Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants reprochent au défendeur de s’être livré à une pratique déloyale de travail, au sens de l’article 185 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral , lorsque celui-ci a refusé de renvoyer leurs griefs contre leur employeur à l’arbitrage - le défendeur quant à lui a nié avoir commis une pratique déloyale – de plus, il a demandé à la Commission de rejeter les plaintes pour cause d’abandon compte tenu du désintérêt des plaignants à l’égard de leurs plaintes – la Commission a conclu que les plaignants n’avaient su prouver qu’il y avait eu pratique déloyale au sens de la loi – de plus, la Commission a conclu que les plaignants avaient clairement manifesté toutes les caractéristiques de l’abandon de leurs dossier, notamment en omettant d’assister à la conférence préparatoire tenue en prévision de l’audience et à l’audience elle-même – enfin, la Commission a également déterminé que l’intérêt public et l’administration efficace de la justice penchaient également en faveur que l’on considère les plaintes comme abandonnées.

Plaintes rejetées.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20181211
  • Dossier:  561-02-691, 692, 693, 696 et 697
  • Référence:  2018 CRTESPF 92

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

MANON DUBORD, SYLVIE CROTEAU, LUCE GAGNON, CHRISTIAN GÉMUS ET SYLVIE CARDINAL

plaignants

et

SYNDICAT DES EMPLOYÉ-E-S DE LA SÉCURITÉ ET DE LA JUSTICE

défendeur

Répertorié
Dubord c. Syndicat des employé-e-s de la sécurité et de la justice


Affaire concernant des plaintes visées à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour les plaignants:
Eux-mêmes
Pour le défendeur:
Wesney Duclervil, agent aux griefs, Alliance de la Fonction publique du Canada
Affaire entendue à Montréal (Québec),
le 8 août 2018.

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1        Manon Dubord, Sylvie Croteau, Luce Gagnon, Christian Gémus et Sylvie Cardinal (les « plaignants ») ont chacun déposé une plainte contre le Syndicat des employé-e-s du solliciteur général (maintenant nommé le Syndicat des employé-e-s de la sécurité et de la justice (SESJ ou le « défendeur »). Le SESJ est un élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC).

2        Les plaignants reprochent au défendeur d’avoir refusé de renvoyer leurs griefs contre leur employeur, le Service correctionnel du Canada, à l’arbitrage. Selon les plaignants, de ce fait, le défendeur s’est livré à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; « LRTSPF »).

3        Le défendeur nie avoir commis une pratique déloyale au sens de la loi. Il fait valoir que la décision de refuser de renvoyer les griefs à l’arbitrage était réfléchie et fondée.

4        La Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral a convoqué une audience le 8 août 2018 à 9 h 30. Seul le défendeur s’est présenté à l’audience. Il a présenté une requête alléguant que les plaintes soient rejetées pour cause d’abandon.

5        La requête du défendeur est accueillie pour les raisons qui sont énoncées dans les paragraphes suivants.

II. Précisions législatives

6        Les plaintes ont été déposées en juin 2014, auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP).

7        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2013, ch. 40, art. 365 est entrée en vigueur et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique. Cette nouvelle commission remplaçait le Tribunal de la dotation de la fonction publique et la CRTFP et était responsable du traitement des plaintes déposées en vertu de la LRTSPF.

8        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique pour qu’il devienne la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »). Par conséquent, cette décision est rendue par la Commission.

III. Contexte

A. Les événements avant l’audience

9        L’audience dans les cinq dossiers a, en premier lieu, été fixée du
27 au 29 mars 2018. Cette audience a cependant été remise par la Commission à cause de circonstances imprévues. La Commission a néanmoins demandé aux parties leur disponibilité pour une audience en mai, juin ou juillet 2018.

10        Aucune des dates proposées en mai, juin et juillet 2018 n’a fait l’objet d’un consensus entre les parties. Dans les circonstances, la Commission a décidé que les plaintes seraient mises au rôle selon les prochaines dates de disponibilité de
la Commission.

11        Le 1er mai 2018, le défendeur et chacun des plaignants ont reçu un avis avisant que l’audience dans les cinq dossiers avait été fixée du 8 au 10 août 2018 à
Montréal, Québec.

12        Le vendredi, 18 mai 2018, le plaignant Christian Gémus a fait parvenir le courriel suivant à l’adresse générale de la Commission, après la fermeture des bureaux :

[…]

Je fais partie du groupe Dubord et autres qui ont déposé une plainte à la commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral. Nous avons été convoqué au rôle des audiences prévue pour du 8 au 10 aout 2018. Comme il était prévu lors des dates antérieurs de comparution qui avais été fixées pour le mois de mars que nous ayons une rencontre vidéo préparatoire Nous aimerions que cette rencontre par vidéo conférence soit remise à l’agenda pour que nous puissions pouvoir poser les questions et bien comprendre l’enjeu de la rencontre du mois d’août.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

13        L’agente du greffe assignée aux dossiers a lu le courriel le 22 mai 2018, soit le premier jour ouvrable à la suite de sa date d’envoi. Le 25 mai 2018, elle a accusé réception du courriel et elle a par la suite envoyé aux cinq plaignants et au défendeur un courriel les informant qu’une conférence préparatoire serait tenue le 6 juillet 2018 à 10 h. L’agente du greffe précisait que la conférence préparatoire serait téléphonique et non par vidéo, mais qu’au besoin, une 2e conférence vidéo pouvait être fixée plus tard. L’agente du greffe demandait aussi que les parties informent la Commission d’ici le 8 juin 2018 de leur disponibilité ou non pour cette conférence préparatoire du
6 juillet 2018.

14         Le défendeur et deux plaignantes, Sylvie Croteau et Sylvie Cardinal, ont répondu qu’ils étaient disponibles pour la conférence téléphonique du
6 juillet à 10 h. Mme Cardinal a cependant précisé qu’elle ne participerait pas à l’audience. Une plaignante, Manon Dubord, a avisé l’agente du greffe qu’elle ne participerait ni à la conférence téléphonique ni à l’audience, mais qu’elle serait représentée par les autres plaignants. M. Gémus n’a pas répondu au courriel de l’agente du greffe.

15        La Commission a donc fixé la téléconférence avec les parties le
6 juillet 2018 à 10 h.

16        Le 5 juillet 2018 à 16 h 41, Mme Cardinal a envoyé un courriel à l’agente du greffe assignée aux dossiers. Le courriel précisait ce qui suit :

[]

Objet : RE: 561-02-691 à 693, 696 et 697 (Dubord et autres)

Bonjour,

Pour des raisons hors de notre contrôle, nous devons annuler la conférence téléphonique du 6 juillet 18! [sic]

Merci!

17        Le matin du 6 juillet 2018, l’agente du greffe a pris connaissance du courriel de Mme Cardinal. Elle a envoyé à Mme Cardinal le courriel suivant à 7 h 55 :

[…]

Bonjour Madame Cardinal,

Je ne peux pas tout simplement annuler la téléconférence. La décision d’annuler la téléconférence sera prise par la Commissaire saisie de ces dossiers. Si vous voulez soumettre une demande de remettre la téléconférence, je demanderai l’autre partie pour sa position et ensuite j’apporterai la demande à la Commissaire.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

18        L’agente du greffe n’a pas reçu de demande de remise de la téléconférence.

19        La conférence préparatoire a commencé à l’heure prévue, le 6 juillet 2018, à 10 h.

20        Les plaignants ne se sont pas présentés à la téléconférence et celle-ci a été ajournée.

21        Le 6 juillet 2018, en après-midi, la Commission a émis des directives aux parties.  Ces directives soulignaient ce qui suit :

[…]

La commissaire assignée à ces dossiers [] m’a demandé de vous communiquer les directives suivantes :

Une conférence préparatoire téléphonique concernant les plaintes présentées dans les dossiers 561-02-691, 692, 693, 696 et 697 était prévue le 6 juillet 2018.

Les plaignants ont été avisés de la tenue de cette conférence préparatoire mais n’y ont pas participé. Le 5 juillet à 16h41, un plaignant a fait parvenir le message suivant à la Commission : « Pour des raisons hors de notre contrôle, nous devons annuler la conférence téléphonique du 6 juillet 18! [sic] ».

L’audience dans ces dossiers aura lieu du 8 au 10 août 2018.  La téléconférence était tenue en préparation de cette audience et aux fins du bon déroulement des procédures. Il est plus facile de tenir une audience lorsque toutes les parties savent à quoi s’attendre, c’est à dire lorsqu’elles savent à l’avance les questions qui y seront soulevées, les témoins qui y seront cités à comparaître et les documents qui y seront présentés.

Le 6 juillet, la conférence préparatoire n’a donc pu être menée en raison de l’absence des plaignants mais la Commission a avisé la partie qui était présente en ligne, c’est-à-dire l’intimé [le défendeur], que des directives seraient acheminées aux parties afin que l’audience puisse avoir lieu du 8 au 10 août.

[…]

22        Dans ses directives, la Commission invitait les plaignants à nommer un
porte-parole dans le but de faciliter les communications entre les plaignants et la Commission et l’autre partie, et de réduire les difficultés de coordination des procédures dans le cadre de ces dossiers. Il était noté, d’ailleurs, que deux plaignantes avaient déjà avisé la Commission qu’elles ne seraient pas présentes à l’audience, mais qu’elles seraient représentées par les autres plaignants. Les plaignants étaient invités à communiquer les coordonnées du porte-parole à la Commission et à l’autre partie au plus tard le 11 juillet 2018.

23        Dans ses directives, la Commission présentait aussi un échéancier pour la présentation de la liste des témoins et l’échange des documents et de la jurisprudence. Chaque partie avait jusqu’au 18 juillet 2018 pour soumettre à la Commission et aux autres parties la liste des témoins qu’elle appellerait à comparaître à l’audience. Dans cette liste, les parties devaient identifier leurs témoins, ainsi que l’objet et la durée des témoignages. La Commission invitait également le porte-parole des plaignants à envoyer à la Commission et à l’autre partie au plus tard le 18 juillet 2018le redressement recherché par les plaignants.

24        De même, chaque partie devait envoyer aux autres parties au plus tard le
25 juillet 2018 une copie des documents qu’elle présenterait à l’audience ainsi que sa liste de jurisprudence.

25        Les directives émises le 6 juillet 2018 comportaient, enfin, l’énoncé suivant :

[]

Clarifications

Advenant le cas où l’une des parties aurait des questions au sujet des présentes directives ou si des directives complémentaires sont requises avant le début de l’audience, la partie pourra demander qu’une conférence préparatoire soit tenue avant l’audience. La demande de conférence préparatoire pourra être présentée au greffe.

26        Le 11 juillet 2018, un avis formel d’audience a été envoyé aux parties. Cet avis précisait la date, l’heure et le lieu de l’audience. L’avis informait également les parties qu’à défaut de comparaître à l’audience, la Commission pouvait statuer sur la question selon la preuve et les observations présentées à l’audience.

27        Les plaignants n’ont pas fait parvenir à la Commission et au défendeur les coordonnées d’un porte-parole le 11 juillet 2018.

28        Les plaignants n’ont pas fait parvenir à la Commission et au défendeur leur liste des témoins le 18 juillet 2018. Ils n’ont pas, non plus, fait parvenir à la Commission et au défendeur le redressement qu’ils recherchaient.

29        Le 18 juillet 2018, le défendeur a fait parvenir à la Commission et aux cinq plaignants sa liste de ses témoins ainsi qu’un court résumé de leur témoignage anticipé.

30        Le 7 août 2018, à 15 h 05, M. Gémus a fait parvenir le courriel suivant à
la Commission :

[]

Je ne pourrai pas être présent a la cour prévue pour les 8-9- et 10 août comme la plupart de mes collègues. Ces dates nous ont été imposées par la partie adverse en pleine période de vacance. On comprend très bien la stratégie derrière ce choix de date qui a pour effet de dispersé notre groupe.

[]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

31        Immédiatement après, soit à 15 h 07, l’agente du greffe a demandé à M. Gémus ce qui suit : « Bonjour M. Gémus, Est-ce que vous savez qui sera votre représentant lors de l’audience prévue du 8 au 10 août 2018 à Montréal, QC? »

32        Le 8 août à 8 h 51, M. Gémus a répondu ce qui suit à l’agente du greffe assignée à ces dossiers :

[]

Lors de mon entretien téléphonique avec M. Duclervil [agent négociateur assigné aux dossiers par le défendeur] celui-ci m’a clairement indiqué que selon lui  nous ne formions pas un groupe mais bien des individus car m’a t’il dit une ou plusieurs personnes n’aurais pas respecté les délais de notre grief concernant certains paliers. Maintenant il nous est demandé de choisir un représentant pour notre groupe. Aussi il nous est demandé de produire une jurisprudence sur un cas semblable au notre pour affirmer notre argumentaire. La question est assez simple avons nous durant la période déterminée oui ou non été en contact avec des détenus de cote maximal. Donc il s’agit de produire une liste des détenus a cote maximal durant la dite période. Je peux vous affirmer que durant les dix derniers mois nous avons été en contact avec un détenu de cote maximal qui viens tout juste d’avoir sa libération. Également je ne comprend pas pourquoi nous n’avons pas accès a un avocat de notre syndicat qui puisse nous représenter dans cette affaire.  Voici mon argumentaire concernant cette affaire.

[Sic pour l’ensemble de la citation]

33        L’audience était prévue le même jour, le 8 août 2018, à 9 h 30.

34        Ni le greffe ni la Commission n’ont reçu une communication des plaignants demandant un report de l’audience.

B. L'audience

35        L’audience a commencé à l’heure prévue, le 8 août 2018, à 9 h 30. Seul le défendeur était présent.

36        Le défendeur avait prévu présenter sa position sur le fond de cette plainte. Un de ses témoins, Denyse Saumur, dont le nom figurait sur la liste des témoins, était présent. Il était prévu qu’elle expliquerait pourquoi la décision de refuser de renvoyer les griefs des plaignants à l’arbitrage était réfléchie et fondée.

37        Au début de l’audience, toutefois, le défendeur a présenté une requête pour que les plaintes soient rejetées pour cause d’abandon. Il a soutenu que la Commission devrait considérer les plaintes comme abandonnées compte tenu du désintérêt des plaignants à l’égard de leurs plaintes.

38        Wesney Duclervil, agent aux griefs, AFPC, a témoigné au nom du défendeur. Ce dernier n’était pas sur la liste des témoins partagée le 18 juillet 2018. Toutefois, lorsque M. Duclervil a constaté qu’aucun des cinq plaignants ne s’était présenté à l’audience, il a jugé opportun d’expliquer les conversations qu’il avait eues avec certains plaignants au cours des derniers jours. M. Duclervil avait communiqué avec les plaignants afin de voir s’ils étaient ouverts à l’idée d’un règlement hors cour.

39        D’abord, M. Duclervil a expliqué qu’il avait la responsabilité de représenter le défendeur dans les dossiers des cinq plaintes déposées par les plaignants. Il a affirmé que le 5 juillet, soit le jour précédant la téléconférence prévue le 6 juillet, il avait téléphoné à Manon Dubord, soit la plaignante dans le premier dossier de plainte (dossier 561-02-691). La raison de son appel était de voir si cette plaignante était ouverte à l’idée d’un règlement hors cour.

40        Selon M. Duclervil, Mme Dubord lui a répondu par l’affirmative. Il lui a alors demandé si elle acceptait de communiquer avec les quatre autres plaignants afin de leur poser la même question.

41        Lors de l’appel, M. Duclervil a aussi demandé à Mme Dubord si elle prévoyait participer à la téléconférence du lendemain. Cette dernière aurait toutefois répondu que M. Gémus avait prévu participer à cette téléconférence au nom des cinq plaignants.

42        Le lendemain, le 6 juillet 2018, aucun des plaignants ne s’est présenté à la téléconférence et celle-ci a été ajournée.

43        En après-midi du 6 juillet 2018, la Commission a émis les directives aux parties.

44        Après la réception de ces directives, M. Duclervil a expliqué qu’il a reçu un appel d’une des plaignantes. Ce jour-là, il était en congé, mais il a reçu l’appel sur son téléphone cellulaire. Il ne se souvenait plus qui des trois plaignantes, soit
Sylvie Croteau, Sylvie Cardinal ou Luce Gagnon, l’avait appelé. Toutefois, il se souvenait que le conjoint de cette plaignante avait souhaité participer à l’appel. M. Duclervil avait accepté de parler à la plaignante et à son conjoint en même temps.

45        Lors de cet appel, le conjoint de la plaignante ne comprenait pas pourquoi le défendeur n’offrait pas les services d’un avocat du syndicat pour représenter les plaignants. M. Duclervil a expliqué à la plaignante et son conjoint que les plaintes étaient contre le syndicat et non contre l’employeur des plaignants et que c’est la raison pour laquelle les plaignants devaient s’occuper eux-mêmes de leurs plaintes contre le syndicat. Selon M. Duclervil, la plaignante et son conjoint ont compris le sens de ses paroles.

46        M. Duclervil a précisé que lors de cet appel, il a réitéré à cette plaignante que le défendeur était ouvert à négocier un règlement hors cour. La plaignante a dit que cette idée de négocier un règlement hors cours l’intéressait. M. Duclervil a donc demandé à la plaignante de communiquer avec les quatre autres plaignants afin qu’un des cinq plaignants soit désigné pour acheminer une proposition de règlement au nom des cinq plaignants au défendeur avant l’audience.

47        Par la suite, M. Duclervil a reçu un appel au travail de M. Gémus. M. Gémus a confirmé que les cinq plaignants étaient intéressés par un règlement hors cour. M. Duclervil a donc invité M. Gémus à lui envoyer une proposition de règlement ou les demandes des plaignants avant l’audience.

48        M. Duclervil se rappelle aussi avoir recommandé à M. Gémus de se conformer de façon simultanée aux directives de la Commission émises le 6 juillet 2018. À ce moment, M. Gémus aurait dit à M. Duclervil qu’à son avis, Mme Dubord était la mieux placée pour représenter le groupe des plaignants.

49        Par la suite, M. Duclervil a envoyé un courriel à son supérieur, Stan Stapleton, du SESJ, afin de lui demander un mandat de négociation dans ces dossiers.

50        M. Duclervil n’a toutefois jamais reçu une proposition de règlement de la part des plaignants. Il n’a donc pas fait de démarches supplémentaires pour confirmer son mandat de négociation dans ces dossiers.

51        Enfin, M. Duclervil a ajouté que le jour précédant l’audience, il a tenté de joindre Mme Dubord et M. Gémus par téléphone, sans succès.

52        M. Duclervil a lui aussi reçu les courriels de M. Gémus des 7 et 8 août 2018. Dans ces messages, M. Gémus informait les intéressés qu’il ne serait pas présent à l’audience prévue le lendemain. Il ajoutait que la plupart de ses collègues ne seraient pas présents non plus. Toutefois, cela laissait entrevoir la possibilité qu’un ou deux plaignants se présenteraient à l’audience. Enfin, le courriel de M. Gémus contenait son argumentaire concernant sa plainte.

IV. Motifs

53        L’article 17(3) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral prévoit que « [s]i le destinataire de l’avis d’audience omet de comparaître, la Commission peut tenir l’audience et rendre sa décision sans autre avis à cette personne ».

54        Lorsqu’une partie ne se présente pas à une audience et que la Commission est convaincue que l’avis d’audience a été envoyé à cette partie, la Commission peut procéder à l’audition de la plainte sans autre avis.

55        En l’espèce, je suis convaincue que les plaignants ont reçu un avis approprié de la date, de l’heure et du lieu de l’audience. L’avis d’audience, du 11 juillet 2018, informait également les parties des conséquences de ne pas assister à l’audience.

56        L’audience a eu lieu malgré le fait que les plaignants n’y ont pas assisté, et j’ai entendu la requête du défendeur demandant que les plaintes soient rejetées pour cause d’abandon.

57        Puisque le défendeur prévoyait présenter sa position sur le fond de ces plaintes, il n’avait pas en main, à l’appui de sa requête en rejet des plaintes pour cause d’abandon, les décisions antérieures de la Commission rendues à ce sujet.

58        Je note qu’il y a toutefois un nombre de décisions antérieures à ce sujet, dont Patwell c. Sous-ministre de l’Emploi et du Développement social, 2018 CRTESPF 37; Tshibangu c. Administrateur général (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2011 CRTFP 143; Smid c. Administrateur général (Service administratif des tribunaux judiciaires), 2014 CRTFP 24.

59        Dans Patwell, bien que plusieurs tentatives infructueuses pour communiquer avec le plaignant avaient été faites par la Commission entre le 9 août et le
19 décembre 2017, le plaignant n’avait pas répondu ou accusé réception de ces communications. Il avait aussi omis d’assister à la conférence préparatoire à l’audience tenue le 16 août 2017. Il avait également omis d’assister à l’audience tenue le 19 janvier 2018.

60        Par conséquent, dans cette affaire, j’ai conclu que le plaignant avait manifesté toutes les caractéristiques de l’abandon de son dossier. Son manque de communication avec le greffe, la Commission et l’intimé et son omission d’informer la Commission de tout changement à ses coordonnées étaient suffisants pour signifier qu’il avait abandonné sa plainte. L’intérêt public et l’administration efficace de la justice penchaient également en faveur d’une conclusion que la plainte avait été abandonnée.

61        Dans Tshibangu,la CRTFP a déclaré que le défaut de communication d’une partie démontre un manque d’intérêt dans son cas. De même, dans Smid, la CRTFP a jugé qu’une partie devait prendre des mesures raisonnables pour s’enquérir de l’instance qu’elle a entamée et pour informer la Commission de tout changement à
ses coordonnées.

62        En l’espèce, les plaignants ne se sont pas présentés à la téléconférence du
6 juillet 2018, ne se sont pas conformés aux directives de la Commission émises
le 6 juillet 2018 et ne se sont pas présentés à l’audience le 8 août 2018. À aucun moment ils n’ont demandé un report de la procédure.

63        Les plaignants ont clairement manifesté un manque d’intérêt pour faire avancer leurs dossiers. En particulier, en omettant d’assister à la conférence préparatoire tenue en prévision de l’audience et à l’audience elle-même, ils ont manifesté un apparent désintérêt à l’égard des questions soulevées dans leurs plaintes.

64        La Commission a aussi fait suffisamment de tentatives pour offrir aux plaignants la chance d’être entendus.

65        Je note que M. Gémus a pris certaines mesures pour informer la Commission de sa position quant à sa plainte. Plus précisément, il a formulé l’argumentaire suivant dans son courriel envoyé le matin de l’audience :

[…]

La question est assez simple avons nous durant la période déterminée oui ou non été en contact avec des détenus de cote maximal. Donc il s’agit de produire une liste des détenus a cote maximal durant la dite période. Je peux vous affirmer que durant les dix derniers mois nous avons été en contact avec un détenu de cote maximal qui viens tout juste d’avoir sa libération. Également je ne comprend pas pourquoi nous n’avons pas accès a un avocat de notre syndicat qui puisse nous représenter dans cette affaire.  Voici mon argumentaire concernant cette affaire.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

66        Or, M. Gémus n’a pas compris, semble-t-il, que sa plainte était à l’encontre du défendeur et non contre l’employeur. Puisqu’il n’a pas assisté à la conférence préparatoire en prévision de l’audience, la Commission n’a pas eu l’occasion de lui expliquer ceci.

67        Il est important de comprendre que les plaignants reprochaient au défendeur d’avoir refusé de renvoyer leurs griefs contre leur employeur à l’arbitrage. Ils avaient le fardeau de prouver qu’il y avait eu une pratique déloyale au sens de la loi. Ils ont cependant choisi de ne pas s’acquitter de ce fardeau.

68        Les parties ont droit à une audience en temps opportun sans retard injustifié, en dépit d’un désintérêt d’une autre partie de présenter sa cause.

69        En l’espèce, je conclus que les plaignants ont, comme dans Patwell, manifesté toutes les caractéristiques de l’abandon de leurs dossiers. Leur désintérêt, tel que démontré dans les événements avant l’audience, ainsi que leur défaut de comparaître à la conférence préparatoire et à l’audience, sont suffisants pour signifier qu’ils ont abandonné leurs plaintes. L’intérêt public et l’administration efficace de la justice penchent également en faveur que l’on considère les plaintes comme abandonnées.

70        Pour ces raisons, je conclus que les plaignants ont abandonné leurs plaintes.

71        Pour conclure, je souhaite informer les plaignants que du temps et des ressources ont été dépensés par les personnes impliquées dans ces dossiers qui se sont déplacées à Montréal pour l’audience. Si les plaignants n’avaient pas l’intention de poursuivre leurs plaintes, ils auraient dû en aviser la Commission de façon claire en temps opportun. Ces actions montrent un manque de considération envers la Commission et le défendeur.

72        Compte tenu de ce qui précède, j’accueille la requête du défendeur et je rejette les plaintes pour cause d’abandon.

73        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

74        Les plaintes sont rejetées.

Le 11 décembre 2018.

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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