Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que ses supérieurs compromettaient et usurpaient ses obligations éthiques professionnelles et ses obligations légales en matière de gestion financière – il a déposé un grief alléguant que des représailles avaient été exercées contre lui, ainsi qu’un congédiement déguisé – il a ensuite démissionné – l’employeur s’est opposé au renvoi d’une plainte de congédiement déguisé à l’arbitrage – la Commission a conclu que la preuve n’incitait pas à conclure au congédiement déguisé; par conséquent, il n’était pas nécessaire de trancher la question de savoir s’il était possible pour le fonctionnaire s’estimant lésé d’alléguer le congédiement déguisé en vertu des lois auxquelles il était assujetti en tant que fonctionnaire fédéral – les exemples des dépenses de l’employeur qui étaient contestées par le fonctionnaire s’estimant lésé ou les interactions conséquentes de ce dernier avec ses supérieurs n’étaient ni d’une ampleur ni d’une gravité suffisante pour appuyer une allégation de mauvais traitement ou d’usurpation de son pouvoir – et aucune action de la direction n’était punitive et ne constituait une mesure de représailles contre les actes du fonctionnaire s’estimant lésé – les incidents étaient de l’ordre des activités normales d’un ministère et le fonctionnaire s’estimant lésé avait exercé sa propre fonction de remise en question à l’égard de chacun de ceux-ci – aucune condition expresse ou tacite de son contrat de travail n’a été violée – le fonctionnaire s’estimant lésé a déclaré lors de son témoignage qu’il avait pris la décision quelque peu hâtive de démissionner en se fondant sur les conseils financiers qu’il avait reçus au sujet de ses droits de pension.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190115
  • Dossier:  566-02-13995
  • Référence:  2019 CRTESPF 4

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

DANIEL ELLIOT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA)

défendeur

Répertorié
Elliot c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même
Pour le défendeur:
Joel Stelpstra, Conseil du Trésor
Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
du 19 au 22 décembre 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Résumé

1         Les contribuables canadiens ont une dette de reconnaissance envers Daniel Elliot, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), pour la diligence dont il a fait preuve en endossant ses fonctions de contrôleur pour le Service correctionnel du Canada (l’« employeur » ou SCC) dans sa région du Pacifique pour veiller à la gestion prudente des fonds publics.

2         M. Elliot a pris ses fonctions très au sérieux. Pendant plusieurs années, il est devenu de plus en plus inquiet au sujet de ce qui, à son avis, était une gestion financière qui était loin d’être idéale dans sa région et à l’échelle nationale chez son employeur.

3         Après une série d’événements déclencheurs, la frustration et l’angoisse du fonctionnaire sont devenues problématiques pour sa santé, puisqu’il s’était formé l’opinion que ses supérieurs compromettaient et usurpaient ses obligations éthiques professionnelles et ses obligations légales. Étant parvenu à cette conclusion, il a pris un congé de maladie. Peu de temps après, le 1er février 2017, il a déposé un grief alléguant que des représailles avaient été exercées contre lui et que son gestionnaire avait usurpé son autorité, ce qui équivalait à un congédiement déguisé. Le fonctionnaire a ensuite écrit à son employeur le 9 mars 2017 pour donner un préavis de sa démission qui prendrait effet le 20 avril 2017, en fin de journée.

4         Le grief a été renvoyé à l’arbitrage en application du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. Ce sous-alinéa s’applique à la rétrogradation ou au licenciement d’un employé de l’administration publique centrale en vertu de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C., 1985, ch. F-11; LGFP) pour rendement insatisfaisant, ou en vertu de l’alinéa 2(1)e) pour tout autre motif non relié à un manquement à la discipline ou à une inconduite.

5         Les deux parties ont présenté des requêtes interlocutoires, principalement en ce qui concerne le renvoi du grief à l’arbitrage. J’ai décidé de prendre en considération les objections préliminaires ou, du moins, celles que j’ai jugées nécessaires, dans ma décision, afin de mieux comprendre les éléments de preuve qui pourraient fournir un contexte utile pour statuer sur ces objections. L’avocat de l’employeur a très raisonnablement choisi de ne pas plaider toutes les objections préliminaires.

6         En examinant ce grief, je dois décider, en fonction des éléments de preuve dont je suis saisi, si les fonctions et les responsabilités du fonctionnaire ont effectivement été usurpées, de sorte que je puisse conclure qu’il a été victime d’un congédiement déguisé. Et si je n’arrive pas à cette conclusion, je dois alors déterminer si une telle allégation de licenciement injustifié est même possible dans le contexte d’un fonctionnaire fédéral qui détenait une nomination en vertu de la loi et de la convention collective.

7         L’opposition de l’employeur au renvoi d’une plainte de congédiement déguisé à l’arbitrage figurait parmi les principales objections préliminaires. Après avoir examiné attentivement l’ensemble des éléments de preuve pertinents, des précédents et des arguments, je conclus que les éléments de preuve n’incitent pas à conclure au congédiement déguisé. Par conséquent, je n’ai pas à aller plus loin pour trancher la question juridique de savoir s’il était même possible pour le fonctionnaire d’alléguer le congédiement déguisé en vertu des lois auxquelles il était assujetti en tant que fonctionnaire fédéral.

II. Contexte

8         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi ») et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

9         Le fonctionnaire occupait un poste de contrôleur régional (classé FI-04). Il bénéficiait de 24 ans à la fonction publique, plus cinq années antérieures de service dans les Forces armées canadiennes. À quelques rares exceptions près, qui seront examinées plus loin dans la présente décision, il a reçu des évaluations de rendement (ER) positives. Il a également reçu des félicitations pour sa diligence et sa ténacité dans ses efforts visant à assurer l’excellence du service et à protéger les fonds publics, comme le lui a fait remarquer, dans un courriel, un membre de la haute direction de l’employeur qui prenait sa retraite.

10        Le fonctionnaire a allégué que des mesures de représailles avaient été prises contre lui et a prétendu ensuite que son gestionnaire avait usurpé son autorité, ce qui équivalait donc à un congédiement déguisé. Il a indiqué qu’il n’avait pas eu de réponse à son grief dans les délais requis, ce qui équivalait donc à un rejet de ce grief, lui permettant de le renvoyer à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. Ce sous-alinéa s’applique à la rétrogradation ou au licenciement d’un employé de l’administration publique centrale imposé sous le régime de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; LGFP) pour rendement insatisfaisant, ou de l’alinéa 12(1)e) pour toute raison autre qu’un manquement à la disciple ou une inconduite.

III. Résumé de la preuve

R. Les fonctions et responsabilités du fonctionnaire

11        Le fonctionnaire occupait un poste de contrôleur régional (classé FI-04). Il bénéficiait de 24 ans à la fonction publique, plus cinq années antérieures de service dans les Forces armées canadiennes. À quelques rares exceptions près, qui seront examinées plus loin dans la présente décision, il a reçu des évaluations de rendement (ER) positives. Il a également reçu des félicitations pour sa diligence et sa ténacité dans ses efforts visant à assurer l’excellence du service et à protéger les fonds publics, comme le lui a fait remarquer, dans un courriel, un membre de la haute direction de l’employeur qui prenait sa retraite.

12        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage les nombreuses fonctions de son poste et les obligations professionnelles qui vont de pair avec la profession de comptable professionnel agréé (CPA).

13        Le fonctionnaire a indiqué que la description de son poste de contrôleur régional (FI-04; déposée à titre de pièce jointe) comprenait les fonctions suivantes, telles qu’extraites, en partie, de ses dossiers des ressources humaines :

[Traduction]

[…]

Activités principales

Diriger, planifier et gérer une unité ou des unités responsables de la prestation des services et des conseils régionaux multifonctionnels, financiers et administratifs, ainsi que la formation connexe.

Diriger et mener des équipes de projet diversifiées et pluridisciplinaires, et représenter la région aux comités ministériels et interministériels; participer au Comité régional de gestion traitant des questions liées aux services financiers.

Diriger l’élaboration, l’amélioration et la mise en œuvre des procédures, des méthodologies et des processus régionaux; élaborer des plans financiers stratégiques et opérationnels et les rapports officiels.

Diriger l’élaboration, la mise en œuvre et l’application des contrôles budgétaires régionaux, des contrôles comptables internes et des critères de mesure du rendement.

Présenter des conseils financiers et des analyses financières à l’égard de questions et de problèmes stratégiques et opérationnels.

Fournir une orientation fonctionnelle sur les cadres de la politique financière du SCC et des organismes centraux.

Diriger les négociations portant sur le partage des coûts et les ententes de service, ainsi que les contrats avec les clients externes des secteurs public et privé.

[…]

Responsabilité

Information utilisée par d’autres

Diriger, planifier et gérer une unité ou des unités responsables de la prestation des services régionaux multifonctionnels financiers et administratifs aux clients. Cela suppose de diriger les activités de la région en matière de gestion financière, de planification, de budgétisation, de surveillance, de contrôle, de prévision et d’établissement de procédures et de processus régionaux applicables au contrôle et au compte rendu de ces activités, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), au mandat du SCC, aux objectifs de l’entreprise, aux politiques du SCC et des organismes centraux et aux lois.

Offrir une aide financière et une expertise opérationnelle aux gestionnaires régionaux pour les aider à prendre des décisions liées à l’élaboration de plans stratégiques et opérationnels visant à assurer la prestation rentable et efficace des programmes et services régionaux, ainsi qu’à l’égard de l’exploitation et de l’entretien relatifs aux petits travaux de construction des installations ou établissements régionaux à l’intention des délinquants de la région. Élaborer des propositions de projet multidisciplinaires qui seront approuvées par la direction régionale et mises en œuvre par le personnel aux fins de la prestation des services et des projets dans les délais et les budgets établis.

[…]

Diriger l’élaboration, la mise en œuvre et l’exploitation des contrôles budgétaires régionaux, des contrôles comptables internes et des critères de mesure du rendement. Offrir un aperçu régional et opérationnel et une rétroaction financière et opérationnelle aux spécialistes financiers de la Direction générale du contrôleur en ce qui concerne les politiques financières, les autorités, les procédures, les pratiques renouvelées de comptabilité, la comptabilité d’exercice, les stratégies d’investissement, les mécanismes de surveillance et de suivi, les mesures de rendement, et la formation connexe.

[…]

Présenter des conseils financiers et des analyses financières à l’égard de questions et de problèmes stratégiques et opérationnels. Cette information est utilisée par la direction pour améliorer la gestion financière et la responsabilité, pour minimiser les risques et pour améliorer l’efficacité opérationnelle. Donner des conseils à la haute direction, aux directeurs opérationnels et financiers ainsi qu’au personnel, sur les lois, les politiques, les procédures et les exigences du SCC et des organismes centraux en ce qui concerne tous les aspects de la gestion des finances publiques.

[…]

Leadership des ressources humaines

En tant que dirigeant principal des finances au niveau régional, aider le Comité régional de gestion à cerner les principaux enjeux financiers et opérationnels et les priorités qui ont des répercussions sur la prestation des programmes du SCC et la responsabilité connexe, en vue de déterminer l’approche stratégique, les exigences au niveau du service, ainsi que l’élaboration de stratégies de collaboration opérationnelles et de ressourcement pour répondre aux exigences.

[…]

Argent

Planification et contrôle : Gérer le budget d’une unité. Diriger la planification et le contrôle du budget régional et redistribuer des fonds au sein du budget, ce qui comprend la préparation de plans financiers, les prévisions et les rapports sur les budgets. Diriger l’exécution d’analyses stratégiques, des risques et/ou de la planification des mesures d’urgence pour aviser la direction des options, des sources et des ressources disponibles aux fins de l’élaboration et du contrôle du budget régional, aussi bien que des budgets individuels.

[…]

Dépense de fonds : Négocier les conditions financières des contrats avec les fournisseurs, y compris les coûts et la structure de paiement, concernant l’entretien et la construction, aussi bien que les contrats de biens et de services; mettre en œuvre les articles 32 et 34 de la LGFP pour affecter des fonds, les engager et en autoriser la dépense; exercer le pouvoir final de payer en vertu des articles 32 et 33 de la LGFP, aux fins des transactions régionales financières et concernant les délinquants, y compris les paiements salariaux et non salariaux, les écritures de journal et les règlements interministériels. Détenir le pouvoir de signer les chèques tirés sur le compte bancaire ministériel pour la région.

Surveillance de la conformité

Évaluer la conformité aux exigences de la LGFP, du SCC et des organismes centraux avec le pouvoir de formuler et de présenter des recommandations à la direction régionale, afin de corriger les incohérences ou les anomalies et/ou de retirer ou de restreindre le pouvoir de signature des documents financiers.

Remettre en question les propositions opérationnelles, formuler et présenter des recommandations à l’appui des objectifs opérationnels de la région et du SCC,  et donner à la direction et, au bout du compte, au Parlement, l’assurance que des pratiques saines de contrôle financier et commercial sont élaborées et mises en œuvre dans l’ensemble de la région.

Le travail exige aussi d’exercer une surveillance active en continu, de donner l’assurance que les transactions financières et comptables et les activités d’examen connexes sont menées conformément à des normes et à des principes généralement acceptés de comptabilité, à la LGFP, et de prescrire des règlements, des politiques et des procédures avec l’autorisation de prendre des mesures pour assurer la conformité, par exemple, le recouvrement de fonds. Pour cela, il faut examiner les résultats des mesures correctives prises afin de s’assurer de la conformité intégrale.

Compétences

Connaissance du domaine de travail

Compréhension globale des pratiques et des principes de la comptabilité au gouvernement du Canada, des Principes comptables généralement reconnus (PCGR), des théories financières, des normes, des lignes directrices, des politiques et des lois, des pratiques, des méthodes et des techniques de gestion financière dans des domaines tels que l’analyse financière, l’échantillonnage statistique, la planification, la budgétisation, les prévisions, l’analyse du coût, des risques et des avantages, la mesure du rendement, et la résolution de problèmes. Ces connaissances sont nécessaires pour offrir des conseils financiers et des recommandations stratégiques à la haute direction régionale, fournir une orientation d’autorité à l’unité de travail ou aux unités de travail, et fournir une orientation et des services aux établissements, aux districts et aux services communautaires. Cette connaissance est également nécessaire pour repérer et mettre en œuvre des pratiques exemplaires dans l’ensemble de la région et servir de rempart pour assurer l’intégrité et la probité des renseignements financiers.

Connaissance des théories et des pratiques de la fonction moderne de contrôleur (l’information sur les résultats, la gestion des risques, le contrôle, ainsi que les pratiques et les valeurs éthiques) afin d’élaborer et de mettre en œuvre les contrôles, les pratiques de la gestion des risques, de façon à intégrer les renseignements financiers et non financiers en vue d’améliorer l’intendance des ressources et d’appuyer les exigences de la direction en matière de prise de décision et de présentation de rapports.

Des compétences d’analyse poussées sont nécessaires pour intégrer le processus stratégique et opérationnel de planification et de présentation de rapports; fournir des conseils stratégiques à la haute direction régionale; diriger et gérer les affectations des ressources régionales.

Connaissance des méthodes, techniques et pratiques de la gestion de projet, et expérience du travail d’équipe, du leadership, de la dynamique de groupe et de la résolution de problèmes pour offrir des services financiers et administratifs régionaux à fonctions multiples; pour gérer le risque et les ressources humaines et financières; pour fournir une orientation et des services fonctionnels aux établissements, aux districts et aux services communautaires.

[…]

Connaissance du contexte

[…]

Ministère : Connaissance du mandat, des buts et objectifs, des stratégies et des programmes du SCC pour exercer le pouvoir financier connexe à la prestation de services et de conseils financiers et administratifs à fonctions multiples à la région; connaissance des politiques financières ministérielles, des directives, des pratiques, des procédures et/ou des ententes contractuelles avec les clients, afin de déterminer si les initiatives régionales, la proposition de dépenses et les activités quotidiennes sont conformes.

Autres ministères du gouvernement : Connaissance de l’appareil gouvernemental, du travail des comités du Cabinet, du budget, du cycle de planification, du processus fédéral de réglementation et du processus décisionnel au sein du gouvernement pour satisfaire aux exigences liées à la fonction de contrôleur et fournir des conseils et des recommandations à la direction. Connaissance approfondie des rôles, des politiques, des directives, des pratiques de gestion et des nouvelles tendances des organismes centraux pour fournir des conseils aux gestionnaires et au personnel et leur expliquer tout changement.

[…]

Communication

Compétences de lecture et d’écoute nécessaires pour saisir l’intention et les exigences des politiques et des lignes directrices du Ministère et des organismes centraux; fournir des commentaires, une orientation, des recommandations et/ou des conseils à la direction régionale et aux clients; participer aux évaluations du programme afin de comprendre, interpréter, évaluer et réagir à l’information verbale au moment de présider aux réunions, de faciliter celles-ci ou d’y participer; diriger, planifier et gérer une unité ou plusieurs unités et déterminer si les participants ne comprennent pas les exemples de la formation.

Compétences d’expression orale et de présentation nécessaires au moment de représenter la région lors de réunions officielles avec d’autres ministères et d’autres ordres de gouvernements […]

Compétences d’expression orale pour jouer un rôle diplomatique proactif auprès des gestionnaires régionaux à l’égard des propositions d’affaires, et pour fournir des conseils financiers et une expertise financière à la direction et expliquer les risques et les bénéfices financiers liés aux contrats, ainsi que les propositions législatives, de politique et de programme.

Compétences de communication verbale et de persuasion afin d’établir des relations de travail complémentaires avec les gestionnaires régionaux pour discuter des principales questions stratégiques, opérationnelles et financières et élaborer des propositions, de les persuader et d’obtenir un appui à l’égard d’autres solutions financières visant des problèmes opérationnels précis.

[…]

Effort

Effort intellectuel

[…]

Un effort intellectuel est nécessaire pour établir des relations de travail complémentaires avec les gestionnaires régionaux afin de promouvoir le concept d’une équipe solide, d’une responsabilité partagée, et de fournir une expertise pertinente en matière d’affaires et de finances pour gérer des budgets importants « à volume élevé » et régler les questions et les problèmes courants ou nouveaux d’un point de vue financier. L’effort augmente en fonction de la nécessité de voir au-delà des habitudes et des pratiques de travail traditionnelles touchant l’adoption de nouveaux concepts de la fonction de contrôleur, le cadre de responsabilisation de gestion (CRG), l’arrangement administratif privilégié (AAP) et sa mise en œuvre, la surveillance active, le cadre de la vérification interne, les technologies commerciales et les initiatives du commerce électronique, etc., afin de faire partie intégrante de l’équipe de gestion régionale et d’identifier et élaborer des solutions financières novatrices pour s’attaquer aux préoccupations financières à risque élevé et à un large éventail de questions et de problèmes opérationnels liés aux changements de programme, aux tendances dans la population des délinquants et aux questions juridiques, ainsi qu’aux questions liées aux grands projets de construction, à l’entretien des installations et aux contrats.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

14        L’article 33 de la LGFP stipule ce qui suit :

[…]

33 (1) Il ne peut être effectué de paiement imputable sur un crédit affecté à un ministère qu’à la demande du ministre compétent ou de la personne à qui il a donné délégation écrite.

(2)  Les demandes de paiement sur le Trésor sont à présenter en la forme, avec les documents d’accompagnement et selon les modalités de certification prévus par règlement du Conseil du Trésor.

(3)  Il est interdit de demander des paiements sur le Trésor dans les cas où ils entraîneraient :

  1.    une imputation irrégulière sur un crédit;
  2.    une dépense supérieure à un crédit;
  3.    une réduction du solde du crédit à un niveau insuffisant pour l’exécution des autres engagements.

[…]

15        En dernier lieu, le fonctionnaire a renvoyé à la Directive sur la vérification des comptes (extraits) du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada en vigueur à compter du 1er juillet 2014, au paragraphe 6.2, qui énonce en partie ce qui suit :

6.2 Vérification des comptes par les personnes responsables de certifier conformément à l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques

Les personnes qui ont reçu le pouvoir de confirmer et de certifier ont la responsabilité des mesures suivantes :

[…]

tous les lois, règlements, décrets du Conseil, politiques et directives pertinents et autres obligations juridiques ont été respectés;

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

16        Le paragraphe 6.3 de cette politique indique qu’en ce qui concerne l’assurance de la qualité, les paiements et le pouvoir de règlement interministériel, les agents financiers sont responsables de ce qui suit :

6.3.1.1 En exerçant l’autorité de payer concernant des paiements conformément à l’article 33 de la Loi sur la gestion des finances publiques, les agents financiers doivent s’assurer que :

  • Il existe des preuves tangibles démontrant que la vérification des comptes a été effectuée et que celle-ci a été certifiée par une personne ayant une délégation de pouvoir de signer des documents financiers en vertu de l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
  • Aucun paiement n’est effectué quand le paiement entraîne :
    • une imputation non légitime sur un crédit;

[…]

17        Le fonctionnaire a également cité le Code de conduite professionnelle des CPA en date d’août 2016. Plus précisément, il a souligné ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[L]es membres inscrits qui occupent des postes de cadres supérieurs devraient reconnaître que ces postes comprennent l’obligation d’influer sur les événements, les pratiques et les attitudes au sein de cette organisation. Par conséquent, ces membres inscrits doivent encourager une culture fondée sur les valeurs de l’éthique dans leurs organisations, qui met l’accent sur l’importance d’un comportement éthique et la conformité aux normes généralement reconnues régissant la pratique de la profession. En tout temps, les membres inscrits sont tenus d’agir par rapport à d’autres collègues professionnels avec la courtoisie et la considération à laquelle ils peuvent s’attendre de la part de leurs collègues professionnels.

[…]

Résolution des conflits d’ordre éthique

Des circonstances peuvent survenir lorsqu’un membre inscrit fait face à un conflit dans l’application des principes fondamentaux ou la conformité avec le code de déontologie des CPA qui en découle et le membre inscrit est tenu de le régler. Au moment de lancer un processus de règlement d’un conflit de l’éthique, un membre inscrit devrait tenir compte de ce qui suit, individuellement ou en collaborant avec d’autres, dans le cadre du processus de règlement des conflits :

  • les faits pertinents;
  • les enjeux éthiques;
  • les principes fondamentaux et les dispositions fondamentales du code de déontologie des comptables professionnels agréés applicable à l’affaire en question;
  • les procédures internes établies;
  • les solutions de rechange.

Après avoir examiné ces questions, le membre inscrit doit déterminer le plan d’action approprié qui est compatible avec le code de déontologie des CPA. Le membre inscrit doit également évaluer les conséquences de chaque plan d’action possible. Si la question n’est toujours pas réglée, le membre inscrit doit consulter d’autres personnes compétentes au sein de l’entreprise ou l’organisation qui emploie pour obtenir de l’aide dans l’atteinte d’une résolution.

Lorsqu’une affaire implique un conflit avec une entreprise ou une organisation, ou à l’intérieur, qui emploie, un membre inscrit doit également envisager de consulter avec les responsables de la gouvernance de l’organisation, tels que le conseil d’administration ou le comité de vérification.

Il serait dans l’intérêt du membre inscrit de documenter la substance de la question et les détails de toute discussion qui a eu lieu ou de toute décision prise au sujet de cette question.

[…]

TIRÉ DU CODE DE DÉONTOLOGIE

[…]

201 Le maintien de la bonne réputation de la profession

[…]

L’observation des dispositions législatives réglementaires;

Un membre inscrit devrait être conscient des dispositions de toute exigence législative qui a trait à l’un des services professionnels du membre inscrit, et doit s’y conformer.

[…]

L’intérêt public

Les clients, les employeurs et le public s’attendent généralement qu’un membre inscrit apporte les qualités de l’objectivité, de l’intégrité et de la diligence raisonnable à tous les services professionnels. Il devient donc essentiel que les membres inscrits ne compromettent pas leur jugement professionnel à la volonté des autres. Lorsqu’un conflit possible d’ordre éthique survient parce qu’une autre personne dans une organisation l’emporte sur le jugement professionnel d’un membre inscrit, le membre inscrit devrait consulter le guide de la résolution des conflits d’ordre éthique dans le préambule au code de déontologie des CPA.

Les membres inscrits peuvent faire face de temps à autre à des situations qui mettent la pression sur l’objectivité et l’intégrité, et il ne serait pas pratique de définir toutes les situations de ce genre. Toutefois, ce type de pressions sont assujetties à de puissantes forces opposées ainsi qu’à des limites. Ces forces comprennent la responsabilité en droit, la responsabilité à l’égard de la profession pour les actions professionnelles, et qui est le plus important, la résistance bien ancrée d’une personne professionnelle disciplinée à toute atteinte à l’intégrité. Un membre inscrit reconnaît que la crédibilité et la valeur en tant que professionnel dépendent en grande partie de l’intégrité et de l’objectivité.

205 Documents et observations orales faux ou trompeurs

Un membre inscrit ne doit pas :

  1. Signer ou associer avec toute lettre, tout rapport, toute déclaration, toute représentation ou tout état financier dont le membre inscrit sait, ou devrait savoir, être faux ou trompeur, que la signature ou l’association fasse l’objet d’une exonération de responsabilité ou non, et ne doit pas non plus
  2. effectuer ou s’associer avec tout rapport oral, toute déclaration ou représentation dont le membre inscrit sait, ou devrait savoir, être faux ou trompeur.

[…]

[L]e devoir professionnel interdit à un membre inscrit de s’associer à des états financiers ou à d’autres renseignements, écrits ou oraux, dont le membre inscrit sait, ou devrait savoir, qu’ils sont faux ou trompeurs.

Si un membre inscrit juge nécessaire de se dissocier de renseignements faux ou trompeurs, il serait prudent que le membre inscrit envisage d’obtenir des conseils juridiques.

[…]

213 Activités illicites

Un membre inscrit ne doit pas s’associer à toute activité dont le membre inscrit sait, ou devrait savoir qu’elle est illicite.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

18        Le fonctionnaire s’est appuyé sur une note de service en date du 29 février 2012, qui est adressée à tout le personnel financier du SCC (la « note de service »). Elle était signée par le dirigeant principal des finances (DPF) du SCC à l’administration centrale (AC). La note indiquait ce qui suit :

[Traduction]

En tant qu’agents financiers au sein du SCC, bon nombre d’entre nous se sont vu déléguer, par le ministre de la Sécurité publique et le commissaire, des pouvoirs particuliers en matière de gestion financière du SCC. Au cours d’une période d’activité accrue par suite de modifications législatives et d’une transparence et d’une responsabilité accrues, c’est le moment opportun de vous rappeler ces responsabilités, et de vous exprimer, à titre de dirigeant principal des finances, tout mon appui dans l’exécution diligente de vos fonctions.

Vous trouverez dans le présent document des liens vers la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), la directive du SCT sur la vérification des comptes [etc.]. Je vous demande de prendre le temps d’examiner la LGFP (en particulier les articles 32, 33 et 34) et les autres références soulignées. Ces documents essentiels font ressortir l’importance de nos rôles, et les nombreux liens dans les directives financières démontrent les connaissances nécessaires à la réalisation de nos fonctions. Ces fonctions comprennent non seulement les aspects techniques tels que le fait d’assurer l’application correctement autorisée de l’article 34 de la LGFP, le codage approprié, ou d’autres mécanismes de contrôle interne, mais mettent aussi en relief l’importance d’exercer une fonction de « remise en question » en appliquant le critère de la raisonnabilité et de l’optimisation des ressources.

Il est bien entendu que l’exercice de vos responsabilités et de la fonction de remise en question peut, parfois, mettre les agents des finances dans une situation difficile, et peut entraîner une certaine angoisse. C’est particulièrement le cas dans des domaines tels que l’approbation des dépenses d’accueil, des frais de déplacement, les revendications contre la Couronne, etc. En tant que professionnels des finances nous devons nous sentir libres de soulever des préoccupations à des niveaux supérieurs aux fins de discussion quand il le faut. À cette fin, je souhaite vous assurer encore une fois que vous avez tout mon appui en tant que Dirigeant principal des finances, aussi bien que le soutien de la direction des finances et des contrôleurs régionaux dans l’exercice de vos responsabilités.

Au moment où nous nous apprêtons à traverser la période difficile qui nous attend, je suis convaincu que je peux compter sur le professionnalisme de la communauté financière du SCC.

19        Il est important de noter que même s’il était l’agent financier le plus haut placé dans la région du Pacifique et que 39 membres du personnel relevaient directement de lui, le fonctionnaire appartenait à une équipe de gestion dans sa région et faisait partie de la hiérarchie nationale de gestion; il avait des homologues dans plusieurs régions du pays, et un directeur national se trouvait au siège social à Ottawa, en Ontario.

20        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait passé l’exercice 2014-2015 en congé et qu’il avait enseigné à l’École de la fonction publique du Canada. Il a indiqué qu’à son retour, il avait constaté que les finances de la région du Pacifique étaient en difficulté et qu’il s’était retrouvé avec un déficit budgétaire de cinq millions de dollars. Il a également indiqué dans son témoignage qu’une nouvelle superviseure, Cari Turi, sous-commissaire adjointe des Services intégrés dans la région du Pacifique, supervisait son travail. Il a indiqué qu’elle était une ancienne agente correctionnelle sans aucun antécédent ni aucune expérience de services ministériels.

21        Cette question des interactions d’un contrôleur au sein d’une équipe de gestion a été directement abordée dans le témoignage d’un ancien haut gestionnaire du SCC, Todd Mitton, qui avait agi comme contrôleur national du SCC de 2009 à 2015. L’avocat de l’employeur a consenti aimablement à ce que M. Mitton témoigne par vidéoconférence.

22        Le fonctionnaire s’est appuyé sur la note de service, qui donnait un appui solide au pouvoir législatif délégué aux contrôleurs dans leurs fonctions de gestion financière et de remise en question afin de veiller à l’optimisation des ressources de l’employeur. La note de service indiquait en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…] Au cours d’une période d’activité accrue par suite de modifications législatives et d’une transparence et d’une responsabilité accrues, c’est le moment opportun de vous rappeler ces responsabilités, et de vous exprimer, à titre de dirigeant principal des finances, tout mon appui dans l’exécution diligente de vos fonctions.

Il est bien entendu que l’exercice de vos responsabilités et la fonction de remise en question peuvent, parfois, mettre les agents des finances dans une situation difficile, et peuvent entraîner une certaine angoisse. C’est particulièrement le cas dans des domaines tels que l’approbation des dépenses d’accueil, des frais de déplacement, les revendications contre la Couronne, etc. En tant que professionnels des finances nous devons nous sentir libres de soulever des préoccupations à des niveaux supérieurs pour discussion quand il le faut. À cette fin, je souhaite vous assurer encore une fois que vous avez tout mon appui en tant que Dirigeant principal des finances, aussi bien que le soutien de la direction des finances et des contrôleurs régionaux dans l’exercice de vos responsabilités.

Au moment où nous nous apprêtons à traverser la période difficile qui nous attend, je suis convaincu que je peux compter sur le professionnalisme de la communauté financière du SCC.

23        M. Mitton a été interrogé au sujet de la note de service et il a indiqué dans son témoignage qu’il l’avait rédigée. Il a expliqué qu’elle avait été rédigée à l’époque du « Plan d’action de réduction du déficit » (PARD) marquée par de grandes pressions financières, afin de réaliser des économies internes à même les budgets de fonctionnement. Il a indiqué dans son témoignage que son intention était de rassurer les contrôleurs que l’AC [traduction] « allait les appuyer si les agents financiers devaient soulever des questions ». Il a ajouté que les agents financiers savaient que c’était leur devoir d’exercer leur fonction de remise en question et a indiqué qu’ils devaient [traduction] « exprimer les risques aussi haut dans la hiérarchie qu’il était nécessaire. »

24        Lorsqu’il a été questionné dans son interrogatoire principal au sujet d’une situation où une facture inappropriée lui avait été présentée pour paiement, M. Mitton a indiqué dans son témoignage que selon les circonstances, il pourrait demander des conseils juridiques sur la question et ensuite, peut-être, la soulever auprès de la haute direction, afin de fournir des conseils. Il a ajouté que ces conseils pouvaient inclure la règle ou la ligne directrice qui avait été enfreinte à son avis et la façon dont un tel problème pourrait être évité à l’avenir.

25        Lorsque la question de savoir ce qu’il ferait s’il découvrait un paiement illégal lui a été posée, M. Mitton a indiqué dans son témoignage qu’à la réception d’un conseil juridique, la question pourrait être renvoyée à la section de la sécurité de l’employeur aux fins d’une enquête et d’autres mesures correctives potentielles.

26        Lorsqu’il a été questionné sur certaines dépenses précises que le fonctionnaire avait contestées (qui seront examinées en détail plus loin), M. Mitton a indiqué dans son témoignage qu’il se rappelait bien des questions que le fonctionnaire avait soulevées, que chacune des questions avait fait l’objet d’une enquête, et que la haute direction avait tenu plusieurs discussions, auxquelles se joignaient parfois des hauts fonctionnaires de l’AC, afin de s’assurer que les préoccupations du fonctionnaire avaient été entendues. La présentation énergique que le fonctionnaire a faite de ses préoccupations à la haute direction, à la fois au niveau régional et à l’AC, était très évidente dans l’examen des pièces jointes, dans son témoignage et dans celui de M. Mitton.

B. Les évaluations du rendement du fonctionnaire s’estimant lésé

27        Le fonctionnaire a allégué que des éléments de preuve de représailles de l’employeur à son égard étaient manifestes dans son ER. À l’audience, un témoignage a été présenté au sujet de plusieurs de ses ER, qui étaient également déposées à titre de pièces jointes. J’ai conclu que, à quelques exceptions près, elles brossaient un portrait très positif de lui en tant qu’employé estimé. Plus précisément, il a souligné son évaluation à la fin de l’exercice 2015, à la partie intitulée [traduction] « Compétences (comportements attendus) », qui, outre plusieurs déclarations très positives au sujet de son bon travail, indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

[…] Dan a bien de la difficulté au niveau du tact et de l’approche qu’il utilise lorsqu’il communique ses convictions aux autres […]

[…] Bien que Dan soit très passionné par son travail, il est souvent frustré par les décisions organisationnelles qui ne sont pas conformes à son point de vue, à ses perspectives ou à ses conseils, et envoie des courriels et/ou exprime ses frustrations sans prendre le temps de comprendre ou d’apprécier d’autres points de vue. Pour ce qui est de cette compétence de bien réfléchir aux choses, Dan doit analyser ces revers et chercher des lieux appropriés et un langage approprié pour aborder ses préoccupations. Dan doit utiliser des stratégies appropriées pour comprendre et aller de l’avant lorsque les décisions ne correspondent pas à sa position.

[…] [M]ême si le cadre éthique de Dan est solide et constitue un point fort, Dan a bien de la difficulté au niveau du tact et de l’approche qu’il utilise lorsqu’il  communique ses convictions aux autres et, ce faisant, endommage les relations de ceux avec qui il travaille. Dan n’a pas suivi les voies appropriées de la recherche de renseignements ou de réponses auprès de son superviseur avant d’envoyer des courriels à des cadres supérieurs, ou bien a demandé des renseignements à son supérieur et a tout de même envoyé des courriels ou exprimé des préoccupations à des cadres supérieurs ou à d’autres. Dan doit se concentrer sur l’écoute des points de vue des autres, et sur le respect, la prise en compte et l’intégration de ces points de vue dans sa compréhension d’une situation.

[…] Dan a de la difficulté à maintenir une attitude constructive face au changement et, tel qu’il est indiqué ci-dessus, doit trouver les moyens de communiquer les idées efficacement et avec respect, et s’engager avec les autres dans un échange d’idées sain avant de formuler des positions […]

[…]

28        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait jugé cette ER extrêmement injuste et injustifiée. Il a allégué que c’était une mesure de représailles contre lui pour ce qu’il considérait comme son défi à son gestionnaire au sujet des mauvaises décisions concernant les dépenses dans leur région. Le fonctionnaire a indiqué qu’à son avis, cette ER aurait effectivement limité, voire mis fin à sa carrière, étant donné qu’il prévoyait que des employeurs éventuels y auraient accès et seraient ensuite dissuadés de l’embaucher.

29        Au cours du contre-interrogatoire sur ce point, le fonctionnaire a admis que d’autres gestionnaires de la fonction publique fédérale ne seraient pas nécessairement en mesure d’avoir accès à cette ER, et en outre, lorsque la question lui a été posée, il a indiqué qu’il n’était pas en mesure d’évoquer une possibilité d’emploi précise qui lui avait été refusée en rapport avec cette ER, éventuellement.

30        Outre ce formulaire d’ER de 2015, l’employeur a interrogé le fonctionnaire au sujet des détails de son ER de 2012, qui avait été effectuée plusieurs années avant que Mme Turi ne soit promue à le superviser, en 2015-2016. L’ER de 2012 contenait également plusieurs déclarations très positives au sujet de son bon rendement, mais renfermait également les commentaires suivants au sujet de ses communications et de la nécessité de mieux travailler avec les autres :

[Traduction]

[…]

À l’occasion, l’approche de Dan pour mettre en avant des questions et communiquer ses opinions a tendance à repousser les intervenants et à entraîner des désaccords. Par exemple, au cours du dernier exercice financier, Dan a pris sur lui de déclarer au CASC qu’il mettrait en œuvre le modèle de l’AC, en scindant son organisation en gestion des ressources et en fonction de contrôleur, et qu’il concentrerait ses efforts sur une seule de ces directions, et a demandé qu’un autre poste soit créé pour se concentrer sur l’autre direction. Plutôt que d’entamer une discussion sérieuse avec les principaux intervenants, Dan a fait une déclaration directement au CASC. Dan doit prendre un moment pour prendre en considération les conséquences de ses actes avant d’aller de l’avant.

[…]

31        Mme Turi était la superviseure immédiate du fonctionnaire de 2014 à 2016. Elle a indiqué dans son témoignage plusieurs exemples de ses actes qui l’avaient amenée à rédiger les recommandations soulignées dans son ER auxquelles il s’est opposé.

32        Un exemple de ce type découlait d’une dépense de 40 000 $ à même une affectation budgétaire régionale. L’équipe de gestion régionale avait décidé de mener deux ateliers de sensibilisation axés sur l’établissement des relations avec un groupe important d’intervenants. Mme Turi a indiqué dans son témoignage que le fonctionnaire s’était opposé à cette dépense au motif que c’était une faible priorité à son avis, étant donné que le SCC était en situation de déficit budgétaire pour l’exercice en cours. Il avait fortement recommandé que les 40 000 $ soient redirigés vers la gestion du déficit.

33        Mme Turi a expliqué qu’elle avait discuté des préoccupations du fonctionnaire avec lui et avec l’équipe de gestion régionale, qui avait ensuite décidé d’aller de l’avant avec la dépense. Elle a affirmé dans son témoignage que la dépense était tout à fait appropriée dans la ligne budgétaire utilisée. Toutefois, elle a découvert plus tard que lorsque son équipe de gestion régionale avait décidé d’aller de l’avant, le fonctionnaire avait alors communiqué avec le contrôleur de l’AC à Ottawa pour maintenir son opposition, sans l’aviser.

34        À la lumière de l’ER précédente et cohérente d’un autre gestionnaire et du témoignage de Mme Turi, qui était la superviseure immédiate du fonctionnaire, je conclus que les déclarations soulignées dans l’ER à son sujet ont une justification logique et n’étaient pas fabriquées, et qu’elles ne semblent aucunement avoir été motivées par la mauvaise foi ni par des représailles contre lui.

35        Je n’ai pas de commentaires sur la question de savoir si l’ER de 2015 est équitable ou raisonnable. Comme l’a conclu l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique dans Tudor Price c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire), 2013 CRTFP 57 (confirmée par la Cour fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire dans son numéro de dossier T-1074-13 (non publié)), la Commission n’a pas compétence, en vertu de l’article 209 de la Loi,d’instruire un grief portant sur une évaluation du rendement (voir le paragraphe 38).

C. Les préoccupations concernant les dépenses budgétaires

36        Les fonctions du fonctionnaire étaient peut-être très motivées dans sa fonction de « remise en question », qu’il a très vivement présentée dans une série de préoccupations concernant des dépenses budgétaires qui avaient été produites lors de son témoignage à l’audience.

37        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait contesté le gestionnaire compétent de la région du Pacifique qui avait autorisé l’achat d’un grand véhicule utilitaire sport (VUS) blanc pour les défilés et d’autres cérémonies pour honorer le personnel du SCC. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était catégoriquement d’avis que le VUS était de valeur douteuse et, ce qui était bien plus important, que des feux d’urgence et des sirènes avaient été installés sur son toit, en violation de la Motor Vehicle Act ([RSBC 1996] ch. 318) de la Colombie-Britannique. Cette législation limite cet équipement d’urgence aux responsables de l’application de la Loi, dont ne fait pas partie la garde d’honneur du SCC. Le fonctionnaire a également témoigné que le VUS était muni d’une identification visuelle, en violation de la politique du gouvernement fédéral.

38        Le fonctionnaire a témoigné et fourni des éléments de preuve documentaire sous forme de courriels et de notes de service qu’il avait utilisés pour approfondir ses préoccupations concernant ce qu’il considérait comme l’installation illégale des feux d’urgence et de la sirène sur le VUS. Au cours de son témoignage, il a également souligné que ses interventions avaient donné lieu à un courriel en date du 31 mars 2016, du gestionnaire principal des services de soutien de l’AC, ordonnant ce qui suit [traduction] « […] il ne devrait pas y avoir de barres de signalisation sur ce véhicule et l’AC n’a pas payé pour les feux qui ont été installés à bord de ce véhicule. Ils  devraient être supprimés ».

39        Dans son témoignage à ce sujet, Mme Turi a expliqué qu’elle était bien au courant des préoccupations du fonctionnaire et qu’elle en avait discuté à plusieurs reprises.

40        Mme Turi a également indiqué dans son témoignage qu’elle avait consulté l’AC sur la question des sirènes et des feux et que les feux avaient en fait été installés à l’intérieur du VUS, soit sur le tableau de bord soit sur les fenêtres, et que dans d’autres communications, l’AC l’avait rassurée que le montage interne était conforme à la législation de la Colombie-Britannique.

41        Quant à la question de l’optimisation des ressources, Mme Turi a expliqué que la cérémonie de la garde d’honneur du SCC est une fonction très importante visant à rendre hommage aux collègues et à remonter le moral du personnel, et que les enfants s’amusent à admirer les feux d’urgence et la sirène lorsque le VUS est conduit lors des défilés.

42        Mme Turi a également indiqué que les partenaires de l’application de la loi avaient fait don de l’équipement d’urgence et que le SCC ne devait payer de son budget que le coût de l’installation, qu’elle a estimé à 800 $.

43        Le fonctionnaire a déposé à titre de pièce jointe un courriel en date du 30 mars 2016, du chef par intérim de la Gestion des installations dans la région du Pacifique, indiquant que le coût de l’installation était de 899,98 $ ou de 1 887,57 $. Il n’est pas clair d’après le courriel si ces coûts sont distincts ou si la somme plus élevée est un coût total des feux, des sirènes et des vignettes.

44        J’indique également que le fonctionnaire a présenté comme pièces jointes 13 pages de courriels auxquels de nombreux fonctionnaires avaient pris part, ainsi qu’une photo du VUS, qui documentaient ses efforts et sa contestation de la dépense.

45        Il est important de souligner dans l’analyse de cette question le courriel de Mme Turi au fonctionnaire en date du 22 avril 2016, dans lequel elle a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

Dan,

Pour que les choses soient claires, je n’ai pas suggéré une seule fois que les questions que vous soulevez étaient inappropriées ou n’étaient pas bonnes, donc je vous prie de ne pas croire que votre crédibilité en ce qui concerne la connaissance de votre travail et l’exécution de vos fonctions est touchée ici. Là n’est pas la question. Comme nous en avons discuté, le problème, c’est que vous n’avez pas discuté de vos préoccupations avec moi, avec Bill ou avec le SCR avant de vous adresser à l’AC en alléguant que nous avons enfreint les règles. Le véhicule a fait l’objet de discussions approfondies avec l’AC et nous avions son approbation. Vous le constaterez dans le courriel ci-joint.

Je considère que cette affaire est close.

[…]

46        Et enfin, l’un des nombreux problèmes qui ont amené le fonctionnaire à croire que ses fonctions en vertu de la LGFP étaient contrecarrées, c’était qu’un gestionnaire de sa région avait décidé d’utiliser des fonds ministériels pour aider à créer des T-shirts aux fins d’une course visant à recueillir des fonds pour un organisme de bienfaisance en vue de promouvoir le soutien et le traitement des membres du personnel souffrant du syndrome de stress post-traumatique.

47        Le fonctionnaire a déposé des courriels comme pièces jointes et a témoigné au sujet de ses préoccupations, qui découlaient d’une dépense d’environ 900 $ pour payer les coûts de la sérigraphie de T-shirts. La direction régionale a appuyé la dépense à titre de priorité importante pour la santé et le bien-être du personnel local. Le fonctionnaire a rédigé plusieurs courriels et a indiqué dans son témoignage que selon sa conclusion, la dépense n’était manifestement pas autorisée conformément à la politique du Conseil du Trésor.

48        Les témoignages à cet effet se sont conclus sur un échange de courriels entre le fonctionnaire et Mme Turi. Le 27 avril 2016, ce dernier a écrit ce qui suit : [traduction] « […] Lorsque Terry et moi en avons discuté il y a quelque temps […] Je l’avais informé du fait que j’avais parlé à [le contrôleur adjoint] et qu’il avait dit qu’il s’agissait d’un parrainage […] et non d’un programme, et que ce n’était donc pas autorisé à même les fonds publics. »

49        Mme Turi a répondu environ une heure plus tard, en ces termes : [traduction] « Bonjour Dan, Cette initiative provenait du programme Headstarter […] L’achat que Terry a fait était dans ces limites et est appuyé pour cette initiative spéciale. »

50        Le fonctionnaire a aussi affirmé énergiquement qu’à son avis, la région du Pacifique avait fait une dotation inappropriée et avait ensuite versé une rémunération rétroactive au-delà de la période prévue dans les documents de la nomination officielle.

51        Au cours de son témoignage à ce sujet, le fonctionnaire a indiqué qu’il avait exprimé ses préoccupations au sujet du fait que la rémunération rétroactive était inappropriée, mais qu’il s’était récusé de la question. Les raisons de sa récusation n’ont pas été indiquées, donc lorsque je lui ai demandé de clarifier, il a expliqué que son épouse avait demandé ou aurait demandé le même poste et que, pour cette raison, il s’était récusé de la discussion sur cette question.

52        Malgré son allégation de récusation, le fonctionnaire a témoigné in extenso des préoccupations qu’il avait exprimées à ce sujet, et de nombreuses pages d’éléments de preuve ont été présentées à titre de pièces jointes pour documenter les communications de ses préoccupations à plusieurs gestionnaires, y compris ceux de l’AC.

53        Dans son témoignage à ce sujet, Mme Turi a expliqué qu’à son avis, cette mesure de dotation avait été parfaitement normale et qu’elle avait suivi la procédure appropriée et avait eu le plein appui de la haute direction de la région du Pacifique. Elle a indiqué qu’après avoir pris note des préoccupations du fonctionnaire, la haute direction avait examiné la question et n’avait rien vu d’inapproprié.

54        Si je dois tirer une conclusion de cette question de dotation, c’est que le fonctionnaire a fait preuve d’un manque de jugement lorsqu’il s’est mêlé d’une question professionnelle concernant son épouse, qui travaillait également pour le SCC.

55        Une autre question que le fonctionnaire a soulevée à titre d’exemple de ce qui avait augmenté sa frustration et de ses tentatives d’exercer son autorité en vertu de l’article 33 de la LGFP était que le Ministère avait signé un protocole d’entente (PE) afin que les cadres supérieurs du syndicat (Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN) continuent de travailler à plein temps aux affaires du syndicat en service actif, et qu’ils puissent continuer à accumuler les avantages du régime de retraite et de nombreux autres avantages en vertu de la convention collective.

56        Le fonctionnaire a considéré le PE comme étant inapproprié et était fermement convaincu que le service actif n’aurait pas dû être permis, puisqu’il entraînait l’accumulation de coûts importants pour l’employeur au fil du temps. Au cours du contre-interrogatoire, il a admis que le PE en question avait prévu que le syndicat rembourse les coûts de l’absence de ses cadres supérieurs du travail pour s’occuper des affaires du syndicat.

57        Je n’ai pas suffisamment d’éléments de preuve pour statuer sur la question de savoir si le coût total de l’absence du cadre supérieur du syndicat pour voir aux affaires du syndicat, y compris tous les avantages, a effectivement été remboursé, et pour quelle période. À ce titre, je ne peux pas conclure en ce qui concerne cette affaire qu’il y a eu quoi que ce soit d’inapproprié.

58        Le fonctionnaire a appelé Phyllis Janzen à témoigner. Celle-ci a mené une longue carrière en gestion financière au sein de la fonction publique fédérale. Au cours de la période en question, elle était la chef des finances de l’Établissement de la vallée du Fraser.

59        Mme Janzen a indiqué dans son témoignage que le fonctionnaire l’avait soutenue dans ses fonctions de remise en question et a donné des exemples de dépenses financières pour des articles tels que des paniers-cadeaux, des fleurs et des vêtements de pluie qu’elle avait jugés non conformes aux politiques du Conseil du Trésor. Elle a mentionné la façon dont elle avait demandé aux gestionnaires respectifs de retourner les articles ou d’utiliser leurs propres fonds pour couvrir soit le coût total, soit sa partie non conforme. J’ai écouté son témoignage attentivement, et je conclus que rien de tout cela n’a de valeur probante.

60        Pris individuellement ou cumulativement, je conclus que ces exemples des dépenses de l’employeur qui étaient contestées par le fonctionnaire ou les interactions conséquentes de ce dernier avec ses supérieurs ne sont ni d’une ampleur ni d’une gravité suffisante pour appuyer une allégation de mauvais traitement ou d’usurpation de son pouvoir. Je conclus qu’aucune action de la direction n’est punitive et ne constitue une mesure de représailles contre les actes du fonctionnaire.

61        Le fonctionnaire s’est fondé dans une large mesure sur le rapport de 2003 de la vérificatrice générale du Canada intitulé Rapport sur le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (familièrement connu sous le nom de « rapport Radwanski ») et ses conclusions suivantes :

[…]

[…] de nombreux cadres de direction ont fermé les yeux […] sur les violations des lois et des politiques et sur d’autres problèmes au chapitre de la dotation en personnel, de la gestion financière, de la passation des contrats, et des voyages et de l’accueil. Les cadres ne se sont pas acquittés, à divers degrés, de leurs obligations conformément aux valeurs de la fonction publique, telles que la justice, l’intégrité et l’objectivité politique.

62        Le fonctionnaire a soutenu que les problèmes énoncés dans son témoignage auxquels il a fait face dans son milieu de travail étaient assez semblables pour montrer que l’une des conclusions du rapport Radwanski appuyait sa détresse, en ces termes : « […] En vertu de l’article 33 de la LGFP, la personne qui “ signe le chèque ” pour les biens et les services doit avoir le pouvoir de le faire, doit avoir l’assurance que les exigences ci-dessus ont été respectées et que le paiement est une imputation régulière sur le crédit. »

63        Je conclus que le rapport Radwanski n’est pas suffisamment pertinent à la preuve dans les questions dont je suis saisi pour que je lui accorde une valeur probante. Je n’ai pas de commentaire, et ne statue pas, sur la pertinence, l’optimisation des ressources, ou la légalité des dépenses que le fonctionnaire a contestées et qui sont documentées dans la présente décision.

64        Cependant, je peux facilement déterminer que le fonctionnaire a pris les mesures appropriées, tel qu’il est énoncé dans ses pouvoirs et tel qu’il a été confirmé dans le témoignage de M. Mitton, pour remettre en question et, au besoin, alerter des cadres supérieurs à ce que le fonctionnaire jugeait être des dépenses discutables au motif de l’optimisation des ressources, d’autorisations inappropriées ou de la non-conformité aux politiques du Conseil du Trésor.

65        Plutôt que d’y voir des exemples d’irrégularités du style de celles du rapport Radwanski, je considère ces points examinés dans les éléments de preuve comme des difficultés quotidiennes assez prévisibles au sein d’un grand ministère doté de grandes équipes de gestion qui œuvrent à leurs nombreuses fonctions et défendent leurs intérêts. Aucune de ces initiatives ne comportait de mauvaises intentions ni de manifestations criminelles ou autrement illégales.

66        Compte tenu des explications de Mme Turi sur chaque dépense contestée et des nombreuses discussions par courriel de ces questions que le fonctionnaire a entamées lors de l’exercice de sa fonction de remise en question, je suis convaincu que toutes ces questions étaient de l’ordre des activités normales d’un ministère et que le fonctionnaire exerçait sa propre fonction de remise en question à l’égard de chacune d’entre elles, comme l’a décrit M. Mitton.

D. L’ordre de geler les dépenses

67        La décision du fonctionnaire d’ordonner à ses gestionnaires régionaux d’arrêter de dépenser des fonds, qui devait être sa dernière interaction avec la direction, a peut-être été ce qui a contribué le plus à sa frustration croissante. Il a indiqué dans son témoignage que vers décembre 2016, il était devenu très préoccupé et angoissé, puisque l’employeur était dans une situation de déficit budgétaire pour l’exercice en cours, aussi bien à l’échelle nationale que dans sa région. Il a assisté à une réunion à l’AC les 6 et 7 décembre 2016, où lui et les autres contrôleurs régionaux ont été mis au courant de l’état du budget et du plan pour l’avenir.

68        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage que l’adjoint au dirigeant principal des finances (ADPF) pour le Ministère avait fait part de ses préoccupations concernant la sombre perspective financière, puisque la région du Pacifique avait un déficit prévu de 15 millions de dollars pour l’exercice en cours. Il a indiqué dans son témoignage que l’ADFP avait indiqué que les préoccupations concernant le budget avaient été soulevées auprès du comité national de direction, y compris le commissaire, mais qu’il avait l’impression qu’ils n’avaient pas pris ses préoccupations suffisamment au sérieux.

69        Selon le fonctionnaire, l’élément le plus important dans cette séance d’information était le règlement prévu des salaires du personnel négocié avec un grand agent négociateur, dans une nouvelle convention collective qui aurait une incidence sur le budget de l’employeur. Il a indiqué dans son témoignage qu’on leur avait dit qu’une réserve était détenue à l’échelle nationale pour ce qui devait être une augmentation dans un avenir très proche, qui aurait certainement des répercussions sur le budget de l’année. Il a indiqué dans son témoignage qu’on avait dit aux contrôleurs régionaux qu’il fallait qu’ils réalisent chacun 20 millions de dollars d’économies à même le budget de l’exercice en cours pendant le dernier trimestre de l’exercice.

70        Le fonctionnaire a ensuite expliqué que peu de temps après la séance d’information à l’AC, il avait lu des rapports concernant le règlement salarial, qui était beaucoup plus important que prévu, faisant apparaître ainsi le spectre de l’insuffisance de la réserve budgétaire pour couvrir ces coûts supplémentaires pour l’employeur à l’échelle nationale. Il a dit qu’il avait parlé de cette préoccupation au cours d’une téléconférence des contrôleurs régionaux organisée par l’AC le 15 décembre 2016.

71        Pour mettre en contexte ces événements et ses préoccupations, le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il y avait eu des préoccupations budgétaires semblables dans le passé, mais que l’AC avait couvert les manques budgétaires de ses réserves. Il a également déclaré que, dans le passé, le Conseil du Trésor avait alloué un financement supplémentaire pour les règlements salariaux, mais qu’il avait cessé de le faire plusieurs années auparavant. Il a indiqué qu’il avait de graves préoccupations au sujet de l’exercice en cours.

72        Se fondant sur ces graves préoccupations, le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait décidé d’émettre une directive budgétaire à tous les gestionnaires de la région du Pacifique, visant à geler immédiatement tout nouvel engagement de dépenses, et qu’après une période de préavis obligatoire de 30 jours, toute dépense discrétionnaire pour les voyages, l’accueil, l’hospitalité et les marchés de services non essentiels serait gelée. Il a déclaré que cette décision avait été prise conformément à ses pouvoirs en vertu de l’article 33 de la LGFP.

73        Sur cette question des préoccupations graves du fonctionnaire au sujet du budget ministériel, M. Mitton a indiqué au cours du contre-interrogatoire que pendant ses années de service auprès de l’employeur, il n’avait jamais dépassé ses crédits de budget annuel, affectés par le Parlement. Il a admis que la pression montait souvent au cours de l’exercice et que les objectifs trimestriels n’étaient pas toujours atteints, mais il a dit qu’à la fin de chaque année, tous les membres du Comité exécutif national avaient bien équilibré le budget, sans dépasser leur pouvoir de dépenser.

74        M. Mitton a également indiqué dans son témoignage que si un comptable agréé a de sérieuses préoccupations concernant un aspect de la gestion financière, il ou elle peut signer l’attestation du rapport annuel [traduction] « avec des réserves. »

IV. Analyse

A. La requête du fonctionnaire s’estimant lésé fondée sur Burchill

75        Le fonctionnaire a demandé que je refuse à l’employeur la possibilité de se défendre contre le grief au motif qu’il n’avait pas répondu en temps opportun. Le grief a été signé le 1er février 2017. L’avocat du fonctionnaire a écrit à l’employeur le 17 mars 2017, pour indiquer qu’aucune réponse n’avait été reçue et qu’il se réservait le droit de renvoyer le grief à l’arbitrage. L’employeur a répondu par écrit le 27 mars 2017, en indiquant que le grief était redirigé à l’instance appropriée du premier palier, conformément à l’entente collective pertinente.

76        Le fonctionnaire a fait remarquer que le paragraphe 72(1) du Règlement précise une date limite pour remettre les décisions, au plus tard vingt jours après la réception du grief.

77        Passé ce délai, le fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage et a ensuite demandé une requête visant à déclarer qu’il était interdit à l’employeur de répondre au grief à l’arbitrage, en se fondant sur la décision de la Cour fédérale dans Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.).

78        Dans Burchill, la Cour fédérale a conclu qu’un fonctionnaire ne peut modifier le fond de son grief après l’avoir renvoyé à l’arbitrage. Par une entorse à l’extrapolation logique, dans l’observation écrite du fonctionnaire, présentée avant l’audience, son avocat a soutenu qu’il serait conforme à Burchill de statuer que le fait que l’employeur n’ait pas répondu au grief devrait être sa seule réponse accueillie à l’arbitrage. Cela signifierait en effet qu’il ne pourrait apporter aucune réponse au grief tout au long de l’audience d’arbitrage.

79        Je ne suis pas d’accord avec la requête du fonctionnaire, puisque je conclus qu’elle constitue une mauvaise application de Burchill. Refuser à l’employeur la possibilité de présenter des éléments de preuve et des arguments, dans les circonstances de la présente affaire, constituerait un refus de son droit à la justice naturelle. À ce titre, j’ai rejeté la requête.

B. La requête de l’employeur concernant la compétence

80        L’employeur a fait valoir que je n’ai pas compétence pour entendre un grief alléguant un congédiement déguisé. Son avocat a soutenu que jusqu’ici, la Commission  n’a pas reconnu la doctrine juridique de congédiement déguisé.

81        L’avocat de l’employeur a indiqué l’article 209 de la Loi, qui, selon son argument, ne confère pas à la Commission la compétence de statuer sur des griefs découlant d’une démission ou d’une allégation de congédiement déguisé. Il a également soutenu que la LGFP interdit l’argument que le fonctionnaire a avancé. L’avocat de l’employeur a suggéré que le fonctionnaire avait plutôt choisi de démissionner de son poste, ce qui est permis en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22; LEFP).

82        Le fonctionnaire a soutenu que le traitement cumulatif dont il avait fait l’objet par suite de plusieurs actes de son employeur l’avait conduit dans la sphère du congédiement déguisé en common law, comme l’a énoncé la Cour suprême du Canada dans Potter c. Commission des services d’aide juridique du Nouveau-Brunswick, 2015 CSC 10.

83        Il a été conclu dans cette affaire que le critère applicable au congédiement déguisé comporte deux volets. Le tribunal doit d’abord établir la violation d’une condition expresse ou tacite d’un contrat ayant pour effet de modifier substantiellement une condition essentielle du contrat (voir le paragraphe 34). Deuxièmement, le cas échéant, le tribunal doit décider si la violation est suffisamment grave pour constituer un congédiement déguisé (voir le paragraphe 32).

84        Il a également été conclu dans Potter qu’un comportement de l’employeur ayant pour effet de rendre le maintien de l’emploi intolérable peut être assimilé à une violation du contrat de travail, et qu’une telle considération exige l’examen des effets cumulatifs du comportement passé de l’employeur et de la question de savoir si cela traduisait une intention de l’employeur de ne plus être lié par le contrat (voir le paragraphe 33). La Cour a également fait remarquer que le fondement probant de l’ampleur attribuée à la violation peut être un facteur déterminant important (voir le paragraphe 36).

85        Et enfin, dans Potter, la Cour a déclaré qu’au moment d’examiner le second volet du critère après qu’on a conclu à une violation, la conduite en question doit être envisagée dans le contexte de savoir si une personne raisonnable, au vu de toutes les circonstances, était amenée à conclure que l’employeur n’entendait plus être lié par les clauses du contrat (voir le paragraphe 42).

86        Le fonctionnaire a soutenu que, considérés dans leur ensemble, les incidents qu’il a expliqués l’ont amené à conclure que l’employeur n’avait plus l’intention d’être lié par les clauses de ce qu’il soutenait être son contrat d’emploi, étant donné qu’il avait l’impression que ses fonctions prévues par la loi avaient été frustrées et, en dernier ressort, usurpées par sa gestionnaire, Mme Turi.

87        En se penchant sur les examens antérieurs par la Commission des allégations de congédiement déguisé, le fonctionnaire a souligné que la Commission s’est penchée sur la question et, bien qu’elle n’ait pas approuvé la doctrine, qu’elle ne l’a pas exclue non plus. Dans Hassard c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2014 CRTFP 32, la rétrogradation d’un cadre supérieur qui avait découlé d’une longue enquête a été examinée. Dans ce cas, la fonctionnaire s’estimant lésée a prétendu que sa rétrogradation équivalait à un congédiement déguisé.

88        Après avoir interprété les lois pertinentes, l’arbitre de grief a déterminé que, dans le secteur public, le droit de l’employeur de procéder à une rétrogradation existe bien, et que, par conséquent, une rétrogradation ne peut être considérée comme un manquement fondamental au contrat d’emploi (voir le paragraphe 177). Il a plutôt conclu qu’une personne qui a fait l’objet d’une rétrogradation a le recours de présenter un grief en vertu de la loi et de la convention collective pertinente. L’arbitre de grief a conclu ensuite qu’il n’était pas nécessaire de régler définitivement la question d’établir si le principe du congédiement déguisé joue un rôle dans les contrats d’emploi dans la fonction publique (voir le paragraphe 179). Il a formulé la question ainsi : « […] il y a […] lieu de se demander si le principe du congédiement déguisé a sa place dans le secteur public » (voir le paragraphe 179).

89        Récemment, la Commission a examiné la même question dans Cameron c. Administrateur général (Bureau du directeur des poursuites pénales), 2015 CRTEFP 98. Cette affaire concerne une professionnelle qualifiée qui a été recrutée pour doter un poste de cadre supérieur dans un ministère qui, à l’époque, après une période de trois ans à ce poste, a été « humiliée » par une rétrogradation à un poste de niveau inférieur dans ce qu’elle a qualifié de « leurre » (voir les paragraphes 116 et 124). L’arbitre de grief Perrault a conclu que les faits de ce qui était arrivé à Mme Cameron étaient « troublants » (voir les paragraphes 116 et 125), mais elle a conclu qu’en fait, elle n’avait pas compétence pour statuer sur l’allégation de congédiement déguisé.

90        L’arbitre de grief Perrault s’est livrée à une analyse succincte de la compétence de la Commission, à recevoir des griefs pour arbitrage en vertu de l’article 209, et a conclu que la rétrogradation de la fonctionnaire s’estimant lésée dans Cameron était autorisée par la loi en vertu de la LGFP. Elle a ajouté ce qui suit :

85 La Commission n’a pas compétence pour entendre les renvois à l’arbitrage de tous les griefs de la fonction publique fédérale, peu importe leur bien-fondé. La compétence doit être prévue par la loi habilitante. En l’espèce, elle n’y est pas prévue.

86 Les griefs individuels sont renvoyés à la Commission en vertu de l’article 209 de la LRTFP, qui prévoit ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

  1. soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;
  2. soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;
  3. soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :
    1. la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,
    2. la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

[…]

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

[…]

91        La Commission a aussi récemment examiné cette question dans Nadeau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 31. L’arbitre de grief Jaworski a examiné une situation assez semblable. Bien qu’il ait accueilli l’allégation de congédiement déguisé dont il devait être saisi, il a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé dans cette affaire ne lui avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer le bien-fondé d’une telle allégation. Par conséquent, il a déclaré qu’il n’avait pas compétence. Il a décrit comme suit la question de la compétence à respecter dans un grief concernant un congédiement déguisé qui a été renvoyé à l’arbitrage :

[…]

140    L’employeur s’est opposé à ma compétence pour entendre la présente affaire. Il a soutenu qu’elle ne relevait pas de l’art. 209 de la Loi. Compte tenu de la nature du grief, qui est une allégation de congédiement déguisé, il n’était pas possible d’entendre la preuve relative à l’objection sans entendre celle sur le bien-fondé du grief. À ce titre, j’ai entendu l’ensemble de la preuve et j’ai réservé ma décision sur la question de la compétence.

141    Pour relever de la compétence de la Commission aux termes de l’art. 209 de la Loi, un grief doit respecter certains critères. L’agent négociateur du fonctionnaire, qui avait cessé de le représenter au moment de l’audience, a renvoyé le grief à l’arbitrage en vertu de l’al. 209(1)b) de la Loi, en faisant valoir qu’il découlait d’une mesure disciplinaire ayant entraîné le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire, et en vertu du sous-al. 209(1)c)(ii) de la Loi, en faisant valoir qu’il était assujetti à une mutation dans l’administration publique centrale en vertu de la LEFP sans son consentement alors que celui-ci était requis. Même s’il ne l’a pas fait, le grief aurait pu être renvoyé à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, qui traite d’un licenciement ou d’une rétrogradation aux termes de l’al. 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, pour rendement insatisfaisant.

142    Le paragraphe 241(1) de la Loi précise que les procédures prévues par la Loi ne sont pas susceptibles d’invalidation pour vice de forme ou de procédure. Lorsque vous lisez le grief, il est possible que l’agent négociateur du fonctionnaire ait également eu l’intention de renvoyer le grief aux termes du sous-al. 209(1)c)(i) de la Loi. À ce titre, je trancherai la question relative à la compétence comme si l’on avait eu l’intention d’utiliser cette disposition.

143    Pour les motifs qui suivent, l’objection de l’employeur à l’égard de la compétence est accueillie, et le grief est rejeté.

144    Le grief a été présenté le 18 mai 2011. Dans celui-ci, le fonctionnaire a allégué avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé de son poste PS-02, au SCC. Le grief indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Je conteste la décision de l’employeur de retirer les fonctions que j’ai exercées au cours des neuf dernières années et de modifier de manière importante mes conditions de travail. Cela m’a causé un stress et une anxiété immenses. J’ai dû partir en congé de maladie pour prendre soin de ma santé. La modification de mes fonctions et de mes conditions de travail équivalent à un congédiement déguisé.

[…]

145    Je trancherai d’abord le renvoi à l’arbitrage en vertu du sous-al. 209(1)c)(ii) de la Loi. Cette section traite des mutations qui exigent le consentement. Rien dans le présent grief ne laisse entendre qu’une mutation avec ou sans consentement n’a eu lieu. Selon l’allégation, le fonctionnaire a fait l’objet d’un congédiement déguisé, ce qui laisse entendre que la relation d’emploi a été rompue. Pour ce seul motif, le grief ne pouvait pas être renvoyé à l’arbitrage aux termes du sous-al. 209(1)c)(ii).

C. L’alinéa 209(1)b) et le sous-alinéa c)(i)

146    Pour que le grief relève de l’al. 209(1)b) de la Loi, le fonctionnaire doit établir qu’il a fait l’objet d’un licenciement, d’une rétrogradation, d’une suspension ou d’une sanction pécuniaire et que l’acte de le licencier, de le rétrograder, de le suspendre ou de lui imposer une sanction pécuniaire découlait d’une mesure disciplinaire de l’employeur. Il ne suffit pas de démontrer qu’il a été licencié, rétrogradé, suspendu ou qu’il a subi une sanction pécuniaire, à moins que le fonctionnaire établisse que cette mesure était de nature disciplinaire. Pour que le grief relève du sous-al. 209(1)c)(i) de la Loi, le fonctionnaire doit établir qu’il a fait l’objet d’un licenciement ou d’une rétrogradation pour rendement insatisfaisant.

147    Le fonctionnaire a allégué un congédiement déguisé. La Cour suprême du Canada a abordé cette question dans Potter, aux par. 30 à 33. Ces paragraphes sont libellés comme suit :

[30] Lorsque, par sa conduite, l’employeur manifeste l’intention de ne plus être lié par le contrat de travail, le salarié peut soit acquiescer à la conduite de l’employeur ou à la modification qu’il apporte au contrat, soit y voir la répudiation du contrat et intenter contre l’employeur une poursuite pour congédiement injustifié. […]

[31] Puisque, contrairement au contrat commercial, le contrat de travail revêt un caractère dynamique, les tribunaux ont à juste titre adopté une approche souple pour décider si, par sa conduite, l’employeur avait manifesté ou non l’intention de ne plus être lié par le contrat. Deux volets ont vu le jour pour l’application du critère. […]

[32] […] Deux volets ont vu le jour pour l’application du critère. Dans la plupart des cas, il faut d’abord établir la violation d’une condition expresse ou tacite du contrat, puis décider si elle est suffisamment grave pour constituer un congédiement déguisé […]

Or, la conduite de l’employeur constitue également un congédiement déguisé lorsqu’elle traduit généralement son intention de ne plus être lié par le contrat. […]

148    Pour que j’aie compétence, le fonctionnaire devait établir que, selon la prépondérance des probabilités, l’action de l’employeur constituait un licenciement (puisqu’il a allégué avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé) et que cette décision a été prise pour des motifs disciplinaires (l’al. 209(1)b) de la Loi), ou pour un rendement insatisfaisant allégué (sous-al. 209(1)c)(i) de la Loi).

149    Plus précisément, selon l’allégation formulée par le fonctionnaire, le retrait de certaines fonctions qu’il avait exercées pendant neuf ans et la modification considérable de ses conditions de travail équivalent à un congédiement déguisé. Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, il devait démontrer que c’est ce qui s’est produit, ce qui correspond à la première partie du critère énoncé dans Potter à propos de la modalité expresse ou tacite du contrat qui a été violée.

150    Pour le moment, je mettrai de côté la question de savoir si les conditions de travail et les fonctions du fonctionnaire équivalaient à des modalités expresses ou tacites de son contrat d’emploi. J’agis ainsi, car je ne suis saisi d’absolument aucune preuve que l’employeur a retiré certaines fonctions ou qu’il a modifié ses considérations de travail de manière importante.

[…]

159    Le fonctionnaire a fait valoir qu’il n’avait pas à démontrer que son emploi lui avait été retiré, seulement qu’il était à la maison sans rémunération. C’est inexact. Il devait démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé et que, s’il le prouvait, le congédiement déguisé relevait du par. 209(1) de la Loi. Il n’a pas réussi à le faire.

[…]

163    Le fonctionnaire a fait valoir qu’il était un PS-02 principal, qu’il avait un droit à l’égard de l’emploi et que l’employeur n’avait aucun droit de le transférer. La preuve n’a pas divulgué que l’employeur l’avait rétrogradé ou qu’il l’avait effectivement transféré. Les conditions de son emploi étaient établies dans la convention collective pertinente ainsi que dans les lois et règlements pertinents. La LGFP prévoit que l’employeur a le droit d’attribuer des fonctions. L’article 7 de la Loi ainsi que la loi précédente régissant les prédécesseurs de la Commission (la CRTFP et la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP »)) établissent que l’attribution de fonctions ne donne pas d’une manière quelconque compétence à la Commission alors qu’autrement elle n’en a aucune (voir Synowski et Tuckett-Reddy).

164    Le fonctionnaire a fait valoir que, d’après Hassard, il avait le droit de présenter un grief. Même s’il est possible qu’il ait eu le droit de présenter un grief en vertu de l’art. 208 de la Loi, cela ne conférait pas compétence à la Commission pour entendre le renvoi à l’arbitrage du grief en vertu de l’art. 209. Un ensemble considérable de précédents de la présente Commission, de la CRTFP et de l’ancienne CRTFP soutient que, même si de nombreuses mesures de l’employeur peuvent être assujetties à des griefs, toutes ne sont pas assujetties à l’arbitrage.

165    Étant donné qu’il n’y a aucune preuve que le fonctionnaire a été licencié et que, en réalité, la preuve a établi le contraire, et qu’il n’a pas non plus été établi que ses fonctions avaient été retirées de façon à ce qu’un congédiement déguisé (en supposant que cela existe dans la fonction publique) puisse être établi, le grief ne relève pas de l’al. 209(1)b) ou du sous-al. c)(i) et, par conséquent, je n’ai pas compétence.

[…]

V. Conclusion

92        Compte tenu de mes conclusions de fait susmentionnées, et conformément aux affaires que j’ai citées des arbitres de griefs Perrault et Jaworski, je conclus que le fonctionnaire croit très sincèrement, mais à tort, qu’il a fait l’objet d’un congédiement déguisé.

93        Compte tenu du critère énoncé dans Potter, qui demande d’examiner premièrement si le contrat d’emploi était expressément ou tacitement violé de sorte à modifier substantiellement une condition essentielle du contrat, je conclus que le grief ne tient pas. Je conclus que les incidents décrits par le fonctionnaire, considérés dans leur ensemble ou séparément, n’ont pas violé expressément ou tacitement les clauses de son contrat d’emploi.

94        Comme dans Hassard, où la Commission a indiqué qu’elle n’était pas prête à trancher définitivement la question de savoir si le principe du congédiement déguisé s’applique aux contrats d’emploi dans le secteur public, il ne s’agit pas d’une affaire qui fournit les éléments de preuve nécessaires pour que je puisse répondre définitivement à cette question.

95        Les éléments de preuve dont je suis saisi sont insuffisants pour que je tire une conclusion autre que celle selon laquelle le fonctionnaire a connu une frustration croissante compte tenu de la façon dont il envisageait la gestion financière de son ministère, et que cette frustration croissante l’a amené à se sentir malade, à prendre un congé de maladie, puis à prendre, de son propre aveu, la décision quelque peu hâtive de démissionner, en se fondant sur les conseils financiers qu’il avait reçus au sujet de ses droits de pension.

96        Compte tenu de mes conclusions de fait selon lesquelles le fonctionnaire a démissionné, je n’ai pas compétence pour statuer sur cette affaire et, par conséquent, je rejette le grief.

97        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

98        Le grief est rejeté.

Le 15 janvier 2019.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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