réunion sur l’examen du rendement, puisqu’elle insistait pour qu’il accepte de le suivre. Il a déclaré qu’il aurait fait n’importe quoi pour éviter cette réunion à cause de la façon dont elle le traitait.

28        À mesure que les mois passaient, la charge de travail de M. Russell était telle qu’il croyait qu’il n’aurait pas assez de temps s’il assistait au cours de gestion projet à Gatineau, comme cela était prévu. Il a demandé à le suivre plus tard (du 3 au 7 mars 2014) à Vancouver. La fonctionnaire a refusé et l’a renvoyé à une séance à Edmonton, à Gatineau ou à Saskatoon pour qu’il ne soit pas oublié. Il a déclaré qu’il se sentait obligé de suivre le cours.

29        L’insistance de la fonctionnaire pour qu’il suive le cours de gestion de projet à Gatineau, à Edmonton ou à Saskatoon et le ton de ses courriels ont fait en sorte que M. Russell a senti qu’il devait se trouver un emploi ailleurs. Il l’a exprimé à la fonctionnaire dans un courriel (pièce 5, onglet 21), ce à quoi elle a répondu qu’en raison des déclarations de son courriel, elle demandait l’avis des Relations de travail. Dix jours plus tard, le 28 octobre, elle a accepté de lui permettre de suivre le cours à Vancouver dans la mesure où il le faisait au cours de l’exercice 2013-2014, mais les raisons qu’elle a données étaient nébuleuses, selon lui. Il n’a jamais suivi le cours puisqu’il a pris un congé de maladie en novembre 2013 et qu’il n’est retourné au travail qu’en mars 2014.

30        Le 14 janvier 2014, alors qu’il était en congé de maladie, M. Russell a déposé une plainte de harcèlement contre la fonctionnaire. Avant de le faire, il l’a rencontrée pour l’informer que son comportement à son égard était inacceptable, comme l’exigeait la politique sur la prévention du harcèlement de l’employeur. Elle était mécontente à la réunion. Selon lui, plutôt que de comprendre ses préoccupations quant à son comportement, elle l’a invectivé à plusieurs reprises. Selon son témoignage, cette réunion est la première étape du processus de dépôt d’une plainte de harcèlement.

31        Après avoir déposé sa plainte officielle pour harcèlement, M. Russell a été affecté à l’élaboration d’un processus pour inspecter des établissements du secteur pétrolier et gazier. Il devait également élaborer une formation à l’intention de ses collègues. Plutôt que de relever de la fonctionnaire, il relevait de M. Krahn. M. Russell et la fonctionnaire ne devaient pas communiquer ensemble, même si, pour des exigences administratives, comme des éléments nécessitant des dépenses budgétaires, et pour des besoins opérationnels et logistiques, comme l’approbation des demandes déplacement, il continuait de relever d’elle. Tout cela faisait partie d’un plan de retour au travail élaboré par M. Goluza.

32        Un cabinet de consultants, Quintet Consulting, a fait enquête sur la plainte de harcèlement. L’enquêteuse a conclu que le harcèlement était bien fondé pour ce qui est de cinq incidents indiqués par M. Russell, notamment les commentaires de la fonctionnaire sur [traduction] « les vieux copains », son refus qu’il participe à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, l’annulation de son cours de formation de sauvetage en eaux vives sans consultation, son exigence qu’il suive le cours de gestion de projet à l’extérieur de la Colombie-Britannique et la restriction de son accès au bureau de la rue Burrard, qui correspondaient tous à du harcèlement et à de graves violations des politiques de l’employeur.

33        Selon M. Russell, personne ne lui a jamais expliqué qu’il ne pouvait pas participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse parce qu’il n’avait pas assisté à l’accréditation préliminaire requise. On ne lui avait pas non plus expliqué que le billet du médecin qu’il avait fourni pour l’évaluation était insuffisant.

34        Il s’est opposé à la conclusion de l’enquêteuse selon laquelle le refus par la fonctionnaire de voir sa photo prise avec lui et d’autres personnes à la cérémonie de la Médaille du Jubilé de la reine ne constituait pas du harcèlement parce que l’enquêteuse a conclu qu’il était de notoriété publique que la fonctionnaire s’était laissée prendre en photo avec d’autres employés et qu’elle n’avait pas participé de façon constante à la prise de photos. M. Russell a fourni à l’enquêteuse un certain nombre de photos de la fonctionnaire qui avait été stockées dans le lecteur partagé de l’ordinateur de l’employeur, auquel les autres employés pouvaient avoir accès. Selon lui, il s’agissait de la preuve qu’elle n’était pas indisposée devant la caméra.

35        M. Russell a déclaré qu’il allait démissionner si la fonctionnaire était rétablie dans ses fonctions, puisqu’il serait tenu de travailler avec elle de nouveau.

2. M. Goluza

36        M. Goluza était le directeur régional de la Direction de l’application de la loi en environnement à la Direction générale de l’application de la loi de la Région du Pacifique et du Yukon de l’employeur et, parmi ses autres responsabilités, il supervisait les gestionnaires des opérations de la région du Pacifique, y compris la fonctionnaire. Il a expliqué que l’employeur avait un certain nombre de politiques qui s’appliquait à ses employés, y compris une politique sur les réseaux électroniques (pièce 6, onglet 74), une politique de prévention du harcèlement (pièce 6, onglet 75), un code de déontologie (pièce 6, onglet 76) et un code de conduite des agents, qui visait la Direction générale de l’application de la loi (pièce 6, onglet 77) et s’appliquait à tous les agents qui y travaillaient, y compris la fonctionnaire.

37        Dans son rôle en tant que gestionnaire des opérations du District côtier, la fonctionnaire relevait de M. Goluza. Elle a travaillé au bureau régional à Vancouver et elle était responsable d’une équipe de neuf agents et d’un employé de soutien administratif. Trois agents travaillaient au bureau de Nanaimo (M. Russell, M. Fraser et M. Brochez). Son rôle consistait à administrer le budget du district et à établir la priorité des réponses en matière d’application de la loi, comme l’indiquait sa description de travail (pièce 8). On s’attend à ce que les agents de l’autorité réagissent aux incidents de pollution et entreprennent des activités proactives en matière d’application de la loi, ce qui nécessite à la fois du travail de bureau et sur le terrain.

38        Selon M. Goluza, en 2013, M. Russell a reçu la médaille pour son travail exceptionnel à titre d’agent de l’autorité. Il a été absent du lieu de travail entre août 2012 et mars 2013 puis de nouveau de septembre 2013 à mars 2014 pour des raisons médicales. À cette époque, M. Russell était également aux prises avec l’échec de son mariage.

39        Toujours selon M. Goluza, en avril 2013, la fonctionnaire a demandé à M. Russell de subir une évaluation de l’aptitude au travail. Il s’est conformé à sa demande, et son médecin l’a autorisé à faire un retour complet au travail. Lorsque la fonctionnaire l’a appris, elle a consulté la section des relations de travail du ministère, ce qui, selon M. Goluza, était normal.

40        M. Goluza a témoigné au sujet de l’incident de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, qui faisait partie de la plainte de harcèlement de M. Russell. La pratique était prévue le 16 février 2013 et elle avait pour but de permettre aux agents de se familiariser avec les armes qu’ils portent pour se protéger contre les prédateurs. Il s’agissait d’une séance de pratique régulière, mais pour y participer, les agents devaient avoir suivi le cours d’accréditation initial indiqué par l’employeur. Sans lui, un agent ne pouvait pas assister à la pratique sur le maniement des armes à feu.

41        La pratique sur le maniement des armes à feu du 16 avril s’adressait au groupe du District côtier et avait été organisée à la demande de la fonctionnaire. Selon M. Goluza, M. Russell n’y avait pas participé parce que la fonctionnaire ne le lui avait pas permis.

42        Selon le témoignage de M. Goluza, M. Russell a déposé sa plainte de harcèlement le 14 janvier 2014. De plus, il a présenté des griefs pour contester le fait qu’il devait relever de la fonctionnaire. Lorsqu’il a appris le dépôt de la plainte de harcèlement, M. Goluza a consulté la section des relations de travail de l’employeur et a su que M. Russell et la fonctionnaire devaient être séparés. M. Goluza a donc élaboré un nouveau plan de travail pour M. Russell et lui a trouvé un nouveau superviseur (M. Krahn). Par conséquent, M. Russell et la fonctionnaire ont cessé d’avoir une relation hiérarchique à partir de ce moment, jusqu’à nouvel ordre.

43        Pendant l’enquête sur la plainte de harcèlement de M. Russell, M. Goluza n’a eu aucun autre rôle que celui de témoin. Alors que l’enquête était en cours, il a eu des discussions très générales au sujet du processus d’enquête avec la fonctionnaire, principalement au sujet de sa durée. Les Relations de travail l’avaient avisé que ce type de discussion était acceptable dans la mesure où elle était limitée et générale. Lorsque le rapport préliminaire sur la plainte de harcèlement de M. Russell a été prêt pour publication, M. Goluza en a eu connaissance, mais il n’a pas participé à sa communication aux parties.

44        M. Goluza a témoigné au sujet d’une série de courriels de la fonctionnaire qui avaient préoccupé l’employeur. Le 2 décembre 2014, elle a ajouté une réponse d’absence du bureau dans son compte de courriel pour indiquer aux personnes de communiquer avec M. Goluza en son absence (pièce 10). Il s’attendait à ce que ses gestionnaires des opérations trouvent une ressource dans leurs districts et qu’ils ne lui renvoient par tout le monde directement à lui.

45        Le 28 décembre 2014, M. Goluza a reçu un courriel non sollicité de la fonctionnaire dans lequel elle l’avisait que le processus dans lequel elle était engagée était susceptible d’entacher la réputation du ministère au cours des quatre à six mois suivants (pièce 9). Il en a été surpris, selon son témoignage. Le commentaire sur la réputation entachée lui est apparu comme une menace et il s’est senti quelque peu embarrassé, inadéquat et déçu.

46        En prévision d’une réunion avec M. Russell afin de discuter de ses griefs en février 2015, M. Goluza a préparé des notes d’allocution. Il les a transmises par inadvertance à la fonctionnaire (pièce 5, onglet 28). Il n’a pas réussi à rappeler le message. Plus tard dans la même journée, ils ont parlé au téléphone lorsqu’elle l’a appelé pour lui demander sur quoi portaient les notes. Elle s’est dite déçue qu’il prenne des notes d’une conversation qu’il avait eue avec elle. Même s’il lui a dit de corriger les notes si elles ne représentaient pas leurs conversations, elle n’a fait aucun changement, selon lui.

47        La conversation résumée dans les notes s’est déroulée le 12 février 2015, alors que la fonctionnaire et M. Russell étaient toujours séparés et qu’ils attendaient le rapport provisoire de l’enquêteur. Selon M. Goluza, la fonctionnaire a dit qu’elle pouvait continuer d’être une bonne employée motivée ou qu’elle pouvait se transformer en une employée difficile qui embarrasserait le ministère, s’adresserait aux médias ou au commissaire à la vie privée ou déposerait une plainte à la police. Elle a menacé d’aller jusqu’à demander à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de faire un audit de l’accès par le ministère au Centre d’information de la police canadienne (CIPC). Elle voulait savoir si M. Goluza souhaitait qu’elle l’embarrasse ou qu’elle embarrasse le ministère à cet égard.

48        Selon M. Goluza, la seule solution que la fonctionnaire voyait pour régler la situation dans laquelle elle se trouvait en ce qui concerne M. Russell était de se débarrasser de lui. L’employeur avait le droit de le muter ailleurs, et la fonctionnaire pourrait reprendre son rendement supérieur. Elle voulait que cela soit fait avant le dépôt du rapport final de l’enquête sur le harcèlement.

49        M. Goluza a déclaré qu’il a de nouveau été surpris lorsqu’il a reçu un courriel de la fonctionnaire pour l’aviser que malgré qu’elle ne fût plus la supérieure de M. Russell, elle avait vérifié ses dossiers de congé dans PeopleSoft afin de déterminer s’il avait utilisé du temps de travail pour remplir sa demande d’AIPRP ou s’il l’avait fait alors qu’il était en congé (pièce 11). M. Goluza a trouvé étrange qu’elle ait pris la peine de découvrir ce que faisait M. Russell alors qu’elle n’était plus sa gestionnaire. Elle avait auparavant admis à M. Goluza qu’elle avait vérifié si M. Russell était venu au bureau alors qu’il était en congé afin de pouvoir respecter les délais concernant la plainte de harcèlement (voir le courriel de la pièce 5, onglet 27). Encore une fois, lorsqu’elle a fait cela, elle n’était plus sa superviseure.

50        M. Goluza a transmis le courriel en question à sa directrice générale. Mme Meroni lui a demandé de le transmettre au directeur général des Ressources humaines, qui avait également trouvé que les actions de la fonctionnaire étaient troublantes. Mme Meroni a décidé que l’accès de la fonctionnaire aux registres de congé de M. Russell devrait faire l’objet d’une enquête. À la demande de Mme Meroni, M. Goluza a abordé cette question dans le cadre de l’évaluation de fin d’exercice de la fonctionnaire.

51        Vers la même époque où M. Goluza a eu connaissance de l’accès à PeopleSoft par la fonctionnaire, il a reçu un grief de sa part en ce qui concerne les délais pour terminer le processus d’enquête sur la plainte de harcèlement (pièce 5, onglet 30). Lorsqu’ils se sont rencontrés pour discuter du grief, elle lui a demandé pour quelle raison il y avait une structure hiérarchique s’il faisait ce qu’avaient laissé entendre les Relations de travail.

52        Selon M. Goluza, la fonctionnaire a formulé ce commentaire pour la première fois en novembre 2014. Cette fois, il était lié à sa décision de permettre à M. Fraser de consulter son propre médecin pour une évaluation de l’aptitude au travail après qu’elle lui eut proposé deux médecins indépendants. M. Goluza a déclaré qu’il avait accepté la demande de M. Fraser après avoir consulté les Relations de travail. La fonctionnaire était visiblement contrariée lorsque M. Goluza l’a avisée de sa décision et elle lui a demandé pourquoi elle relevait de lui s’il ne faisait que ce que les Relations de travail lui disaient de faire. Elle a formulé des commentaires semblables de nouveau en décembre 2014.

53        Le 9 avril 2015, la fonctionnaire a mis un message d’absence du bureau dans son compte de courriel, demandant aux personnes de consulter Dominique Gilliéron, un agent des relations de travail (pièce 2, onglet 18). Cela a surpris et embarrassé M. Goluza, selon son témoignage. Il y a déclaré qu’il ne pouvait pas concevoir qu’une personne de son groupe indique que les Relations de travail étaient sa personne-ressource en son absence du bureau.

54        Le 13 avril 2015, la fonctionnaire a mis un nouveau message d’absence du bureau dans son compte de courriel. Encore une fois, il renvoyait les correspondants aux Relations de travail parce qu’elle était absente du bureau et qu’elle ne vérifierait pas ses courriels. En mai 2015, à une réunion avec M. Goluza, elle a encore une fois dit qu’ils devraient simplement relever directement des Relations de travail.

55        M. Russell devait obtenir une nouvelle accréditation pour la formation en sauvetage en eaux vives et il s’était inscrit à un cours à Chilliwack, en Colombie-Britannique, le 20 août 2015. Avant d’avoir l’occasion de le suivre, un important déversement d’un effluent s’est produit, et il a eu la tâche d’y faire enquête. Après le lui avoir attribué, la fonctionnaire a également modifié unilatéralement la date et le lieu de ce cours, selon M. Goluza. Elle n’a pas avisé M. Russell du changement. Il l’a découvert lorsque la firme de formation a communiqué avec lui pour lui faire savoir qu’il avait été affecté à une formation à l’extérieur de Nanaimo en septembre. Cela l’a contrarié, tout comme l’insistance de la fonctionnaire pour qu’il suive un cours de gestion de projet, convenu dans son plan de travail, à Gatineau ou à Edmonton, alors que le même cours était offert dans la région de Vancouver plus tard.

56        En janvier 2015, M. Russell et M. Fraser ont eu un conflit, pendant lequel ils avaient utilisé un langage déplacé dans le lieu de travail. M. Goluza a déclaré qu’il avait avisé la fonctionnaire en février pour qu’elle puisse aborder le comportement déplacé avec M. Fraser pendant son examen du rendement à venir. M. Goluza lui a aussi dit qu’il aborderait le sujet avec M. Russell. Il n’y a pas eu d’autres discussions ou communications sur la question entre la fonctionnaire et M. Goluza, selon le témoignage de ce dernier. Puis, le 5 mai, alors qu’elle-même et M. Russell étaient séparés, la fonctionnaire a fait parvenir un courriel à M. Goluza (pièce 5, onglet 42) indiquant qu’elle entreprenait une enquête de recherche des faits sur l’incident qui s’était produit en janvier. Il ne savait pas pourquoi la fonctionnaire lui avait fait parvenir le courriel et, selon lui, il le lui a dit le 11 mai.

57        Lorsqu’une enquête de recherche de faits est entreprise au sujet d’un incident comme celui concernant M. Russell et M. Fraser, il est approprié pour le gestionnaire de parler à un conseiller en relations de travail avant de commencer, selon M. Goluza. La fonctionnaire a refusé de le faire et il était évident dans son courriel envoyé à M. Goluza qu’elle avait l’intention de donner suite à cette enquête d’elle-même. Il a déclaré qu’il lui avait dit de ne pas déclencher d’enquête de recherche de faits avant la fin du processus de plainte de harcèlement et de l’évaluation du risque de menace de M. Leek.

58        Il a aussi dit à la fonctionnaire qu’il n’était pas approprié pour elle de mener un processus de recherche de faits concernant M. Russell alors qu’ils étaient séparés. M. Goluza a déclaré qu’il n’avait jamais mentionné la tenue d’un processus de recherche de faits sur l’incident concernant M. Russell et M. Fraser; il lui a juste demandé de rappeler à M. Fraser ce qui est considéré comme un comportement et un langage appropriés dans le lieu de travail.

59        À la fin de la journée du 11 mai, M. Goluza a reçu un courriel de la fonctionnaire pour confirmer qu’elle avait parlé avec les agents qui relevaient d’elle au sujet de l’incident concernant M. Russell et M. Fraser (pièce 5, onglet 44). M. Goluza a déclaré qu’il en avait été frustré; elle n’a pas fait ce qu’il lui avait demandé de faire.

60        La fonctionnaire et M. Goluza ont assisté à une réunion de direction la journée même en compagnie des gestionnaires des opérations des autres districts de la région du Pacifique et du Yukon de l’employeur. Pendant la discussion en table ronde, la fonctionnaire a avisé les personnes présentes que la direction de la sécurité du ministère effectuait une évaluation du risque de menace à la suite d’un incident survenu le 9 avril pendant lequel M. Russell avait insulté son superviseur, M. Krahn, alors qu’ils discutaient de la demande qu’elle avait présentée pour que M. Russell retourne des documents qu’il avait pris sur le bureau de M. Brochez à Nanaimo. M. Russell aurait dit à M. Krahn, alors qu’il faisait référence à la fonctionnaire, [traduction] « la maudite chienne ne va pas s’en tirer ainsi ».

61        Dans le cadre de discussions en table ronde, la fonctionnaire a avisé les autres gestionnaires des opérations que M. Goluza avait tenté d’influencer un employé pour qu’il ne participe pas à l’évaluation du risque de menace. Elle a également dit que M. Goluza n’avait pas pris la violence dans le lieu de travail au sérieux parce qu’il avait révoqué sa demande d’annuler l’accès de M. Russell aux bureaux régionaux de la rue Burrard plutôt que de le suspendre pendant cinq jours.

62        M. Goluza a déclaré qu’il avait demandé à la fonctionnaire d’arrêter et de préciser ce qu’elle voulait dire par influencer un employé pour qu’il ne participe pas à une activité. Elle a répondu qu’elle soutenait que selon une rumeur il était intervenu dans l’évaluation, ce qu’elle ne l’accusait pas d’avoir fait. Elle a continué en informant les personnes présentes qu’elle avait déposé une plainte à la police au sujet de l’incident et qu’un agent de sécurité était venu dans son bureau pour évaluer les points de sortie. Elle a également dit qu’elle espérait que lorsque M. Russell était au bureau, il ne se tromperait pas entre son bureau et les autres bureaux parce que M. Goluza avait pris le temps de lui faire visiter les lieux et qu’il lui avait montré son bureau à elle. M. Goluza a encore une fois déclaré que ses commentaires l’avaient surpris et embarrassé.

63        Après la réunion, M. Goluza a envoyé un message à l’enquêteur sur le risque de menace pour lui confirmer qu’il pouvait parler à toutes les personnes nécessaires (pièce 5, onglet 47). Il a également fait parvenir un courriel aux Relations de travail pour relater la réunion (pièce 5, onglet 50). Plus tôt, sa directrice générale lui avait demandé d’indiquer les incidents d’inconduite de la fonctionnaire à Michelle Daigle, une conseillère en relations de travail. C’est à cette réunion que la fonctionnaire a soulevé ces questions pour la première fois. M. Goluza a déclaré qu’il n’avait jamais entendu parler de rumeurs ou d’une personne qui suggérait qu’il avait tenté d’influencer l’évaluation du risque de menace, en dehors de la fonctionnaire.

64        Plus tôt, le 11 mai, avant la réunion de direction, Mme Meroni a envoyé un avis d’enquête de recherche de faits à M. Goluza pour qu’il le communique à la fonctionnaire. La réunion de direction était à 13 h et il lui a envoyé l’avis à 15 h. Il a fait parvenir par courriel à Mme Daigle le résumé de la réunion de direction à 17 h 34. C’est Mme Meroni qui a décidé de faire enquête sur la fonctionnaire pour une inconduite. Selon M. Goluza, elle n’a pas été déclenchée par la lettre du 3 avril de l’avocat de la fonctionnaire indiquant en détail les préoccupations de cette dernière pour sa sécurité dans le lieu de travail.

65        À la question de savoir s’il pouvait travailler avec la fonctionnaire si elle était réintégrée, M. Goluza a répondu qu’il ne pourrait pas le faire et qu’il chercherait un emploi ailleurs si elle revenait dans le lieu de travail.

3. M. Fraser

66        M. Fraser, un agent de l’autorité principal au bureau de Nanaimo de l’employeur relevait de la fonctionnaire entre 2012 et 2015. Il a décrit en détail son souvenir des événements de cette époque, qui ont donné lieu au licenciement de la fonctionnaire.

67        Il était présent à une réunion en mai 2012 pendant laquelle des discussions ont lieu sur l’ajout d’autres agents au bureau de Nanaimo. Étaient également présents M. Russell, M. Brochez et la fonctionnaire. À cette réunion, la fonctionnaire a dit que M. Russell avait obtenu le poste au bureau de Nanaimo grâce au club des vieux copains et non par un concours visant ce poste. M. Fraser a déclaré qu’il avait transmis l’information sur la réunion de mai 2012 à l’enquêteuse lorsqu’il a été interrogé dans le cadre de l’enquête sur la plainte de harcèlement.

68        M. Fraser travaillait au bureau de Nanaimo lorsque M. Russell y a été muté de Prince George. Au début, ils étaient amis, selon M. Fraser. Ils ont travaillé en étroite collaboration sur des dossiers difficiles. Il était ami avec la fonctionnaire avant qu’elle devienne sa gestionnaire. Ils partageaient la même éthique de travail, avec un fort penchant pour les enquêtes et l’application de la loi. Selon M. Fraser, elle était l’une de ses meilleures amies, ce qui a pris fin à cause de M. Russell.

69        M. Fraser a pris des notes d’une rencontre qu’il a eue avec la fonctionnaire le 18 décembre 2014 (pièce 16). Elle l’a appelé au bureau de Vancouver pour discuter de son rendement et de la nécessité d’une évaluation de l’aptitude au travail. Elle a fait remarquer qu’elle a mentionné à deux reprises pendant la rencontre les entrevues de témoins menées dans le cadre de l’enquête sur la plainte de harcèlement. Selon le témoignage de M. Fraser, elle lui a dit qu’elle savait ce dont il avait parlé à l’enquêteuse pendant son entrevue.

70        Cette rencontre avait été convoquée sous le prétexte d’un examen du rendement. M. Fraser s’y était opposé puisque bien qu’elle fut présentée comme portant sur son rendement, elle avait davantage une nature disciplinaire. Après avoir entendu ses commentaires au sujet de son entrevue, M. Fraser a déclaré qu’il s’était senti intimidé par elle. Elle était en position d’autorité, et il a perçu ses commentaires comme des menaces voilées.

71        À la rencontre, M. Fraser a profité de l’occasion pour demander que ses fonctions de responsable d’immeuble lui soient restituées. La fonctionnaire les avait annulées et transférées à un agent subalterne du bureau de Nanaimo. Le responsable d’immeuble est le lien entre le directeur général régional et le bureau de Nanaimo. Elle n’avait pas le pouvoir d’annuler ces fonctions, puisque c’est le directeur général régional qui l’avait nommé, et non la fonctionnaire. Pendant la rencontre, il lui a dit que la façon dont elle lui avait retiré ses responsabilités était humiliante et méprisante et qu’il considérait qu’il s’agissait de représailles pour son témoignage dans le cadre de l’enquête sur la plainte de harcèlement.

72        M. Fraser a dit qu’il n’était pas surpris ou contrarié lorsque la fonctionnaire lui a retiré son rôle de responsable d’immeuble. Il considérait que cela faisait partie de son style de gestion. C’était [traduction] « injuste » selon lui, mais il savait qu’il devait [traduction] « se faire une raison » parce qu’il était convaincu qu’autrement il aurait continuellement des difficultés avec elle, selon son témoignage. D’autres exemples de ce traitement injuste sont survenus lorsque sa responsabilité à l’égard de biens du gouvernement pour environ 500 000 $ lui a été retirée alors qu’il était en congé de maladie.

73        En avril 2014, M. Fraser était responsable des navires de patrouille, des véhicules, des remorques, des armes à feu et d’autres biens, selon son témoignage. Lorsqu’il est revenu dans le lieu de travail en décembre, il n’avait plus cette responsabilité. Il n’en avait pas été avisé. Les formulaires de cession à un autre employé n’avaient pas été remplis. Cela s’est passé alors que M. Fraser était à l’extérieur du bureau en congé de maladie. Lorsqu’il est revenu au travail, il a découvert qu’on lui avait retiré cette responsabilité.

74        M. Fraser a déclaré lors de son témoignage qu’il s’agissait clairement de représailles de la part de la fonctionnaire. Elle lui a dit que sa façon de gérer les biens comportait des lacunes. Les lacunes étaient fondées sur les opinions d’agents inexpérimentés qui ne connaissaient pas la garde de biens en dépôt. M. Fraser a déclaré qu’il a été réprimandé pour avoir permis la corrosion des pièces en zinc d’un navire alors que c’était exactement leur but comme façon de protéger le navire de la corrosion. Il a également été réprimandé pour des lacunes sur une remorque à bateau. Les employés qui utilisaient la remorque l’ont emportée sur la route sans effectuer une inspection préalable, ce qui a entraîné un accident de véhicule motorisé. La fonctionnaire le lui a reproché.

75        M. Fraser était également présent au bureau de Nanaimo lorsque des discussions ont eu lieu au sujet d’une fusillade dans une usine (Western Forest Products). Lui-même, M. Russell et M. Brochez ne faisaient que parler d’un événement dans la collectivité. Pendant leur discussion, M. Russell a parlé de facteurs contributifs qui auraient pu amener le travailleur d’usine à faire feu sur ses collègues. M. Russell a émis l’hypothèse selon laquelle c’était probablement lié à un licenciement, à des problèmes familiaux ou à une autre raison. Ces discussions n’étaient pas plus sinistres que lorsque le groupe avait discuté des événements du « 11 septembre ».

76        Comme M. Russell, M. Fraser a déclaré qu’il ne pourrait pas travailler avec la fonctionnaire si elle était réintégrée.

4. Mme Portman

77        Deborah Portman est la gestionnaire des opérations du district du centre et du nord de la Colombie-Britannique et du Yukon de l’employeur et elle était une collègue de la fonctionnaire.

78        Le 11 mai 2015, Mme Portman a assisté à la réunion régulière de l’équipe de direction régionale par téléconférence. Elle s’en souvient clairement parce que c’est la première fois dans une réunion à laquelle elle a assisté que le directeur régional était accusé d’avoir fait quelque chose d’incorrect. Ces réunions ont des points permanents à l’ordre du jour, qui comprenaient des discussions et des mises à jour sur le budget, les ressources humaines et la dotation, la santé et la sécurité au travail et la semaine à venir et elles comportaient des discussions en table ronde. La réunion a commencé comme à l’habitude. M. Goluza a fourni ses mises à jour. Par la suite, la fonctionnaire a commencé à donner sa mise à jour.

79        Elle a commencé avec une discussion de son budget puis a indiqué qu’elle participait à une importante enquête en matière de santé et de sécurité au travail, que M. Leek faisait enquête et que M. Goluza avait dit aux personnes qui relevaient de Mme Portman de ne pas y participer. Selon Mme Portman, la fonctionnaire a allégué que M. Goluza avait dit aux personnes qui relevaient de Mme Portman de ne pas y participer. Elle a également soutenu que M. Goluza avait emmené la personne qui faisait l’objet de l’enquête au bureau, lui avait fait visiter l’étage et lui avait indiqué où se trouvaient les bureaux. Ce faisant, la fonctionnaire aurait allégué que M. Goluza n’avait pas tenu compte de son obligation de protéger ses employés.

80        La fonctionnaire a poursuivi en disant aux personnes présentes qu’elle ne pouvait pas leur dire qui faisait l’objet de l’enquête parce que cela constituait du harcèlement. Sur un ton véhément, elle a dit à Mme Portman qu’il lui revenait de s’assurer que son personnel participe à l’enquête et que si elle ne le faisait pas, elle en subirait des conséquences légales.

81        Selon Mme Portman, il était évident que la fonctionnaire était mécontente de la façon dont les choses se déroulaient dans le lieu de travail. Après tout, elle avait accusé son directeur régional d’avoir commis des actions illégales et déplacées. La fonctionnaire voulait que tout le monde le sache. Son ton à la réunion était très agressif et accusatoire. Selon le témoignage de Mme Portman, elle voyait bien que la fonctionnaire n’était pas heureuse et lorsqu’elle n’est pas heureuse elle devient agressive. Même si Mme Portman a assisté à la réunion par téléphone, elle a tout de même saisi l’insatisfaction de la fonctionnaire par son ton et le langage qu’elle utilisait.

82        C’était la première fois que Mme Portman voyait la fonctionnaire diriger ce type d’attaque vers M. Goluza. Elle l’avait vu à un certain nombre d’occasions, alors que la fonctionnaire l’avait pris elle-même ou un autre gestionnaire pour cible. Selon Mme Portman, la fonctionnaire n’avait pas l’esprit d’équipe, ce qui faisait qu’il était difficile de travailler avec elle. Selon la preuve, toute personne qui ne partageait pas son point de vue avait tort. Même si elle travaillait bien avec certaines personnes, selon Mme Portman, la majorité du temps elle avait une attitude de confrontation. Si la fonctionnaire revenait dans le lieu de travail, Mme Portman a indiqué qu’elle chercherait un emploi ailleurs. Elle ne reviendrait pas dans l’environnement toxique et axé sur la confrontation qui existait lorsque la fonctionnaire était présente dans le lieu de travail.

83        Le niveau de mécontentement que la fonctionnaire a causé dans le lieu de travail a eu une incidence sur toutes les personnes de la région. Elle avait ordonné à ses agents de ne pas collaborer avec ceux des autres districts. Dans le cadre d’une enquête importante, à laquelle le district de Mme Portman et celui de la fonctionnaire avaient collaboré, la question de savoir s’il fallait porter des uniformes au moment de signifier des mandats a été soulevée. Lorsque Mme Portman a consulté la fonctionnaire sur sa préférence et sur ce que portaient ses agents, la fonctionnaire lui a dit qu’elle devait adopter un rôle de leadership et dire à ses agents quoi faire. Lorsque Mme Portman a avisé M. Goluza que ses agents porteraient l’uniforme et qu’elle a fait parvenir une copie conforme pour obtenir ses renseignements à la fonctionnaire, cette dernière a répondu en indiquant à Mme Portman qu’à partir de ce moment, elle supprimerait ses courriels sans les lire (pièce 23).

5. Mme Graca

84        Elizabeth Graca était également une collègue de la fonctionnaire et l’une des trois gestionnaires des opérations qui relevaient de M. Goluza. Elle a déclaré qu’alors qu’elle était à l’extérieur en affectation de 2014 à 2015, la fonctionnaire avait placé des GPS sur deux des véhicules de la flotte que leurs régions partageaient au moment où la fonctionnaire agissait comme directrice régionale intérimaire. L’un a été placé sur un véhicule assigné au bureau de Vancouver et l’autre a été placé sur celui de M. Russell.

85        Cela a préoccupé le personnel; les employés ont soulevé cette question auprès de Mme Graca. Ils ne se fiaient pas aux raisons fournies par la fonctionnaire pour ajouter les dispositifs de localisation. Ils voulaient savoir pourquoi ils étaient installés et pourquoi leurs activités étaient surveillées de cette façon.

86        Mme Graca en a discuté à la réunion de l’équipe de direction en février 2015. Interrogée sur la question de savoir pourquoi elle avait fait cela, la fonctionnaire a dit à Mme Graca qu’il s’agissait d’une mesure de santé et de sécurité qu’elle avait autorisée. Mme Graca n’était pas d’accord, puisque les employés qui travaillaient sur le terrain avaient d’autres appareils qu’ils utilisaient lorsqu’ils travaillaient seuls. Selon Mme Graca, les dispositifs de localisation n’étaient pas requis pour protéger la santé et la sécurité des employés. Elle ne savait pas si Mme Meroni avait approuvé l’installation des dispositifs de localisation ou si un tel dispositif avait été installé sur le véhicule de M. Russell.

87        Après la réunion, Mme Graca a parlé à M. Goluza des dispositifs de localisation. Ils ont ensuite été retirés des véhicules de sa région. Elle ne savait pas s’ils avaient également été retirés des véhicules de la région de la fonctionnaire. Les employés de Mme Graca étaient soulagés d’apprendre qu’ils avaient été retirés; la fonctionnaire était déçue, ce qu’elle a exprimé à Mme Graca dans un courriel.

88        Le 11 mai 2015, Mme Graca et la fonctionnaire sont allées dîner à la suggestion de cette dernière pour que les deux collègues puissent discuter de questions opérationnelles, selon Mme Graca. L’invitation a été envoyée par courriel (pièce 25). Mme Graca a déclaré qu’elle a vu cela comme un bon signe et que le courriel était une indication que la fonctionnaire souhaitait collaborer avec elle. Jusqu’à ce moment, Mme Graca et la fonctionnaire n’avaient pas collaboré puisque leurs styles de travail étaient très différents. En janvier 2012, Mme Graca et la fonctionnaire se sont brouillées, ce qui a eu un effet sur Mme Graca, son personnel et le lieu de travail en général. À la demande de son personnel, Mme Graca a demandé une médiation avec la fonctionnaire en mars 2013. Par la suite, elles sont passées à autre chose, mais selon Mme Graca, elle a toujours eu de la difficulté à faire confiance à la fonctionnaire. Leurs interactions étaient, selon ses mots, [traduction] « mitigées ».

89        Au dîner, la fonctionnaire a informé Mme Graca des récents événements, elle l’a notamment informée d’une plainte de harcèlement déposée contre elle en 2014 et du fait que le Bureau de gestion des conflits ne publierait pas le rapport d’enquête sur le harcèlement. Elle a également informé Mme Graca qu’elle avait porté plainte à la police parce qu’elle craignait pour sa sécurité. Elle a aussi mentionné qu’elle se préoccupait du fait que M. Russell avait accès au bureau de la rue Burrard. Mme Graca a déclaré lors de son témoignage qu’elle comprenait que les préoccupations de la fonctionnaire découlaient de la plainte de harcèlement et de sa connaissance de M. Russell.

90        La fonctionnaire a dit à Mme Graca qu’elle avait limité l’accès de M. Russell au bureau de la rue Burrard, même s’il ne relevait pas d’elle à ce moment. Lorsque Mme Graca lui a demandé pourquoi elle avait fait cela puisqu’il ne relevait pas d’elle, la fonctionnaire a dit qu’elle craignait qu’il se présente à l’étage où elle travaillait et qu’il savait où se trouvait son bureau. Mme Graca a déclaré qu’elle a dit à la fonctionnaire que si elle avait vraiment peur pour sa sécurité, elle aurait dû le faire savoir à M. Goluza et aux Ressources humaines et qu’elle aurait dû prendre un congé. La fonctionnaire a dit à Mme Graca que le représentant de la Sécurité lui avait demandé s’il fallait révoquer l’accès à M. Russell et qu’elle avait enregistré l’entrevue.

91        La fonctionnaire a informé Mme Graca qu’elle avait l’intention de soulever ces questions à la réunion de direction régionale prévue cet après-midi-là. En plus de lui communiquer ces renseignements, elle a formulé ce que Mme Graca a décrit comme des commentaires déplacés sur la haute direction et lui a montré une lettre qu’elle avait reçue de Mme Meroni. La fonctionnaire a soutenu qu’elle ne se sentait pas appuyée par la direction.

92        Plus tard cet après-midi-là, à la réunion de l’équipe de direction régionale, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait porté plainte à la police contre M. Russell et que M. Goluza avait dit à certains employés de ne pas participer à l’enquête de sécurité. Mme Graca ne se rappelait pas chaque mot que la fonctionnaire avait utilisé en déclarant que M. Goluza était intervenu dans l’enquête de sécurité; elle pouvait avoir rapporté une rumeur (pièce 3, onglet 33).

93        Selon Mme Graca, le ton employé par la fonctionnaire était agressif, ferme et contrarié. D’après elle, ce comportement aurait été inhabituel dans une réunion normale, mais ce ne l’était pas pour la fonctionnaire. Elle était connue pour être ferme, déterminée, obstinée et agressive. Mme Graca a déclaré qu’elle avait été visée par ce type de comportement de la fonctionnaire dans le passé, mais qu’à ce moment-là, la fonctionnaire concentrait sa colère sur M. Goluza. Selon Mme Graca, pendant les déclarations de la fonctionnaire, elle a avisé les personnes présentes qu’elle avait communiqué avec un avocat qui gérerait pour tout régler.

94        Mme Graca savait que la fonctionnaire avait installé un message d’absence du bureau dans son compte de courriel, renvoyant les demandes de renseignements à une représentante des relations de travail. La fonctionnaire a dit à Mme Graca qu’elle avait fait cela parce que selon elle, puisque l’agent en relations de travail devait gérer tellement de questions la concernant, M. Gillieron pouvait également gérer les questions opérationnelles que comportait son poste. Mme Graca a dit à la fonctionnaire que ce n’était pas approprié, en particulier puisqu’il n’y avait aucune relation organisationnelle entre leur section et les Ressources humaines.

95        À la fin de la journée, après la clôture de la réunion de l’équipe de direction régionale, la fonctionnaire a montré à Mme Graca la lettre de Mme Meroni qui indiquait le nombre d’allégations formulées contre elle qui devaient faire l’objet d’une enquête. Le fait que Mme Meroni faisait enquête sur la fonctionnaire a choqué Mme Graca, selon son témoignage.

96        Comme ses collègues, Mme Graca a indiqué qu’elle ne souhaitait pas travailler avec la fonctionnaire de nouveau si elle revenait dans le lieu de travail.

6. Mme Meroni

97        Comme on l’a déjà mentionné, Mme Meroni était la directrice générale de la Direction de l’application de la loi en environnement et avait la responsabilité globale des cinq régions de l’employeur partout au pays chargées d’appliquer les lois environnementales. Sur les quelque 200 employés dont elle était responsable, 80 % étaient des agents de l’autorité. Dans le cadre de ses responsabilités, elle représentait le deuxième palier de la procédure de règlement des griefs et elle a examiné les griefs de la fonctionnaire. En sa qualité de directrice générale, Mme Meroni n’a joué aucun rôle dans l’enquête sur la plainte de harcèlement contre la fonctionnaire; toutefois, en avril 2015, elle en était au courant. Le processus d’enquête sur le harcèlement a été géré par le responsable de la mise en application de la loi, M. Owen.

98        Lorsque M. Goluza a porté l’inconduite de la fonctionnaire à son attention, Mme Meroni a lancé une enquête sur l’inconduite avec l’aide de son représentant en relations de travail qui a fourni une orientation et des conseils sur la tenue de l’enquête afin de s’assurer qu’elle soit menée de façon équitable et transparente. La fonctionnaire a reçu un avis des allégations formulées contre elle qui donnait suffisamment de renseignements sur les faits qui lui étaient reprochés. Mme Meroni a nié avoir rédigé les allégations de façon générale dans le but de cacher des renseignements à la fonctionnaire. Il était important de protéger l’intégrité de l’enquête.

99                  Les renseignements ont été transmis à la fonctionnaire à une date ultérieure et ses réponses aux allégations et les renseignements obtenus dans le cadre du processus d’enquête lui ont été communiqués lorsqu’elle a été interrogée. Il n’était pas question de la surprendre à l’entrevue. Mme Meroni avait l’intention d’obtenir les renseignements dont elle avait besoin au moyen de questions à l’entrevue. Le représentant de la section locale de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le syndicat) a demandé à Mme Meroni de fournir plus de renseignements (pièce 5, onglet 49), mais elle a rejeté la requête, après quoi le syndicat a déposé un grief (pièce 6, onglet 60). Après la présentation du grief, d’autres renseignements ont été fournis, à la recommandation des Relations de travail.

100         Mme Meroni et le représentant des relations de travail ont interrogé le premier témoin le 15 mai 2015; les interviews ont pris fin le 21 mai 2015, à l’exception de celle de la fonctionnaire. Un rapport préliminaire (pièce 6, onglet 54) a été rédigé en juin et il contenait tous les éléments probants que Mme Meroni avait entendus jusqu’à ce moment. Le rapport ne pouvait être mis au point avant que la fonctionnaire soit interrogée.

101                  Le 14 août 2015, l’enquête de recherche de faits de Mme Meroni a pris fin. La fonctionnaire a été interviewée le 10 août 2015. Un rapport préliminaire a été rédigé sur la foi des témoignages des témoins interviewés avant la fonctionnaire et les documents que Mme Meroni avait examinés. Les conclusions préliminaires indiquaient que la fonctionnaire était coupable d’inconduite, mais elles n’ont été finales qu’après son entrevue. Les renseignements qu’elle a fournis n’ont pas modifié les conclusions de Mme Meroni. La fonctionnaire n’a pas reconnu sa responsabilité ni fourni d’explications qui auraient réfuté les allégations.

102                  Le fait que la fonctionnaire a déposé de nombreuses demandes d’AIPRP et présenté plusieurs griefs, qu’elle a retenu les services d’un conseiller juridique ou qu’elle a pris des congés de maladie n’a eu aucun effet sur l’enquête et les conclusions de Mme Meroni. La fonctionnaire a été invitée à une rencontre avec elle le 12 juin 2015. La fonctionnaire ne s’est pas présentée à cette réunion ou à d’autres réunions. Selon Mme Meroni, la fonctionnaire a fourni une excuse douteuse pour avoir manqué la réunion du 12 juin (pièce 6, onglet 59). Selon Mme Meroni, elle était discutable puisque les réunions avec la haute direction sont considérées comme une priorité pour les employés. Elle a tenté de fixer une autre rencontre avec la fonctionnaire en juin 2015, mais n’y est pas parvenue. Enfin, la fonctionnaire a été avisée qu’elle devait rencontrer Mme Meroni le 6 août 2015 et que si elle omettait de se présenter, Mme Meroni rendrait sa décision en fonction des renseignements qu’elle avait déjà obtenus (pièce 6, onglet 72).

103                  Le 10 août, Mme Meroni avait préparé une série de questions à l’intention de la fonctionnaire, qu’elle n’a pas eu la possibilité de lui présenter puisque la fonctionnaire n’a fait que lire une déclaration rédigée à l’avance. L’entrevue s’est terminée à la fin de sa déclaration.

104                  Mme Meroni a fini par obtenir un document écrit qui contenait la réponse de la fonctionnaire aux allégations d’inconduite. Selon l’évaluation de Mme Meroni, le document n’abordait pas les allégations; il ne faisait que nier en bloc l’ensemble des allégations. La fonctionnaire n’a démontré aucune introspection ni manifesté de remords et a plutôt indiqué qu’elle ferait la même chose à l’avenir dans des circonstances semblables. Ses commentaires n’ont pas modifié les conclusions de Mme Meroni. Elle a ajouté du texte au rapport d’enquête préliminaire, mais n’a pas modifié ses conclusions à la suite de la déclaration préparée par la fonctionnaire.

105                  La fonctionnaire est restée sur ses positions indiquant qu’elle avait raison d’avoir révoqué l’accès de M. Russell au bureau de la rue Burrard malgré le fait que M. Goluza lui avait ordonné de cesser d’exercer des mesures de gestion en ce qui concerne M. Russell pendant la période où ils étaient séparés, ce dont elle était au courant. Selon Mme Meroni, la fonctionnaire était d’avis qu’elle avait le droit de faire ce qu’elle a fait et qu’elle le referait, au besoin.

106                  Selon l’analyse des éléments de preuve dont elle disposait, Mme Meroni a conclu que la fonctionnaire avait abusé de son pouvoir et qu’elle avait trompé le bureau de sécurité lorsqu’elle a demandé à ce que l’accès de M. Russell soit suspendu. Cet abus de pouvoir et les actions trompeuses et déplacées ont violé le code de valeurs et d’éthique de l’employeur de façon générale et les valeurs d’intégrité et de respect en particulier.

107                  Il ne faisait aucun doute que la fonctionnaire avait eu accès aux registres de congé de M. Russell pendant la période où ils étaient séparés et qu’elle n’avait aucune responsabilité en matière de gestion ni besoin d’y avoir accès. Elle a confirmé qu’elle l’avait fait dans un courriel envoyé à M. Goluza en mars 2015. Elle avait eu accès à des registres classifiés protégés; elle n’avait pas d’intérêt à l’égard de ces renseignements. L’accès aux registres de congé comme elle l’a fait constitue une violation de la politique sur le réseau de l’employeur et de la Loi sur la protection des renseignements personnels (L.R.C. (1985), ch. P-21).

108                  La fonctionnaire n’a jamais nié avoir eu accès aux registres de congé, mais elle a déclaré qu’elle avait raison de le faire parce qu’elle recueillait des renseignements sur les activités de M. Russell qu’elle voulait signaler à la direction.

109                  Le simple fait qu’elle avait accès aux registres en sa qualité de gestionnaire principale de M. Russell ne lui donnait pas le droit de vérifier ses activités alors qu’ils étaient séparés et qu’il relevait de M. Krahn, qui était responsable de l’approbation et de la gestion des congés de M. Russell, selon Mme Meroni. Pendant son entrevue avec Mme Meroni, M. Krahn lui a confirmé qu’il gérait les congés de M. Russell et qu’il ne savait pas que la fonctionnaire avait eu accès aux registres de congé de ce dernier.

110                  Mme Meroni a conclu que les actions de la fonctionnaire violaient la norme d’intégrité visée par le code de valeurs et d’éthique. De plus, Mme Meroni a conclu que la fonctionnaire avait violé la politique sur les réseaux de l’employeur parce qu’elle avait eu accès à des renseignements protégés sans pouvoir et qu’elle les avait signalés. La fonctionnaire a également violé cette politique puisqu’elle a eu accès aux registres de l’employeur d’une façon non appropriée et pour son propre usage. En révélant les renseignements protégés comme elle l’a fait, elle a violé la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui interdit la communication et l’utilisation de renseignements protégés à des fins autres que celles pour lesquelles les renseignements ont été recueillis.

111        La fonctionnaire a également violé la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement. L’enquêteuse a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de maintenir la confidentialité de l’enquête; la fonctionnaire l’a reconnu. Pourtant, en décembre 2014, pendant une réunion avec M. Fraser qui devait porter sur des questions de rendement et des changements de fonctions et qui s’est déroulée dans le bureau de la fonctionnaire, cette dernière a mentionné la plainte et a dit à M. Fraser qu’elle savait ce qu’il avait dit à l’enquêteuse pendant son entrevue.

112        M. Fraser s’est senti intimidé, selon les commentaires qu’il a faits à Mme Meroni lorsqu’elle l’a interrogé à ce sujet. Il lui a dit qu’il avait peur et qu’il s’inquiétait de la violation de la confidentialité par la fonctionnaire et des circonstances dans lesquelles elle avait soulevé le sujet avec lui. M. Fraser a parlé de ses préoccupations à l’enquêteuse, qui a signalé la violation à l’employeur.

113        Selon l’évaluation de Mme Meroni, cette conduite de la fonctionnaire témoignait de sa croyance qu’elle ne serait pas touchée par le résultat de la plainte de harcèlement. Lorsque Mme Meroni l’a interrogée au sujet de cette violation, la fonctionnaire a nié avoir compromis la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement lorsqu’elle a parlé à M. Fraser. Au moment où Mme Meroni a abordé ses préoccupations quant au comportement de la fonctionnaire à la rencontre avec M. Fraser, la fonctionnaire aurait commencé à soulever des problèmes de rendement de ce dernier. Mme Meroni a conclu que l’intention de la fonctionnaire était de jeter un doute sur la fiabilité du témoignage de M. Fraser.

114        Mme Meroni a déclaré lors de son témoignage qu’elle croyait la version des événements de M. Fraser parce qu’il était tellement inquiet du comportement de la fonctionnaire à la rencontre qu’il l’a signalé à l’enquêteuse sur le harcèlement, laquelle a pris note de son appel téléphonique. Elle croyait que cet appel était suffisamment important pour qu’elle écrive une lettre à l’employeur afin de le signaler et elle l’a mentionné dans sa décision finale. La fonctionnaire savait qu’il ne convenait pas de contrevenir à l’exigence sur la confidentialité de la politique sur la prévention du harcèlement. Elle avait été prévenue à ce sujet tout au long du processus d’enquête. Malgré cela, elle a pris cette affaire en mains, selon Mme Meroni, et a intimidé un employé qui relevait d’elle, en violation de l’exigence voulant qu’elle traite les gens avec respect selon le code de valeurs et d’éthique.

115        La fonctionnaire a démontré son mépris pour la direction lorsqu’elle a désigné le bureau des relations de travail comme le point de contact dans son avis d’absence dans ses courriels plutôt que de renvoyer toutes les personnes qui tentaient de communiquer avec elle à une autre personne de la direction générale, selon la preuve de Mme Meroni. Elle a déclaré que la fonctionnaire avait dit qu’elle ne considérait pas que cela était irrespectueux ou déplacé. Mme Meroni n’a pas accepté l’explication selon laquelle la fonctionnaire ne savait pas qui elle devait inclure dans le message.

116        La fonctionnaire a également fait preuve d’un manque de respect dans sa réponse à M. Goluza lorsqu’il lui a ordonné de ne pas prendre de mesures à l’égard de M. Russell. Selon Mme Meroni, lorsque la fonctionnaire a dit à M. Goluza qu’elle prendrait toutes les mesures qu’elle jugeait appropriées, y compris ne pas tenir compte de ses directives, elle s’est rendue coupable d’insubordination. De plus, lorsqu’elle a déclaré que M. Goluza avait influencé un employé pour l’empêcher de participer à l’évaluation du risque de menace à la réunion de l’équipe de direction régionale, elle a remis en question son intégrité et a soutenu qu’il avait posé des actions répréhensibles. Il n’a rien fait pour convaincre un employé de ne pas participer à l’évaluation du risque de menace et n’est pas du tout intervenu dans la réalisation de cette évaluation.

117        La fonctionnaire a tenté de minimiser ses déclarations en soutenant qu’elle [traduction] « invoquait une rumeur » selon laquelle cela s’était produit, ce qui n’était pas pertinent, selon l’évaluation de Mme Meroni. Il n’était pas approprié pour la fonctionnaire de soulever cette question à la réunion devant ses collègues qui relevaient également de M. Goluza et de le calomnier ainsi. Les autres personnes présentes à la réunion ne connaissaient pas les détails de l’évaluation du risque de menace et ont été surprises par les commentaires de la fonctionnaire. Selon Mme Meroni, les actions de la fonctionnaire avaient uniquement pour but de miner l’autorité de M. Goluza devant son équipe de direction et elles étaient tout à fait déplacées. À aucun moment la fonctionnaire n’a reconnu que ce qu’elle avait fait était inapproprié.

118        Un autre exemple du manque de respect de la fonctionnaire à l’égard de M. Goluza était son entêtement à poursuivre une enquête sur un incident concernant M. Russell et M. Fraser au bureau de Nanaimo en janvier 2015 alors qu’elle n’avait aucun pouvoir de direction à l’égard de M. Russell. Malgré le fait que M. Goluza lui ait donné l’ordre direct de ne pas poursuivre une enquête de recherche de faits en attendant la fin de l’enquête sur la plainte de harcèlement et de l’évaluation du risque de menace, elle a refusé de suivre cet ordre. Toutefois, elle lui a dit qu’elle ne communiquerait pas avec M. Russell.

119        À aucun moment la fonctionnaire n’a reconnu à Mme Meroni que ses actions étaient inappropriées; elle a soutenu avoir agi par souci de diligence raisonnable. Selon elle, elle a eu raison de faire ce qu’elle a fait et elle ne faisait pas preuve d’insubordination. Mme Meroni a déclaré que malgré l’opinion de la fonctionnaire, elle avait fait preuve d’insubordination et de manque de respect et avait agi sans intégrité, en violation du code de valeurs et d’éthique de l’employeur. Sa « Directive sur la conduite des agents » (pièce 6, onglet 77) soumet les agents de l’autorité à un niveau élevé d’honnêteté et d’intégrité, puisqu’ils sont des agents de la paix.

120        Mme Meroni a conclu que l’ensemble des allégations d’inconduite visant la fonctionnaire étaient vraies. Elle a terminé son rapport et l’a présenté à M. Owen. Elle savait que l’évaluation du risque de menace de M. Leek était en cours en même temps que son enquête sur l’inconduite. Elle a vu son rapport (pièce 6, onglet 53) avant de délibérer sur les questions de l’inconduite. Toutefois, les deux enquêtes étaient des processus distincts. L’enquête de M. Leek n’a joué aucun rôle dans les conclusions de Mme Meroni. Elle savait qu’au moment où elle présentait son rapport à M. Owen, il délibérait sur le résultat de l’enquête sur le harcèlement.

121        Au moment où s’est tenue la rencontre sur la présentation du grief en ce qui concerne le licenciement de la fonctionnaire, Mme Meroni avait remplacé M. Owen après sa retraite en tant que responsable de la mise en application de la loi. La fonctionnaire a lu une déclaration à la rencontre. Elle n’a pas reconnu son inconduite ni exprimé de remords. Elle a simplement continué de défendre ses actions; elle n’a fait aucune introspection sur son inconduite et ses conséquences sur l’employeur.

122        Selon l’évaluation de Mme Meroni, il n’y a pas de possibilité de réintégration de la fonctionnaire dans le lieu de travail. La fonctionnaire et son représentant syndical n’ont pas fourni de preuve pour établir que le lien de confiance n’a pas été rompu. La fonctionnaire n’a pas admis la responsabilité de ses actions. Mme Meroni faisait face à une personne qui avait abusé de son pouvoir, avait violé le code de valeurs et d’éthique de l’employeur ainsi que son code de conduite pour les agents et qui, selon ses propres déclarations, répéterait ces violations. Elle n’a manifesté aucun remords ni regret et une réadaptation n’est donc pas possible.

7. M. Owen

123        M. Owen était le responsable de la mise en application de la loi de l’employeur au moment du licenciement de la fonctionnaire. Elle relevait de lui dans le cadre de la chaîne de commandement qui incluait également M. Goluza et Mme Meroni. Il avait le pouvoir délégué de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire.

124        M. Owen a eu connaissance pour la première fois de la situation avec la fonctionnaire après le 3 avril 2015. Il devait établir la réponse de l’employeur aux conclusions de l’enquête sur le harcèlement dont le rapport a été publié au début d’avril 2015. Il a demandé une enquête sur les allégations concernant la sécurité de la fonctionnaire après avoir consulté ses conseillers en ressources humaines et en santé et sécurité au travail. M. Leek a été appelé d’Edmonton pour mener l’évaluation sur le risque de menace au sujet des allégations de la fonctionnaire sur sa sécurité.

125        M. Owen a reçu le rapport d’évaluation du risque de menace le 29 mai 2015. Même s’il avait espéré obtenir la réplique de la fonctionnaire au rapport final sur la plainte de harcèlement plus tôt, il ne l’a reçue que le 31 août 2015.

126        Le 5 mai 2015, Mme Meroni a entrepris une enquête de recherche de faits sur les allégations d’inconduite visant la fonctionnaire. M. Owen a appuyé l’enquête de Mme Meroni; elle portait sur de graves questions liées à la conduite de la même employée et des difficultés éprouvées pour gérer cette employée dans le lieu de travail. Ces questions n’étaient pas distinctes de celles soulevées dans la plainte de harcèlement ou dans l’évaluation du risque de menace. À son avis, il devrait gérer les résultats de tous les rapports en même temps, puisqu’ils étaient liés.

127        Selon M. Owen, la réponse de la fonctionnaire à la plainte de harcèlement était détaillée. Elle a passé en revue chaque allégation en détail; ses réponses indiquaient de façon uniforme qu’elle n’avait rien fait de mal, qu’elle avait fait une erreur de bonne foi ou qu’elle avait été mal comprise. Dans ses réponses, elle ne reconnaissait pas avoir posé des gestes répréhensibles et n’exprimait pas de remords. Elle a fourni une réplique à M. Owen par vidéoconférence qui a duré environ une heure. Certaines de ces répliques étaient hors contexte et n’étaient pas liées à l’enquête sur le harcèlement. Selon M. Owen, elle avait une excuse pour chacune de ses actions. Elle n’a pas reconnu qu’elle n’aurait pas dû agir comme elle l’a fait.

128        M. Owen a déclaré qu’il n’a pas donné la directive de rédiger la lettre disciplinaire (pièce 5, onglet 67) avant la vidéoconférence du 31 août avec la fonctionnaire. Il a dit qu’il ne pouvait pas décider d’une mesure disciplinaire avant d’avoir tous les renseignements dont il avait besoin. Toutefois, il n’y avait aucun doute dans son esprit qu’elle était coupable d’une certaine inconduite et que les conclusions en matière de harcèlement étaient graves. Le conseiller en relations de travail avait rédigé la lettre en question en prévision d’un résultat disciplinaire.

129        Après la rencontre du 31 août avec la fonctionnaire, M. Owen a tenu compte des trois rapports et de la réplique de la fonctionnaire et, à la mi-septembre, il avait examiné les rapports. Il a inclus les résultats de ses examens dans un document (pièce 6, onglet 71) parce qu’il avait mûrement réfléchi à la situation et qu’il souhaitait consigner la façon dont il était parvenu à ces conclusions. Il l’a communiqué à son représentant des ressources humaines.

130        M. Owen s’en est remis à la description de l’enquêteuse sur la plainte de harcèlement. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas accepter les prétentions de la fonctionnaire selon lesquelles sa sécurité personnelle était à risque. Plusieurs de ses actions ont laissé M. Owen perplexe; par exemple, si elle savait que M. Russell ne pouvait pas participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse parce que son accréditation avait expiré, pourquoi ne pas l’avoir dit simplement plutôt que de se comporter comme elle l’a fait. De plus, selon l’estimation de M. Owen, la seule façon dont elle a pu l’apprendre est qu’elle avait examiné les registres personnels de M. Russell à un moment où elle n’était pas autorisée à le faire.

131        Selon M. Owen, demander à un employé d’aller chercher son enfant si quelque chose devait arriver à la formation sur l’usage de la force était une tentative par la fonctionnaire de jeter un doute sur M. Russell et son état mental. Toujours selon lui, les questions relatives à la sécurité qu’elle a soulevées, ce qu’elle n’a fait qu’après le dépôt de la plainte de harcèlement et jamais pendant son enquête à lui, avait uniquement pour but de soulever des doutes à l’égard de M. Russell et d’étayer ses allégations selon lesquelles il souffrait de maladie mentale. Il était répréhensible de sa part de les soulever, en particulier puisqu’elles avaient fait l’objet d’une enquête et qu’elles avaient été estimées non fondées, selon le témoignage de M. Owen.

132        L’explication par la fonctionnaire de la façon dont le cours de formation de sauvetage en eaux vives de M. Russell a été reporté n’avait aucun sens pour M. Owen. Selon lui, la société qui offrait la formation n’aurait pas fait les changements sauf si la fonctionnaire les avait demandés. Il a expliqué cette action comme une tentative par la fonctionnaire [traduction] « d’embêter » M. Russell.

133        Les actions de la fonctionnaire qui insistait pour que M. Russell suive un cours de gestion de projet à une date et à un lieu qu’elle décidait avaient pour motivation implicite qu’il se trouve un emploi ailleurs. Selon l’évaluation de M. Owen, elle souhaitait expulser M. Russell de l’équipe, si ce n’est du ministère, et il ne voulait pas partir. Même s’il avait accepté au départ de suivre la formation, il avait le droit de changer d’idée, même si cela contrariait la fonctionnaire.

134        Le comportement de la fonctionnaire à l’égard de M. Russell correspondait à du harcèlement et témoignait d’autres problèmes quant à son rendement. Bien que les allégations formulées contre elle n’étaient pas graves, ce comportement démontre une gestion incorrecte et un abus de pouvoir. M. Owen a déclaré qu’en tant que gestionnaire, elle devait prendre de la maturité; M. Russell pouvait avoir été un employé difficile, mais elle devait le traiter correctement. La conclusion selon laquelle elle était coupable de harcèlement à l’égard d’un employé ne justifiait pas en soi, selon M. Owen, son licenciement, mais il nécessitait d’importantes conséquences, comme une rétrogradation permanente au niveau d’agent de l’autorité, où elle n’aurait aucune fonction de gestion.

135        M. Owen devait également tenir compte des résultats de l’évaluation du risque de menace qui, selon son témoignage, n’appuyait pas les allégations de la fonctionnaire. La révocation par elle de l’accès de M. Russell au bureau de la rue Burrard contrevenait aux directives qu’elle avait reçues quant à son rôle de gestionnaire pendant la période où ils étaient séparés. Elle n’était pas autorisée à faire un tel changement puisqu’elle n’était pas sa gestionnaire à l’époque, même si elle a laissé croire au bureau de sécurité qu’elle l’était. En tant qu’agente de la paix, elle devait agir de façon honnête, ce qu’elle n’a pas fait dans ces circonstances. Elle aurait pu demander à M. Goluza de faire le changement, mais elle a plutôt pris les choses en main et a violé les directives qu’elle avait reçues de la direction. Dans les circonstances, ses actions correspondaient à des représailles. À la question de savoir pourquoi elle avait agi ainsi, elle a dit à M. Goluza qu’elle ferait tout ce qui était nécessaire.

136        La fonctionnaire avait tendance à ne pas respecter les directives de la direction en ce qui concerne ses interactions avec M. Russell en sa qualité de gestionnaire de ce dernier. Elle a vérifié ses registres de congés pour voir s’il travaillait à sa plainte de harcèlement pendant ses heures de bureau, ce qui violait non seulement l’ordonnance de séparation mais, mais également sa vie privée. Le simple fait qu’elle pouvait avoir accès à ses registres de congés ne signifiait pas qu’elle était autorisée à y avoir accès. Selon l’estimation de M. Owen, elle a outrepassé son pouvoir pour parvenir à la fin souhaitée.

137        Dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement, elle a violé la clause de confidentialité de la politique de l’employeur sur la prévention du harcèlement lorsqu’elle a discuté du témoignage de M. Fraser fourni à l’enquêteuse sur le harcèlement alors qu’elle discutait de son rendement et de la possibilité de la fermeture du bureau de Nanaimo. Selon M. Owen, il s’agissait d’une tentative pour l’intimider et le soudoyer en tant que témoin.

138        M. Owen a dit que les actions de la fonctionnaire étaient bizarres, en particulier puisque son travail consistait à mener des enquêtes et qu’elle a fait exactement ce qu’elle n’aurait pas dû faire. Il craignait que lui-même et le ministère ne puissent plus lui faire confiance; ses actions étaient embarrassantes pour lui-même et le ministère. Elle a fait preuve d’un manque de jugement pendant toute cette période, y compris lorsqu’elle a laissé le message de courriel d’absence du bureau indiquant que quiconque avait besoin d’aide en son absence devait consulter l’agent des relations de travail. Les agents de l’autorité ont une autorisation de sécurité plus élevée que celle des agents des relations de travail et ont accès à des renseignements que ces derniers n’ont pas le droit de voir, en vertu du niveau de leur autorisation de sécurité. Ses actions ont exposé le ministère à un risque et ont remis en question son jugement.

139        M. Owen s’inquiétait également de l’absence de remords et du manque de jugement de la fonctionnaire. À aucun moment elle a dit qu’elle aurait fait les choses différemment, ce qui a encore plus terni sa relation avec l’employeur. Les commentaires qu’elle a exprimés selon lesquelles M. Goluza avait tenté d’influencer un témoin étaient très graves et ils avaient été exacerbés par le fait qu’elle était également une agente de la paix. Ils étaient irrespectueux et auraient pu avoir une importance capitale sur la carrière de ce dernier. Elle a entrepris une enquête sur des allégations de conflit au bureau de Nanaimo, qui concernaient M. Russell, même si elle avait reçu l’ordre de ne pas le faire.

140        M. Owen a déclaré qu’il avait [traduction] « peine à comprendre » la logique de la fonctionnaire. Il se demandait quel raisonnement lui laissait croire qu’il convenait de mener une enquête alors qu’on lui avait dit de ne pas le faire, en particulier puisque cela violait l’ordre de séparation. Selon son évaluation, ses conclusions n’étaient pas pertinentes et son enquête n’était rien d’autre qu’une attaque contre M. Russell. M. Owen était déconcerté par le manque de jugement et la nonchalance qu’elle manifestait.

141        À ce moment, la fonctionnaire avait franchi la limite; elle faisait preuve d’insubordination, elle traitait mal les employés qui relevaient d’elle, elle avait intimidé M. Fraser, elle avait harcelé M. Russell et elle avait contrevenu au code de valeurs et d’éthique de l’employeur. M. Owen ne croyait plus que l’employeur pouvait lui faire confiance. Il a déclaré lors de son témoignage qu’à son avis, elle avait atteint un point où elle ne suivait plus les directives et qu’on ne pouvait plus lui faire confiance pour respecter les règles. Le licenciement était justifié, en particulier puisqu’elle n’avait pas exprimé de remords ou de regret. Elle n’a pas présenté d’excuses pour ses actions et n’a pas reconnu que ce qu’elle avait fait était mal.

142        Tout est une question d’éthique. Les actions de la fonctionnaire démontraient un mauvais jugement. Selon l’évaluation de M. Owen, elle faisait preuve d’une insubordination directe et avait agi de façon tout à fait incorrecte. L’employeur ne savait pas ce qu’elle ferait ou jusqu’où elle irait pour parvenir à ses fins. M. Owen a déclaré qu’il croyait qu’elle ne reculerait devant rien pour réaliser ses objectifs. Il a indiqué que par ses actions elle a franchi une limite au point où l’employeur ne pouvait plus être convaincu qu’elle respecterait ses normes et celles établies par le Conseil du Trésor et sa direction générale. Elle n’avait plus d’intégrité, de jugement ou de respect pour les autres. Elle avait violé la vie privée des personnes qui relevaient d’elle et elle avait intimidé des témoins; ses actions ne résisteraient pas à l’examen public, selon M. Owen.

143        Selon le témoignage de M. Owen, la fonctionnaire a utilisé son poste de façon égoïste et pour désavantager d’autres personnes. La façon dont elle s’est conduite a détruit le lien de confiance de l’employeur à son égard. En tant qu’agente de la paix, elle avait des pouvoirs supérieurs à ceux d’un simple civil. M. Owen s’est demandé quelles autres obligations elle violerait dans le cadre d’une enquête puisqu’elle était disposée à contrevenir à toutes ces obligations. N’en ferait-elle pas tout autant dans le cadre d’une affaire criminelle? Il a donc conclu que l’employeur avait des motifs suffisants pour la licencier.

144        Son comportement ne pouvait pas être modifié. Son mépris des valeurs et de l’éthique de l’employeur ne pouvait être corrigé au moyen d’une formation. La fonctionnaire n’a jamais exprimé de remords au sujet de ses actions ou de leur caractère inadéquat et n’a fait aucune introspection à cet égard. À ce jour, elle ne reconnaît pas avoir fait quelque chose de mal. Son défaut de reconnaître qu’elle a fait quelque chose de mal empêche la réadaptation. Tout au long du processus pour savoir la mesure qu’il prendrait à son égard, M. Owen a déclaré qu’il s’attendait à ce qu’elle exprime des remords, mais qu’elle n’en a jamais exprimé de façon sincère.

145        Selon tous ces éléments, à la mi-septembre, M. Owen a avisé le sous-ministre qu’il recommandait le licenciement de la fonctionnaire. Au bout du compte, la décision du licenciement a été prise par le sous-ministre. Une lettre de licenciement a été rédigée. M. Owen l’a remise en personne à la fonctionnaire. Il lui a donné une dernière chance d’expliquer ses actions. Si elle avait exprimé de véritables remords et regrets, le résultat aurait pu être différent. Elle n’a rien exprimé, et elle a été licenciée.

146        En contre-interrogatoire, M. Owen a indiqué qu’il avait envisagé le niveau approprié de mesure disciplinaire étant donné les 22 années de service de la fonctionnaire et son dossier disciplinaire vierge. Il a également tenu compte de l’enquête sur le harcèlement, de l’évaluation du risque de menace, du rapport d’enquête sur l’inconduite de Mme Meroni, du code de valeurs et d’éthique et de la directive sur la conduite des agents pour parvenir à son évaluation du comportement de la fonctionnaire.

147        Il a examiné la description qu’a faite M. Goluza de la fonctionnaire, selon laquelle elle avait un bon rendement, qu’elle avait des principes élevés et qu’elle avait consacré sa carrière à la fonction publique. Elle avait un bon rendement et travaillait fort, mais elle n’a pas été licenciée pour un mauvais rendement. M. Owen l’a décrite comme une fonctionnaire rebelle qui ferait tout pour parvenir à ses objectifs, y compris compromettre une enquête. Elle peut avoir eu un bon rendement, mais, selon ses mots, à un moment donné, [traduction] « elle a pris une mauvaise tangente ».

148        Si elle craignait viscéralement M. Russell, des choses auraient pu être faites pour atténuer son comportement, mais selon M. Owen, cela n’expliquait pas son inconduite ou d’autres actions et n’expliquait pas les résultats de l’évaluation du risque de menace, qu’il a examinée. Selon son examen du rapport et ses connaissances des circonstances, M. Owen a conclu que la fonctionnaire ne craignait pas véritablement M. Russell. Il croyait qu’elle inventait tout cela pour camoufler les actions qu’elle a prises contre lui. Cette évaluation constituait une partie importante de son analyse et de sa conclusion de mettre fin à son emploi, mais elle n’était pas l’élément central de sa décision. Il ne lui a jamais demandé si elle avait véritablement peur pour sa sécurité.

149        L’attention de M. Owen a été attirée sur le rapport d’évaluation du risque de menace (pièce 3, onglet 39, paragraphe 30). Il a également pu parcourir son résumé (pièce 30). Il a déclaré qu’il reconnaissait le résumé et qu’il l’avait utilisé lorsqu’il a envisagé de recommander le niveau de mesure disciplinaire à imposer à la fonctionnaire. Il ne se rappelait pas comment ou quand il l’avait reçu, mais il se rappelait avoir eu la version marquée comme la pièce 30 avec lui lorsqu’il l’a rencontrée.

150        Enfin, l’avocat de la fonctionnaire a montré à M. Owen une troisième version du rapport (pièce 31) et l’a renvoyé aux paragraphes 30 et 31, qu’il ne se rappelait pas avoir vus. La version qu’il a utilisée dans ses délibérations ne contenait pas les commentaires des paragraphes 30 et 31 de la pièce 3, onglet 39, ou de la pièce 31, dans laquelle l’enquêteur concluait que la fonctionnaire craignait réellement pour sa sécurité personnelle et celle des autres.

151        À aucun moment M. Owen n’a demandé à la fonctionnaire si elle craignait vraiment pour sa sécurité. Il a déclaré qu’il avait de la difficulté à croire qu’elle se pensait honnêtement en danger. Elle a répandu des rumeurs et a tenté de ternir la réputation de M. Russell en demandant à un membre du personnel administratif d’aller chercher son enfant si quelque chose lui arrivait à une séance d’autodéfense à laquelle M. Russell devait assister.

152        La fonctionnaire a eu la possibilité de répondre aux conclusions du rapport de Mme Meroni lorsque M. Owen a abordé le rapport d’enquête sur le harcèlement et l’évaluation du risque de menace. Elle a présenté une déclaration écrite à Mme Meroni sur les allégations d’inconduite (pièce 3, onglet 46). Elle n’a pas eu la possibilité d’aborder les conclusions de Mme Meroni avant la réunion du 31 août 2015.

153        M. Owen a déclaré qu’il avait lu le rapport de Mme Meroni et l’observation de la fonctionnaire lorsqu’il a rédigé son document d’évaluation. À la réunion du mois d’août, il s’attendait à ce que la fonctionnaire réfute les trois rapports. Il n’a pas posé de questions, mais il s’attendait à ce qu’elle fournisse d’autres renseignements qui lui auraient été utiles selon elle dans son examen. Elle lui a remis une réfutation écrite sous forme électronique protégée par un mot de passe (pièce 4, onglet 52) du rapport d’enquête sur le harcèlement avant la réunion; elle a fourni le mot de passe à la réunion seulement, de sorte que M. Owen n’a pas pu examiner le document à l’avance. Il l’a examiné dans le cadre de ses délibérations.

154        Malgré la contre-preuve de la fonctionnaire, M. Owen a continué de se préoccuper du fait qu’elle avait violé l’ordre de séparation, qu’elle avait induit en erreur le bureau de sécurité dans son courriel lorsqu’elle avait demandé à ce que l’accès de M. Russell au bureau de la rue Burrard soit suspendu et qu’elle avait abusé de son pouvoir en faisant révoquer son mot de passe, et qu’il était d’avis que ses actions constituaient des représailles. Il a remis en question la raison pour laquelle elle a eu accès de façon répétée aux registres de congé de M. Russell alors qu’elle n’avait aucune raison de le faire, en particulier si elle le craignait comme elle le prétendait. Il n’était pas important pour M. Owen que M. Goluza n’ait pas abordé ce sujet avec la fonctionnaire parce que cela démontrait pour lui un manque de jugement incroyable.

155        En raison de ses négations globales et de son refus d’assumer la responsabilité de ses actions, M. Owen trouvait que la fonctionnaire n’était pas crédible. Il a même accepté le témoignage de M. Fraser plutôt que le sien en sachant que M. Fraser avait parfois souffert de maladie mentale. Il a accepté les déclarations de M. Fraser selon lesquelles la fonctionnaire avait contrevenu à la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement lorsqu’elle a dit à M. Fraser qu’elle savait ce qu’il avait dit à l’enquêteuse. Elle a nié avoir dit cela, mais étant donné qu’elle a nié tous les éléments relatifs à tout acte répréhensible de sa part, M. Owen ne l’a pas du tout trouvé crédible.

156        De plus, M. Owen n’a pas cru la fonctionnaire lorsqu’elle dit qu’elle [traduction] « invoquait une rumeur » selon laquelle M. Goluza avait influencé des témoins dans l’une des enquêtes. Elle avait manqué de respect à l’égard de M. Goluza et avait publiquement remis en question son intégrité. Il aurait dû prendre des mesures à l’époque, mais selon M. Owen, M. Goluza tentait d’éviter un conflit avec elle. Ce n’est pas la seule fois où elle avait remis en question son intégrité; elle l’avait aussi fait dans un courriel (pièce 3, onglet 33). En plus de contester son intégrité, elle a fait preuve d’une insubordination directe lorsqu’elle a lancé une enquête sur l’inconduite au bureau de Nanaimo de M. Fraser et de M. Russell après avoir reçu l’ordre direct de ne pas le faire (pièce 3, onglet 29 et pièce 3, onglet 31).

157        De plus, le geste de la fonctionnaire d’aviser quiconque lui faisait parvenir un courriel en avril 2015 de renvoyer leur demande de renseignements à l’agent des relations de travail créait un risque et embarrassait l’employeur et suscitait de la confusion parmi les personnes qui recevaient sa réponse d’absence du bureau.

158        M. Owen n’était pas au courant du rapport provisoire de Mme Meroni (pièce 3, onglet 43) qui avait été rédigé avant que la fonctionnaire soit interrogée et il ne savait pas que des conclusions avaient été tirées dans le cadre du rapport préliminaire. Il a soutenu qu’il n’avait pas conclu que la fonctionnaire devait être licenciée avant d’avoir eu tous les renseignements, malgré le fait que l’équipe des relations de travail avait rédigé deux lettres de licenciement (pièce 4, onglets 49 et 50). L’une d’elles mentionnait le rapport de Mme Meroni et était datée du 14 août 2014, le jour même de la sortie du rapport. M. Owen n’était pas au courant de l’existence des lettres lorsqu’il a rencontré la fonctionnaire à la fin du mois d’août.

159        Le 17 août 2015, M. Owen avait conclu que la fonctionnaire devrait être licenciée selon les éléments dont il disposait à l’époque, mais il devait encore lui parler avant de confirmer sa conclusion. La rencontre avec la fonctionnaire devait se dérouler le 19 ou le 29 août 2015.

160        M. Owen a déclaré qu’il ne savait pas que des versions de la lettre de licenciement avaient été préparées avant qu’il décide de licencier la fonctionnaire. Lorsqu’on lui a montré des notes (pièce 35) préparées par le directeur des Relations de travail, M. Saint-Onge, de leurs discussions du 6 août 2015, qui indiquaient que la décision avait été prise de rédiger la lettre de licenciement, M. Owen a dit qu’il ne se rappelait pas de la discussion. Il se rappelait que le 6 août il avait prévu une réunion avec la fonctionnaire pour le 19 août et il a supposé que les Relations de travail étaient prêtes pour le scénario de la pire éventualité.

161        M. Owen a nié qu’il a ordonné à M. Saint-Onge de rédiger la lettre de licenciement dès le 6 août, même s’il a admis qu’il s’agissait probablement du résultat du processus qui se déroulait et que les Relations de travail avaient besoin de temps pour préparer les documents nécessaires. Selon tous les éléments que M. Owen avait vus à ce moment, le licenciement était le résultat probable. Si quelque chose survenait entre-temps, il était disposé à reporter la décision et à réévaluer la situation. Il a admis que la fonctionnaire aurait dû le convaincre à ce moment qu’elle ne devrait pas être licenciée.

8. M. Bell

162        Michael Bell est actuellement le directeur régional, Application de la loi en environnement, pour la région de l’Ontario de l’employeur. Avant de devenir un directeur régional, il occupait un poste de gestionnaire de l’application de la loi et il était responsable du maniement et de la gestion des armes à feu et de la formation à cet égard pour l’employeur. Il a expliqué que les agents de l’autorité avaient le droit de posséder, de transporter et d’utiliser des armes à feu pour se protéger des prédateurs. Il s’agissait de lignes directrices et de critères rigoureux concernant la formation des agents et leur utilisation des armes à feu. Lorsque le responsable de la mise en application de la loi approuvait la remise d’une arme à feu aux agents dans certaines zones géographiques, ces derniers devaient suivre une formation approuvée par l’employeur avant d’en recevoir une. Le directeur régional doit s’assurer que tous les critères de la directive sur les armes à feu sont respectés.

163        Les exigences en matière de formation sont un cours de sécurité dans le maniement des armes à feu d’une journée et demie, qui, lorsqu’il est suivi avec succès, atteste que l’employé a respecté les exigences d’une licence d’acquisition. Il s’agit d’une exigence unique. L’employé doit ensuite suivre un cours pratique de deux jours pendant lequel il doit démontrer sa compétence pratique relative à une arme. Pour maintenir cette compétence, les employés participent à des pratiques sur le maniement des armes à feu une à quatre fois par année. L’accréditation de compétence d’un employé expirera s’il n’utilise pas une arme à feu à l’une de ces pratiques pendant plus d’une année.

164        Si l’accréditation de compétence expire, l’employé doit suivre un cours d’appoint d’une journée. Il revient au directeur général et aux gestionnaires des agents de s’assurer que ces derniers ont la possibilité de se pratiquer afin de s’assurer qu’ils assistent aux cours d’appoint lorsqu’il est offert. M. Bell ne connaissait aucune disposition qui empêchait un agent dont l’accréditation a expiré d’assister à des pratiques sur le maniement des armes à feu. Les restrictions visant l’utilisation des armes à feu concernent un contexte opérationnel, c’est-à-dire que les agents n’auraient pas le droit d’utiliser des armes à feu dans le cadre de leurs fonctions mais seraient autorisés à le faire pour se pratiquer. Pour les fins de la pratique, les agents ont le droit d’utiliser des armes à feu afin de suivre le cours d’appoint, ce qui est en fait nécessaire.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

1. M. Brochez

165        M. Brochez a déclaré lors de son témoignage qu’il avait rencontré la fonctionnaire à la fin de l’été 2008 et que durant la période en question, il relevait d’elle à titre d’agent de l’autorité au bureau de Nanaimo du District côtier. Il l’a décrite comme une gestionnaire professionnelle qui était toujours disponible. Il a également déclaré que c’était une personne qu’il ne voulait pas [traduction] « se mettre à dos ». Elle fournissait toujours des réponses détaillées à ces questions. Il a dit que son travail était sa vie. Selon son estimation, son sens de la responsabilité était énorme, mais elle ne s’attendait pas à ce que ses employés travaillent au même rythme qu’elle ou soient disponibles en tout temps, jour et nuit. Elle voulait qu’ils soient occupés et qu’ils lui disent où ils en étaient et ce qu’ils faisaient. Elle tenait des réunions bimensuelles pendant lesquelles elle les informait de ce qui se passait à son niveau; chaque agent devait fournir un rapport de situation de ses dossiers.

166        La fonctionnaire a donné à M. Brochez des suggestions pour son perfectionnement professionnel et lui donnait souvent des possibilités d’atteindre le niveau suivant, selon son témoignage. Elle comprenait les intérêts et les forces de ses employés et leur permettaient de se concentrer sur leur domaine d’intérêt. Selon M. Brochez, il lui fournissait des plans d’inspection comme façon de se tenir occupé.

167        M. Brochez a déclaré qu’à un certain moment il devait signifier une ordonnance exécutoire en matière de protection environnementale pour Mme Portman. Il a dit qu’il n’était pas à l’aise à cet égard parce que la personne visée par le mandat avait été condamnée 10 ans plus tôt pour avoir agressé un agent de la paix. M. Brochez a dit qu’il a communiqué avec la fonctionnaire, qui lui avait dit de laisser tomber et de ne pas la signifier. Selon M. Brochez, elle ne voulait pas compromettre sa sécurité.

168        Lorsque M. Brochez était l’agent responsable d’un dossier appelé le dossier de rejet en mer Champion, la fonctionnaire s’est occupée de préparer le mémoire au tribunal; il a dit que les mémoires étaient sa priorité. Elle aimait les écrire et les réviser pour les autres. Sa plus grande expertise concernait les enquêtes. Pour le dossier Champion, elle a trouvé un témoin expert, a pris des échantillons et a participé à toutes les étapes du dossier. Selon M. Brochez, elle a refait le mémoire à quelques reprises. Cela lui montrait qu’elle voulait que son équipe réussisse. Il a décrit une journée de réflexion d’équipe en 2014 qui devait être un exercice de promotion du travail d’équipe au moyen de navires. Une charte d’équipe a été créée.

169        M. Brochez a décrit ses expériences de travail avec M. Fraser. Il a dit qu’il se préoccupait d’être sur le terrain avec M. Fraser en raison de la santé de ce dernier. Selon M. Brochez, M. Fraser pouvait lui nuire sur le terrain. Toujours selon lui, bien que M. Fraser et la fonctionnaire fussent amis au départ, lorsqu’elle est devenue son gestionnaire, leur relation a changé. Ils pouvaient se disputer au téléphone et il lui lançait des injures par la suite.

170        M. Brochez a décrit M. Russell comme une personne sympathique et avec laquelle il était facile de s’entendre; il était très amusant. Il voulait que M. Brochez se joigne à l’initiative sur les camps de pêche qu’il dirigeait avec M. Fraser et John Leeden. Selon M. Brochez, avec le temps, M. Russell est devenu plus stressé parce qu’il avait de plus en plus de travail sur l’application de la loi dans le cadre du projet et qu’il y avait de la résistance à l’égard des camps de pêche sportive. Il a dit que M. Russell avait perdu sa personnalité bon enfant et qu’en 2012, il lui avait dit qu’il détestait son travail.

171        À l’été 2014, M. Brochez a rencontré la fonctionnaire aux bureaux de Vancouver qui lui avait dit que deux des flottes de véhicules du bureau de Nanaimo de l’employeur seraient munies de dispositifs de localisation GPS en temps réel. Un véhicule était assigné à M. Fraser. Lorsque M. Russell a emprunté ce véhicule, il ne savait pas que le dispositif de localisation avait été installé. Lorsqu’il a découvert que M. Brochez était au courant et qu’il n’avait rien dit, M. Russell l’a confronté. Il a dit à M. Russell que ce n’était pas à lui de lui en parler.

172        Toujours en 2014, M. Brochez, M. Fraser et M. Russell parlaient de la nécessité d’avoir un quatrième agent au bureau de Nanaimo. M. Fraser a préparé une proposition qui a été présentée à la fonctionnaire pendant une réunion à Vancouver. Elle a répondu qu’elle n’était pas suffisamment bonne et que si un autre agent devait être affecté au bureau de Nanaimo, le poste serait doté de façon plus transparente que lorsque M. Russell y a été muté. Selon M. Brochez, elle faisait allusion aux autres personnes qui n’avaient pas pu postuler lorsque M. Russell avait obtenu son poste à Nanaimo.

173        M. Brochez a décrit un autre incident dans lequel M. Russell avait été décrit comme étant mécontent de la fonctionnaire. Cela concernait un incident de 2014 appelé le déversement de Chase River. M. Fraser était le seul agent au bureau de Nanaimo à l’époque et il ne savait pas que le déversement s’était produit. Il n’a été signalé à la fonctionnaire que le lundi suivant, lorsque la nouvelle a été publiée dans les médias. Ce jour-là, M. Russell l’a avisée que les médias étaient au courant de l’histoire et qu’il n’y avait eu aucune réponse de leur bureau pendant quatre jours, selon M. Brochez.

174        La fonctionnaire a fait parvenir un courriel aux employés du bureau de Nanaimo, y compris M. Leeden, pour indiquer qu’elle serait présente le lendemain afin de discuter de la situation, et qu’ils devaient tous être présents. À cette réunion, elle a déclaré qu’elle voulait savoir ce qui était arrivé et comment le bureau avait répondu. Lorsqu’elle a découvert que cinq jours après le déversement le bureau n’avait toujours rien fait, elle était manifestement en colère. Selon M. Brochez, elle avait l’intention de bien faire comprendre que cela ne devait pas se reproduire. Il a dit que M. Russell et M. Fraser, après la rencontre, étaient contrariés que la fonctionnaire soit venue au bureau de Nanaimo. M. Russell aurait dit que la seule raison pour laquelle elle est venue à Nanaimo était pour discréditer deux cadres devant des agents subalternes.

175        Lorsque la fonctionnaire a été promue au poste de gestionnaire, elle a géré le groupe de façon à tenir tout le monde occupé. Elle voulait que le travail de son équipe s’appuie sur ses forces à elle, selon M. Brochez. Lorsqu’elle a terminé l’examen de son rendement pour 2014, elle lui a présenté ses excuses pour ne pas avoir géré correctement le bureau de Nanaimo. Selon son témoignage, elle lui a également promis que cela ne se reproduirait pas. À ce moment, M. Russell et M. Fraser s’occupaient en tout de six dossiers, ce qui la contrariait. À partir de ce moment, M. Brochez a noté des changements dans la relation de la fonctionnaire avec M. Russell et M. Fraser. Il a aussi remarqué que ces derniers parlaient de plus en plus du fait qu’elle s’en prenait à M. Russell. Selon M. Brochez, M. Russell et M. Fraser pensaient que la fonctionnaire le favorisait.

176        Pendant une partie de 2015, personne au bureau ne parlait aux autres, selon M. Brochez. Il a dit à M. Russell qu’il ne pouvait plus être son responsable de la rétroaction. M. Fraser a dit à M. Russell qu’il ne l’aimait pas. La fonctionnaire en a entendu parler et, selon son témoignage, elle a dit à M. Brochez qu’elle croyait qu’il travaillait dans un environnement toxique et qu’elle avait le devoir de le retirer du bureau de Nanaimo. À un certain moment pendant cette période, elle l’a renvoyé à un dossier sur un lecteur partagé où les demandes d’AIPRP étaient stockées. Lorsqu’il les a consultés, M. Brochez était mécontent de découvrir une demande de M. Russell pour obtenir toute la correspondance de M. Brochez à son sujet.

177        Cela a particulièrement agacé M. Brochez puisque cela s’est produit tout juste après avoir serré la main de M. Russell et s’être réconcilié avec lui. M. Brochez a déclaré qu’il a imprimé les documents et qu’il les a laissés en évidence sur son bureau afin que M. Russell sache qu’il était au courant de la demande d’AIPRP plutôt que de le confronter. Au début de février 2015, M. Brochez a été muté à un nouvel endroit. Il a laissé les documents d’AIPRP sur le bureau pour contrarier délibérément M. Russell. M. Fraser a appelé M. Brochez et lui a dit que M. Russell était contrarié.

2. M. Gauthier

178        Allain Gauthier a déclaré lors de son témoignage qu’il avait relevé de la fonctionnaire de septembre 2011 à 2015. Il a indiqué qu’elle participait beaucoup à son travail; elle lui fournissait beaucoup de conseils sur la façon de rédiger les documents, de faire des inspections et de faire son travail en général. Essentiellement, elle rédigeait les mémoires au tribunal requis à sa place et l’aidait d’autres façons pour préparer les dossiers à remettre au procureur de la Couronne, comme la recherche de témoins experts, la conclusion de contrats et la participation à des rencontres avec les procureurs de la Couronne, les témoins et d’autres personnes. Selon M. Gauthier, un gestionnaire n’avait habituellement pas le temps pour faire ce type de travail. À son avis, la fonctionnaire était la meilleure gestionnaire de la direction générale qui connaissait le mieux l’application de la loi. Elle examinait l’ensemble du travail, des lettres, des mémoires, des dossiers – tout ce que son unité produisait.

179        Selon M. Gauthier, la fonctionnaire s’intéressait aux aspirations professionnelles de ses employés, qu’elle ajoutait dans leurs plans d’apprentissage annuels. Elle savait que M. Gauthier voulait être un agent de la faune; cela avait été ajouté à son plan d’apprentissage. Une fois, alors qu’il était à l’extérieur du pays, un poste vacant d’agent de la faune a été affiché. La fonctionnaire a communiqué avec lui par courriel pour lui faire savoir qu’elle avait envoyé son curriculum vitae pour le poste à sa place. Puis, à sa dernière journée, lorsqu’il a remis son insigne, elle lui a dit qu’elle le garderait parce qu’elle ne pensait pas qu’il aimerait le poste à la faune et qu’elle s’attendait à ce qu’il revienne à l’application de la loi.

180        M. Gauthier a dit que le style de gestion de la fonctionnaire était très direct. Comme M. Brochez, M. Gauthier ne voulait pas la contrarier. Selon lui, elle s’assurait que seul du travail de qualité soit fourni. Si elle pensait qu’elle pouvait faire confiance à une personne, elle revoyait moins souvent son travail. Il y avait un roulement très élevé au sein de l’équipe d’application de la loi en matière de pollution à Vancouver; une personne a quitté le bureau de Vancouver et deux ont quitté le bureau de Nanaimo lorsque M. Gauthier y était.

3. M. Lahti

181        John Lahti était un autre des employés de la fonctionnaire. Il a commencé en juin 2013. Il la voyait tous les jours où il travaillait pour elle. Selon lui, le déversement de l’usine Harmac a été attribué au départ à M. Russell; plus tard, il lui a été attribué. Au cours des cinq à six premiers mois suivant le déversement, M. Russell a consacré environ deux jours de travail au dossier. Il avait réalisé quelques entrevues et recueilli certains échantillons, ce dont la fonctionnaire n’était pas satisfaite, selon M. Lahti. Elle lui a demandé de terminer le travail. Lorsqu’il a repris les dossiers de M. Russell, il était évident que ce dernier n’avait fait aucun plan d’enquête ou analyse. M. Lahti devait organiser les renseignements et préparer le plan. La fonctionnaire l’a accompagné sur le site pour évaluer son rendement sur le terrain.

182        Au cours de l’enquête sur un incident appelé le déversement de la mine Mount Poley, la fonctionnaire était l’enquêteuse principale et elle a réalisé la totalité de la charge de travail, selon M. Lahti. Elle a guidé l’équipe quant à l’utilisation de mandats électroniques et leurs formalités, au moyen de ses contacts. La direction appréciait sa contribution au dossier, même si elle n’avait pas pris part à l’enquête. Encore une fois, elle a participé activement à la recherche de témoins experts et à la protection des intérêts de l’employeur. Lorsqu’elle a été licenciée, M. Lahti a assumé le rôle d’enquêteur principal, ce qui a causé de la confusion dans l’équipe.

183        Comme les autres témoins, M. Lahti a décrit la fonctionnaire comme une gestionnaire motivée par le but et déterminée, qui s’attendait à des réponses directes aux questions directes qu’elle posait, en particulier au sujet des activités des agents. Elle est une experte en enquête et en poursuites en matière environnementale. Elle appuyait la créativité et l’innovation dans la solution de problèmes dans la mesure où cela lui paraissait logique. Cette description a été corroborée par deux des anciens employés de la fonctionnaire qui ont également témoigné : Ron Graham et Travis Teel.

4. M. Leeden

184        Un autre des employés de la fonctionnaire, John Leeden, a témoigné pour son compte. Il travaillait directement avec elle au bureau de Vancouver, mais il passait de 30 à 80 jours par année au bureau de Nanaimo. Il a indiqué que sa relation de travail avec elle était positive, mais il a dit qu’il ne voulait pas se la mettre à dos. Selon lui, la principale préoccupation de la fonctionnaire était que le travail devait être accompli. Elle était dévouée à son travail et faisait en sorte qu’il soit fait. La sécurité des agents était primordiale pour elle. Il a déclaré que la fonctionnaire l’appuyait dans son travail grâce à son expertise en matière d’enquête et à ses capacités d’analyse pour chacune de ses enquêtes.

185        M. Leeden était présent à l’automne 2014 à l’exercice de promotion du travail d’équipe lorsque la charte d’équipe a été rédigée. La fonctionnaire a fait venir un psychologue pour travailler avec l’équipe, dans le but d’améliorer le lieu de travail. Selon M. Leeden, la relation entre M. Fraser et la fonctionnaire était unique. Au départ, ils étaient des amis proches, ce qu’on pouvait constater à la façon dont ils se parlaient. Avec les années, leur relation a changé. Selon M. Leeden, leur relation s’est détériorée à mesure que M. Fraser a perdu intérêt pour son travail. M. Fraser la traitait souvent de [traduction] « chienne » et employait un [traduction] « langage coloré pour la décrire », selon M. Leeden.

186        M. Leeden a affirmé que la santé de M. Fraser s’est détériorée et a donné des exemples de son incidence sur leur relation de travail. Cela a amené M. Leeden à refuser d’aller sur un bateau avec M. Fraser; M. Leeden craignait que M. Fraser le mette dans une situation dangereuse ou qu’il ait un problème médical urgent en mer. Selon M. Leeden, la fonctionnaire écoutait ses préoccupations, alors que d’autres personnes occupant des échelons supérieurs de la voie hiérarchique ne le faisaient pas; ils considéraient la situation de M. Fraser comme un problème personnel.

187        Selon M. Leeden, l’équipe du bureau de Nanaimo était toxique et dysfonctionnelle à cause de M. Russell. Il a partagé cette opinion avec la fonctionnaire à de nombreuses occasions. À un certain moment, M. Russell a laissé M. Leeden et d’autres personnes du bureau de Nanaimo utiliser une remorque de travail qui n’était pas munie du permis approprié pour la route sans rien dire.

188        M. Linden a décrit un autre incident concernant M. Russell et M. Fraser qui a eu lieu dans un hôtel de Shearwater, en Colombie-Britannique. MM. Fraser et Russell discutaient avec la fonctionnaire. Lorsque M. Linden a tenté de participer à la conversation, puisqu’il était le seul qui travaillait avec elle, M. Russell lui a dit d’attendre son tour. M. Leeden a dit qu’il est parti et que lorsqu’il s’est retourné, il a dit à M. Russell de ne pas lui parler de cette façon, ce à quoi M. Russell lui aurait répondu [traduction] « Je te parlerai bien de la façon que je veux et quand je le veux ».

189        M. Leeden a déclaré qu’il travaillait à Nanaimo lorsque la fonctionnaire a voulu parler aux agents de la réaction au déversement de Chase River. Selon lui, M. Russell est sorti [traduction] « furieux » de la rencontre avec la fonctionnaire et il a demandé : [traduction] « pouvez-vous croire que cette chienne m’a remis en question devant des agents subalternes? ». M. Russell a fait de nombreux commentaires désobligeants au sujet des femmes, y compris la fonctionnaire, dont la plupart étaient précédés par [traduction] « maudite », selon M. Leeden, ce qu’il signalait régulièrement à la fonctionnaire.

190        Selon M. Leeden, la fonctionnaire a tenté de répartir le travail équitablement entre les agents de son groupe. La charge de travail variait selon la taille d’un dossier, mais une charge de travail de 50 à 100 cas par année n’était pas inhabituelle si un agent n’avait pas de cas majeurs. M. Russell n’aimait pas que la fonctionnaire s’immisce dans son attribution des dossiers. Selon M. Leeden, la gestion de M. Russell a eu une grande incidence sur la fonctionnaire.

191        Selon son témoignage, M. Leeden a précisé à la fonctionnaire qu’il voulait être transféré au bureau de Nanaimo. Selon ses mots, c’était [traduction] « son rêve » de déménager à l’île de Vancouver. Il a exprimé à plusieurs reprises son souhait d’être muté; il a fait quatre demandes officielles et l’a mentionné dans son examen de rendement annuel. Il savait qu’il n’y aurait aucun poste pour lui sauf si l’un des agents partait ou si un nouveau poste était créé. Il savait que M. Russell avait été muté à Nanaimo depuis Prince George, ce qui n’était pas le processus normal pour doter un poste.

192        Lorsqu’il était à Nanaimo, M. Leeden travaillait principalement avec M. Brochez. M. Leeden et la fonctionnaire ont eu plusieurs conversations au sujet de ses intentions de déménager au bureau de Nanaimo et ont inclus ce sujet dans son plan de travail. La fonctionnaire appuyait son déménagement et a accepté de l’aider à réaliser son objectif, selon son témoignage. À un certain moment, elle est intervenue auprès de M. Goluza pour vérifier s’il était possible que cela se réalise.

193        En contre-interrogatoire, M. Leeden a admis qu’il avait très peu travaillé avec M. Russell puisqu’il se rappelait uniquement de l’inspection à Shearwater au moment où ils avaient eu le désaccord à l’hôtel. Il ne pouvait se rappeler aucune autre enquête à laquelle ils avaient collaboré.

194        En 2013, M. Leeden a passé beaucoup de temps au bureau de Nanaimo lorsque M. Russell était en congé. En 2014, il a remplacé M. Fraser qui était en congé, mais il travaillait principalement avec M. Brochez. Au début de 2014, M. Russell a été retiré de l’équipe de la fonctionnaire et il n’était plus présent aux réunions d’équipe. Lorsqu’il voyait M. Russell, M. Leeden a déclaré qu’ils se saluaient, sans plus.

195        M. Leeden a admis qu’il était contrarié que M. Russell ait déposé une demande d’AIPRP contre lui et il a dit qu’il en [traduction] « avait assez de lui ». Même s’il n’a jamais vu la plainte de harcèlement de M. Russell contre la fonctionnaire, il a dit qu’elle était composée [traduction] « de piles de cartables ». M. Leeden avait vu M. Russell assembler des cartables au bureau de Nanaimo après les heures de travail.

5. M. Saint-Onge

196        Eric Saint-Onge est devenu le directeur des relations de travail et de la santé et de la sécurité au travail de l’employeur à l’Administration centrale le 3 août 2015. Il relevait directement de Michelle Laframboise, directrice générale. M. Owen et Mme Meroni comptaient parmi ses clients. Mme Daigle, M. Gillieron, Mme Laframboise et Lorie Burton, qui ont tous participé à son dossier, relevaient de lui directement ou indirectement. Lorsqu’il a commencé à occuper son poste, Mme Laframboise, M. Gillieron et Brigitte Bertrand lui ont fait une séance d’information verbale sur les dossiers chauds, y compris celui de la fonctionnaire.

197        M. Saint-Onge a participé au dossier de la fonctionnaire le 6 août 2015, lorsqu’il a eu une conversation avec M. Owen (même si en contre-interrogatoire, il a reconnu que M. Owen était en vacances entre le 20 juillet et le 14 août 2015, selon les registres de congés déposés (pièce 50)). Il se rappelait clairement que c’était par téléphone cellulaire, mais il a admis en contre-interrogatoire que cela pouvait s’être produit le 17 août 2015, lorsque M. Owen est revenu de congé.

198        Il a pris des notes pour résumer cette conversation et a énuméré des éléments que son équipe des relations de travail devait faire pour appuyer M. Owen. Durant leur conversation, M. Saint-Onge savait que Mme Meroni devait rencontrer la fonctionnaire le 10 août, même s’il ne se rappelait pas si c’était M. Owen qui le lui avait dit ou si l’un de ses employés l’avait fait pendant la séance d’information relative à sa conversation avec M. Owen. En contre-interrogatoire, M. Saint-Onge a reconnu que ces notes étaient plus probablement tirées de sa séance d’information avec le personnel du 6 août plutôt que de sa conversation avec M. Owen.

199        Les renseignements de ses notes indiquaient le processus discuté avec M. Owen et l’opinion de l’équipe des relations de travail sur le processus et ce qui devait être fait pour régler le dossier. D’autres mesures disciplinaires ont fait l’objet de discussions, mais seul l’envoi d’une lettre de licenciement avait été noté. Selon M. Saint-Onge, son rôle consistait à discuter de toutes les possibilités en matière disciplinaire; le fait qu’il ait noté le licenciement ne témoignait pas de l’intégralité de la conversation. Après l’appel, il a informé les membres de son équipe de ce qui devait être fait, après quoi ils ont rédigé la lettre de licenciement pour examen par M. Owen.

200        Selon M. Saint-Onge, aucune autre lettre que la lettre de licenciement n’a été rédigée parce que toute autre lettre aurait eu le même contenu, sauf pour la sanction disciplinaire. Selon lui, il n’aurait pas été logique de rédiger plusieurs lettres, la lettre la plus difficile a donc été rédigée, ce qui permettait à la direction de changer la sanction disciplinaire au besoin. La lettre dont il a discuté avec M. Owen a été déposée en tant que pièce 6, onglet 67, pages 3 et 4. M. Saint-Onge n’a pu témoigner de la façon dont elle a été communiquée à M. Owen, mais il était certain qu’il ne la lui avait pas donnée ou envoyée. Il a conclu que le responsable de l’équipe du portefeuille devait l’avoir fait.

201        Selon M. Saint-Onge, il avait également pris des notes d’une conversation qu’il avait eue avec M. Leek. Il voulait comprendre comment la question de la sécurité avait été gérée et comment elle avait été réglée. Il avait besoin des renseignements pour offrir un soutien à M. Owen. L’employeur ne pouvait pas donner suite à une mesure disciplinaire sans connaître le résultat de la plainte pour violence dans le lieu de travail.

202        M. Saint-Onge a demandé à M. Leek une copie de son rapport provisoire. La date de conclusion prévue du 19 août était très serrée et elle a dû être repoussée pour plusieurs raisons valides, ce qui a reporté l’achèvement des rapports. Sans tous les renseignements, M. Owen ne pouvait pas prendre sa décision; la réunion avec la fonctionnaire a donc été reportée. Selon M. Saint-Onge (pièce 6, onglet 67), il était évident qu’aucune décision n’avait été prise lorsque les lettres provisoires ont été rédigées.

6. La fonctionnaire s’estimant lésée

203        La fonctionnaire a déclaré qu’au moment de son licenciement, elle était fonctionnaire depuis 22 ans. Elle a commencé à travailler pour son employeur en 2005 et est devenue une gestionnaire des opérations le 23 août 2010, après avoir été la candidate retenue dans le cadre d’un processus de sélection national qui comprenait M. Russell, M. Fraser, M. Goluza et Mme Graca.

204        Elle a commencé à assumer ce rôle en septembre 2011, lorsqu’elle est revenue d’un congé de maternité. Selon la fonctionnaire, à son retour, M. Goluza était le directeur régional. Elle a décrit sa relation comme étant excellente; ils avaient des priorités communes et un intérêt commun pour les enquêtes. Sa nouvelle équipe était composée de neuf agents de l’autorité (six au bureau de Vancouver et trois au bureau de Nanaimo).

205        Selon son témoignage, son dossier de travail était sans tache. Elle n’avait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires avant d’être licenciée. Un grief n’avait jamais été présenté contre elle. Elle n’avait jamais été forcée de suivre une formation de sensibilisation comme d’autres témoins l’ont affirmé. Ses examens de rendement ont toujours été positifs. M. Goluza l’a nommée à plusieurs possibilités d’emploi. Elle croyait qu’il considérait qu’elle avait un excellent rendement. Lorsqu’il était en congé à l’été 2014, il l’a nommée au poste de directrice régionale intérimaire.

206        En janvier 2014, M. Goluza a appris à la fonctionnaire que M. Russell avait déposé une plainte de harcèlement contre elle. On lui a communiqué les allégations en mars 2014 et les documents justificatifs en juin 2014. En tout, 26 allégations devaient faire l’objet d’une enquête. M. Russell était en congé en janvier 2014. Lorsqu’il est revenu en mars 2014, il relevait de M. Krahn plutôt que d’elle. Cet arrangement s’est poursuivi jusqu’au licenciement de cette dernière. Malgré cela, le profil de congé de M. Russell est demeuré sur sa liste d’employés dans PeopleSoft puisque la réaffectation était considérée comme temporaire à ce moment.

207        Le 23 janvier 2014, la fonctionnaire a appris que la plainte de harcèlement revêtait un caractère confidentiel strict (pièce 5, onglet 23). Encore une fois, lorsqu’on lui a fourni les allégations, elle a été prévenue du caractère confidentiel du processus (pièce 5, onglet 24) et elle a signé une déclaration reconnaissant la nature confidentielle du processus et des documents qui sont liés (pièce 5, onglet 25). On lui a rappelé encore une fois qu’elle avait obtenu une copie du rapport préliminaire (pièce 5, onglet 26). Enfin, lorsqu’elle a obtenu l’avis de 48 heures de la communication du rapport final, on lui a de nouveau rappelé la nature confidentielle de la procédure (pièce 5, onglets 36 et 41).

208        La fonctionnaire a déclaré avoir été abasourdie par l’ampleur de la plainte de harcèlement contre elle. Elle a passé par toute la gamme des émotions, y compris l’incrédulité, l’état de choc et la dévastation. Au bout du compte, quatre des allégations ont été jugées fondées. La première était qu’elle avait formulé un commentaire déplacé sur la façon dont M. Russell avait été affecté au bureau de Nanaimo. Dans son témoignage, elle a nié avoir formulé un tel commentaire.

209        Selon elle, même si son équipe tenait compte des besoins en mesures d’adaptation au bureau de Nanaimo, M. Russell lui a demandé d’y ajouter un autre agent. À son avis, il lui a dit qu’il avait un ami à l’emploi de la province et qui cherchait un emploi et qu’il s’intégrerait bien au bureau. Elle savait que la dotation d’un tel poste nécessiterait un processus transparent puisqu’elle avait discuté de la mutation de M. Leeden à Nanaimo, alors elle a dit à M. Russell que toute dotation nécessiterait un processus transparent, selon son témoignage. Elle a dit cela devant M. Brochez et M. Fraser. Elle n’a rien dit d’autre.

210        La fonctionnaire a admis qu’elle savait que M. Russell avait été muté à Nanaimo par le directeur régional, en consultation avec les Relations de travail et qu’il s’agissait d’une méthode de dotation légitime (pièce 6, onglet 70, page 15). En contre-interrogatoire, elle a soutenu que ce qu’elle a dit à cette réunion était qu’elle n’envisagerait pas de mutation par son équipe et qu’elle avait exprimé des préoccupations quant à la transparence d’autres mutations. Elle a reconnu que M. Russell avait été muté à son poste à Nanaimo, qu’il s’agissait d’une mesure de dotation légitime conformément à la politique de dotation (pièce 60) et elle a déclaré qu’il n’y avait pas de [traduction] « club de vieux copains ». Elle a précisé ses commentaires formulés à son équipe à la réunion en question en déclarant qu’elle n’aurait pas envisagé de mutation dans son équipe, pourtant elle souhaitait muter M. Leeden vers un poste à Nanaimo et elle a appuyé cette mutation, malgré cette position.

211        Pendant la même période, la fonctionnaire a dit à M. Goluza que M. Leeden souhaitait se réinstaller à Nanaimo et qu’elle le [traduction] « clonerait » si elle le pouvait. Elle a dit à M. Goluza dans un échange de courriels qu’elle appuyait la mutation de M. Leeden à Nanaimo (pièce 59).

212        En même temps, M. Russell a mentionné qu’il connaissait un agent de la fonction publique provinciale intéressé à passer à la fonction fédérale qui s’intégrerait à l’équipe. La fonctionnaire lui a dit qu’elle ne savait pas si une personne pouvait être mutée de la fonction publique provinciale à la fonction publique fédérale et que peu importe si c’était possible, le processus devait être transparent.

213        La deuxième allégation à être maintenue concernait l’exercice par la fonctionnaire de son pouvoir lorsqu’elle a refusé à M. Russell le droit de participer à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse dans le district. Elle a nié catégoriquement avoir posé tout acte répréhensible à cet égard. Selon son témoignage, elle l’a privé de la possibilité parce qu’il n’avait pas l’accréditation requise pour y assister et parce que M. Goluza voulait qu’il effectue un retour au travail graduel.

214         M. Russell avait été absent du travail d’août 2012 à mars 2013. Lorsqu’il est revenu, la fonctionnaire a effectué une longue consultation auprès du consultant en relations de travail de l’employeur quant à l’obtention d’une évaluation de l’aptitude au travail pour lui. Elle désapprouvait complètement l’approche adoptée par les Relations de travail et M. Goluza. Malgré tout, la question n’avait rien à voir avec la pratique sur le maniement des armes à feu, puisque M. Russell n’avait pas suivi le cours d’appoint menant à l’accréditation sur le maniement des armes à feu qui était nécessaire pour participer à la pratique. L’évaluation de l’aptitude au travail et l’accréditation de sécurité dans le maniement des armes à feu étaient des questions différentes et sans lien.

215        Malgré son insistance selon laquelle M. Russell devait subir une évaluation complète de l’aptitude au travail, y compris une évaluation psychologique, et la détermination de M. Goluza selon laquelle le certificat du médecin personnel de M. Russell serait suffisant, la fonctionnaire a rédigé une lettre détaillée comportant 10 questions que M. Russell devait présenter à son médecin. M. Russell a présenté à la fonctionnaire une réponse très brève d’une ligne attestant qu’il était apte au travail. Elle en a été surprise, puisqu’elle s’attendait à une évaluation psychologique complète. Elle a communiqué avec M. Gillieron pour discuter du rapport du médecin et ce dernier lui a dit qu’à moins d’avoir des raisons de croire qu’il n’était pas authentique, elle devait l’accepter.

216        Entre-temps, selon le témoignage de la fonctionnaire, elle avait consulté le coordonnateur de la formation et de l’apprentissage et avait demandé s’il fallait laisser M. Russell participer à la pratique sur le maniement des armes à feu sans l’accréditation requise à cet égard. Selon son témoignage, on lui a dit que pour participer, il avait besoin d’une accréditation actuelle de sécurité dans le maniement des armes à feu. Comme son accréditation avait expiré, elle l’a privé du droit de participer pour ce motif. Entre-temps, elle a continué les discussions sur l’évaluation de l’aptitude au travail avec M. Goluza et les Relations de travail.

217        Après que ses discussions avec les Relations de travail n’ont pas entraîné la réponse qu’elle trouvait appropriée, la fonctionnaire a demandé l’avis de M. Goluza après avoir dit à M. Russell qu’elle cherchait un autre avis. M. Goluza lui a dit d’accepter l’avis des Relations de travail. À ce moment, la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse avait eu lieu. Par conséquent, la formation de M. Russell a été reportée de six semaines.

218        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a mentionné deux raisons pour avoir refusé à M. Russell la possibilité de participer à la pratique sur le maniement de fusil de chasse. L’une était la politique de l’employeur sur le renouvellement de l’accréditation et l’autre était son désaccord avec M. Goluza quant au caractère adéquat de la note du médecin que M. Russell avait fournie.

219        La fonctionnaire avait une obligation en sa qualité de gestionnaire de M. Russell de suivre les exigences en matière de sécurité; par ailleurs, selon elle, elle aurait été personnellement responsable si quelque chose été arrivé. Elle a soutenu avoir respecté la directive sur l’administration des armes à feu (pièce 21) et avoir tenu compte de la santé et de la sécurité des autres personnes, comme tout gestionnaire prudent. La fonctionnaire a admis qu’elle était au courant de l’expérience de M. Russell avec les armes. Elle avait suivi le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu avec lui. Il était membre d’un club de tir local et avait de l’expérience dans le maniement des armes, mais c’était un nouveau cours que tous les employés devaient suivre s’ils avaient déjà terminé le cours de sécurité dans le maniement des armes à feu.

220        La fonctionnaire a déclaré qu’elle a conclu que la note du médecin de M. Russell n’était pas adéquate parce que malgré les 10 questions qui nécessitaient une réponse, le médecin n’avait répondu qu’à une seule d’entre elles. De plus, le médecin travaillait dans une clinique sans rendez-vous et ne semblait pas être le médecin régulier de M. Russell. Elle a franchi les étapes que selon elle aurait franchi un gestionnaire prudent.

221        La troisième allégation, selon laquelle la fonctionnaire avait unilatéralement modifié la date du cours de formation de sauvetage en eaux vives de la fonctionnaire, a également été maintenue. Encore une fois, elle a nié avoir posé tout acte répréhensible en ce qui concerne cette allégation.

222        Selon son témoignage, il s’agissait d’une formation obligatoire indiquée dans le plan de travail de M. Russell, mais lorsqu’elle a été fixée, M. Russell venait de se voir attribuer un nouveau dossier lié au déversement de l’usine Harmac. La fonctionnaire a indiqué des domaines qu’il devait aborder et a décidé sans le consulter qu’il devait mener des entrevues le plus tôt possible.

223        Lorsqu’il a été avisé de cette nouvelle affectation, M. Russell était d’avis que quelques semaines ne seraient pas un problème, mais après avoir examiné son congé prévu pour les semaines à venir, la fonctionnaire a communiqué avec le fournisseur de cours et a demandé de modifier les dates de formation ou de placer son nom sur la liste d’attente. Selon elle, le représentant de la société devait lui faire parvenir ses options par courriel, mais il a plutôt modifié les dates de formation. Il s’avère que le lieu a également été modifié pour Nanaimo.

224        Selon le témoignage de la fonctionnaire, tout cela s’est produit avant qu’elle ait eu la chance de parler à M. Russell du changement de dates, et il n’a jamais soulevé des préoccupations quant au changement pour Nanaimo. Il était évident pour eux qu’ils travaillaient à déterminer les délais afin d’obtenir des éléments probants délicats liés au déversement de l’usine Harmac. Elle a déclaré que ses actions n’étaient pas choquantes ou préjudiciables et qu’elles n’ont pas eu de conséquences pour M. Russell. Il a suivi sa formation deux semaines plus tard. Elle a déclaré qu’elle ne reconnaissait pas que ses actions ont eu une incidence sur lui ou qu’elle l’a harcelé d’une façon quelconque. Elle a expliqué qu’elle ne voulait pas interrompre son voyage de chasse prévu, mais que le déversement était sa priorité et qu’il devait être géré. De plus, faire en sorte que M. Russell suive la formation à Nanaimo plutôt qu’à Chilliwack était responsable du point de vue financier puisque ce déplacement ne comporte pas de frais.

225        Le déversement d’un effluent à l’usine Harmac s’est produit le 26 juin. Si elle avait permis à M. Russell d’attendre au 14 août, comme il le proposait, la preuve sur l’effluent aurait disparu, selon la fonctionnaire. La preuve relative aux déversements doit être trouvée rapidement. Elle avait besoin qu’il s’en occupe, alors que les dossiers numériques existaient et que les souvenirs étaient encore frais. Il devait être sur place pour faire une visite et obtenir des échantillons représentatifs, selon elle. Elle a déclaré qu’il a soutenu faire de la recherche parce qu’il ne connaissait pas bien l’usine en question. Selon elle, la recherche sur les processus des usines de pâte à papier dans Internet ne l’aurait pas aidé dans son enquête.

226        M. Russell a fait parvenir un courriel à la fonctionnaire à 13 h 42 le 14 août 2013 pour lui demander ses préférences quant à son plan d’action pour le déversement de l’usine Harmac (pièce 5, onglet 17). Plutôt que de répondre à sa demande de renseignements, elle a communiqué avec Raven Rescue à 13 h 42 pour vérifier l’horaire de sa formation, sans même lui mentionner qu’elle envisageait un tel changement. Selon son témoignage, elle l’a fait parce qu’elle craignait qu’il soit confus et chancelant et parce que selon elle il n’avait pas [traduction] « un bon rendement ».

227        Environ 40 minutes après avoir envoyé son courriel, Raven Rescue a avisé M. Russell que sa formation avait été modifiée pour la séance de Nanaimo (pièce 5, onglet 18). Deux minutes après avoir reçu la confirmation de ce changement, la fonctionnaire lui a fait parvenir un courriel pour l’aviser qu’elle s’était renseignée sur la possibilité de faire ce changement (pièce 5, onglet 19). À ce moment, le changement avait déjà été fait. Elle a nié avoir demandé le changement. Selon son témoignage, elle s’est simplement renseignée sur la possibilité de le faire.

228        La quatrième allégation qui a été maintenue et à l’égard de laquelle la fonctionnaire a également nié catégoriquement avoir posé tout acte répréhensible était aussi liée à la formation. M. Russell avait exprimé un intérêt pour un emploi à l’extérieur du ministère dans l’industrie pétrolière et gazière. Il a suggéré un cours qui était extrêmement coûteux, alors la fonctionnaire a proposé un cours sur la gestion de projet, qu’il a accepté de suivre. Elle lui a dit de s’inscrire à la séance offerte à Gatineau. Lorsqu’il a plus tard demandé de reporter sa formation à une séance offerte à Vancouver à une date ultérieure (voir le courriel de la pièce 5, onglet 21), elle a refusé. Selon elle, il avait tendance à reporter les formations, elle a donc insisté pour qu’il suive la formation convenue au départ.

229        M. Russell a donc fait parvenir un courriel à la fonctionnaire dans lequel il refusait de suivre le cours, qui n’était pas obligatoire (pièce 5, onglet 21). Il a soutenu qu’il croyait qu’elle faisait pression sur lui et qu’elle tentait de l’exclure de l’équipe. Après avoir reçu son courriel, elle a consulté les Relations de travail sur la meilleure façon de répondre puisqu’elle ne voulait pas que la situation empire. Selon son témoignage, elle a parlé aux Relations de travail le 28 octobre 2013, après quoi elle a examiné les plans d’apprentissage sur le site Web intranet. Selon l’information tirée des deux demandes de renseignements, elle a rédigé une lettre à son intention dans laquelle elle citait la politique pertinente et acceptait qu’il change sa séance et suive le cours à Vancouver.

230        La fonctionnaire a déclaré avoir communiqué avec les Relations de travail pour bien faire les choses; elle voulait agir en toute transparence. Sa conduite n’était pas répréhensible. Elle a simplement rédigé une réponse fondée sur la politique et a approuvé sa demande de formation. Elle a demandé comment le fait de consulter les Relations de travail et de citer une politique pouvait être considéré comme une conduite inadéquate.

231        Elle a mis 10 jours pour approuver la demande de M. Russell, ce qui à son avis est un délai raisonnable.

232        M. Russell lui a demandé pourquoi elle avait consulté les Relations de travail à son sujet. Selon son témoignage, elle l’a avisé qu’elle l’avait fait parce qu’il avait formulé de graves allégations et qu’elle avait besoin de conseils sur la façon d’y répondre (pièce 5, onglet 21).

233        Au bout du compte, plusieurs jours plus tard et dans une lettre très longue rédigée pour être précise et correcte du point de vue technique, elle l’a avisé qu’il pouvait suivre le cours à Vancouver comme il l’avait demandé.

234        La fonctionnaire a déclaré qu’à la fin de l’enquête sur le harcèlement, elle s’attendait à être complètement exonérée de tout acte répréhensible et que M. Russell serait trouvé coupable de harcèlement et assujetti à une mesure disciplinaire. Elle a déclaré qu’elle s’attendait à continuer son rôle de gestionnaire et à gérer les questions de rendement au bureau de Nanaimo. Elle a déclaré qu’elle était [traduction] « dévastée et choquée » par les résultats. Selon elle, il en était de même de M. Goluza.

235        Tout au long du processus d’enquête, la fonctionnaire craignait la façon dont M. Russell réagirait lorsqu’il découvrirait que sa plainte n’était pas fondée. Elle a déclaré qu’elle savait que l’enquêteuse qui avait été embauchée était une ancienne agente de police, mais qu’elle ne connaissait pas le domaine de l’application de la loi en environnement.

236        La fonctionnaire se préoccupait du manque de connaissance par l’enquêteuse des politiques et des activités de l’employeur. Cela est clairement ressorti du rapport d’enquête, alors qu’elle n’a pas saisi la différence entre la formation sur l’usage de la force et la pratique régionale sur le maniement d’un fusil de chasse. En ce qui concerne la qualité du rapport, la fonctionnaire a déclaré qu’elle craignait que l’enquêteuse [traduction] « copie et colle » ses conclusions et qu’elle n’ait pas examiné correctement la preuve.

237        Pour ce qui est des allégations d’inconduite, en particulier les plus graves, la fonctionnaire a de nouveau rejeté la plupart des conclusions, qui la trouvaient coupable. Elle a déclaré que la conclusion selon laquelle elle n’avait pas véritablement peur de M. Russell était [traduction] « complètement déplacée et choquante ». Elle a eu des débuts difficiles lorsqu’elle a commencé à être sa gestionnaire et depuis son arrivée à Nanaimo, il a adopté le point de vue opposé à ses décisions de gestion. Il croyait que le bureau de Nanaimo était dans un district indépendant et il voulait être avisé du moment où la fonctionnaire s’y trouverait.

238        En septembre 2011, lorsque la fonctionnaire a commencé à assumer son rôle, elle a créé des rencontres bilatérales avec chacun de ses employés. Tout juste avant de rencontrer M. Russell le 15 septembre, elle avait exécuté deux mandats de perquisition liés à l’initiative sur les camps de pêche qu’il dirigeait. Elle a indiqué qu’il était stressé cette journée-là; le temps pressait quant à la preuve qui avait été saisie et les propriétaires de camps avaient fait des attaques personnelles à son égard dans la presse. La fonctionnaire l’a renvoyé au Programme d’aide aux employés.

239        La fonctionnaire a assigné un agent pour aider M. Russell dans son travail en octobre de cette année-là. Elle l’a aidé à rédiger des demandes de prorogation de délai pour les mandats de perquisition. Elle lui a aussi fourni de l’aide pour préparer les mémoires de la Couronne, ainsi qu’un soutien administratif. En avril 2012, la fonctionnaire l’a mis en candidature pour la Médaille du Jubilé de diamant de la reine en reconnaissance de son travail dans le cadre de l’initiative sur les camps de pêche.

240        Le 3 mai 2012, la fonctionnaire a demandé à rencontrer M. Russell à Nanaimo pour examiner son travail au sujet du mémoire de la Couronne. Lorsqu’ils se sont rencontrés le 8 mai, elle a trouvé qu’il était [traduction] « submergé par les éléments de preuve » et qu’il tentait d’établir leur chronologie. Elle a demandé à un autre agent de faire une partie de la recherche et de rédiger les actes d’accusation, ce qui a contrarié M. Russell; il n’aimait pas qu’elle interfère dans son travail. Le stress créé par l’initiative sur les camps de pêche était exacerbé par celui créé par l’étude en cours sur les mesures d’adaptation, selon elle.

241        En août 2012, la fonctionnaire a été ajoutée en copie conforme dans un message demandant des capsules-médias pour le déversement, ce dont elle entendait parler pour la première fois. Elle a fait parvenir des courriels à MM. Russell et Fraser et a exigé une séance d’information sur le déversement pour le lendemain; elle s’est rendue à Nanaimo et les a rencontrés ainsi que MN. Brochez et Leeden.

242        Selon son témoignage, lorsqu’elle est arrivée, M. Russell [traduction] « était très stressé » et il avait de nombreux cartables et documents. Le but de la rencontre était de préciser qui était en charge de l’intervention au déversement le jour du déversement de Chase River et quelles mesures d’application de la loi seraient faites et à quel moment elles le seraient. La réponse qu’elle a reçue de MM. Russell et Fraser était qu’il n’y avait eu aucune intervention et qu’ils ne prévoyaient pas en faire. Cela l’a contrariée et elle a fait savoir aux personnes présentes que ce n’était pas approprié dans la situation.

243        Après la réunion, MM. Brochez et Leeden ont communiqué avec la fonctionnaire, selon son témoignage. Ils ont dit que M. Russell était livide, qu’il avait utilisé un langage imagé à son sujet et qu’il avait déclaré qu’elle l’avait critiqué devant des agents subalternes et qu’elle l’avait harcelé. Peu de temps après cette rencontre, M. Russell a pris congé jusqu’en mars 2013.

244        La fonctionnaire a fait parvenir un courriel à M. Russell et lui a envoyé une lettre recommandée pour exiger le retour des dossiers d’application de la loi qu’il avait en sa possession pendant son congé pour qu’elle puisse terminer le travail. Selon elle, ni M. Fraser ni M. Brochez ne pouvaient rédiger les mémoires de la Couronne nécessaires pour ces dossiers, elle les a donc envoyés à son bureau à Vancouver. Alors qu’elle les parcourait, elle a vu un courriel que M. Russell avait envoyé au procureur de la Couronne dans lequel il mentionnait qu’il avait enregistré des conversations. Elle a demandé à M. Fraser et à M. Brochez s’ils savaient ce qui se passait.

245        M. Fraser a dit ne pas être au courant. Selon son témoignage, M. Brochez a décrit à la fonctionnaire avec beaucoup de détails la façon dont M. Russell enregistrait souvent des conversations, ce qu’elle a signalé à M. Goluza en décembre 2012. À son avis, c’était à la fois illégal et immoral. Elle a ordonné que tout le travail sur les dossiers d’enquête de M. Russell prenne fin et que les dossiers soient fermés.

246        Lorsque M. Russell est revenu au travail en mars 2013, il était contrarié de voir que ses dossiers avaient été fermés en raison de ses contraventions à la Charte canadienne des droits et libertés. Selon le témoignage de la fonctionnaire, les réunions avec lui pour discuter de ce sujet étaient chargées d’émotivité et portaient sur elle. À partir de ce moment, M. Russell devait fournir des rapports d’étape hebdomadaires sur ses dossiers.

247        Le 22 mai 2013, il a demandé une rencontre avec M. Goluza et la fonctionnaire, pendant laquelle ils ont discuté d’une longue liste de plaintes qu’il avait contre elle, y compris la fermeture de dossiers. Lorsque le sujet des congés a été soulevé, il s’est plaint de ce qu’il a décrit comme le comportement contraire à l’éthique et immoral de la fonctionnaire dans la planification du travail, de son comportement à son égard en général et de ses expressions faciales lorsqu’elle s’adressait à lui. Il lui a dit ainsi qu’à M. Goluza qu’il se sentait [traduction] « violé par [elle] ».

248        M. Goluza a répondu que M. Russell et la fonctionnaire devaient se rencontrer plus souvent en personne afin d’améliorer leur relation. Selon son témoignage, la rencontre du 22 mai a été un point tournant dans sa relation avec M. Russell. Les choses ont continué de se détériorer entre eux jusqu’au 30 juin 2013. Il est devenu furieux contre elle pendant une réunion de deux heures, il l’a appelée par le nom de son ex-épouse et lui a reproché la détérioration de sa vie personnelle.

249        Le 3 novembre 2013, M. Russell a pris congé de nouveau. Il est revenu le 4 mars 2014. Il a déposé la plainte de harcèlement contre la fonctionnaire en janvier 2014.

250        En mars 2014, la fonctionnaire savait que M. Russell l’avait accusée d’abuser de son pouvoir, de le rabaisser, de l’humilier, de lui retirer ses fonctions et de le mettre lui-même ainsi que son moyen de subsistance en danger. Au total, elle l’aurait humilié à 56 reprises. Il avait décrit son comportement comme contraire à l’éthique et immoral.

251        En avril 2014, la fonctionnaire et M. Russell devaient assister tous les deux à une formation de trois jours sur l’usage de la force pour la région au Justice Institute. La première journée portait sur le stress lié à un incident grave, au cours duquel M. Russell a pris beaucoup de notes, selon la fonctionnaire. Son langage corporel durant cette séance l’a préoccupée. À la fin de la première journée, elle a demandé au coordonnateur de la formation de communiquer avec l’un de ses amis pour aller chercher sa fille à la garderie dans l’éventualité où elle serait blessée pendant la partie pratique de la formation. Elle a mentionné cela à M. Goluza, mais a nié avoir dit le nom de M. Russell à son ami ou à M. Goluza.

252        Le lendemain, la fonctionnaire a parlé à M. Goluza et à M. Gillieron à propos du comportement de M. Russell. Selon elle, aucun des deux n’était préoccupé par la présence de ce dernier, et M. Goluza lui a dit que si elle s’inquiétait, elle devrait rentrer chez elle. Comme il s’agissait d’une formation obligatoire et que la participation des agentes en particulier était surveillée, selon la fonctionnaire, elle est restée et a fait équipe avec M. Goluza et des agents autres que M. Russell.

253        M. Leeden a plus tard porté à l’attention de la fonctionnaire le comportement de M. Russell lorsqu’il frappait le mannequin de pratique. Il lui a également signalé les commentaires que M. Russell a formulés à Darin Conroy, un agent de l’autorité d’un autre district, à un moment non divulgué, selon lesquels elle était puérile et non professionnelle. M. Leeden a aussi dit à la fonctionnaire que M. Russell l’avait appelée « Miss Piggy », [traduction] « maudite chienne », [traduction] « diablesse » et traitée d’autres noms de mauvais goût. MM. Brochez et Goluza ont confirmé que M. Russell l’avait appelée [traduction] « diablesse ». Selon la fonctionnaire, elle savait [traduction] « mieux que personne à quoi s’en tenir avec M. Russell ».

254        Lorsque la fonctionnaire allait au bureau de Nanaimo pendant cette période, elle tentait d’y aller au moment où elle savait que M. Russell n’y serait pas. Selon son témoignage, lorsqu’elle devait y aller et qu’elle savait qu’il était présent, elle portait son gilet pare-balles et son ceinturon de service ainsi que tous ses articles de défense. Elle portait une carte indiquant le trajet vers l’hôpital le détachement local de la GRC. Par souci de sécurité, elle restait dans un hôtel près de ce détachement. Elle était convaincue qu’à un certain moment, M. Russell l’agresserait. Lorsqu’il se trouvait au bureau de Vancouver pendant la période de séparation dans le cadre de l’enquête sur le harcèlement, M. Goluza l’en avisait ainsi que M. Leeden.

255        À un certain moment en décembre 2014, M. Brochez a communiqué avec la fonctionnaire et lui a dit que M. Russell avait fouillé dans le plafond du bureau de Nanaimo, à la recherche d’équipement de surveillance. Comme elle ne savait pas si les carreaux de plafond étaient stables, elle a communiqué avec Bert Engelmann, un conseiller principal à la retraite en santé et en sécurité au travail avec qui elle avait travaillé alors qu’il était gestionnaire de la santé et de la sécurité au travail dans la région du Pacifique de l’employeur en février 2005. Il lui a suggéré d’appeler l’équipe d’entretien de l’immeuble pour les vérifier. Elle a fait savoir à M. Krahn les activités de M. Russell et lui a dit que l’équipe d’entretien vérifierait les carreaux de plafond.

256        En ce qui concerne les allégations d’inconduite qui ont fait l’objet d’une enquête par Mme Meroni, la première indiquait que la fonctionnaire avait annulé l’accès de M. Russell à l’immeuble de la rue Burrard sans en avoir le pouvoir. Elle a déclaré que lorsqu’elle a reçu l’avis le vendredi 10 avril 2015 indiquant que les résultats du rapport sur le harcèlement seraient communiqués le lundi 13 avril (voir la lettre dans la pièce 5, onglet 36), elle a paniqué. Le dimanche, elle savait que l’évaluation du risque de menace n’avait pas été faite, pensant être complètement exonérée, elle s’attendait à ce que M. Russell réagisse de façon violente.

257        La fonctionnaire s’inquiétait de la sécurité des agentes enceintes dont les postes de travail modulaires étaient situés à l’extérieur de son bureau. La fonctionnaire connaissait Linda Carrière, l’agente de sécurité de l’immeuble, et elle lui a fait parvenir un courriel le 12 avril pour lui demander d’annuler l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard; elle n’a jamais pensé faire parvenir un courriel à M. Goluza. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas utilisé le bloc-signature de courriel en sa qualité de gestionnaire des opérations pour influencer ou tromper Mme Carrière, qui savait que la fonctionnaire était une gestionnaire des opérations.

258        Selon l’évaluation par la fonctionnaire de la situation, il ne s’agissait pas d’une inconduite. Elle avait une meilleure connaissance de la situation que M. Goluza et, selon son évaluation, elle était nécessairement fondée sur les facteurs qui existaient à ce moment. Elle le referait si elle l’estimait nécessaire. Elle l’a indiqué dans un courriel ultérieur envoyé à M. Goluza (pièce 5, onglet 37).

259        La fonctionnaire a admis avoir utilisé son accès à PeopleSoft pour vérifier le registre de congés de M. Russell même si à ce moment elle n’était pas sa gestionnaire. Elle avait demandé au bureau de l’AIPRP les dates auxquelles il avait présenté des demandes d’APIRP à son sujet. Elle a déclaré qu’elle souhaitait avoir les dates et les heures des demandes afin de les comparer aux registres de congés. Elle a envoyé ces renseignements à M. Goluza. Selon elle, elle savait que M. Russell ne devait pas utiliser le temps et les ressources du gouvernement pour donner suite à ses demandes d’AIPRP parce qu’elle l’avait constaté dans l’examen de rendement de ce dernier (pièce 5, onglet 28) et parce que M. Goluza le lui avait dit. Elle voulait avoir la preuve que M. Russell ne respectait pas les directives; elle avait accès à ses registres dans PeopleSoft pour l’obtenir, elle a donc utilisé cet accès.

260        La fonctionnaire a déclaré qu’elle a utilisé son accès à PeopleSoft et qu’elle a vérifié les registres de congés de M. Russell plus d’une fois, même s’il ne relevait plus d’elle, puisque l’employeur ne lui avait pas retiré son accès aux registres de ce dernier. Elle a précisément examiné son statut la journée où M. Brochez l’avait vu au bureau la nuit. Elle a signalé ses résultats à M. Goluza, qui ne lui a rien dit au sujet de ce qu’elle avait fait. Un représentant des Relations de travail a éprouvé des réserves sur son accès aux registres de M. Russell dans PeopleSoft, mais pas M. Goluza.

261        Dans son témoignage, la fonctionnaire a soutenu que l’accès aux registres de congés de M. Russell n’était pas répréhensible et qu’elle n’avait contrevenu à aucune règle. En réponse aux questions de la Commission, elle a admis qu’elle avait suivi une formation sur l’utilisation appropriée de PeopleSoft et qu’il était interdit d’y avoir accès à des fins autres que les fins opérationnelles légitimes.

262        La fonctionnaire a témoigné au sujet de la troisième allégation d’inconduite, soit qu’elle avait discuté de la plainte de harcèlement avec M. Fraser, malgré le fait qu’on lui avait dit que c’était un sujet confidentiel et qu’elle ne devait pas le faire. Elle a également nié catégoriquement cette allégation. Selon elle, sa relation avec M. Fraser a bien commencé; ils ont déjà été amis. Comme il n’a pas été retenu dans le cas du processus visant le poste de gestionnaire des opérations, poste qu’elle a obtenu, leur relation en a souffert. La transition vers une relation de supervision a été difficile, et leur relation ne s’est pas améliorée. Un certain moment, il a menacé de démissionner, mais ensemble ils ont réussi à passer au travers.

263        En décembre 2012, selon son témoignage, la fonctionnaire a reçu un appel de M. Fraser pour lui dire qu’il se trouvait à l’urgence. Il s’agissait de l’une de ses nombreuses admissions à l’urgence. La situation a empiré en 2013 en raison de plusieurs incidents qui sont arrivés dans sa vie personnelle. Lorsqu’est venu le moment de faire son examen de rendement de mi-année, il a été noté qu’il n’accomplissait pas ses fonctions de base. La fonctionnaire a déclaré qu’elle l’a renvoyé au Programme d’aide aux employés.

264        En 2013 et 2014, M. Fraser était souvent absent du travail. Il était en congé de maladie lorsque M. Russell a formulé des commentaires au sujet de la fusillade à l’usine Western Forest Products. En octobre 2014, la fonctionnaire a appris que M. Fraser devait revenir dans le lieu de travail. Le 30 octobre 2014, elle a été avisée qu’il n’y aura pas de retour au travail graduel et aucun renvoi à Santé Canada pour déterminer sa capacité à accomplir ses fonctions. Malgré ses efforts pour obtenir une évaluation complète de l’aptitude au travail de M. Fraser, elle a appris que l’employeur acceptait le fait qu’une note de médecin de la même clinique sans rendez-vous de M. Russell serait suffisante pour le retour de M. Fraser (pièce 4, onglet 52, pièce jointe 36A).

265        La fonctionnaire a déclaré qu’elle était [traduction] « profondément déçue » du point de vue de M. Goluza sur cette affaire. Elle était obligée de surveiller étroitement M. Fraser, de s’assurer qu’il ne se présentait pas sans avis et de vérifier son état de sa santé, selon Santé Canada, mais elle remettait en question la façon dont elle pourrait gérer la situation étant donné la décision de l’employeur, qu’elle devait accepter. Selon son témoignage, M. Engelmann lui a dit de demander un autre agent des relations de travail si elle n’aimait pas le conseil qu’elle avait obtenu, ce qu’elle a fait, mais sans succès.

266        La fonctionnaire a rencontré M. Fraser entre le 17 et le 19 décembre 2014. Entre autres choses, ils ont discuté de l’exigence de la formation, du contrôle des biens de l’employeur, des objectifs de rendement, de son retour au travail et de sa désignation de responsable d’immeuble, qu’il souhaitait récupérer. Elle l’a avisé qu’il ne serait pas l’agent responsable de l’immeuble; cette fonction avait été réassignée à M. Brochez, qu’il allait conserver. Elle a informé M. Fraser qu’il devait reprendre ses fonctions de base. Elle l’a également avisé qu’elle était maintenant la gardienne de tous les biens de l’employeur, y compris les bateaux, les armes, les remorques et les camions, ce qui l’a encore plus contrarié. C’était ce sur quoi avait porté la rencontre. À aucun moment elle ne lui a dit qu’elle savait ce qu’il avait dit à l’enquêteuse sur le harcèlement ou mentionné la plainte de harcèlement. Cette allégation était fausse également, selon elle.

267        Selon le point de vue de la fonctionnaire, M. Fraser a eu de la difficulté avec le fait qu’elle est passée du statut d’ami à celui où il devait lui rendre des comptes au sujet de ses actions. À son avis, si elle avait été plus ferme avec M. Fraser depuis le début, M. Russell n’aurait pas déposé une plainte de harcèlement contre elle. Elle voulait que M. Fraser consulte Santé Canada pour une évaluation, mais a laissé M. Goluza régler cette question parce qu’elle craignait que M. Fraser dépose également une plainte de harcèlement contre elle. M. Goluza a envoyé M. Fraser consulter le même médecin de la clinique sans rendez-vous que M. Russell avait vu, ce qui, selon la fonctionnaire, était une occasion manquée et très décevante.

268        La quatrième allégation concernait son message d’absence du bureau qui avait été irrespectueux (pièce 5, onglet 40). Entre le 7 et le 13 avril 2015, elle s’était absentée du bureau et personne n’avait été nommé pour la remplacer à titre intérimaire. Elle a déclaré qu’elle était frustrée, découragée et contrariée selon les interactions de M. Gillieron avec la direction générale puisqu’il semble que tous les dossiers sensibles lui ont été acheminés plutôt que gérés par la direction générale. Comme il lui semblait qu’il était responsable de la direction générale, elle a indiqué son nom comme personne à joindre. Durant ce temps, elle vérifiait son courriel, pour que rien d’important ne soit mal acheminé. Elle a admis dans son témoignage que ce n’était pas la façon de gérer ses frustrations. C’était répréhensible, immature et ridicule, mais, selon ses mots, elle était [traduction] « au bout du rouleau ».

269        La fonctionnaire a déclaré qu’elle avait fait preuve d’un mauvais jugement à cet égard et que c’était la mauvaise chose à faire, même si elle ne reconnaissait pas qu’elle ait fait quoi que ce soit pour compromettre la direction générale ou les enquêtes en cours. Il n’y a eu aucune violation de la confidentialité. Le message d’absence du bureau n’était pas du tout irrespectueux à l’égard de M. Goluza ou de l’employeur.

270        La fonctionnaire a également témoigné quant à sa version des événements à la réunion de l’équipe de direction régionale, à laquelle elle aurait formulé des commentaires au sujet de M. Goluza qui serait intervenu dans des enquêtes en cours dans le lieu de travail. Selon elle, elle a parlé de son enquête dans le lieu de travail pendant la partie table ronde de la rencontre. Elle a avisé Mme Portman que M. Conroy pouvait être contacté, après quoi, selon la fonctionnaire, M. Goluza lui a [traduction] « lancé un regard noir », ce à quoi elle lui a répondu qu’il ne [traduction] « veut peut-être pas être interrogé […] ». La fonctionnaire a déclaré qu’elle regrettait d’avoir dit cela et qu’elle n’aurait pas dû mentionner le nom de M. Conroy à la rencontre.

271        Au départ, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait présenté ses excuses pour ce commentaire et qu’elle faisait [traduction] « complètement fausse route, mais elle se préoccupait du rôle de M. Goluza dans l’enquête ». À son avis, M. Goluza n’avait pas pris la violence dans le lieu de travail au sérieux. Ce n’est pas ce qu’elle a dit, mais elle comprenait que les personnes présentes pouvaient avoir tiré cette conclusion de ses commentaires.

272        Elle a déclaré plus tard dans son interrogatoire principal que pendant une réunion de suivi avec M. Goluza, elle lui a dit qu’elle ne l’avait accusé de rien et qu’elle aurait dû lui présenter ses excuses. Selon son témoignage, à aucun moment la fonctionnaire n’a dit que M. Goluza avait tenté d’influencer un agent. Ce qu’elle avait dit était qu’elle soutenait qu’il s’agissait d’une rumeur, qu’elle a clarifié dans un courriel (pièce 5, onglet 50). Selon elle, son comportement à la rencontre avait été intense et inadéquat, et elle s’en est excusée à l’audience.

273        La cinquième allégation d’inconduite concernait l’omission par la fonctionnaire de respecter la directive de la direction de ne pas entreprendre d’enquête de recherche de faits sur une situation qui était survenue au bureau de Nanaimo entre M. Fraser et M. Russell à la fin de janvier 2015. Elle a admis que le 11 mai 2015, M. Goluza l’avait avisée par courriel (pièce 5, onglet 42) qu’il ne devait pas y avoir d’enquête de recherche de faits, mais elle croyait que compte tenu de sa récente expérience relativement à des plaintes de harcèlement, elle connaissait très bien la question et qu’elle était plus avisée. Elle a déclaré que la gestion des conflits dans le lieu de travail est une question de diligence raisonnable et qu’elle devait s’en occuper.

274        La fonctionnaire a admis qu’elle avait reçu l’ordre clair de ne pas lancer d’enquête de recherche de faits jusqu’à ce que toutes les questions liées à la situation entre elle-même et M. Russell soient réglées. Malgré cela, elle a avisé M. Goluza qu’elle donnerait suite à son enquête sans consulter les Relations de travail et qu’elle rencontrerait MM. Fraser et Brochez, ce qu’elle a fait.

275        Lorsqu’elle a terminé, la fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Goluza (pièce 5, onglet 44) pour dire ce qui suit : [traduction] « Je lui ai dit que je le ferais, puis je l’ai fait et je lui ai dit que je l’avais fait. » Elle a admis avoir fait preuve d’insubordination et, selon son témoignage, elle le regrettait. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas le droit de ne pas tenir compte des directives d’un supérieur hiérarchique. Elle n’a simplement pas écouté. À l’avenir, elle respecterait tout ordre ou directive. Elle devait être tenue responsable de ses actions, puisqu’elle avait causé la situation.

276        Selon la fonctionnaire, le processus suivi dans le cadre de l’enquête de Mme Meroni sur l’inconduite contrevenait aux règles de justice naturelle. D’après elle, elle voyait l’entrevue avec Mme Meroni comme sa chance de se défendre, tout comme ses actions.

277        Elle a appris la tenue de l’enquête sur l’inconduite le 11 mai 2015. Les personnes qui ont témoigné contre elle ont été interviewées le 14 et le 21 mai 2015 et, le 4 juin 2015, Mme Meroni a demandé à l’interviewer le 10 juin (pièce 3, onglet 43). Cette entrevue s’est déroulée le 10 août 2015. Au moment où elle a été réalisée, Mme Meroni avait rédigé un rapport préliminaire qui, selon la fonctionnaire, ne lui a jamais été mentionné à l’entrevue.

278        Après l’entrevue, Mme Meroni a mis au point son rapport et l’a présenté. La fonctionnaire n’a pas eu la possibilité de le commenter avant sa présentation; elle en a reçu une copie le jour où elle a été licenciée. Il a fallu un grief (pièce 6, onglet 60) pour connaître les détails des allégations portées contre elle pendant l’enquête. Durant l’enquête, d’autres allégations ont été ajoutées.

279        L’entrevue de la fonctionnaire avec Mme Meroni a duré une heure. La fonctionnaire a préparé des notes d’allocution (pièce 3, onglet 46) qu’elle a remises à Mme Meroni sur une clé USB le 11 août 2015. Mme Meroni a reconnu les avoir reçues, mais n’avait pas d’autres questions pour la fonctionnaire (pièce 6, onglet 66). Le rapport final était daté du 14 août 2014, et la rencontre avec M. Owen s’est déroulée le 28 août 2015.

280        En prévision de sa rencontre avec M. Owen, la fonctionnaire a préparé un document pour examen par ce dernier (pièce 6, onglet 66). Elle le lui a présenté sous forme électronique à la rencontre, mais lui a remis le mot de passe uniquement à la conclusion de cette rencontre, par courriel. Elle a agi ainsi parce qu’elle voulait lui expliquer son point de vue d’abord.

281        La rencontre s’est déroulée par téléconférence. La fonctionnaire a eu une heure pour formuler ses observations (pièce 6, onglet 69). M. Owen était accompagné de Mme Laframboise. La fonctionnaire a déclaré qu’elle a parcouru les allégations qui ont été jugées fondées dans la plainte de harcèlement et a fait remarquer à M. Owen les moments où l’enquêteuse s’est écartée de la politique sur le harcèlement. Tout au long de la présentation d’une heure, M. Owen ne lui a posé aucunes questions. À la fin, le lien vers la téléconférence s’est éteint. Il n’y a eu aucune discussion sur sa crainte de M. Russell ni le fait que les lettres disciplinaires avaient déjà été rédigées. Même après avoir obtenu le mot de passe pour le document de la fonctionnaire, M. Owen n’avait pas de question pour elle.

282        La réunion disciplinaire a été fixée au 1er octobre 2015. La fonctionnaire a soumis à l’avance cinq ou six questions auxquelles elle voulait obtenir une réponse. Même si elle devait au départ se tenir dans le bureau de M. Goluza, l’emplacement a été modifié à une salle de conférence sur un étage non sécurisé au bureau de l’employeur sur la rue Burrard. Cette fois-ci, M. Owen était accompagné par le gestionnaire des ressources humaines.

283        M. Owen a commencé en disant qu’il répondrait aux questions après avoir lu sa lettre de décision. Il a lu la lettre de licenciement et en a remis une copie à la fonctionnaire. Elle a déclaré qu’elle a posé des questions sur les résultats de l’enquête de sécurité et qu’il n’a pas répondu à ses questions. Il lui a ensuite remis une copie du rapport sur l’inconduite et l’a informée que le reste des questions ne la concernait plus. (Elle a reçu une copie du rapport de M. Leek en janvier 2016.)

284        Elle a ensuite été informée que la sécurité l’attendait pour l’escorter à l’extérieur de l’établissement, et M. Leek est entré dans la pièce. Il a dit à la fonctionnaire qu’elle devait retourner tous les biens de l’employeur dans un délai de 24 heures, sinon il l’a dénoncerait aux services de police de Vancouver. Elle a ensuite été escortée au quatrième étage pour ramasser ses effets personnels dans son bureau, alors que les membres de son équipe de cet étage ont attendu dans la salle de conférence qu’elle soit escortée à l’extérieur de l’immeuble. Elle a remis à M. Leek les clés de la pièce des éléments de preuve, sa pièce d’identité et son insigne ainsi que ses outils. Le lendemain, son époux a ramené le reste de l’équipement et des uniformes à l’employeur.

285        Bref, la fonctionnaire a déclaré qu’elle assumait la responsabilité de ce dont elle était coupable; le reste elle n’en est pas responsable ou représentait des erreurs de jugement de bonne foi. D’autres gestionnaires n’ont jamais fait l’objet de mesures disciplinaires pour des actes d’inconduite graves à sa connaissance, et elle a fait l’objet de mesures disciplinaires pour des gestes qu’elle n’a pas commis.

C. Contre-preuve de l’employeur

286        M. Conroy était un agent de l’autorité de l’équipe de Mme Portman pendant la période en question. Il a rencontré M. Russell en 2006 et il a travaillé avec lui à Prince Georges. Ils étaient collègues et amis. En 2013 et en 2014, M. Conroy parlait à M. Russell tous les mois ou tous les deux mois. Il a déclaré qu’il appelait M. Russell et qu’il vérifiait s’il allait bien parce qu’il voyait que des choses le préoccupaient. Ils parlaient de sa santé, de sa maison et de la dynamique à la direction générale et dans la région.

287        Selon M. Conroy, M. Russell a exprimé les difficultés qu’il éprouvait avec la fonctionnaire et a déclaré que l’équipe se retournait contre lui. Il sentait qu’on l’isolait. M. Conroy a déclaré il ne voyait aucun membre de l’équipe de M. Russell autour de lui lorsqu’il le voyait en personne.

288        M. Conroy savait que M. Russell trouvait des choses particulièrement difficiles. Il était rabaissé pendant des rencontres à Vancouver, et on lui avait refusé une demande d’acheter un réfrigérateur pour le bureau de Nanaimo. Toutefois, après avoir déposé sa plainte de harcèlement, M. Russell n’a pas discuté des détails avec M. Conroy. Il a dit à M. Conroy que des règles strictes régissaient ce qu’il pouvait dire ou ce dont il pouvait parler au sujet de la plainte de harcèlement. Après avoir déposé la plainte, M. Russell n’a plus parlé à M. Conroy de la fonctionnaire. Il a dit que si les gens savaient ce qui se passait, ils comprendraient.

289        M. Conroy a décrit la relation entre M. Russell et M. Fraser comme étant tendue de temps à autre. Il a également déclaré qu’il se sentait désolé pour M. Brochez, qu’il croyait pris dans ce bourbier. Interrogé au sujet de M. Leeden, M. Conroy a dit qu’il ne lui faisait pas beaucoup confiance, parce qu’il rapportait tout ce dont il entendait parler directement à la fonctionnaire à Vancouver. Les gens faisaient très attention à ce qu’ils disaient en présence de M. Leeden.

290        M. Russell a été appelé à titre de témoin en contre-preuve. Il a déclaré qu’après l’incident de Shearwater, il a très rarement travaillé avec M. Leeden et qu’il n’avait rien discuté d’important avec lui jusqu’en 2017, au moment où ils ont parlé du cas d’une usine de pâte. En 2016, M. Leeden et M. Brochez lui ont demandé de discuter de l’incident de Shearwater, mais il ne voyait pas de raison de ramener un sujet qui remontait à 2011. De façon générale, M. Russell fréquentait rarement M. Leeden, mais lorsqu’il le faisait, il était cordial.

291        M. Russell a déclaré qu’il avait déposé la plainte de harcèlement en janvier 2014, alors qu’il était en congé de maladie pour une deuxième fois. Il y a travaillé à la maison et non au bureau. Il n’a parlé de la plainte avec personne, sauf son conseiller personnel en harcèlement et l’enquêteuse sur le harcèlement. Il a fait preuve d’une prudence extrême lorsqu’il a amené les documents au bureau en janvier 2015 pour préparer sa réponse au rapport provisoire.

292        Le Dr Mulder, que la fonctionnaire a décrit comme le médecin de la clinique sans rendez-vous, est le médecin de famille de M. Russell depuis décembre 2012. Au départ, il voyait le Dr Mulder toutes les deux semaines. Il le voyait ensuite chaque mois. Le Dr Mulder a rempli les évaluations périodiques en matière de santé requises pour M. Russell afin de maintenir son statut d’agent de la paix. Le Dr Mulder n’est pas médecin d’une clinique sans rendez-vous; il est un médecin qui voit ses patients dans une clinique sans rendez-vous. Personne d’autre n’avait une meilleure connaissance de l’état de santé de M. Russell en 2013.

III. Résumé de la preuve pour la plainte

A. La fonctionnaire s’estimant lésée

293        La fonctionnaire a déposé une plainte contre M. Russell alléguant qu’elle craignait pour sa sécurité lorsqu’il était à proximité. Elle croyait qu’il la détestait et que l’employeur le savait. M. Russell n’a pas été retenu au poste de gestionnaire des opérations, poste qu’elle a obtenu. Selon elle, il l’aurait appelée régulièrement une [traduction] « maudite chienne » ou [traduction] « diablesse » et il a dit qu’elle [traduction] « devrait être brûlée sur le bûcher ». Manifestement, elle était la cause de tout ce qui allait mal dans sa vie, y compris son divorce. Il aurait conservé une collection privée de photographies d’elles sur neuf ans. Cela l’avait choquée. Elle a demandé la protection de son employeur et de son syndicat; aucun des deux ne l’a pris au sérieux, selon elle.

294        La fonctionnaire craignait de la façon dont M. Russell réagirait au rapport préliminaire sur sa plainte de harcèlement. D’autres agents l’avaient décrit comme une personne colérique et imprévisible. Le 9 avril 2015, des personnes ont rapporté à la fonctionnaire qu’il était en colère contre elle et qu’il aurait dit qu’elle ne s’immiscerait pas dans sa carrière en toute impunité. M. Krahn aurait fait parvenir un courriel à M. Goluza, le gestionnaire de district de la fonctionnaire, et au bureau des relations de travail de l’employeur. M. Goluza aurait dit à l’agent de sécurité de l’employeur M. Leek que M. Russell avait proféré des menaces alarmantes contre la fonctionnaire.

295        Selon la fonctionnaire, d’autres agents auraient dit à M. Leek qu’ils ne travailleraient pas avec M. Russell à cause de ses problèmes de colère. M. Krahn a refusé de continuer de superviser M. Russell après une crise de colère qu’il a faite alors qu’ils discutaient d’une demande que la fonctionnaire avait présentée à M. Krahn. La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait demandé à M. Krahn si elle était en danger à cause de M. Russell et qu’il lui aurait dit qu’elle était en danger uniquement si elle était près de lui.

296        Après son enquête, M. Leek a conclu que les commentaires de M. Russell constituaient un acte de violence dans le lieu de travail en vertu du CCT. Malgré cela, lorsque l’employeur a licencié la fonctionnaire, il a conclu qu’aucun acte de violence dans le lieu de travail n’était survenu contre elle et que sa sécurité n’avait pas été en danger.

297        Le 9 avril 2015, la fonctionnaire a découvert que M. Russell avait pris des demandes d’AIPRP sur le bureau de M. Brochez. Lorsqu’elle l’a découvert, elle a fait parvenir un courriel à M. Krahn pour demander qu’il exige que M. Russell retourne les demandes. Lorsque M. Russell a appris la demande de la fonctionnaire, il a perdu son sang-froid et a crié après M. Krahn que [traduction] « la maudite chienne ne va pas s’en tirer ainsi. Va au diable Peter; tu es censé me protéger ». M. Krahn en a fait part à M. Goluza. Lorsque M. Goluza en a entendu parler, il a appelé M. Russell, lui a rappelé ce qu’il en était de l’utilisation d’un langage déplacé dans le lieu de travail et l’a renvoyé au Programme d’aide aux employés.

298        Le 10 avril 2015, la fonctionnaire et M. Russell ont reçu un avis de 48 heures indiquant que le rapport final au sujet de l’enquête sur le harcèlement serait communiqué le 13 avril. Du 9 au 13 avril, M. Goluza n’a pas communiqué avec la fonctionnaire. Lorsqu’il est arrivé au travail le 13 avril, il a reçu un courriel du bureau de la sécurité du ministère de l’Administration centrale régionale (pièce 5, onglet 37), confirmant que la carte d’accès de M. Russell avait été désactivée à la demande de la fonctionnaire. C’était la première fois que M. Goluza entendait parler de sa demande de priver M. Russell de l’accès à l’Administration centrale régionale. M. Goluza lui a ordonné de cesser de poursuivre sa demande puisque M. Russell ne relevait pas d’elle et qu’elle n’avait pas le pouvoir de révoquer son accès. Encore une fois, M. Goluza était embarrassé devant son personnel par les actions de la fonctionnaire.

299        Le 3 avril 2015, l’avocat de la fonctionnaire a envoyé une lettre à l’employeur au sujet de M. Russell et il a dit qu’il représentait une menace urgente pour la sécurité de la fonctionnaire. Son avocat a soulevé ce qu’il a décrit dans la lettre comme [traduction] « une question urgente de sécurité dans le lieu de travail » (pièce 5, onglet 33). La fonctionnaire a déclaré qu’elle craignait que M. Russell concentre sa colère contre elle puisqu’il la tenait personnellement responsable de ses problèmes, qu’il avait exprimé de la sympathie et de l’empathie pour le tireur à l’usine Western Forest Products, qu’il était un fervent chasseur et un amateur d’armes, qu’il était aux prises avec des problèmes de santé mentale et que l’employeur avait fait obstacle à ses tentatives pour le faire traiter et qu’il avait déposé une plainte de harcèlement contre elle, qui allait certainement être rejetée, selon elle.

300        M. Russell a répondu à la déclaration dans la lettre selon laquelle il concentrait [traduction] « toute sa colère et tout son mécontentement sur [la fonctionnaire] et qu’il la tenait responsable de tous ses problèmes », en déclarant qu’elle était la cause de certains problèmes, mais pas de tous ses problèmes. La déclaration dans la lettre laissait entendre qu’il avait de nombreux problèmes, ce qu’il a nié.

301        M. Russell a discuté de l’incident de la fusillade avec ses collègues parce que c’était une nouvelle importante dans la collectivité. Il en avait entendu parler en route vers le travail le jour où c’était arrivé et il était ébranlé. Il en a parlé avec ses collègues, mais il n’a jamais exprimé de sympathie ou d’empathie pour le meurtrier. La fonctionnaire n’était pas dans le lieu de travail durant les discussions, qui n’étaient rien d’autre qu’une tentative pour comprendre un incident qui avait choqué toute la collectivité. M. Russell a reconnu qu’il était un fervent chasseur; il chasse pour obtenir de la nourriture. Il n’est pas un amateur d’armes. Les seules armes à feu qu’il possède sont pour la chasse.

302        Pour ce qui est du commentaire selon lequel il est aux prises avec des problèmes de santé mentale, M. Russell n’a pas nié qu’il subissait beaucoup de pression en raison du nombre de dossiers qu’il gérait et de la façon dont la fonctionnaire l’avait géré depuis 2012 jusqu’à ce qu’ils soient séparés en 2014. Il lui avait confié qu’il n’était pas au meilleur de sa forme et qu’il avait des problèmes de concentration. Il lui a demandé son soutien lorsque son épouse l’a quitté. M. Russell a déclaré que la fonctionnaire a utilisé son pouvoir pour le rabaisser et menacer son moyen de subsistance, ce qui a été indiqué et corroboré par la plainte de harcèlement.

303        L’attention de M. Russell a également été attirée sur les résultats de l’enquête de M. Leek au sujet des allégations d’inconduite et de violence dans le lieu de travail formulées par la fonctionnaire. En particulier, on l’a renvoyé à un incident du 9 avril 2015 où, pendant son appel hebdomadaire avec M. Krahn, ils ont discuté du fait que la fonctionnaire avait communiqué avec M. Krahn parce que M. Russell avait retiré des dossiers du bureau de M. Brochez sans autorisation. La fonctionnaire avait insisté auprès de M. Krahn pour que les dossiers, sur lesquels était inscrit le nom de M. Russell, soient retournés immédiatement. M. Russell aurait dit à M. Krahn ce qui suit : [traduction] « la maudite chienne ne va pas s’en tirer ainsi […] Tu [M. Krahn] es censé me protéger » (pièce 6, onglet 53, paragraphe 17). M. Russell a indiqué que les documents étaient Protégé B et qu’ils portaient son nom. Les documents classifiés Protégé B doivent être mis en sécurité.

304        M. Russell a nié avoir formulé les commentaires que la déclaration lui a attribués. Il a admis avoir peut-être dit qu’il se [traduction] « foutait de savoir ce que voulait [la fonctionnaire] » et qu’il avait dit à M. Krahn qu’il était [traduction] « censé [le] protéger ». Le paragraphe 17 du rapport de M. Leek est inexact. Il a déclaré que M. Krahn l’avait réprimandé au téléphone après avoir reçu le courriel de la fonctionnaire exigeant le retour des documents en question. Bien que M. Russell ait tenté de rester calme, selon son témoignage, M. Krahn a élevé la voix au téléphone. Lorsque sa tentative d’expliquer à M. Krahn ce qui était arrivé n’a pas porté fruit, M. Russell a admis qu’il avait dit à M. Krahn ce qui suit : [traduction] « Arrête de me crier après. Je me fous de savoir ce qu’elle veut. Tu dois commencer à me protéger. » M. Krahn s’est par la suite calmé, et M. Russell a pu discuter des documents en question. Il a accepté de les retourner.

305        M. Goluza savait que M. Russell avait formulé des commentaires au sujet d’une fusillade dans un lieu de travail à Nanaimo et de sa discussion avec M. Krahn. M. Goluza savait aussi que M. Russell était un chasseur. M. Goluza a déclaré qu’il n’était pas d’accord pour dire que M. Russell était un amateur d’armes puisqu’il ne les collectionnait pas. M. Russell a été traité pour des problèmes de maladie mentale alors qu’il était en congé en 2012 et en 2013, selon des renseignements que M. Goluza a obtenus de M. Krahn.

306        L’évaluation du risque de menace que la fonctionnaire a mentionnée à la réunion de direction du 11 mai 2015 a été réalisée. M. Goluza a reçu le rapport en octobre 2015. L’enquêteuse avait conclu que, selon les événements du 9 avril et du contenu d’une lettre de l’avocat de la fonctionnaire (pièce 5, onglet 33), M. Russell avait commis un acte de violence dans le lieu de travail. M. Goluza a déclaré qu’en réponse à cette conclusion, M. Russell avait reçu une lettre indiquant les attentes de l’employeur quant à son comportement.

307        La fonctionnaire a dit à M. Goluza qu’elle craignait ce que M. Russell pensait d’elle. Son hostilité à l’égard de cette dernière rendait difficile la gestion de son travail. Lorsque M. Russell est revenu au travail en 2013, M. Goluza lui avait dit que le dossier était clos quant à toutes les questions qu’elle pouvait avoir à son sujet. Selon M. Goluza, M. Russell n’aimait pas la façon dont elle le traitait, soit comme s’il était un enfant. Lorsqu’il parlait d’elle, il l’appelait la diablesse. Le problème entre lui et elle a commencé en 2013, lorsqu’elle l’a embarrassé en fermant un grand nombre de ses dossiers sans le consulter en raison de contraventions à la Charte canadienne des droits et libertés.

308        M. Fraser a rejeté le commentaire de la fonctionnaire selon lequel M. Russell était un fervent chasseur et un amateur d’armes. Il a admis que M. Russell était un chasseur et qu’il possédait des armes à cette fin. Il a rejeté le commentaire sur le fait qu’il était un amateur d’armes. Selon M. Fraser, M. Russell ne participait à aucune activité ou association liée à la possession d’armes.

309        Le souvenir des dates de M. Fraser était imprécis en contre-interrogatoire. M. Leek l’avait interrogé dans le cadre de l’évaluation du risque de menace. Il a dit à M. Leek qu’il n’était pas dans le lieu de travail lorsque la fusillade était survenue à l’usine de Nanaimo. Il avait eu un accident de véhicule à moteur et était hospitalisé le jour de la fusillade. Malgré qu’il puisse avoir fait erreur sur le moment où les discussions sont survenues au sujet de la fusillade à l’usine, M. Fraser était certain d’avoir été présent lorsqu’elles se sont déroulées et sur les commentaires de M. Russell.

310        Selon M. Fraser, les fusillades n’étaient pas un sujet de discussion régulier au bureau de Nanaimo. Certaines discussions avaient eu lieu alors que le procès du tireur était rapporté dans la presse. M. Russell avait un intérêt particulier pour le procès puisqu’il avait travaillé dans des scieries avant de travailler pour l’employeur. Il n’avait pas tenté de justifier les actions du tireur.

311        M. Fraser a déclaré qu’il avait entendu M. Russell dire des choses négatives au sujet de la fonctionnaire, mais il ne l’avait jamais entendu la traiter de [traduction] « maudite chienne » ou de [traduction] « diablesse ». Il n’a jamais entendu M. Russell dire que la fonctionnaire devrait être brûlée sur le bûcher, comme on l’a allégué. M. Fraser avait vu M. Russell devenir de plus en plus colérique quant à sa situation parce qu’il était frustré de la persécution constante qu’il subissait de la part de la fonctionnaire.

312        Mme Graca a déclaré que la fonctionnaire avait discuté de ses préoccupations quant à la présence de M. Russell au bureau de Vancouver à une réunion de l’équipe de direction régionale en mai 2015. Aux personnes présentes, les deux autres gestionnaires des opérations, M. Goluza et l’agent sur les renseignements de sécurité, la fonctionnaire a dit qu’elle n’aimait pas l’idée que M. Russell se trouve sur le même étage lorsqu’elle travaillait et qu’elle avait porté plainte à la police parce qu’elle craignait qu’il soit violent envers elle selon leurs interactions générales et aucun incident particulier.

313        Mme Meroni a commencé son enquête en mai 2015, mais elle a appris dès le 8 avril 2015 le comportement de la fonctionnaire, qui était à l’origine de l’enquête. Elle savait également à l’époque que l’avocat de la fonctionnaire avait envoyé une lettre à l’employeur pour exprimer sa préoccupation pour sa sécurité au travail.

314        Mme Meroni a déclaré qu’elle ne savait pas que M. Russell détestait la fonctionnaire et qu’il la traitait de [traduction] « maudite chienne ». Elle ne savait pas non plus qu’il avait un tempérament explosif et qu’il se mettait en colère lorsqu’il parlait de la fonctionnaire. Mme Meroni savait que la fonctionnaire avait dit à M. Goluza qu’elle craignait M. Russell.

315        M. Owen a déclaré que la fonctionnaire n’avait exercé aucun de ses droits prévus au CCT ou ailleurs. Peu importe le nombre de copies de l’évaluation du risque de menace, il a déclaré que cette dernière n’avait pas changé son point de vue. Selon lui, même si la fonctionnaire craignait véritablement pour sa sécurité comme l’indiquait l’évaluation du risque de menace, il se demandait toujours pourquoi elle continuait de narguer délibérément M. Russell.

316        M. Owen a reconnu que, dans des courriels (pièce 3, onglets 40 et 46), dans les notes d’entrevue de la fonctionnaire durant l’évaluation du risque de menace (pièce 3, onglet 38) et dans cette évaluation, il y avait des éléments de preuve indiquant qu’elle avait exprimé des préoccupations pour sa sécurité. Il savait également qu’elle avait porté plainte à la police le 24 mars 2015 au sujet de ces préoccupations et de la lettre de son avocat datée du 3 avril 2015 (pièce 3, onglet 16). Il était d’avis, ce qu’il a indiqué dans son témoignage, qu’il s’agissait d’un écran de fumée qu’elle avait créé afin de prouver que M. Russell représentait un problème beaucoup plus important qu’il l’était en réalité, afin de le discréditer dans le cadre du processus lié à la plainte de harcèlement.

317        En mai 2015. Mme Meroni a fait une enquête sur les comportements et les actions de la fonctionnaire depuis avril 2015. Elle avait conclu au début du mois d’avril que l’enquête était justifiée. Ce n’était en aucun cas lié à la lettre de l’avocat de la fonctionnaire. Les préoccupations se sont manifestées au début du mois d’avril lorsque la fonctionnaire a admis avoir eu accès aux registres de congé de M. Russell et annulé son accès au bureau de la rue Burrard. Il n’y a pas de lien entre son enquête et la lettre de l’avocat de la fonctionnaire.

318        M. Brochez a déclaré qu’avec le temps, M. Russell est devenu de plus en plus agité au travail; il a pris trois congés de maladie en trois ans. Selon M. Brochez, M. Russell était devenu paranoïaque. Durant la pire partie de cette période, M. Brochez a dit que M. Russell avait traité la fonctionnaire de chienne, de Miss Piggy et de diablesse. Selon M. Brochez, le fait que la fonctionnaire était une femme n’avait pas amélioré la situation, puisque M. Russell était connu pour formuler des commentaires désobligeants au sujet des femmes. Le fait de relever d’une femme était un cauchemar pour M. Russell, selon M. Brochez.

319        Interrogé au sujet des commentaires que M. Russell aurait formulés au sujet de la fusillade à l’usine Western Forest Products, M. Brochez a déclaré que des personnes discutaient en groupe et que M. Russell a dit qu’il pouvait comprendre pourquoi c’était arrivé. Le tireur devait avoir des problèmes conjugaux ou devait avoir subi beaucoup de stress.

320        Selon M. Brochez, ce n’était pas inhabituel d’entendre ce genre de choses, mais étant donné l’état d’esprit de M. Russell, M. Brochez croyait que la fonctionnaire devait savoir qu’il avait formulé le commentaire. Toutefois, il ne croyait pas que M. Russell poserait un acte violent; il craignait que M. Russell ait une crise cardiaque ou qu’il se fasse du mal. Lorsqu’il a parlé à la fonctionnaire de la conversation, selon son témoignage, M. Brochez lui a dit que M. Russell tentait de comprendre pourquoi des choses comme celles-là arrivaient.

321        En mars 2015, M. Brochez croyait qu’il était nécessaire de documenter ses interactions avec M. Russell, qu’il communiquait ensuite à la fonctionnaire. Selon M. Brochez, M. Russell passait de deux à trois heures par jour à se plaindre de la façon dont cette dernière et le ministère ruinaient sa vie et sa carrière. Son visage devenait rouge, il marchait de long en large, il riait, il pleurait puis revenait à la normale en quelques minutes seulement, jusqu’à ce qu’un prochain élément le provoque. M. Brochez s’est décrit comme le responsable de la rétroaction de M. Russell. Selon son témoignage, M. Brochez le signalait à la fonctionnaire, parce que cela faisait en sorte qu’il ne travaillait pas de deux à quatre heures par jour.

322        M. Brochez est revenu au bureau de Nanaimo vers le mois de mars 2015 pour récupérer des documents, mais il a découvert que M. Russell les avait emballés et envoyés au bureau régional plutôt que de lui faire savoir qu’il les avait.

323        Vers la même époque, M. Brochez est revenu au bureau de Nanaimo pour utiliser le gymnase après les heures de travail. Lorsqu’il est arrivé, il a vu les lumières allumées dans le bureau et M. Russell qui parcouraient des boîtes. Il a trouvé que c’était bizarre, il en a donc parlé à la fonctionnaire; l’enquête sur le harcèlement en cours et la situation entre M. Russell et la fonctionnaire avaient une incidence sur la productivité de M. Brochez.

324        M. Brochez a déclaré que M. Leek l’avait interrogé dans le cadre de l’enquête sur la violence dans le lieu de travail. Il a dit à M. Leek qu’il ne craignait pas que M. Russell pose des gestes de violence directement envers la fonctionnaire ou lui-même. M. Russell dépensait son énergie à se défouler. La principale crainte de M. Brochez était de se trouver coincé entre la fonctionnaire et M. Russell. À aucun moment, M. Russell n’a indiqué à M. Brochez qu’il ferait du mal à la fonctionnaire ou menacerait de lui en faire. Il l’aurait inondée de plaintes de harcèlement ou autres; il n’était pas violent.

325        M. Leeden a indiqué que M. Russell [traduction] « faisait flèche de tout bois ». Selon M. Leeden, il ne savait jamais ce que M. Russell allait faire ou dire. Il a décrit M. Russell comme [traduction] « complètement paranoïaque »; il se demandait pourquoi M. Leeden était à un endroit et il enregistrait tout ce qui arrivait. M. Leeden a dit que M. Russell ressentait toute une gamme d’émotions et qu’il était toujours au bord du gouffre. M. Leeden a déclaré qu’il [traduction] « ne savait pas ce qui provoquerait [M. Russell] ». Si le nom de la fonctionnaire était mentionné, M. Russell se fâchait. M. Leeden a déclaré qu’il faisait un effort délibéré pour l’éviter.

326        M. Leeden a décrit le jour de la conversation sur la fusillade à l’usine Western Forest Product. Il s’agissait d’une conversation générale au bureau de Nanaimo dans laquelle M. Russell tentait d’expliquer qu’il pouvait comprendre comment les choses à la maison pouvaient avoir amené le tireur à faire ce qu’il a fait. M. Leeden a déclaré qu’il a rapporté ce commentaire à la fonctionnaire parce qu’un grand nombre des comportements de M. Russell, selon lui, [traduction] « ne correspondaient pas à un raisonnement normal ». M. Leeden a dit qu’il ne s’est jamais senti menacé par M. Russell physiquement, mais que dans certaines circonstances, par exemple s’ils buvaient ensemble, il n’était pas surpris qu’ils se battent. La fonctionnaire était au courant de cela.

327        M. Leeden a rapporté le mauvais comportement de M. Russell à la fonctionnaire à chaque occasion, mais surtout il lui signalait le fait qu’il mettait en doute ses motivations. Il lui a dit que M. Russell faisait une fixation sur elle, qu’il avait décidé qu’elle lui causait du tort et que tout cela le dévorait. Selon M. Leeden, M. Russell concentrait toute son énergie sur le processus de harcèlement. M. Leeden a déclaré qu’il [traduction] « craignait les représailles », puisque M. Russell pensait que les gens étaient avec lui ou contre lui et M. Leeden s’attendait à ce que ces représailles prennent la forme d’une plainte de harcèlement contre lui.

328        Selon l’évaluation de M. Leeden, la crainte de la fonctionnaire à l’égard de M. Russell était réelle. Lorsqu’il a constaté à quelle vitesse M. Russell se fâchait et la façon dont il parlait d’elle, M. Leeden a cru que sa crainte était justifiée. Il a dit à l’enquêteuse sur le harcèlement qu’il voyait la crainte dans le visage de la fonctionnaire. À son avis, M. Russell était imprévisible et avait des sautes d’humeur. M. Leeden a déclaré qu’il craignait pour la santé de M. Russell parce qu’il s’enflammait tellement; il croyait que M. Russell claquerait en raison du stress qu’il subissait.

329        En contre-interrogatoire, M. Leeden ne se rappelait pas si M. Leek lui avait posé des questions au sujet du fait que M. Russell avait lancé des insultes à l’endroit de la fonctionnaire; pourtant, il se rappelait lui avoir dit que M. Russell l’avait fait, la traitant de toutes sortes de noms horribles. À un certain moment pendant son contre-interrogatoire, M. Leeden a admis avoir dit à M. Leek qu’il n’avait jamais réellement entendu M. Russell traiter la fonctionnaire de tous ces noms. Plus tard, dans son contre-interrogatoire, il a insisté pour dire qu’il avait réellement entendu M. Russell lancer ces insultes.

330        M. Engelmann a également témoigné pour le compte de la fonctionnaire. La fonctionnaire avait communiqué avec lui plusieurs fois entre 2013 et 2015, une fois au sujet de M. Russell qui retirait des carreaux de plafond dans le bureau de Nanaimo pour vérifier l’existence d’un équipement de surveillance qu’il croyait qui avait été installé. M. Engelmann lui avait conseillé de communiquer avec le service d’entretien de l’immeuble pour faire enquête sur des infestations de rongeurs et en profiter afin de vérifier si M. Russell avait placé de l’équipement de surveillance dans l’espace au-dessus des carreaux.

331        La fonctionnaire avait également communiqué avec M. Engelmann au sujet de M. Fraser et il lui avait donné des conseils sur son comportement, ses congés de maladie et un accident de véhicule à moteur dont il avait été victime. M. Engelmann lui a dit qu’elle devait faire réaliser une évaluation de l’aptitude au travail au sujet de M. Fraser avant qu’il soit autorisé à reprendre ses fonctions et qu’elle devait communiquer avec le Bureau de gestion des conflits pour gérer les problèmes personnels du bureau de Nanaimo.

332        En décembre 2014, à une réunion avec M. Guilliéron, M. Goluza a accepté l’évaluation faite par le médecin généraliste de M. Fraser quant à la capacité de ce dernier à reprendre le travail, contrairement à l’avis que M. Engelmann avait donné à la fonctionnaire selon lequel les médecins généralistes n’étaient pas qualifiés pour effectuer une évaluation de la santé mentale d’un patient et qu’un renvoi à Santé Canada était requis.

333        La fonctionnaire n’était pas satisfaite de ce résultat. M. Fraser a repris le travail sans qu’elle puisse donner son avis et malgré son objection. Selon M. Engelmann, elle craignait qu’une fois que M. Fraser avait récupéré pleinement son statut d’agent de la paix, elle ne soit plus en mesure de bien le surveiller, et M. Goluza n’était pas de son avis à cet égard. M. Goluza lui a dit qu’elle devait imposer des mesures disciplinaires et procéder à la gestion du rendement pour gérer les problèmes personnels du bureau de Nanaimo. En contre-interrogatoire, M. Engelmann a été renvoyé à la pièce 45, qui indiquait clairement que selon la politique de l’employeur, le médecin traitant d’un employé est la principale source de renseignements que la fonctionnaire demandait au sujet de M. Fraser.

334        M. Engelmann a déclaré qu’il n’a vu aucune indication de violence de la part de M. Russell en 2015 et qu’il n’en a pas eu connaissance. Il a eu très peu de communication avec la fonctionnaire après la réunion avec M. Goluza au sujet de M. Fraser. Elle avait communiqué avec lui au sujet de la suspension de l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard et il lui avait conseillé de communiquer avec la représentante de la sécurité de l’employeur.

335        La fonctionnaire a demandé à M. Engelmann s’il était possible de changer de conseiller en relations de travail parce qu’à son avis celui assigné ne comprenait pas les aspects relatifs à la santé et à la sécurité au travail de ses préoccupations pour son équipe. M. Engelmann ne savait pas si elle avait déjà présenté une telle demande.

336        M. Leek était le gestionnaire de la sécurité régionale, Région des Prairies et du Nord, et le contrôleur régional des armes à feu lorsque son directeur intérimaire lui a demandé d’effectuer une enquête sur la Région du Pacifique et du Yukon de l’employeur. Selon le mandat de cette enquête, il devait décider si M. Russell avait commis un acte de violence dans le lieu de travail selon la définition prévue à la « Directive sur la violence dans le lieu de travail », afin de déterminer si la crainte de la fonctionnaire pour sa sécurité était justifiée et si l’employeur avait fait tout ce qui était raisonnable pour aborder la question. Le mandat a été déposé en tant que pièce 3, onglet 39, page 13.

337        Selon sa conclusion, M. Russell avait bien commis un acte de violence dans le lieu de travail lorsqu’il avait invectivé M. Krahn, mais la fonctionnaire n’était pas en danger sauf si elle interagissait directement avec M. Russell et, selon les mots utilisés par M. Leek, [traduction] « jouait sur ses cordes sensibles, il pouvait s’emporter ». Il a donné comme exemple le fait qu’elle est seule dans une pièce avec M. Russell Ross et que cela le contrarie comme une situation dans laquelle elle pourrait être en danger.

338        M. Leek a déclaré qu’il avait conclu que la fonctionnaire n’avait pas de raison de craindre pour sa sécurité et que la deuxième question du mandat n’était donc pas fondée. Sa crainte peut avoir été réelle pour elle, mais selon une analyse objective, elle n’était pas fondée. M. Leek a dit que la question de savoir si M. Russell représentait une menace et celle de savoir si la fonctionnaire le craignait étaient deux questions distinctes. Le mandat consistait à déterminer si ses craintes étaient fondées et non de décider si elle avait des craintes; il n’avait pas non plus à déterminer si sa plainte était vexatoire. M. Leek a pris tout ce qu’a dit la fonctionnaire au pied de la lettre et a évalué ces éléments selon son expérience.

339        Selon M. Leek, qui citait M. Leeden, il y avait un manque d’harmonie au bureau de Nanaimo. Les personnes qui travaillent dans ce bureau ont décrit un comportement problématique et probablement un environnement de travail toxique, mais personne n’a jamais dit que M. Russell représentait une menace physique pour la fonctionnaire ou toute autre personne, même s’il avait des problèmes de colère. L’employeur a pris des mesures pour séparer les deux parties, même si une distance physique existait déjà. M. Leek n’a rien trouvé pour appuyer les croyances de la fonctionnaire selon lesquelles M. Russell lui ferait du tort ou en ferait à son enfant; par conséquent, il a conclu que l’employeur ne pouvait rien faire de plus.

340        Dans le cadre de ses entrevues, M. Leek a déclaré qu’il avait dit à M. Engelmann qu’il croyait que certaines des craintes de la fonctionnaire étaient déraisonnables. Lorsqu’il a interrogé M. Goluza, il lui a dit qu’il croyait que ses croyances étaient sincères avant qu’il la rencontre. Puis M. Leek a conclu que la fonctionnaire avait provoqué M. Russell et qu’elle l’avait poussé à faire des représailles en laissant couler l’information relative aux demandes d’AIPRP à M. Brochez.

341        Selon M. Leek, M. Krahn, qui avait assumé la responsabilité de superviser M. Russell, avait exprimé des préoccupations à M. Leek au sujet du style de gestion de la fonctionnaire et de son incidence sur le lieu de travail. M. Leek a déclaré que M. Krahn lui avait dit que la fonctionnaire n’était pas une gestionnaire qui convenait à M. Russell en raison de ce style. Il a continué en disant que M. Russell et la fonctionnaire alimentaient les actions de l’autre et qu’elle provoquait M. Russell. Chaque fois qu’elle le faisait, la colère de ce dernier augmentait de plus en plus rapidement. M. Leek ne se rappelait pas que quelqu’un avait dit que la fonctionnaire devenait de plus en plus colérique.

342        M. Leek a déclaré qu’à la demande de la fonctionnaire, il avait mesuré son bureau afin de déterminer s’il était possible d’ajouter une autre sortie. Il lui avait aussi parlé de l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard et aux bureaux de l’employeur en général. Selon M. Leek, la fonctionnaire avait tenté de le convaincre que l’accès général aux immeubles de l’employeur par des employés qui ne travaillent pas dans un édifice donné devrait être interdit.

343        Les recommandations de M. Leek quant à la formation sur la santé mentale pour la fonctionnaire et son équipe étaient liées au stress dans le lieu de travail et à la connaissance générale de la violence dans le lieu de travail et non en raison de préoccupations qu’il pouvait avoir à l’égard de M. Russell.

344        La fonctionnaire a déclaré qu’en janvier 2015, elle avait envoyé un courriel chiffré à M. Brochez, qui est venu au bureau pour y avoir accès. Il a trouvé M. Russell au bureau, après les heures de travail, selon ses mots [traduction] « entouré par des boîtes », ce dont la fonctionnaire avait informé M. Goluza. Cela est arrivé à la fin du mois de janvier, juste au moment où la date d’échéance pour présenter la réponse à l’enquêteuse sur le harcèlement approchait. La fonctionnaire a exprimé ses préoccupations pour sa sécurité dans un courriel envoyé à M. Goluza et à M. Gillieron en raison de la santé mentale de M. Russell et a demandé une mise à jour sur l’évolution du processus de plainte de harcèlement (pièce 3, onglet 4, pièce jointe 53).

345        La fonctionnaire a déclaré qu’elle croyait honnêtement qu’elle serait exonérée et que lorsque le rapport serait communiqué et que M. Russell aurait vu qu’elle avait été exonérée, il réagirait d’une façon extrême. La réponse de l’employeur à ses préoccupations a été, dans ses mots, [traduction] « ahurissante ». Elle a comparé ses perceptions dans plusieurs sites Web et a parlé à un expert en stress lié à un incident grave du Justice Institute de la Colombie-Britannique. À la suggestion de l’expert, elle a parlé à la police de la situation du 24 mars 2015. La police n’a rien fait puisque M. Russell ne la suivait pas et qu’il ne l’avait pas menacée directement. Le stress de la situation lui causait des douleurs à la poitrine et elle s’est rendue à l’hôpital pour se faire examiner.

346        En avril 2015, la fonctionnaire a demandé à son avocat d’envoyer une lettre à l’employeur pour exiger qu’il règle la situation non sécuritaire dans le lieu de travail. L’enquête de Mme Meroni sur l’inconduite avait commencé au début du mois de mai 2015, peu de temps après que l’employeur eut reçu la lettre. Le fait que des mesures disciplinaires contre la fonctionnaire ont été envisagées après la réception de la lettre n’est pas une simple coïncidence, selon son témoignage.

347        M. Owen a déclaré qu’il n’y avait aucun rapport entre les deux événements. L’enquête sur l’inconduite a été déclenchée par le comportement de la fonctionnaire; ses craintes n’ont pas été visées par l’évaluation, même si Mme Meroni en avait connaissance au moment où elle a lancé l’enquête. La fonctionnaire peut avoir envoyé des courriels par préoccupation pour sa sécurité, mais ils n’effacent pas son inconduite, selon Mme Meroni. L’employeur disposait de suffisamment d’étapes pour atténuer tout risque que M. Russell pouvait représenter. Les parties ont été séparées et il était très peu probable que M. Russell se présente au bureau de Vancouver sans s’annoncer, puisqu’il avait besoin de l’approbation de son gestionnaire pour se déplacer de Nanaimo à Vancouver par affaire.

348        Selon la fonctionnaire, ce n’était qu’une question de temps avant que M. Russell l’agresse, ce qui aurait terni la réputation du ministère (pièce 9). Elle a précisé qu’elle ne serait plus sa cible (pièce 5, onglet 28), mais M. Goluza a insisté pour qu’elle continue d’être sa gestionnaire, jusqu’à ce qu’ils soient séparés.

349        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a déclaré que M. Russell avait la réputation d’alléguer qu’elle le harcelait. Le 14 août 2012 était la première date à laquelle elle a consulté les Relations de travail à son sujet; il avait formulé des allégations informelles selon lesquelles elle l’avait harcelé pendant une rencontre le 13 août. Il lui avait dit qu’il se croyait harcelé par elle; elle n’était pas d’accord. Leur réunion suivante a eu lieu au retour d’un congé de maladie de ce dernier en mars 2013 (pièce 4, onglet 52, annexe 26). Cette réunion était une répétition de la rencontre du mois d’août 2012, selon la fonctionnaire. Elle lui a dit qu’elle allait consulter les Relations de travail de nouveau. Elle a dit qu’il [traduction] « faisait flèche de tout bois » et qu’il [traduction] « [lui] reprochait tellement de choses ».

350        Le 29 avril 2013, ils se sont rencontrés de nouveau afin de discuter de la formation sur l’usage de la force et la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse. La fonctionnaire a dit qu’elle avait été calme tout au long de la rencontre; elle n’avait pas peur. M. Russell a présenté ses excuses pour son comportement de la rencontre du 18 mars. Renvoyée à un résumé de la rencontre du mois de mars (pièce 4, onglet 52, annexe 29), elle a confirmé qu’elle n’avait noté nulle part qu’elle craignait M. Russell à cette rencontre.

351        Selon la fonctionnaire, M. Russell s’est mis en colère lorsqu’elle a soulevé la question selon laquelle il avait utilisé des biens de l’employeur pour son propre usage et qu’elle lui avait dit que c’était contraire à la politique (pièce 5, onglet 12). Elle a déclaré qu’elle avait des préoccupations sur le contenu de sa « divulgation de McNeil » (un énoncé de l’inconduite d’un agent de la paix, qui pouvait le compromettre comme témoin) à la Couronne parce qu’elle ne savait pas ce qu’il avait divulgué. Elle avait reçu une enveloppe à livrer au procureur de la Couronne, mais elle n’était pas au courant de son contenu. Elle avait également ressenti le besoin d’examiner le code de valeurs et d’éthique de l’employeur avec M. Russell (pièce 4, onglet 52, annexe 30). Elle n’avait toujours pas peur de lui.

352        La crainte de M. Russell qu’a éprouvé la fonctionnaire s’est cristallisée à la formation sur l’autodéfense en avril 2014. À la fin de la première journée, alors qu’elle attendait dans le hall d’entrée de l’immeuble où avait eu lieu la formation pour que le stationnement se vide, la fonctionnaire a eu une conversation avec le coordonnateur à la formation et à l’apprentissage de l’employeur. Selon son témoignage, la fonctionnaire a demandé au coordonnateur de communiquer avec l’un de ses amis pour aller chercher sa fille dans l’éventualité où elle serait blessée pendant la formation. Le coordonnateur a rapporté cette conversation à M. Goluza, qui a ensuite consulté les Relations de travail.

353        Le 3 avril 2015, par l’entremise de son avocat, la fonctionnaire a demandé qu’une évaluation du risque de menace soit entreprise à l’égard de M. Russell par un psychiatre (pièce 5, onglet 33, page 2). Elle se préoccupait de le faire évaluer par Santé Canada et de faire réaliser une évaluation de l’aptitude au travail (pièce 6, onglet 70, page 12). Selon elle, si cela avait été fait la première fois qu’elle avait soulevé la question, rien de ce qui est arrivé depuis ne se serait produit. Lorsque M. Russell est revenu au travail la deuxième fois, après avoir déposé sa plainte de harcèlement, il ne relevait plus d’elle.

354        Selon la fonctionnaire, M. Goluza devait l’aviser lorsque M. Russell était au bureau de Vancouver pour qu’elle puisse travailler de la maison cette journée-là. Il n’y a jamais eu de discussions sur le changement permanent à l’équipe de M. Krahn; l’hypothèse a toujours été que M. Russell reviendrait dans son équipe et qu’elle trouverait une solution pour travailler avec lui. Selon son témoignage, M. Goluza croyait qu’elle craignait M. Russell. Les Relations de travail et la haute direction croyaient qu’elle mentait. M. Leek la croyait également, même s’il a conclu que M. Russell ne représentait pas une menace (pièce 6, onglet 61).

355        Selon le témoignage de la fonctionnaire, M. Russell éprouvait des problèmes avec les femmes et il n’aimait pas qu’une femme soit sa gestionnaire. La haine qu’il éprouvait pour elle prenait sa source dans le fait qu’elle avait fermé ses dossiers en raison de ses activités de consignation illégales. Toujours selon elle, il a fait de nombreuses erreurs éthiques dans le cadre de l’initiative sur les camps de pêche sportive. Il a transmis des renseignements obtenus grâce ces violations pour déposer des accusations. Il a violé le code de valeurs et d’éthique de l’employeur et elle a dû s’en occuper.

356        La fonctionnaire s’inquiétait de ce que M. Russell faisait avec les renseignements qu’il avait à son sujet et des photos qu’il possédait d’elle, elle a donc déposé plus de 114 demandes d’AIPRP pour obtenir ces renseignements, y compris les renseignements de son navigateur Web.

357        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a déclaré qu’elle avait tout tenté pour se protéger, sans l’aide de l’employeur. Elle a pris les choses en mains et a suspendu l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard. Elle avait demandé à M. Leek de l’envisager lorsqu’il l’avait interviewée. Elle a déclaré qu’elle lui avait dit qu’elle supposait qu’il menait son enquête parce qu’elle avait communiqué avec Mme Carrière.

358        La fonctionnaire a soutenu qu’elle avait une meilleure [traduction] « connaissance de la situation » que M. Goluza parce qu’il n’était pas au bureau. Elle était donc en meilleure position pour décider si une menace existait.

B. Réparation

359        Lorsque M. Russell a découvert que la fonctionnaire avait été congédiée, il a déclaré qu’il avait trouvé que c’était [traduction] « décevant ». Il pensait qu’elle aurait pu être mutée ailleurs, mais il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit licenciée. Il a dit qu’il compatissait avec elle, mais que si elle était réintégrée, cela aurait une grande incidence négative, tant sur sa santé que sur sa carrière. Lui permettre de récupérer son poste de gestionnaire aurait une incidence négative considérable sur l’équipe dans son ensemble, selon M. Russell. Les membres de l’équipe ont suivi une médiation de groupe et, grâce à un nouveau gestionnaire, ils reprenaient leur rythme. Le fait de réintégrer la fonctionnaire nuirait à cet élan positif.

360        M. Goluza a déclaré que s’il était décidé de réintégrer la fonctionnaire, il l’accepterait, mais il quitterait l’employeur, même si au début et pendant de nombreuses années il a eu de bonnes relations de travail avec elle. Elle était ouverte, respectueuse et indépendante et elle pouvait user de stratégie, mais elle avait une attitude réactive dans la plupart des cas. Elle avait beaucoup de réticences à ce que les autres commentent ses plans. Ses examens de rendement étaient en général positifs, mais des domaines d’amélioration avaient été notés. Elle retenait de l’information sur les opérations et les questions relatives aux relations de travail dans son district. M. Goluza l’a décrit comme [traduction] « une femme qui faisait ce qu’elle voulait, peu importe les conséquences ».

361        M. Fraser a déclaré que si la fonctionnaire était réintégrée il démissionnerait. Il souffrait d’un problème de santé en phase terminale (il est décédé avant la fin de l’audience). Il a déclaré que, quand ce sera le temps, il devra quitter son emploi, mais que s’il était assujetti à la supervision continue de la fonctionnaire, il partirait plus tôt. Il a dit qu’il n’était pas disposé à ce qu’elle soit sa gestionnaire de nouveau. De même, Mme Portman et Mme Graca ne souhaitaient pas reprendre une relation de travail avec la fonctionnaire.

362        Selon Mme Meroni, l’incidence sur le lieu de travail serait extrêmement négative, démoralisante et déstabilisante si la fonctionnaire devait être réintégrée, et l’intégrité de l’employeur serait remise en question. L’environnement toxique qu’elle a créé a été réparé et la réintégrer détruirait tous les efforts et aurait des conséquences graves sur les activités.

363        À la question de savoir s’il aurait des préoccupations dans l’éventualité où la fonctionnaire était réintégrée, M. Brochez a répondu qu’il pouvait comprendre pourquoi les autres pourraient en avoir, même si ce n’était pas le cas pour lui. Il l’a décrite comme une personne qui avait des buts et qui était exigeante, qui ne tolérait personne qui n’avait pas la réponse dont elle avait besoin. Les autres anciens employés qui ont témoigné au sujet de leur relation avec la fonctionnaire ont repris les commentaires de M. Brochez.

364        La fonctionnaire a déclaré que la façon dont elle a été licenciée était [traduction] « extrêmement traumatisante » et que la façon dont elle a été traitée était [traduction] « choquante ». Elle n’a toujours pas dit à sa mère que tout cela est arrivé. Malgré le fait qu’elle a postulé un certain nombre d’emplois, elle n’a pas réussi, au moment de l’audience, a trouvé un autre emploi. Elle n’a même pas obtenu d’entrevue. Elle n’était pas admissible à l’assurance-emploi parce qu’elle a été licenciée pour un motif valable. Elle n’a pas pu faire partie de l’enquête sur la mine Mount Poley auprès d’autres organismes, car elle devait abandonner son grief contre l’employeur. Au moment de l’audience, elle travaillait à l’occasion comme huissière des services judiciaires.

365        La fonctionnaire a déclaré qu’elle est passée du statut d’une employée appréciée de 22 ans de services auprès de l’employeur à rien du tout. Elle veut récupérer son poste pour pouvoir terminer les 10 ans et 11 mois dont elle a besoin pour avoir droit à sa retraite. Bien qu’elle ait déjà été une fonctionnaire dévouée, elle a déclaré qu’elle n’est [traduction] « maintenant plus rien ». Elle n’enfile plus son uniforme tous les jours; elle a déclaré qu’auparavant, elle [traduction] « protégeait l’environnement et le rendait sécuritaire pour tout le monde ».

366        La fonctionnaire a assuré à la Commission qu’elle pouvait reprendre une relation de travail fonctionnelle avec M. Goluza. Elle a dit qu’elle avait toujours des préoccupations quant à sa sécurité personnelle en ce qui concerne M. Russell, mais qu’elle est disposée à collaborer avec l’employeur pour les aborder. Elle ne voit aucune raison pour abandonner sa carrière simplement parce qu’elle a exprimé ses craintes de M. Russell.

367        La fonctionnaire a déclaré qu’au départ, elle avait des relations personnelles étroites avec Mme Graca et Mme Portman qui ont duré jusqu’à ce que M. Goluza divise l’équipe en trois. Leurs relations étaient bonnes lorsqu’elles avaient des priorités et des projets communs en matière d’application de la loi.

368        Sa relation avec Mme Portman n’a par ailleurs pas été étroite, la fonctionnaire a trouvé que travailler avec elle était difficile, comme le démontrent les courriels (pièces 24 et 29). Elle n’a pas apprécié que Mme Portman soumette leur désaccord à M. Goluza, qui portait sur la tenue que devaient porter leurs agents au moment de signifier des mandats. Elle a admis avoir dit à Mme Portman de cesser de lui envoyer des courriels et d’avoir masqué ses courriels (même si elle a dit qu’elle n’avait jamais appliqué cette règle). Elle a également envisagé d’envoyer certaines des tenues de Barbie de sa fille à Mme Portman pour qu’elle songe à des tenues éventuelles pour signifier des mandats. Au bout du compte, elle a présenté ses excuses pour ses actions, ce dont elle a témoigné (pièce 26). L’échange de courriels indique le niveau de frustration quant au défaut de Mme Portman de prendre l’initiative de diriger son équipe.

IV. Résumé de l’argumentation pour le grief

A. Pour l’employeur

369        La fonctionnaire a été licenciée pour inconduite après des enquêtes sur le harcèlement et l’inconduite. L’enquête sur le harcèlement a conclu qu’elle avait harcelé un employé subalterne en agissant d’une manière dont elle savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait offenser ou causer préjudice. L’enquêteuse a conclu à l’existence d’un comportement qui a des effets durables sur l’employé.

370        L’enquête subséquente sur l’inconduite a démontré que la fonctionnaire avait continué d’agir de façon inadéquate envers M. Russell et ses propres gestionnaires durant le processus de plainte de harcèlement. Elle a fait preuve d’insubordination et de manque de respect et a exercé des représailles à l’encontre de M. Russell.

371        Ses actions ne se justifient pas par sa crainte de M. Russell. Une enquête distincte sur la violence dans le lieu de travail a permis de conclure qu’il n’y avait aucun risque pour sa sécurité personnelle.

372        La direction a licencié la fonctionnaire en raison de son inconduite. Jusqu’à la tenue de l’audience, elle a soutenu que ses actions étaient justifiées et appropriées. Au moment où l’audience a pris fin, elle a présenté des excuses limitées et partielles pour certaines d’entre elles. Toutefois, elle a continué de faire preuve d’une grave absence d’introspection sur l’importance de ses actions et leur effet sur les autres. Le lien de confiance a été irrémédiablement rompu, et elle a démontré qu’elle ne pouvait pas occuper un poste de gestion. La décision de la licencier était raisonnable et elle ne doit pas être modifiée.

373        La fonctionnaire était une gestionnaire des opérations à la Direction de l’application de la loi en environnement de l’employeur. Elle supervisait une équipe d’agents de l’autorité à Nanaimo et à Vancouver (pièce 5, onglet 1). À ce titre, elle-même et ses employés portaient le statut d’agent de la paix.

374        En janvier 2014, M. Russell, un agent de l’autorité qui relevait de la fonctionnaire, a déposé une plainte dans laquelle il alléguait qu’elle l’avait harcelé (pièce 5, onglet 22). Elle a appris l’existence des allégations (pièce 5, onglet 23). En juillet 2014, l’employeur a embauché une enquêteuse sur le harcèlement externe pour faire enquête sur les allégations. En décembre 2014, l’enquêteuse a remis aux parties un rapport préliminaire portant sur les allégations (pièce 5, onglet 26). Par la suite, un litige est survenu entre la fonctionnaire et le coordonnateur ministériel de la lutte contre le harcèlement quant à l’accès aux commentaires de M. Russell dans le rapport préliminaire. La fonctionnaire a déposé un grief contre la décision du coordonnateur de ne pas communiquer les renseignements (pièce 5, onglet 30).

375        Le 2 avril 2015, la fonctionnaire a été avisée que le rapport final avait été remis au responsable de la mise en application de la loi, M. Owen, en sa qualité de gestionnaire délégué en vertu de la « Politique sur le harcèlement », pour examen (pièce 5, onglet 29). Le 3 avril 2015, l’avocat de la fonctionnaire a écrit à l’employeur, alléguant que M. Russell représentait un risque pour la sécurité de la fonctionnaire et exigeant qu’une enquête sur la violence dans le lieu de travail soit menée en vertu de la partie XX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (DORS/86-304). La lettre se poursuit en suggérant que M. Russell subisse une évaluation psychologique et que si un risque est trouvé, il soit retiré du lieu de travail et placé sous surveillance (pièce 5, onglet 3, page 2).

376        Le 11 avril 2015, la fonctionnaire a été avisée que le rapport final sur le harcèlement serait communiqué le lundi 13 avril suivant. Il a été communiqué cette journée-là. L’enquêteuse a jugé que quatre allégations de harcèlement étaient fondées, et le gestionnaire délégué, M. Owen, a accepté ces constatations. Voici les allégations fondées :

[Traduction]

  1. La fonctionnaire a utilisé un langage désobligeant pour suggérer que M. Russell avait obtenu sa mutation au moyen d’un traitement préférentiel ou de manière non transparente, c’est-à-dire grâce au « club des vieux copains ».
  2. Elle a exclu M. Russell d’une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse en équipe sans raison valide, en fonction de son refus d’accepter un certificat d’aptitude au travail de son médecin traitant ou de sa crainte personnelle à son égard, comme elle l’a exprimé à MM. Leeden et Brochez.
  3. Elle a modifié le cours de formation de sauvetage en eaux vives de M. Russell sans l’aviser, manifestement selon une date d’échéance de travail arbitraire, dont elle ne l’avait pas non plus avisé.
  4. Elle a initialement refusé de permettre à M. Russell de modifier la date et le lieu d’un cours de formation, répondant à sa demande de manière belliqueuse et, après avoir consulté les Relations de travail, elle lui a permis de modifier le lieu du cours, mais elle a répondu d’une manière inutilement compliquée.

377        L’enquêteuse a en outre découvert que la fonctionnaire avait agi de façon abusive lorsqu’elle avait manifesté des préoccupations en matière de sécurité au sujet de M. Russell à un autre employé, le coordonnateur à la formation et à l’apprentissage de l’employeur, durant une séance de formation en équipe. L’enquêteuse a considéré que l’effet d’un gestionnaire qui exprime des préoccupations en matière de sécurité à un employé qui n’est pas une gestionnaire était la violation la plus grave découverte durant son enquête, mais elle ne relevait pas de son mandat. En outre, M. Russell ne savait pas que cet incident s’était produit (pièce 2, onglet 9, page 3).

378        Après que le rapport d’enquête sur le harcèlement a été communiqué et après avoir reçu la lettre de l’avocat de la fonctionnaire, l’employeur a entrepris une enquête sur la violence dans le lieu de travail le 23 avril 2015 afin de déterminer si les préoccupations de la fonctionnaire quant à sa sécurité personnelle à l’égard de M. Russell étaient fondées. Le mandat désignait M. Leek comme une « personne compétente » en vertu de la partie XX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail.

379        Après le comportement de la fonctionnaire à la rencontre de l’équipe de direction régionale le 11 mai 2015, alors qu’elle a allégué que M. Goluza était intervenu dans l’enquête sur la violence dans le lieu de travail et en fonction des préoccupations de l’employeur selon lesquelles elle avait agi de façon inadéquate envers M. Russell et la direction de façon continue, la direction a entrepris une enquête de recherche de faits le 11 mai 2015. L’employeur a demandé à Mme Meroni de faire enquête sur les allégations d’actes répréhensibles.

380        Le 14 août 2015, après avoir examiné les renseignements, y compris la réponse de la fonctionnaire aux allégations d’inconduite formulées contre elle, Mme Meroni, la directrice générale de l’Application de la loi en environnement à l’époque, a conclu que les allégations étaient fondées, sur les aspects suivants :

  • La fonctionnaire a influencé un témoin à l’enquête sur le harcèlement en suggérant qu’elle était au courant de son témoignage et qu’elle en était mécontente.
  • Elle a utilisé de façon incorrecte PeopleSoft pour examiner les transactions en matière de congé de M. Russell au moment où il ne relevait pas d’elle et alors qu’ils étaient séparés du point de vue administratif en raison de l’enquête sur le harcèlement.
  • Elle a abusé de son poste et a agi de façon répréhensible en suspendant l’accès de M. Russell aux bureaux de l’employeur sur la rue Burrard en prévision de la communication du rapport d’enquête sur le harcèlement.
  • Elle a répondu de façon irrespectueuse lorsque M. Goluza, son directeur, lui a reproché d’avoir suspendu l’accès de M. Russell à l’immeuble.
  • Elle a désigné un conseiller des Relations de travail comme sa personne-ressource pendant son absence du travail d’une façon irrespectueuse et non professionnelle.
  • Elle a formulé de fausses allégations en présence d’autres membres de l’équipe de direction selon lesquelles M. Goluza était intervenu dans l’enquête sur la violence dans le lieu de travail alors en cours.
  • Elle a fait preuve d’insubordination en entamant une enquête de recherche de faits au sujet d’un conflit opposant M. Russell à un autre employé du bureau de Nanaimo, malgré son arrangement de séparation avec M. Russell et les directives précises de M. Goluza de ne pas en entreprendre.

381        Le 3 septembre 2015, M. Leek a terminé le rapport d’enquête sur la violence dans le lieu de travail. Il a conclu que M. Russell avait commis un acte de violence dans le lieu de travail en formulant des déclarations déplacées par téléphone à son superviseur, M. Krahn, qui n’était pas la fonctionnaire. L’enquête a permis de conclure que M. Russell ne présentait aucune menace précise pour la sécurité personnelle de la fonctionnaire ou celle de tout autre employé. M. Leek s’est préoccupé du fait que la fonctionnaire avait poussé M. Russell à agir de façon déplacée. Le rapport recommandait également certaines mesures administratives afin d’accroître la sécurité physique de la fonctionnaire au bureau (pièce 30, paragraphes 26 et 27 et l’annexe).

382        Le 1er octobre 2015, après un examen de chacun des trois rapports d’enquête (le rapport d’enquête sur le harcèlement, le rapport de Mme Meroni et le rapport de M. Leek) et après avoir rencontré la fonctionnaire pour entendre sa réponse au rapport sur le harcèlement et celui de Mme Meroni, le responsable de la mise en application de la loi a mis fin à l’emploi de la fonctionnaire (pièce 6, onglet 72) au motif qu’elle aurait commis quatre actes de harcèlement qui avaient pour but de dénigrer et de rabaisser M. Russell. De plus, on a conclu qu’elle avait abusé de son pouvoir et avait manifesté un manque de respect envers l’autorité de l’employeur. M. Owen a conclu qu’elle avait contrevenu au code de valeurs et d’éthique de l’employeur et que la relation de confiance entre ce dernier et l’employée avait été irrémédiablement rompue.

383        Les allégations fondées d’actes répréhensibles commis par la fonctionnaire établissaient un comportement d’insubordination grave. Confrontée aux allégations de harcèlement, elle a exercé des représailles contre M. Russell et d’autres personnes qui, selon son point de vue, agissaient contre ses intérêts. Elle a systématiquement nié avoir posé tout geste répréhensible jusqu’à ce qu’elle reconnaisse de façon limitée et partielle sa responsabilité, ce qu’elle a fait aux dernières étapes de l’audience. Elle continue de démontrer une absence d’introspection pour les conséquences de ses actions sur M. Russell.

384        L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que la fonctionnaire était coupable de quatre actes de harcèlement contre M. Russell, soit qu’elle a formulé des commentaires sur le fait qu’il a été embauché grâce au [traduction] « club des vieux copains », qu’elle l’a privé à tort du droit de participer à une pratique régionale sur le maniement d’un fusil de chasse, qu’elle a reporté de façon arbitraire et sans consultation son cours de formation de sauvetage en eaux vives et qu’elle a déraisonnablement refusé sa demande de reporter sa formation pour qu’il puisse la suivre à Vancouver plutôt que de se déplacer pour la suivre. Le bien-fondé de chaque conclusion sera examiné séparément.

1. Première allégation de harcèlement : Le [traduction] « club des vieux copains »

385        M. Russell a été muté de Prince George à Nanaimo en 2009 par l’ancienne direction. L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que la fonctionnaire, d’une manière qui se voulait désobligeante, avait utilisé un langage selon lequel il avait obtenu son poste à Nanaimo grâce au [traduction] « club des vieux copains » et à une [traduction] « entente à huis clos ».

386        La fonctionnaire a nié avoir formulé un tel commentaire. Dans son témoignage à l’audience, elle a soutenu qu’elle avait bien compris que la mutation était une option de dotation légitime et que tout commentaire qu’elle avait fait était destiné à assurer la transparence future des mesures de dotation qu’elle mènerait, par opposition aux demandes de renseignements de M. Russell au sujet de l’embauche d’une de ses connaissances au Conservation Officer Service de la Colombie-Britannique.

387        La plainte de M. Russell quant à un commentaire déplacé a été corroborée en preuve par MM. Fraser et Brochez. Les deux ont confirmé à l’enquêteuse sur le harcèlement ainsi que dans leur témoignage verbal que la fonctionnaire avait fait ce commentaire ou un commentaire semblable au sujet de la mutation de M. Russell et du manque de transparence dans les processus de dotation passés. De plus, M. Leeden a dit qu’il n’avait pas entendu ce commentaire exact, mais il a confirmé que la fonctionnaire avait indiqué que les futures mesures de dotation devraient être transparentes, contrairement à ce qui est arrivé dans le passé (pièce 5, onglet 41, page 4).

388        De plus, la fonctionnaire a reconnu qu’elle avait déclaré qu’elle souhaitait assurer la transparence des processus futurs. Elle a dit à l’enquêteuse qu’elle pouvait avoir déclaré qu’elle s’attendait à de la transparence et qu’il n’y aurait plus d’entente à huis clos; cependant, ses commentaires ne visaient pas M. Russell (pièce 5, onglet 41, paragraphe 13). À l’audience, elle a répété qu’elle croyait qu’une mutation sans processus de sélection annoncé manquait de transparence. À l’opposé, en 2015, elle s’est renseignée sur le caractère approprié de muter un agent du Conservation Officer Service de la Colombie-Britannique auprès de M. Goluza (pièce 60), ce qui était essentiellement ce qu’avait demandé M. Russell.

2. Deuxième allégation de harcèlement : La pratique sur le maniement d’un fusil de chasse 

389        L’enquêteuse a conclu que la fonctionnaire avait exclu M. Russell d’une pratique de tir de l’équipe sans raison valide, ce qui a eu une incidence négative sur lui puisque cette décision a eu des conséquences potentielles en matière de sécurité, a reporté le renouvellement de son accréditation et a amplifié son sentiment d’exclusion et d’isolement de l’équipe lorsqu’il est revenu au travail après une période de maladie.

390        L’enquêteuse a noté que la fonctionnaire n’avait pas de raison valide pour contester le certificat d’aptitude au travail de M. Russell. Rien dans la preuve n’indique qu’elle a réellement fait un suivi pour obtenir plus de renseignements sur son aptitude au travail, et elle a formulé des commentaires à MM. Leeden et Brochez suggérant qu’il était exclu en raison de préoccupations en matière de sécurité personnelle et non pour une autre raison. La crédibilité de cette explication a été corroborée par des déclarations qu’elle a faites quelques semaines plus tard au coordonnateur à la formation et l’apprentissage de l’employeur (pièce 5, onglet 41, pages 30 à 34; en particulier les paragraphes 229 et 230).

391        Après le fait, y compris à l’audience, la fonctionnaire a fourni deux justifications de sa décision d’exclure M. Russell de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse. D’abord, elle a déclaré que ses actions représentaient une gestion prudente d’un employé qui revenait d’un long congé lié au stress. Ensuite, M. Russell ne respectait pas les exigences de la directive sur le maniement des armes à feu dans le cadre de ses fonctions et il n’aurait donc pas été autorisé à y participer.

392        L’explication selon laquelle le certificat médical de M. Russell était inadéquat et qu’il nécessitait d’autres explications n’est pas raisonnable pour plusieurs raisons. D’abord, la note fournie par le médecin de M. Russell répond clairement aux questions de l’employeur. Le médecin a indiqué avoir examiné tous les renseignements dont il disposait et avoir conclu que M. Russell était apte au travail (pièce 5, onglet 9). Lorsqu’une mesure d’adaptation n’est pas requise et que l’aptitude au travail n’est pas remise en question, l’employeur n’a pas droit à d’autres renseignements médicaux, et aucun autre renseignement n’était nécessaire pour répondre à la question. La jurisprudence indique clairement que le droit de l’employeur d’exiger des renseignements médicaux est exceptionnel et qu’il est strictement limité par le droit à la vie privée des employés (voir Canada (Procureur général) c. Grover, 2007 CF 28, aux paragr. 66 à 70).

393        La préférence de la fonctionnaire pour plus de renseignements, y compris une évaluation psychologique, n’était pas justifiable dans les circonstances. De plus, bien qu’elle ait affirmé que le médecin M. Russell travaillait dans une clinique sans rendez-vous d’un centre commercial, M. Russell a déclaré que même si le cabinet de son médecin était situé dans une telle clinique, il avait une relation régulière et continue avec ce médecin depuis 2012.

394        Ensuite, l’enquêteuse sur le harcèlement a noté que la fonctionnaire n’avait pas fait d’autre suivi sur son intérêt à obtenir plus de renseignements. Elle a admis dans son témoignage que le conseiller en relations de travail avec qui elle avait communiqué le jour où elle avait reçu la note médicale l’avait informée qu’il n’y avait pas matière à faire d’autres examens, que la note devrait être acceptée telle quelle et que M. Russell devrait être autorisé à reprendre ses fonctions, sans restrictions médicales.

395        M. Goluza a déclaré qu’à son avis, la note du médecin suffisait. La fonctionnaire a déclaré qu’elle croyait qu’une autre consultation avec M. Goluza était nécessaire. Rien dans la preuve n’indique si cela est arrivé, mais la preuve a révélé qu’elle s’est dite frustrée que M. Goluza ait fait [traduction] « tout ce que les Relations de travail lui ont dit » et qu’il ne pouvait plus y avoir de suivi avec M. Russell et son médecin.

396        Troisièmement, l’explication selon laquelle M. Russell avait besoin d’une autre accréditation avant de pouvoir participer à une pratique sur le maniement d’un fusil de chasse était une explication après coup qui était incompatible avec les interprétations raisonnables de la politique, de la pratique réelle et de la preuve documentaire. M. Bell a déclaré que la pratique régulière faisait partie intégrante du processus d’accréditation requise par la directive sur le maniement des armes à feu et que l’accréditation était une exigence avant que les agents puissent manier une arme à feu sur le terrain (pièce 21, paragraphe 55), et non avant qu’ils participent aux pratiques visant à améliorer leurs compétences et leurs connaissances. La preuve révèle également que les armes à feu du ministère doivent être maniées de façon à obtenir l’accréditation (pièce 61) et que la pratique fait partie du continuum de formation (pièce 21, paragraphe 27).

397        M. Russell connaissait bien l’usage des armes à feu et il avait beaucoup utilisé d’armes à feu personnelles et du ministère avant la mise en œuvre des nouveaux engagements de politique et de la formation normalisée. De plus, en avril 2012, la fonctionnaire a approuvé le fait que MM. Russell et Fraser se joignent à des clubs de tirs locaux pour maintenir leur qualification sur le maniement d’armes à feu du ministère (pièce 5, onglet 6). Une telle approbation est illogique et incompatible avec sa croyance énoncée selon laquelle M. Russell n’était pas autorisé à manier les armes à feu du ministère.

398        Enfin, la fonctionnaire a déclaré qu’elle ne croyait pas que l’exclusion de M. Russell de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse aurait des conséquences durables sur lui. Elle a dit qu’il a pu renouveler son accréditation dans un délai de six mois et qu’il a été tenu à l’écart du terrain alors qu’il travaillait à son plan de travail. Toutefois, une telle déclaration ne reconnaît pas les effets psychologiques durables sur lui en raison de son exclusion de l’équipe. Selon la preuve au dossier, il a été de plus en plus isolé et il n’avait plus confiance en ses collègues puisque le conflit avec la fonctionnaire a évolué et pris de l’ampleur.

3. Troisième allégation de harcèlement : Cours de formation de sauvetage en eaux vives

399        L’enquête sur le harcèlement a permis de conclure que la fonctionnaire a communiqué de façon répréhensible avec le fournisseur du cours de formation de sauvetage en eaux vives, Raven Rescue, pour reporter ce cours afin de modifier un délai de travail arbitraire dont M. Russell n’était pas au courant (pièce 5, onglet 41, paragraphes 303 à 306). Elle a reconnu qu’elle avait communiqué avec Raven Rescue afin de discuter du cours en question, mais elle a assuré qu’elle n’avait pas demandé à reporter le cours. Elle a insisté pour dire qu’elle avait seulement posé des questions sur les options, qu’elle avait l’intention d’examiner plus tard avec M. Russell. De plus, elle a soutenu que le délai de travail n’était pas arbitraire; elle voulait faciliter la tâche à M. Russell pour qu’il se rende à l’usine Harmac de façon à faire enquête dès que possible et à mener des entrevues en personne avec le personnel avant que les souvenirs s’effacent. De plus, elle craignait que M. Russell reporte l’enquête, selon des préoccupations passées sur son rendement au travail.

400        L’explication de la fonctionnaire ne semble pas probable, selon la prépondérance des probabilités, quand on la compare à la preuve documentaire. Tout d’abord, les courriels entre elle-même et M. Russell indiquent clairement les discussions portant sur l’enquête visant l’usine Harmac. Dans leur échange, il indique qu’il ne croit pas que la preuve physique sera toujours disponible au site de déversement et qu’il aimerait faire plus de recherche sur les antécédents; cependant, il s’y rendrait vu qu’elle le lui demandait.

401        La fonctionnaire n’a pas répondu au message de M. Russell, elle a plutôt communiqué avec Raven Rescue, ce qui a déclenché une série d’événements (pièce 5, onglet 17). Elle a déclaré qu’elle tentait d’établir un équilibre entre les priorités de travail, l’intention énoncée de M. Russell de prendre congé pour aller à la chasse, l’emplacement de la formation et la froide température à venir, qui pouvait ne pas convenir à la formation. Elle a déclaré qu’elle croyait que Raven Rescue aurait répondu en fournissant une demi-douzaine d’options. Toutefois, lorsque M. Russell a demandé à Raven Rescue d’expliquer pourquoi son cours avait été modifié, l’explication qu’elle avait donnée à ce moment justifiait simplement la raison pour laquelle le changement était nécessaire, en raison du travail et des priorités personnelles (pièce 5, onglets 18 et 19). Elle n’a fait aucune suggestion selon laquelle le changement était imprévu ou qu’elle avait tenté de confirmer si le moment convenait. Elle n’a pas fait de suivi auprès de Raven Rescue pour déterminer si d’autres options relatives au cours convenaient.

402        La possibilité que Raven Rescue prenne une décision unilatérale pour équilibrer cette priorité semble improbable. Même si elle est acceptée à première vue, l’explication de la fonctionnaire confirme qu’elle a communiqué avec Raven Rescue pour envisager un changement de cours sans informer M. Russell de son intention, qu’elle l’a fait sans lui dire qu’il était nécessaire de changer le cours et qu’elle ne lui a même pas dit sa préférence quant au moment de l’enquête à l’usine Harmac, alors qu’il lui avait clairement demandé ses préférences dans leur échange de courriels le même après-midi.

403        En outre, la fonctionnaire a nié qu’elle croyait que son action correspondait à du harcèlement, qu’un retard d’un mois à suivre le cours ait une incidence durable sur la carrière de M. Russell ou que ses actions ont eu un effet psychologique sur lui. M. Owen, à titre de gestionnaire délégué responsable de la politique sur la prévention du harcèlement, a déclaré ce qui suit dans son témoignage verbal : [traduction] « Je ne crois pas que le préjudice découle du report d’un cours, mais bien de son fait à elle. Le fait qu’elle l’ait changé sans lui dire était humiliant pour lui. » Le fait de suggérer que les conséquences de ses actions sont limitées au délai d’un mois de la formation suggère qu’elle ne comprend pas l’importance de ses actions en tant que gestionnaire à l’égard de ses employés subalternes.

4. Quatrième allégation de harcèlement : Cours de gestion de projet

404        L’enquêteuse sur le harcèlement a conclu que la fonctionnaire avait inutilement et arbitrairement refusé la demande de M. Russell de modifier les dates et l’emplacement d’un cours de formation facultatif, avait transmis la question aux Relations travail dans un courriel belliqueux puis avait fourni une réponse compliquée à M. Russell pour finalement accepter sa demande originale (pièce 5, onglet 41, paragraphe 342). Comme pour le cours de formation de sauvetage en eaux vives, le fondement complet de cet échange est indiqué dans des courriels. Le témoignage des parties doit être évalué par rapport aux explications de leurs intentions et aux conséquences de leurs actions.

405        M. Russell et la fonctionnaire ont reconnu que la discussion à l’époque de l’élaboration de son plan d’apprentissage portait sur son intérêt manifesté pour trouver du travail ailleurs parce qu’il n’était pas satisfait de son environnement de travail. Il s’agit des objectifs de carrière qui ont été mentionnés plus tard et qu’elle souhaitait appuyer, selon elle. À ce titre, elle aurait raisonnablement dû comprendre que tous les échanges sur ce sujet étaient délicats.

406        Tant dans ses courriels que dans son témoignage, M. Russell a déclaré qu’il était intéressé à suivre le cours près de chez lui, ce qui économiserait temps et argent, et qu’il n’était pas très intéressé par le cours, mais qu’il le suivait en raison de l’insistance de la fonctionnaire. Il a déclaré qu’il aurait accepté n’importe quoi pour éviter cette réunion avec elle au cours de laquelle le plan d’apprentissage était examiné. Elle a dit qu’elle se préoccupait de tout délai par ce dernier à suivre le cours parce qu’elle craignait qu’il ne le suive pas comme il était convenu et qu’elle voulait qu’il suive les cours sur la gestion de projet et les entrevues de sélection dès que possible pour éviter qu’ils soient balayés sous le tapis.

407        Toutefois, étant donné sa préoccupation manifestée quant au coût et au temps de déplacement à ce moment, comme l’indique l’échange survenu quelques mois plus tôt quant au cours de formation sur le sauvetage en eaux vives ainsi que la proposition concrète de M. Russell de suivre le cours quelques mois plus tard à Vancouver, son explication semble incohérente. En outre, son propre témoignage, ainsi que toute interprétation raisonnable en découlant, suggère que la transmission de ces questions aux Relations de travail était un signal clair à l’intention de M. Russell qu’elle considérait leur échange comme étant problématique.

408        La fonctionnaire s’est clairement préparée à la bataille et, à ce titre, l’enquêteuse a raisonnablement conclu que son message était belliqueux. Sa réponse à M. Russell, après avoir consulté les Relations de travail, aurait dû être un simple énoncé du genre « allez-y, veuillez vous inscrire », mais il s’agissait plutôt d’un copier-coller obtus d’énoncés de politique qui a davantage compliqué l’affaire.

409        L’enquête de recherche de faits de Mme Meroni, qui a suivi l’enquête sur le harcèlement, a conclu que la fonctionnaire avait influencé un témoin à l’enquête sur le harcèlement et qu’elle avait contrevenu à ses obligations de confidentialité en parlant avec M. Fraser, en lui disant qu’elle avait examiné ses déclarations à l’enquêteuse et qu’elle était mécontente. Elle a carrément nié que cet échange a été tenu. M. Fraser a dit à Mme Meroni et à l’audience qu’il s’était produit. Lui-même et Mme Meroni ont présenté des notes contemporaines qui appuient leurs prétentions. De plus, M. Fraser a déclaré qu’il a rapporté les événements à l’enquêteuse sur le harcèlement peu de temps après qu’ils se seraient produits.

410        La fonctionnaire a fait valoir que les souvenirs de M. Fraser pouvaient être suspects, puisqu’il avait déjà eu des problèmes de santé mentale pour lesquels il avait dû demander un traitement médical. Toutefois, l’incident allégué a eu lieu au moment où M. Fraser venait de subir une évaluation de l’aptitude au travail et qu’il avait été jugé apte à reprendre toutes ses fonctions. Il est survenu durant une rencontre avec la fonctionnaire au cours de laquelle ils ont discuté de sa réintégration dans le lieu de travail. Les souvenirs de cet incident de M. Fraser étaient clairs et uniformes sur une période prolongée et doivent être considérés comme étant fiables.

411        L’enquête sur l’inconduite a conclu que la fonctionnaire avait eu accès de façon incorrecte au registre de congés de M. Russell dans PeopleSoft au moment où il ne relevait pas d’elle. Elle-même et M. Russell avaient été séparés durant l’enquête sur le harcèlement après son retour au travail d’un congé de maladie en mars 2014. Durant cette période, il relevait de M. Krahn; toutefois, elle est demeurée sa gestionnaire principale sur papier et son superviseur par défaut dans PeopleSoft. Lorsqu’il faisait des entrées dans PeopleSoft, M. Russell changeait manuellement le nom de son superviseur pour celui de M. Krahn avant de présenter ses demandes de congés (pièce 6, onglet 68, page 5). Cela signifiait que la fonctionnaire n’était pas tenue d’accomplir des fonctions de gestion en ce qui concerne ses congés dans PeopleSoft au moment où ils étaient séparés.

412        Malgré cela, la fonctionnaire a eu accès aux registres de congés de M. Russell afin de déterminer s’il était au travail le jour où il a rempli ses demandes d’AIPRP. Elle a ensuite fait parvenir un courriel à M. Goluza le 31 mars 2015 pour l’aviser qu’elle avait vérifié le statut de congé de M. Russell et qu’il n’était pas en congé cette journée-là (c’est-à-dire pour démontrer que M. Russell travaillait sur la plainte de harcèlement alors qu’il était au travail; pièce 5, onglet 32).

413        La fonctionnaire a soutenu qu’elle ne croyait pas avoir abusé du système; elle a plutôt affirmé qu’elle aidait M. Goluza et M. Krahn, en sa qualité de membre de l’équipe de direction, à gérer le cas de M. Russell. De plus, comme elle s’attendait à être complètement exonérée par l’enquête sur le harcèlement et à reprendre son rôle de gestionnaire à l’égard de M. Russell à la conclusion de l’enquête, elle était d’avis qu’elle avait un droit de savoir ce qu’il faisait durant ses heures de travail. À ce titre, toute utilisation du système PeopleSoft devait être à des fins liées au travail et non pour avancer un intérêt personnel.

414        La fonctionnaire a affirmé que M. Goluza avait toléré ces actions. En particulier, elle avait eu accès aux registres de transactions de congés de M. Russell une fois auparavant et en avait fait part à M. Goluza; il ne lui avait pas dit que c’était incorrect. Ainsi, elle a affirmé que sa conduite était tolérée, si ce n’est attendue. Toutefois, les parties étaient séparées après le dépôt de la plainte de harcèlement et pendant la période de l’enquête. Les instructions qu’elle a reçues quant à la séparation n’étaient pas ambiguës et elle avait auparavant pris des mesures pour s’assurer que M. Russell ne participe pas à ses activités d’équipe (pièce 5, onglet 64, pièce jointe 36). En outre, la tolérance exige que la direction comprenne clairement le comportement déplacé (voir Chopra c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2016 CRTEFP 89, au paragr. 83).

415        Le premier courriel envoyé à M. Goluza était au mieux ambigu. En janvier 2015, la fonctionnaire a écrit ce qui suit : [traduction] « oui, j’ai depuis vérifié qu’il a utilisé son crédit de congé unique » (pièce 5, onglet 27). Cela contraste avec ce qu’elle a écrit en mars 2015 : [traduction] « j’ai vérifié dans le système de congés en ligne que M. Russell n’était pas en congé cette journée-là » (pièce 5, onglet 32). De plus, dans son témoignage verbal, M. Goluza a déclaré que ses commentaires du mois de janvier faisaient partie d’un message plus important transmettant plusieurs préoccupations, alors que l’unique point de vue du courriel du mois de mars visait à indiquer qu’il avait conclu que M. Russell travaillait sur la plainte alors qu’il se trouvait au bureau.

416        L’enquête sur l’inconduite a également permis de conclure que la fonctionnaire avait pris des mesures de gestion incorrectes à l’égard de M. Russell alors qu’il ne relevait pas d’elle en demandant au service de sécurité de l’immeuble de lui retirer sa carte d’accès aux bureaux de la rue Burrard de l’employeur. Le 12 avril 2015, la fonctionnaire a fait parvenir un courriel à la gestionnaire de la sécurité régionale pour lui demander que l’accès à l’immeuble de M. Russell soit annulé (pièce 5, onglet 37). L’enquête sur l’inconduite a conclu qu’elle n’avait pas de pouvoir de gestionnaire et qu’en utilisant son bloc-signature de courriel de gestionnaire, elle a abusé de son poste pour mettre en œuvre une décision de gestion qui ne relevait pas d’elle.

417        La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’a pas abusé de son poste, que son bloc-signature de courriel figure dans tous ses courriels sortants et qu’elle a simplement pris une mesure raisonnable pour se protéger, ainsi que les agents, de M. Russell. De plus, elle a noté que M. Goluza était à l’extérieur du bureau à ce moment et que lorsqu’elle l’avait consulté plus tard, il avait accepté de suspendre l’accès de M. Russell à l’immeuble pour une semaine (pièce 6, onglet 68, page 4).

418        L’explication de la fonctionnaire a peu de sens selon le contexte. Elle a envoyé le message à la gestionnaire de la sécurité alors qu’elle n’était plus la gestionnaire de M. Russell (voir, par exemple, la pièce 6, onglet 64, pièce jointe 36). En outre, M. Goluza lui avait présenté plusieurs options pour aborder ses préoccupations en matière de sécurité autres que la restriction de l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard. Elle avait reçu un préavis de la communication du rapport d’enquête sur le harcèlement à sa demande, avait été autorisée à travailler de la maison et avait un droit de refuser du travail non sécuritaire en vertu du CCT.

419        Au bout du compte, elle avait pris un congé de maladie et n’était pas au bureau durant la semaine en question (pièce 6, onglet 78). De plus, son histoire avec M. Goluza démontre qu’il pouvait être joint sur son BlackBerry et qu’il appuyait ses préoccupations à l’égard de M. Russell et pour sa sécurité personnelle (par exemple, durant la formation sur les tactiques de défense personnelle, il l’a pris à part pour discuter de ses préoccupations puis a dirigé le travail de groupe directement avec elle. Elle a fait parvenir un courriel à la gestionnaire de la sécurité pendant une fin de semaine; elle aurait plutôt dû tenter de soulever ses préoccupations avec M. Goluza avant de transmettre la question directement à la Sécurité.

420        L’explication de la fonctionnaire selon laquelle elle n’agissait pas comme gestionnaire n’est pas plausible. Elle savait que seul le gestionnaire d’un employé avait le pouvoir de faire une telle demande. Elle connaissait bien les obligations de séparation entre elle-même et M. Russell, mais par-dessus tout, elle savait que le processus de harcèlement est confidentiel et que les autres parties, comme la gestionnaire de la sécurité, sauraient peu de choses sur l’arrangement, voire rien du tout. À ce titre, elle aurait dû raisonnablement savoir que la gestionnaire de la sécurité aurait compris que sa demande était autorisée et qu’elle provenait de la direction.

421        En effet, plus tard, la gestionnaire de la sécurité a informé M. Goluza qu’elle s’attendait à ce que la décision soit approuvée par lui (pièce 5, onglet 38). De toute évidence, M. Goluza offrait son soutien et il était facilement accessible.

422        En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu qu’elle croyait avoir une meilleure connaissance de la situation quant au risque présenté par M. Russell selon ses années de travail avec lui et son examen de la plainte de harcèlement, que M. Goluza n’avait jamais vue.

423        La fonctionnaire a fait preuve d’un comportement constant et déraisonnable en tentant de limiter l’accès de M. Russell à l’immeuble, même en sachant que cela lui attirerait des ennuis. On peut l’observer dans ses demandes répétées à M. Leek de limiter l’accès de M. Russell à l’immeuble (voir le témoignage de M. Leek et la pièce 4, onglet 39, annexe A, page 16), ses demandes à M. Engelmann, les lettres de son avocat (pièce 5, onglet 33) et les déclarations de la gestionnaire de la sécurité, Mme Carrière, à Mme Meroni selon lesquelles la fonctionnaire semblait fâchée que M. Goluza ait autorisé seulement une suspension d’une semaine de l’accès de M. Russell à l’immeuble malgré l’incapacité de la fonctionnaire à déterminer la menace précise qu’il représentait (pièce 6, onglet 68, page 3). De plus, Mme Meroni considérait que le défaut de la fonctionnaire de consulter M. Goluza ou même de l’aviser après le fait de ses actions, combiné à la réponse qu’elle a fait parvenir à ce dernier le 13 avril 2015 à son ordre de [traduction] « […] ne pas consulter le dossier personnel d’une personne qui ne relève pas [d’elle] » (pièce 5, onglet 38) était irrespectueux envers la direction (pièce 6, onglet 68, page 16).

424        Durant une période de congé de maladie qui a commencé le 13 avril 2015 (c.-à-d. le même jour où le rapport de harcèlement devait être communiqué et où M. Goluza a autorisé une suspension d’une semaine de l’accès de M. Russell au bureau de la rue Burrard), la fonctionnaire a installé un message d’absence du bureau demandant aux destinataires de communiquer avec M. Gilliéron, un conseiller en relations de travail (pièce 5, onglet 40). À l’audience, elle l’a admis et a déclaré que c’était déplacé et immature et qu’elle regrettait de l’avoir fait. Ses excuses et ses regrets à l’audience doivent être compris dans le contexte de son mépris manifeste pour M. Gilliéron et ses protestations selon lesquelles M. Goluza [traduction] « ferait tout ce que Dominique lui disait de faire ». Elle avait déjà demandé le retrait de M. Gilliéron comme conseiller chargé de lui fournir des conseils, selon le témoignage de M. Engelmann; elle avait fait des commentaires négatifs à M. Goluza et à M. Leek au sujet de M. Gilliéron; et elle lui avait adressé directement des commentaires passifs-agressifs (pièce 5, onglet 64, pièce jointe 14).

425        Bien que la fonctionnaire ait nié toute incidence de ses actions, le témoignage de M. Goluza, tant à l’audience que celui fourni à Mme Meroni, démontrait que les autres employés de sa section recevaient le message d’absence du bureau de la fonctionnaire, le trouvaient étrange et préoccupant et l’ont porté à son attention. Selon lui, le message transmis aux autres employés était inacceptable. En outre, étant donné que la fonctionnaire avait un rôle de gestionnaire responsable des communications avec les organismes extérieurs, y compris les autorités provinciales et le Service des poursuites pénales du Canada, ses actions pouvaient avoir des conséquences, tant pour ce qui est de la transmission d’un message qui pouvait nuire à l’organisation ou qui aurait pu entraîner une violation de la sécurité, dans l’éventualité où des documents liés à l’application de la loi étaient transmis à un employé de la Direction générale des ressources humaines.

426        Enfin, les regrets de la fonctionnaire manifestés à l’audience sur cette question contrastent nettement avec son témoignage fourni à Mme Meroni suggérant que M. Gilliéron était la personne tout à fait appropriée à utiliser dans le cadre d’un message d’absence du bureau (pièce 6, onglet 68, page 11 et onglet 64, page 15). Elle a soutenu cette position jusqu’à l’audience. En outre, son avocat a répété à l’audience qu’elle n’avait rien fait de mal. Son admission de culpabilité à cet égard n’est venue qu’après six semaines de témoignages à l’audience.

427        L’enquête sur l’inconduite a permis de conclure que la fonctionnaire avait agi de façon irrespectueuse pendant une réunion de l’équipe de direction régionale envers M. Goluza devant d’autres membres de son équipe de direction. Il a déclaré qu’elle suggérait qu’il avait influencé à tort un agent pour qu’il ne participe pas à l’enquête sur la violence dans le lieu de travail et qu’il ne prenait pas la sécurité des employés au sérieux. Lorsque M. Goluza l’a confrontée au sujet de son commentaire, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne vous accuse pas, mais j’invoque une rumeur […] » (pièce 5, onglets 48 et 50).

428        Même à l’audience, la fonctionnaire a soutenu qu’elle n’avait pas affirmé que M. Goluza avait agi de façon incorrecte, mais a plutôt parlé de l’enquête et du fait qu’un agent précis pouvait être intervenu et que, selon son témoignage, M. Goluza lui a [traduction] « lancé un regard noir » (pièce 6, onglet 64, page 18). Elle soutient qu’elle lui a dit en personne après la rencontre qu’elle [traduction] « ne l’accusait pas », mais qu’elle cherchait à clarifier ce qui était arrivé pendant l’enquête sur la violence dans le lieu de travail. Le compte rendu de M. Goluza a été corroboré par les témoignages de Mme Portman et Mme Graca, qui ont répété des comptes rendus semblables de la réunion et qui ont produit des notes contemporaines indiquant que la fonctionnaire avait déclaré que M. Goluza avait influencé un témoin potentiel (pièce 5, onglet 46 et pièce 3, onglet 35).

429        À l’audience, la fonctionnaire a assumé une part de responsabilité pour cette allégation d’acte répréhensible puisqu’elle a admis qu’elle n’aurait pas dû parler de l’enquête en cours sur la violence dans le lieu de travail et qu’elle n’aurait pas dû remettre en question M. Goluza devant l’équipe. Cette explication est illogique étant donné qu’elle a continuellement nié avoir fait les déclarations blessantes. Elle a soutenu qu’elle n’avait pas dit que M. Goluza avait influencé un témoin ou qu’il ne prenait pas au sérieux les questions de sécurité, ce qui représente le nœud de l’allégation de manque de respect.

430        L’enquête sur l’inconduite a permis de conclure que la fonctionnaire avait agi de façon inadéquate en initiant une enquête de recherche de faits sur un conflit au bureau de Nanaimo entre M. Fraser et M. Russell après que M. Goluza lui ait ordonné de ne pas donner suite à une telle enquête. Elle l’a fait malgré l’ordre de se tenir à l’écart de M. Russell pour la durée du processus d’enquête sur le harcèlement et l’ordre précis de M. Goluza de ne pas participer elle-même à l’incident (pièce 5, onglet 42). En outre, elle a répondu à cet ordre de manière irrespectueuse en suggérant qu’elle allait de l’avant, qu’il ne prenait pas la chose au sérieux et qu’il prenait ses ordres des Ressources humaines (pièce 5, onglets 42 et 43).

431        À l’audience, la fonctionnaire a reconnu qu’elle avait agi de façon inadéquate parce que, selon ses mots, M. Goluza [traduction] « pouvait ne pas avoir tous les renseignements [qu’elle possédait] », mais qu’il [traduction] « était son agent supérieur », qu’elle aurait donc dû l’écouter. Encore une fois, ses regrets sont arrivés tardivement dans le processus. En outre, son commentaire était tellement partiel qu’il démontrait une grande absence d’introspection quant à l’inconvenance de ses actions. En dehors de sa réponse relevant de l’insubordination à M. Goluza, elle semblait ne pas du tout comprendre qu’elle n’aurait pas dû entreprendre une enquête de recherche de faits sur un conflit concernant M. Russell.

432        Le courriel de fin de journée du 11 mai 2015 de la fonctionnaire envoyé à M. Goluza suggérait qu’elle avait parlé à ses agents (MM. Fraser et Brochez) et que tout comportement déplacé était celui de M. Fraser et qu’il ne représentait pas du harcèlement (pièce 5, onglet 44). Toutefois, les courriels précédents (pièce 5, onglets 42 et 43) et sa réponse à l’enquête de recherche de faits de Mme Meroni (pièce 6, onglet 64, page 20) suggèrent qu’il n’est pas certain si M. Russell, M. Fraser ou les deux étaient à blâmer.

433        Il est déraisonnable à tous points de vue de suggérer que la fonctionnaire pouvait prendre des mesures à l’égard des allégations d’acte répréhensible, que M. Russell ait été le contrevenant ou simplement la cible de l’excès de colère d’une autre personne. L’acte répréhensible ne consistait pas seulement à avoir omis de tenir compte du conseil d’un cadre. Dans un contexte où la fonctionnaire n’avait jamais mené de processus disciplinaire avec l’un de ses employés, il était manifestement déraisonnable pour elle de croire qu’elle pouvait objectivement diriger un processus de recherche de faits concernant un employé dont elle venait d’être reconnue avoir harcelé. Il y avait un conflit d’intérêts clair, qui aurait dû être évident pour tout gestionnaire et enquêteur d’expérience.

434        La fonctionnaire a invoqué des lacunes procédurales pour soutenir que les processus que l’employeur avait utilisés pour faire enquête sur son comportement n’étaient pas équitables. Toutefois, une audience devant la Commission est une audience de novo, une nouvelle audience, qui remédie à une lacune procédurale d’une étape antérieure (voir Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL); et Davidson c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 42, au paragr. 171).

435        Pour ce qui est des protections de l’équité procédurale des étapes antérieures du processus, la fonctionnaire a reçu les protections fondamentales de connaître la cause intentée contre elle et d’avoir eu la chance d’y répondre efficacement. Elle a obtenu le rapport d’enquête préliminaire et final et a eu la possibilité de soumettre des arguments écrits et oraux au responsable de la mise en application de la loi (pièce 6, onglet 70). Elle a été interviewée et a fourni d’importants arguments à Mme Meroni pendant l’enquête sur l’inconduite. Il est important de noter que ces arguments reconnaissent en grande partie que le comportement contesté est survenu (à l’exception d’une négation catégorique selon laquelle elle a parlé à M. Fraser de son témoignage à l’enquêteuse sur le harcèlement). Ces arguments portent sur la justification de son comportement ou discréditent les autres parties concernées (pièce 6, onglet 64).

436        La fonctionnaire a invoqué les conclusions préliminaires de l’enquête de recherche de faits de Mme Meroni et des lettres de licenciement provisoires que les Relations de travail ont remises à M. Owen comme preuve de l’existence d’une idée reçue. Toutefois, un décideur a le droit de parvenir à des conclusions préliminaires alors qu’il examine la preuve. L’obligation de ne pas faire preuve d’un esprit fermé est respectée dans la mesure où le décideur continue d’examiner la preuve (voir McEvoy c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 164, aux paragr. 41 à 44). La preuve a révélé qu’une décision finale a été reportée en raison de l’ampleur des arguments de la fonctionnaire et pour se donner le temps de les examiner au complet (pièce 41).

437        Le harcèlement dans le lieu de travail est un comportement répugnant qui mérite d’être sanctionné. En outre, les valeurs sociales changeantes reconnaissent de plus en plus l’inconvenance du harcèlement et du tort qu’il cause (voir Joss c. Conseil du Trésor (Agriculture et Agroalimentaire Canada), 2001 CRTFP 27, au paragr. 40). Le harcèlement doit être défini avec soin de façon à ne pas être utilisé dans des conflits fréquents qui surviennent entre des employés et leur gestionnaire dans le lieu de travail (voir Joss, au paragr. 63). Comme l’indiquent les politiques de l’employeur, il est composé d’un élément objectif, soit un comportement malséant et humiliant, et d’un élément subjectif, soit que la victime ou la personne visée le considère comme blessant. La conduite doit être importune et entraîner des conséquences préjudiciables dans le travail (voir Joss, aux paragr. 59 et 69).

438        De plus, le harcèlement peut être très subtil et, à cet égard, il peut être extrêmement insidieux. Les graves incidents uniques sont plus facilement gérés au moyen du processus traditionnel de l’arbitrage d’un grief parce que chaque incident peut être évalué par rapport aux normes d’une mesure disciplinaire progressive. Un comportement subtil d’intimidation et de harcèlement n’entraîne pas le même calcul (voir Peterborough Regional Health Centre v. Ontario Nurses’ Association (2012), 219 L.A.C. (4e) 285, au paragr. 114).

439        Toutefois, les difficultés à quantifier la mesure disciplinaire appropriée ne signifient pas que le harcèlement et l’intimidation peuvent être tolérés dans le lieu de travail; il va de soi qu’ils ne peuvent être tolérés (voir Peterborough Regional Health Centre, au paragr. 107). La forme subtile que peut revêtir le harcèlement ne milite pas contre les conclusions d’inconduite (voir Children’s Hospital of Eastern Ontario v. Ontario Public Service Employees’ Union, décision non publiée, au paragr. 109; « CHEO »).

440        En l’espèce, chaque geste de harcèlement comportait des comportements subtils qui ne pouvaient pas justifier une conclusion d’inconduite en soi. Toutefois, pris collectivement, les incidents indiquaient un comportement ciblé qui visait M. Russell. Les actions de la fonctionnaire ont eu un effet cumulatif sur lui qui était beaucoup plus important que la somme de ses parties. De plus, son comportement durant et après l’enquête sur le harcèlement a démontré une détermination sans relâche à le discréditer. Ce comportement s’est poursuivi même après son licenciement, alors qu’elle continuait de présenter des demandes d’AIPRP dans le but de démontrer qu’il avait commis un acte répréhensible (pièce 62).

441        Dans CHEO, une inconduite mineure a été jugée comme un harcèlement grave parce que l’effet était amplifié par sa nature cumulative. La fonctionnaire s’estimant lésée dans cette affaire avait eu un comportement passif-agressif, y compris le fait de lever les yeux au ciel, d’avoir un langage corporel hostile, de ne pas tenir compte de collègues et de poser des questions déraisonnables. Elle n’a pas harcelé tous ses collègues et elle n’agissait pas tout le temps de façon déplacée. Toutefois, son comportement était constant et continu. Elle aurait dû savoir qu’il était déraisonnable. Le lieu de travail toxique, la crainte de représailles qu’éprouvaient ses collègues, l’importance du travail d’équipe et son refus d’assumer sa responsabilité ont mené l’arbitre de différends à conclure que même en l’absence d’un motif valable de congédiement, la réintégration n’était pas appropriée (voir CHEO, en particulier aux paragraphes 129 à 131).

442        De même, dans Peterborough Regional Health Centre, un comportement négatif visant le personnel subalterne a été jugé comme du harcèlement. Nier les qualifications de ses collègues, lever les yeux au ciel et ne pas vouloir communiquer sont tous des comportements déplacés qu’a eus la fonctionnaire s’estimant lésée dans cette affaire. Le comportement constant combiné à l’absence d’acceptation de ses torts correspond à l’incapacité d’établir une relation d’emploi viable (voir Peterborough Regional Health Centre, aux paragraphes 118 à 121).

443        Les attentes imposées aux gestionnaires pour donner l’exemple signifient qu’ils sont tenus à une norme supérieure en ce qui concerne les attentes d’un comportement approprié (voir Bazger v. Ontario (Ministry of Community Safety) – Correctional Services, Commission des griefs de la fonction publique de l’Ontario, dossier de la CGFP no 2014-2859, au paragr. 110). Cette attente élevée à l’égard des gestionnaires est codifiée dans le code de valeurs et d’éthique de l’employeur (pièce 6, onglet 76, page 6).

444        Une question essentielle à se poser au moment d’évaluer si la relation d’emploi a été irrémédiablement rompue est de savoir si un fonctionnaire s’estimant lésé a réellement reconnu et admis son inconduite au point qu’on peut en conclure qu’il ne récidivera pas (voir Rahim c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 121, au paragr. 83). En l’espèce, la fonctionnaire a nié avoir posé tout acte répréhensible jusqu’au début de l’audience. Lorsque celle-ci a pris fin, elle a admis de façon partielle une part de responsabilité, mais elle continue de nier avoir harcelé M. Russell.

445        Les mesures disciplinaires peuvent se justifier par l’effet cumulatif du comportement inacceptable (voir Charinos c. Administrateur général (Statistique Canada), 2016 CRTEFP 74, au paragr. 117). L’absence continue d’introspection de la fonctionnaire à l’égard de ses actions suggère que le fait d’imposer une sanction moindre ne favoriserait pas l’objectif d’une mesure disciplinaire corrective (voir Stewart c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 106, au paragr. 62).

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

446        L’employeur a cité 11 motifs pour imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire; 4 étaient du harcèlement et 7 étaient des inconduites. Seuls 3 motifs sur 11 ont été établis, et ils étaient tous mineurs. Compte tenu du dossier de service de 22 ans de la fonctionnaire et de son dossier disciplinaire vierge, ces motifs ne justifiaient pas le niveau de mesure disciplinaire imposée. L’employeur a reconnu que pris individuellement, chaque motif a peu de conséquences. Toutefois, il voudrait faire croire à la Commission que pris globalement, ils ont plus d’importance et justifient son licenciement. Elle n’est pas d’accord, compte tenu de ses antécédents professionnels. Même si les 11 motifs étaient fondés, ce qu’ils ne sont pas, ils ne suffiraient pas à justifier le licenciement d’une employée qui compte 22 ans de service.

447        Le premier motif de la mesure disciplinaire est lié à l’allégation de harcèlement selon laquelle la fonctionnaire a formulé des commentaires au sujet de l’embauche de M. Russell grâce au club des vieux copains. Il a été fait alors que la durabilité des bureaux satellites était à l’examen et que M. Russell faisait la promotion de l’embauche d’un ami du service de la conservation provincial. M. Goluza a insisté pour que toute embauche soit faite au moyen d’un processus transparent, ce qui est exactement ce que la fonctionnaire disait à M. Russell.

448        La fonctionnaire a catégoriquement nié avoir dit quelque chose d’autre durant le processus d’enquête sur le harcèlement, l’enquête sur l’inconduite et à l’audience. Elle savait très bien que M. Russell était arrivé au bureau de Nanaimo et que les mutations entre bureaux étaient des façons appropriées de doter des postes. M. Fraser a dit que M. Russell est arrivé à Nanaimo grâce à un arrangement à huis clos; son témoignage n’est pas du tout fiable.

449        L’employeur avait le fardeau de prouver cette allégation. M. Brochez était à la rencontre en question; pourquoi l’employeur ne l’a pas interrogé sur le commentaire? La Commission n’a que le témoignage de la fonctionnaire quant à l’allégation dont elle est saisie, que l’employeur n’a pas contesté. Un autre facteur à prendre en considération pour rejeter cette allégation est que la rencontre est survenue deux ans avant que la plainte de harcèlement soit déposée.

450        Comme pour l’allégation concernant le commentaire sur le club des vieux copains, l’allégation relative à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse n’est pas fondée. Selon la fonctionnaire, le coordonnateur à la formation et à l’apprentissage lui a dit que si M. Russell ne terminait pas le cours de sécurité sur le maniement des armes à feu requis au plus tard le 10 avril 2013, il devait le faire avant qu’il puisse être autorisé à participer à la pratique sur le maniement des armes à feu, ce qui n’était pas un élément inventé après le fait. La fonctionnaire avait une bonne raison pour refuser de permettre à M. Russell de participer à la pratique; il était obligatoire selon la politique de l’employeur. La question n’était pas de savoir si elle acceptait la note du médecin qu’il avait fournie (voir Grover, aux paragr. 66 à 70).

451        Comme pour les allégations sur le club des vieux copains et la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, l’allégation relative au cours de formation de sauvetage en eaux vives n’est pas non plus appuyée par la preuve. Le 9 août 2014, M. Russell a été affecté au déversement de l’usine Harmac. La fonctionnaire lui a dit comment effectuer ce travail, puisqu’elle était responsable de l’établissement des priorités de travail. Elle savait qu’il avait prévu prendre un congé. Sachant cela, elle a communiqué avec le fournisseur de la formation et a posé des questions sur le report de sa formation. Le fournisseur de la formation a pris l’initiative de reporter le cours. Le témoignage de la fonctionnaire est conforme aux échanges de courriels de la pièce 5, onglets 18 et 19. Comme elle n’a jamais parlé au fournisseur de la formation, il faut se demander comment l’employeur pourrait conclure qu’elle n’a pas dit la vérité sur le report de la formation.

452        Comme M. Russell pouvait accomplir son travail, prendre congé comme il était prévu et suivre le cours de formation de sauvetage en eaux vives dans la région de Nanaimo où il vit, tout cet incident est extrêmement mineur et n’est pas visé par la définition de conduite importune. Il est tout à fait acceptable qu’un gestionnaire examine les options de formation pour ses employés. La fonctionnaire n’a fait qu’examiner les besoins de son équipe et les exigences opérationnelles de l’employeur.

453        Enfin, la quatrième allégation de harcèlement, comme les trois autres, n’est pas appuyée par la preuve. La fonctionnaire et M. Russell ont terminé son plan d’apprentissage comme l’exige le programme de planification et d’examen du rendement de l’employeur. Ils se sont entendus pour qu’il suive le cours de gestion de projet à Gatineau et, à mesure que la date approchait, il a commencé à tenter de le reporter. Étant au courant de son habitude de reporter les choses qu’il préférait ne pas faire, elle craignait qu’il ne respecte pas les objectifs de son plan de rendement, elle a donc insisté pour qu’il suive la formation comme ils l’avaient convenu.

454        M. Russell a fait parvenir un courriel à la fonctionnaire, refusant de le suivre à moins qu’elle accepte de modifier les dates et le lieu et indiquant qu’il sentait qu’elle faisait pression sur lui et tenter de l’exclure de son équipe. Elle a été déconcertée par le ton de ses courriels, elle a donc consulté les Relations de travail. On l’a avisée de permettre le changement du lieu du cours, ce qu’elle a fait dans une réponse écrite respectueuse qui était fondée sur des extraits du site Web de l’employeur (pièce 54).

455        L’enquêteuse sur le harcèlement a dit que la lettre était inutilement verbeuse. L’employeur a dit qu’elle agissait comme si elle se préparait pour une bagarre plutôt que pour désamorcer une situation. La fonctionnaire l’a désamorcé; elle a consulté les Relations de travail plutôt que de poursuivre une guerre de mots par courriel avec M. Russell, ce qui n’était certainement pas visé par la définition d’« abus de pouvoir ».

456        Au bout du compte, l’incidence sur M. Russell a été négligeable. Toutes les personnes concernées savaient qu’il avait des problèmes entre 2012 et 2015, pourtant personne ne s’attendait à ce que la fonctionnaire fasse quoi que ce soit cet égard. Malgré son insistance pour qu’on en fasse plus pour faire enquête sur sa santé mentale, l’employeur a accepté sans réserve les billets qu’il a fournis de son médecin. En janvier 2015, M. Goluza a suggéré que l’employeur fasse une évaluation psychologique à son sujet. Il ressort clairement du contenu de la pièce 39 que l’employeur ne savait pas comment gérer la situation de M. Russell.

457        Tout ce que la fonctionnaire a fait à cet égard a été de prouver qu’en sa qualité de gestionnaire de M. Russell, elle se préoccupait de lui. Elle a fait tout ce qui est en son pouvoir pour gérer sa situation; l’employeur l’a empêchée de faire réaliser une évaluation psychologique. Lorsqu’elle est revenue de son congé de maternité et qu’elle a repris sa responsabilité de gestion de son équipe, M. Goluza lui a dit de s’occuper de M. Fraser et de M. Russell en leur accordant plus de temps en personne, ce qu’elle a fait. Elle s’est mise dans une situation dangereuse et les a rencontrés régulièrement pour gérer leur rendement.

458        Entre le 31 mars et le 11 mai 2015, la fonctionnaire a fait tout en son pouvoir pour porter à l’attention de l’employeur ses craintes pour sa sécurité. En avril 2015, elle a obtenu une réponse à un questionnaire sur l’aptitude au travail qui ne répondait pas à toutes les questions posées et qui n’abordait pas ses préoccupations selon elle. M. Goluza lui a dit qu’elle devait l’accepter. Elle voulait en discuter avec lui, ce qui n’était pas de l’insubordination.

459        La fonctionnaire voulait expliquer à M. Goluza qu’elle craignait véritablement M. Russell. Elle voulait lui dire qu’elle gardait une carte indiquant le trajet vers l’hôpital de Nanaimo lorsqu’elle se rendait à Nanaimo, qu’elle réservait une chambre dans un hôtel près du détachement de police, qu’elle avait soulevé des carreaux de plafond pour chercher de l’équipement de surveillance et qu’il y avait d’autres signes de violence dans le lieu de travail.

460        Elle a fait parvenir un courriel à l’employeur, soulignant qu’il lui revenait de lui offrir un lieu de travail sécuritaire. Dans son courriel du 23 mars 2015 (pièce 12), elle a dit que l’indifférence de M. Goluza à l’égard de ses craintes était éloquente et qu’elle se sentait seule. Elle a communiqué avec le Programme d’aide aux employés et la police, a engagé un avocat et a parlé au procureur de la Couronne; pourtant, M. Owen était convaincu qu’elle ne craignait pas véritablement M. Russell et que tout cela était un prétexte et un camouflage de ses actes répréhensibles.

461        M. Goluza a déclaré qu’il croyait que la fonctionnaire craignait M. Russell. M. Owen n’a pas demandé à ce dernier ou à M. Leek s’il pensait qu’elle avait peur de lui; M. Leek croyait qu’elle craignait véritablement. Seul M. Owen a partagé la théorie selon laquelle elle avait évoqué la menace parce qu’elle soupçonnait qu’elle ferait l’objet d’une enquête pour inconduite. Cette théorie est sans fondement, de mauvaise foi et mérite l’attribution de dommages.

462        Pour ce qui est des allégations d’inconduite sur lesquelles a fait enquête Mme Meroni, à l’exception de celles reconnues par la fonctionnaire, elles sont également sans fondement. Pour ce qui est de la première allégation, soit que la fonctionnaire a contrevenu à la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement en parlant à M. Fraser de son entrevue avec l’enquêteuse, pourquoi cela n’a-t-il été considéré comme une inconduite qu’en mai 2015, alors que cet événement se serait produit en décembre 2014? L’enquêteuse en a avisé l’employeur dans une lettre en février 2015 (pièce 2, onglet 9, page 2), qui n’a rien fait avant environ six semaines.

463        Le témoignage de la fonctionnaire quant à la réunion durant laquelle le commentaire aurait été formulé doit être préféré à celui de M. Fraser. La fonctionnaire a pris des notes contemporaines de la rencontre du 18 décembre 2014, pendant laquelle elle a retiré à M. Fraser ses fonctions de responsable d’immeuble. Il était suffisamment contrarié qu’il en a parlé à M. Goluza, pourtant aucun des deux n’a mentionné que la fonctionnaire avait contrevenu à la confidentialité. Elle aurait également fait un commentaire au sujet des griefs présentés contre elle, ce qui n’est pas vrai, car aucun grief n’avait encore été présenté contre elle.

464        M. Fraser n’était pas un témoin crédible, et son témoignage ne devrait pas être considéré comme la preuve de quoi que ce soit ou la vérité en raison de sa santé et de l’absence de corroboration de son témoignage. L’enquêteuse sur le harcèlement n’a pas corroboré ses déclarations comme l’a indiqué Mme Meroni; elle les a simplement rapportées.

465        Dans son témoignage direct, la fonctionnaire a admis qu’elle n’avait aucune justification pour avoir désigné une personne-ressource des Relations de travail dans son message d’absence du bureau. Elle était contrariée que son grief ait été rejeté et que l’employeur ait continué de refuser sa demande que M. Russell subisse une évaluation de l’aptitude au travail. Elle a exprimé des remords à l’audience, mais pas durant le processus d’enquête. Des remords précoces n’auraient pas fait de différence. L’employeur était déterminé à mettre fin à son emploi. Mme Meroni ne l’avait pas informé des allégations contre elle à l’avance, et la lettre de licenciement avait été préparée deux semaines avant qu’elle soit interrogée. De toute évidence, les remords n’auraient rien signifié.

466        La raison pour imposer une mesure disciplinaire progressive ne se trouve pas dans Wm. Scott & Co., 1976 CarswellBC 518, comme plusieurs pourraient le soutenir. Le critère dans ce cas est fondé sur les faits. L’approche appropriée pour imposer une mesure disciplinaire se trouve dans Telus Communications Inc. v. T.W.U., 2012 CarswellOnt 8771, au paragr. 74 (« Telus »), qui permet aux employés d’apprendre que ce qu’ils ont fait est mal et de corriger leur comportement et qui permet à l’employeur d’évaluer leur capacité de réadaptation.

467        La fonctionnaire ne savait pas que le licenciement était un résultat possible de l’une ou l’autre des enquêtes. L’employeur n’a pas pris le temps d’évaluer sa capacité de réadaptation. Le licenciement est approprié uniquement s’il n’y a pas de potentiel de réadaptation. La détermination du niveau approprié de mesure disciplinaire n’est pas une formule mathématique. L’imposition de mesures disciplinaires ne doit pas être intransigeante au point de perdre de vue les objectifs de réadaptation et de correction (voir Telus, au paragr. 71; et Andrews c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 100, aux paragr. 88 à 90).

468        L’employeur savait que la fonctionnaire avait eu accès aux registres de M. Russell dans PeopleSoft en janvier 2015 alors qu’elle n’était plus sa gestionnaire. Elle a dit à M. Goluza qu’elle l’avait fait et il n’a pris aucune mesure. En fait, il l’a remerciée pour les renseignements qu’elle lui a fournis grâce à cet accès. En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a admis avoir eu accès aux registres de M. Russell dans PeopleSoft à au moins deux reprises. Si elle savait que ce qu’elle faisait était mal, pourquoi en a-t-elle informé M. Goluza? La réponse est qu’on ne lui a jamais dit qu’elle ne devrait pas avoir accès aux registres de congés de M. Russell et qu’elle ne savait pas que c’était mal (voir la pièce 5, onglet 32, et la pièce 11).

469        L’employeur a toléré son comportement et il ne pouvait pas l’invoquer comme motif pour imposer une mesure disciplinaire. Le principe de la tolérance exige qu’un employeur décide en temps opportun s’il convient de prendre une mesure disciplinaire à l’égard d’un employé pour ce qu’il considère comme un comportement indésirable. S’il ne le fait pas, alors le comportement est toléré. Une fois que le comportement a été toléré, l’employeur ne peut pas alors se fier à la même conduite pour justifier la mesure disciplinaire (voir Chopra, au paragr. 83).

470        L’employeur a exagéré le risque pour la sécurité représenté par la fonctionnaire lorsqu’elle a désigné les Relations de travail comme la personne-ressource en son absence. Les allégations selon lesquelles elle représentait un risque pour la sécurité ne reposent sur aucun fondement ou preuve. Cela a pu gêner l’employeur ainsi que ses représentants à l’interne et à l’externe, mais il n’y a aucune preuve d’un risque pour la sécurité. Rien dans la preuve n’indique qu’une personne a même communiqué avec M. Gilliéron, qui avait tenté de communiquer avec la fonctionnaire, ou, si quelqu’un l’a fait, combien de personnes ont communiqué avec lui.

471        Comme pour les allégations d’insubordination liées à l’enquête de recherche de faits sur l’incident concernant M. Russell et M. Fraser en mai 2015, que la fonctionnaire a dû abandonner, elle a déclaré qu’elle s’inquiétait que si elle n’agissait pas, elle aurait contrevenu à la politique sur le harcèlement. Sa réponse à M. Goluza (pièce 5, onglet 42) était clairement de l’insubordination, mais dans les circonstances, elle croyait qu’elle n’avait pas d’autres choix.

472        La fonctionnaire a reconnu que son commentaire à la réunion de l’équipe de direction régionale le 11 mai 2015, soit que M. Goluza ne voulait pas que M. Conroy participe à l’enquête sur la violence dans le lieu de travail, était déplacé et non justifié. Il a été formulé devant les subalternes directs de M. Goluza et aurait dû faire l’objet de discussions en privé avec ce dernier. Elle ne lui a jamais présenté d’excuses à cet égard. Malgré cela, la fonctionnaire a déclaré qu’elle croit qu’elle pourrait de nouveau travailler avec lui. M. Goluza a déclaré qu’il ne pourrait pas le faire, parce qu’il était l’une des personnes qui ont pris la décision de la licencier.

473        La fonctionnaire a nié avoir dit que M. Goluza avait tenté d’intervenir dans l’enquête sur la violence dans le lieu de travail. Elle a répété des allégations selon lesquelles il ne prenait pas la violence dans le lieu de travail au sérieux, ce dont elle aurait dû discuter avec lui en privé et non devant ses collègues. Tout au long de la procédure de règlement des griefs, elle a compris que la façon dont elle a abordé la question n’était pas correcte; elle croit qu’ils pourraient en tirer profit au point où elle pourrait de nouveau travailler avec lui.

474        La fonctionnaire n’a pas nié qu’elle a fait les démarches requises pour annuler l’accès de M. Russell aux bureaux de l’employeur sur la rue Burrard avant la communication du rapport final sur le harcèlement. Elle craignait sa réaction au rapport; elle s’attendait totalement à être exonérée. Lorsqu’elle l’a fait, elle n’était pas au courant de l’altercation entre M. Russell et M. Krahn, selon son témoignage. Elle avait appris que l’évaluation du risque de menace avait été faite, mais elle savait qu’elle ne serait pas terminée avant la communication prévue du rapport final le 13 avril 2015, elle a donc pris les choses entre ses mains, selon son témoignage. Elle a annulé le laissez-passer de M. Russell uniquement après la date d’échéance du rapport; il ne s’agissait pas d’un acte de représailles. Cela n’a eu aucune incidence directe sur ses fonctions. Selon M. Goluza, ses actions ont créé des problèmes administratifs mineurs. La motivation de la fonctionnaire n’était que sa sécurité.

475        L’employeur n’a pas imposé de mesure disciplinaire à la fonctionnaire pour avoir été malhonnête lorsqu’elle a présenté la demande, qui était motivée par ses craintes. Il s’agissait d’une période exceptionnelle qui ne devrait pas suffire à mettre fin à une carrière par ailleurs brillante. Ironiquement, après ses actions, M. Goluza a accepté de suspendre l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard pour une semaine. Lorsqu’elle en a été avisée, elle s’est plainte auprès de son représentant syndical que l’employeur ne prenait des mesures de sécurité que pour une semaine. Peu de temps après, elle a reçu un courriel de M. Goluza, ce qui était la première fois où elle a appris qu’il n’était pas approprié qu’elle ait accès au dossier personnel de M. Russell alors qu’il ne relevait pas d’elle (pièce 5, onglet 38).

476        À ce moment, la fonctionnaire a répondu qu’elle ferait tout ce qu’elle jugerait nécessaire pour protéger sa sécurité (pièce 5, onglet 37). Il s’agit d’un cas d’une employée extraordinaire qui a fait preuve d’un bref comportement odieux qui ne pourrait pas effacer une longue période d’excellence et de dévouement envers son employeur et son équipe (voir Bird c. Première Nation de White Bear, 2017 CF 477, au paragr. 28). Elle a tenté de gérer la situation avec M. Russell et M. Fraser, mais l’employeur lui a mis des bâtons dans les roues. Elle ne pouvait pas gérer ces employés difficiles sans son soutien.

V. Résumé de l’argumentation pour la plainte

A. Pour l’employeur

477        Le CCT, à l’article 147, indique qu’un employeur ne peut pas prendre de mesures disciplinaires contre un employé parce qu’il a exercé ses droits prévus au CCT. Il s’agirait là de représailles illégales. Dans Vallée c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2007 CRTFP 52 au paragr. 64, l’ancienne Commission a indiqué les critères à utiliser pour évaluer si des représailles ont eu lieu. Les personnes qui portent plainte en vertu du CCT doivent démontrer ce qui suit :

  1. qu’elles ont exercé leurs droits en vertu de la partie II (l’article 147);
  2. qu’elles ont subi des représailles (les articles 133 et 147);
  3. que ces représailles sont de nature disciplinaire telles que définies dans le CCT (l’article 147);
  4. qu’il existe un lien direct entre l’exercice de leurs droits et les mesures subies.

478        La personne qui porte plainte a le fardeau de démontrer que de telles représailles se sont produites puisqu’il ne s’agit pas d’une situation de renversement du fardeau en vertu du CCT.

479        Dans Paquet c. Air Canada, 2013 CCRI 691, le CCRI a formulé l’analyse suivante en trois étapes afin de déterminer si un acte de représailles s’est produit :

  1. L’employeur a-t-il imposé ou menacé d’imposer des mesures disciplinaires?
  2. L’employée prenait-elle part à un processus de la partie II?
  3. Un lien existait-il entre le processus de la partie II et les mesures disciplinaires imposées?

480        En l’espèce, comme dans Paquet, l’employeur a reconnu que les étapes 1 et 2 ont été respectées, mais il a soutenu que la plainte doit échouer à l’étape 3 puisqu’il n’y a aucun lien direct entre la mesure disciplinaire imposée et l’exercice par la fonctionnaire de ses droits prévus au CCT. Si d’autres raisons expliquent la prise de mesures disciplinaires, même dans le contexte général d’un processus de la partie II, le lien essentiel est inexistant (voir Paquet, aux paragr. 60 et 78).

481        Dans White c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 63 au paragr. 142, l’ancienne Commission a décrit ainsi le critère relatif à la réfutation des allégations de représailles dans une situation de renversement du fardeau, et la capacité de l’employeur à le faire, en vertu du paragr. 136(6) :

[142]  Le défendeur s’acquittera du fardeau de la preuve établi au paragraphe 133(6) du Code, qui consiste à prouver qu’il n’y a pas eu de contravention à l’article 147, s’il peut démontrer l’une des situations suivantes :

  1. Le plaignant n’a pas agi conformément à l’article 128.
  2. Le défendeur n’a imposé aucune mesure disciplinaire ni sanction pécuniaire au plaignant.
  3. Si le défendeur a imposé des mesures disciplinaires ou une sanction disciplinaire, elles n’ont rien à voir avec l’exercice du droit de refuser de travailler par le plaignant en vertu de l’article 128 du Code.

482        La plainte ne correspond pas à une situation de renversement du fardeau. Toutefois, le critère White est toujours utile à la compréhension, dans l’éventualité où la preuve ne sous-tend pas une conclusion selon laquelle des représailles sont survenues (voir White, au paragr. 142).

483        Le simple fait que les questions de sécurité aient été soulevées en même temps qu’a eu lieu l’inconduite n’empêche pas un employeur de prendre une mesure. Un employé ne peut utiliser ses droits prévus par le CCT comme bouclier pour empêcher qu’un comportement par ailleurs répréhensible soit visé par une mesure disciplinaire (voir Aker c. United Parcel Service du Canada ltée, 2009 CCRI 474 au paragr. 38; et Martin Ivie c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 40, au paragr. 59).

484        Lorsque le lien essentiel n’existe pas entre les droits prévus au CCT et la mesure disciplinaire, l’analyse prévue à l’article 133 prend fin. Un employeur peut imposer des mesures disciplinaires pour une bonne raison, une raison discutable ou pour aucune raison, tant qu’il n’y a pas de violation du CCT (voir Ouimet c. VIA Rail Canada Inc., [2002] CCRI no 171 (QL) au paragr. 56). Une brève période entre la mesure disciplinaire et l’exercice des droits prévus au CCT ne suffit pas pour établir un lien (voir Vallée, au paragr. 71). En l’espèce, la fonctionnaire s’en est remise entièrement au délai entre les événements pour établir un lien, ce qui ne suffit pas pour la décharger de son fardeau.

485        Les raisons de la mesure disciplinaire sont indiquées au complet dans la lettre disciplinaire (pièce 6, onglet 72). De plus, le responsable de la mise en application de la loi, M. Owen, a fourni une analyse détaillée dans laquelle il a démontré son processus de réflexion au moment où il a pris la décision disciplinaire. Il a déclaré qu’il croyait que des préoccupations valides en matière de sécurité pouvaient atténuer une sanction disciplinaire, ce qui ne revenait pas à dire qu’il s’agissait de la cause de la mesure disciplinaire (pièce 6, onglet 71).

486        Les incidents qui correspondraient à du harcèlement ont commencé bien avant la cristallisation du sentiment de crainte de la fonctionnaire, ce qu’elle a reconnu. Trois des quatre incidents sont survenus dans le cadre d’échanges de courriels entre des parties qui n’étaient pas dans la même ville. De plus, elle n’a fait aucune tentative pour exercer ses droits prévus par le CCT à ce moment ou à aucun autre moment jusqu’à ce que le rapport d’enquête sur le harcèlement soit sur le point d’être communiqué. Même si la Commission accepte le fait qu’elle craignait M. Russell, elle n’a pas tenté d’exercer ses droits prévus par le CCT avant la fin de l’enquête sur le harcèlement. Comme dans Aker et White, elle ne pouvait pas exercer ses droits après le fait pour se soustraire de l’effet de son inconduite.

487        De plus, l’inconduite qui est survenue en 2015 et sur laquelle Mme Meroni a fait enquête n’a aucun lien avec les droits de la fonctionnaire en vertu du CCT. Elle démontre plutôt une campagne pour discréditer M. Russell et pour rétablir sa réputation à tout prix. Comme dans IMTT-Québec Inc, 2011 CCRI 606, la fonctionnaire a manqué de loyauté envers l’employeur et a fait preuve d’un acharnement aveugle pour se disculper. Il s’agissait d’un comportement répréhensible sans lien avec l’exercice de ses droits prévus par le CCT (voir IMTT-Québec Inc, aux paragr. 85 à 90, confirmée par Anderson c. IMTT-Québec inc., 2013 CAF 90).

488        L’employeur a établi des motifs crédibles qui tiennent compte pleinement de sa décision de licencier la fonctionnaire. L’exercice de ses droits en vertu du CCT ne faisait pas partie de cette équation; il n’y avait pas non plus absence de motif de mesure disciplinaire qui aurait permis de penser que les motifs donnés avaient pour but de dissimuler les représailles interdites par l’employeur. Les motifs de la direction ont été examinés dans l’analyse de M. Owen et la lettre de licenciement (pièce 6, onglets 71 et 72).

489        La fonctionnaire a suggéré que le moment des événements pouvait laisser penser à des représailles. Toutefois, les circonstances qu’elle a suggérées nécessitent un examen réducteur des événements et ne tiennent pas compte des facteurs entourant le moment de sa demande d’une enquête sur la violence dans le lieu de travail. Le 3 avril 2015, son avocat a écrit à l’employeur pour demander une enquête en vertu du CCT. Toutefois, le 2 avril, elle a appris que le rapport d’enquête final avait été présenté à la haute direction et, le 10 avril, elle a reçu un préavis de la communication du rapport (pièce 5, onglets 29 et 36). S’en est suivi une escalade de l’inconduite. De plus, la haute direction avait clairement entamé des discussions sur le règlement de la situation avant de recevoir la lettre de son avocat le 3 avril. Par conséquent, les deux processus se sont déroulés en même temps. La proximité dans le temps ne suffit pas pour créer un lien.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

490        L’employeur a raison de dire que, dans Vallée, la Commission a indiqué les critères à utiliser pour évaluer si des représailles ont eu lieu.Il est également correct de dire qu’il doit y avoir un lien entre l’exercice des droits de la fonctionnaire en vertu du CCT et son licenciement. Ce lien est manifeste, selon le moment de l’enquête de Mme Meroni et la décision d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire.

491        Le 3 avril 2015, l’avocat de la fonctionnaire, M. Korbin, a communiqué avec l’employeur pour exiger qu’elle se voie fournir un lieu de travail sécuritaire (pièce 2, onglet 60), ce que l’employeur a l’obligation fondamentale de fournir. Il existe un lien clair entre cette exigence et la décision pour faire enquête sur son inconduite. Mme Meroni a reçu une copie de la lettre de M. Korbin le 4 avril (pièces 36 et 37). Elle a ensuite décidé d’imposer une mesure disciplinaire à la fonctionnaire dès les premiers jours du mois d’avril.

492        Le 8 avril 2015, Mme Meroni savait que la fonctionnaire avait eu accès aux registres de M. Russell dans PeopleSoft. Le 12 avril 2015, elle savait que la fonctionnaire avait annulé l’accès de ce dernier aux bureaux de la rue Burrard et, en conséquence, la décision a été prise de tenir une enquête sur l’inconduite (voir la chronologie dans la pièce 3, onglet 27).

493        La décision de faire enquête sur la fonctionnaire représentait clairement des représailles. L’employeur ne se souciait pas de l’accès à PeopleSoft, alors que la fonctionnaire l’avait fait auparavant, en janvier 2015. Ce n’est qu’après la lettre du 3 avril 2015 de M. Korbin que Mme Meroni a demandé à M. Goluza d’informer la fonctionnaire que cet accès était inacceptable. L’employeur était clairement insatisfait de la fonctionnaire et souhaitait la punir. De même, il n’a rien fait au sujet de la violation de confidentialité du 27 février 2015, avant de recevoir une lettre de M. Korbin. Comme par hasard, c’était la première enquête sur une inconduite de Mme Meroni et la première lettre qu’elle recevait au sujet du CCT.

494        Res ipsa loquitur (la chose parle d’elle-même). Les deux événements sont liés.

C. Équité procédurale

495        Comme aucune des deux parties n’a abordé la question de l’incidence d’une violation de l’équité procédurale pendant leurs conclusions finales, à la fin de l’audience, je les ai invités à présenter des arguments écrits sur une question très limitée. La question posée était celle de savoir si, dans l’éventualité où je concluais que l’employeur avait contrevenu à l’équité procédurale et aux principes de justice naturelle pendant le processus disciplinaire, la mesure disciplinaire était annulée en conséquence.

1. Pour l’employeur

496        En l’espèce, la fonctionnaire a soutenu que les violations de la justice naturelle et de l’équité procédurale, équivalant à de la mauvaise foi, avaient teinté le processus disciplinaire. En particulier, elle a affirmé qu’elle n’avait pas eu connaissance des allégations complètes formulées contre elle durant l’enquête sur l’inconduite et qu’elle n’avait donc pas pu y répondre efficacement, et que durant l’enquête sur l’inconduite et le processus disciplinaire subséquent, elle n’avait pas eu une audience équitable devant un décideur impartial en raison d’un préjugé.

497        La violation de l’équité procédurale mine une décision administrative par ailleurs justifiable. Lorsqu’une violation procédurale survient et qu’une partie n’a pas eu l’occasion de se défendre devant un décideur impartial, elle n’est pas traitée équitablement. Une violation procédurale rend une décision administrative nulle et susceptible d’annulation. Les tribunaux ne permettront pas qu’une décision administrative prise de mauvaise foi ou d’une manière par ailleurs inéquitable du point de vue procédural soit maintenue.

498        Toutefois, s’il existe un organisme d’appel prévu par la loi, comme la Commission, et si la partie a droit à un examen devant un décideur administratif indépendant, une nouvelle audience corrigera toute lacune du processus. Cela est particulièrement vrai lorsque l’organisme d’appel mène des audiences qui comportent un niveau élevé d’équité procédurale, qui agit comme réparation efficace à toute iniquité des étapes antérieures. Une réparation adéquate existe lorsque l’organisme de révision possède les moyens de remédier à toutes les injustices. Un appel prévu par la loi, comme un processus d’arbitrage de griefs prévu par la loi, respecte ce droit. Une audience équitable devant un nouveau décideur, à laquelle l’employé connaît pleinement les allégations formulées contre lui et peut y répondre, respecte les droits procéduraux et corrige toute lacune antérieure.

499        La mauvaise foi oblige la fonctionnaire à prouver la malhonnêteté de l’objectif. On ne peut présumer de la mauvaise foi, et les tribunaux ont conclu qu’il s’agit d’une tâche particulièrement difficile à accomplir. La mauvaise foi laisse entendre qu’une partie est parvenue à ses objectifs au moyen d’une fausse déclaration. Dans le contexte des relations de travail, la mauvaise foi a été décrite comme une conduite motivée par une hostilité consciente, la malice, la mauvaise volonté, la malhonnêteté ou la motivation déplacée. L’essentiel de la mauvaise foi repose sur la malhonnêteté de l’objectif. La conduite arbitraire et la mauvaise foi ne s’excluent pas mutuellement. [Traduction] « Une décision prise de mauvaise foi peut également être arbitraire […] et la conduite arbitraire peut attester la mauvaise foi » (voir Hamilton Public Library v. CUPE, Local 932 (2013), 238 L.A.C. (4e) 116, au paragr. 76).

500        Dans le cadre d’un processus disciplinaire, lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé a démontré la mauvaise foi de la part de l’employeur, il doit démontrer qu’il a agi de façon à dissimuler les véritables raisons de la mesure disciplinaire et qu’il a plutôt créé un subterfuge pour couvrir l’absence d’une motivation appropriée. Toutefois, si la motivation appropriée qui est le motif valable existe, la mesure disciplinaire n’a pas été imposée de mauvaise foi, malgré toute erreur procédurale survenue pendant le processus.

501        L’équité procédurale à une étape antérieure du processus est réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre de grief. Dans Tipple, La Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit : « […] cette injustice a été entièrement réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre, où le requérant a été pleinement informé des allégations qui pesaient contre lui et où il a eu pleinement l’occasion d’y répondre ».

502        Les cours fédérales ont constamment appliqué cette doctrine pendant plus de 30 ans. La jurisprudence qui respecte les principes de Tipple est abondante, tant pour cette Commission que ses prédécesseurs. La doctrine a été largement adoptée et acceptée comme étant bien établie en droit (voir Dawson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 12 au paragr. 44; Dhaliwal c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 112 au paragr. 56; Rahim, au paragr. 87; Braich c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTESPF 47 au paragr. 220; Cavanagh c. Agence du revenu du Canada, 2015 CRTEFP 7 au paragr. 259 (contrôle judiciaire refusé dans 2016 CAF 27); Pronovost c. Agence du revenu du Canada, 2017 CRTEFP 43; Maas et Turner c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 123 au paragr. 118; Pajic c. Opérations des enquêtes statistiques, 2012 CRTFP 70 au paragr. 149; Mohan c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2005 CRTFP 172 au paragr. 93; Newman c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2012 CRTFP 88 au paragr. 791).

503        De plus, la Cour suprême du Canada a réitéré le principe dans Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, dans laquelle l’appelante a soutenu qu’elle n’avait pas eu la possibilité de réfuter les allégations de son employeur durant l’enquête. La Cour a déclaré ce qui suit dans une remarque incidente :

[…]

[32] Si une révision interne avait été ordonnée, un arbitre aurait alors examiné de novo la demande de l’appelante et aurait sans aucun doute permis à cette dernière de prendre connaissance des documents de l’employeur et lui aurait donné la possibilité d’y répondre et de les commenter. Je reconnais que, sous le régime de la Loi, les vices procéduraux qui surviennent à l’étape de la décision initiale, y compris l’omission de donner aux intéressés un préavis suffisant et la possibilité de se faire entendre pour réfuter la thèse de la partie adverse, peuvent être corrigés à l’étape de la révision. […]

[…]

[Je souligne]

504        D’autres autorités législatives ont respecté la même règle, acceptant qu’une audience de novo corrige l’iniquité selon Baird v. Almas, 2002 CanLII 41846 (commission du travail de l’Ontario) au paragr. 62 et 67. Dans Durham (Regional Municipality) v. Canadian Union of Public Employees, Local 132, [2011] O.L.A.A. No. 410 (QL), l’arbitre de différends a expliqué la logique ainsi :

91[…] Il serait totalement redondant et inutile d’examiner l’exhaustivité ou l’équité de l’enquête de l’employeur, puisque le fonctionnaire avait à sa disposition un processus d’arbitrage de griefs dans le cadre duquel il pouvait contester la conclusion de l’employeur selon laquelle ce dernier avait un motif valide de mettre fin à son emploi.

505        Lorsqu’un employé ou un syndicat invoque la mauvaise foi ou un comportement malicieux, la Commission a conclu qu’une audience devant un arbitre de grief indépendant corrige les erreurs, mais cette mauvaise foi ou ce caractère malicieux peut être pris en compte dans l’évaluation des dommages. La Cour supérieure de l’Ontario a partagé le même principe que dans Filion v. Religious Hospitallers of St. Joseph of Cornwall, 2016 ONSC 1008 au paragr. 116, ainsi :

[Traduction]

116 Selon la Cour, en common law, la question de l’« équité procédurale » n’est pas pertinente à la question du motif valable. Il peut être important pour d’autres questions comme les dommages-intérêts généraux découlant de la manière injuste avec laquelle l’employé a été traité par l’employeur au moment du congédiement sommaire. Toutefois, il n’est pas pressé de se protéger contre le motif valable existant avant le licenciement, qu’il soit connu ou non de l’employeur.

506        Une exception notable à Tipple est Shneidman c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 133, où l’arbitre de grief a conclu qu’une violation des droits de représentation pendant une enquête ne pouvait pas être corrigée par une audience de novo. En raison des dispositions sur les mesures disciplinaires de la convention collective, l’arbitre de grief a conclu que la représentation était un droit fondamental et non lié à la procédure. Par conséquent, elle a fait droit au grief, concluant que le licenciement était nul ab initio, ou depuis le début, parce que le préjudice subi se poursuivrait même si l’enquête était exclue.

507        Toutefois, la Cour fédérale a écarté Shneidman, selon Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), soit qu’un grief présenté contre un licenciement accompagné d’une demande de réparation intégrale n’était pas suffisamment large pour comprendre une prétention de violation des articles portant sur les mesures disciplinaires d’une convention collective. De plus, cette décision de la Cour fédérale est précisément mentionnée dans des décisions subséquentes dans lesquelles la Commission a refusé de déclarer que le licenciement était nul ab initio dans des circonstances semblables, revenant par défaut au principe de Tipple (voir Canada (Procureur général) c. Shneidman, 2006 CF 381, confirmé par 2007 CAF 192).

508        Appliquant le principe de Tipple aux faits de l’espèce, l’employeur a fait valoir qu’il n’y avait eu aucune preuve de mauvaise foi ou de malhonnêteté de l’objectif pendant l’enquête ou le processus disciplinaire subséquent.

509        L’employeur a fait preuve de franchise quant à ses motifs de licenciement et il a fait valoir qu’il s’agissait d’un motif valable. Même si les contraventions de la procédure alléguées par la fonctionnaire s’avéraient fondées, elles ont été totalement corrigées par l’audience de novo.

510        La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’a pas eu connaissance des allégations complètes formulées contre elle durant l’enquête sur l’inconduite. Toutefois, elle a eu la possibilité de les vérifier, y compris pendant le contre-interrogatoire de l’enquêteuse, Mme Meroni, à l’audience. De plus, elle a également allégué qu’elle n’avait pas eu la possibilité de répondre au rapport d’enquête final avant que la mesure disciplinaire soit imposée, mais cela a également été corrigé par l’audience de novo.

511        Enfin, elle a allégué qu’il y avait eu des préjugés. Tout préjugé est corrigé par une audience tenue devant un décideur indépendant au cours de laquelle l’employeur a le fardeau de prouver l’inconduite et où la fonctionnaire a un accès complet aux réparations, y compris le rétablissement. Par conséquent, et selon les principes que la Cour suprême a établis dans Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 RCS 561 et que la Cour d’appel fédéral a indiqué dans Tipple, une audience devant la Commission corrige toute lacune procédurale.

2. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

512        Les contraventions de l’employeur à la clause 17.01 de la Convention entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada : Services des programmes et de l’administration (tous les employé-e-s), date d’expiration du 20 juin 2014 (la convention collective) ainsi que sa mauvaise foi cumulative et son comportement trompeur étaient manifestes au point que le licenciement était nul ab initio en raison de la violation par l’employeur des droits fondamentaux de la fonctionnaire et de la violation de son obligation d’exécution honnête. Ses actions cumulatives durant le processus d’enquête équivalent à une violation fondamentale des droits de la fonctionnaire prévus par la convention collective, ce qui justifie l’annulation du licenciement ou à tout le moins la réduction de la sanction. L’absence de contenu dans la lettre de licenciement violait ses droits fondamentaux prévus à la clause 17.01.

513        La première violation fondamentale de la clause 17.01 était l’omission par l’employeur de divulguer toutes ses raisons pour licencier la fonctionnaire, en particulier l’ajout par M. Owen d’un motif supplémentaire de licenciement durant l’audience, soit que la fonctionnaire avait inventé sa crainte de M. Russell pour camoufler son inconduite, selon sa compréhension du rapport de M. Leek, qu’elle n’a pas obtenu. Ces deux violations sont fondamentales au point de rendre la mesure disciplinaire nulle.

514        La fonctionnaire a également fait valoir que la mauvaise foi, la malhonnêteté et la tromperie fragrante de l’employeur pendant son processus d’enquête, combinés aux deux violations de la clause 17.01, représentent cumulativement une violation fondamentale de son obligation d’exécution honnête, comme l’indique la décision de la Cour suprême du Canada Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71, qui ne peut être corrigée par une audience de novo et justifie ainsi l’annulation ou la réduction de la sanction qui serait par ailleurs appropriée pour l’inconduite de la fonctionnaire.

515        Selon Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, au paragraphe 7:2140, lorsque l’employeur omet d’exercer ses pouvoirs disciplinaires conformément aux procédures requises, l’arbitre de différends doit décider de l’effet de la violation. Si la lacune concerne une disposition d’une convention collective qui est considérée comme essentielle à l’intégrité du processus, de nombreux arbitres de différends ont tendance à supposer que l’employé a subi un préjudice irréparable et ils considéreront que la mesure disciplinaire imposée était nulle ab initio.D’autres arbitres de différends considèrent que les droits qui peuvent être qualifiés de fondamentaux sont importants au point où ils ne peuvent jamais être écartés ou seulement avec la preuve la plus manifeste. La fonctionnaire a fait valoir que les droits protégés par la clause 17.01 sont fondamentaux, que leur violation ne peut être corrigée par une audience de novo et qu’une violation de cette clause annule la mesure disciplinaire.

516        Pendant l’audience, selon le témoignage de M. Owen, en plus des 11 motifs de licenciement découlant de l’enquête sur le harcèlement et l’enquête sur l’inconduite de Mme Meroni mentionnée dans la lettre de licenciement, il n’y avait aucun autre motif. Il a déclaré que l’un des motifs qu’il a choisis pour licencier la fonctionnaire était le fait qu’il croyait qu’elle avait inventé sa crainte de M. Russell et qu’elle l’avait utilisée pour camoufler son inconduite. Il ressortait clairement du témoignage de M. Owen qu’il s’agissait d’un facteur essentiel dans sa décision de la licencier. Elle a fait valoir qu’il s’agissait d’une violation de la clause 17.01, qui exige que le motif de licenciement soit divulgué à un fonctionnaire.

517        Dans la lettre de licenciement (pièce 6, onglet 72), l’employeur mentionne les quatre allégations du rapport sur le harcèlement et les sept allégations d’inconduite de l’enquête de Mme Meroni. La fonctionnaire a obtenu le rapport d’enquête sur le harcèlement en octobre 2015, bien avant son licenciement, mais elle a obtenu le rapport de Mme Meroni uniquement après sa rencontre de licenciement avec M. Owen, et on lui a dit qu’elle pourrait le lire plus tard. M. Owen a omis d’inclure ce qui était en fait l’un de ses motifs essentiels de licenciement, qu’il a décrit comme une partie importante de son analyse. L’omission de divulguer ce motif supplémentaire de licenciement représente une violation claire et sans équivoque de l’obligation de l’employeur prévue à la clause 17.01.

518        Dans Burchill, la Cour d’appel fédérale oblige les syndicats à utiliser un libellé clair dans les griefs pour que les parties puissent connaître les allégations auxquelles elles doivent répondre. La fonctionnaire fait valoir que la même raison s’applique à l’employeur lorsqu’il rédige des lettres disciplinaires ou de licenciement. Lorsque la poursuite de l’emploi est en jeu, l’énoncé des motifs du licenciement justifie une précision et un libellé correspondant à la gravité de l’événement (voir Société canadienne des postes c. STTP(2001), 66 C.L.A.S. 97 au paragr. 43). Selon le témoignage de M. Owen, le rapport d’enquête sur la sécurité était le fondement de son 12e motif pour licencier la fonctionnaire. Il représente le fondement et le contexte de sa croyance selon laquelle elle avait inventé sa crainte de M. Russell.

519        Lorsqu’une disposition de la convention collective est interprétée comme étant obligatoire, les conseils d’arbitrage et les tribunaux ont qualifié les droits des employés comme étant fondamentaux. Dans les cas où les dispositions ont été jugées exécutoires, on leur a attribué une nature procédurale. Les droits à la représentation sont fondamentaux et obligatoires et si un employeur ne permet pas à un employé d’exercer ses droits, il fait en sorte de rendre la mesure disciplinaire ou le licenciement nul ab initio (voir Northwestel Inc. v. I.B.E.W., Local 1574 (1990), 13 L.A.C. (4e) 76). Le libellé de la clause 17.01 n’est pas facultatif. L’employeur doit aviser un fonctionnaire s’estimant lésé des motifs de licenciement.

520        La fonctionnaire a fait valoir que la mauvaise foi et la conduite malhonnête de l’employeur pendant le processus d’enquête établissent clairement que l’ensemble de ses efforts était un subterfuge. De plus, elle a soutenu que sa mauvaise foi et sa conduite malhonnête cumulatives ainsi que les deux violations de la clause 17.01 étaient graves et flagrantes au point où elles dépassaient le statut de lacune procédurale et qu’elles ne pouvaient être corrigées par une audience de novo.

521        La mauvaise foi de Mme Meroni a été démontrée par le résultat prédéterminé auquel elle est parvenue avant d’avoir terminé l’enquête sur l’inconduite. La mauvaise foi de M. Owen est beaucoup plus considérable en raison du plus grand rôle qu’il a joué dans le processus de licenciement. Sa mauvaise foi s’est manifestée par sa malhonnêteté durant l’audience quant à sa connaissance du projet de lettre de licenciement, sa malhonnêteté sur la question de garder un esprit ouvert et sa malhonnêteté lorsqu’il a suggéré que si la fonctionnaire avait exprimé des remords, il aurait pu changer d’idée. En plus de la mauvaise foi et de la conduite malhonnête de l’employeur, il est important de mettre l’accent sur la tromperie éhontée envers la fonctionnaire comme le démontrent les notes manuscrites de M. Saint-Onge du 6 août 2015, qui indiquent le plan de l’employeur de la licencier dès cette date.

522        Le jour même où M. Owen a indiqué son plan à M. Saint-Onge de licencier la fonctionnaire, il a dit à cette dernière qu’il tiendrait pleinement compte de ses observations. Les actions de M. Owen vont bien au-delà de garder l’esprit fermé. Il est celui qui a pris la décision, il l’a activement trompée. Il l’a amenée à croire qu’il y aurait un processus équitable dans le cadre duquel ses observations seraient prises en compte.

523        En vertu de Bhasin, le Canada a maintenant un principe de common law de bonne foi qui sous-tend de nombreux aspects du droit des contrats. Comme preuve de bonne foi, cette obligation nécessite l’exécution honnête, qui exige que les parties soient honnêtes l’une envers l’autre en ce qui concerne l’exécution de leurs obligations contractuelles. Les parties doivent en général accomplir leurs obligations contractuelles de façon honnête, raisonnable et non capricieuse ou arbitraire.

524        L’obligation exige que les parties contractantes tiennent compte des intérêts de l’autre partie et ne sapent pas ses efforts de mauvaise foi. Les parties au contrat ne doivent pas mentir à l’autre ou la tromper sciemment quant à l’exécution du contrat. La Cour suprême du Canada a élevé l’obligation d’exécution honnête au niveau d’une obligation fondamentale. Il ne s’agit pas d’une question procédurale qui peut être corrigée par une audience de novo. Le niveau de malhonnêteté ou de tromperie délibérée de l’employeur est une violation de l’obligation d’exécution honnête, qui représente une violation fondamentale des droits de la fonctionnaire et justifie l’annulation du licenciement ou à tout le moins une réduction de la sanction.

525        La fonctionnaire a fait valoir que les violations de la clause 17.01 par l’employeur et sa mauvaise foi cumulative constituent une négation de ses droits fondamentaux qui va au-delà de simples droits procéduraux, ce qui ne peut être corrigé par une audience de novo. Sa conduite est à ce point flagrante et injustifiée qu’elle ne peut être corrigée. Les arbitres de différends ont qualifié ces droits de fondamentaux; leur violation annule la mesure disciplinaire.

526        L’arbitre de grief dans Evans c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-25641 (19941021), [1994] C.R.T.F.P.C. no 129 (QL), a déclaré que, contrairement à Tipple, qui concernait davantage une simple équité procédurale, la nature et la portée des droits accordés aux employés devraient être interprétées libéralement. La procédure disciplinaire ne doit pas donner prise à l’injustice. De même, dans une Shneidman, l’arbitre de grief a mentionné Tipple et a conclu que cette décision ne s’appliquait pas parce que la violation en question était fondamentale et non procédurale.

527        Une partie importante des arguments écrits de l’employeur portait sur Tipple. La violation alléguée par le syndicat dans Tipple était mineure comparativement à celles en l’espèce et elles sont loin de correspondre à la violation fondamentale qui serait survenue en l’espèce selon le syndicat. Tipple porte essentiellement sur des lacunes procédurales mineures.

3. La contre-preuve de l’employeur

528        L’employeur a fait valoir que les arguments écrits de la fonctionnaire ne répondent pas à la question de l’arbitre de grief pour laquelle des arguments étaient demandés. Elle tente plutôt de faire valoir des positions qui auraient dû être soulevées à l’audience et elle tente à tort de présenter de nouvelles allégations après la conclusion de l’audience.

529        Dans ses arguments, l’agent négociateur affirme certaines déclarations attribuées à M. Owen, soit qu’il a déterminé d’autres motifs de mesure disciplinaire que ceux indiqués dans la lettre de licenciement. L’employeur a fait valoir que les questions soulevées dans les arguments de la fonctionnaire ne répondent pas à la question de la Commission pour laquelle elle a demandé des arguments écrits. L’employeur a également soutenu que ces affirmations sont incompatibles avec la preuve. Il a nié que M. Owen a dit ce qu’il aurait dit. L’employeur a soutenu qu’il est incorrect de débattre de faits à l’étape des arguments écrits, puisque l’étape de la preuve est terminée.

530        De plus, la fonctionnaire a nouvellement allégué dans ses observations plusieurs violations de la convention collective, qui n’ont pas été soulevées dans la procédure de règlement des griefs. Cela contredit le principe de Burchill, qui indique que l’essentiel du grief ne peut être modifié une fois qu’il a été présenté à la Commission.

531        Enfin, Shneidman, citée par la fonctionnaire, ne soutient pas le principe pour lequel elle l’a invoqué. La décision a été infirmée précisément parce qu’un grief présenté contre un licenciement accompagné d’une demande de réparation intégrale n’était pas suffisamment large pour comprendre une prétention de violation des articles portant sur les mesures disciplinaires d’une convention collective pertinente.

D. Réparation

1. Pour l’employeur

532        L’employeur a soutenu que le licenciement était une sanction appropriée pour l’inconduite grave de la fonctionnaire et qu’il ne devrait pas être modifié. En outre, il a soutenu que la plainte déposée en vertu de l’art. 133 du CCT est non fondée puisqu’il n’y a aucun lien entre la mesure disciplinaire imposée et l’exercice par la fonctionnaire de ses droits prévus au CCT.

533        À titre de position subsidiaire, si la Commission détermine que le licenciement n’était pas justifié, l’employeur a respectueusement soutenu que la Commission devrait examiner la viabilité d’une relation d’emploi continue et l’éventualité d’une réintégration réussie avant de conclure que le rétablissement est une réparation appropriée.

534        Depuis Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2011 CRTFP 137, la Commission a reconnu que dans des circonstances exceptionnelles, la réintégration n’est pas la réparation appropriée et qu’une indemnisation devrait plutôt être ordonnée.

535        Le cadre le plus fréquemment accepté pour évaluer l’éventualité où une réintégration n’est pas appropriée a été établi ainsi dans DeHavilland Inc. v. National Automobile, Aerospace, Transportation and General Workers Union of Canada, Local 112 (1999), 83 L.A.C. (4e) 157, cité dans NAV Canada v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2228 (2004), 131 L.A.C. (4e) 429 :

[Traduction]

  1. le refus des collègues de travailler avec le fonctionnaire;
  2. l’absence de confiance entre le fonctionnaire et l’employeur;
  3. l’incapacité ou le refus du fonctionnaire d’assumer la responsabilité de tout acte répréhensible;
  4. le comportement et l’attitude du fonctionnaire à l’audience;
  5. l’animosité manifestée par le fonctionnaire à l’égard de la direction et des collègues;
  6. le risque d’une ambiance « toxique » dans le lieu de travail.

536        Pendant l’audition du présent grief, la Commission a entendu des témoignages importants de gestionnaires et de superviseurs collègues de la fonctionnaire à des niveaux supérieurs. Ils ont dit unanimement qu’ils éprouveraient d’importantes difficultés à travailler avec elle à l’avenir et ils envisageraient de quitter l’organisation si elle était réintégrée. Ils ont noté des comportements indépendamment des allégations de harcèlement et d’inconduite conformes à ceux pour lesquels elle a fait l’objet de mesures disciplinaires.

537        Les antécédents de conflits ne sont pas limités à une colère isolée suivant la communication du rapport sur le harcèlement. En leur qualité d’employés subalternes, M. Fraser et M. Russell ont formulé des commentaires semblables selon lesquels ils ne pourraient pas travailler de nouveau avec la fonctionnaire. Bien que d’autres employés n’ont signalé aucun problème du genre, il est important de reconnaître qu’elle avait un conflit avec les employés qui nécessitaient une gestion active et qu’elle avait de bonnes relations avec ceux qui travaillaient de façon autonome ou avec les employés subalternes qu’elle pouvait encadrer. Même un grand nombre d’agents subalternes qui ont témoigné pour son compte ont indiqué qu’ils ne voudraient pas se la mettre à dos.

538        La haute direction, y compris Mme Meroni et M. Owen, a indiqué qu’elle prévoyait subir des conséquences importantes si la fonctionnaire était réintégrée et qu’elle avait besoin d’un niveau élevé d’intégrité des agents de l’autorité, ce qu’elle ne pouvait pas constater chez elle et ne prévoyait pas le constater, étant donné ses actions. Cela équivaut essentiellement à un lien de confiance rompu.

539        L’absence de regret de la fonctionnaire a été notée tout au long de la longue audience. Elle continue de nier avoir harcelé M. Russell. De plus, elle ne comprend pas l’inconvenance de ses actions qui le visaient après l’enquête sur le harcèlement. Elle ne comprend pas l’inconvenance de certaines de ses autres actions pour lesquelles elle a assumé une responsabilité limitée seulement.

540        Son comportement à l’audience aurait dû être examiné à la lumière du critère établi ainsi dans Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 : [traduction] « La crédibilité des témoins intéressés ne peut être évaluée, surtout en cas de contradiction des dépositions, en fonction du seul critère consistant à se demander si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité ». Le critère doit assujettir le témoignage de témoins à la preuve et à la [traduction] « prépondérance des probabilités révélée par les circonstances ».

541        À l’audience, la fonctionnaire a démontré qu’elle éprouvait toujours des niveaux élevés de mépris pour ses gestionnaires, les conseillers en relations de travail et M. Russell. Elle croyait que la haute direction ne prenait pas ses plaintes au sérieux et que les conseillers en relations de travail n’avaient pas la formation ou la compétence pour l’aider ou pour gérer le processus de harcèlement. Elle continue d’avoir des préoccupations en matière de sécurité en ce qui concerne la présence de M. Russell dans le lieu de travail, malgré le résultat du rapport de M. Leek.

542        Tous les témoins qui ont témoigné ont parlé d’une ambiance toxique dans l’équipe du District côtier et au bureau de Nanaimo. La plupart ont noté que l’ambiance s’était améliorée depuis le départ de la fonctionnaire. Il n’y avait pas de consensus quant à la question de savoir si son départ avait facilité ce changement; toutefois, un certain nombre de collègues et d’employés subalternes ont précisé que si elle devait revenir, ses relations avec ces gens ne seraient pas viables. Même parmi les témoins qu’elle a appelés, la preuve a révélé sa contribution à l’environnement de travail toxique. M. Brochez a témoigné de l’incidence de ses instructions pour qu’il examine la liste des demandes d’AIPRP de M. Russell et de ce qui est arrivé lorsqu’il a lu les pages couvertures d’AIPRP qu’elle lui a demandé d’examiner. M. Leek a déclaré qu’il craignait que les actions de cette dernière équivalent à une provocation visant M. Russell.

543        Dans Lâm, la Commission n’a pas appliqué DeHavilland Inc. strictement, mais a plutôt évalué des considérations semblables. L’arbitre de grief dans ce cas s’est interrogée sur la question de savoir si la réintégration avait une chance raisonnable de succès selon l’environnement de travail, l’incidence sur les collègues et le comportement passé global de la fonctionnaire, qui était incompatible avec un lieu de travail sain (voir Lâm, aux paragr. 102 à 112). Chacun de ces facteurs milite contre la réintégration de la fonctionnaire.

2. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

544        En plus de sa réintégration à son poste avec paiement complet de salaire, d’avantages sociaux et d’autres droits, la fonctionnaire a demandé des dommages pour souffrance morale et des dommages punitifs en raison de la mauvaise foi de l’employeur et de son traitement délibéré tout au long de ce processus.

545        L’enquête de Mme Meroni était viciée. La fonctionnaire n’a pas été interrogée avant que Mme Meroni parvienne à ses conclusions, ce qui était une violation de la justice naturelle. Mme Meroni a interrogé tous les témoins et a rédigé son rapport préliminaire, y compris ses conclusions, avant d’interroger la fonctionnaire (voir le rapport préliminaire à la pièce 3). La fonctionnaire n’a été invitée à une entrevue qu’après la rédaction des conclusions. Elle a été avisée le 11 mai 2015 de l’enquête, a été invitée à une entrevue le 22 juin 2015 et a été interrogée le 10 août 2015. Elle n’a pas reçu une copie du rapport préliminaire.

546        Lorsque la fonctionnaire a demandé des détails des allégations formulées contre elle, l’employeur a refusé de les fournir. Mme Meroni a plutôt tenté d’invoquer les allégations figurant dans la lettre fournie à la fonctionnaire qui l’avisait de l’enquête sur l’inconduite. La fonctionnaire a dû présenter un grief pour obtenir des renseignements sur les allégations formulées contre elle. À ce moment, Mme Meroni avait écrit son rapport préliminaire et ses conclusions.

547        La fonctionnaire a fourni à Mme Meroni de longues observations (pièce 3, onglet 46) par voie électronique pour qu’elle les examine après l’entrevue. Mme Meroni les a reçues le 13 août 2015 puis elle a communiqué son rapport final accompagné de ses conclusions le 14 août 2015. Elle n’a posé à la fonctionnaire aucune question au sujet de ses observations, et la fonctionnaire a soutenu que Mme Meroni ne les avait même pas examinées. Mme Meroni a eu un esprit fermé depuis le début.

548        M. Owen a aggravé cette démonstration de mauvaise foi en combinant l’enquête sur le harcèlement et les rapports de Mme Meroni et de M. Leek et en décidant qu’il était approprié de gérer les trois en même temps. Il a déclaré qu’il souhaitait entendre la fonctionnaire avant de se faire une idée sur la façon de gérer le résultat de ses allégations et qu’il ne savait pas que les Relations de travail avaient déjà rédigé une lettre de licenciement (pièce 6, onglet 67) au moment où il l’a rencontrée. Cette déclaration était fausse et avait pour but de tromper la Commission. M. Owen était au courant du licenciement depuis au moins le 17 août (pièce 35) et il a admis dans son témoignage qu’il s’attendait à ce résultat. Il a rencontré la fonctionnaire le 28 août.

549        Dans son interrogatoire principal, M. Owen a déclaré qu’il aurait été fondamentalement inéquitable de rendre sa décision sans entendre la fonctionnaire d’abord, mais il a également admis que le 17 août, l’employeur avait décidé qu’il mettrait fin à son emploi.

550        Le 6 août, M. Owen et M. Saint-Onge ont élaboré un plan sur la façon de licencier la fonctionnaire (pièce 46), qui est une preuve concrète de l’esprit fermé de M. Owen. M. Owen et Mme Meroni ont ensuite coordonné leur rencontre avec la fonctionnaire pour qu’elle puisse mettre ce plan en vigueur (pièce 40 et pièce 6, onglet 63). Lorsque la rencontre avec M. Owen et la fonctionnaire a eu lieu, elle a été limitée à une heure au départ et n’a pas pu être prolongée. Il était évident que M. Owen n’était pas intéressé par son témoignage puisqu’il avait déjà pris sa décision.

551        M. Owen a déclaré que la fonctionnaire n’a pas manifesté de remords à la rencontre de licenciement du 1er octobre, mais il a refusé de répondre à ses questions. Il a lu la lettre de licenciement, lui a remis une copie du rapport de Mme Meroni et a menacé d’appeler la police si elle ne partait pas dans le calme. On lui a refusé une copie du rapport de M. Leek qui l’a ensuite escortée à l’extérieur de l’établissement alors que les employés se trouvaient dans une salle de conférence pour éviter tout contact avec elle.

552        L’employeur ne peut être autorisé à agir de cette façon; l’équité requise selon de bonnes relations de travail n’est alors pas possible. Il doit verser à la fonctionnaire d’importants dommages. Elle a soutenu qu’en plus des dommages pour détresse normale et préjudice moral, elle devrait être indemnisée pour souffrance morale, même en l’absence de preuves psychologiques (voir Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39, aux paragr. 56 et 57; Canada (Procureur général) c. Tipple, 2011 CF 762 aux paragraphes 60 et 111; Lau v. Royal Bank of Canada, 2017 BCCA 253 aux paragr. 46 et 47).

553        La fonctionnaire a aussi demandé des dommages punitifs dans le cadre de sa demande dans le grief pour une réparation intégrale, ce qui n’était pas nouveau pour l’employeur; cette question était soulevée dans son exposé introductif. Des dommages de cette nature ont été attribués dans Lau; Galea v. Wal-Mart Canada Corporation, 2017 ONSC 245; Mattalah c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement), 2018 CRTESPF 13; Canada (Procureur général) c. Robitaille, 2011 CF 1218. Dans Robitaille, la malice de l’employeur était un acte répréhensible indépendant du motif invoqué dans le grief (voir Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70, au paragr. 344). Ainsi, même si le licenciement est maintenu, la demande de dommages de la fonctionnaire devrait être accordée, étant donné la façon répréhensible dont l’employeur l’a traitée.

554        La réintégration est la réparation appropriée en raison du dossier d’emploi de la fonctionnaire. L’inconduite qu’elle a admise était mineure et différente de son comportement habituel. Les membres de son équipe ont tous déclaré qu’ils seraient heureux de son retour; même M. Russell a déclaré qu’il était attristé par son licenciement. M. Goluza l’a décrite comme une ressource talentueuse et une fonctionnaire dévouée. Il n’y a aucune raison pour que la présomption en faveur de sa réintégration ne soit pas appliquée en l’espèce (voir Lâm; Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107, au paragr. 356; Matthews c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2016 CRTEFP 38, au paragr. 170; Bahniuk c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 127, au paragr. 7).

VI. Motifs

555        Il s’agit d’un cas aux nombreuses ramifications qui doivent être examinées pour parvenir à une conclusion. Je me pencherai sur chaque section dans l’ordre où la preuve les a abordées et, dans chaque section, je tenterai d’examiner chaque ramification.

556        Après 7 semaines d’audience (dont 6 ont été consacrées au témoignage de 20 témoins, y compris la fonctionnaire, et la semaine restante, aux arguments), suivies par le processus des arguments écrits, je ne peux que me demander comment un cas concernant une mesure disciplinaire par ailleurs simple a pu devenir aussi compliqué. Je crois que la réponse repose dans deux versions des faits diamétralement opposées.

557        Dans l’ensemble, l’employeur a fourni une version qui m’apparaît préférable en ma qualité de décideuse. Elle est appuyée par le témoignage des témoins, des avis contemporains, des politiques et des rapports d’enquête rédigés par des enquêteurs internes et externes et elle est plus crédible que la version de la fonctionnaire. L’employeur a admis qu’il y avait des erreurs et des zones grises dans sa version des faits. D’un autre côté, la fonctionnaire n’a à aucun moment reconnu une version autre que sa version des faits tranchée, même lorsque ses documents n’appuyaient pas strictement ce qu’elle voulait faire croire à la Commission.

558        La fonctionnaire s’est présentée comme témoin très émotif qui manquait d’objectivité, encore moins d’introspection sur l’incidence de ses actions sur sa carrière et celles des autres, en particulier M. Russell et M. Brochez ainsi que, malheureusement, M. Fraser, qui est décédé avant la fin de la procédure. Malheureusement, son manque d’introspection a eu un effet dévastateur sur sa carrière.

A. Le grief

559        La fonctionnaire a soutenu que son emploi auprès de l’employeur a pris fin sans motif valable. Elle a strictement nié avoir harcelé M. Russell et, à l’exception de très rares exceptions, qu’elle a admises à l’audience, elle a catégoriquement nié avoir posé tout acte répréhensible lié aux allégations d’inconduite.

560        Je me pencherai d’abord sur la question de savoir si la fonctionnaire a harcelé M. Russell. La première question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si elle a commis les actes dont il s’est plaint, soit le commentaire sur le club des vieux copains, l’incident de la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, l’incident du cours de formation de sauvetage en eaux vives et l’incident du cours de gestion de projet. Il n’y a aucun doute dans mon esprit que chaque incident est survenu, y compris le commentaire sur le club des vieux copains, que la fonctionnaire a précisément nié avoir formulé.

561        M. Russell m’est apparu dans l’ensemble comme un témoin très sympathique. Ces réponses étaient directes, même si elles n’étaient pas toujours plaisantes. Son témoignage a été corroboré dans l’ensemble par celui de témoins appelés pour le compte de la fonctionnaire. D’un autre côté, le témoignage de cette dernière représentait une négation totale de toute responsabilité ou de toute reconnaissance du fait que ses actions étaient autre chose qu’un comportement autorisé dans le cadre de son rôle de gestionnaire de M. Russell ou du fait qu’il ait pu les percevoir comme blessantes.

562        M. Brochez a décrit la fonctionnaire comme une personne qu’il ne voulait pas se mettre à dos et je n’ai aucun doute qu’il s’agit là de l’origine du problème entre M. Russell et la fonctionnaire. Bien que ses actions en ce qui concerne la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, le cours de formation de sauvetage en eaux vives et le cours de gestion de projet puissent avoir relevé de ses fonctions de gestionnaire, c’est la façon dont elle les a accomplies, l’absence de consultation de M. Russell et son approche intransigeante de gestion d’un agent principal qui étaient blessantes pour lui.

563        Son manque de respect pour l’ancienneté et le service de M. Russell et la détermination de ce dernier à ne pas être géré étaient la cause principale de leurs difficultés. Tous les employés qui ont témoigné pour son compte, ainsi que M. Goluza, l’ont décrite comme une personne déterminée. Elle a eu la tâche de gérer M. Russell et M. Fraser, qui étaient tous les deux des gestionnaires principaux comptant de nombreuses années dans le lieu de travail, qui avaient leur propre façon de faire et qui étaient difficiles à gérer. L’approche inflexible et stricte qu’elle a adoptée pour gérer la charge de travail et le lieu de travail et décrite par les témoins a rendu difficile la gestion de ces deux employés.

564        Plutôt que de modifier son approche et d’en trouver une qui fonctionnait, la fonctionnaire a persisté au point où elle est devenue l’objet d’une plainte de harcèlement en raison de son respect strict des règles et des politiques et de son manque de flexibilité quant à la gestion de M. Russell en particulier. Les allégations de harcèlement pour lesquelles elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire prise individuellement sont très mineures, mais dans l’ensemble, leur incidence sur M. Russell s’apparentait à mon avis au supplice de la goutte d’eau. Chaque incident mineur a rongé M. Russell et l’a aliéné de ses collègues et de son équipe, y compris la fonctionnaire en sa qualité de chef d’équipe, selon son témoignage.

565        Il y a une légère divergence entre les récits racontés par M. Russell et la fonctionnaire. Les deux sont essentiellement corroborés dans des courriels ainsi que par M. Brochez et M. Russell. J’ai choisi de ne pas tenir compte du témoignage de M. Leeden, que je ne trouvais pas crédible puisque, selon mon estimation, ses actions dans le cadre des événements qui se sont déroulés pendant la période visée par le grief étaient intéressées et avaient pour but de trouver un poste au bureau de Nanaimo de l’employeur. Son rôle dans le signalement du comportement et des actions de M. Russell à la fonctionnaire ont jeté de l’huile sur le feu, ce qui était inutile.

566        Je tiens pour avéré, selon les témoignages de M. Russell, de M. Fraser et de M. Brochez, que dans le cadre d’une rencontre précédant le dépôt de la plainte de harcèlement, alors qu’on discutait des besoins de mesures d’adaptation en matière de dotation au bureau de Nanaimo, la fonctionnaire, en réponse à une demande de renseignements de M. Russell sur l’embauche d’une personne qu’il connaissait du service de conservation provincial, lui a répondu devant ses collègues que toute embauche serait faite selon un processus ouvert et non grâce au réseau des vieux copains ou à une entente à huis clos. Je tiens pour avéré le fait que la fonctionnaire savait que ce n’était pas vrai et que l’effet de ce commentaire avait pour but d’embarrasser M. Russell devant ses collègues et de jeter une lumière désobligeante sur la façon dont il avait réussi à être embauché au bureau de Nanaimo. En soi, cet incident n’aurait pas dû être examiné dans le cadre d’une allégation de harcèlement puisqu’il s’est déroulé en dehors du délai d’un an normalement accepté pour formuler des allégations. Toutefois, comme il fait partie d’un comportement continu de la fonctionnaire, je l’ai accepté.

567        Pour ce qui est de la deuxième allégation de harcèlement, la preuve provient principalement de la fonctionnaire et de M. Goluza. Elle a déclaré qu’elle a refusé à M. Russell le droit de participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse selon les conseils qu’elle a reçus du coordonnateur de la formation et la politique de l’employeur qui exigeait qu’une personne qui participe à ces pratiques ait une accréditation à jour sur la sécurité dans le maniement des armes à feu.

568        La version des événements de M. Goluza était très convaincante et appuyée par une série de courriels qui démontraient que la fonctionnaire était contrariée que l’employeur ait annulé sa décision de demander une évaluation de l’aptitude au travail pour M. Russell. Elle avait envoyé une lettre à son médecin comportant 10 questions à répondre avant qu’elle lui permette de participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse. Lorsque son médecin a envoyé une lettre comportant une réponse d’une seule ligne, selon M. Goluza, elle s’est mise en colère. Elle était encore plus contrariée que M. Goluza et les Relations de travail soient satisfaits de la lettre. Ce n’est qu’à ce moment qu’elle a soulevé l’exigence de la politique de l’accréditation, selon M. Goluza.

569        Le témoignage de M. Bell a été très instructif sur ce sujet. Il était auparavant responsable de la formation et de l’accréditation des agents quant à l’utilisation des armes à feu. Selon lui, il revenait au directeur régional, dans ce cas-ci M. Goluza, et au gestionnaire des agents, la fonctionnaire, de s’assurer que les agents avaient la possibilité de mettre en pratique l’utilisation de leur arme à feu afin de veiller à ce qu’ils réussissent le cours d’appoint lorsqu’il était offert. M. Bell ne connaissait aucune disposition qui empêchait un agent dont l’accréditation avait expiré d’assister à des pratiques sur le maniement des armes à feu. Selon son témoignage, contrairement à celui de la fonctionnaire, les restrictions sur l’utilisation des armes à feu concernent un contexte opérationnel et non de formation. Pour les fins de la pratique, les agents ont le droit d’utiliser des armes à feu afin de suivre le cours d’appoint, ce qui est en fait nécessaire.

570        La seule raison que je peux trouver pour laquelle la fonctionnaire n’a pas permis à M. Russell de participer à la pratique sur le maniement des armes à feu était sa détermination à ce que l’évaluation de l’aptitude au travail soit réalisée comme elle le souhaitait, ce qu’elle n’a pu faire en ce qui concerne la lettre du médecin. Elle aurait dû garder à l’esprit son application rigide de la politique d’abord et avant tout durant cette période s’il s’agissait de sa principale raison de priver M. Russell de son droit de participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse.

571        Toutefois, à l’examen de l’échange de courriels déposés comme pièces, ce n’était pas le cas. Elle se concentrait clairement sur l’obtention d’une réponse à chacune de ses questions dans la lettre du médecin qu’elle trouvait convenable. Elle était ennuyée et déçue par la position adoptée par M. Goluza et les Relations de travail et cette contrariété s’est manifestée en privant M. Russell de la possibilité de participer avec le reste de son équipe à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, ce qui l’a encore plus isolé.

572        Bien que le représentant de la fonctionnaire puisse avoir eu raison de dire que la fonctionnaire avait une bonne raison de refuser de permettre à M. Russell de participer à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, ce qui n’était pas le cas, selon le témoignage de M. Bell, d’après mon évaluation, il n’a pas raison de dire que la question dont je suis saisie n’est pas celle de savoir si la fonctionnaire a accepté la note du médecin de M. Russell. La question est celle de savoir si, dans la gestion de sa permission d’assister à la pratique sur le maniement d’un fusil de chasse, elle a agi à son égard d’une manière qui constituait du harcèlement selon la définition de la politique.

573        La question concernant la note du médecin est celle de savoir comment la fonctionnaire a réagi au fait de ne pas être en mesure d’obtenir des renseignements concernant M. Russell dans la forme qu’elle jugeait appropriée. Ses réactions et son comportement à l’époque témoignent d’un comportement à l’égard de ce dernier, ainsi qu’à l’égard de l’employeur, où elle affirme ses droits de gestionnaire et adopte une approche intransigeante. Elle aurait simplement pu dire dès le début que la politique l’empêchait d’y participer, ce qui, selon M. Bell, n’aurait pas nécessairement été le cas. Elle a plutôt décidé d’obtenir la preuve médicale qui confirmait son évaluation selon laquelle M. Russell n’était pas apte mentalement à participer à des exercices sur le maniement d’armes ou à se trouver dans le lieu de travail.

574        Elle a agi d’une façon que tout gestionnaire compétent aurait dû savoir qu’elle contrarierait un employé qui avait respecté sa directive, uniquement pour se faire dire que cela ne suffisait pas. Lorsqu’elle a obtenu une réponse succincte qui ne confirmait pas son opinion, elle a insisté pour dire que le médecin ne pouvait pas évaluer M. Russell parce qu’il travaillait dans une clinique sans rendez-vous, ce qui n’était pas vrai, et qu’il n’avait pas répondu à chaque question, ce qu’il a clairement fait, selon l’examen de la réponse.

575        L’explication par la fonctionnaire de la façon dont le cours de formation de sauvetage en eaux vives de M. Russell a été déplacé était incompréhensible. Elle devait communiquer avec le fournisseur de la formation sur le report de la formation et, de son propre accord, il a été reporté et elle a envoyé le courriel suivant à M. Russell : [traduction] « On a dit qu’on vous fera parvenir une confirmation par courriel si le changement était possible du cours de Chilliwack à Nanaimo, ce qui est le cas » (pièce 5, onglet 19). En dehors des renseignements concernant l’annulation et la logistique, la confirmation qui a été envoyée ne faisait que dire que la formation avait été reportée (pièce 5, onglet 18).

576        De toute évidence, le fournisseur de services avait été prié de reporter le cours; pour quelle autre raison l’aurait-il fait? La fonctionnaire l’a fait sans consulter M. Russell dans le cadre de son exercice de ses fonctions de gestion. Normalement, cet élément serait inoffensif ou constituerait un oubli, mais pour une personne qui se sent déjà marginalisée et isolée et qui a déjà fait l’objet de comportements répréhensibles, un tel traitement est blessant.

577        Enfin, et ce qui est encore plus incompréhensible, il y a la façon dont la fonctionnaire a géré le cours de gestion de projet que M. Russell a été prié de reporter. À ce moment, leur relation était déjà chancelante, et il a dit qu’il se sentait violé par elle. Cela aurait été une occasion facile pour elle de faire des efforts pour améliorer cette relation. Elle s’est plutôt entêtée et a insisté pour qu’il agisse à sa façon. À quelle fin? Il n’y avait rien à gagner. Ce n’est que lorsqu’il a dit qu’il croyait qu’elle tentait de se débarrasser de lui qu’un signal d’alarme s’est allumé sur la façon dont elle gérait la question. Encore là, plutôt que de simplement accepter le changement, elle l’a informé qu’elle devait consulter les Relations de travail avant de lui répondre, ce qui a inutilement aggravé la situation.

578        Le sens commun aurait dû lui indiquer que la simple réponse à sa demande aurait été de l’accueillir, en particulier si elle avait l’intention d’économiser des coûts pour l’employeur, comme elle l’avait indiqué lorsqu’elle a reporté le cours de formation de sauvetage en eaux vives. Même si sa réponse était techniquement correcte, elle n’a rien fait pour améliorer la relation. Une simple approbation aurait suffi, mais elle a plutôt fourni une longue réponse truffée d’extraits de politiques pour affirmer sa position de gestionnaire. Selon moi, son unique but était d’asseoir son autorité en sa qualité de gestionnaire.

579        Une question demeure, même avec ces conclusions de fait. Ces quatre incidents sont-ils visés par la définition de harcèlement? Le « harcèlement » est défini ainsi dans la « Politique sur la prévention et la résolution du harcèlement » du Conseil du Trésor :

[…]

[…] comportement inopportun et offensant, d’un individu envers un autre individu en milieu de travail, y compris pendant toute activité ou dans tout lieu associé au travail, et dont l’auteur savait ou aurait raisonnablement dû savoir qu’un tel comportement pouvait offenser ou causer préjudice. Il comprend tout acte, propos ou exhibition qui diminue, rabaisse, humilie ou embarrasse une personne, ou tout acte d’intimidation ou de menace. […]

[…]

580        Le harcèlement peut être un geste unique, une série de gestes ou un comportement. En l’espèce, en raison de son style de gestion, la fonctionnaire a démontré un comportement qui, selon M. Russell, l’a rabaissé, humilié et isolé des membres de son équipe. On pourrait mieux qualifier le type de comportement qu’elle a démontré d’abus de pouvoir. Elle l’a ciblé à répétition et l’a assujetti à un traitement différentiel dans le lieu de travail qui, selon son témoignage (que je crois), l’a fait se sentir rabaissé.

581        Par conséquent, j’accepte les conclusions de l’employeur selon lesquelles la fonctionnaire a harcelé M. Russell, comportement qui méritait l’imposition d’une mesure disciplinaire. Toutefois, sur l’échelle du harcèlement, il s’agit d’un cas relativement mineur qui en soi n’aurait pas justifié le licenciement d’une gestionnaire comptant 22 ans de service. Il justifiait l’imposition d’une autre mesure disciplinaire, peut-être même une rétrogradation, mais le licenciement pour cet acte seul aurait été excessif. Toutefois, je garde à l’esprit les conclusions de CHEO où l’arbitre de grief a conclu que la réintégration n’était pas une option pour la fonctionnaire s’estimant lésée, qui avait été trouvée coupable de harcèlement (voir CHEO, aux paragr. 129 à 131).

582        Toutefois, elle n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire uniquement pour avoir harcelé M. Russell. Elle l’a également été pour des actes d’inconduite à l’égard desquels elle a continué de refuser d’assumer toute responsabilité, jusqu’au moment de son témoignage. Encore là, elle n’a assumé la responsabilité que des allégations les moins répréhensibles formulées contre elle, et ce, de façon limitée.

583        Il n’y a aucun doute dans mon esprit que la fonctionnaire a entrepris une série d’événements visant à accomplir ses propres buts qui, durant la période en question, devaient prouver principalement que M. Russell n’était pas apte à travailler et à se disculper de toutes les allégations de harcèlement. Dans le cadre de ses efforts, elle a manifesté certains comportements qui perturbaient le lieu de travail; un excellent exemple a été de parler à M. Brochez de la demande d’AIPRP de M. Russell. Elle n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire cet égard, mais je crois qu’il convient de noter comme exemple l’influence dérangeante qu’elle avait sur son équipe. Un exemple de la façon dont elle a perturbé l’équipe de gestion était ses communications avec Mme Portman sur la question de l’uniforme lorsqu’elle a masqué ses courriels et, conformément à son témoignage, a menacé de lui envoyer des tenues de Barbie pour qu’elle songe à ce que porteraient les agents au moment de signifier des mandats.

584        La conclusion de l’employeur selon laquelle la fonctionnaire a commis les actes répréhensibles indiqués dans la lettre de licenciement est appuyée par la preuve. Les excuses qu’elle a présentées sont au mieux faibles et à tout le moins invraisemblables.

585        Je crois qu’elle a en fait parlé à M. Fraser de son témoignage à l’enquêteuse sur le harcèlement parce que c’est arrivé à un moment très important pour lui, pendant sa séance de planification de retour au travail après une longue maladie. Cet incident était suffisamment important pour qu’il le signale très peu de temps après qu’il fut arrivé. Il n’est pas question ici de l’écoulement d’un long délai pendant lequel sa condition médicale précédente pourrait avoir perturbé ses souvenirs. Rien dans son témoignage au sujet de cet événement ne m’amène à douter de son souvenir.

586        Dans son témoignage, la fonctionnaire n’a offert rien d’autre qu’un rejet strict de l’allégation et elle a invoqué la maladie de M. Fraser pour me convaincre qu’elle n’avait pas formulé le commentaire. Je conclus selon la prépondérance des probabilités qu’elle a réellement violé la confidentialité du processus d’enquête sur le harcèlement. Ces actions justifiaient l’imposition d’une mesure disciplinaire, et le report de l’imposition de cette mesure jusqu’à la fin du processus n’était pas répréhensible à mon avis, en particulier puisque M. Fraser a signalé ce qu’il a fait en février 2015, le rapport d’enquête final sur le harcèlement a été communiqué à la mi-avril 2015 et l’enquête sur l’inconduite a été lancée dans le mois suivant cette communication.

587        Il ne fait aucun doute que la fonctionnaire a pris des mesures de gestion à l’égard de M. Russell alors qu’elle était séparée de lui et qu’elle n’était plus sa gestionnaire. Elle l’a admis. Elle a également admis à M. Goluza qu’elle ferait tout ce qui était nécessaire pour être en sécurité.

588        Plutôt que de demander à l’employeur ou à M. Krahn, le gestionnaire de M. Russell, la fonctionnaire a pris les choses en mains; elle a délibérément trompé Mme Carrière et a exigé que l’accès de M. Russell aux bureaux de la rue Burrard soit suspendu. Elle a envoyé à Mme Carrière une demande à partir de son adresse de courriel au travail en utilisant son bloc-signature officiel, espérant que Mme Carrière reconnaisse qu’elle avait le pouvoir de présenter la demande, ce qui était faux. C’était non seulement une violation de l’ordre de séparation des parties en raison de la plainte de harcèlement, mais à mon avis c’était également une insubordination et un geste trompeur et irrespectueux envers Mme Carrière et son poste. À l’audience, la fonctionnaire a refusé de reconnaître que ses actions étaient répréhensibles; elle les a justifiées comme moyen de se protéger.

589        En outre, la fonctionnaire a facilement admis avoir eu accès aux registres de M. Russell dans PeopleSoft au moins deux fois alors qu’elle n’était plus gestionnaire. Alors que M. Goluza ne l’a pas corrigée la première fois, lorsque le geste s’est répété, la mesure disciplinaire a été imposée. Ce qui est le plus stupéfiant au sujet de cet acte répréhensible est non seulement qu’elle ait facilement admis avoir violé les registres de l’employeur pour un usage personnel, cela démontre aussi clairement qu’elle n’a aucun scrupule à prendre toutes les mesures nécessaires pour parvenir à ses fins. Même si M. Goluza ne lui a pas imposé de mesure disciplinaire immédiatement lorsqu’elle a eu accès à PeopleSoft en janvier, la fonctionnaire a admis qu’elle savait que cet accès n’était pas pour son usage personnel. En sa qualité de gestionnaire et d’agente de la paix tenue à une norme élevée en ce qui concerne le respect des règles, règlements et politiques, elle savait que ses gestes étaient répréhensibles. La mesure disciplinaire était donc la conséquence.

590        Elle a également admis que ses actions étaient irrespectueuses envers M. Goluza et M. Gilliéron. Encore une fois, son témoignage avait pour but de minimiser l’incidence de ses actions. Il ne s’agissait au départ que d’un seul élément d’inconduite, mais il a plus tard été modifié pour ajouter les allégations au sujet de ses actions à la réunion de l’équipe de gestion régionale et celles qu’elle a formulées au sujet de M. Goluza.

591        La fonctionnaire a admis qu’elle a ajouté une réponse déplacée d’absence du bureau dans son courriel, mais elle a tenté de la minimiser en déclarant qu’elle n’a eu aucune incidence sur l’employeur. Elle a aussi admis qu’elle avait entamé une enquête de recherche de faits sur un conflit entre M. Russell et un autre employé de Nanaimo, malgré les accords de séparation et les directives précises de M. Goluza de ne pas le faire, lui expliquant qu’elle avait avantage à ne pas contrevenir de nouveau à la politique de prévention du harcèlement. Elle n’a pas manifesté de véritables remords pour ses gestes.

592        La version des événements de la fonctionnaire de la rencontre de l’équipe de direction régionale différait considérablement de celle des autres personnes présentes et équivalait à rien de plus qu’une simple négation de responsabilité pour l’embarras qu’elle a causé à M. Goluza et au dommage éventuel qu’elle aurait pu causer à la carrière de ce dernier si ses commentaires avaient été pris au sérieux. Elle a nié avoir dit que M. Goluza était intervenu dans l’évaluation sur le risque de menace en empêchant que l’un des agents de Mme Portman soit interviewé.

593        Les versions des événements des autres personnes qui ont témoigné étaient essentiellement identiques. La fonctionnaire a déclaré qu’elle a simplement mis à jour Mme Portman et que M. Goluza lui a lancé un regard furieux. Sa défense selon laquelle elle a [traduction] « invoqué une rumeur » est tout simplement invraisemblable. Tout d’abord, comment peut-on faire cela? Ensuite, il y a le témoignage des autres personnes présentes qui ont confirmé qu’elle a en fait formulé une allégation directe visant M. Goluza. Personne d’autre que la fonctionnaire n’a mentionné des excuses. Je trouve que M. Goluza est un témoin très crédible et je crois que s’il avait reçu des excuses, il l’aurait mentionné dans son témoignage.

594        Au total, 20 témoins ont témoigné devant moi à l’audience. La fonctionnaire a fait grand cas du poids accordé au témoignage de M. Fraser parce qu’il était malade. Il y avait des lacunes dans son témoignage et lorsque le témoignage d’autres personnes corroborait ces lacunes, je l’ai accepté. J’ai laissé de côté d’autres parties, qui portaient par exemple sur sa présence à la conversation au sujet de la fusillade dans un lieu de travail.

595        J’ai trouvé que M. Russell et M. Brochez étaient très crédibles. Aucun des deux n’a tenté d’occulter ses réponses ou de minimiser sa participation à l’un des événements. D’un autre côté, le témoignage M. Leeden a été écarté puisqu’il avait un intérêt personnel dans le résultat des événements et qu’il a agi dans une certaine mesure comme un agent provocateur en rapportant les actions de M. Russell à la fonctionnaire. Il était son espion au bureau de Nanaimo. Les autres agents de l’autorité qui ont travaillé pour elle ont confirmé une grande partie de ce que M. Brochez a dit à son sujet. Si un employé avait un bon rendement, elle s’entendait bien avec cette personne; elle aimait contrôler le travail et personne ne voulait se la mettre à dos.

596        Les témoins de l’employeur, Mme Meroni et M. Owen, ont été moins clairs dans leurs souvenirs en contre-interrogatoire qu’en interrogatoire principal, mais ce n’est pas inhabituel dans ce type d’événement. La principale question qui concerne leur crédibilité est celle de savoir à quel moment ils sont parvenus à leur conclusion. À quel moment Mme Meroni a-t-elle conclu que la fonctionnaire était coupable d’inconduite? À quel moment M. Owen a-t-il conclu qu’il fallait mettre fin à son emploi?

597        La fonctionnaire aurait aimé me faire croire que Mme Meroni avait conclu son enquête lorsqu’elle a écrit son rapport préliminaire et ses conclusions avant d’avoir interrogé la fonctionnaire. Il faut admettre qu’il s’agit d’une manière inhabituelle, mais Mme Meroni a expliqué pourquoi elle l’a fait – elle ne voulait rien oublier pendant le délai avant l’entrevue de la fonctionnaire, et les conclusions étaient fondées sur ses impressions à l’époque, qui auraient pu être modifiées par son entrevue de la fonctionnaire et son examen des documents que cette dernière a soumis à la rencontre portant sur l’enquête sur l’inconduite. Toutefois, je doute qu’elle ait examiné les documents de la fonctionnaire étant donné le très bref délai dans lequel Mme Meroni a communiqué son rapport d’enquête sur l’inconduite. Cette partie de son témoignage n’est pas crédible.

598        M. Owen a longuement témoigné sur la façon dont il est parvenu à ses conclusions. La fonctionnaire a appelé M. Saint-Onge pour réfuter ce témoignage et pour établir que M. Owen avait conclu que le licenciement était approprié le 6 août 2015 et qu’il avait transmis ses directives aux Relations travail à cette date. Sauf le respect que je dois au représentant de la fonctionnaire, ce n’est pas ce que le témoignage de M. Saint-Onge ou de M. Owen a établi. M. Saint-Onge ne pouvait se rappeler si les notes en question (pièce 46) provenaient d’une rencontre avec M. Owen ou si elles découlaient d’une séance d’information sur des dossiers chauds de son équipe lorsqu’il a commencé à assumer son rôle de directeur des Relations de travail. Cela est appuyé par le fait que M. Owen était en vacances du 20 juillet au 14 août 2015 (pièce 50). M. Saint-Onge a également admis qu’il pensait avoir parlé à M. Owen le 6 août, mais qu’il pouvait l’avoir fait le 17 août.

599        Je ne vois rien de répréhensible dans la préparation d’une lettre de licenciement avant la rencontre de la fonctionnaire avec M. Owen. Il a admis que ce résultat était probable, en particulier parce qu’il doutait du fait que l’employeur pouvait lui faire confiance de nouveau. M. Saint-Onge a expliqué que le but de la préparation d’un dossier disciplinaire en vue d’un licenciement était, selon mes mots, de se [traduction] « préparer au pire et espérer le meilleur ». La lettre disciplinaire pouvait toujours être modifiée pour un type de mesure disciplinaire moindre, mais les lettres de licenciement prennent beaucoup plus de temps de préparation et les niveaux d’approbation doivent être suivis pour que l’employeur puisse aller de l’avant à la date convenue. Avec l’approbation d’un niveau élevé de mesures disciplinaires, un niveau moindre était également implicitement approuvé. J’accepte cette explication de la raison pour laquelle la lettre de licenciement a été préparée avant la rencontre avec la fonctionnaire. Elle ne nuit pas à la crédibilité de M. Owen.

600        Étant donné la nature des allégations de harcèlement, mineures ou non, étant donné que la fonctionnaire a ouvertement déclaré ainsi que par écrit qu’elle ferait tout ce qu’elle pouvait pour être en sécurité et étant donné qu’elle a fait preuve à répétition d’une insubordination et d’un manque de respect pour l’employeur et son équipe de direction, l’employeur avait raison de dire qu’il n’a plus confiance en elle.

601        Cela peut avoir été un incident isolé dans la carrière de la fonctionnaire, ce que je ne crois pas, étant donné l’ensemble de la preuve. Le manque de jugement et de respect qu’elle a démontré pour son employé, ses collègues, son gestionnaire et son employeur est inacceptable pour une gestionnaire de son niveau. Je n’ai aucun doute que ce comportement se répétera si elle est réintégrée et qu’elle se trouve dans des circonstances où elle croit devoir affirmer ses droits, en particulier à la lumière des menaces qu’elle a faites à l’employeur, comme celles dans son courriel du 28 décembre 2014 (pièce 9), dans lequel elle indique que le processus dans lequel elle s’engagera ternira la réputation de l’employeur, et les commentaires qu’elle a formulés à M. Goluza dans ses discussions avec lui le 12 février 2015. Dans cette discussion (résumée à la pièce 5, onglet 28), elle a dit entre autres choses qu’elle pouvait continuer d’être une bonne employée motivée ou qu’elle pourrait se transformer en une employée difficile qui embarrasserait le ministère. Ce n’est pas une employée qui mérite la confiance de l’employeur.

602        Le Code de valeurs et d’éthique de l’employeur (pièce 6, onglet 76) exige que les employés démontrent envers tout le monde du respect, de la dignité et de l’équité dans un lieu de travail libre de harcèlement. Les employés doivent travailler ensemble dans un esprit d’ouverture, d’honnêteté et de transparence qui favorise l’engagement, la collaboration et la communication respectueuse. La fonctionnaire ne l’a pas fait et elle n’a pas agi avec l’intégrité et l’excellence exigées par le Code.

603        L’intégrité est définie par le ministère en partie comme le fait de se conduire en tout temps d’une manière qui puisse résister à l’examen public le plus approfondi. La fonctionnaire ne devait pas utiliser son rôle officiel afin d’obtenir un avantage pour elle-même ou pour désavantager une autre personne, comme M. Russell. Elle ne devait pas agir d’une manière qui lui ferait perdre la confiance de l’employeur. Elle n’a clairement pas respecté la norme d’excellence qui consiste à favoriser un environnement de travail qui fait la promotion du travail d’équipe, de l’apprentissage et de l’innovation; elle a plutôt créé une équipe dans laquelle elle a favorisé l’isolement de M. Russell.

604        En outre, en sa qualité d’agente de la paix, elle était obligée en vertu de la « Directive sur la conduite des agents » (pièce 6, onglet 77) de se conduire d’une manière qui démontrait qu’elle méritait la confiance du ministère et du public. Son absence de reconnaissance ou de responsabilité de ses actions va à l’encontre de cette obligation. Dans son témoignage, Mme Meroni a déclaré que la fonctionnaire n’a démontré aucun remords, aucun regret et aucune possibilité de réadaptation. Je suis d’accord. En tant qu’agente de la paix et gestionnaire d’agents de la paix subalternes, on s’attendait à ce qu’elle agisse avec les plus grandes honnêteté et intégrité. Elle ne l’a pas fait. On ne peut plus lui faire confiance pour respecter les règles.

605        L’absence de remords démontrée clairement par la fonctionnaire tout au long du processus, y compris lors de l’audience arbitrale, ne peut être ignorée. À maintes reprises, elle a nié tout agissement répréhensible et n’a démontré aucune introspection quant à ses actes et à leur incidence sur sa situation. Comme dans Stewart, en tant qu’agente de la paix, on attend de la fonctionnaire qu’elle respecte les ordres, qu’elle agisse dans les intérêts supérieurs des Canadiens et des Canadiennes et qu’elle agisse en tout temps en faisant preuve d’intégrité et d’honnêteté.

606        Comme dans Charinos, compte tenu des facteurs aggravants et atténuants, notamment la nature répétitive des infractions et l’attitude de défi de la fonctionnaire tout au long du processus, l’employeur a démontré que le licenciement se situait dans les limites des mesures raisonnables et qu’il ne devrait pas être modifié.

607        Pour ces raisons, je crois que l’employeur a établi que la relation de confiance employeur-employé a été rompue et qu’elle n’est plus viable. La question est maintenant celle de savoir si le licenciement qui a suivi représentait des représailles pour l’exercice de ses droits en vertu du CCT.

B. La plainte

608        La fonctionnaire a soutenu que l’employeur lui avait imposé une mesure disciplinaire à titre de représailles parce qu’elle avait exigé qu’il lui fournisse un environnement de travail sans violence. De nombreux jours d’audience ont été consacrés à l’examen de la question de savoir si M. Russell avait représenté une menace pour sa sécurité et si elle le craignait véritablement. L’enquête de M. Leek a été examinée dans le menu détail, ainsi que ses conclusions selon lesquelles M. Russell avait commis un acte de violence dans le lieu de travail sans lien avec la fonctionnaire.

609        Ce n’est pas à moi de déterminer si la fonctionnaire était dans un lieu de travail non sécuritaire ou si elle avait une crainte légitime pour sa sécurité, même si une grande partie de son témoignage portait sur ce point. Mon rôle consiste à décider si des actes de représailles sont survenus et, le cas échéant, s’ils étaient une conséquence directe de l’exercice par elle de ses droits prévus par le CCT, ce qui aurait violé cette loi.

610        Les dispositions pertinentes du CCT sont les articles 133 et 147 et le paragraphe 133(1), qui prévoient ce qui suit :

133 (1) L’employé – ou la personne qu’il désigne à cette fin – peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

611        L’article 147 du CCT indique ce qui suit :

147 Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre – ou menacer de prendre – des mesures disciplinaires contre lui parce que :

  1. soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;
  2. soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;
  3. soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

612        Le paragraphe 133(6) du CCT est également pertinent parce qu’il indique que lorsqu’un employé a établi qu’il a déposé une plainte en vertu du paragraphe 133(1) en ce qui concerne l’exercice du droit de refuser d’accomplir un travail en vertu de l’article 128 ou 129, il incombe à l’employeur de démontrer qu’il n’a pas contrevenu à l’article 147 (voir White, au paragr. 141). Cette disposition est ainsi rédigée :

133 (6) Dans les cas où la plainte découle de l’exercice par l’employé des droits prévus aux articles 128 ou 129, sa seule présentation constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

613        Comme les parties l’ont fait valoir, le critère pour établir une violation du CCT est indiqué dans Vallée. La fonctionnaire devait démontrer qu’elle a exercé ses droits en vertu de la partie II du CCT, qu’elle a subi des représailles, que les représailles étaient d’ordre disciplinaire et qu’il y avait un lien direct entre l’exercice de ses droits et les mesures prises contre elle. En l’espèce, il n’y avait pas de lien direct entre la mesure disciplinaire et l’exercice de ses droits en vertu de la partie II.

614        L’employeur a le fardeau de prouver qu’une contravention à l’art. 147 du CCT ne s’est pas produite. Il s’acquitte de son fardeau s’il peut établir l’un des éléments suivants : la fonctionnaire n’a pas agi conformément à l’art. 128, la fonctionnaire n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire ou, si la fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, ce n’était pas lié à l’exercice de ses droits en vertu de l’art. 128 (voir White, au paragr. 142).

615        L’employeur a contesté l’existence d’un lien entre la mesure disciplinaire imposée et l’exercice des droits de la fonctionnaire en vertu de l’art. 128 du CCT.

616        Selon les types de représailles indiquées à l’art. 147, la fonctionnaire a soutenu uniquement qu’elle a fait l’objet d’une mesure disciplinaire parce qu’elle a exigé que son employeur lui fournisse un environnement de travail sécuritaire. Afin de déterminer que des représailles disciplinaires ont eu lieu, il doit y avoir un lien entre l’exercice des droits de la fonctionnaire en vertu de la partie II du CCT et la mesure disciplinaire imposée par l’employeur (voir Gaskin c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 96, au paragr. 62; Tanguay c. Opérations des enquêtes statistiques,2005 CRTFP 43, au paragr. 14; Vallée, au paragr. 64; Martin-Ivie).

617        Comme preuve de la violation par l’employeur de l’art. 147, la fonctionnaire a soulevé deux des allégations d’inconduite sur lesquelles Mme Meroni a fait enquête, soit la violation de la confidentialité et l’accès par la fonctionnaire aux registres de PeopleSoft, qui sont survenues toutes les deux avant que l’employeur reçoive une lettre de son avocat pour exiger qu’il lui fournisse un environnement de travail sécuritaire.

618        Selon la fonctionnaire, la décision de faire enquête représentait clairement des représailles. L’employeur ne se souciait pas de l’accès à PeopleSoft lorsqu’elle l’avait fait auparavant. Ce n’est qu’après la lettre du 3 avril 2015 de M. Korbin que Mme Meroni a demandé à M. Goluza d’informer la fonctionnaire que son accès était inacceptable. De même, l’employeur n’a rien fait au sujet de la violation de confidentialité du 27 février 2015, avant de recevoir la lettre de M. Korbin. Comme par hasard, c’était la première enquête sur une inconduite que Mme Meroni effectuait et la première lettre qu’elle recevait au sujet du CCT.

619        Le fait que l’enquête sur le harcèlement était toujours en cours au moment où la violation de la confidentialité a été découverte et qu’elle ne s’est conclue qu’après la réception de la lettre de M. Korbin par l’employeur est absent de la théorie de la fonctionnaire sur les événements. La mesure disciplinaire pour cette violation a suivi de près la présentation par l’enquêteuse du rapport final à l’employeur et son signalement de la violation. De même, selon le témoignage de Mme Meroni, la première fois où elle a entendu parler de l’accès par la fonctionnaire aux registres de PeopleSoft était très peu de temps après avoir reçu la lettre de M. Korbin. Elle a dit à M. Goluza d’ordonner à la fonctionnaire d’arrêter. Les deux incidents d’inconduite et la lettre de M. Korbin ne sont pas liés.

620        La fonctionnaire a violé la politique de l’employeur sur l’accès aux registres des employés après que M. Korbin eut envoyé sa lettre. Le simple fait que les questions de sécurité aient été soulevées en même temps qu’a eu lieu l’inconduite n’empêche pas un employeur de prendre une mesure. Un employé ne peut utiliser ses droits prévus par le CCT comme bouclier pour empêcher qu’un comportement par ailleurs répréhensible soit visé par une mesure disciplinaire (voir Aker, au paragr. 38; et Martin-Ivie, au paragr. 59).

621        Si le lien essentiel n’existe pas entre les droits prévus au CCT et la mesure disciplinaire, l’analyse prévue à l’art. 133 prend fin. Un employeur peut imposer des mesures disciplinaires pour une bonne raison, une raison discutable ou pour aucune raison, tant qu’il n’y a pas de violation du CCT (voir Ouimet, [2002] CCRI no 171 (QL) au paragr. 56). Une brève période entre la mesure disciplinaire et l’exercice des droits prévus au CCT ne suffit pas pour établir un lien (voir Vallée, au paragr. 71). En l’espèce, la fonctionnaire s’en est remise entièrement au délai entre les événements pour établir un lien, ce qui ne suffit pas pour la décharger de son fardeau.

622        L’exercice par une personne de ses droits prévus au CCT n’est pas un bouclier contre un comportement déplacé. La protection contre les représailles ne porte pas sur l’inconduite sans lien. La question est celle de savoir s’il y a un lien entre la mesure disciplinaire et l’exercice de ses droits en vertu de la partie II du CCT. L’exercice des droits en vertu de l’art. 128 du CCT doit être la cause immédiate de la mesure disciplinaire imposée (voir Martin-Ivie). Il ne suffit pas de montrer que la mesure disciplinaire a été imposée; la fonctionnaire doit également démontrer qu’un lien existe entre la mesure disciplinaire et l’exercice des droits en vertu de l’art. 128 (voir Paquet), ce qu’elle n’a pas fait.

C. Équité procédurale

623        La fonctionnaire a soutenu que même si ses actions justifiaient l’imposition d’une mesure disciplinaire, l’employeur avait contrevenu à ses droits à l’équité procédurale et pour cette raison, aucune mesure disciplinaire ne devrait être imposée. J’ai demandé des arguments écrits au sujet de l’incidence d’une violation de l’équité procédurale sur le résultat d’une mesure disciplinaire. Plutôt que de répondre à la question, la fonctionnaire a choisi de profiter de l’occasion pour rouvrir ses plaidoiries et faire valoir que l’employeur avait contrevenu à la convention collective en ajoutant un motif supplémentaire de licenciement, soit qu’elle a prétendu craindre M. Russell alors que ce n’était pas le cas, ce dont elle n’a pas été avisée.

624        L’employeur a soutenu qu’il s’agit d’une violation du principe de Burchill, puisque cette question n’a pas été soulevée pendant la procédure de règlement des griefs. Même si je m’étais attendue à ce que l’agent négociateur soulève la violation de la convention collective dans le cadre de sa plaidoirie durant la procédure de règlement des griefs ou à tout le moins pendant l’audience d’arbitrage, il ne l’a pas fait et il ne convenait pas de la soulever plus tard. Même si c’était approprié, je n’aurais pas accepté l’argument selon lequel l’employeur a ajouté un nouveau motif. Les réflexions de M. Owen sur la question de savoir si la fonctionnaire éprouvait réellement des craintes faisaient partie de ses délibérations sur la confiance, ce qui a été clairement indiqué comme un motif de licenciement.

625        En outre, l’employeur a établi que la fonctionnaire est coupable de conduite répréhensible, de manque de loyauté envers l’employeur et d’une détermination aveugle pour se disculper, ce qui est semblable à la situation dans l’affaire IMTT-Québec. Elle n’a pas prouvé de malhonnêteté de l’objectif de la part de l’employeur; en fait, c’est sa motivation tout au long de procédures qui est douteuse. Le contenu de la lettre de licenciement était détaillé et clair et respectait les exigences de la clause 17.01 de la convention collective.

626        Pour ce qui est de l’obligation d’exécution honnête, que la fonctionnaire aurait souhaité que j’ajoute dans la relation d’emploi, si elle existe, c’est dans le cadre du processus de négociations collectives entre les parties à la convention collective. Il n’y a eu aucune violation de la convention collective, je ne vois donc pas en quoi cette obligation a été violée.

627         Il est bien établi en droit que les audiences devant un arbitre de grief sont des audiences de novo et tout préjudice ou iniquité causé par un problème de procédure est corrigé par l’arbitrage du grief (voir Maas, au paragr. 118; Pajic; et Tipple, au paragr. 2). Toute erreur que Mme Meroni a faite dans son enquête a été corrigée par la longue audience devant la Commission, au cours de laquelle la fonctionnaire a eu pleinement la possibilité d’examiner les allégations formulées contre elle, de contre-interroger les témoins de l’employeur et de présenter sa preuve.

D. Réparation

628        La conduite de la fonctionnaire justifiait l’imposition d’une mesure disciplinaire. Je suis consciente du fait qu’elle a eu une longue carrière sans dossier disciplinaire. Bien qu’il puisse s’agir d’un facteur atténuant dans certaines circonstances, ce n’est pas toujours le cas. Parfois, l’acte répréhensible est tel que seule une sanction extrême est justifiée pour respecter les objectifs d’une mesure disciplinaire et envoyer le message aux autres que ce type de comportement ne sera pas toléré.

629        La fonctionnaire a été décrite comme une excellente agente ayant des compétences extraordinaires en matière d’enquête, ce qui représente, j’en suis certaine, une grande perte pour l’employeur. Toutefois, je garde à l’esprit que l’employeur a perdu confiance en elle et que son gestionnaire et ses collègues ont déclaré qu’ils ne pouvaient plus travailler avec elle. M. Russell a déclaré qu’il ne pouvait pas travailler avec elle de nouveau. À la question de savoir si elle croyait qu’elle pouvait être réintégrée, la fonctionnaire a fait preuve d’un manque d’introspection remarquable quant à l’incidence de ses actions sur le lieu de travail. Elle était convaincue qu’elle pouvait rétablir une relation de travail avec M. Goluza et a supposé qu’elle reprendrait son rôle de gestionnaire aux bureaux de Vancouver et de Nanaimo, avec M. Russell dans son équipe. C’est très étonnant étant donné la preuve que la Commission a entendue.

630        J’ai examiné l’ensemble des facteurs et arguments que les parties m’ont présentés pour appuyer leur position sur la question de la mesure disciplinaire imposée. La décision Cooper c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2013 CRTFP 119, est souvent citée pour appuyer l’argument selon lequel l’arbitre de grief ne devrait pas modifier une sanction disciplinaire, à moins qu’elle soit déraisonnable ou erronée (voir le paragraphe 13 de cette affaire). D’autres décisions indiquent que la sanction devrait être annulée uniquement si elle est excessive (voir Iammarrone c. Agence de revenu du Canada, 2016 CRTEFP 20; Rahim). Dans d’autres décisions encore, des arbitres de grief ont conclu que les sanctions ne devraient pas être annulées si elles étaient justifiées (McNulty c. Agence du revenu du Canada, 2016 CRTEFP 105).

631        Essentiellement, à mon avis, ces affaires défendent toutes le même principe, soit que toute mesure disciplinaire imposée par l’employeur contre un employé doit être justifiée dans les circonstances, doit tenir compte de tous les facteurs aggravants et atténuants et doit être raisonnable. Une sanction raisonnable n’est pas excessive. Étant donné la preuve dont je suis saisie, je conclus que le licenciement de la fonctionnaire n’était pas excessif et qu’il était raisonnable dans les circonstances.

632        L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que 22 années de service ne peuvent être détruites par une erreur de jugement momentanée, mais ce n’en était pas une. Il s’agissait d’un comportement continu dont a fait preuve une gestionnaire à l’égard de ses employés et de son employeur. C’était le cas d’une gestionnaire qui a fait preuve d’insubordination et qui a contrevenu au Code de valeurs et d’éthique et au Code de conduite des agents de l’employeur, qu’elle a juré de respecter.

633        Contrairement à la situation dans Matthews, en l’espèce, personne représentant l’employeur n’était d’avis que la relation d’emploi pouvait être préservée. Lorsque la confiance dans un employé a été détruite et qu’elle ne peut être rétablie, peu importe l’existence de circonstances atténuantes, la relation d’emploi doit prendre fin. Par conséquent, je ne crois pas que la décision de l’employeur selon laquelle le licenciement est approprié dans les circonstances était déraisonnable ou erronée. Je ne crois pas non plus que le licenciement était excessif dans les circonstances.

634        Un grand nombre d’arguments ont été présentés en dehors de ceux que j’ai examinés, comme l’atteste la longue liste d’arguments indiquée dans la présente décision. Les deux parties ont soumis de la jurisprudence au soutien de ces arguments. Compte tenu de la véritable nature de l’affaire dont je suis saisie, je ne les ai pas abordées individuellement; j’ai plutôt mentionné celles qui abordaient directement la véritable nature du litige entre les parties.

635        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

636        Le grief est rejeté.

637        La plainte est rejetée.

Le 28 septembre 2018.

Traduction de la CRTESPF

Margaret T.A. Shannon,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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