Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte alléguant que l’intimé avait abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé – il était d’avis que les justifications invoquées pour l’utilisation d’un processus non annoncé et pour le choix de la personne nommée n’étaient pas objectivement valables – d’après lui, il y avait d’autres candidats potentiels, dont lui-même, qui possédaient l’expérience nécessaire et qui étaient intéressés à assumer les fonctions en question à titre intérimaire, mais qu’ils n’avaient pas été pris en considération - l’intimé a nié avoir abusé de son pouvoir – le choix d’un processus de nomination non annoncé visait à corriger une situation imprévue découlant du départ du titulaire du poste en congé de maladie et ensuite en congé sans solde – selon l’intimé, la personne nommée était qualifiée - la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé - par ailleurs, le plaignant a allégué que la nomination était fondée sur le favoritisme personnel – l’intimé a soutenu qu’il n’y avait pas eu de favoritisme personnel – la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée puisqu’il n’y avait aucune preuve que le gestionnaire et la personne nommée entretenaient une relation de nature personnelle - enfin, le plaignant a allégué que l’intimé avait commis une erreur grave en tardant à afficher l’avis de nomination de la personne nommée – l’intimé a reconnu l’affichage tardif de l’avis de notification, mais a soutenu qu’il s’agissait d’une erreur administrative – la Commission a réitéré que le fait qu’une erreur constitue ou non un abus de pouvoir dépend de la nature et de la gravité de l’erreur – la Commission a souligné qu’en l’espèce, l’erreur n’était pas suffisamment grave pour équivaloir à un abus de pouvoir – ainsi, la Commission a conclu que le plaignant n’avait pas démontré que l’intimé avait abusé de son pouvoir en tardant à afficher l’avis de notification de la personne nommée.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20181227
  • Dossier:  EMP-2015-10038
  • Référence:  2018 CRTESPF 94

Devant une formation Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

MARTIN TANGUAY

plaignant

et

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

intimé

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Tanguay c. Commissaire du service correctionnel


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le demandeur:
Valérie Charrette, avocate, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Pour l'intimé:
Adam Gilani, avocat
Pour la Commission de la fonction publique:
Louise Bard, observations écrites
Affaire entendue à Montréal (Québec)
les 10 et 11 juillet 2018.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1         Le plaignant, Martin Tanguay, a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») alléguant que le commissaire du Service correctionnel du Canada (l’ « intimé ») a abusé de son pouvoir dans le cadre de la nomination intérimaire de Benoît Richer au poste de chef, gestion des installations ( « poste de CGI »), classifié au groupe et au niveau GL-COI-13, au sein du Service correctionnel du Canada (SCC), à Sainte-Anne-des-Plaines, au Québec.

2        Selon le plaignant, l’intimé a abusé de son pouvoir  en choisissant un processus de nomination non annoncé et dans l’application du mérite puisque la nomination de la personne choisie était fondée sur le favoritisme personnel. Le plaignant allègue aussi que l’intimé a commis une erreur grave en tardant à afficher l’avis de nomination de la personne nommée.

3        L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir. Le choix d’un processus de nomination non annoncé visait à corriger une situation imprévue découlant du départ du titulaire du poste en congé de maladie et ensuite en congé sans solde. L’intimé ajoute qu’il n’y a pas eu de favoritisme personnel, que la personne nommée a fait l’objet d’une évaluation complète et qu’elle possédait les qualifications exigées pour le poste. L’intimé reconnait que l’avis de notification a été affiché plus tard que souhaité, mais soutient qu’il s’agit d’une erreur administrative et que les employés ont disposé d’un droit de recours à la suite de la nomination.

4        La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas comparu à l’audience, mais a présenté des observations écrites décrivant ses lignes directrices et politiques pertinentes. Elle n’a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

5        Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est rejetée. Le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en cause.

II. Contexte

6         Un processus de nomination non annoncé a eu lieu pour pourvoir un poste de CGI, classifié GL-COI-13, à Sainte-Anne-des-Plaines, au Québec. Il s’agissait, à l’origine, d’un besoin temporaire puisque le titulaire du poste a informé son superviseur le 6 mars 2015 qu’il serait en congé de maladie pour une période de trois semaines, soit du 9 au 27 mars 2015.

7        Par la suite, le titulaire du poste a informé son superviseur que son médecin prolongeait de trois semaines son congé de maladie, soit jusqu’au 17 avril 2015.

8        L’intimé avait besoin d’une personne pour exercer les tâches du poste immédiatement étant donné les nombreux défis et projets en cours à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines et en raison d’une surcharge de travail en  lien avec la fin de l’année financière.

9        Le superviseur a demandé à certains employés sur place ou faisant partie d’un bassin de candidats GL-COI-13 s’ils étaient intéressés au poste et personne n’a manifesté son intérêt. Le superviseur s’est alors tourné vers des employés qui avaient déjà occupé un poste de CGI classifié GL-COI-13 par intérim dans un autre établissement.

10        Par le passé, M. Richer avait déjà occupé un tel poste par intérim dans un autre établissement pour une période d’un peu plus de 9 mois. Il a démontré un intérêt pour ces fonctions. Par conséquent, il a été choisi pour combler le besoin temporaire à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines. 

11        Peu de temps après, le titulaire du poste a annoncé à son superviseur qu’il souhaitait demander un congé sans solde de 15 mois. Il a effectué sa dernière journée de travail le 8 mai 2015, et a commencé son congé prolongé de 15 mois.

12        Le superviseur a donc entrepris des démarches pour trouver un remplaçant à long terme dans le poste et il a demandé à M. Richer de rester en poste jusqu’à ce qu’un remplaçant à long terme soit trouvé.

13        Le 21 juillet 2015, le titulaire du poste a informé son gestionnaire qu’il désirait revenir au travail avant la fin de son congé de 15 mois.

14        Le 24 août 2015, le titulaire du poste a réintégré son poste à  l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines.

15        M. Richer a donc occupé le poste de façon intérimaire du 12 mars 2015 au 2 octobre 2015. Il y a eu environ une semaine de transition pour assurer la continuation des projets et des services.

16        L’avis de nomination à la suite du processus non annoncé concernant la nomination intérimaire de M. Richer dans le poste de CGI (GL-COI-13), pour la période du 12 mars 2015 au 2 octobre 2015, a été affiché le 30 octobre 2015.

17        Le plaignant a déposé sa plainte lorsqu’il a pris connaissance de l’avis de nomination. La plainte d’abus de pouvoir est présentée à la Commission en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, (L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13; la « LEFP »).

III. Questions en litige

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en tardant à afficher l’avis de notification de la personne nommée?

IV. Analyse

18        En vertu du paragraphe 77(1) de la LEFP, une personne qui est dans la zone de recours peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou n’a pas fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir de la part de la CFP ou de l’administrateur général dans le processus de nomination.

19        Le plaignant s’appuie sur l’alinéa 77(1)b) de la LEFP pour affirmer que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé. Il se fonde également sur l’alinéa 77(1)a) de la LEFP pour affirmer que l’intimé a abusé de son pouvoir dans l’application du mérite.

20        Dans une plainte d’abus de pouvoir, le fardeau de la preuve incombe au plaignant. Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 48-55.

A. Question I : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé?

21        L’article 33 de la LEFP stipule que « la Commission [la CFP] peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé ».  La LEFP offre une certaine marge de manœuvre et n’établit pas de préférence quant au choix du processus. Dans Jarvo c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 6, au paragraphe 7, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a décrit l’abus de pouvoir dans le contexte du choix du processus et a conclu ce qui suit :

L’article 33 de la LEFP autorise explicitement l’utilisation de processus de nomination non annoncés. Cependant, l’art. 77(1)b) de la LEFP stipule qu’il est possible de porter plainte relativement au choix discrétionnaire d’utiliser un processus annoncé ou non annoncé, au motif qu’il y a eu abus de pouvoir. Le Tribunal a établi que le simple fait de recourir à un processus non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir en soi. Pour qu’une plainte en vertu de l’art. 77(1)b) de la LEFP soit accueillie, le plaignant doit montrer, selon la prépondérance des probabilités, que le choix d’utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir […].

22        Le plaignant a fait valoir qu’à la lumière des faits qui suivent, le choix d’utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. En particulier, il est d’avis que les justifications invoquées pour l’utilisation d’un processus non annoncé et pour le choix de la personne nommée n’étaient pas objectivement valables. Il entend démontrer que d’autres candidats potentiels, dont lui-même, possédaient l’expérience nécessaire et étaient intéressés à assumer les fonctions en question à titre intérimaire, mais qu’ils n’ont pas été pris en considération.

23        À l’audience, le plaignant a présenté son curriculum vitae en preuve. Il y est indiqué qu’il a occupé, de façon intérimaire, un poste de CGI classifié au groupe et au niveau GLCOI-11, à l’établissement de la Montée St-François, de septembre 2009 à janvier 2012.

24        Le plaignant a expliqué que, de façon générale, les postes classifiés GL-COI-11, sont des postes de surveillant d’entretien dans les divers établissements, et que les postes classifiés GL-COI-13 sont des postes de CGI. Toutefois, il a expliqué qu’à l’établissement de la Montée St-François, les deux employés occupant les postes classifiés GL-COI-11 avaient un statut particulier et qu’ils exerçaient des tâches de CGI plutôt que celles d’un surveillant d’entretien. C’est pourquoi il existait une description de travail de CGI classifié GL-COI-11 à l’établissement de la Montée St-François.

25        Le plaignant a déposé en preuve la description de travail du poste de CGI classifié GL COI-11 qu’il a occupé de 2009 à 2012, à l’établissement de la Montée St-François. Cette description démontre, selon lui, que le titulaire du poste exerce des fonctions analogues aux fonctions des CGI classifiés au niveau GL-COI-13 dans les autres établissements. En particulier, la description de travail énonce ce qui suit :

Le titulaire du poste est responsable des programmes d’entretien et de construction d’un établissement du SCC pour lequel au plus deux des affirmations suivantes s’appliquent :

  • L’établissement a une centrale thermique
  • L’établissement a une station de traitement (eau potable ou eaux usées)
  • L’établissement est classé à un niveau de sécurité MOYENNE, MAXIMALE ou à NIVEAUX MULTIPLES
  • L’établissement a un minimum de 225 cellules.

26        De façon semblable, la description de travail pour le poste CGI classifié           GL-COI-13 énonce que le titulaire du poste est responsable des programmes d’entretien et de construction d’un établissement du SCC pour lequel au plus trois des affirmations énoncées ci-dessus s’appliquent [je souligne].

27        Le plaignant a expliqué que, de 2009 à 2012, les CGI classifiés GL-COI-11 de l’établissement de la Montée St-François se rapportaient au directeur adjoint, Services de gestion, plutôt qu’à un CGI classifié GL-COI-13, comme dans les autres établissements. D’ailleurs, il n’y avait pas de CGI classifiés GL-COI-13 à l’établissement de la Montée St-François. De plus, les deux CGI classifiés GL-COI-11 de l’établissement de la Montée St-François supervisaient des adjoints, Services techniques, comme le font les CGI classifiés GL-COI-13 des autres établissements.

28        En somme, le plaignant a expliqué qu’il avait exercé les fonctions d’un CGI pendant 2 ans et 7 mois à l’établissement de la Montée St-François. Par conséquent, il a fait valoir que l’intimé avait commis une erreur en omettant de le considérer pour une nomination intérimaire à titre de CGI classifié GL-COI-13 à l’établissement de               Sainte-Anne-des-Plaines. Il a déposé en preuve son rapport d’évaluation du rendement pour la période où il a occupé le poste de CGI classifié GL-COI-11 à l’établissement de la Montée St-François. Son évaluation était très favorable et mentionne que le plaignant a géré des ressources financières et qu’il a exercé des fonctions de surveillance.

29        À l’audience, le plaignant a aussi donné un aperçu des postes qu’il a occupés après janvier 2012, lorsqu’il a cessé d’occuper le poste de CGI classifié GL COI-11.

30        Le plaignant a expliqué qu’il a d’abord occupé un poste d’agent de liaison chargé des travaux de construction (AS-05) à l’établissement de la Montée St-François, de janvier 2012 à avril 2014. Puis, il a occupé un poste d’ingénieur/gestionnaire de projets, génie électrique (EN-ENG-03), aux Services techniques, à partir d’avril 2014. Il s’agissait de son poste d’attache au moment de l’audience. Il a déposé en preuve la description de travail d’un gestionnaire de projets, génie électrique (EN-ENG-03) afin de démontrer quelles tâches il accomplissait dans ce travail. Plus particulièrement, il a énoncé ses responsabilités dans ce poste afin de démontrer qu’il détenait les qualifications nécessaires pour occuper le poste de CGI classifié GL-COI-13. Il a aussi démontré qu’il avait reçu une évaluation très favorable en 2014-2015 lorsqu’il a occupé le poste d’ingénieur/gestionnaire de projets, génie électrique (EN-ENG-03).

31        Le plaignant a aussi ajouté que le 6 mars 2017, il a été informé qu’il avait été jugé qualifié et que son nom avait été mis dans un bassin de candidats pour un poste de gestionnaire régional, Ingénierie et entretien (EN-ENG-04) ou un poste de gestionnaire régional, Planification des installations (EN-ENG-04). Il a aussi reçu une nomination intérimaire pour un remplacement d’une semaine dans un poste classifié au niveau EN-ENG-04, du 22 au 26 février 2016.

32        Le plaignant a déposé en preuve la description de travail du poste de gestionnaire régional, Ingénierie et entretien (EN-ENG-04) et la description de travail du poste de gestionnaire régional, Planification des installations  (EN-ENG-04), à l’appui de son argument qu’il possédait les qualifications essentielles exigées pour ces postes.

33        Le plaignant a expliqué qu’il a par la suite postulé au poste de chef de projet de construction (EN-ENG-05) et qu’il a reçu une nomination intérimaire d’une durée de 4 mois moins un jour dans un tel poste de février à juin 2018. Il a déposé en preuve la description de travail de ce poste pour démontrer quelles tâches il avait accomplies pendant cette nomination intérimaire.

34        Bien que ces développements dans la carrière du plaignant soient ultérieurs à la nomination intérimaire de M. Richer au poste de CGI (GL-COI-13) en 2015, le plaignant a fait valoir que son parcours professionnel permettait de démontrer qu’il aurait été qualifié pour le poste en question puisqu’il s’est qualifié pour des postes comparables ou de niveau plus élevé. Selon lui, toutes les descriptions de travail des postes qu’il a occupés démontrent qu’il détenait l'expertise pertinente, notamment en gestion de projet, en gestion de ressources humaines et en gestion financière, pour occuper un poste de CGI classifié GL-COI-13. Selon lui, la justification de l’intimé que personne d’autre n’était qualifié pour le poste ne tient pas la route.

35        Le plaignant a aussi précisé qu’il aurait été intéressé par le poste CGI classifié GL-COI-13, mais que sa candidature n’a pas été prise en considération. En somme, il a précisé qu’en tant qu’ancien CGI classifié GL-COI-11 à l’établissement de la Montée        St-François et en tant que gestionnaire de projets en 2015, il aurait été une personne qualifiée et intéressée par le poste convoité, contrairement à l’énoncé de l’intimé.

36        Le plaignant a aussi ajouté que le recours à des processus non annoncés empêche les employés d’avoir des possibilités d’avancement. Dans un processus non annoncé, l’intimé ne sollicite pas forcément de candidatures.

37        Enfin, le plaignant a ajouté que le fait qu’il ne détienne pas le pouvoir d’attestation en vertu de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques, soit l’un des motifs pour lequel M. Richer a été choisi, ne posait pas de problème puisque son gestionnaire supérieur aurait eu l’autorité d’approuver les dépenses encourues. Le gestionnaire supérieur du CGI classifié GL-COI-13 était à l’époque Martin Gagnon. Ce dernier était, au moment du processus, administrateur régional par intérim, Services techniques.

38        En réponse à ces allégations, l’intimé a fait valoir que le besoin de remplacement était au départ de très courte durée, soit pour une période de 3 semaines en mars 2015. Ce congé a ensuite été prolongé de trois semaines. Par la suite, l’intimé a dû prendre des mesures pour trouver un remplaçant dans le poste à plus long terme étant donné qu’à son retour au travail (de façon progressive sur quatre semaines) le titulaire du poste a informé son gestionnaire de sa décision de prendre un congé sans solde allant jusqu’à 15 mois, à compter du 8 mai 2015.

39        M. Gagnon était le gestionnaire subdélégué dans le cadre de ce processus de nomination. Il a décrit de manière détaillée les étapes du processus à l’audience.

40        Il a expliqué que le vendredi 6 mars 2015, le titulaire du poste de CGI classifié GL-COI-13 lui a remis un billet médical indiquant qu’il serait en arrêt de travail pour trois semaines, soit du 9 au 27 mars 2015. M. Gagnon a expliqué que lorsque le titulaire du poste l’a informé de son départ imminent en congé de maladie, il lui a aussi dit qu’il ne serait pas facile de trouver un remplaçant puisque lors de ses absences précédentes, il avait eu de la difficulté à trouver quelqu’un pour le remplacer. Le CGI occupait un poste clé à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines. Une restructuration était en cours à SCC et le climat à l’établissement était marqué par les changements d'orientation et des tensions.

41        M. Gagnon, préoccupé par le départ du CGI et le risque que la situation s’envenime à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, a examiné différentes solutions pour doter le poste vacant. Il a d’abord expliqué comment il a doté le poste de façon temporaire du 9 au 27 mars 2015. À court terme, son objectif était de pourvoir le poste rapidement étant donné les nombreux défis et projets en cours à l’établissement et une surcharge de travail en  lien avec la fin de l’année financière. Dans son témoignage, il a précisé que le poste devait être doté en toute urgence.

42        Il y avait un bassin de candidats qualifiés disponibles pour des postes classifiés GL-COI-13. M. Gagnon a consulté le seul candidat de ce bassin qui était disponible pour un remplacement temporaire. Ce dernier occupait un poste classifié GL-COI-11 et travaillait à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines;  étant donné les nombreux défis présents à l’établissement, ce candidat n’était pas intéressé à occuper le poste de CGI classifié GL-COI-13.

43        M. Gagnon a ensuite envisagé la possibilité de nommer un candidat parmi les employés classifiés GL-COI-11 de l’équipe des Services techniques locaux à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines. Le 9 mars 2015, il a rencontré les trois employés en question à l’établissement (l’employé dans le bassin GL-COI-13 était aussi l’un de ces employés). Ces derniers l’ont informé qu’ils n’étaient pas intéressés au poste de CGI classifié GL-COI-13 étant donné les nombreux défis à l’établissement. En plus des défis découlant de la restructuration à SCC, il y avait des problèmes de relations de travail et des questions de dotation non résolues ou en retard. Des postes d’adjoint administratif étaient vacants et la charge de travail additionnelle des autres employés était de plus en plus importante. L'équipe était à bout de souffle à cause de tous ces défis.

44        Les trois employés ont suggéré à M. Gagnon de demander qu’un directeur adjoint, Services de gestion, avec beaucoup d’expérience soit nommé au poste. Une telle personne pourrait, selon les employés en question, trouver des solutions aux problèmes de l’établissement.

45        M. Gagnon a discuté de cette recommandation avec le sous-ministre régional des services intégrés. Il a demandé à son supérieur si, dans le cadre de la restructuration, un directeur adjoint, Services de gestion, était disponible pour occuper le poste de CGI classifié GL-COI-13 temporairement. Son supérieur lui a répondu qu’aucun directeur adjoint, Services de gestion, n’était disponible. Par contre, il a suggéré à M. Gagnon de demander au directeur adjoint, Services de gestion, de l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines d’aider le CGI classifié GL-COI-13 qui serait nommé par intérim. Selon M. Gagnon, cette collaboration avec le directeur adjoint, Services de gestion, de l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines, était souhaitable puisque ce dernier connaissait bien l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines.

46        Ensuite, M. Gagnon a entrepris de trouver une personne qui occuperait par intérim le poste de CGI classifié GL-COI-13. M. Gagnon s’est tourné vers les employés ayant déjà occupé par intérim un tel poste dans d’autres établissements et dans le même secteur, dont M. Richer. Ce dernier avait déjà occupé par intérim un poste de CGI classifié GL-COI-13 pour une période d’un peu plus de 9 mois à l’établissement de Cowansville.

47        De plus, M. Richer avait suivi la formation G110 sur la délégation de pouvoirs pour les gestionnaires et avait obtenu le pouvoir de signature requis. M. Gagnon a précisé qu’étant donné la surcharge de travail en  lien avec la fin de l’année financière, cette délégation était indispensable. M. Gagnon a expliqué qu’il ne pouvait pas approuver toutes les factures des services techniques à l’établissement et faire les vérifications requises, puisqu’il ne travaillait pas à cet endroit.

48        De même, M. Gagnon a expliqué que le CGI (GL-COI-13) gère un gros budget à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines. Au moment des faits, il y avait plusieurs projets de construction en cours et le CGI devait prendre en charge l'approbation des factures des fournisseurs. Par conséquent, la personne responsable de l'approbation des factures devait absolument être sur place pour corriger les irrégularités dans un délai déterminé.

49        M. Gagnon a donc demandé à M. Richer s’il accepterait d’occuper le poste à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines pour une courte période de quelques semaines.  M. Gagnon savait que M. Richer avait déjà démontré un intérêt pour ces fonctions. M. Richer a accepté d’exercer ces fonctions de façon intérimaire.

50        Le 11 mars 2015, M. Gagnon a envoyé une note de service au personnel de l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines l’avisant que le titulaire du poste de CGI serait absent pour trois semaines et que M. Richer le remplacerait. Or, peu après, le titulaire du poste de CGI a informé M. Gagnon que son arrêt de travail serait prolongé de trois autres semaines, soit jusqu’au 17 avril 2015. M. Richer a donc été invité à rester en poste.

51        À la suite de son congé de maladie, soit à partir du 20 avril, le titulaire du poste de CGI a fait un retour progressif au travail. Cependant, le même jour, il a informé M. Gagnon qu’il désirait se prévaloir d’un congé sans solde de 15 mois. Sa demande a été acceptée. Le 8 mai 2015, il a effectué sa dernière journée au travail.

52        M. Gagnon a expliqué qu’au même moment, sa propre charge de travail est devenue beaucoup plus importante que d’ordinaire à cause de la mise en place d’un nouveau modèle de gouvernance à SCC. De plus, deux autres CGI sous sa responsabilité, mais exerçant leurs fonctions dans d’autres établissements, étaient en congé de maladie.  

53        Le 30 avril 2015, M. Gagnon a rempli un formulaire intitulé « Demande d’intérimaire de moins de 4 mois ». Dans les renseignements sur le poste intérimaire, M. Gagnon a indiqué le 12 mars 2015 comme date de début initiale et il a indiqué que la période de la nomination intérimaire était du 25 avril au 11 juillet 2015.

54        Le 8 mai 2015, M. Gagnon a envoyé un courriel au personnel de l’équipe des Services techniques pour les informer que le titulaire du poste de CGI quittait pour un congé de 15 mois.

55        Le 21 juillet 2015, le titulaire du poste de CGI a écrit à M. Gagnon pour l’informer qu’il désirait réduire la durée prévue de son congé sans solde et retourner au travail le 10 mai 2016 plutôt que le 10 août 2016. Le 27 juillet 2015, il a écrit de nouveau à M. Gagnon pour l’informer qu’il désirait, somme toute, retourner rapidement au travail et qu’il serait de retour le 24 août 2015, soit une année plus tôt que prévu.

56        Le 10 août 2015, M. Richer a envoyé un courriel au personnel de son équipe pour annoncer le retour du titulaire du poste de CGI à partir du 24 août 2015.

57        Le plaignant reproche à M. Gagnon de n’avoir pas pris en considération les employés ayant antérieurement occupé un poste de CGI classifié GL-COI-11 aux établissements de la Montée St-François et de Joliette. Le plaignant est d’avis qu’en tant qu’ancien CGI classifié GL-COI-11 à l’établissement de la Montée St-François, il a exercé des fonctions semblables à celles des CGI classifiés GL-COI-13, et qu’il s’agissait d’une erreur de ne pas prendre sa candidature en considération.

58        Le plaignant a démontré qu’aux établissements de la Montée St-François et de Joliette, au moment du processus, les employés classifiés GL-COI-11 occupaient des postes de CGI plutôt que des postes de surveillant, comme dans les autres établissements. De plus, ces employés classifiés GL-COI-11 relevaient directement du directeur adjoint, Services de gestion, et non d’un CGI classifié GL-COI-13, puisqu’il n’y en avait pas dans ces établissements. Il importe de mentionner que dans les autres établissements, les employés classifiés au GL-COI-11 se rapportaient à un CGI classifié GL-COI-13 qui, lui, relevait d’un directeur adjoint, Services de gestion.

59        M. Gagnon a reconnu ne pas avoir pris en considération les personnes ayant déjà occupé par intérim un poste de CGI classifié GL-COI-11 puisqu’un ancien CGI classifié GL-COI-13, M. Richer, avait accepté d’exercer les fonctions du poste.

60        M. Gagnon a reconnu que les CGI classifiés GL-COI-11 dans les établissements de la Montée St-François et de Joliette effectuaient des tâches différentes des surveillants des travaux/entretien classifiés GL-COI-11 des autres établissements. Toutefois, M. Gagnon a précisé que les CGI classifiés GL-COI-11 n’avaient quand même pas les mêmes responsabilités que les CGI classifiés GL-COI-13 des autres établissements.

61        Plus précisément, il a expliqué qu’aux établissements de la Montée St-François et de Joliette, les CGI classifiés GL-COI-11 travaillaient dans de plus petits établissements et que leurs tâches étaient moins complexes et les questions de sécurité moins importantes. M. Gagnon n’est donc pas d’accord avec l’affirmation du plaignant que les CGI classifiés GL-COI-11 de ces établissements effectuaient pratiquement toutes les mêmes tâches que les CGI classifiés GL-COI-13 des autres établissements. De même, il a affirmé que dans les plus petits établissements, les directeurs adjoints, Services de gestion, étaient plus impliqués et effectuaient certaines des tâches assignées aux CGI classifiés GL-COI-13.

62        À l’audience, M. Gagnon a également été invité à comparer les descriptions de travail des CGI classifiés GL-COI-11 et GL-COI-13. M. Gagnon a renvoyé à la première page de la description de travail des CGI (GL-COI-11) qui mentionne que deux critères sur quatre doivent s’appliquer à eux. Toutefois, selon la description de travail des CGI (GL-COI-13) trois critères sur quatre doivent s’appliquer à ces CGI. M. Gagnon a expliqué que cette différence démontrait que le niveau de complexité du travail était plus important lorsque le titulaire devait s’acquitter d’un plus grand nombre de responsabilités.

63        M. Gagnon a également souligné d’autres différences entre les descriptions de travail des CGI classifiés GL-COI-11 et des CGI classifiés GL-COI-13. Il a notamment fait référence à une section en caractère gras à la page 2 de la description de travail des CGI classifiés GL-COI-11, qui indique que le titulaire CGI classifié GL-COI-11 peut être appelé à effectuer divers travaux manuels. M. Gagnon a précisé que cette possibilité est envisagée pour les CGI classifiés GL-COI-11 puisque leurs tâches sont moins complexes et qu’ils ont donc l’occasion d’effectuer des tâches manuelles supplémentaires. Enfin, M. Gagnon a noté que les CGI classifiés GL-COI-13 étaient aussi responsables de diriger des superviseurs subordonnés, ce qui n’est pas le cas des  CGI classifiés GL-COI-11.

64        M. Gagnon a expliqué que les distinctions entre les tâches des CGI classifiés GL-COI-11 et des CGI classifiés GL-COI-13 dans les différents établissements de SCC ont été corrigées lors de l’instauration du nouveau modèle de gouvernance en octobre 2014. À la suite du regroupement d’établissements, on retrouve maintenant un CGI classifié GL-COI-13 dans tous les nouveaux établissements. Par conséquent, a expliqué M. Gagnon, le titre du poste de CGI classifié GL-COI-11 à l’établissement de la Montée St-François - maintenant appelé Centre fédéral de formation - devrait être modifié à surveillant des travaux/entretien.

65        M. Gagnon a aussi précisé qu’à moyen terme, étant donné l’absence imprévue du titulaire du poste pour une période significative, il souhaitait maintenir M. Richer dans le poste temporairement afin d’assurer une continuité, ce qui lui permettrait également d’entreprendre les procédures pour pourvoir le poste à long terme.

66        M. Gagnon a expliqué qu’il y avait deux options pour pourvoir le poste à long terme : (1) une fois le nouveau modèle de gouvernance en vigueur, il pouvait muter un CGI classifié GL-COI-13 excédentaire d’un autre établissement à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines ou (2) dans l’éventualité où l’entrée du nouveau modèle de gouvernance était retardé, il pouvait lancer un processus annoncé pour établir un bassin de candidats qualifiés.

67        Plus précisément, M. Gagnon savait que la restructuration de SCC comprenait la fusion des établissements de Cowansville et de Drummondville. Ainsi, il y aurait un CGI classifié GL-COI-13 excédentaire. Il était donc possible que l’employé excédentaire occupe le poste vacant à Sainte-Anne-des-Plaines en septembre 2015. M. Gagnon a consulté le CGI classifié GL-COI-13 de l’établissement de Cowansville afin de sonder son intérêt pour le poste vacant et ce dernier s’est dit prêt à déménager à Sainte-Anne-des-Plaines pour occuper le poste. Quant au CGI classifié GL-COI-13 de l’établissement de Drummondville, ce dernier était disposé à s’occuper du nouvel établissement, créé par suite de la fusion.

68        L’autre option consistait à lancer un processus de nomination annoncé pour doter le poste de CGI classifié GL-COI-13. Selon M. Gagnon, si un tel processus avait été lancé, il aurait été impossible d’attendre la conclusion du processus pour trouver un remplaçant puisque le poste devait être doté en tout temps. Il envisageait d’offrir le poste par rotation aux candidats intéressés avant la fin du processus. Il s’agissait d’une autre solution plausible, selon lui, à moyen terme. Il a donc constitué un comité d’évaluation et a entamé le travail de dotation. Il a toutefois constaté que l’élaboration de l’énoncé des critères de mérite était une tâche plus ardue que prévu puisque, avant la restructuration, les critères de mérite utilisés dans les différents processus de nomination pour les postes de CGI classifiés GL-COI-13 différaient selon les établissements. Or, l’énoncé des critères de mérite devait refléter les besoins des établissements après la restructuration.  M. Gagnon a préparé les nouveaux critères de mérite en juillet 2015, et les a soumis aux ressources humaines au début d’août 2015.

69        M. Gagnon a aussi consulté son superviseur et les Services des ressources humaines afin d’obtenir leur aval pour l’une des options à long terme décrites ci-dessus. Les ressources humaines ont informé M. Gagnon que si le congé sans solde  du titulaire du poste était de plus de 12 mois, il était possible de doter son poste. Au bout du compte, l’option serait choisie en fonction du rythme de mise en œuvre du nouveau modèle de gouvernance.

70        Tel qu’il a été mentionné, au moment du processus de nomination, une restructuration des établissements correctionnels était en cours. Plus particulièrement, un nouveau modèle de gouvernance avait été élaboré en 2014. Dans le cadre de cette restructuration, l’établissement de la Montée St-François a été jumelé au Centre fédéral de formation, l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines a été jumelé à l’établissement Archambault et l’établissement de Cowansville a été jumelé à l’établissement de Drummondville.

71        M. Gagnon a précisé que, dans l’intervalle, la solution envisagée a donc été de garder M. Richer en poste de mai à septembre 2015.

72        M. Gagnon n’a toutefois pas eu besoin d’instaurer les options à long terme, soit de muter le CGI classifié GL-COI-13 excédentaire ou procéder avec un processus de nomination annoncé, puisque, le 21 juillet 2015, le titulaire du poste de CGI a annoncé son retour prématuré au travail, le 24 août 2015. Son congé sans solde s’est donc limité à moins de trois mois plutôt qu’à 15 mois.

73        M. Gagnon a finalement décidé de maintenir M. Richer dans le poste pour une courte période additionnelle étant donné la période estivale et à des fins d’efficience. À l’époque, M. Richer avait fait de nombreux changements pour améliorer l’atmosphère de travail à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines. De plus, une période de transition entre la nomination de M. Richer et le retour du titulaire du poste de CGI  était nécessaire pour assurer la continuation des projets et des services.

74        Étant donné que la nomination intérimaire se prolongeait sur une période de plus de 4 mois, M. Gagnon a préparé la documentation nécessaire pour justifier le choix d’avoir recours à un processus de nomination non annoncé pour une nomination de plus de 4 mois. Dans un formulaire intitulé « Nomination d’un processus non annoncé », M. Gagnon a indiqué comme date de début de la nomination intérimaire le 12 mars 2015 et comme date de fin prévue le 18 septembre 2015. La nomination intérimaire a cependant été prolongée du 18 septembre au 2 octobre pour permettre la transition, la conclusion du bilan financier et pour que M. Richer puisse prendre deux semaines de vacances.

75        M. Gagnon a rempli le formulaire intitulé « Liste de contrôle pour le processus de nomination non annoncé ». Dans sa justification, signée le 11 août 2015, il a mentionné ce qui suit :

  1. L’équipe des services techniques locaux est en pleine restructuration et éprouve des difficultés dans l’implantation de la nouvelle gouvernance. Le CGI précédant avait en février et mars dernier demandé si des employés seraient intéressés à le remplacer, mais aucun ne démontrait son intérêt. Par ailleurs, le titulaire du poste est parti subitement en maladie. On doit le remplacer rapidement par une personne ayant la formation GC110 et l’expérience pour être fonctionnel  dès maintenant. M. Richer ayant déjà assumé un remplacement du CGI de près d’un an à l’établissement Cowansville, il avait clairement exprimé son intérêt pour effectuer des affectations intérimaires sur des postes de CGI. Par conséquent, nous avons opté pour un processus non-annoncé en attendant de poursuivre le processus de dotation ayant pour but de créer un bassin de candidat CGI.
  2. Le département des services techniques requiert une stabilité afin de mener à terme ses différents projets de construction et de maintenance des nombreux bâtiments de l’établissement. Ceci dit, nous estimons avoir épuisé toutes les options possibles respectant ainsi les valeurs directrices de la dotation.
  3. Le titulaire du poste d’attache est actuellement en congé sans solde depuis le 11 mai, auparavant il était en congé de maladie. En somme, compte tenu du fait que M. Richer rencontre les exigences du poste de surveillant de la gestion des installations, qu’il a comme objectif de carrière de devenir CGI, qu’à ce stade-ci la stratégie régionale de relocalisation des employés touchés n’est pas complétée, la présente demande de prolongation d’affectation intérimaire non apparaît justifiée.
  4. Prendre note que les services techniques est en train de lancer un processus annoncé. Nonobstant ce qui précède, à notre connaissance, M. Richer est le seul ayant obtenu la certification GC110 et disponible pour prendre les reines pour cette période.
  5. Tel que vous pourrez le constater dans l’évaluation narrative, M. Richer satisfait pleinement aux énoncés de critères de mérite du poste de CGI (GL-COI-13).

                   [Sic pour l’ensemble de la citation]

76        En bref, M. Gagnon a reconnu ne pas avoir pris en considération la candidature du plaignant pour le poste même si ce dernier répondait probablement aux critères de mérite du poste. Il a ajouté que le plaignant avait déjà fait partie de son équipe et qu’il lui avait alors demandé s’il était intéressé à occuper par intérim le poste de chef d'ingénierie, Entretien et installations. Le plaignant lui avait répondu qu’il était heureux dans son poste d’ingénieur/gestionnaire de projets, génie électrique et contrôle, et qu’il souhaitait y demeurer. Selon M. Gagnon, au cours de cette discussion, le plaignant lui avait fait part de ses aspirations professionnelles en matière de gestion de projets. Donc, de manière instinctive,  M. Gagnon n’a pas pensé de sonder le plaignant pour vérifier s’il était intéressé au poste de CGI classifié GL-COI-13.

77        Enfin, M. Gagnon a expliqué qu’il avait choisi d’utiliser un processus de nomination non annoncé pour éviter la détérioration de la situation. M. Richer répondait entièrement aux critères de mérite pour le poste de CGI classifié GL-COI-13.

78        Dans son argumentation, le plaignant a présenté neuf motifs à l’appui de son allégation que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé.

79        Premièrement, il a fait valoir que l’observation de l’intimé concernant la charge de travail accrue en raison de la fin de l’année financière ne s’applique qu’à la fin de l’année financière. Toutefois, la nomination intérimaire s’est étendue sur une plus grande période, soit du 12 mars 2015 au 2 octobre 2015, donc bien au-delà de la fin de l’année financière.

80        Deuxièmement, le plaignant a souligné que l’observation de l’intimé voulant que M. Richer soit le seul employé qualifié et intéressé par le poste est erronée. Il était    lui-même qualifié et intéressé par le poste. De même, d’autres anciens CGI classifiés           GL-COI-11 travaillant aux établissements de la Montée St-François et de Joliette étaient fort probablement qualifiés et auraient pu être intéressés par le poste.

81        Troisièmement, le plaignant a fait valoir que la preuve n’a pas clairement démontré comment M. Richer avait communiqué son intérêt à occuper le poste de CGI classifié GL-COI-13. En particulier, il n’existe aucune preuve qu’il a communiqué son intérêt par écrit.

82        Quatrièmement, le plaignant a fait valoir que l’observation suivante de l’intimé : « On doit le remplacer [le titulaire] rapidement par une personne ayant la formation GC110 et l’expérience pour être fonctionnel dès maintenant » n’est pas pertinente puisque le pouvoir d’attestation en vertu de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques n’est pas une qualification essentielle requise pour une nomination au poste de CGI classifié GL-COI-13. De plus, une représentante du SCC a confirmé au plaignant, le 18 janvier 2016, que lorsqu’un remplaçant n’a pas suivi la formation        G-110, « [c]’est le gestionnaire supérieur qui a autorité dans le budget qui signe la facture. »

83        Cinquièmement, le plaignant a fait valoir que l’intimé avait rédigé un Bulletin sur les critères pour les processus de nomination non annoncés (Bulletin #2007-23). Ce bulletin énumère les règles régissant les processus de nomination non annoncés et contient les critères justifiant le recours à un processus non annoncé. Selon le plaignant, l’évaluation narrative préparée par M. Gagnon ne précise pas comment chacun des points suivants énoncés dans le bulletin s’appliquent :

En plus de ces valeurs de nomination [justice, accès, transparence et représentativité], les gestionnaires devraient tenir compte des considérations suivantes avant de choisir un processus de nomination non annoncé :

  • souplesse, abordabilité et efficacité;
  • nature du travail, urgence et durée de la nomination;
  • critères de mérite (qualités essentielles et qualifications qui constituent un atout, exigences opérationnelles et besoins organisationnels);
  • marché du travail, notamment les répertoires de candidats et les considérations relatives à l’équité en matière d’emploi et aux langues officielles;
  • accès à des occasions de perfectionnement et aspirations professionnelles des employés et des employées.

84        Sixièmement, le plaignant a fait valoir que le Bulletin #2007-23 énumère les seules situations où un processus de nomination non annoncé peut être employé. Lorsque, comme dans le présent cas, aucune des deux premières circonstances particulières énumérées ne s’applique, le Bulletin #2007-23 mentionne ce qui suit:

             […]

Des processus non annoncés de nomination interne ou externe pourraient être employés dans les circonstances qui suivent.

Autres raisons (à décrire dans la justification indiquée par le ou la gestionnaire), ne figurant pas dans les critères ci-dessus, mais justifiant que le recours à un processus non annoncé est la meilleure option satisfaisant aux besoins du SCC et conforme aux valeurs de nomination de la fonction publique. La justification doit mentionner une tentative de recrutement par processus annoncé, indiquant la zone de sélection et les résultats obtenus.

    [Le passage en évidence l’est dans l’original]

85        Selon le plaignant, la justification préparée par M. Gagnon ne répond pas à cette dernière exigence et n’est pas adéquate. Le plaignant m’a renvoyée au paragraphe 89 de Turner c. Sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2009 TDFP 22, à l’appui de son allégation. Dans cette affaire, la plaignante avait formulé des allégations selon lesquelles l'intimé avait abusé de son pouvoir dans le choix d'un processus non annoncé et avait effectué la nomination par favoritisme personnel. L'intimé avait répondu que son action était raisonnable et appropriée et que le processus de nomination était fondé sur des besoins opérationnels et non sur le favoritisme personnel. Le Tribunal a déterminé qu'en dépit des erreurs et omissions survenues au cours du processus de nomination, il y avait insuffisance de preuve pour conclure à un abus de pouvoir. Toutefois, le Tribunal a mentionné ce qui suit au paragraphe 89 :

En outre, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas expliqué comment la nomination respectait les valeurs en matière de nomination, notamment celles qui sont énoncées dans le préambule de la LEFP, alors qu’il s’agit pourtant d’une exigence à la fois des lignes directrices de la CFP et de CIC. D’autre part, l’intimé n’a parachevé la justification écrite que le 27 novembre 2007, soit près de trois mois après le début de la nomination.

86        Septièmement, le plaignant a fait valoir que l’intimé a manqué de transparence dans le processus puisqu’il n’a pas avisé les employés, le 8 mai 2015, que la nomination intérimaire de M. Richer se poursuivrait tout l’été.

87        Huitièmement, le plaignant a fait valoir que la décision de M. Gagnon d’accorder un congé de 15 mois au titulaire du poste de CGI n’est pas logique étant donné qu’il a lui-même mentionné dans sa justification que l’équipe des Services techniques locaux était en pleine restructuration et éprouvait des difficultés dans la mise en œuvre du nouveau modèle de gouvernance. Selon le plaignant, si l’intimé avait réellement besoin de stabilité, il n’aurait pas approuvé la demande de congé du titulaire du poste.

88        Neuvièmement, le plaignant a fait valoir que l’intimé a commis une erreur en tardant à évaluer M. Richer. Son évaluation a été complétée en août 2015, soit après que le délai de 4 mois moins un jour ne se soit écoulé. Selon le plaignant, l’intimé n’a pas expliqué pourquoi cette évaluation n’a pas été faite plus tôt. Or, le 21 avril, l’intimé savait déjà que le titulaire du poste de CGI prévoyait s’absenter pour une période de 15 mois. Le plaignant a fait valoir qu’au-delà du délai de quatre mois, une évaluation et un avis de nomination intérimaire doivent être préparés. Bien qu’il soit plus facile de laisser un remplaçant en place dans un contexte difficile, il n’en demeure pas moins qu’il existe des règles exigeant qu’une justification soit préparée et qu’un avis soit affiché.

89        L’intimé a fait valoir que l’article 33 de la LEFP confère aux personnes déléguées le pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé ou non annoncé. Selon lui, il était tout à fait raisonnable de procéder par voie de processus non annoncé et il n’avait aucune obligation de considérer plus d’une personne.

90        Selon l’intimé, le choix d’un processus de nomination non annoncé visait à corriger une situation imprévue découlant du départ du titulaire du poste en congé de maladie et ensuite en congé sans solde.

91        L’intimé a fait valoir que M. Gagnon avait eu de la difficulté à trouver un remplaçant puisqu’il s’agissait d’un poste exigeant. Le titulaire du poste, dans le passé, avait eu de la difficulté à se trouver un remplaçant pendant ses absences. Or, M. Gagnon a d’abord offert la nomination intérimaire à un candidat faisant partie du bassin GL-COI-13 et ce dernier, un employé GL-COI-11, a refusé.

92        L’intimé a souligné que M. Gagnon a ensuite demandé aux autres employés GL-COI-11 de l’équipe s’ils étaient intéressés. Ils ont tous refusé. Ils ont cependant proposé à M. Gagnon de demander à un directeur adjoint, Services de gestion, d’un autre établissement en restructuration d’occuper le poste.

93        M. Gagnon en a parlé à son supérieur mais cette option n’était pas possible. Toutefois, il a été convenu qu’un directeur adjoint, Services de gestion, pourrait aider le CGI par intérim, au besoin. Par conséquent, M. Gagnon s’est tourné vers M. Richer, qui avait déjà occupé un poste de CGI classifié au niveau 13. M. Richer a accepté la nomination intérimaire.

94        De plus, l’intimé a fait valoir que le plaignant n’avait pas démontré d’intérêt à un moment donné pour une nomination intérimaire. M. Gagnon n’a donc pas pensé à lui demander si le poste l’intéressait.

95        L’intimé m’a renvoyée à Clout c. Sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 22, au paragraphe 32, età Kosowan c. Sous-ministre de la Santé, 2009 TDFP 24, au paragraphe 50. Dans Kosowan, onmentionne que le fait de ne prendre en considération qu’une seule candidature, comme dans l’affaire qui nous occupe, est discrétionnaire et précisément autorisé aux termes du paragraphe 30(4) de la LEFP.

96        La CFP a aussi, dans ses observations écrites, fait valoir que les Lignes directrices sur le choix du processus de nomination de la CFP prévoient que les administrateurs généraux doivent préparer une justification écrite démontrant comment un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs en matière de nomination.

97        Dans le Bulletin #2007-23 du SCC, il est de même indiqué qu’il faut fournir une justification écrite à l’appui de la décision. En outre, le Bulletin exige qu’un formulaire ministériel soit rempli (la liste de contrôle pour les processus de nomination non annoncés).

98        En l’espèce, conformément à Robbins c. Sous-ministre de Service Canada, 2006 TDFP 17, le plaignant doit établir que la décision de choisir un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir.

99        Pour les raisons qui suivent, je conclus que le plaignant n’a pas établi que la décision de choisir un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir.

100        Lorsque l’intimé a appris que le titulaire du poste devait s’absenter quelques semaines, il a envisagé de nommer une personne qualifiée faisant partie d’un bassin de candidats classifiés GL-COI-13 dans le poste. Or, la personne admissible faisant partie

de ce bassin, de même que les autres employés sollicités par la suite (les employés  GL-COI-11 de l’équipe des Services techniques à l’établissement de Sainte-Anne-des-Plaines) n’ont pas accepté de remplacer le CGI absent. M. Gagnon a donc pris en considération la candidature de M. Richer, qui avait déjà occupé le poste de CGI classifié GL-COI-13 dans un autre établissement. Ce dernier a accepté d’occuper le poste pour une courte période de temps.

101        Par la suite, lorsque le titulaire du poste a informé l’intimé que son absence serait de longue durée, M. Gagnon a décidé de garder M. Richer dans le poste le temps de pourvoir le poste avec un employé excédentaire ou de le doter par le biais d’un processus annoncé. Or, le titulaire de poste est finalement revenu au travail près d’une année plus tôt que prévu. Il n’a donc pas été nécessaire d’avoir recours à la solution envisagée à long terme.

102        À l’audience, M. Gagnon a expliqué qu’il avait analysé ses besoins et exploré nombre d’options possibles pour pourvoir le poste à court, moyen et long terme, étant donné les multiples revirements imprévisibles qu’il a rencontrés, notamment le fait que le congé du titulaire du poste avait été prolongé plusieurs fois et abrégé par la suite. De même, M. Gagnon a dit avoir songé à la possibilité que le titulaire du poste de CGI ne revienne pas dans son poste d’attache.

103        Je suis d’avis que M. Gagnon a envisagé et mis en œuvre des stratégies d'ajustement crédibles pendant cette période difficile pour lui au travail. Je suis aussi d’avis que la justification écrite rédigée par l’intimé était conforme aux lignes directrices de la CFP en matière de choix de processus de nomination et aux lignes directrices établies par le SCC.

104        Plus précisément, la justification de la nomination par processus non annoncée est fondée sur les annotations suivantes: (1) l’équipe des services techniques est en pleine restructuration et éprouve des difficultés – le titulaire du poste doit donc être remplacé rapidement par une personne ayant suivi la formation sur la délégation de pouvoirs pour les gestionnaires (le cours G110 donné par l’École de la fonction publique du Canada) et possédant de l’expérience pour être fonctionnel dès maintenant; (2) le département des Services techniques a besoin de stabilité afin de mener à terme ses différents projets, et les autres options envisagées, conformément aux valeurs directrices en dotation, n’ont pas porté fruit; (3) M. Richer, en plus de répondre aux exigences du poste, a manifesté un intérêt pour devenir CGI; (4) un processus annoncé est sur le point d’être lancé par les Services techniques mais en attendant ce processus, le seul employé disponible ayant obtenu la certification et le pouvoir de signature requis pour le poste est M. Richer; (5) l’évaluation narrative de M. Richer a démontré qu’il satisfait les critères de mérite du poste.

105        Je note que le Bulletin #2007-23 prévoit que la justification doit mentionner une tentative de recrutement par processus annoncé, indiquant la zone de sélection et les résultats obtenus. Dans les circonstances, il aurait été préférable que la justification précise qu’une solution envisagée avait été de nommer la personne qualifiée et éligible faisant partie du bassin GL-COI-13 à occuper le poste, mais que cette personne avait décliné l’offre. La justification précise cependant ce qui suit : « Ceci dit, nous estimons avoir épuisé toutes les options possibles respectant ainsi les valeurs directrices de la dotation. » M. Gagnon a expliqué à l’audience quelles étaient les options qu’il avait envisagées et qui n’avaient pas été concluantes.

106        Somme toute, je suis de l’avis que la justification écrite expliquait convenablement le choix du processus de nomination non annoncé. La justification a été fournie par écrit et énumère précisément les raisons sous-jacentes à la décision d’opter pour un processus de nomination non annoncé. Il s’agit d’une justification explicite et détaillée qui renforce la transparence dans ce processus.

107        En ce qui concerne le fait que l’intimé ait mentionné ce qui suit dans sa justification : « On doit le remplacer [le titulaire] rapidement par une personne ayant la formation GC110 et l’expérience pour être fonctionnel dès maintenant », le plaignant a fait valoir que l’obtention du pouvoir de signature n’est pas une qualification essentielle pour le poste de GCI classifié GL-COI-13. Bien que ce soit exact, j’estime qu’il existe quand même un fondement raisonnable à l’expression de cet énoncé.

108        M. Gagnon a fait cette observation en raison de la surcharge de travail importante à l’établissement, notamment en raison de la fin de l’année financière, en mars 2015, et après, qui incombe au CGI. M. Gagnon a expliqué qu’il était indispensable que la personne occupant le poste par intérim détienne la délégation du pouvoir de signature requise afin de pouvoir approuver toutes les factures des Services techniques à l’établissement et faire les vérifications requises. Ceci était indispensable puisque M. Gagnon, lui, ne travaille pas à cet endroit. Cette justification était plausible dans les circonstances.

109        Je conclus donc que le plaignant, malgré la somme de ses arguments, n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé.

B. Question II: L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée?

110        Dans Glasgow c. le sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 7, le Tribunal s’est penché sur la notion de « favoritisme personnel »:

[41] […] Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d’une nomination. De la même façon, la sélection d’une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

[…]

111        Le plaignant a fait valoir que M. Richer avait été favorisé dans ce processus. Il a souligné que la justification du choix de M. Richer n’était pas objectivement valable et qu’il n’était pas approprié que seul M. Richer ait été pris en considération.

112        De plus, le plaignant a ajouté que M. Richer avait bénéficié du support du directeur adjoint, Services de gestion, pendant la période où il a occupé le poste en question et que, par conséquent, un traitement de faveur lui a été accordé. Il a de plus ajouté que M. Gagnon et M. Richer avaient déjà eu une relation amicale à l’extérieur du bureau.

113         À ce sujet, M. Gagnon a expliqué qu’il a commencé comme stagiaire à SCC en 2005. Il a affirmé qu’au moment du processus de nomination non annoncé, il occupait le poste d’administrateur régional des Services techniques depuis près de cinq ans et que M. Richer était un des employés qu’il supervisait. Il a ajouté qu’avant de devenir administrateur régional des Services techniques, en octobre 2010, il avait développé des liens d’amitié avec certains de ses collègues, dont M. Richer. Plus précisément, il lui arrivait de fréquenter ces personnes à l’extérieur du travail, par exemple en participant à diverses activités de plein air. M. Gagnon ne connaissait pas M. Richer avant son arrivée à SCC.

114        M. Gagnon a précisé, toutefois, que lorsqu’il a commencé à occuper le poste d’administrateur régional des Services techniques par intérim, il s’est distancé de son ancienne équipe de travail. Il a graduellement cessé de fréquenter ses anciens collègues. Il a affirmé que, depuis environ cinq ans, sa relation avec M. Richer et ses anciens collègues n’était que professionnelle.

115        L’intimé a soumis en preuve le formulaire intitulé « Déclaration signée par les personnes présentes au comité d’évaluation », signé par M. Gagnon, le 6 août 2015. Dans ce formulaire, le signataire affirme qu’il a pris connaissance des noms des candidats et que, à sa connaissance, il n’est apparenté à aucun d’entre eux et que les rapports qu’il aurait pu avoir avec eux ne sont pas de nature à influencer sa décision.

116        Le plaignant, toutefois, a soutenu qu’il fallait tenir compte de la preuve relative aux circonstances ou au contexte dans lequel la décision de nommer M. Richer est survenue. Il m’a renvoyée aux décisions suivantes à l’appui de son allégation qu’il y a eu favoritisme personnel : Drozdowski c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2016 CRTEFP 33, au paragraphe 37, Turner, aux paragraphes 94 et 95, et Glasgow, aux paragraphes 38 à 41 et 44.

117        Dans cette dernière décision, le Tribunal s’est penché sur l’utilisation d’éléments de preuve circonstancielle à l’appui d’une allégation de favoritisme personnel. Le paragraphe 44 de la décision se lit comme suit :

[44]  Une preuve de favoritisme personnel peut être directe, comme des faits démontrant clairement le lien personnel étroit qui existe entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée. Cela dit, ce sera souvent une question de preuve circonstancielle, où certains actes, commentaires ou événements observés avant ou pendant le processus de nomination doivent être examinés. Selon sa source et son lien particulier avec les questions en litige dans une plainte, la preuve circonstancielle peut être aussi convaincante que la preuve directe. […]

118        Le plaignant a fait valoir qu’il importe de garder en tête les faits suivants qui démontrent le contexte dans lequel la décision a été prise: (1) le pouvoir d’attestation en vertu de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques a été utilisé comme critère alors qu’il ne s’agit pas d’une qualification essentielle pour le poste; (2), les CGI classifiés GL-COI-11 n’ont pas été considérés pour une nomination bien qu’ils effectuaient des tâches de CGI; (3) la prolongation de la nomination intérimaire est empreinte d’un manque de transparence; (4) la justification a été produite tardivement; (5) la justification renvoie à la fin de l’année financière alors que la nomination intérimaire couvre une plus vaste période; (6) deux des trois personnes qui ont endossé la liste de contrôle pour le processus de nomination non annoncé n’ont pas signé le formulaire, seul M. Gagnon l’a signé; et (7) l’avis de nomination a été affiché bien après la fin de la période de nomination de quatre mois.

119        Le plaignant ajoute qu’il s’agit du contexte dans lequel M. Gagnon a nommé M. Richer - une personne avec laquelle il avait déjà entretenu une relation d’amitié. De plus, M. Gagnon n’a pris en considération aucune autre personne que M. Richer.

120        Selon le plaignant, la combinaison de tous ces éléments illustre qu’il y a eu une série d’omissions qui, collectivement, permet de conclure qu’il y a eu un traitement différentiel, ce qui constitue un abus de pouvoir. Le plaignant renvoie à Glasgow, au paragraphe 64, qui mentionne ce qui suit :

[64] […] En effet, il pourrait y avoir des situations où une erreur grave dans l’évaluation ou dans le classement constituerait une preuve concluante d’abus de pouvoir. On pourrait aussi être en présence d’une série d’erreurs qui, individuellement, ne permettraient pas de conclure au traitement différentiel. Pourtant, collectivement, elles pourraient mener à une telle conclusion.

121        Le plaignant m’a également renvoyée à Robert et Sabourin c. Sous-ministre de la Citoyenneté et de l’immigration, 2008 TDFP 24, au paragraphe 91, à l’appui de son argument qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a eu une faute intentionnelle pour établir qu’il y a eu de la mauvaise foi, et qu’il faut interpréter les faits de façon plus large afin d’inclure l’insouciance grave. En l’espèce, le plaignant a plus précisément fait valoir que l’intimé avait fait preuve de négligence en nommant M. Richer dans le poste puisque la preuve a établi, entre autres, que M. Gagnon et M. Richer avaient déjà entretenu une relation d’amitié.

122        Enfin, le plaignant a demandé à la Commission de s’interroger à savoir si, comme il est mentionné dans Denny c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 29, au paragraphe 26, un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité (ou du favoritisme personnel) chez le décideur. Selon le plaignant, un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir chez M. Gagnon du favoritisme personnel en faveur de M. Richer étant donné leur relation d’amitié antérieure.

123        L’intimé, quant à lui, m’a renvoyée aux paragraphes 52 à 54 de Carlson-Needham et Borden c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 38, qui précisent ce qui suit au sujet du fardeau de la preuve relativement à une allégation de favoritisme personnel :

[52] Par conséquent, pour obtenir gain de cause relativement à une allégation de favoritisme personnel dans le cadre d’un processus de nomination annoncé, le plaignant doit comparaître devant le Tribunal et lui présenter des éléments de preuve convaincants qui démontrent qu’il y a eu favoritisme personnel et non se contenter de formuler une allégation fondée sur des perceptions et des faits dépourvus de pertinence.

[53] Dans le Black’s Law Dictionary, le terme « favoritisme » est défini comme « une préférence ou sélection, habituellement propre à susciter la jalousie, fondée sur des facteurs autres que le mérite » [Traduction]. Cet ouvrage fournit comme exemples le népotisme, la distribution de faveurs et la discrimination.

[54] Par conséquent, le plaignant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la personne a été nommée par la suite de favoritisme personnel et que la nomination était fondée sur des facteurs autres que le mérite.  En d’autres termes, le plaignant doit prouver que les actions de l’intimé sont telles qu’elles permettent de conclure que la personne retenue a été nommée par favoritisme personnel.

124        L’intimé a fait valoir que la nomination de M. Richer était fondée sur le mérite et non sur des facteurs autres que le mérite. Il a soutenu que M. Gagnon avait expliqué comment il a procédé pour trouver un remplaçant à M. Richer, qui n’était d’ailleurs pas la personne à qui il a offert le poste en premier. De même, il a soutenu que la relation entre M. Gagnon et M. Richer était uniquement professionnelle au moment de nommer ce dernier dans le poste, bien qu’ils aient développé une amitié dans le passé.

125        L’intimé a fait valoir que le plaignant n’avait soumis aucune preuve démontrant l’existence de favoritisme personnel dans le choix du candidat retenu. M. Gagnon n’a aucun lien, autre que professionnel, avec M. Richer. Il a ajouté que bénéficier d’une possibilité de perfectionnement n’est pas une preuve de favoritisme personnel. En fait, le plaignant a aussi bénéficié de certaines possibilités de perfectionnement dans le passé.

126        En somme, l’intimé a fait valoir qu’il avait démontré que la nomination de M. Richer était fondée sur le mérite. Pour évaluer M. Richer, M. Gagnon s’est fondé sur sa propre connaissance du travail de M. Richer et sur son curriculum vitæ. Il a effectué une évaluation narrative par rapport à l’énoncé des critères de mérite du poste, après quoi il a conclu que M. Richer possédait toutes les qualifications exigées pour le poste.

127        M. Gagnon a consigné les résultats de son évaluation dans l’évaluation narrative. Il a évalué chaque critère de mérite. Par exemple, à côté du critère de mérite relatif à l’expérience récente de la gestion des ressources humaines, financières et gestion de projet, il a précisé la façon dont M. Richer y répondait, comme suit :

Satisfaisant. Dans le cadre de son poste d’attache, M. Richer travaillait en collaboration avec divers corps de métier et devait voir à la coordination/réalisation de différents projets au sein des établissements pénitentiaires, lesquels impliquaient des équipes multidisciplinaires d’employés de la construction. En outre, lors de son affectation de plus de 9 mois en 2012, il a exercé en toute efficacité le poste de chef de la gestion des installations au sein duquel il a veillé à la gestion saine des budgets qui lui étaient alloués et à la supervision d’une équipe de travail composée d’employés de plus d’un métier de la construction (plombier, électricien, etc.)

128        M. Gagnon a complété et signé l’évaluation narrative le 3 août 2015.

129        Le plaignant a aussi remis en question la pertinence du fait que M. Richer avait suivi la formation G110 sur la délégation de pouvoirs pour les gestionnaires. Selon lui, ce critère n’était pas valable et constitue une preuve circonstancielle de favoritisme personnel.

130        L’intimé a soutenu que c’est plutôt le critère relatif à l’expérience de gestion des ressources humaines, financières et gestion de projet qui a été utilisé dans l’outil d’évaluation et que ce critère était approprié. L’observation selon laquelle M. Richer avait suivi la formation G110 sur la délégation de pouvoirs pour les gestionnaires a été ajoutée pour justifier le choix d’un processus non annoncé. La personne nommée devait pouvoir opérer sur-le-champ puisqu’il était impossible pour M. Gagnon d’approuver toutes les factures des Services techniques à l’établissement et de faire les vérifications requises puisqu’il ne travaille pas à cet endroit.

131        En ce qui concerne l’affirmation du plaignant que la prolongation de la nomination intérimaire était marquée par un défaut de transparence, l’intimé a soutenu que ce n’était pas le cas puisque des rencontres avaient eu lieu et des courriels échangés afin d’informer l’équipe des Services techniques des développements au sujet du poste. M. Gagnon a rencontré l’équipe dès le départ du titulaire du poste, et des courriels ont été envoyés aux membres de l’équipe par la suite. Par exemple, le 8 mai 2015, M. Gagnon a envoyé un courriel aux Services techniques avisant le personnel que le titulaire du poste de CGI quittait pour un congé de 15 mois. Le 6 août 2015, il a envoyé un autre courriel pour annoncer le retour du titulaire du poste de CGI à partir du 24 août 2015.

132        En réplique, le plaignant a formulé l’argument que, de toute façon, la somme des éléments de preuve indirecte amène à conclure que le favoritisme personnel, s’il ne peut être établi par la preuve directe, l'a été par déduction. M. Richer a été favorisé et il a bénéficié d’un avantage injuste, ce qui était inapproprié.

133        Pour les raisons qui suivent, je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée.

134        D’abord, la preuve ne permet pas de conclure que M. Gagnon et M. Richer entretenaient une relation de nature personnelle. Par conséquent, je ne dispose d’aucun élément de preuve directe indiquant qu’il y a eu favoritisme personnel.

135        Or, est-ce que la preuve circonstancielle pointe de façon persuasive vers la conclusion que M. Richer a été favorisé de façon inappropriée, ou qu’il a bénéficié d’un avantage injuste?

136        Je ne suis pas de cet avis. Selon moi, les éléments de preuve, même réunis, ne sont pas suffisants pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence de favoritisme personnel. Bien que, comme il est expliqué dans Glasgow, des éléments de preuve circonstancielle peuvent parfois permettre de conclure qu’il y a eu favoritisme personnel, la preuve circonstancielle, telle qu’elle est définie dans Glasgow, doit être de nature plus convaincante que celle qui a été présentée en l’espèce.

137        Selon moi, la preuve de l’intimé est crédible et satisfait à l’exigence de démontrer en quoi la nomination non annoncée répondait aux besoins opérationnels urgents de l’organisation.

138        En d’autres mots, j’estime que M. Richer a été choisi pour remplacer le CGI absent pour des raisons opérationnelles et d’efficience. Rien n’indique que M. Richer a bénéficié d’un avantage que d’autres se sont vu refuser délibérément, ni qu’une erreur ou irrégularité a été commise, susceptible de créer un avantage injuste. M. Richer possédait les qualifications requises pour le poste.

139        Enfin, bien que M. Gagnon n’ait pris en considération que la candidature de M. Richer dans le cadre du processus de nomination non annoncé, il ne s’agit pas d’une preuve qui permet de conclure qu’il y a eu favoritisme personnel. Le paragraphe 30(4) de la LEFP énonce clairement qu’il est possible de procéder à une nomination fondée sur le mérite après avoir pris en considération la candidature d’une seule personne.

140        Pour toutes ces raisons, je conclus que le plaignant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’intimé a abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée.

C. Question III : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir en tardant à afficher l’avis de notification de la personne nommée?

141        Le plaignant a fait valoir qu’en affichant l’avis de nomination et de recours une fois l’affectation intérimaire de plus de 4 mois terminée, l’intimé a contrevenu aux articles 13 et 14 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (REFP). Selon l’article 13 du REFP, la notification d’une nomination intérimaire de quatre mois ou plus doit être effectuée « lorsque » la nomination est faite ou proposée. L’article 14 du REFP prévoit que la nomination intérimaire de moins de quatre mois est soustraite à l’application des articles 30 et 77 de la LEFP pourvu qu’elle ne porte pas la durée cumulative de la nomination intérimaire d’une personne à ce poste à quatre mois ou plus.

142        Selon le plaignant, l’intimé avait l’obligation d’afficher l’avis de la nomination dépassant 4 mois en temps opportun. En affichant l’avis seulement après la fin de la nomination intérimaire, l’intimé savait que toute demande de recours serait illusoire et vide de sens puisque la nomination ne pourrait être révoquée advenant une irrégularité quant au processus de nomination. Selon lui, cette façon de procéder constitue un abus de pouvoir de la part de l’intimé.

143        Il a ajouté que dans Robert et Sabourin, l’intimé n’a avisé les employés de la nomination que plus de trois mois après la date où il aurait dû le faire; la période de nomination intérimaire avait alors pris fin. Le Tribunal a jugé que le fait de ne pas avoir notifié les personnes faisant partie de la zone de recours en temps opportun constituait une omission additionnelle dans cette affaire. Je note que la notification avait été effectuée en retard en raison d’autres problèmes graves, à savoir qu’il n’existait pas d’énoncé des critères de mérite pour le poste et qu’aucune évaluation n’avait été réalisée.

144        En somme, le plaignant a reproché à l’intimé d’avoir manqué de transparence dans le déroulement du processus qui, selon lui, était entaché d’une série d’erreurs manifestes et que, par conséquent, il s’agit de négligence.

145        L’intimé a reconnu que divers délais de nature administrative avaient entrainé un retard dans l’affichage de l’avis de nomination intérimaire. Malgré ce retard, l’avis a tout de même été affiché en indiquant la période de nomination intérimaire visée et a donné accès à un droit de plainte aux employés dans la zone de sélection.

146        L’intimé a présenté à l’audience la documentation de base préparée au cours du processus. D’abord, le 6 août 2015, M. Gagnon a signé le document intitulé « Déclaration signée par les personnes présentes au comité d’évaluation ». Puis, le 12 août 2015, M. Gagnon a remis aux ressources humaines les six documents requis au soutien du choix d’effectuer un processus non annoncé, soit le curriculum vitae de M. Richer, la preuve d’études et l’attestation professionnelle, la déclaration signée par le comité d’évaluation (M. Gagnon), la preuve de conformité avec les exigences de sécurité, l’évaluation narrative (l’énoncé de critères de mérite) et la liste de contrôle pour le processus de nomination non annoncé.

147        M. Gagnon n’a plus été impliqué dans le processus par la suite et il ne savait pas pourquoi il n’avait pas été possible d’afficher l’avis plus tôt. Toutefois, il savait que les critères utilisés pour l’affichage avaient dû être traduits. Le 30 octobre 2015, soit deux mois et demi plus tard, l’avis intitulé « Information concernant une nomination intérimaire » a été affiché.

148        L’intimé m’a renvoyée au paragraphe 32 de Jarvo, qui précise que ni la LEFP, ni les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP ne garantissent à un employé le droit d’accès à toutes les possibilités d’emploi. Les lignes directrices de la CFP précisent ce qui suit : « La CFP encourage d’ailleurs expressément les gestionnaires à utiliser leur jugement et leur marge de manœuvre pour ce qui est de l’accessibilité et des décisions de nomination. »

149        Pour les raisons qui suivent, je conclus que le plaignant n’a pas établi que l’intimé a abusé de son pouvoir en tardant à afficher l’avis de notification de la personne nommée.

150        Il est vrai que l’intimé a concédé qu’une erreur administrative a été commise puisqu’il y a eu un retard considérable pour effectuer l’évaluation et publier l’avis de nomination intérimaire. L’évaluation a été complétée le 11 août 2015, et l’avis a été affiché le 30 octobre 2015.

151        Le fait qu’une erreur constitue ou non un abus de pouvoir dépend de la nature et de la gravité de l’erreur. Voir Makoundi c. Sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, 2014 TDFP 5, au paragraphe 22.

152        Je constate que l’erreur administrative commise n’a pas eu de conséquence négative pour les employés dans la zone de sélection qui ont eu accès au droit de plainte. En conséquence, selon moi, cette erreur n’est pas suffisamment grave pour équivaloir à un abus de pouvoir.

153        De plus, selon la jurisprudence du Tribunal et de la Commission, un retard n’équivaut pas, à lui seul, à un abus de pouvoir. Par exemple, dans Merkley c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2017 CRTEFP 47, les plaignants ont allégué que les politiques de la CFP relatives aux nominations intérimaires n’avaient pas été respectées, notamment l’exigence selon laquelle une évaluation doit être effectuée et un avis de nomination intérimaire doit être publié, les deux de manière rapide.

154        Dans cette affaire, il y avait eu un retard considérable avant d’effectuer l’évaluation et publier l’avis de nomination par intérim, du 31 janvier 2015 (la date de début de la prolongation de l’affectation intérimaire) au 2 juin 2015 (la date de l’évaluation) et au 3 juin 2015 (la date de l’avis). Le défendeur avait expliqué que le retard découlait d’une erreur administrative.

155        Dans cette affaire, la Commission a noté que le Tribunal avait souvent traité cette question et qu’il avait jugé qu’un retard n’équivalait pas à un abus de pouvoir (voir Soccar c. le Commissaire de la Gendarmerie Royale du Canada, 2013 TDFP 14; et Bérubé-Savoie c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2013 TDFP 2). La Commission a ajouté ce qui suit au paragraphe 33 :

33 Même si l’évaluation n’a pas été effectuée à temps, la preuve démontre que la personne nommée respectait les qualifications essentielles au début de sa nomination intérimaire et qu’elle a été nommée pour cette raison. Compte tenu de la durée de la nomination intérimaire, même si le caractère tardif de l’avis était malheureux, je ne pense pas que ce retard ait porté atteinte au droit de recours des plaignants.

156        De façon similaire, je conclus que, en l’espèce, bien que la notification n’ait pas été effectuée au moment de la nomination et qu’elle puisse difficilement être qualifiée d’immédiate, la période de retard n’a pas causé un préjudice indu à ceux qui étaient en droit présenter une plainte.

157        Je suis malgré tout d’accord qu’il est primordial de procéder à la notification des nominations intérimaires en temps opportun, étant donné la nature temporaire des nominations en question. Un retard dans la notification peut donner lieu à des suppositions sur le caractère approprié de la nomination et dissuader un employé d’exercer son droit de présenter une plainte, si la nomination est arrivée à échéance ou sur le point de l’être. (Voir Morris c. Le commissaire du Service correctionnel du Canada, 2009 TDFP 9, au paragraphe 92)

158        Ainsi, tel qu’il est mentionné dans Morris, au paragraphe 96, le SCC devrait tenter de trouver des façons de faire plus efficaces de manière à éviter, à l’avenir, ce genre de retard et à s’assurer de respecter les dispositions législatives et les lignes directrices applicables. Le retard a nui à l’obligation de transparence.

159        Je conclus donc que le plaignant n’a pas démontré que l’intimé a abusé de son pouvoir en tardant à afficher l’avis de notification de la personne nommée.

160        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

161        La plainte est rejetée.

Le 27 décembre 2018.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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