Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief concernant son licenciement – un avis de la date et du lieu de l’audience à Ottawa, en Ontario, a été envoyé aux parties 4,5 mois avant sa tenue – 7 jours avant le début de l’audience, l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a envoyé un courriel à la Commission pour demander un ajournement sans donner d’autres détails – le greffier de la Commission lui a répondu 18 minutes plus tard en disant que plus de détails étaient nécessaires avant de pouvoir renvoyer l’affaire à la Commission pour examen – l’avocat du fonctionnaire s’estimant lésé a répondu par courriel à 16 h 25 le vendredi après-midi précédant le lundi où l’audience devait commencer – la Commission a conclu que, conformément au paragraphe 9(1) du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, le courriel, reçu après 16 h, avait été réputé avoir été reçu le lundi – de plus, le courriel ne demandait pas un ajournement, mais plutôt que l’audience ait lieu à Toronto ou par téléconférence – la Commission a rejeté la demande et a tenu l’audience à Ottawa sans la comparution du fonctionnaire s’estimant lésé ou de son avocat – l’employeur avait déjà présenté par écrit une demande de rejet du grief puisqu’il a été déposé deux ans après le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé, donc il était hors délai – dans sa réponse à la demande de l’employeur, le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas abordé la question du respect des délais – la Commission a écrit aux parties pour obtenir une autre réponse, signalant le fait que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas abordé la question – dans sa deuxième réponse à la demande, le fonctionnaire s’estimant lésé a encore une fois omis de répondre à la question – la Commission a avisé les parties que, néanmoins, la question du respect des délais serait traitée à l’audience, à laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé et son avocat n’ont finalement pas comparu – la Commission a conclu que, même s’il était possible de déduire que le fonctionnaire s’estimant lésé avait demandé une prorogation des délais pour présenter son grief, les documents devant la Commission ne contenaient aucune preuve permettant de répondre aux critères nécessaires pour accorder la demande.

Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190219
  • Dossier:  566-02-12701
  • Référence:  2019 CRTESPF 24

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

PAUL ALEXANDER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence de la santé publique du Canada)

employeur

Répertorié
Alexander c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ernest J. Guiste, avocat
Pour l'employeur:
Kevin Dulude, avocat
Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2018
et tranchée sur la base d’arguments écrits déposés le
19 septembre et les 4 et 18 octobre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1         Paul Alexander, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), était employé par le Conseil du Trésor (CT ou l’« employeur ») à titre d’épidémiologiste, classifié EC-05, au Centre de lutte contre les maladies transmissibles et les infections de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Dans une lettre datée du 14 mai 2014 (la « lettre du 14 mai »), Krista Outhwaite, l’administratrice générale intérimaire et sous-ministre adjointe de l’ASPC, a mis fin à l’emploi du fonctionnaire à compter de ce même jour.

2         Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, article 365;la LCRTEFP) a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), créant ainsi la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »)afin de remplacer l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP »), de même que l’ancien Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires prévues aux articles366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40)sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84).Conformément à l’article 393 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, une procédure entamée aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, article 2; la LRTFP)avant le 1er novembre 2014 se poursuit sans autres formalités en conformité avec la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, dans sa forme modifiée par les articles 365 à 470 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013.

3         L’employé a présenté un grief concernant son licenciement en mai 2016 et l’a renvoyé à la CRTEFP aux fins d’arbitrage en juin 2016.

4         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFPet les titres de la LCRTEFP,de la LRTFP, et du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (DORS/2005-79) pour, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral(la « Loi »), et le Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (le « Règlement »).

5         L’audience dans cette affaire devait être entendue du lundi 17 décembre au vendredi 21 décembre 2018. L’audience a commencé comme prévu. L’employeur y était présent avec son représentant légal et son témoin, alors que ni le fonctionnaire ni son avocat ne se sont présentés.

6         L’employeur a appelé un témoin, Olivier Meilleur, un agent des relations de travail (RT) auprès de Santé Canada et de l’ASPC. Il a déclaré que, même s’il n’avait pas participé au licenciement du fonctionnaire, il était au courant du dossier du fonctionnaire sur les relations de travail puisqu’il y avait participé en 2016.

II. Résumé de la preuve

A. Contexte

7         Le 7 février 2014, le fonctionnaire a déposé un grief à l’encontre de l’administrateur général de l’ASPC (dossier 566-02-9676), que le prédécesseur de la Commission, la CRTEFP, a traité dans une décision datée du 22 juillet 2015 (voir 2015 CRTEFP 64) à la suite des arguments écrits du 25 novembre et des 19 et 23 décembre 2014. Le fonctionnaire a soumis la décision au contrôle judiciaire. Elle a été rejetée à la suite d’une audience de la Cour d’appel fédérale (CAF) le 28 avril 2016 (voir 2016 CAF 132). Dans les deux cas, le fonctionnaire était représenté par le même avocat que celui qui l’a représenté dans le présent grief.

8         Dans la décision 2015 CRTEFP 64, le fonctionnaire a soutenu le fait qu’il avait fait l’objet d’un congédiement déguisé. L’employeur s’est opposé à la compétence de la CRTEFP pour entendre l’affaire. Aux paragraphes 41, 42, et 45 à 47, l’arbitre de griefa indiqué ce qui suit :

41 Si l’on met de côté la question de savoir si la doctrine du congédiement déguisé s’applique à la fonction publique fédérale, qui est examinée dans Hassard, il est clair qu’à la base, elle vise une allégation qu’il y a eu un licenciement découlant d’une violation fondamentale du contrat d’emploi.

42 Le grief dont je suis saisi ne contient aucune allégation qu’il a été mis fin à l’emploi du fonctionnaire, ni qu’une telle allégation y soit implicite. La réponse de l’employeur au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs ne laissait pas non plus entendre que, selon sa compréhension, le grief comportait une allégation que le fonctionnaire avait été congédié. Par ailleurs, l’employeur a exprimé clairement que le fonctionnaire était libre de retourner au travail sans avoir à subir une évaluation de l’aptitude au travail. Étant donné ces faits, je juge que l’allégation de congédiement déguisé a été soulevée pour la première fois dans le renvoi à l’arbitrage et que, par conséquent, même si la doctrine est pertinente à la fonction publique fédérale, je n’ai pas compétence pour l’examiner.

[…]

45 Le fonctionnaire n’a présenté aucune preuve et aucun argument lorsqu’il a été invité à fournir des précisions ou des arguments à l’appui de sa position au-delà de la simple affirmation que la question nécessitait une audience. Le fonctionnaire n’a pas contesté la version des faits présentée par l’employeur et n’a pas répondu à son objection quant à la compétence. Il lui incombait de le faire.

46 Parce que le fonctionnaire ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait, je conclus que je n’ai pas de fondement suffisant pour conclure qu’il a fait l’objet d’une mesure disciplinaire en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Par conséquent, je ne peux pas juger que je possède la compétence nécessaire pour entendre le grief.

47 Le fonctionnaire et l’employeur ont renvoyé au licenciement du fonctionnaire quelques mois après le dépôt du grief dont je suis saisi. Cette question ne pas fait partie du grief et doit être déposée et renvoyée à l’arbitrage conformément à la LRTFPet au Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique(DORS/2005-79).

9         Dans sa décision de rejeter la demande de contrôle judiciaire, la CAF a déclaré ce qui suit au deuxième paragraphe :

[…] 2. Même si le concept du congédiement déguisé s'appliquait à la fonction publique fédérale, la question a été soulevée pour la première fois dans le renvoi du grief à l'arbitrage. Par conséquent, l’arbitre n’avait pas la compétence pour examiner cette question.

B. Licenciement

10        Les parties pertinentes de la lettre du 14 mai se lisent en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

Une téléconférence de recherche des faits était prévue le 9 mai 2014 afin de discuter de vos communications inappropriées continues avec la direction et de votre omission continue de vous présenter au travail comme vous l’a demandé la direction. Puisque vous avez choisi de ne pas vous présenter à cette téléconférence, ni qu’un représentant y assiste en votre nom, je regrette de ne pas avoir d’autre choix que de prendre une décision sans bénéficier de vos suggestions.

La direction vous a demandé à de nombreuses reprises, par écrit et de vive voix, de cesser l’envoi de courriels irrespectueux et d’y renoncer. Toutefois, vous avez continué d’envoyer des courriels très choquants à la direction, les plus récents datant du 25 avril 2014, du 26 avril 2014 et du 8 mai 2014. Ces communications contenaient plusieurs références à votre « rectum » ainsi que des commentaires gravement choquants adressés au sous-ministre adjoint de la Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses […]

[…]

Vous avez été avisé par écrit à au moins trois reprises (27 février, 5 mars et 7 mars 2014) qu’on comptait sur votre retour au travail à Ottawa le 1er avril 2014. Vous avez fait part le 14 et le 17 mars 2014 de votre intention de ne pas retourner travailler à votre poste d’attache. On vous a donc demandé, par écrit, de vous présenter au travail à au moins cinq reprises (25 mars, 10, 11, 16 et 23 avril 2014). Malgré la directive claire et sans ambiguïté selon laquelle vous deviez retourner travailler, vous ne vous êtes toujours pas présenté au travail à ce jour.

Ces incidents démontrent une insubordination manifeste […] Les mesures disciplinaires qui suivent vous ont été imposées pour des actes d’inconduite semblables :

  1. Lettre de réprimande le 27 février 2014.
  2. Lettre de réprimande le 28 février 2014.
  3. Suspension d’un jour le 6 mars 2014.
  4. Suspension de trois jours le 12 mars 2014.
  5. Suspension de cinq jours le 20 mars 2014.
  6. Sanction pécuniaire de cinq jours le 8 avril 2014.
  7. Sanction pécuniaire de 15 jours le 16 avril 2014.
  8. Sanction pécuniaire de 20 jours le 25 avril 2014.

La direction s’est efforcée de corriger votre comportement par des mesures disciplinaires (conformément au principe d’une mesure disciplinaire progressive), mais vous avez continué de croire que vous aviez la prérogative de contester la direction d’une façon qui a été identifiée comme manquant de respect, de professionnalisme, de coopération et représentant une insubordination flagrante.

De plus, vous avez été averti par écrit à plus de dix reprises que l’omission continue de suivre les directives de la direction conduirait à des mesures disciplinaires additionnelles et plus graves, pouvant aller jusqu’au congédiement. Malgré cela, vous avez continué d’ignorer les directives de la direction. Ce manque d’intégrité, de professionnalisme, de respect et de coopération continu qui est attendu de tous les fonctionnaires a fait en sorte que votre relation de travail avec l’Agence de la santé publique du Canada n’est plus viable.

Considérant ce qui précède, et conformément au pouvoir qui m’est conféré en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur l’administration financière, vous êtes par la présente licencié avec motivation, et ce, à compter du 14 mai 2014.

[…]

Veuillez prendre note que vous avez le droit de déposer un grief concernant cette lettre dans les vingt-cinq jours suivants la date d’aujourd’hui conformément à votre convention collective.

[…]

11        La preuve a révélé que le fonctionnaire a déposé des griefs contre les suspensions d’un jour et de trois jours et la sanction pécuniaire de cinq jours qui lui ont été imposées. Toutefois, ils n’ont pas été renvoyés à l’arbitrage devant la Commission (ou ses prédécesseurs).

12        Le fonctionnaire a livré le document suivant à l’employeur le 12 mai 2016, près de deux ans après la lettre du 14 mai :

[Traduction]

GRIEF DE

PAUL ALEXANDER

  1. Le 28 avril 2016, la Cour d’appel fédérale a rejeté ma demande de contrôle judiciaire dans laquelle je déclarais que la décision de l’arbitre de grief de rejeter mon grief initial était erronée pour plusieurs raisons, y compris le refus de considérer les actes et les omissions de l’employeur, ce qui a mené à un congédiement déguisé de mon emploi.
  2. Au cours du litige de ce grief, j’ai expressément cherché à contester mon congédiement comme suit par mon avis de requête daté du 19 décembre 2014 : « Le fonctionnaire s’estimant lésé a fourni à l’employeur un avis de son intention de présenter un grief à la suite du prétendu congédiement sur lequel ils se fondent – dans le cas où une telle mesure s’impose – mais ils ont refusé de donner leur consentement sans motif raisonnable et l’agent négociateur avait précédemment retiré son appui au fonctionnaire s’estimant lésé. »
  3. Par la présente, je présente un grief contre mon congédiement qui est un congédiement injustifié, injuste et contraire à la loi et je demande ma réintégration immédiate avec plein salaire et prestations.
  4. Dans l’éventualité où un congé s’impose pour proroger les délais pour déposer ce grief, par la présente, je demande l’autorisation de l’employeur à cette fin comme je l’ai demandé précédemment.

Le 12 mai 2016

[Signé par le fonctionnaire]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

13        Le 13 juin 2016, l’employeur a répondu au grief au troisième et dernier palier de la procédure de règlement des griefs, en affirmant ce qui suit :

                     […]

La présente répond au grief présenté le 12 mai 2016 concernant votre congédiement du 14 mai 2014 dans lequel vous demandez votre réintégration avec plein salaire et prestations.

Selon l’article 40 de la convention collective de groupe Économique et services de sciences sociales, un employé doit présenter un grief au plus tard le 25e jour suivant la date à laquelle le fonctionnaire s’estimant lésé avait pris conscience pour la première fois de l’acte ou des circonstances à l’origine du grief. Puisque votre grief a été présenté après la date du 25, et puisque vous n’êtes plus un employé ayant le droit de déposer un grief, votre grief est hors délai et donc rejeté pour ce motif.

Par copie de cette lettre, votre avocat est informé de ma décision.

[…]

Cc :     Ernest Guiste

14        Le 28 juin 2016, la Commission a reçu un « avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel » (formule 21) de M. Guiste (l’avocat du fonctionnaire) en vertu du sous-alinéa 89(1)a)(ii) du Règlement, qui indiquait ce qui suit :

  • Le représentant autorisé du fonctionnaire est M. Guiste;
  • La date à laquelle le grief a été présenté au premier palier de la procédure de règlement des griefs est le 16 mai 2016;
  • La date à laquelle l’employeur a rendu sa décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est le 14 juin 2016;
  • M. Guiste l’a signé.

15        La formule 21 contenait également une note manuscrite indiquant que les documents suivants y étaient joints :

  • Un courriel du 14 juin 2016, auquel est jointe la réponse au grief (deux pages);
  • Le grief du 12 mai 2016, auquel est joint « l’avis de requête et les arguments du fonctionnaire »;
  • Les motifs du jugement de la CAF du 28 avril 2016.

16        Les documents joints, appelés l’avis de requête et les arguments du fonctionnaire, précisaient ce qui suit :

[Traduction]

[L’avis de requête :]

PRENEZ AVIS QUE le fonctionnaire présente la requête préliminaire suivante devant l’arbitre pour arbitrage sur le dossier complet de la preuve.

RÉPARATION DEMANDÉE :

  1. Une ordonnance selon laquelle la question de la compétence soulevée par l’employeur et la question d’abus de procédure soulevée par le fonctionnaire peuvent être arbitrées en même temps à la suite d’une audience probante complète;
  2. Une ordonnance réglant toute irrégularité procédurale dans les affirmations des droits du fonctionnaire;
  3. Toute autre réparation que la formation jugera juste et non contraire aux intérêts de la justice et aux intérêts du public.

Les motifs de la requête sont les suivants :

  1. La question de la compétence en l’espèce ne peut être correctement jugée hors de tout contexte et nécessite une audience probante complète;
  2. La décision de l’agent négociateur du fonctionnaire non seulement d’appuyer l’employeur sur la question des recommandations médicales, mais de se « laver les mains » de son devoir de représenter le fonctionnaire, qui, jumelée au caractère déraisonnable et illégal de la conduite de l’employeur jusqu’à son licenciement et par la suite, fait du traitement du fonctionnaire un abus de procédure;
  3. Le fonctionnaire avait fourni à l’employeur un avis de son intention de présenter un grief à la suite du prétendu congédiement sur lequel ils se fondent – dans le cas où une telle mesure s’impose – mais ils ont refusé de donner leur consentement sans motif raisonnable et l’agent négociateur avait précédemment retiré son appui au fonctionnaire;
  4. Les questions concernées et les conséquences pour le fonctionnaire exigent un niveau élevé d’équité procédurale.

La preuve documentaire suivante sera invoquée :

  1. Les griefs déposés par le fonctionnaire;
  2. La correspondance par courriel entre les parties;
  3. Le témoignage verbal du fonctionnaire et des autres;
  4. Toute autre preuve que la formation peut considérer pertinente.

[…]

Le 19 décembre 2014

[…]

 [Les arguments du fonctionnaire :]

AFFAIRE CONCERNANT des griefs renvoyés à l’arbitrage aux termes de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Paul Alexander

et

SANTÉ CANADA

ARGUMENTS DU FONCTIONNAIRE

  1. La question de la compétence soulevée par l’employeur comportait des considérations aussi bien dans les faits qu’en droit.
  2. Par exemple, la question de possibilité qu’un congédiement déguisé ait lieu en vertu du schéma réglementaire en la matière n’a pas encore été déterminée de manière concluante. IL EST SOUTENU QUE lorsqu’un agent négociateur abandonne un fonctionnaire dans les circonstances comme celles en l’espèce, un congédiement déguisé a eu lieu et l’on ne devrait pas reprocher à un employé de ne pas avoir produit un « grief pour licenciement » en temps opportun.
  3. De plus, la question de savoir si les mesures de l’employeur constituaient une mesure disciplinaire par la demande d’une évaluation médicale, la suspension du fonctionnaire et en dernier ressort la décision de licencier le fonctionnaire avec motivation, implique des questions de fait et de droit et ne devrait pas être jugée hors de tout contexte.
  4. La question de savoir si l’employeur a reçu un avis efficace de l’intention du fonctionnaire de présenter un grief concernant son « licenciement » implique des questions de fait et, actuellement, il existe un grave différend sur ces faits qui demande l’arbitrage.

Pouvoirs légaux :

  1. Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2005 CRTFP 150
  2. Courriel du 19 février de Karen Brook informant « aucune représentation par l’agent négociateur ».

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

17        Un examen du dossier 566-02-9676 (l’affaire concernant la décision 2015 CRTEFP 64) a révélé que les arguments écrits du fonctionnaire dans cette affaire devaient être présentés le 19 décembre 2014, et étaient en fait l’avis de requête et les arguments du fonctionnaire qui étaient joints à la formule 21 qui faisait référence au grief du 16 mai 2016renvoyé à la Commission aux fins d’arbitrage.

18        Cet examen a également révélé un courriel envoyé le 21 mai 2014 à 15 h 49, de M. Guiste à la CRTEFP, au fonctionnaire et, prétendument, à Carol-Anne Dessureault à Santé Canada. Toutefois, il est évident qu’il manquait une lettre à son adresse électronique, ce qui signifiait qu’elle ne l’a probablement pas reçu. Le courriel se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

Le travailleur a été congédié implicitement par les actes et les omissions de l’employeur, et son agent négociateur a condamné les actions de l’employeur.

L’employeur a exclu le travailleur de son milieu de travail et a interrompu sa paie.

L’agent négociateur, bien que parfaitement conscient de la situation, n’a rien fait.

L’employeur a récemment prétendu congédier le travailleur – en dépit de  sa propre allégation de congédiement déguisé.

Le travailleur soutient que le tribunal a la compétence pour trancher la question et l’argument de l’employeur sur ce point est sans fondement.

[…]

19        Le fonctionnaire était régi par une convention collective que le CT et l’Association canadienne des employés professionnels avaient conclue pour le groupe Économique et services de sciences socialesqui a été signée le 15 octobre 2012, et qui a expiré le 21 juin 2014 (la « convention collective »). L’article 40 s’intitule « Procédure de règlement des griefs » et les parties pertinentes énoncent ce qui suit :

                      […]

Griefs individuels

40.07 Le fonctionnaire qui désire présenter un grief à l’un des paliers prescrits de la procédure de règlement des griefs le remet à son superviseur immédiat ou au chef de service local qui, immédiatement :

  1. l’adresse au représentant de l’Employeur autorisé à traiter les griefs au palier approprié,
  2. et

  3. remet au fonctionnaire un récépissé indiquant la date à laquelle le grief lui est parvenu.

[…]

40.12 Au premier (1er) palier de la procédure, le fonctionnaire peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 40.07, au plus tard le vingt cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l'action ou des circonstances donnant lieu au grief.

[…]

40.16 La décision rendue par l’Employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs est définitive et exécutoire pour le fonctionnaire, à moins qu’il ne s’agisse d’un type de grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage.

40.17 Lorsque la nature du grief est telle qu’une décision ne peut être rendue au-dessous d’un palier d’autorité donné, l’Employeur et le fonctionnaire et, s’il y a lieu, l’Association, peuvent s’entendre pour supprimer un palier ou tous les paliers, sauf le dernier.

40.18 Lorsque l’Employeur rétrograde ou licencie un fonctionnaire pour un motif déterminé aux termes des sous-alinéas 12(1)c), d) ou e) de la Loi sur la gestion des financespubliques, la procédure de règlement des griefs énoncée dans la présente convention s’applique sauf que :

  1. le grief ne peut être présenté qu’au dernier palier;
  2. nonobstant l’alinéa 40.03c), l’administrateur général ne peut pas se faire représenter pour traiter le grief et rendre une décision;
  3. le délai de vingt (20) jours au cours duquel l’Employeur doit répondre au dernier palier peut être prolongé jusqu'à un maximum de quarante (40) jours par accord mutuel entre l’Employeur et le représentant de l’Association.

[…]

40.22 Renvoi à l’arbitrage

**

  1. Le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage, conformément aux dispositions de la Loi et du Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique, un grief individuel qui a été présenté à tous les paliers de la procédure de règlement des griefs, y compris le dernier, et qui n’a pas été réglé à sa satisfaction si le grief porte sur :

    […]

    b) une mesure disciplinaire entraînant un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire;

[Je souligne]

[…]

20        Une lettre que l’ASPC a envoyée à la Commission et à M. Guiste en copie conforme qui ne portait aucune date et que la Commission a reçue le 2 août 2016 énonçait ce qui suit :

[Traduction]

La présente fait suite à votre lettre du 6 juillet 2016 concernant le renvoi à l’arbitrage mentionné ci-dessus. L’employeur soutient respectueusement que le présent grief est hors délai.

L’employé a déposé son grief le 12 mai 2016 concernant son licenciement du 14 mai 2014 et a demandé sa réintégration avec plein salaire et prestations.

La date à laquelle la prétendue violation ou fausse interprétation a eu lieu était le 14 mai 2014.

La clause 40.12 de la convention collective du groupe Économique et services de sciences sociales établit clairement les délais pour présenter un grief et se lit comme suit :

Au premier (1er) palier de la procédure, le fonctionnaire peut présenter un grief de la manière prescrite au paragraphe 40.07, au plus tard le vingt-cinquième (25e) jour qui suit la date à laquelle il est notifié, oralement ou par écrit, ou prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

Par conséquent, l’employeur soutient respectueusement qu’un arbitre nommé pour entendre un renvoi à l’arbitrage en vertu de l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique n’a pas compétence pour entendre cette affaire étant donné que le grief est hors délai.

[…]

21        La Commission n’a reçu aucune réponse du fonctionnaire et de M. Guiste à la lettre contenant l’objection de l’employeur.

22        Dans une lettre du 7 décembre 2016, que la Commission a reçue par télécopieur le 9 février 2017 à 3 h 13, M. Guiste écrivait [traduction] : « Pouvez-vous présenter une mise à jour depuis votre dernière lettre du 16 août 2016 ». Le 9 février 2017, à 10 h 12, le greffe de la Commission a répondu à M. Guiste par courriel, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’accuse réception de votre lettre reçue par télécopieur demandant une mise à jour du dossier mentionné ci-dessus.

Pour le moment, je peux confirmer que cette affaire fait partie d’un nombre de dossiers en attente d’être mis au rôle. Bien que je ne puisse estimer le moment où l’affaire sera mise au rôle, je peux vous dire que la Commission a déjà affiché ses rôles jusqu’au mois de mai 2017, inclusivement.

[…]

23        Dans une autre lettre, également datée du 7 décembre 2016, mais que la Commission a reçue par télécopieur le 17 avril 2018 à 11 h 30, M. Guiste a écrit ce qui suit :

                     […]

Je comprends que cette affaire devait être renvoyée à l’arbitrage. Mon client souffre et a besoin d’une audience le plus tôt possible. Merci de me faire signe s’il y a quoi que ce soit que nous puissions faire pour remédier à la cause de ce délai.

                     […]

24        Le 26 juillet 2018, le greffe de la Commission a écrit aux parties, y compris à M. Guiste, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La Commission a prévu l’audience de l’affaire mentionnée ci-dessus du 17 au 21 décembre 2018 à Ottawa (Ontario).

Veuillez noter que les dates mentionnées ci-dessus sont considérées comme « définitives ». Il est entendu que les parties informeront immédiatement leurs témoins des dates de l’audience.

Il incombe aux parties d’informer la Commission si elles ont besoin de services d’interprétation simultanée à l’audience. Si aucune demande n’a été faite quatre semaines avant la date d’audience, il peut être impossible de fournir ce service. Si aucune partie ne fait une demande d’interprétation simultanée, l’audience se déroulera dans la langue précisée au dossier.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

25        Le 19 septembre 2018, dans une argumentation de 10 pages avec 7 documents joints, l’avocat de l’employeur a demandé que le grief soit rejeté sans audience, en se fondant sur ce qui suit :

  • Le grief n’était pas recevable;
  • Aucune demande de prorogation du délai pour déposer un grief n’a été présentée;
  • Rien ne pouvait justifier la tenue d’une audience.

26        Le 4 octobre 2018, M. Guiste a répondu à cette demande comme suit :

[Traduction]

Ce qui suit constitue la réponse du fonctionnaire à la demande de l’employeur selon laquelle il n’a pas droit à une audience. Le fonctionnaire demande qu’elle soit rejetée et que l’affaire soit renvoyée à l’arbitrage sur un dossier complet de la preuve.

Litige continu :

La justice naturelle et l’équité demandent que le licenciement du fonctionnaire fasse l’objet d’un arbitrage sur un dossier complet de la preuve pour les raisons suivantes et, en conséquence, la demande de l’employeur devrait être rejetée à juste titre :

  1. Le fonctionnaire a été constant dans sa demande en ce qui concerne le fait qu’il a été congédié implicitement par l’employeur et en raison des actes et des omissions de son agent négociateur quant à sa croyance raisonnablement entretenue concernant l’« environnement de travail toxique » dans lequel ils ont voulu l’obliger à travailler;
  2. Les parties sont en procès actif sur ce point et, par conséquent, la question de l’avis et du respect des délais devient théorique dans les circonstances particulières de cette affaire étant donné que l’employeur a toujours un avis;
  3. L’employeur ne peut faire ressortir aucun préjudice;
  4. Cet acte de la part de l’employeur fait partie d’une tendance et d’une pratique continues soulevées par le fonctionnaire quand il a affirmé que son congédiement est déguisé;
  5. Le fonctionnaire répète ses arguments formulés précédemment et s’appuie sur ce point encore une fois.

J’espère le tout conforme.

[…]

27        Le 12 octobre 2018, le greffe de la Commission a écrit aux parties, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

À la suite de mon courriel du 9 octobre 2018, la présente affaire a été renvoyée à la Commission, et on m’a demandé d’informer les parties de ce qui suit :

Le fonctionnaire semble uniquement traiter de la position de l’employeur en ce qui concerne l’audience sur la compétence. Le fonctionnaire doit fournir sa position concernant le reste de la lettre du 21 septembre 2018, au plus tard le 22 octobre 2018.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

28        Le 18 octobre 2018, à 11 h 24, M. Guiste a envoyé un courriel à la Commission et une copie conforme à l’avocat de l’employeur, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

Ce qui suit constitue les arguments du demandeur en ce qui concerne la question de fond :

Nouvelle question :

La question soulevée en ce qui concerne le licenciement du demandeur est une nouvelle question. La question de savoir si et dans quelles circonstances un travailleur visé par une convention collective peut se prévaloir des protections fournies par le concept du congédiement déguisé est nouvelle et évolutive dans notre loi. Malgré toutes les lois que nous avons à ce jour, aucune ne correspond au droit d’un travailleur de refuser un travail non sécuritaire et de raisonnablement désobéir aux ordres ou aux directives qui peuvent mettre sa santé ou son bien-être en danger.

Dossier complet de la preuve :

Un bon arbitrage de la plainte du demandeur nécessite une audience complète de toutes les preuves afin de trancher les questions de façon appropriée. Décortiquer l’affaire causera un préjudice irréparable au demandeur.

Aucun préjudice :

Il n’y a en effet aucun préjudice à l’employeur d’agir de cette façon. Il existe un préjudice grave si le demandeur en fait autrement. L’accueil de la demande de l’employeur priverait le demandeur d’un recours judiciaire dans les cas où il y aurait un accord de volonté entre l’employeur et son agent négociateur pour effectivement le priver de ses droits conférés par la loi.

Le tout respectueusement soumis :

[…]

29        Le 23 octobre 2018, le greffe de la Commission a écrit aux parties, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

J’accuse réception du courriel de M. Guiste du 18 octobre 2018. La présente affaire a été renvoyée à la Commission et on m’a demandé d’informer les parties de ce qui suit :

Les jours d’audience du 17 au 21 décembre 2018 seront consacrés à aborder l’opposition de l’employeur concernant le respect des délais.

Le bien-fondé du grief ne devrait pas être abordé, à l’exception de  sa pertinence à la question du respect des délais et du critère établi dans la décision Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1.

Les parties doivent se préparer à aborder toute question concernant le respect des délais, y compris toute preuve nécessaire.  

[…]

30        Le 21 novembre 2018, l’« avis d’audience » à cet égard a été envoyé aux parties. Celui du fonctionnaire a été envoyé à M. Guiste. En plus d’établir que l’audience était prévue le 17 décembre 2018, à 9 h 30, aux bureaux de la Commission à Ottawa (Ontario), jusqu’au 21 décembre 2018, inclusivement, il indiquait ce qui suit :

[Traduction]

VEUILLEZ NOTER QU’IL INCOMBE AUX REPRÉSENTANTS DES PARTIES D’INFORMER LEUR CLIENT DE LA DATE, DE L’HEURE ET DE L’ENDROIT DE L’AUDIENCE SUSMENTIONNÉE.

ET PRENEZ AVIS QUE,si vous n’assistez pas à l’audience ou à toute continuation de cette dernière, la Commission peut régler la question selon la preuve et les observations faites à l’audience, sans autre avis.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

31        Le 21 novembre 2018, M. Guiste a communiqué avec le greffe de la Commission et a parlé à l’agent de gestion des cas responsable du dossier, et a demandé ce qui était nécessaire pour faire la demande d’un changement de lieu de l’audience. Il a été avisé qu’il devait présenter une demande pour le changement à la Commission.

32        Le 10 décembre 2018, à 9 h 36, le greffe de la Commission a envoyé un courriel aux parties et les a avisés que l’audience avait été raccourcie du rôle initial de cinq jours à trois jours et demi, pour se terminer à midi le 20 décembre 2018. Il leur a envoyé par courriel un « avis d’audience modifié » reflétant ce changement. Le reste des renseignements dans l’avis modifié était les mêmes que sur l’avis initial.

33        Le 10 décembre 2018, à 10 h 30, M. Guiste a envoyé un courriel au greffe de la Commission, indiquant ce qui suit : [traduction] « Un ajournement est nécessaire. Je préparerai la documentation si nécessaire. » Le greffe de la Commission a répondu par courrier électronique ce même matin à 10 h 48, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]J’accuse réception du courriel de M. Guiste du 10 décembre 2018, demandant une remise dans l’affaire mentionnée ci-dessus.

M. Guiste, je vous rappelle que vous êtes tenu d’envoyer une copie conforme au défendeur de tous les documents subséquents à venir déposés auprès de la Commission conformément à l’article 7 du Règlement. Par souci de courtoisie, j’ai transmis votre demande au défendeur, mais à l’avenir je vous rappelle que vous êtes tenus d’en faire autant conformément à l’article 7 du Règlement.

L’avocat du fonctionnaire est tenu de fournir plus de détails entourant la présente demande de remise avant que cette affaire soit renvoyée à la Commission pour examen.

[…]

34        M. Guiste a répondu au courriel à 11 h 49, indiquant : [traduction] « Accusé de réception avec gratitude. Je suis désolé. J’étais sur mon téléphone cellulaire. Je ferai un suivi bientôt. »

35        M. Guiste n’a donné aucune autre nouvelle jusqu’à ce qu’il envoie un courriel le vendredi 14 décembre 2018 à 16 h 25, qui se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

Mon client doit être en ville en raison de l’état de santé d’un proche. Par conséquent, il n’est pas en mesure de se déplacer en dehors de la ville actuellement pour se présenter à une audience à Ottawa.

Vu les circonstances – nous vous en serions reconnaissants si l’audience pouvait avoir lieu à Toronto ou par téléconférence.

Je regrette tout inconvénient.

[…]

36        Le 10 décembre 2018, à 16 h 51, l’avocat de l’employeur a répondu au courriel, indiquant ce suit :

[Traduction]

L’employeur ne consent pas à cette demande de dernière minute d’un changement de lieu. L’avis d’audience dans cette affaire a été envoyé aux parties le 21 novembre 2018, avec un avis modifié d’audience envoyé aux parties par courriel le lundi 10 décembre 2018. Comme la Commission en est pleinement consciente, ces dates sont considérées comme définitives. De plus, on rappelle aux parties dans cet avis qu’en cas de non-comparution à l’audience, la Commission pourrait régler la question selon la preuve et les représentations faites à l’audience.

On souligne également que l’avocat du fonctionnaire a demandé un ajournement sans donner trop d’explications ou de justifications, un peu plus tôt cette semaine. Malgré la demande de la Commission d’obtenir plus de « détails entourant la présente demande de remise », cette demande d’ajournement subséquente a été déposée après la fermeture des bureaux de la Commission, la veille du début de l’audience, avec très peu d’explications pour corroborer la demande.

De plus, la Commission a indiqué clairement dans ses messages précédents aux parties que l’audience prévue lundi serait consacrée, seulement, à aborder l’opposition de l’employeur concernant le respect des délais.

L’employeur sera présent aux bureaux de la Commission à 9 h 30 lundi matin, prêt à procéder avec son opposition concernant le respect des délais relativement à cette affaire.

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

37        M. Guiste a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Il est regrettable que vous refusiez une demande très raisonnable selon l’ensemble des circonstances.

Je vous demande respectueusement de réévaluer votre décision très dure.

[…]

38        Le paragraphe 9(1) du Règlement énonce ce qui suit :

9(1) Sous réserve du paragraphe (2), le document reçu par la Commission après seize heures, heure d’Ottawa, est réputé avoir été reçu le jour suivant qui n’est ni un samedi ni un jour férié.

39        Le greffe de la Commission n’a pas vu les courriels du 10 décembre 2018 de M. Guiste et de l’avocat pour l’employeur avant le lundi 17 décembre 2018, date à laquelle ils m’ont été transférés avec une demande d’instructions. J’ai exigé que la demande soit traitée au début de l’audience, qui devait débuter à 9 h 30.

40        À 9 h 30, j’ai assisté à l’audience à l’endroit indiqué dans l’avis d’audience et dans l’avis modifié d’audience. L’avocat de l’employeur, son témoin, M. Meilleur, et d’autres représentants de l’employeur y assistaient et étaient assis dans la salle d’audience. Ni le fonctionnaire ni M. Guiste n’y ont assisté.

41        L’avocat de l’employeur s’est opposé au fait de reporter l’audience et m’a demandé d’aborder l’opposition de l’employeur liée au délai.

42        En plus des documents déjà fournis le 19 septembre 2018, M. Meilleur a témoigné brièvement et a déposé en preuve les parties pertinentes de la convention collective et huit lettres exposant l’inconduite antérieure du fonctionnaire et la mesure disciplinaire imposée. M. Meilleur a témoigné en disant que seulement trois des mesures disciplinaires ont fait l’objet de griefs et qu’aucune d’entre elles n’ont été renvoyées à l’arbitrage devant la Commission ou ses prédécesseurs.

43        Les lettres exposant les mesures disciplinaires prises contre lui étaient des 26 et 28 février 2014, des 6, 12 et 19 mars 2014, et des 8 et 15 avril 2014, et une lettre finale n’était pas datée, mais selon son contenu, elle serait du 24 avril 2014 ou après cette date. Toutes les lettres contenaient une ligne qui se référait au fait qu’une téléconférence de recherche des faits avait été prévue et avait eu lieu, et que le fonctionnaire avait pris la décision de ne pas y participer. La lettre de licenciement faisait également référence à la téléconférence de recherche des faits à laquelle il avait pris la décision de ne pas participer.

C. La décision de la CAF dans 2016 CAF 132

44        Tel que cela a été indiqué, le fonctionnaire a demandé le contrôle judiciaire de la décision dans 2015 CRTEFP 64, et la demande a été rejetée dans 2016 CAF 132. Dans le mémoire déposé dans cette demande de contrôle judiciaire qu’il avait joint à sa demande, le fonctionnaire soutient que la CRTEFP aurait dû aborder son licenciement (du 14 mai 2014), qui fait l’objet du grief. Les parties de son mémoire qui abordent cette question sont les suivantes :

1. Dans l’énoncé préliminaire, là où il énonce les quatre erreurs commises dans 2015 CRTFP 64, la troisième erreur était la suivante :

[Traduction]

3.       L’arbitre de grief a commis une erreur lorsqu’il a refusé d’assumer sa compétence relativement au congédiement déguisé et dans la qualification de la conduite de l’employeur comme ne s’agissant pas d’une mesure disciplinaire, mais purement administrative, face aux faits suivants :

[…]

iii          Le demandeur a affirmé que, s’il était nécessaire de présenter un grief concernant son licenciement subséquent, il voulait le faire, mais son employeur a refusé de consentir à son grief.

          2. Dans la première partie de l’exposé des faits, au paragraphe 17, le fonctionnaire a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

17.     La décision de l’arbitre de grief n’énonce pas les raisons pour lesquelles les faits allégués suivants du demandeur n’ont pas été acceptés et n’équivalaient pas à une mesure disciplinaire :

[…]

4.         L’employeur a refusé de consentir à traiter du « congédiement déguisé ».

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

45        L’employeur a fait référence à son argument écrit dans sa demande déposée le 19 septembre 2018. Il s’est appuyé sur Brassard c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2013 CRTFP 102 ; Callegaro c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2012 CRTFP 110 ; Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CRTFP 31 ; Copp c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2013 CRTFP 33 ; Grouchy c. Administrateur général (ministère des Pêches et des Océans), 2009 CRTFP 92 ; Lagacé c. Conseil du Trésor (Commission de l'immigration et du statut de réfugié), 2011 CRTFP 68, Lawrence c. Agence du revenu du Canada, 2007 CRTFP 65 ; Martin c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences),2015 CRTFP 39, Reid-Moncrieffe c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2014 CRTFP 25 ; Schenkman c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2004 CRTFP 1.

46        L’employeur a également soutenu que l’inconduite qui a causé le licenciement du fonctionnaire était le prolongement d’inconduites similaires qui ont entraîné le fait que des suspensions et des pénalités financières lui ont été imposées. Il m’a renvoyé au principe de l’incident culminant énoncé dans Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration,4e édition, au paragraphe 7 : 4310, et dans Wyborn c. Agence Parcs Canada, 2001 CRTFP 113.

IV. Motifs

47        Pour les motifs qui suivent, je conclus ce qui suit :

  1. Le grief est hors délai;
  2. La demande visant à obtenir un changement de lieu est rejetée;
  3. Aucun ajournement (remise) ne sera accordé;
  4. Aucune prorogation de délai ne sera accordée;
  5. Le grief est rejeté.

A. Respect des délais

48        L’article 40 de la convention collective prévoit notamment qu’un employé peut présenter un grief au premier palier de la procédure au plus tard le 25e jour suivant la date à laquelle il est informé verbalement ou par écrit, ou qu’il prend connaissance de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief. En ce qui a trait à un grief contre un licenciement, la même limite du 25e jour s’applique, sauf que l’employeur se limite à le soumettre au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, contournant ainsi tous les autres paliers.

49        Le fonctionnaire a été congédié le 14 mai 2014. Même si on ne sait pas exactement avec certitude à quelle date il a reçu la lettre du 14 mai, il est évident, selon un examen du dossier 566-02-9676 et de la décision 2015 CRTFP 64, qu’il était clairement conscient que son employeur l’avait congédié, pour les raisons suivantes :

  • Son avocat a écrit un courriel le 21 mai 2014, à 15 h 39, en y faisant référence comme suit :

    [Traduction]

    […]

    L’employeur a récemment prétendu congédier le travailleur – en dépit de sa propre allégation de congédiement déguisé.

    […]

  • Les arguments écrits de son avocat le 19 décembre 2014 y ont fait référence comme suit :

    [Traduction]

    […]

    Le fonctionnaire a fourni à l’employeur un avis de son intention de présenter un grief à la suite du prétendu congédiement sur lequel ils se fondent – dans le cas où une telle mesure s’impose – mais ils ont refusé de donner leur consentement sans motif raisonnable et l’agent négociateur avait antérieurement retiré son appui au fonctionnaire;

    […]

  • Au paragraphe 47 de la décision 2015 CRTFP 64, l’arbitre de grief a indiqué ce qui suit :

    [Traduction]

    [47] Le fonctionnaire et l’employeur ont renvoyé au licenciement du fonctionnaire quelques mois après le dépôt du grief dont je suis saisi. Cette question ne pas fait partie du grief et doit être déposée et renvoyée à l’arbitrage conformément à la LRTFPet au Règlement sur les relations de travail dans la fonction publique(DORS/2005-79).

50        De toute évidence, dans ses actions au dossier 566-02-9676 (décision 2015 CRTFP 64), le fonctionnaire a fait référence à son licenciement. L’arbitre de grief en a précisé autant dans cette décision au paragraphe 47, indiquant plus particulièrement que le fonctionnaire (et l’employeur) a fait référence au licenciement du fonctionnaire quelques mois après le dépôt du grief. Ce licenciement est celui qui est énoncé dans la lettre du 14 mai, et il fait l’objet du présent grief. Le fonctionnaire y a fait référence à nouveau dans ses arguments à la CAF dans sa demande de contrôle judiciaire.

51        Le fonctionnaire a déposé un grief contre son licenciement le 12 mai 2016, ou aux environs de cette date. Par coïncidence, il s’agissait de 14 jours après le rejet de sa demande de contrôle judiciaire par la CAF. Dans son mémoire déposé dans sa demande de contrôle judiciaire, le fonctionnaire a fait référence au licenciement, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

  • Dans l’énoncé préliminaire, là où il énonce les quatre erreurs commises dans 2015 CRTFP 64, la troisième erreur était la suivante :

    3. L’arbitre de grief a commis une erreur lorsqu’il a refusé d’assumer sa compétence relativement au congédiement déguisé et dans la qualification de la conduite de l’employeur comme ne s’agissant pas d’une mesure disciplinaire, mais purement administrative, face aux faits suivants :

    […]

    iii. Le demandeur a affirmé que, s’il était nécessaire de présenter un grief concernant son licenciement subséquent, il voulait le faire, mais son employeur a refusé de consentir à son grief.

  • Dans la première partie de l’exposé des faits, au paragraphe 17, le fonctionnaire a indiqué ce qui suit :

    17. La décision de l’arbitre de grief n’énonce pas les raisons pour lesquelles les faits allégués suivants du demandeur n’ont pas été acceptés et n’équivalaient pas à une mesure disciplinaire :

    […]

    4. L’employeur a refusé de consentir à traiter du « congédiement déguisé ».

52        Par conséquent, je conclus que le fonctionnaire était conscient de son licenciement le 21 mai 2014 et que, s’il régnait de la confusion, elle a certainement été écartée en décembre 2014, étant donné que son avocat y a fait référence dans ses arguments à la CRTEFP dans ce qui deviendrait la décision dans 2015 CRTEFP 64.

53        Étant donné que le grief a été déposé le 16 mai 2016, et que le fonctionnaire était au courant du licenciement à une période située entre le 14 mai et le 21 mai 2014, son grief était considéré hors délai de 22 à 23 mois et, par conséquent, n’a pas été déposé dans la limite de 25 jours énoncée à l’article 40 de la convention collective.

B. Changement de lieu

54        Le 26 juillet 2018, les parties ont été avisées par écrit que l’audience dans cette affaire était prévue à Ottawa la semaine du 17 décembre 2018. L’adresse du fonctionnaire au dossier était à Markham (Ontario), mais son lieu de travail était à Ottawa, comme il est indiqué dans les documents déposés auprès de la Commission.

55        Entre le 26 juillet et le 21 novembre 2018, le fonctionnaire ne mentionnait aucunement, et demandait encore moins, un changement de lieu de l’audience dans un lieu ailleurs qu’Ottawa. Le 21 novembre 2018, aucune demande de changement de lieu n’a été reçue; il s’agissait simplement d’une demande de M. Guiste concernant la procédure. Entre le 21 novembre et le 14 décembre 2018, aucune demande en ce sens n’a été reçue. Le lundi 10 décembre 2018, M. Guiste a écrit à la Commission, indiquant simplement ce qui suit : [traduction] « Un ajournement est nécessaire. Je préparerai la documentation si nécessaire. » Le greffe de la Commission a répondu à M. Guiste ce même matin par courriel 18 minutes plus tard, indiquant ce qui suit :

[Traduction]

[…]

J’accuse réception du courriel de M. Guiste du 10 décembre 2018, demandant une remise dans l’affaire mentionnée ci-dessus.

M. Guiste, je vous rappelle que vous êtes tenu d’envoyer une copie conforme au défendeur de tous les documents subséquents à venir déposés auprès de la Commission conformément à l’article 7 du Règlement. Par souci de courtoisie, j’ai transmis votre demande au défendeur, mais à l’avenir je vous rappelle que vous êtes tenus d’en faire autant conformément à l’article 7 du Règlement.

L’avocat du fonctionnaire est tenu de fournir plus de détails entourant la présente demande de remise avant que cette affaire puisse être renvoyée à la Commission pour examen.

 […]

 [Les passages soulignés le sont dans l’original]

56        M. Guiste a accusé réception de cette réponse approximativement une heure plus tard en indiquant simplement : [traduction] « Accusé de réception avec gratitude. Je suis désolé. J’étais sur mon téléphone cellulaire. Je ferai un suivi bientôt. » Bien que le greffe de la Commission ait avisé M. Guiste qu’il devrait faire une demande à la Commission avec plus de renseignements et lui ait rappelé d’en envoyer une copie conforme au représentant de l’employeur, et bien que M. Guiste ait affirmé faire un suivi bientôt, le greffe de la Commission n’a rien reçu jusqu’à un courriel le vendredi 14 décembre 2018 à 16 h 25, dans lequel M. Guiste a simplement écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Mon client doit être en ville en raison de l’état de santé d’un proche. Par conséquent, il n’est pas en mesure de se déplacer en dehors de la ville actuellement pour se présenter à une audience à Ottawa.

Vu les circonstances – nous vous en serions reconnaissants si l’audience pouvait avoir lieu à Toronto ou par téléconférence.

[…]

57        La demande du fonctionnaire comporte deux problèmes importants, qui ne sont pas nécessairement mutuellement exclusifs. Il s’agit 1), du moment de la demande, et 2), des renseignements qu’elle contient.

58        En ce qui concerne les griefs individuels, la Commission prévoit des audiences dans des milieux urbains près du lieu de travail où ils ont été déposés. Dans la plupart des cas, cette pratique ne pose aucun problème étant donné que tous ceux qui sont étroitement concernés par le grief sont situés sur les lieux ou près des lieux de l’audience. Toutefois, à l’occasion, un fonctionnaire peut avoir déménagé de la région du lieu de travail. Cela peut poser un défi à cause de l’endroit où les témoins sont situés. En l’espèce, le fonctionnaire semble avoir travaillé à Ottawa; toutefois, à un certain moment, l’adresse inscrite à son dossier est devenue Markham. Même s’il est peut-être parti d’Ottawa, son lieu de travail est resté là, et les événements qui ont mené aux mesures disciplinaires se sont probablement passés là. Cela étant, il est fort probable que les témoins pertinents à l’audience y seraient encore.

59        Il incombe à la partie qui cherche à changer le lieu de l’audience d’en faire la demande à la Commission et de demander le changement dès que possible. Des raisons claires, logiques et convaincantes devraient être apportées de sorte que l’autre partie (ou les autres parties) à l’audience puisse tenir compte de la demande et déterminer si elle souhaite y consentir ou s’y opposer. La Commission peut ensuite déterminer, selon autant de renseignements possibles, le meilleur lieu de l’audience.

60        En l’espèce, le seul renseignement qui a été fourni en ce qui concerne la demande du changement  de lieu de l’audience était la suggestion selon laquelle le fonctionnaire ne pouvait pas se déplacer à Ottawa en raison de problèmes de santé d’un proche; sans plus. Il aurait pu et aurait dû fournir plus de détails en ce qui concerne sa relation avec ce proche et la raison pour laquelle les problèmes de santé de cette personne ont entravé sa capacité à se présenter à l’audience.

61        Il n’est pas suffisant qu’une partie qui a été consciente à la fois de la date et du lieu de l’audience depuis près de cinq mois attende jusqu’au tout début de l’audience pour demander un changement de lieu, tout en fournissant très peu de renseignements, voire aucun.

C. Demande d’ajournement ou de remise

62        Le vendredi 14 décembre 2018, à 16 h 25, M. Guiste a envoyé ce qui suit par courrier électronique :

[Traduction]

[…]

Mon client doit être en ville en raison de l’état de santé d’un proche. Par conséquent, il n’est pas en mesure de se déplacer en dehors de la ville actuellement pour se présenter à une audience à Ottawa.

Vu les circonstances – nous vous en serions reconnaissants si l’audience pouvait avoir lieu à Toronto ou par téléconférence.

[…]

63        Le paragraphe 9(1) du Règlement prévoit qu’un document reçu par la Commission après 16 h, heure d’Ottawa, est réputé être reçu le lendemain sauf le samedi ou un jour férié. La Loi, le Règlement ou la Loi d’interprétation (L.R.C. (1985), ch. I-21) ne définissent pas le terme « document ». La Loi sur les Cours fédérales (L.R.C. (1985), ch. F-7), les Règles des Cours fédérales (DORS/98-106), ou la Loi sur les tribunaux judiciaires (L.R.O. 1990, ch. C.43), de l’Ontario, avec ses modifications, ne le définissent pas non plus.

64        Toutefois, le mot est défini dans les Règles de procédure civile de l’Ontario, R.R.O. 1990, règlement 194, prises aux termes de la Loi sur les tribunaux judiciaires. La règle 1.03 concerne les définitions, et le mot « document » est défini comme suit : « S’entend en outre des données et des renseignements qui se présentent sous forme électronique ». « Électronique » est également défini dans ces règles, comme suit :

[…] S’entend notamment de ce qui est créé, enregistré, transmis ou mis en mémoire sous une forme intangible, notamment numérique, par des moyens électroniques, magnétiques ou optiques ou par d’autres moyens capables de créer, d’enregistrer, de transmettre ou de mettre en mémoire de manière similaire à ceux-ci. Le terme « par voie électronique » a un sens correspondant […]

65        De plus, je note que les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985), ch. C-5) qui énoncent des règles concernant le traitement des « documents électroniques » (articles 31.1 à 31.5) précisent que les documents électroniques, tels que les courriels, sont considérés comme une forme de document.

66         Le terme « document » est également défini dans le Black’s Law Dictionary, 8e édition, comme [traduction] « une chose concrète sur laquelle des mots, des symboles et des signes sont enregistrés ». Le Canadian Oxford Dictionary, 2e édition, le définit comme [traduction] « 1un morceau de matériel écrit ou imprimé qui fournit un dossier de preuves ou d’événements […]; 2Informatiser un fichier, plus particulièrement un fichier texte ».

67        De plus, les tribunaux commencent de plus en plus à traiter les communications électroniques telles que des courriels comme tout autre type de document (voir, par exemple, Pierre c. Canada (Agence des services frontaliers), 2016 CAF 124, aux paragraphes 13 à 15).

68        Par conséquent, je conclus qu’un courriel correspond à la définition d’un document, ainsi, conformément au paragraphe 9(1) du Règlement, le courriel du fonctionnaire daté du 14 décembre 2018 à 16 h 25 a été reçu par le greffe de la Commission le 17 décembre 2018. Si je fais erreur dans mon interprétation, alors, de toute façon, ni moi-même ni personne dans le greffe de la Commission n’ont vu sa demande avant le matin du 17 décembre 2018.

69        Bien que l’avocat du fonctionnaire ait envoyé un bref courriel le 10 décembre 2018, indiquant simplement que le fonctionnaire demandait un ajournement, il n’a pas fourni d’autres renseignements. Le greffe de la Commission  a répondu 28 minutes plus tard et lui a demandé de fournir plus de renseignements. Une heure plus tard, l’avocat du fonctionnaire a répondu et a indiqué qu’il ferait le suivi bientôt. Aucune réponse de sa part n’a été reçue jusqu’au courriel du vendredi 14 décembre 2018 à 16 h 25, demandant un changement de lieu.

70        La demande qu’a reçue la Commission ne concernait pas un ajournement ou une remise de l’audience, mais un changement de lieu. Le seul renseignement que l’avocat du fonctionnaire a fourni était celui selon lequel un proche inconnu du fonctionnaire était malade, donc le fonctionnaire ne pouvait pas se présenter à l’audience à Ottawa. Ce renseignement était trop peu, trop tard.

71        À l’audience, l’avocat de l’employeur a indiqué qu’à aucun moment il n’a parlé à l’avocat du fonctionnaire; l’avocat du fonctionnaire ne lui a pas non plus laissé de messages vocaux.

72        Le fonctionnaire et son avocat étaient bien conscients de la date, de l’heure et du lieu de l’audience, et ils n’ont fourni presque aucun renseignement concernant la raison pour laquelle l’audience ne devrait pas avoir lieu. À tout le moins, même si le fonctionnaire n’était pas en mesure de se présenter à l’audience, cela n’explique pas l’absence de son représentant légal qui, peut-on supposer, avait réservé la semaine entière pour statuer sur la question.

73        Dans Fletcher c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences),2007 CRTFP 39, la CRTFP a été confrontée à une demande de remise de la part d’un représentant de la fonctionnaire. La fonctionnaire ne s’était pas présentée à l’audience de son grief contre son licenciement et n’avait fourni aucune excuse pour son absence. La Commission a déclaré qu’il est reconnu, dans la jurisprudence d’arbitrage, qu’un employeur possède un intérêt légitime dans le règlement rapide d’un différend. Elle a également déclaré que l’un des intérêts qui entrent en jeu dans le cadre d’auditions d’arbitrage de griefs est l’intérêt public général lors de l’examen des demandes de rejet au motif de l’abandon.Cet intérêt public a été décrit comme suit au paragraphe 36 :

[36] […] Il s’agit de l’intérêt du public à l’égard d’une administration efficiente de la justice qui évite les délais indus, favorise le règlement final des différends et est respectée par les parties. Cet intérêt constitue une préoccupation en l’espèce, dans la mesure où la fonctionnaire s’estimant lésée ne semble pas avoir contribué aux efforts visant à lui fournir une audience et semble avoir fait abstraction des avis et des directives du président. Jusqu’à un certain point, la décision d’accorder un délai supplémentaire, dans ce contexte, pourrait être interprétée comme une récompense accordée pour un comportement qui mine un processus de règlements des différends efficace.

74        Je souscris aux commentaires dans Fletcher,et ils peuvent s’appliquer dans le contexte de la présente espèce.

D. Prorogation du délai

75        Pour les motifs indiqués ci-dessus dans la décision, le grief est hors délai. Malgré cela, le Règlement prévoit la prorogation des délais pour la soumission d’un grief.

76        L’alinéa 61b) du Règlement indique ce qui suit :

Prorogation de délai

61 Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

  1. soit par une entente entre les parties;
  2. soit par le président, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

77        La Commission et ses prédécesseurs ont établi une jurisprudence abondante en ce qui concerne l’article 61 du Règlement pour le moment où le grief est hors délai et l’employeur s’y est opposé. Schenkman présente le critère bien établi qui a été appliqué dans les cas où une demande de prorogation des délais pour soumettre un grief a été déposée.

78        L’employeur a abordé le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs le 13 juin 2016. Il a rejeté le grief uniquement en fonction du fait qu’il était hors délai, comme il est énoncé à l’article 40 de la convention collective. Quand le fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage devant la Commission, l’employeur s’y est opposé en raison du respect des délais.

79        En juillet, le grief devait être entendu la semaine du 17 au 21 décembre 2018, dans les salles d’audience de la Commission à Ottawa. À ce moment-là, les parties ont été avisées que les dates d’audience étaient définitives. Le 19 septembre 2018, l’employeur a demandé par écrit que le grief soit rejeté. Il a fondé son opposition à la compétence de la Commission sur la question des délais qui avait déjà été soulevée au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et après le renvoi à la Commission aux fins d’arbitrage.

80        Le 4 octobre 2018, en réponse à la demande de l’employeur de rejeter le grief, le fonctionnaire a simplement répondu à la partie qui portait sur la dispense d’une audience. Il n’a pas abordé la question du délai pour le dépôt des griefs et n’a même pas demandé une prorogation des délais. Le fonctionnaire a seulement fait référence à ses affirmations précédentes selon lesquelles il a été victime d’un congédiement déguisé (la demande rejetée dans 2015 CRTFP 64 (cette décision a été confirmée dans 2016 CAF 132)). La seule précision qu’il a apportée concernant le délai pour le dépôt des griefs était une allusion au litige précédent; il a allégué que c’était toujours en cours, ce qui a rendu d’une façon quelconque les questions de l’avis et des délais théoriques. Ce n’était pas le cas.

81        À ma demande, le greffe de la Commission a écrit aux parties, signalant que le fonctionnaire a seulement abordé la question de l’opposition de l’employeur concernant l’audience et demandant qu’il aborde le reste des oppositions. À cet effet, l’avocat du fonctionnaire a écrit au greffe de la Commission le 18 octobre 2018. Encore une fois, il n’a pas répondu à la demande de rejet de l’employeur; il a plutôt fait référence à l’allégation du congédiement déguisé.

82        Bien qu’elle ait donné deux possibilités par écrit afin de traiter la demande, la Commission a écrit aux parties le 23 octobre 2018, et les a avisées que les journées d’audience prévues du 17 au 21 décembre 2018 seraient consacrées à aborder l’opposition de l’employeur concernant le respect des délais.

83        Malgré toutes ces mesures prises dans le but que le fonctionnaire se présente à l’audience, non seulement il ne s’y est pas présenté, mais son avocat ne s’y est pas non plus présenté. Malgré toutes les possibilités d’aborder l’opposition de l’employeur concernant le respect des délais, le fonctionnaire n’a pas seulement omis de traiter de la question, mais il a également omis de demander une prorogation des délais, conformément au Règlement.

84        Même si j’accordais le bénéfice du doute au fonctionnaire et que je laissais entendre de façon quelconque qu’il a demandé une prorogation des délais en vertu du Règlement, il n’y a absolument aucune preuve dans la documentation présentée devant la Commission qui répond au critère Schenkman.

85        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

86        La demande du changement de lieu de l’audience est rejetée.

87        Aucun ajournement et aucune remise de l’audience ne seront accordés.

88        Le grief est hors délai.

89        Aucune prorogation du délai ne sera accordée.

90        Le grief est rejeté.

Le 19 février 2019.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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