Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La Commission a rendu une décision de faire droit à un grief qui avait été renvoyé à l’arbitrage – à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé, la Commission s’est abstenue de rendre une ordonnance relative au redressement afin de permettre aux parties d’en discuter – la Commission a ordonné aux parties de l’informer si elles parvenaient à une entente sur la question du redressement au plus tard dans les 60 jours suivant la date de la décision – la Commission a statué qu’elle demeurerait saisie de l’affaire pour une période de 120 jours suivant la date de la décision, en vue de trancher toute question découlant de l’ordonnance – avant la fin de la période de 120 jours, les parties ont demandé l’aide des services de médiation de la Commission – une réunion a eu lieu, mais l’affaire n’a pas été réglée – plus d’un an après la réunion, le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à la Commission de mettre au rôle une audience pour entendre la question du redressement – la Commission a conclu que sa décision initiale indiquait clairement que les parties devaient négocier la question du redressement, faute de quoi elles pouvaient revenir devant la Commission pour la trancher dans la période indiquée de 120 jours – le pouvoir de la Commission d’entendre l’affaire avait pris fin à la fin de la période – la Commission aurait peut-être envisagé de prolonger la période pendant laquelle elle a conservé sa compétence si une telle demande avait été faite au cours de la période initiale ou si la demande avait été retardée en raison de facteurs indépendants de la volonté du fonctionnaire s’estimant lésé, ce qui n’était pas le cas en l’espèce – le pouvoir de la Commission d’entendre l’affaire avait pris fin.

Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190212
  • Dossier:  566-02-9507 à 9509
  • Référence:  2019 CRTESPF 19

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

TRE GRANT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Grant c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)


Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage


Devant:
Bryan R. Gray, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Wassim Garzouzi, avocat
Pour le défendeur:
Cristina St-Amant-Roy, avocate
Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés les 7, 21 et 28 janvier 2019.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1         Dans ma décision Grant c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2017 CRTEFP 59, rendue le 30 mai 2017, j’ai fait droit à l’un des trois griefs (une violation de l’article 19, la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective pertinente) et, à la demande du fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), je n’ai pas ordonné de redressement. J’ai plutôt ordonné aux parties de discuter des détails d’un redressement et d’informer la Commission si elles sont parvenues à une entente sur la question du redressement au plus tard dans les 60 jours suivant la date de la décision. J’ai également statué que je demeurerais saisi de l’affaire pour une période de 120 jours à compter du moment où j’ai rendu la décision en vue de trancher toute question découlant de l’ordonnance.

2         Avant la fin de la période de 120 jours, les parties ont demandé l’aide des services de médiation de la Commission afin de les aider avec leurs discussions. Le dossier indique que, le 11 décembre 2017, les parties ont signé une entente de médiation. Le rapport indique ensuite qu’un rapport d’étape sur la médiation a été déposé le 23 janvier 2018. Il indique qu’une réunion a eu lieu au moment de la signature de l’entente et que l’affaire n’a pas été réglée. La note se termine en indiquant que l’affaire sera [traduction] « mise en suspens ».

3         Le dossier démontre que les parties n’ont pris aucune mesure pendant toute l’année civile 2018. Rien n’indique que l’une des parties a demandé une prolongation de la période pendant laquelle je devais demeurer saisi.

4         L’avocat du fonctionnaire demande maintenant l’autorisation de mettre au rôle une audience pour entendre la question du redressement approprié pour le grief. J’ai ordonné aux parties de présenter des arguments écrits sur la question de savoir si j’avais compétence pour entendre les arguments et rendre une ordonnance quant au redressement.

II. Faits

5         Les passages suivants présentent mon ordonnance découlant de la décision que j’ai rendue dans 2017 CRTEFP 59.

[…]

[113] Dans ses conclusions finales, l’avocat du fonctionnaire a demandé que, si je faisais droit à l’un des griefs, je n’ordonne pas un redressement. Selon cet argument, je n’ordonnerai pas un redressement pour le grief auquel j’ai fait droit.

[114] (L’ordonnance apparaît à la page suivante)

VI. Ordonnance

[115] Le grief pour discrimination est accueilli.

[116] Les griefs pour harcèlement et licenciement sont rejetés.

[117] J’ordonne aux parties de discuter des détails du redressement.

[118] Au plus tard dans les 60 jours suivant la date de la présente décision, les parties informeront la Commission si elles sont parvenues à une entente sur la question du redressement, comme il est indiqué ci-dessus.

[119] Je demeurerai saisi de l’affaire en vue de trancher toute question découlant de la présente ordonnance pour une période de 120 jours à compter de l’émission de la présente décision.

[…]

III. Arguments du fonctionnaire s’estimant lésé

6         L’avocat du fonctionnaire soutient qu’il ne fait aucun doute que la Commission a compétence pour établir le redressement approprié découlant de sa décision. Il ajoute que la question du redressement n’a pas été tranchée dans cette décision. J’ai plutôt réservé ma compétence sur la question et j’ai accordé aux parties une occasion de la régler. Par conséquent, il reste une question réelle devant la Commission. Il déclare également qu’il n’y avait aucune raison d’interpréter ma décision comme empêchant les parties de revenir devant la Commission pour trancher la question du redressement si leurs propres efforts devaient échouer. L’avocat déclare que mon ordonnance ne précisait pas que le dossier serait clos si la question du redressement n’était pas réglée ou présentée à la Commission dans les 120 jours. J’ai simplement indiqué que je demeurerai saisi de l’affaire pour une période de 120 jours.

7         L’avocat du fonctionnaire déclare que, après avoir abouti à une impasse dans les discussions avec le défendeur pour tenter de s’entendre sur les dommages, il a écrit au greffe de la Commission le 28 juillet 2017 pour demander l’aide de ses services de médiation. Il remarque que c’était bien dans la période de 120 jours que j’ai ordonné que je demeurerais saisi de l’affaire.

8         Il précise également que le greffe de la Commission a répondu, le 11 août 2017, en indiquant que l’affaire avait été renvoyée à ses services de médiation et que, à aucun moment, le greffe ou les services de médiation de la Commission n’ont indiqué que la question devait être réglée ou renvoyée à la Commission dans un délai précis. Il ajoute ensuite que, après quelques retards associés à l’affectation et à la mise au rôle d’un médiateur, les parties ont pris part à des discussions de médiation à compter de décembre 2017, mais que leurs efforts n’ont pas porté de fruits.

9         L’avocat du fonctionnaire soutient que deux questions juridiques distinctes ont été soulevées. D’abord, la question de savoir si la Commission avait compétence pour établir le redressement pour le grief relatif à la discrimination et, deuxièmement, la question de savoir si je demeure saisi pour trancher la question.

10        Pour la première question, il soutient qu’il ne fait pas de doute que la Commission a compétence, puisque la question du redressement n’a pas été tranchée dans la décision. Il affirme que j’ai expressément réservé ma compétence sur la question afin d’accorder aux parties une occasion de la trancher. Je n’ai rejeté aucune demande de redressement et il soutient que, en conséquence, le redressement du grief de discrimination reste une question réelle.

11        L’avocat ajoute que le fait de rejeter le redressement demandé par le fonctionnaire sans audience et sans avis préalable serait un manquement à l’équité procédurale. Il invoque Judicial Review of Administrative Action in Canada, de Brown et Evans, édition à feuilles mobiles, au paragraphe 9:1100, qui propose qu’un élément fondamental de l’obligation d’équité est qu’un avis préalable soit présenté aux personnes ayant le droit de participer indiquant qu’une décision sera rendue ou qu’une mesure administrative sera prise.

12        L’avocat déclare également que cela dissuaderait les parties de prendre part à la médiation si la Commission pouvait perdre sa compétence en raison d’un retard dans le processus de médiation, en particulier un processus mené par les services de médiation et de règlement des différends de la Commission.

13        En ce qui concerne la question de savoir si je suis toujours saisi de la question du redressement, l’avocat soutient que le même commissaire tranche généralement les questions ultérieures découlant de sa décision initiale, même après l’expiration du délai indiqué dans la décision. À l’appui de son argument, il invoque Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2006 CRTFP 117. Selon cette décision, l’arbitre de grief devait demeurer saisie de l’affaire pour une période de 90 jours suivant la date de cette décision afin de trancher toutes les questions découlant de la mise en œuvre de son ordonnance. Les parties ont ensuite écrit à la Commission dans les 90 jours pour indiquer qu’elles n’ont pas été en mesure de trancher toutes les questions de redressement. La même arbitre de grief a finalement tranché la question plus d’un an après la décision initiale.

14        L’avocat du fonctionnaire a également renvoyé à Chambre des communes c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 144, dans laquelle un commissaire de la Commission des relations de travail dans la fonction publique a soutenu qu’il demeurerait saisi de l’affaire pendant 90 jours après sa décision initiale, mais a en fin de compte tranché une question subséquente entre les parties bien après l’expiration de cette période.

IV. Arguments du défendeur

15        L’avocate du défendeur s’oppose à ce que la Commission convoque les parties de nouveau afin d’entendre les arguments et de rendre une ordonnance quant au redressement. Elle soutient que l’affaire est functus officio, ce qui signifie que le pouvoir de la Commission d’entendre l’affaire a pris fin. Selon cette doctrine, lorsqu’un tribunal a terminé de rendre sa décision, la compétence qui lui est accordée prend fin et il n’a par la suite aucun pouvoir de rendre une quelconque autre décision.

16        Elle invoque le Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, au paragraphe 2:4100, qui propose qu’un arbitre de grief, même s’il conserve sa compétence sur une question étroite et précise, ne se voie pas conféré le pouvoir perpétuel de traiter l’emploi d’un fonctionnaire s’estimant lésé.

17        L’avocate soutient qu’une lecture équitable de la décision indique clairement que, à la suite de la demande du fonctionnaire de m’abstenir de rendre une ordonnance relative au redressement, je demeurais saisi pendant une période de 120 jours seulement afin de trancher la question du redressement après des discussions de règlement infructueuses. Cette échéance était claire.

18        En outre, l’avocate n’est pas d’accord avec l’argument du fonctionnaire selon lequel la question du redressement n’a jamais été réglée. Elle soutient qu’une décision prévoyait déjà un redressement pour le grief relatif à la discrimination sous la forme d’une déclaration de discrimination pour le jour où le fonctionnaire a été mis en congé administratif. Elle mentionne la décision de la Cour suprême du Canada dans Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, au paragraphe 23, qui déclare que, si un tribunal administratif est habilité à trancher une affaire par des modes subsidiaires de redressement, le fait d’avoir choisi une méthode ne lui permet pas de rouvrir les procédures pour faire un autre choix.

V. Motifs de décision

19        Je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’avocat du fonctionnaire selon laquelle il existe des questions de droit distinctes pour déterminer la compétence de la Commission et la question de savoir si je suis saisi. Il s’agit en fait de la même question. Lorsqu’un commissaire est désigné pour entendre un grief, il siège en tant que formation de la Commission et représente, dans cette affaire, la Commission.

20        Il n’est pas possible que j’entende le fond d’une affaire et que, par la suite, dans des circonstances semblables à celles de cette affaire, un autre commissaire soit désigné pour entendre les arguments relatifs au redressement.

21        Contrairement à ce raisonnement, l’ordonnance que j’ai rendue, par laquelle je demeurais saisi de l’affaire pendant 120 jours, créait une échéance claire pour que l’avocat du fonctionnaire règle l’affaire de la façon dont il a en fait la demande dans sa plaidoirie finale, ou, à défaut d’y arriver, pour qu’il demande mon intervention pour recevoir des arguments et ordonner un redressement. La décision a tranché la question du redressement en ordonnant aux parties de la négocier, faute de quoi elles pouvaient revenir devant la Commission pour la trancher dans la période indiquée de 120 jours. Dans cette mesure, il y avait effectivement une « question réelle » devant moi, mais seulement pendant 120 jours.

22        Contrairement à son argument selon lequel un délai aussi clair pourrait dissuader les parties d’avoir recours à la médiation afin de régler les questions du redressement, ce délai est dissuasif pour la situation exacte dans laquelle se trouve actuellement le fonctionnaire, son dossier étant resté inactif pour une période inacceptable de plus d’un an.

23        Trancher une décision de redressement qui a été laissée indéfiniment sans solution ne présente aucune utilité. Le fonctionnaire ne se représentait pas lui-même dans cette affaire. Son agent négociateur a plutôt retenu les services d’un avocat expérimenté d’un cabinet qui comparaît régulièrement devant la Commission. Par conséquent, je ne suis pas prêt à admettre que mon ordonnance a peut-être été incomprise.

24        En examinant la jurisprudence citée par l’avocat du fonctionnaire, je remarque que, dans Grover et dans Chambre des communes, la Commission est demeurée saisie pendant 90 jours afin de traiter la mise en œuvre de l’ordonnance de redressement dans la première affaire, et pour entendre une preuve relative aux effets de la décision dans la deuxième affaire. Dans les deux cas, les parties se sont notamment présentées de nouveau devant la Commission pour demander une audience sur les questions en suspens dans les 90 jours. En l’espèce, plus d’un an s’est écoulé après ma décision finale, avant que l’affaire soit portée à mon attention. Le fait que les parties puissent avoir demandé l’aide de médiateurs employés par le Secrétariat de la Commission n’est d’aucune manière équivalent à une demande qui m’aurait été présentée, à titre de formation de la Commission qui a arbitré le grief, pour rendre un « redressement approprié », comme le demande maintenant le fonctionnaire.

25        J’aurais peut-être envisagé de prolonger la période pendant laquelle j’ai conservé ma compétence si une telle demande avait été faite au cours de la période initiale ou si la demande avait été retardée en raison de facteurs indépendants de la volonté du fonctionnaire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Mon pouvoir d’entendre l’affaire a pris fin.

26        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

27        La demande du fonctionnaire de mettre au rôle une audience est rejetée.

28        J’ordonne que les dossiers demeurent clos.

Le 12 février 2019.

Traduction de la CRTESPF

Bryan R. Gray,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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