Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant a participé à un processus de nomination annoncé à l’interne – sa candidature a été éliminée à l’étape de l’examen écrit, car il a omis de réussir une des sections – la Commission a conclu que son examen n’avait pas été noté de façon équitable – les réponses qu’il a fournies étaient correctes, étant donné le libellé des questions – bien que la Commission n’ait pas compétence pour réévaluer les réponses du plaignant, il peut évaluer s’il a été évalué convenablement afin de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation – si l’outil utilisé pour évaluer une qualification est vicié, le résultat ne peut pas être jugé équitable ou raisonnable, et constituera un abus de pouvoir – la Commission a ordonné que le plaignant ait la possibilité de passer à la prochaine étape du processus d’évaluation.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190125
  • Dossier:  EMP-2016-10274
  • Référence:  2019 CRTESPF 8

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

CHRISTOPHER CLARK

plaignant

et

SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

intimée

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Clark c. Sous-ministre de la Défense nationale


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir aux termes de l’alinéa 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
James Knopp, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le plaignant:
Ronald Pink, c.r., avocat
Pour l'intimée:
Nour Rashid, avocat
Pour la Commission de la fonction publique:
Claude Zaor, arguments écrits
Affaire entendue à Halifax (Nouvelle-Écosse),
le 11 décembre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

Plainte devant la Commission

1         Christopher Clark, le plaignant, est un employé du ministère de la Défense nationale (MDN). Il a présenté une candidature pour un processus de nomination interne annoncé, dont le but était de créer un répertoire de candidats qualifiés pour doter des postes d’une durée indéterminée actuels et à venir, pour les postes de chef d’équipe de l’élaboration des contrats, de chef de projet et de superviseur du poste de travail, classifiés SR-CPS-01. Le numéro du processus de sélection en question était 14-DND-IA-HALFX-387222.

2         Le plaignant a été exclu à l’étape de l’examen écrit du processus. Il a réussi chaque section de l’examen, à l’exception d’une, qui portait sur la gestion des ressources humaines.

3         Le plaignant estime que l’intimée, la sous-ministre du MDN, n’a pas évalué cette section avec exactitude ou équité, ce qui a donné lieu à un abus de pouvoir.

4         L’intimée nie tout abus de pouvoir.

5         La Commission de la fonction publique n’a pas comparu à l’audience, mais a présenté des arguments écrits dans lesquels elle a traité de ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la plainte.

6         Pour les motifs qui suivent, la plainte est fondée. La question 6B de l’examen demandait deux facteurs relatifs aux demandes de congé annuel. Les deux réponses fournies par le plaignant, bien que correctes compte tenu de la manière dont la question était formulée, n’ont pas été cotées équitablement. En conséquence, il n’a pas reçu de notes suffisantes pour réussir cette section de l’examen et il a donc été exclu de toute autre participation au processus de nomination. Par conséquent, il y a eu un abus de pouvoir dans le processus de nomination.

Contexte

7         Une annonce de possibilité d’emploi pour les postes de chef d’équipe de l’élaboration des contrats, de chef de projet et de superviseur du poste de travail a été affichée sur un site Web de la fonction publique avec une date de clôture du 9 janvier 2015. Le plaignant a présenté sa candidature et a été sélectionné dans le cadre du processus. Le 19 juin 2015, il a passé l’examen écrit visé par les présentes procédures. 

8         L’examen comportait de nombreuses sections différentes. Une cote d’échec dans n’importe quelle section signifiait un échec de la totalité de l’examen. Seuls ceux qui ont obtenu la note de passage pour l’examen ont été autorisés à passer au processus d’entrevue.

9         La section de gestion des ressources humaines de l’examen nécessitait au moins 10 points sur 15 pour être réussie. La question 6B en faisait partie. Elle demandait [traduction] « En tant que superviseur, quels sont deux facteurs à prendre en compte avant d’autoriser un congé annuel? » Trois points y étaient accordés.

10        La réponse du plaignant comportait deux points. Le premier était [traduction] « Capacité de l’atelier », et le deuxième était [traduction] « Toute tâche essentielle sur laquelle l’employé travaille et qui ne peut pas être “reprise” par un autre employé ». On a attribué une note de 0,75 point à chaque réponse, pour un total de 1,5 point pour la question 6B.

11        Le plaignant a reçu 8,5 points sur 15 pour la section de gestion des ressources humaines de l’examen, qui était 1,5 point en dessous du minimum global nécessaire pour réussir. Il a réussi toutes les autres sections, mais puisqu’il a échoué celle-là, il a échoué à l’ensemble de l’examen et il n’a pas été invité à une entrevue.

12        Le 9 octobre 2015, le plaignant a été informé qu’il ne satisfaisait pas à au moins une des qualifications essentielles évaluées par l’examen, soit la « Capacité de gérer des ressources humaines ». On l’a invité à discuter de manière informelle des résultats de son examen et de la manière dont il a été coté.

13        Lors de la discussion informelle, le plaignant a été informé qu’il a reçu seulement une note partielle puisqu’il avait omis de mentionner de vérifier si l’employé qui demandait le congé annuel avait un solde de congé suffisant.

14        Le plaignant a expliqué que le logiciel de gestion des ressources humaines PeopleSoft utilisé pour présenter les demandes de congé ne transmettrait pas la demande si l’employé la présentant n’avait pas suffisamment de crédits dans sa banque de congé. Par conséquent, il n’estimait pas qu’il était avantageux d’utiliser ce qui était une redondance comme une de ses deux réponses à la question 6B. Cependant, ses arguments n’ont pas convaincu l’intimée et sa cote est restée une note d’échec.

15        Le 18 mars 2016, le plaignant a présenté la plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) alléguant un abus de pouvoir dans l’application du mérite en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).

16        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

Question

17        Je dois trancher la question suivante : l’intimée a-t-elle abusé de son pouvoir dans l’application du mérite en raison d’une évaluation injuste et inexacte ou autrement déraisonnable des réponses du plaignant à la question 6B de l’examen?

Résumé de la preuve

18        Le plaignant a témoigné en disant qu’il a été employé par le MDN pendant 13 ans. Il a commencé en tant qu’apprenti, a travaillé en rotation dans divers ateliers pendant 2 ans, puis s’est établi dans l’atelier des communications, où il est resté pendant 11 ans. À son poste actuel de spécialiste des communications, il installe et contrôle l’équipement de communications (radio et satellite) à l’Installation de maintenance de la flotte à Cape Scott, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.

19        Il a décidé de présenter sa candidature au processus de nomination en raison de son intérêt à progresser dans l’organisation et parce qu’il aime réellement travailler avec les personnes dans un rôle de supervision. Lorsqu’il a été sélectionné dans le processus au titre de sa scolarité et de son expérience, il a passé une évaluation de « compétence générale » et l’a réussie. Cette évaluation est conçue pour évaluer les compétences de communication écrite.

20        Il a ensuite participé à l’examen écrit visé en l’espèce, avec 20 ou 30 autres candidats potentiels. L’examen n’était pas à livre ouvert et aucun renseignement n’a été fourni à l’avance à son sujet ou au sujet de n’importe laquelle de ses questions.

21        La question 6B demandait [traduction] « En tant que superviseur, quels sont deux facteurs à prendre en compte avant d’autoriser un congé annuel? » Le plaignant a témoigné en disant qu’il connaissait un certain nombre de facteurs différents. Il en a fourni deux à l’examen, soit la capacité de l’atelier et la question de savoir si l’employé demandant le congé prenait part à une tâche essentielle qu’un autre employé ne pouvait pas reprendre.

22        Le plaignant savait que les deux réponses qu’il a fournies faisaient partie d’un certain nombre de facteurs valides à prendre à compte pour le traitement d’une demande de congé d’un employé. Il estimait qu’il avait correctement répondu à la question.

23        Lorsque le plaignant a été informé de son échec à l’examen, on lui a offert une occasion de discuter des résultats de manière informelle. Il l’a fait, avec Dan Dugie et Charles Hawker. M. Dugie était l’un des gestionnaires du processus de nomination et le seul autre témoin à témoigner à l’audience.

24        La feuille de réponses divise la question 6B en deux parties. L’une des parties est une seule phrase, qui indique [traduction] « l’employé a-t-il suffisamment de crédits de congé? » L’autre partie a un titre [traduction] « Exigences opérationnelles » présentant quatre points en dessous, soit les suivants :

[Traduction]

  • Vérifiez la charge de travail pour l’atelier dans le SIGRD et voyez le nombre d’autres personnes en congé pendant la même période.
  • Assurez-vous que la demande de travail ne dépasse pas la capacité de l’atelier pendant cette période.
  • Assurez-vous que l’employé n’a pas de compétences spéciales ou de formation requises pour le travail prévu pendant cette période qui ne peut pas être effectué par une autre personne.
  • Fournissez un temps de « roulement » au besoin.

25        Les instructions de notation pour la question 6B sont rédigées en ces termes : [traduction] « (1,5 point pour les crédits de congé) et (1,5 point pour les Exigences opérationnelles ou 0,75 point pour tout exemple d’exigence opérationnelle comme les points énumérés ci-dessus, pour un maximum de 1,5 point) ».

26        Dans le cadre de leur discussion informelle, M. Dugie a expliqué au plaignant qu’il a uniquement reçu des notes partielles pour la question 6B, puisqu’il n’a pas fourni, comme un des deux facteurs, l’obligation du superviseur de vérifier les soldes de congé de l’employé afin de s’assurer que l’employé avait suffisamment de congé pour la demande.

27        Le plaignant a contesté cette affirmation, puisque toutes les demandes de congé sont introduites et approuvées par voie électronique et en ligne dans PeopleSoft. Le logiciel comporte un protocole qui empêche un demandeur de demander plus de congés annuels que ce qui existe actuellement dans sa banque. Si le solde de l’employé ne suffit pas pour couvrir la quantité de congés demandée, la demande de congé ne peut pas être transmise au superviseur.

28        M. Hawker a apparemment alors dit au plaignant que, au contraire, les employés étaient capables de demander congé, même si leur solde était insuffisant. Le plaignant a témoigné en disant que cette affirmation l’a surpris et troublé, puisqu’elle n’était pas conforme à sa propre expérience avec PeopleSoft, mais il ne pensait pas qu’il était en position de poursuivre la question dans la discussion informelle.

29        Le plaignant a plutôt mis fin à la discussion informelle et il est retourné à son bureau pour effectuer une expérience. Il a tenté de présenter une demande de congé pour un congé annuel plus long que ce qu’il avait réellement dans sa banque de congé, et, comme il s’y attendait, il n’a pas eu la permission de la présenter par voie électronique. Il a témoigné en disant qu’il a reçu un message d’erreur indiquant qu’il avait des [traduction] « crédits de congé insuffisants pour présenter cette demande ».

30        Cette incohérence était le fondement de sa plainte. En outre, il estimait qu’il aurait dû recevoir la totalité des points pour les réponses qu’il a fournies.

31        L’objectif de M. Dugie, en ce qui concerne la question 6B, était de tester la connaissance du candidat à l’égard des points à considérer au moment de déterminer s’il convient d’accorder une demande de congé annuel. M. Dugie a décrit deux catégories de facteurs différentes; une opérationnelle, l’autre administrative.

32        Selon M. Dugie, il n’existe qu’un facteur administratif, qui est celui de savoir si l’employé a suffisamment de congés dans sa banque pour couvrir la quantité demandée. Cependant, un certain nombre de considérations opérationnelles différentes doivent également être prises en compte, y compris les quatre indiquées dans la feuille de réponses (voir les quatre points précités).

33        Par conséquent, selon M. Dugie, il était attendu de chaque candidat qu’il présente un facteur administratif et un facteur opérationnel. Les candidats comme le plaignant qui n’ont pas fourni de facteur administratif se sont vu accorder seulement des notes partielles pour les facteurs opérationnels, jusqu’à un maximum de 1,5 point.

34        En contre-interrogatoire, la possibilité d’ambiguïté a été soulevée. On a indiqué que, compte tenu de la réponse attendue, la question aurait dû être formulée différemment.

35        M. Dugie a reconnu la possibilité que, compte tenu de la manière dont la question a été formulée – [traduction] « quels sont deux facteurs à prendre en compte » – un candidat ait pu ne pas s’être rendu compte de la précision de la réponse requise.

36        M. Dugie a également reconnu que les deux réponses du plaignant étaient correctes, mais, puisque M. Dugie les a désignées en tant que [traduction] « exemples » et non en tant que [traduction] « facteurs », il n’a pas accordé l’ensemble des points.

37        M. Dugie a fait référence à un guide de l’utilisateur de l’application libre-service de congé en ligne pour les employés civils du MDN. Les instructions pour les gestionnaires en ce qui concerne les demandes de congé des employés comprenaient une étape rédigée en ces termes : [traduction] « Cliquez sur le lien Voir les soldes de congé de l’employé et le sommaire des opérations pour examiner les soldes de congé de l’employé, puis cliquez sur le bouton Annuler pour retourner à la page Détails afin d’inscrire votre décision. » [les passages en évidence le sont dans l’original]. Le gestionnaire devrait uniquement procéder à la prochaine étape, [traduction] « Cliquer sur le bouton Approuver ou Refuser » [les passages en évidence le sont  dans l’original], après avoir effectué cette vérification.

38        M. Dugie a reconnu que, en pratique, de nombreux gestionnaires n’effectuent pas réellement une telle vérification puisque, comme l’a souligné le plaignant, si l’employé n’a pas un solde suffisant, la demande de congé ne sera pas transmise pour être prise en compte. M. Dugie admet que, souvent, le fait de vérifier la disponibilité du congé est une étape quelque peu redondante.

39        M. Dugie a témoigné au sujet de la procédure de supervision suivie avant la mise en œuvre de PeopleSoft. À cette époque, un gestionnaire, lorsqu’il recevait une demande de congé, appelait le Service des ressources humaines pour vérifier si le demandeur avait suffisamment de congés dans sa banque. M. Dugie a témoigné en disant qu’il a utilisé des questions d’examen qui pouvaient avoir été utilisées pour des examens antérieurs et il a admis qu’il était possible que la question 6B ait été utilisée pour un examen antérieur qui précédait l’avènement de PeopleSoft.

40        Les résultats d’examen du candidat choisi en fin de compte, M. R.G. (dont le nom est anonymisé dans la présente décision), ont été présentés en preuve. Sa réponse à la question 6B était ainsi rédigée :

[Traduction]

  • Voir si l’employé a réellement le congé.
  • Les exigences opérationnelles le permettent-elles, ou serait-ce en dessous des niveaux opérationnels.

41        M. R.G. a reçu tous les points, soit 1,5 point pour chaque réponse.

Analyse et constatation des faits

42        Conformément à l’alinéa 77(1)a), une personne qui est dans la zone de recours, qui comprend les candidats non retenus comme le plaignant, peut présenter à la Commission une plainte selon laquelle il n’a pas été nommé ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir dans l’application du mérite. Comme il a été souligné dans Tibbs c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8 (« Tibbs ») et Visca c. le sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 24, un grand pouvoir discrétionnaire est accordé aux employeurs lorsqu’ils effectuent des décisions de dotation. Il faut davantage qu’une simple erreur ou qu’une simple omission, ou même qu’une conduite irrégulière, pour démontrer un abus de pouvoir.

43        C’est la mesure dans laquelle la conduite ou l’omission est irrégulière qui permet de déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non (voir Ostermann c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2012 TDFP 28, au paragraphe 15).

44        Le plaignant soutient que les erreurs déraisonnables entourant la question 6B, y compris sa formulation et l’évaluation injuste de ses réponses, constituaient un abus de pouvoir, dont l’effet était de l’empêcher de poursuivre le processus de sélection.

45        Je suis d’accord. Si les deux réponses du plaignant à la question 6B avaient été cotées avec exactitude et équité, il aurait reçu suffisamment de points pour réussir la section sur la gestion des ressources humaines. Puisqu’il a réussi toutes les autres sections, il serait passé à l’étape de l’entrevue.

46        Il est raisonnable de penser que les candidats participant à l’examen écrit avaient le droit de se fier à la formulation claire et explicite de la question 6B au moment de formuler leurs réponses. La question était claire et concise. Elle demandait [traduction] « deux facteurs à prendre en compte avant d’autoriser un congé annuel ».

47        La première réponse du plaignant était [traduction] « Capacité de l’atelier ». Le guide de réponses indique [traduction] « Vérifiez la charge de travail pour l’atelier dans le SIGRD et voyez le nombre d’autres personnes en congé pendant la même période » et « Assurez-vous que la demande de travail ne dépasse pas la capacité de l’atelier pendant cette période ».

48        Le plaignant a reçu seulement une note de 0,75 pour sa réponse, alors que le candidat retenu, M. R.G., a obtenu la totalité du 1,5 point. Ni la réponse du plaignant ni celle de M. R.G. n’étaient parfaites, mais M. Dugie a témoigné en disant que les deux étaient correctes, puisqu’elles décrivaient correctement un facteur opérationnel.

49        M. Dugie a déclaré avec insistance qu’il voulait les deux facteurs, soit suffisamment de congés et les exigences opérationnelles. Toutefois, il reconnaît qu’il ne les a pas clairement demandés à la question 6B.

50        M. Dugie a témoigné en disant qu’un « exemple » est différent d’un « facteur », mais le plaignant a souligné que le dictionnaire Oxford donne la définition suivante de « facteur » : [traduction] « une circonstance, un fait ou une influence qui contribue à un résultat ». Le dictionnaire Webster donne la définition suivante pour « facteur » : [traduction] « l’un des éléments contribuant à un résultat particulier ».

51        Par conséquent, en lien avec la réponse du plaignant, la [traduction] « Capacité de l’atelier » est un facteur qu’un superviseur peut prendre en compte avant d’autoriser un congé annuel. Un autre facteur comprend [traduction] « Toute tâche essentielle sur laquelle l’employé travaille et qui ne peut pas être "reprise” par un autre employé. »Ces réponses sont très proches des réponses présentées dans la feuille de réponses.

52        Selon la manière dont la question 6B a été posée, un candidat pouvait fournir deux éléments séparés et distincts, dont chacun devrait correspondre non seulement aux définitions de « facteur » des dictionnaires Webster et Oxford, mais qui devrait également correspondre à ce qu’une personne raisonnable considérerait comme le sens ordinaire de « facteur ».

53        Un « facteur », simplement, est une variable qui a une incidence sur l’issue.

54        J’estime qu’il est déraisonnable que M. Dugie attende d’un lecteur de la question 6B qu’il devine d’une manière ou d’une autre l’importance de la distinction personnelle de M. Dugie entre « exemples » et « facteurs ». Il avait une idée très claire de la réponse qu’il voulait lorsqu’il a posé la question 6B aux candidats. Il avait une image claire de deux ensembles de critères séparés et distincts en ce qui concerne l’évaluation des demandes de congé annuel. Le premier était administratif, contenant effectivement un seul exemple, soit, vérifier si l’employé qui présente la demande avait suffisamment de congés annuels en banque. L’autre comportait des exemples de facteurs opérationnels qui devaient être pris en considération avant d’accorder une demande de congé.

55        Malheureusement, alors que cette distinction était très claire pour M. Dugie, elle n’a pas été présentée clairement aux personnes qui ont participé à l’examen écrit. M. Dugie aurait bien eu le droit de coter les réponses comme il l’a fait s’il avait posé la question différemment. Dans sa forme actuelle, la question 6B demandait deux facteurs et le plaignant les a fournis.

56        Je conclus également que, puisque PeopleSoft empêche les employés dont le solde de congé est insuffisant de présenter des demandes, la réponse que M. Dugie recherchait représentait une redondance. J’apprécie entièrement l’approche logique du plaignant pour la réponse à la question.

57        J’estime que le défaut d’accorder au plaignant la totalité des points pour ses réponses à la question 6B était une erreur grave. Le plaignant a été évalué de manière injuste et irrégulière, ce qui constituait un abus de pouvoir.

58        L’intimée soutient que je n’ai pas compétence pour réévaluer les réponses d’examen du plaignant. Cependant, j’ai compétence pour évaluer si les réponses à l’examen ont été correctement évaluées. De la manière indiquée dans Abi-Mansour c. Président-directeur général de Passeport Canada, 2014 TDFP 12, au paragraphe 29, de nombreuses décisions ont soutenu que le rôle du TDFP, et maintenant celui de la Commission, n’est pas de réévaluer les candidats ni de lancer un nouveau processus de nomination. Son rôle consiste plutôt à déterminer si les éléments de preuve montrent, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans les évaluations. Voir, par exemple, la décision Canada (Procureur général) c. Lahlali, 2012 CF 601, aux paragraphes 42 à 46.

59        Le plaignant souligne correctement l’importance du préambule de la LEFP. On considère un préambule [traduction] « […] comme faisant partie intégrante de la Loi […] » et le préambule peut contribuer à déterminer l’objet de la loi (voir Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e édition, p. 296).

60        Le préambule précise les valeurs et l’éthique qui devraient caractériser l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans la dotation. Il soutient également un autre objectif législatif clé de la LEFP, établissant de nouveaux mécanismes de recours pour les questions de nomination devant un organe neutre et indépendant. La section pertinente du préambule est rédigée en ces termes : « […] le gouvernement du Canada souscrit au principe d’une fonction publique […] qui se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes, le respect de ses employés, sa volonté réelle de dialogue et ses mécanismes de recours destinés à résoudre les questions touchant les nominations […] ».

61        Si l’outil utilisé pour évaluer une qualification est vicié, le résultat ne peut être considéré comme raisonnable ou équitable (voir Chiasson c. Sous-ministre de Patrimoine canadien, 2008 TDFP 27, au paragraphe 50). Cela constituera un abus de pouvoir, comme c’était le cas en l’espèce. La question 6B était viciée puisqu’elle n’indiquait pas clairement ce qui était requis des candidats. Elle a également été évaluée incorrectement, ce qui était inéquitable envers le plaignant.

Mesure corrective

62        Ma compétence pour envisager et ordonner une mesure corrective est prévue en ces termes au paragraphe 81(1) de la LEFP :

81(1) Si elle juge la plainte fondée, la Commission des relations de travail et de l’emploi peut ordonner à la Commission ou à l’administrateur général de révoquer la nomination ou de ne pas faire la nomination, selon le cas, et de prendre les mesures correctives qu’elle estime indiquées.

63        Le plaignant ne demande pas la révocation d’une nomination, mais une mesure corrective est nécessaire pour rétablir sa situation. Il soutient qu’il aurait réussi l’examen, n’eut été l’abus de pouvoir dans l’évaluation de sa réponse à la question 6B. Par conséquent, il demande à passer une entrevue, comme il aurait dû, près de quatre ans avant l’audience.

64        Une situation semblable s’est présentée dans Hughes c. le sous-ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2011 TDFP 16. Comme l’a noté le Tribunal, au paragraphe 154 :

[154] Une période assez longue s’est écoulée depuis l’élimination de la candidature du plaignant du processus de nomination le 19 mars 2008. Le Tribunal ne sait pas si le bassin découlant du processus de nomination est toujours en vigueur.  Par conséquent, en vertu du pouvoir que lui confère l’article 81(1) de la LEFP, [sic] Tribunal prévoira dans son ordonnance que le plaignant ne soit pas désavantagé par le seul délai nécessaire à l’achèvement du processus de plainte et qu’il ait l’occasion, dans la mesure où il est jugé qualifié, de voir sa candidature prise en considération pour un poste d’agent des prestations à Service Canada pendant une période raisonnable.

65        Le Tribunal a poursuivi en ordonnant d’offrir au plaignant dans cette affaire une occasion de procéder à l’étape de l’évaluation suivante, une entrevue, et de terminer son évaluation.

66        J’estime qu’une mesure corrective semblable est justifiée en l’espèce.

67        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

68        La Commission ordonne que l’intimée, dans les six semaines suivant la date de la présente décision, offre au plaignant l’occasion de procéder à l’étape de l’entrevue du processus de nomination et qu’il termine son évaluation conformément au plan d’évaluation établi pour ce processus. S’il est jugé qualifié, il devrait être admissible à une nomination au poste de superviseur du poste de travail, classifié en tant que SR-E-01, pendant une période de deux ans suivant la date de la présente décision.

Le 25 janvier 2019.

Traduction de la CRTESPF

James Knopp,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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