Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a déposé une plainte concernant une pratique déloyale de travail contre la défenderesse, alléguant que cette dernière a manqué à son devoir de représentation équitable en refusant de renvoyer son grief à l’arbitrage, étant d’avis qu’il n’obtiendrait pas gain de cause – la preuve démontrait que la défenderesse a agi de bonne foi en l’appuyant et en lui fournissant les renseignements pertinents tout au long du processus de son grief et qu’elle a fourni une justification rationnelle de sa décision de refuser de renvoyer l’affaire à l’arbitrage – la Commission a conclu que la défenderesse a agi promptement, minutieusement et professionnellement – la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau de prouver que la défenderesse a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire dans le traitement de son grief – elle a demandé que la décision soit anonymisée et que les dossiers soient scellés afin d’éviter la divulgation de ses renseignements personnels – il a été ordonné que les lettres du médecin de la plaignante et ses renseignements médicaux soient scellés.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190201
  • Dossier:  561-34-00772
  • Référence:  2019 CRTESPF 12

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

NADA BASTASIC

plaignante

et

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Bastasic c. Alliance de la Fonction publique du Canada


Affaire concernant une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante :
Abdalla Ali Al-Baalawy, avocat
Pour la défenderesse :
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire entendue à Toronto (Ontario)
les 14 et 15 novembre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

Introduction

1        La plaignante, Nada Bastasic, était employée par l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur ») comme adjointe administrative de longue date lorsqu’elle a été placée en congé de maladie et qu’on lui a interdit de se rendre dans son lieu de travail. Son syndicat, le Syndicat des employé(e)s de l’Impôt (le « syndicat »), un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (la « défenderesse »), a déposé un grief relativement à cette affaire le 20 février 2014. Lorsque le grief a été rejeté au dernier palier du processus de règlement des griefs, le syndicat l’a informée qu’il ne renverrait pas la question à l’arbitrage, car il était d’avis qu’il n’obtiendrait pas gain de cause.

2        En l’espèce, la plaignante allègue que la défenderesse a manqué à son devoir de représentation équitable qu’il doit à ses membres. Elle allègue également qu’elle n’a pas été dûment informée de ce que son employeur exigeait pour qu’elle retourne au travail et que son grief n’a pas été traité de façon compétente.

3        Pour les motifs qui seront expliqués plus loin dans la présente décision, la plainte est rejetée. La plaignante n’a pas présenté d’éléments de preuve établissant, selon la prépondérance des probabilités, que le syndicat a manqué à son devoir de la représenter en agissant de mauvaise foi, de façon arbitraire ou de façon discriminatoire. En fait, la preuve démontrait que la défenderesse a agi de bonne foi en l’appuyant et en lui fournissant les renseignements pertinents tout au long du processus de son grief et qu’elle a fourni une justification rationnelle de sa décision de refuser de renvoyer l’affaire à l’arbitrage.

Autorité

4        La plainte a été déposée le 10 novembre 2015 et une plainte modifiée a été déposée le 13 novembre 2015. La plaignante allègue que le syndicat s’est engagé dans une pratique déloyale de travail, conformément à l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2,(LRTSPF). Selon l’article 185, des « pratiques déloyales » comprennent l’interdiction suivante, énoncée à l’article 187 : « Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur. »

5        J’ai reçu des objections préliminaires de la défenderesse selon lesquelles certaines des allégations formulées par la plaignante étaient inopportunes. Compte tenu de ces objections, l’avocat de la plaignante a convenu que la seule question dont j’étais bien saisi lors de l’audience était celle de la décision de la défenderesse de ne pas renvoyer le grief en cause à l’arbitrage.

6        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et le titre de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »),la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral,et la LRTSPF.

Faits

7        La plaignante a commencé sa carrière avec l’employeur en 1988 et travaillait comme adjointe administrative. Le 10 janvier 2014, elle a été informée par écrit qu’elle avait été placée en congé de maladie et qu’il lui était interdit d’entrer dans son lieu de travail en raison de son [traduction] « comportement troublant en milieu de travail ». L’employeur lui a indiqué, ainsi qu’à son représentant syndical, qu’elle devrait subir une évaluation médicale indépendante afin d’établir son aptitude à retourner au travail et de déterminer les mesures d’adaptation nécessaires avant qu’elle ne soit autorisée à retourner au travail. Elle a témoigné à l’audience que, à ce moment-là, elle n’était toujours pas retournée au travail.

8        Le syndicat a déposé un grief relativement à la décision de l’employeur de retirer la plaignante du lieu de travail et a allégué que celui-ci avait violé l’article 19 intitulé Élimination de la discrimination de la Convention entre l’Agence du revenu du Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (Exécution des programmes et des services administratifs).

9        Le grief a été poursuivi jusqu’au dernier palier. L’employeur l’a rejeté. À ce moment-là, soit le 11 août 2015, la défenderesse a écrit à la plaignante et l’a informée que [traduction] « sur la base du libellé de la Réponse et des faits de votre cas, nous sommes tout à fait convaincus qu’un arbitre de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique ne statuerait pas en notre faveur ». Il a ensuite fermé son dossier.

Question

10        La défenderesse a-t-elle manqué à son devoir de représentation équitable de la plaignante en ne renvoyant pas son grief à l’arbitrage?

11        La plaignante a témoigné que, dès le 23 décembre 2013, avant de recevoir l’avis écrit officiel de l’employeur, le syndicat aurait communiqué avec elle pour discuter du fait que l’employeur l’obligeait à subir une évaluation d’aptitude au travail. Elle a ensuite déclaré qu’après cette conversation, elle a appelé le bureau du président de sa section locale, le président du syndicat et le président national de l’AFPC pour expliquer sa situation et demander de l’aide.

12        La plaignante a ensuite témoigné qu’après avoir fait ces appels, elle a reçu un appel le 27 janvier 2014 de Ken Bye, de sa section locale. Il l’a informée qu’il avait été affecté à son dossier et qu’il souhaitait lui parler pour lui offrir son aide pour aborder son problème avec l’employeur.

13        La plaignante a expliqué qu’ils se sont rencontrés le 30 janvier 2014 dans un lieu public du centre-ville de Toronto, où elle a dit que M. Bye lui a fait signer quatre ou cinq formulaires. Elle a témoigné qu’elle ne se souvenait pas exactement, mais qu’elle pensait que les formulaires contenaient des pages vierges. Elle a déclaré qu’ils se sont rencontrés pour [traduction] « peut-être une heure » et qu’il lui a dit qu’il présenterait son grief. Elle a en outre témoigné qu’il [traduction] « ne lui a rien dit » au sujet du processus de règlement des griefs et des détails de son cas. Elle a ajouté qu’ils n’ont pas discuté de la stratégie ni de la façon dont il présenterait son grief.

14        Lorsqu’on l’a interrogée à ce sujet, la plaignante a témoigné que M. Bye n’avait pas mentionné la recherche d’un règlement de son grief; elle ne savait pas non plus s’il avait fait quelque chose pour enquêter sur les circonstances entourant la décision de l’employeur de la retirer du lieu de travail et de la mettre en congé de maladie. Elle a déclaré qu’à son avis, M. Bye a simplement accepté la version des événements de l’employeur et n’a pas cherché à l’interroger ou à vérifier de façon indépendante les faits concernant les incidents allégués que l’employeur avait cités.

15        Lorsqu’on lui a posé des questions sur l’exigence de l’employeur selon laquelle elle devait subir une évaluation d’aptitude au travail par un médecin, la plaignante a témoigné qu’elle avait dit à M. Bye que [traduction] « l’employeur avait tort ». Elle a ajouté que M. Bye a appuyé la nécessité pour elle de subir cette évaluation car, selon ses mots, il [traduction] « a pris la parole du bureau syndical » et [traduction] « ne [la] croyait pas ».

16        L’employeur a remis à la plaignante une copie de la réponse de premier palier à son grief. Elle a témoigné au sujet de certains détails des incidents de sécurité allégués par l’employeur dans la décision de la retirer du lieu de travail. L’une d’entre elles portait sur une interaction avec une collègue de travail et les préoccupations soulevées par cette dernière, qui était membre de l’UEI et administratrice de la section locale 00013. La plaignante a témoigné que l’incident concernait une discussion qu’elle aurait eue avec une collègue à l’extérieur d’un pub, un soir donné. Elle a déclaré que cette collègue lui avait donné son numéro de téléphone.

17        Lorsqu’on lui a demandé, lors de l’interrogatoire principal, si elle avait parlé à M. Bye de cet incident, la plaignante a répondu qu’elle ne l’avait pas fait. Elle a ajouté qu’il lui avait parlé d’un problème au sujet d’une collègue qui se serait réfugiée dans un pub un soir pour éviter de parler à la plaignante sur le trottoir, mais qu’ils n’avaient pas discuté des détails.

18        Dans son interrogatoire principal, la plaignante a été invitée à commenter le procès-verbal d’une réunion du conseil exécutif de sa section locale syndicale en date du 18 septembre 2012. Le procès-verbal indiquait que le syndicat avait accordé un prêt à la personne avec qui la plaignante était présumée avoir eu un incident à l’extérieur d’un pub. Cette personne avait été blessée dans un accident de train alors qu’elle rentrait à la maison après une réunion syndicale et n’était pas en mesure de travailler. Un prêt de 2 600 $ avait été autorisé pour l’aider à payer les dépenses découlant de ses blessures qui n’étaient pas couvertes par l’assurance en attendant un règlement en espèces prévu en lien avec l’accident.

19        L’avocat de la plaignante a fait valoir que ce prêt à la collègue, qui alléguait qu’un incident s’était produit impliquant la plaignante, montrait quelque chose de fâcheux et de discriminatoire, car le syndicat était loyal envers ses propres membres et n’avait pas besoin d’une évaluation médicale indépendante (EMI) de cette personne blessée. Il a cependant dit à la plaignante qu’elle devait se soumettre à une EMI, comme l’employeur l’avait demandé.

20        Je conclus que le fait que la collègue blessée ait reçu un prêt du syndicat en 2012 sans subir d’EMI n’a aucune pertinence à l’égard de la question dont je suis saisi.

21        La plaignante a également attiré l’attention sur un courriel en date du 19 juin 2013 qu’elle a reçu de sa section locale. Ce courriel traitait d’une question relative à des mesures d’adaptation en milieu de travail qui n’est pas liée à la question dont je suis saisi. Dans ce courriel, la section locale informe la plaignante que la représentation à ce sujet est retirée en raison de sa réticence à travailler ou de collaborer avec l’un des représentants que la section locale peut fournir.

22        L’avocat de la plaignante a soutenu que ce courriel et le refus de fournir une représentation continue sur cette question étaient la preuve d’une partialité et d’une mauvaise foi envers la plaignante. Je conclus que ce courriel n’est pas suffisamment probant pour que je fasse une conclusion de partialité ou de mauvaise foi envers la plaignante.

23        La plaignante a témoigné que M. Bye n’a jamais expliqué la question de la demande de l’employeur de subir une EMI. Son avocat a soutenu qu’il s’agissait d’une erreur importante de la part de la section locale dans la façon dont elle gérait son cas. Cependant, M. Bye a témoigné que l’employeur aurait dit à la plaignante qu’elle pouvait faire exécuter l’EMI par son propre médecin de famille et qu’il lui a également demandé si elle avait un médecin propre à elle à qui elle préférerait demander de réaliser l’EMI. M. Bye a témoigné que la plaignante devenait irritée lorsque la question de devoir se soumettre à une EMI était soulevée. Compte tenu de ce témoignage, je conclus que la plaignante savait qu’elle pouvait choisir son propre médecin pour exécuter une EMI et que cette question n’avait pas été traitée de façon inappropriée par sa section locale ou la défenderesse.

24        Je note également que la plaignante a attiré l’attention sur le fait que la réponse de premier palier indiquait, entre autres choses, que [traduction] « aucune information n’a été fournie par votre représentant pour étayer votre allégation de discrimination ».

25        La plaignante a en outre témoigné que M. Bye n’a pas discuté des détails ou de la préparation des audiences de griefs de deuxième ou de troisième palier. Elle lui laissait le soin de le faire, car elle venait de subir un décès dans la famille et n’avait pas été en mesure de participer aux audiences. Elle a ajouté qu’elle ne savait pas qu’Erik Gagné, qui était un expert en griefs au bureau national de la défenderesse, avait mené sa présentation de quatrième niveau, qu’elle aurait pu y assister, et que le syndicat pouvait mener ses audiences de griefs sans sa connaissance ou sa présence.

26        La réponse de l’employeur au dernier palier du grief, en date du 21 juillet 2015, stipule qu’à cette date, la plaignante n’avait pas consenti à subir une évaluation d’aptitude au travail et qu’il n’y avait aucune preuve pour étayer son allégation de discrimination. Le grief a été rejeté.

27        En contre-interrogatoire, la plaignante a admis qu’en fait elle avait discuté des incidents de sécurité allégués avec M. Bye et qu’elle lui avait dit qu’ils n’avaient jamais eu lieu. Lors d’un interrogatoire ultérieur, elle a déclaré que les deux incidents avaient été fabriqués. Lorsqu’elle a été confrontée à son témoignage principal selon lequel elle n’avait jamais discuté des incidents avec M. Bye, elle a admis qu’elle en avait en fait discuté avec lui.

28        Lorsqu’on lui a demandé en contre-interrogatoire pourquoi elle n’a pas assisté à l’une des quatre audiences de griefs menées par son syndicat, la plaignante a donné une réponse longue et détaillée au sujet des membres de la famille ayant des problèmes de santé qui avaient besoin de son aide constante, ce qui l’a amenée à manquer les audiences.

29        Lorsqu’on lui a dit en contre-interrogatoire que M. Bye devait témoigner que sa première rencontre avec elle avait duré de 11 h 50 à 15 h 15 au lieu de la seule heure qu’elle avait mentionnée, la plaignante a dit qu’il ne lui semblait pas que la réunion avait duré si longtemps. Lorsqu’elle a été contestée en contre-interrogatoire sur sa déclaration selon laquelle elle et M. Bye n’ont pas discuté de son grief, elle a déclaré qu’il s’agissait plutôt qu’elle n’eût pas compris les questions soulevées dans le grief et qu’à son avis, le syndicat aurait dû lancer une enquête sur les deux prétendus incidents de sécurité qui, selon son témoignage précédent, n’avaient pas eu lieu et qui étaient des fabrications.

30        En contre-interrogatoire, la plaignante a reconnu qu’elle avait écrit à M. Bye, le 15 avril 2014, pour le remercier de son aide à traiter avec l’employeur sur plusieurs questions sans rapport avec le grief.

31        La plaignante a également reconnu en contre-interrogatoire qu’elle avait reçu les réponses écrites de l’employeur pour les trois premiers paliers. Elle a également témoigné qu’elle a lu chacune d’entre elles et qu’elle n’a pas parlé à M. Bye au sujet du grief après les avoir lues.

32        On a demandé à la plaignante, en contre-interrogatoire, s’il était vrai qu’à sa première réunion, elle avait demandé l’aide de M. Bye pour la poursuite des prestations d’assurance de la Sun Life. Elle a dit qu’elle l’avait fait. Lorsqu’on lui a présenté le formulaire de grief en date du 20 février 2014, on lui a demandé s’il était vrai qu’on lui avait montré ce formulaire complété à cette date et qu’elle l’avait signé à cette date, elle a répondu que c’était possible.

33        Quand on lui a montré les notes de M. Bye du 17 mars 2014, résumant un appel téléphonique d’une heure avec la plaignante, elle a reconnu qu’il l’avait appelée, qu’elle avait discuté de certaines questions de travail et qu’il lui avait dit que le grief avait été entendu et rejeté.

34        La plaignante a également été saisie de notes prises par M. Bye confirmant les détails de leur appel téléphonique prolongé le 8 avril 2014, dans lequel ils ont discuté de la prochaine audience de deuxième palier. Elle a confirmé avoir participé à cet appel et a reconnu qu’elle lui avait demandé de procéder pour que le grief soit entendu une deuxième fois.

35        En tout, la plaignante s’est vu remettre des notes documentant 31 appels de M. Bye pour discuter de son aide au grief et de plusieurs autres questions pour lesquelles elle avait demandé son aide. Elle n’a pas nié avoir reçu ses appels pour discuter de ses problèmes d’emploi.

36        Et enfin, la plaignante a reconnu un courriel qui lui a été montré qu’elle avait envoyé à M. Bye le 27 novembre 2015. Dans celui-ci, elle demande si elle [traduction] « […] pourrait obtenir les formulaires actuels dans le but de suivre une évaluation médicale par une tierce partie », et elle a demandé s’il pourrait lui apporter ces formulaires pour accélérer le processus.

37        En réponse aux allégations, M. Bye a témoigné au sujet des dizaines de pages de notes qu’il a prises au cours de ses mois d’aide à la plaignante pour documenter leurs nombreuses heures de réunions et d’appels, pages qu’il a présentées. Il a témoigné qu’elle lui avait demandé de la téléphoner tard dans la soirée, car elle a dit qu’elle était trop occupée toute la journée pour lui parler. Ses notes indiquent qu’elle avait parfois été verbalement abusive envers lui.

38        M. Bye a témoigné qu’après avoir passé de nombreuses heures à parler avec la plaignante et à essayer d’obtenir des renseignements pour préparer la présentation de son grief, il a eu l’impression claire qu’elle avait beaucoup de questions de longue date avec son employeur, dont elle a parlé. Il a témoigné que ce qui avait mené l’employeur à la retirer du lieu de travail n’était pas exactement clair; ni était-il clair dans son esprit ce qu’elle souhaitait exactement présenter dans son grief.

39        J’ai fait remarquer que l’interrogatoire principal de la plaignante était conforme au témoignage de M. Bye, alors qu’elle parlait de nombreux problèmes avec son employeur et qu’elle a nié que des incidents ayant pu faire en sorte qu’elle soit retirée du lieu de travail avaient eu lieu.

40        M. Bye a témoigné longuement au sujet des nombreuses conversations détaillées qu’il avait eues avec la plaignante et dans lesquelles il décrivait le processus de préparation et de présentation de son grief à l’employeur. Il a demandé à maintes reprises de l’information sur les événements qui avaient eu lieu et ce que l’employeur avait fait, qu’il aborderait ensuite dans la présentation du grief. M. Bye a reconnu qu’il avait recommandé à la plaignante de subir une EMI et il a également déclaré qu’il savait que la plaignante avait refusé la demande de son employeur de communiquer avec son médecin pour demander des renseignements sur sa capacité de retourner au travail.

41        M. Gagné a décrit le travail qu’il a fait pour examiner le dossier et préparer la meilleure présentation possible du grief au dernier niveau. Il a également décrit et confirmé les éléments de preuve qui montraient qu’après une délibération minutieuse, la défenderesse a conclu que le grief ne serait pas accueilli s’il était renvoyé à la Commission pour décision.

42        L’avocat de la plaignante a fait valoir que le syndicat avait le devoir d’enquêter sur les questions qui ont mené au retrait de la plaignante du lieu de travail et que la défenderesse ne s’est pas dûment acquittée de cette obligation.

43        Je note la décision de cette Commission dans Cousineau c. Walker et AFPC, 2013 CRTFP 68, qui donne un examen approfondi du principe bien établi selon lequel le fardeau de la preuve dans une telle allégation de devoir de représentation incombe à la plaignante. En examinant le sens du mot « arbitraire », il a été constaté que le « […] syndicat ne saurait traiter la plainte d’un salarié de façon superficielle ou inattentive. Il doit faire enquête au sujet de celle-ci, examiner les faits pertinents ou obtenir les consultations indispensables[…] » (citant Noël c. Société d’énergie de la Baie James, 2001 CSC 39).

44        Aux paragraphes 32 et 33, Cousineau ajoute ce qui suit :

32 […] les défenderesses ont établi que les circonstances du cas de la plaignante avaient été dûment étudiées, que leur bien-fondé avait été dûment soupesé, et qu’une décision motivée avait été prise quant à la pertinence de donner suite à son grief pour son compte. Les défenderesses n’ont pas manifesté une attitude insensible ou nonchalante envers les intérêts de la plaignante; il n’a pas par ailleurs été établi que les défenderesses auraient agi pour des motifs inconvenants ou par hostilité à son égard ni que les représentants de l’AFPC aient établi une distinction entre des membres de l’unité de négociation en se fondant sur des motifs illégaux, arbitraires ou déraisonnables.

33 La plaignante était en désaccord avec l’interprétation donnée par [le syndicat] de certaines dispositions de la LCDP, mais cela ne suffit pas pour établir le caractère arbitraire […]

45        La défenderesse a cité la décision de la Commission dans Ouellet c. Luce St-Georges, 2009 CRTFP 107, dans laquelle elle a constaté ce qui suit au paragraphe 30 :

[…]

30 […] le rôle de la Commission n’est pas d’examiner en appel la décision du syndicat de déposer ou non un grief ou de le porter à l’arbitrage, mais plutôt d’évaluer sa manière de traiter le grief. Autrement dit, la Commission se prononce sur le processus décisionnel du syndicat et non sur le bien-fondé d’un grief ou d’une plainte […]

[…]

46        Je conclus sur la preuve que la défenderesse a agi promptement, minutieusement et professionnellement. Elle a fait de son mieux dans les circonstances très difficiles que la plaignante a créées en n’étant pas franche avec tous les détails vrais et pertinents sur les événements qui ont mené à son retrait du lieu de travail.

47        Je conclus que la preuve démontre que la plaignante était au courant de la demande de l’employeur de subir une EMI et que son syndicat ne l’a pas mal informée de quelque façon que ce soit. Je rejette également l’idée que son syndicat n’a pas cherché à obtenir le règlement de son grief étant donné qu’une EMI était exigée pour qu’on envisage un retour au travail.

48        Alors que la Cour suprême du Canada, dans Noël, a reconnu la nécessité pour un agent négociateur d’enquêter sur les questions qui font l’objet d’une plainte, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une telle enquête surmonte l’omission de la plaignante de fournir une divulgation complète et exacte des faits pertinents. Une telle divulgation doit être le point de départ des efforts déployés par le syndicat pour préparer un grief. Sans cela, le syndicat ne peut pas être plus tard blâmé pour avoir omis de lancer une enquête pour surmonter une telle base défectueuse pour le dossier de grief à construire.

49        Je conclus que la plaignante ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve pour démontrer que la défenderesse a agi de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire dans le traitement de son grief.

Demande d’anonymisation

50        La plaignante a demandé que cette décision soit anonymisée et que les dossiers soient scellés afin d’éviter la divulgation de ses renseignements personnels. L’avocat a déclaré que cela était nécessaire pour éviter que la plaignante ne soit stigmatisée. La défenderesse ne s’est pas opposée à cette demande.

51        L’avocat de la plaignante a cité la décision de la Commission dans McKinnon c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale), 2016 CRTEFP 32, qui a examiné le critère de « Dagenais/Mentuck » établi par la Cour suprême du Canada concernant la question de savoir si des restrictions devraient être imposées au principe de la transparence judiciaire, comme suit au paragraphe 44 :

[…]


a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important
[…] dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[…]

52        La plaignante a demandé à son médecin de soumettre des lettres à la Commission à l’appui de ses nombreuses demandes de report de l’audience de cette affaire. Ces lettres ne contiennent aucune information pertinente à la disposition de l’audience et j’ordonne donc qu’elles soient scellées. Bien que le public ait droit à des procédures judiciaires ouvertes et accessibles, dans ce cas, la vie privée de la plaignante prévaut. Le fait que le public ait accès aux renseignements médicaux de la plaignante poserait un risque sérieux à sa vie privée. Pour tous les autres renseignements figurant dans la présente décision, comme les pièces connexes présentées comme éléments de preuve à l’audience, et les documents figurant au dossier de la Commission, y compris le nom de la plaignante dans la présente décision, je ne trouve aucune raison impérieuse d’ordonner que ces renseignements puissent poser un risque sérieux pour la plaignante s’ils étaient rendus publics, car ils ne l’emportent pas sur le principe de la publicité des débats judiciaires bien établi. Les plaignants devant cette Commission sont conscients de la Politique sur la transparence et la protection de la vie privée.

53        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

54        La plainte est rejetée.

Le 1er février 2019.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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