Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’emploi de la fonctionnaire s’estimant lésée a pris fin en 2004 – elle a déposé son grief en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) – l’arbitre de grief a initialement confirmé son licenciement, mais après un contrôle judiciaire, l’affaire lui a été renvoyée, pour nouvelle décision – dans la nouvelle décision, il a annulé le licenciement et l’a remplacé par une suspension de 20 jours – d’autres audiences ont ensuite eu lieu en ce qui concerne la mise en œuvre de sa décision, y compris la détermination de la réparation appropriée – il a ordonné la réintégration de la fonctionnaire s’estimant lésée – la jurisprudence indique clairement qu’un arbitre de grief assujetti à la LRTFP n’a pas le pouvoir d’ordonner une indemnisation au lieu d’une réintégration – pour ce qui est des dommages auxquels la fonctionnaire s’estimant lésée avait droit pour perte de salaire, elle avait l’obligation d’atténuer ses pertes – l’employeur assumait le fardeau de démontrer qu’elle avait omis de faire des efforts raisonnables pour trouver du travail et qu’elle pouvait en trouver – il n’était pas contesté que la fonctionnaire s’estimant lésée avait quitté le marché du travail après le licenciement – elle avait été en mesure de chercher du travail et n’a fourni aucune explication raisonnable pour ne pas y être parvenue – par conséquent, le fardeau assumé par l’employeur en l’espèce est minime – on pourrait raisonnablement conclure qu’elle aurait été en mesure de trouver un autre emploi dans la période de 12 ans suivant son licenciement et la décision de la réintégration – l’employeur n’était pas tenu de trouver un poste qu’elle pouvait occuper pour calculer les dommages – par conséquent, l’arbitre de grief a conclu qu’elle n’avait droit qu’à 10,5 mois de dommages équivalant à son salaire, ce qui représente une période raisonnable d’ajustement et de mise à jour de ses compétences pour effectuer une recherche d’emploi dans un domaine semblable – elle s’est aussi vu accorder une majoration des dommages pour compenser l’imposition – de plus, elle s’est vu accorder la valeur de son droit à pension depuis la date de son licenciement jusqu’à sa réintégration.

Décision terminée.
Réintégration et dommages accordés en partie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190220
  • Dossier:  166-02-34330, 34331, 34767 et 34768
  • Référence:  2019 CRTESPF 26

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARGARET HAYDON

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Santé)

employeur

Répertorié
Haydon c. Administrateur général (ministère de la Santé)


Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique


Devant:
Ian Mackenzie, arbitre de grief
Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
David Yazbeck, avocat
Pour l'employeur:
Caroline Engmann, avocate
Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 4 et 5 juillet et le 16 octobre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1        La Dre Margaret Haydon a été licenciée en 2004. Dans une décision rendue en 2011 (Chopra c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2011 CRTFP 99), j’ai confirmé son licenciement. En contrôle judiciaire, la Cour fédérale (dans Chopra c. Canada (Procureur général), 2014 CF 246) m’a renvoyé son grief pour licenciement aux fins de nouvel examen, conformément à ses motifs (confirmés par la Cour d’appel fédérale (CAF) dans 2015 CAF 205). Dans la décision relative au nouvel examen (Chopra c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2016 CRTEFP 89), j’ai annulé le licenciement de la Dre Haydon et remplacé par une suspension de 20 jours. J’ai conservé compétence pour la mise en œuvre de la décision comme l’indique le paragraphe 113, qui se lit ainsi :

[113] Je demeurerai saisi de toutes les questions liées à la mise en œuvre de la présente détermination de la sanction disciplinaire appropriée. Je n’ai pas entendu les arguments des parties relativement à la réparation appropriée dans l’éventualité où le grief de licenciement serait accueilli et remplacé par une sanction moindre. Je laisserai le soin aux parties de régler la question de la réparation appropriée. Je demeurerai saisi de l’affaire pendant 120 jours dans l’éventualité où les parties ne parviendraient pas à s’entendre.

2        Le ministère de la Santé (« Santé Canada » ou l’« employeur ») a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de ma décision en invoquant trois moyens : 1) j’avais manqué à mon obligation d’équité procédurale en ne donnant pas au procureur général la possibilité de présenter des observations sur la réparation indiquée; 2) je n’avais pas respecté l’ordonnance de la Cour fédérale en ne donnant pas aux parties la possibilité de présenter des observations sur la réparation; 3) le remplacement du congédiement par une suspension était déraisonnable parce que la relation d’emploi était devenue intenable. Dans Canada (Procureur général) c. Haydon, 2018 CAF 88, rendue le 4 mai 2018, la CAF a rejeté la demande de contrôle judiciaire au motif qu’elle était prématurée. Elle a tiré la conclusion qui suit aux paragraphes 6 à 8 :

[6] Par conséquent, le processus administratif ne sera pas terminé tant que l’arbitre n’aura pas exercé ou refusé d’exercer la compétence qu’il a conservée. Selon ce que l’arbitre décide concernant l’étendue de cette compétence et son exercice judicieux, les questions soulevées par le procureur général dans la présente demande pourraient ne plus se poser. Une décision judiciaire ne serait alors plus nécessaire.

[7] Par exemple, si l’arbitre conclut que sa compétence lui permet d’ordonner le versement d’une indemnité tenant lieu de réintégration, et qu’il rend une ordonnance en ce sens, le procureur général pourrait voir disparaître sa préoccupation concernant la réintégration de la Dre Haydon dans une relation d’emploi devenue intenable. S’il persiste des différends entre les parties et que l’une d’elles sollicite un contrôle judiciaire, la Cour disposera alors des conclusions de l’arbitre et du point de vue qu’il a exprimé dans sa nouvelle décision. […]

[8] Pour ces motifs, je rejetterais la demande parce qu’elle est prématurée, et ce, sans porter atteinte au droit du procureur général de soulever les moyens qu’il expose maintenant (ainsi que tous les autres moyens appropriés) dans le cadre d’une nouvelle demande de contrôle judiciaire après la conclusion de l’instance devant l’arbitre.[…]

3        Les 4 et 5 juillet 2018, la mise en œuvre de ma décision a fait l’objet d’une audition orale; des arguments écrits ont par la suite été présentés le 26 juillet, le 31 août, ainsi que les 21 et 24 septembre 2018. Les parties ont convenu de tenir une autre audience orale le 16 octobre 2018.

4        Au début de l’audience, les parties ont fourni des documents et des articles de presse à présenter en tant que pièces. Une objection à leur dépôt a été soulevée. Ces documents portent sur des données démographiques et des tendances relatives au marché du travail. J’ai tranché en disant qu’ils n’étaient que d’une pertinence limitée aux fins de la procédure. Ils aidaient cependant à situer les arguments des parties. J’ai donc autorisé les parties à les présenter, mais j’ai décidé de surseoir à ma décision sur leur importance, qui serait pratiquement nulle, comme je l’ai indiqué. J’ai toutefois mentionné que je rendrais ma décision sur cette importance à leur accorder uniquement après la présentation des arguments finaux.

5        Après les deux premiers jours d’audience, en juillet 2018, les parties ont présenté d’autres arguments écrits. L’employeur s’est opposé à certains d’entre eux au motif qu’ils ne constituaient pas des arguments en réponse adéquats. L’audition a repris en octobre 2018 afin de régler ce problème et celui du témoignage supplémentaire (abordé plus tard en l’espèce). J’ai accueilli les arguments écrits afin d’avoir des arguments complets sur les questions en litige.

6        La Dre Haydon, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a témoigné le 4 juillet 2018. Dans ses arguments écrits, l’employeur a soulevé une question au sujet d’une apparition qu’elle avait faite dans les médias après son licenciement, ce qui contredit son témoignage précédent, où elle avait indiqué n’avoir interagi d’aucune façon avec les médias après son licenciement. Son avocat a fait valoir qu’elle devrait avoir l’autorisation de témoigner sur cette question pointue. Je lui ai exceptionnellement permis de témoigner. J’ai mentionné qu’il était habituellement inapproprié de rappeler un témoin après la fin de son témoignage puisqu’il aurait été possible d’obtenir cet élément de preuve en contre-interrogatoire. Le témoignage était toutefois pertinent aux questions dont je suis saisi et il était préférable de l’avoir au dossier.

7        Le 1er avril 2005, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), adoptée en vertu de l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22) a été proclamée en vigueur. Conformément à l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce genre de renvoi à l’arbitrage doit être traité selon les dispositions prévues dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-35; la LRTFP).

8        Le 1er novembre 2014, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, article 365; la « LCRTEFP ») a été proclamée en vigueur (TR/2014-84), et a créé la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP »), qui remplace la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») et le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Le même jour, les modifications corrélatives et transitoires édictées par les articles 366 à 466 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 (L.C. 2013, ch. 40) sont aussi entrées en vigueur (TR/2014-84). Conformément à l’article 396 de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, un arbitre saisi d’un grief avant le 1er novembre 2014, comme je l’étais en l’espèce, peut continuer, à la demande du président de la CRTEFP, d’entendre et de trancher tout grief dont il était saisi avant ce jour et il peut continuer d’exercer les pouvoirs d’un arbitre de grief prévus dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 2) (la « LRTFP »), telle que se lisait la Loi immédiatement avant cette date.

9        Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale, et a modifié le nom de la CRTEFP et les titres de la LCRTEFP et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

A. Réparations demandées

10        La fonctionnaire a demandé les réparations suivantes :

  • la réintégration immédiate à son ancien poste;
  • un salaire rétroactif jusqu’à la date de la réintégration;
  • le rétablissement de tous les droits de congé (congé annuel, congé de maladie et autres droits prévus dans la convention collective pertinente) pour la période écoulée depuis son licenciement;
  • la majoration des dommages afin de tenir compte des conséquences liées à l’impôt sur le revenu ou le fractionnement des versements de manière à réduire au minimum ces conséquences;
  • le remboursement des honoraires professionnels;
  • un droit à pension complet de la date du licenciement à la date de réintégration, ce qui comprend la mise à jour de toutes ses cotisations;
  • l’offre, par l’employeur, de la formation appropriée et de tout autre soutien requis afin de l’aider à retourner au travail.

11        L’employeur était d’avis que la réintégration n’était pas convenable et qu’un paiement en remplacement de la réintégration constituait la réparation appropriée. Il a aussi fait valoir que la fonctionnaire n’avait pas limité son préjudice et qu’elle ne devrait recevoir aucun paiement en dommages.

II. Les questions

12        Les questions liées à la mise en œuvre de ma décision rendue dans 2016 CRTFP 89 à l’égard de la Dre Haydon se lisent ainsi :

  1. Un arbitre de grief a-t-il compétence pour ordonner un paiement en remplacement d’une réintégration et, le cas échéant, devrait-il ordonner le versement d’un tel paiement?
  2. La fonctionnaire s’est-elle acquittée de son obligation de limiter son préjudice?
  3. À quel montant de dommages la fonctionnaire a-t-elle droit?
  4. Ces dommages pourraient-ils être assujettis à une majoration ou à un fractionnement afin de limiter sa dette fiscale?
  5. La fonctionnaire a-t-elle droit d’obtenir des avantages sociaux en vertu de la convention collective pertinente pour la période pendant laquelle elle n’a pas travaillé?
  6. Quelles sont les répercussions d’une réintégration sur la pension?
  7. La fonctionnaire a-t-elle droit au remboursement de ses droits d’inscription?
  8. Est-il approprié d’ordonner à l’employeur d’offrir une formation à la fonctionnaire?

III. Résumé de la preuve

13        Au moment de son licenciement, le 14 juillet 2004, la Dre Haydon était âgée de 55 ans. Elle a eu 65 ans en 2014. Au moment de l’audition, elle avait 69 ans.

14        La fonctionnaire comptait 22,5 années de service au gouvernement fédéral au moment de son licenciement. Elle travaillait à Santé Canada depuis 21 ans.

15        Au moment de son licenciement, elle se trouvait en congé de maladie et devait retourner au travail le 30 novembre 2004. La Dre Haydon a présenté une série de billets médicaux qui attestaient qu’elle n’était pas en mesure de travailler; le dernier était valide jusqu’au 30 novembre 2004. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle était absente en raison d’un « congé lié au stress ». Elle a indiqué qu’elle n’avait pas demandé à son médecin de lui fournir d’autres billets après le 30 novembre 2004 parce qu’elle avait été licenciée.

16        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle n’a pas cherché un autre emploi après son licenciement. Elle a indiqué que le processus de règlement des griefs et la procédure d’arbitrage lui prenaient trop de son temps. Elle a indiqué qu’elle n’avait [traduction] « pas le temps de penser à autre chose ». En contre-interrogatoire, elle a indiqué qu’elle n’avait pas fait le suivi du temps consacré à se préparer pour l’audience et à y participer. Elle était d’accord avec le fait qu’à certains moments, elle ne se préparait pas aux audiences et n’y participait pas.

17        La Dre Haydon a conservé son affiliation à l’Ordre des vétérinaires de l’Ontario et à d’autres associations de vétérinaires. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle avait choisi un statut d’affiliation en tant que membre non pratiquant ou à la retraite en raison du coût de l’affiliation complète. Elle a participé à des activités d’apprentissage continu après son licenciement, au cours desquels elle a été ostracisée, selon son témoignage.

18        Elle a indiqué dans son témoignage que son licenciement lui a causé un stress financier et émotionnel. Elle a indiqué que les audiences étaient stressantes et qu’elle souffrait de crises de pleurs et d’insomnie. Elle a aussi renvoyé à un évanouissement pour lequel elle n’a obtenu aucune aide médicale.

19        La fonctionnaire a reçu des prestations d’assurance-emploi (AE) pendant environ quatre ou cinq mois après son licenciement. En contre-interrogatoire, elle a affirmé que les représentants de l’AE n’avaient pas exigé d’elle qu’elle cherche un emploi.

20        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait pas posé sa candidature pour des postes de vétérinaire parce qu’elle aurait dû faire une rééducation professionnelle pour retourner à la pratique clinique et en raison de la stigmatisation liée à son congédiement. Elle a mentionné qu’elle n’exerçait plus la médecine vétérinaire privée depuis de nombreuses années et qu’elle aurait dû suivre une rééducation professionnelle approfondie. Elle a aussi mentionné qu’elle ne pouvait tout simplement pas s’absenter de son travail pour assister à une audience.

21        En contre-interrogatoire, on a demandé à la fonctionnaire si elle avait cherché un emploi dans une animalerie. Elle a répondu que son expertise était liée au bétail, et non aux animaux de compagnie. On lui a aussi demandé si elle avait cherché un emploi en jardinage (une activité de bénévolat mentionnée). Elle a répondu qu’en raison de l’arbitrage en cours, elle ne pouvait pas prévoir sa disponibilité à travailler. On lui a aussi demandé si elle avait approché des organisations de dénonciation, qui les avaient soutenus, ses collègues et elle, afin d’obtenir un emploi. Elle a répondu qu’elle ne l’avait pas fait, parce qu’elle aurait pu [traduction] « les mettre en péril » et elle ne voulait pas qu’ils se sentent obligés de l’embaucher. Elle a aussi affirmé qu’elle ne croyait pas être qualifiée pour faire ce genre de travail.

22        La Dre Haydon a demandé à recevoir sa pension de la fonction publique en 2006. Elle a présenté une demande de prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) et de Sécurité de la vieillesse (SV) en 2014, à l’âge de 65 ans. Elle a indiqué dans son témoignage que ces prestations auraient été plus élevées si elle avait attendu jusqu’à l’âge de 70 ans avant de les demander.

23        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle croyait encore pouvoir réintégrer son poste, en 2011, lorsque la première décision d’arbitrage (2011 CRTFP 99) a été rendue. Elle a aussi mentionné que la couverture médiatique l’avait stigmatisée de nouveau en plus de nuire à ses possibilités d’emploi. Elle a aussi mentionné qu’elle croyait toujours que sa réintégration était possible en 2013.

24        On a demandé à la fonctionnaire pendant combien d’années elle aurait travaillé si elle n’avait pas été licenciée. Elle a répondu que c’était [traduction] « difficile à estimer au jugé ». Elle a affirmé qu’elle était encore en bonne santé. Elle a mentionné qu’elle aurait « définitivement » travaillé jusqu’à 65 ans et probablement après.

25        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle avait réussi à économiser après son licenciement en faisant ses achats dans des friperies et en achetant des articles plus gros en vente.

26        La fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’elle avait participé à des activités de bénévolat depuis son licenciement, y compris en faisant du jardinage et œuvrant dans une association d’artistes.

27        Le 26 septembre 2016, l’employeur a écrit à l’avocat de la fonctionnaire au sujet de la mise en œuvre de la décision rendue le 22 septembre 2016 (2016 CRTFP 89). L’employeur a demandé d’obtenir des preuves des efforts d’atténuation ainsi que des déclarations de revenus pour les années visées. Il a également mentionné que la Dre Haydon devait fournir des renseignements supplémentaires si elle songeait à retourner au travail [traduction] « […] y compris, sans toutefois s’y limiter, un curriculum vitae à jour, des compétences à jour pour le travail à effectuer, une cote de sécurité à jour et toute autre information requise pour réintégrer le travail ».

28        Dans une correspondance datée du 13 décembre 2016, l’avocat de la fonctionnaire a indiqué qu’il faudrait plus de temps pour deux raisons. Premièrement, il fallait plus de temps que prévu pour trouver certains des renseignements demandés; deuxièmement, lorsque l’employeur a présenté sa demande de contrôle judiciaire, la fonctionnaire croyait que la mise en œuvre de la décision serait suspendue. L’employeur a consenti à une prorogation du délai.

29        Le 13 février 2017, l’avocat de la fonctionnaire a fourni les déclarations de revenus demandées, l’information sur son affiliation auprès d’associations médicales vétérinaires et un curriculum vitae (CV) qui couvrait la période allant jusqu’à son licenciement. Il a mentionné qu’un CV mis à jour serait envoyé d’ici peu.

30        Dans une correspondance du 14 mars 2017, l’avocat de l’employeur a mentionné que des renseignements supplémentaires devaient être fournis sous la forme d’un CV mis à jour [traduction] « […] y compris des détails précis pour confirmer qu’elle possède toujours les compétences requises pour le travail d’évaluation clinique » ainsi que sa cote de sécurité à jour.

31        Dans une correspondance datée du 21 juin 2017, les parties m’ont demandé de demeurer saisi de l’affaire pendant qu’elles participaient à une médiation afin de les aider à négocier le règlement du problème de mise en œuvre. La Cour d’appel fédérale a rendu une ordonnance de sursis de la procédure de contrôle judiciaire de 90 jours afin de donner aux parties l’occasion de négocier un règlement.

32        La médiation a finalement échoué et, le 5 septembre 2017, on a informé la Commission qu’elle devait tenir une audience pour aborder les aspects de la décision rendue en septembre 2016 liés aux mesures correctives.

33        Le 3 octobre 2017, l’avocat de l’employeur a envoyé une lettre à l’avocat de la fonctionnaire afin d’obtenir les renseignements qui suivent pour le retour au travail de la Dre Haydon :

  • étant donné que la Dre Haydon se trouvait en congé de maladie attesté au moment de son licenciement, elle devait présenter une confirmation de son aptitude à retourner au travail;
  • la demande d’autorisation de sécurité jointe qu’elle devait remplir;
  • des détails précis qui prouveraient qu’elle avait maintenu les compétences requises pour le travail d’évaluation clinique fait à la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada;
  • un CV à jour afin d’aider l’employeur à déterminer ses besoins en formation.

34        Dans la lettre, l’employeur a mentionné que le CV à jour [traduction] « […] n’était pas essentiel à son retour au travail ». Il a réitéré ses demandes dans une correspondance du 9 novembre 2017.

35        Le 21 février 2018, l’avocat de la fonctionnaire a fourni des renseignements fiscaux pour l’année 2016, des preuves de licences et d’affiliations professionnelles, un formulaire d’autorisation de sécurité et un certificat médical qui confirmait l’aptitude de la fonctionnaire à retourner au travail.

36        En ce qui concerne le formulaire d’autorisation de sécurité, la Dre Haydon a indiqué dans son témoignage qu’elle croyait qu’il était nécessaire de le remplir pour retourner au travail. Elle a indiqué avoir tenté de communiquer avec l’employeur pour obtenir des précisions sur le formulaire, mais personne ne lui a répondu. Elle a aussi indiqué qu’elle n’était pas suffisamment cultivée en informatique pour envoyer le formulaire par courriel.

37        Néanmoins, le 2 mars 2018, l’avocat de la fonctionnaire a fourni le CV révisé de la fonctionnaire. À l’audience, l’avocat de l’employeur a posé des questions à la fonctionnaire sur son CV et la référence qu’elle y fait à son licenciement. Elle a écrit dans son CV qu’elle avait été congédiée à tort de Santé Canada par Diane Kirkpatrick et a fait référence au remplacement par une suspension de 20 jours. Elle a indiqué dans son témoignage avoir agi de la sorte pour que la vérité soit connue, si des questions étaient posées sur les événements survenus.

38        Le 16 mars 2016, l’employeur a envoyé un nouveau formulaire d’autorisation de sécurité à remplir par la fonctionnaire.

39        Pendant son témoignage, en juillet 2018, la fonctionnaire a indiqué qu’elle ne se souvenait pas d’avoir parlé aux médias après son licenciement. Toutefois, l’employeur a indiqué dans ses arguments écrits qu’elle avait fait une apparition en 2012 dans un documentaire à l’émission télévisée The Fifth Estate de la chaîne CBC.

40        Dans son témoignage d’octobre 2018, elle a affirmé avoir [traduction] « complètement oublié » cette apparition. Elle a indiqué qu’il n’avait été que très peu question d’elle dans le documentaire, qui mettait plus l’accent sur son collègue, le Dr Chopra, qui avait lui aussi déposé un grief. Elle a indiqué ne l’avoir écouté qu’une seule fois, la première fois où il a été présenté sur les ondes. Elle a aussi affirmé qu’elle n’avait jamais eu l’intention de faire des déclarations trompeuses. En contre-interrogatoire, elle a mentionné que le documentaire [traduction] « ne s’était pas imprégné » dans sa mémoire. Elle a aussi indiqué qu’il [traduction] « n’avait plus aucune importance dans ma vie personnelle ».

IV. Résumé de l’argumentation

A. Indemnité tenant lieu de réintégration

1. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

41        L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que je n’avais pas compétence pour ordonner le versement d’une indemnité tenant lieu de réintégration. Il a soutenu que j’étais arrivé à pareille conclusion et que j’étais donc dessaisi. Autrement dit, il a fait valoir que je n’avais plus compétence pour revenir sur ma conclusion étant donné que j’avais déjà tranché cette question. Dans la décision rendue par la CRTFP dans 2011 CRTFP 99, au paragraphe 832, j’ai conclu ce qui suit en ce qui concerne le Dr Lambert, un fonctionnaire s’estimant lésé dans ce cas :

[832] Dans ses arguments relatifs au licenciement du Dr Chopra, l’employeur a soutenu qu’une compensation au lieu d’une réintégration constituait la réparation appropriée si le grief devait être accueilli. Il n’a pas présenté les mêmes arguments pour le présent grief. Cependant, je traiterai de ce redressement. L’employeur a soutenu que la décision de la Cour d’appel fédérale dans Gannon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 417, n’était pas déterminante quant au pouvoir d’un arbitre de grief d’imposer une compensation au lieu d’une réintégration. Je ne suis pas de cet avis. L’ordonnance de la Cour est claire : en vertu de la LRTFP, un arbitre de grief n’a pas le pouvoir d’octroyer une compensation au lieu d’une réintégration. Par conséquent, j’ordonne que le Dr Lambert soit réintégré dans ses fonctions auprès de l’employeur.

42        L’avocat m’a aussi renvoyé à la décision rendue dans Gannon c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 417, où la Cour a conclu qu’un arbitre de grief n’a pas compétence en vertu de la LRTFP pour ordonner une indemnisation tenant lieu de réintégration. Il a aussi cité un certain nombre de décisions rendues par la CRTFP qui ont mis en application la décision rendue dans Gannon; il m’a renvoyé à Bahniuk c. Agence du revenu du Canada, 2012 CRTFP 107, dans laquelle on faisait remarquer qu’en vertu du changement apporté au libellé de la loi, un arbitre de grief avait le pouvoir d’ordonner le versement d’une indemnité tenant lieu de réintégration.

43        L’avocat a aussi fait valoir que les parties avaient toujours reconnu que la réintégration était possible, et que toute leur correspondance supposait cette possibilité.

44        L’avocat a soutenu que le licenciement de la fonctionnaire avait été annulé et qu’il avait été substitué par une suspension de 20 jours. Il a fait valoir qu’elle avait droit à une réintégration par définition. Il a aussi parlé des conséquences d’une réintégration sur la pension, vu les 14 années en temps ouvrant droit à pension auquel elle est admissible.

45        L’avocat a fait remarquer que l’employeur voulait verser une indemnisation tenant lieu de réintégration et que c’était donc à lui qu’il incombait de justifier ce redressement. Il a fait valoir que l’employeur n’avait présenté aucun élément de preuve à l’appui de ce redressement.

2. Pour l’employeur

46        L’avocate de l’employeur a prétendu que je n’étais pas dessaisi. Elle a fait remarquer qu’aucun argument n’avait été présenté sur la Dre Haydon au cours de l’audition originale des griefs dans 2011 CRTFP 99. Elle a fait valoir que les griefs déposés par les fonctionnaires s’estimant lésés, même s’ils avaient été entendus ensemble, avaient fait l’objet de conclusions distinctes. Elle a aussi fait valoir que cette décision ne comprenait pas une analyse détaillée sur le Dr Lambert puisque j’avais tout simplement dit que je n’étais pas d’avis que j’avais compétence pour ordonner le versement d’une indemnité tenant lieu de réintégration.

47        L’avocate a fait valoir que la plus récente décision rendue par la CAF m’exhortait à entendre les arguments sur l’indemnité tenant lieu de réintégration. Elle m’a aussi renvoyé au mémoire présenté par la Dre Haydon dans la demande de contrôle judiciaire, qui indiquait que le versement d’une indemnité tenant lieu de réintégration étant une « question réelle » entre les parties.

48        L’avocate a souscrit à l’idée selon laquelle la réintégration est la réparation présumée dans ce cas. Elle a toutefois fait valoir qu’une réintégration n’est pas appropriée dans les circonstances en l’espèce.

49        L’avocate m’a renvoyé à Heustis c. Com. d’Énergie Électrique du N.-B., [1979] 2 RCS 768. Elle a fait valoir que le cadre législatif dans ce cas était semblable à celui de la LRTFP. Elle a soutenu que la Cour suprême du Canada (CSC) avait fait remarquer que l’arbitre de grief a un pouvoir de réparation général. Elle m’a aussi renvoyé à Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 CSC 28, où la Cour a reconnu qu’il ne fallait pas entraver l’exercice des pouvoirs de réparation de l’arbitre.

50        L’avocate a fait remarquer que le paragraphe 97(2) de la LRTFP indique tout simplement que l’arbitre de grief doit rendre une décision. Elle a mentionné que, dans Gannon, la Cour n’avait pas fait référence au paragraphe 97(2); elle avait plutôt invoqué uniquement une disposition de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. (1985), ch. F-11; la LGFP). Elle a soutenu que je devrais adopter le raisonnement suivi dans Heustis et [traduction] « en arriver à une option de réparation qui fait la promotion de relations de travail paisibles ». Elle a soutenu que la décision rendue dans Gannon était une anomalie et qu’elle se distinguait nettement de l’affaire en l’espèce.

51        L’avocate a également fait valoir que la CAF, dans Gannon, avait ordonné à l’arbitre de grief d’examiner quelle peine plus légère devrait être imposée en fonction des actes du fonctionnaire s’estimant lésé; elle n’a jamais indiqué que la peine plus légère ne pouvait pas comprendre le remplacement d’une rétribution monétaire par une réintégration.

52        L’avocate a fait valoir que, même si les parties ont interprété par le passé que Gannon interdisait l’indemnisation tenant lieu de réintégration, selon l’interprétation que les parties en avaient faite par le passé, cela ne m’empêchait pas pour autant de me pencher sur la question « de nouveau ». Elle a aussi soutenu que le principe de stare decisis (ou les décisions exécutoires) ne s’applique pas aux décisions d’arbitrage fondées sur une interprétation de Gannon. Elle a indiqué que les arbitres de griefs n’ont pas compétence pour ordonner une indemnisation tenant lieu de réintégration en vertu de la LRTFP, et ce, même si c’était ce que Gannon soutenait, selon la plupart des interprétations qui en ont été faites. Un examen plus approfondi et contextuel porterait à croire qu’il est possible de faire une interprétation différente et d’en arriver à une autre issue parce que la CAF s’était penchée sur cette question dans le contexte d’un nouvel argument que l’arbitre de grief n’avait pas examiné.

53        L’avocate a fait valoir que les modifications statutaires apportées à la LRTFP ne font que confirmer le pouvoir de réparation que les arbitres de griefs ont déjà afin d’ordonner une indemnisation tenant lieu de réintégration. Elle m’a renvoyé à ces cas en vertu de la LRTFP, où on avait ordonné une rémunération forfaitaire : Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66 et 2003 CRTFP 106; Loyer c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada - Service correctionnel), 2004 CRTFP 17; McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23967 (19941021), [1994] C.P.S.S.R.B. 130 (QL).

3. Réponse de la fonctionnaire s’estimant lésée

54        L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que la décision rendue par la CAF dans Gannon est contraignante pour tous les arbitres de griefs. Il m’a renvoyé au paragraphe 1:3300 de la 4e édition de l’ouvrage Canadian Labour Arbitration, de Brown et Beatty, qui indique qu’il est reconnu que les décisions juridiques antérieures sur le sens de la loi sont contraignantes pour tous les arbitres de griefs. Il m’a aussi renvoyé aux cas suivants qui ont mis en application ce principe : London Health Sciences Centre v. Ontario Nurses’ Assn. (2016), 274 L.A.C. (4e) 167; United Nurses of Alberta, Locals 32, 33, 62, 85, 196 and 301 v. Capital Health Authority (2004), 133 L.A.C. (4e) 385; Canadian Office and Professional Employees Union v. Coast Mountain Bus Co. (2007), 165 L.A.C. (4e) 141.

55        L’avocat a fait valoir que la CAF n’a tiré aucune conclusion sur ma compétence pour ordonner une indemnisation tenant lieu de rémunération. La Cour a utilisé le mot « si » lorsqu’elle a renvoyé à la rétribution forfaitaire, ce qui signifie qu’il s’agit d’une question réelle.

56        L’avocat a soutenu que les parties ne peuvent pas confier la compétence à un tribunal.

B. Limitation du préjudice et montant des dommages

1. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

57        L’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que celle-ci a déployé des efforts pour limiter son préjudice et que l’employeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de montrer qu’elle ne l’avait pas fait. Il a fait valoir qu’aucune déduction ne devrait être faite à même la perte de revenu totale qu’elle a subie.

58        L’avocat a soutenu que c’est l’employeur qui avait le fardeau de montrer que la fonctionnaire n’avait pas déployé d’efforts raisonnables pour trouver un emploi et qu’elle aurait trouvé un emploi. Il a invoqué Red Deer College c. Michaels, [1976] 2 RCS 324; Evans c. Teamsters Local Union No. 31, 2008 CSC 20; et la décision Paquette v. TeraGo Networks Inc., 2015 ONSC 4189. Il a aussi fait remarquer que l’employeur aurait dû être prêt à montrer que la fonctionnaire aurait pu trouver un emploi si elle avait déployé des efforts plus assidus; voir B.C. Rail Ltd. v. United Transportation Union, Locals 1778 & 1923 (1985), 22 L.A.C. (3d) 417. Il a fait valoir que l’employeur n’avait déposé aucun élément de preuve selon lequel la fonctionnaire aurait pu trouver un emploi et qu’il ne s’est donc pas acquitté de son fardeau. Il a également prétendu qu’il était ridicule pour l’employeur de sous-entendre que la fonctionnaire aurait pu travailler dans une animalerie vu ses qualifications.

59        Autrement, l’avocat de la fonctionnaire a soutenu que la limitation était une analyse factuelle fondée sur les faits propres à chaque cas.

60        Il a soutenu que, dans ces circonstances, la fonctionnaire a limité ses pertes en prenant sa retraite et en recevant des prestations du RPC et de la SV.

61        Il a fait remarquer qu’on donne habituellement du temps à un employé licencié afin qu’il rajuste son licenciement; voir University Health Network v. Ontario Nurses’ Association (2012), 219 L.A.C. (4e) 237.

62        Il a aussi mentionné que la fonctionnaire ne pouvait tout simplement pas chercher un emploi parce que l’employeur avait porté atteinte à sa réputation. Il m’a renvoyé à Tipple c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2010 CRTFP 83, où il a été reconnu que l’information publique défavorable sur une personne peut nuire à sa capacité de trouver un emploi. Il m’a aussi renvoyé à Anderson v. Peel Memorial Hospital Assn., [1992] O.J. No. 39 (QL), où il a été conclu qu’un traitement injuste de la part de l’employeur a nui à la capacité de l’employé licencié d’obtenir un emploi dans son domaine.

63        Il a soutenu que la Dre Haydon faisait l’objet d’une vaste couverture médiatique avant son licenciement et que le public savait qu’elle avait été licenciée. Elle a aussi indiqué dans son témoignage qu’elle avait été isolée dans le cadre d’activités d’éducation et que les autres participants auraient pu être employés d’organisations auprès desquelles elle aurait pu poser sa candidature.

64        L’avocat a renvoyé aux éléments de preuve présentés pendant l’audience sur le bien-fondé sur les réactions de ses collègues au fait qu’elle a parlé et a soutenu que l’on s’attendrait à des réactions semblables de la part de l’industrie. Il a fait valoir que [traduction] « personne n’aurait embauché la fonctionnaire » étant donné qu’elle était de notoriété publique.

65        L’avocat a soutenu que la fonctionnaire n’avait pas exercé la médecine vétérinaire privée depuis environ 20 ans au moment de son licenciement. Il a mentionné que l’on ne pouvait pas s’attendre à ce que d’éventuels employeurs lui fassent suivre une formation d’appoint. Elle aurait aussi dû mentionner qu’elle participait au processus d’arbitrage et qu’elle devrait s’absenter du travail, ce qui constituerait un obstacle à l’emploi, selon ce qu’il a prétendu. Il a aussi fait remarquer qu’elle aurait dû informer un éventuel employeur qu’elle quitterait son emploi si son grief était accueilli.

66        L’avocat a soutenu que la fonctionnaire n’était pas responsable de la longue durée de l’audience et des processus juridiques et que ces retards ne devraient pas réduire le montant des dommages auxquels elle a droit.

67        L’avocat a également fait valoir que la fonctionnaire devrait obtenir un crédit pour les prestations de congé qu’elle aurait reçues en vertu de la convention collective pertinente de la date du licenciement jusqu’à sa réintégration.

2. Pour l’employeur

68        L’avocate de l’employeur a fait valoir que ce n’est pas l’employeur qui a le fardeau initial de prouver la limitation du préjudice. Elle a soutenu qu’il incombe au départ à la personne qui affirme avoir subi un préjudice de prouver qu’elle a déployé des efforts pour limiter ses préjudices ou ces pertes; ce n’est qu’à partir de ce moment que le fardeau est transféré à l’employeur, qui doit prouver que ces efforts n’étaient pas raisonnables; voir Red Deer College.

69        L’avocate a fait valoir que la fonctionnaire devait prouver qu’elle s’était acquittée de sa tâche de prendre les mesures qu’une personne raisonnable et prudente aurait prises dans les circonstances. Elle a indiqué que ce n’est qu’à partir de ce moment que l’employeur aurait le fardeau de prouver que des emplois étaient disponibles et que les mesures prises pour trouver un emploi n’étaient pas raisonnables; voir Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd. v. Western Union of Brewery, Beverage, Winery & Distillery Workers (1984), 20 L.A.C. (3e) 67.

70        L’avocate a soutenu que, selon la preuve, la fonctionnaire n’avait pas cherché un emploi rémunéré. Elle a mentionné que l’inaction constitue à première vue la preuve d’un défaut de limiter le préjudice; voir University Health Network, au par. 53, citant Toronto Assn. for Community Living v. C.U.P.E., Local 2191 (2006), 153 L.A.C. (4e) 266 (« Community Living »).

71        Elle a fait valoir que l’employeur n’avait aucune obligation de présenter des éléments de preuve puisque la fonctionnaire ne s’était pas acquittée de son fardeau initial.

72        L’avocate a fait valoir qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté afin de montrer que la fonctionnaire était réellement stigmatisée et que cette affirmation n’était qu’en fait l’opinion subjective de celle-ci. Elle a également fait remarquer qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté afin de montrer que l’employeur avait fait des déclarations publiques sur les licenciements. Elle a fait valoir que ce sont les fonctionnaires s’estimant lésés parties à l’affaire de 2011 et leur agent négociateur qui sont à l’origine de l’attention publique et médiatique.

73        L’avocate a mentionné que le CV de la fonctionnaire et le témoignage qu’elle a livré pendant l’audition du bien-fondé mettaient en évidence son expertise et qu’il ne lui était pas maintenant loisible de soutenir qu’elle n’était pas qualifiée pour occuper un autre emploi. L’avocate a fait remarquer que la fonctionnaire était titulaire d’un doctorat et qu’elle possédait des compétences polyvalentes qui auraient pu faire d’elle une candidate à un emploi rémunéré.

74        L’avocate a contesté le temps passé par la fonctionnaire à participer à des audiences et à s’y préparer. Elle a fait valoir que cela ne l’empêchait pas de chercher un emploi en même temps. Elle a également fait remarquer que les transcriptions de l’audience étaient disponibles.

75        L’avocate a fait valoir que la fonctionnaire avait décidé délibérément de demander à recevoir sa pension en 2006 et qu’elle était manifestement satisfaite, sans quoi elle aurait cherché un emploi.

76        L’avocate a fait remarquer que la fonctionnaire n’avait pas expliqué en quoi ses efforts de limitation auraient réduit les coûts de l’employeur en ce qui concerne les dommages.

77        En ce qui concerne la limitation après 2016 (lors de l’annulation du congédiement), l’avocate a soutenu que la fonctionnaire n’a absolument rien fait pour limiter ses préjudices. Elle n’a pris aucune mesure pour fournir les renseignements demandés par l’employeur et ses actes n’étaient pas ceux d’une personne qui désirait retourner au travail. Elle a fait valoir que la fonctionnaire n’avait toujours pas répondu à une demande de renseignements présentée par l’employeur. Elle a soutenu qu’aucun dommage ne devrait être accordé pour cette période.

78        Autrement, l’avocate a soutenu qu’un escompte de 50 % devrait être appliqué sur les dommages de 2004 à 2011, si l’on conclut que le stress lié au licenciement et les exigences de participer à l’audience justifient d’accorder une indemnité. Autrement, en outre, l’avocate a fait valoir que l’escompte pour les dommages subis de 2011 à 2016 devrait être de 75 %.

79        L’avocate de l’employeur a soutenu que la fonctionnaire ne devrait avoir droit à aucun congé annuel au motif qu’on les lui a accordés en supposant qu’ils seraient utilisés au cours de l’année pendant laquelle ils ont été accumulés (sous réserve des dispositions de roulement). Elle a fait valoir que la fonctionnaire n’avait pas travaillé pendant ces périodes et qu’elle n’avait donc pas besoin de prendre congé.

3. Réponse de la fonctionnaire s’estimant lésée

80        L’avocat de la fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait demandé une première fois d’obtenir l’information liée à l’autorisation de sécurité en octobre 2017, ce à quoi la fonctionnaire avait répondu, dans un délai raisonnable, avant la fin du mois de novembre.

81        L’avocat a soutenu que la décision rendue dans Evans, qui est postérieure à celle rendue dans Red Deer College, indique clairement qu’il incombe à l’employeur de montrer que l’employé n’a pas déployé des efforts raisonnables pour trouver un emploi et qu’il aurait pu trouver un emploi. Il a aussi renvoyé aux décisions rendues récemment qui ont mis en application le critère énoncé dans Evans; voir Fillmore v. Hercules SLR Inc., 2017 ONCA 280; Matheson v. Erie Mutual Fire Insurance Co., 2016 ONSC 704.

82        L’avocat a fait valoir que la limitation du préjudice ne fait l’objet d’aucun litige après 2016 puisque la fonctionnaire comprenait tout à fait qu’elle retournait au travail.

83        En ce qui concerne la stigmatisation, l’avocat de la fonctionnaire a fait valoir que la fonctionnaire l’avait effectivement subie et que [traduction] « personne ne pouvait nier son expérience ». Il a fait valoir qu’il serait possible de tirer une conclusion de stigmatisation sur l’expérience de licenciement aussi médiatisée que la fonctionnaire a vécue. Il m’a aussi renvoyé à des articles sur les dénonciateurs et la stigmatisation et fait valoir que l’évaluation de la stigmatisation et de son incidence sur la limitation du préjudice ne repose pas sur la faute, mais bien sur les faits.

84        L’avocat a fait valoir que le fait que la fonctionnaire a continué de suivre des cours et de maintenir son expertise n’a pas été mis en doute en contre-interrogatoire. Il a soutenu que l’on ignore le contenu des cours et la façon dont ils auraient permis à la fonctionnaire d’obtenir un emploi. Il a également soutenu que l’employeur n’avait présenté aucun élément de preuve pour montrer que la fonctionnaire avait des compétences polyvalentes.

85        Il a fait valoir que la fonctionnaire est plus âgée, que son expérience et ses connaissances sont désuètes et qu’elle aurait dû suivre une formation d’appoint importante. Il a aussi soutenu que les cliniques de médecine vétérinaire souhaiteraient davantage embaucher des vétérinaires plus jeunes, ce qui aurait désavantagé la fonctionnaire.

86        L’avocat a avancé que les deux parties ont demandé des prorogations du délai et qu’elles ont tenté de faire une médiation après 2016. Il a également fait remarquer qu’on a demandé à la fonctionnaire de soumettre un formulaire d’autorisation de sécurité révisé en mars 2018. Il a soutenu que la fonctionnaire ne devrait pas être tenue responsable de ces retards.

87        L’avocat a soutenu que les escomptes sur les dommages suggérés par l’employeur étaient excessifs et qu’aucun élément de preuve ne soutenait les pourcentages d’escompte. Il a indiqué que l’escompte sur les dommages devrait être établie comme elle l’est lorsque l’employé obtient un emploi. Il a soutenu qu’il faut prouver que la fonctionnaire aurait obtenu un emploi et déduire ensuite le revenu déterminé pour ce poste des pertes salariales. Il a fait valoir qu’il s’agissait de la façon motivée de mettre en application le principe de limitation. Il a fait valoir qu’il n’y avait aucun élément de preuve indiquant un tel revenu présumé en l’espèce.

V. Motifs

A. Indemnité tenant lieu de réintégration

88        La fonctionnaire a soutenu que je suis dessaisi de la question sur la réparation appropriée. Autrement dit, elle a fait valoir que j’ai déjà conclu que la réintégration est l’issue appropriée. Je ne suis pas de cet avis pour les motifs qui suivent.

89        Lorsque j’ai accueilli le grief lié au licenciement, je n’ai précisé aucune issue précise à cette conclusion; j’ai laissé aux parties le soin d’en arriver elles-mêmes à un règlement. La CAF l’a reconnu lorsqu’elle a suggéré à l’employeur de soulever son argument sur l’indemnisation tenant lieu de réintégration dans les arguments qu’il me présenterait.

90        Les griefs de la Dre Haydon, du Dr Chopra et du Dr Lambert ont été entendus ensemble. Dans la décision (2011 CRTFP 99), j’ai ordonné la réintégration du Dr Lambert à son poste et j’ai conclu ce qui suit au paragraphe 832 :

[832] Dans ses arguments relatifs au licenciement du Dr Chopra, l’employeur a soutenu qu’une compensation au lieu d’une réintégration constituait la réparation appropriée si le grief devait être accueilli. Il n’a pas présenté les mêmes arguments pour le présent grief. Cependant, je traiterai de ce redressement. L’employeur a soutenu que la décision de la Cour d’appel fédérale dans Gannon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 417, n’était pas déterminante quant au pouvoir d’un arbitre de grief d’imposer une compensation au lieu d’une réintégration. Je ne suis pas de cet avis. L’ordonnance de la Cour est claire : en vertu de la LRTFP, un arbitre de grief n’a pas le pouvoir d’octroyer une compensation au lieu d’une réintégration. Par conséquent, j’ordonne que le Dr Lambert soit réintégré dans ses fonctions auprès de l’employeur.

91        Toutefois, cette conclusion était liée au grief déposé par le Dr Lambert, et pas au grief contre le licenciement de la Dre Haydon. Par conséquent, je ne suis pas dessaisi de la question de l’indemnisation tenant lieu de réintégration dans la mesure où elle s’applique à la Dre Haydon.

92        Je me penche maintenant sur la question de ma compétence d’ordonner le versement d’une indemnisation tenant lieu de réintégration.

93        Dans des circonstances exceptionnelles, les arbitres de griefs ont accepté le versement d’une indemnisation tenant lieu de réintégration en tant que réparation appropriée. Toutefois, en 2004, dans Gannon, la CAF a tranché en disant que les arbitres de griefs n’avaient pas compétence en vertu de la LRTFP pour ordonner le versement d’une indemnisation tenant lieu de réintégration. L’employeur a soutenu que cette décision est différente et que je n’y suis pas assujetti. Pour les motifs exposés dans la présente section, je ne suis pas d’accord.

94        Je souscris au fait que les parties ne peuvent donner compétence à un tribunal par des actes ou des déclarations. Par conséquent, le fait que les parties ont peut-être discuté de l’indemnisation tenant lieu de réintégration n’est aucunement pertinent pour statuer sur ma compétence.

95        La CAF, lorsqu’elle a déterminé que la demande de contrôle judiciaire présentée par l’employeur était prématurée, ne m’a pas donné compétence pour ignorer Gannon. Elle a tout simplement fait remarquer que l’employeur avait le droit de présenter des arguments sur l’indemnisation tenant lieu de réintégration. Je mentionne aussi que la CAF n’avait pas reçu les arguments sur la compétence d’un arbitre de grief en vertu de la LRTFP.

96        Passons maintenant à la décision rendue dans Gannon. Dans le cas initial, l’arbitre de grief avait ordonné l’annulation du licenciement du fonctionnaire et le versement d’une indemnisation tenant lieu de réintégration. La Cour, lorsqu’elle a annulé cette conclusion, s’est appuyée en particulier sur le paragraphe 11(4) de la LGFP, dans sa rédaction en vigueur à l’époque, qui indiquait que « les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (2)f) ou g) doivent être motivés ». M. Gannon avait soutenu que ce paragraphe abrogeait la règle de common law qui permettait le versement d’une indemnisation tenant lieu de réintégration dans la mesure où elle privait son ancien employeur de son pouvoir légitime de mettre fin à son emploi, sauf s’il était motivé.

97        Dans Gannon, l’employeur a fait valoir que la LRTFP conférait aux arbitres de griefs des pouvoirs de réparation semblables à ceux établis dans le Code canadien du travail (L.R.C. (1985), ch. L-2; le CCT). La Cour a fait remarquer qu’aucune disposition de la LGFP ou de la LRTFP analogue aux pouvoirs établis dans le CCT ne renvoyait à cet élément. De même, aucun principe de droit ou aucun principe juridique ne sous-entendait qu’un arbitre de grief nommé en vertu de la LGFP en vue de trancher un grief pour licenciement avait des pouvoirs de réparation semblables à ceux que l’on trouve dans le CCT. La CAF a conclu ainsi aux paragraphes 26 et 27 :

[26] En l’espèce, l’arbitre a tout simplement ignoré le paragraphe 11(4) de la LGFP. Par ailleurs, Sa Majesté n’a cité à la Cour aucune loi qui donnerait à un arbitre le droit de condamner l’employeur à une indemnité plutôt que de l’obliger à réintégrer l’employé lésé. Force m’est donc de conclure que la décision de l’arbitre sur la réparation qui a été accordée est irrationnelle et ne peut être confirmée.

[…]

[27] En résumé, je ne décèle aucune raison qui justifierait de modifier la décision de l’arbitre suivant laquelle le MDN avait des raisons de suspendre M. Gannon de son emploi et de lui infliger des sanctions pour son inconduite. J’estime toutefois que les actes répréhensibles reprochés à l’appelant ne justifiaient pas le MDN de mettre fin à son emploi. La sanction qui a été infligée était à mon avis incompatible avec les conclusions de l’arbitre et n’était pas autorisée par les dispositions législatives applicables.Compte tenu de la preuve présentée, les conclusions de l’arbitre auraient dû se solder par la réintégration de M. Gannon dans ses fonctions et, à la discrétion de l’arbitre, par l’imposition d’autres peines que le congédiement de l’appelant pour ses actes répréhensibles.

98        Comme je l’ai fait remarquer dans la décision rendue sur le grief présenté par le Dr Lambert (2011 CRTFP 99), la décision rendue par la Cour est claire : la LRTFP ne confère pas à l’arbitre de grief le pouvoir d’accorder une indemnisation tenant lieu de réintégration; voir aussi Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10. L’employeur n’a présenté aucun motif convaincant qui me détournerait de la jurisprudence établie par la CAF.

99        Je conclus donc que la Dre Haydon a le droit de réintégrer son ancien poste.

100        Étant donné que j’ai tiré cette conclusion, il m’est inutile d’aborder les arguments avancés par l’employeur pour justifier qu’une réintégration n’est pas appropriée dans la situation de la fonctionnaire.

B. Limitation du préjudice

101        Un employé licencié doit limiter ses pertes ou ses préjudices issus du licenciement; voir Red Deer College et Evans. Comme la CAF l’a fait remarquer dans Bahniuk c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 127 :

[…]

[19] Ces commentaires [tirés de Red Deer College] sur la nature générale de la limitation du préjudice dans le cas de dommages-intérêts contractuels s’appliquent également dans le cas des relations de travail. En fait, dans l’ouvrage de référence Canadian Labour Arbitration, édition à feuilles mobiles, 4e éd. (Toronto, Thomson Reuters, 2016), au paragraphe 2:1512, Donald J. M. Brown et David M. Beatty [Brown et Beatty] précisent que les arbitres en droit du travail appliquent les principes de l’arrêt Red Deer College lorsqu’ils examinent la limitation du préjudice.

[…]

[22] Habituellement, en cas de renvoi d’un employé syndiqué, si le renvoi est annulé, l’employé est réintégré et indemnisé pour ses pertes, depuis la date du renvoi jusqu’à la date de réintégration. Le revenu provenant d’un autre emploi pendant cette période est déduit des dommages-intérêts que l’employeur doit payer. Les dommages-intérêts peuvent également être réduits si le plaignant ne prend pas de mesure raisonnable pour trouver un autre poste pendant la période allant du renvoi à la réintégration : voir Canadian Labour Arbitration, au paragraphe 2:1512.

[…]

102        La question en l’espèce porte sur l’application du fardeau d’établir le caractère raisonnable des efforts déployés par la fonctionnaire pour limiter son préjudice et exige de déterminer si ces efforts étaient raisonnables.

103        Dans Evans, la CSC s’est fondée sur sa décision antérieure rendue dans Red Deer College pour déterminer le fardeau d’établir un défaut de limiter le préjudice. Dans Red Deer College, il était question d’un congédiement injustifié. La CSC a conclu qu’il incombait à l’employé congédié de prouver la perte qu’il a subie à la suite de la violation du contrat d’emploi. La Cour a affirmé qu’on ne pouvait pas demander au défendeur de verser une indemnité pour des pertes évitables, ce qui aurait donné lieu à une augmentation du montant des dommages-intérêts. En ce qui concerne le fardeau, la Cour s’est exprimée ainsi (à la page 331) :

En deux mots, un demandeur lésé a droit de recouvrer des dommages-intérêts pour les pertes qu’il a subies, mais l’étendue de ces pertes peut dépendre de la question de savoir s’il a ou non pris des mesures raisonnables pour éviter qu’elles s’accroissent immodérément. […]

Dans le cours ordinaire d’une action pour renvoi injustifié, un demandeur, en faisant la preuve de ses dommages, doit être en mesure de prouver la perte qu’il prétend avoir subie en raison du renvoi. Il peut avoir obtenu un autre emploi dont la rémunération était moindre ou plus élevée qu’auparavant, ce qui influerait sur ses dommages. Il peut ne pas avoir obtenu un autre emploi, et la question de savoir s’il a paressé ou s’il a vainement cherché un autre emploi aurait aussi une incidence sur la question des dommages. Si le défendeur prétend que le demandeur aurait pu raisonnablement minimiser la perte alléguée, il incombe au défendeur d’en faire la preuve, à moins que ce dernier ne se contente de laisser au juge de première instance le soin de trancher cette question à la lumière de son évaluation de la preuve des conséquences évitables […]

104        Dans Evans, la CSC a abordé l’obligation de limitation dans le contexte où l’employeur offre une période d’emploi à l’employé congédié. La Cour a invoqué Red Deer College en ce qui concerne le fardeau de l’employeur et a décrit le critère ainsi : « Il incombe à l’employeur de démontrer, d’une part, que l’employé n’a pas fait d’efforts raisonnables pour trouver du travail et, d’autre part, qu’il aurait pu en trouver. »

105        Les tribunaux et les arbitres de griefs ont toujours interprété l’obligation de limitation comme une obligation de chercher à obtenir un autre revenu d’emploi. La fonctionnaire n’a renvoyé à aucune jurisprudence qui porte à croire que cette limitation comprenait de faire des économies ou de prendre sa pension. Les dommages qui doivent être limités sont ceux qui seraient autrement payables par l’employeur. On s’attend à ce que les personnes qui subissent une perte de revenu cherchent des façons d’utiliser judicieusement leur argent. Je conclus donc que la preuve sur l’économie n’est pas pertinente. De même, le fait de prendre sa pension ne réduit pas les dommages à payer par l’employeur; cela n’est donc pas compris dans l’obligation de limitation.

106        En vertu de l’obligation de limitation, un employé congédié doit tenter d’obtenir un autre emploi. On ne conteste pas que la Dre Haydon n’a déployé aucun effort pour trouver un autre emploi. Elle était d’avis qu’il ne suffit pas de montrer qu’elle ne s’était pas acquittée de son obligation de limiter son préjudice — l’employeur devait aussi montrer qu’elle aurait pu obtenir un emploi adéquat.

107        On a abordé la question visant à déterminer le fardeau d’un employeur lorsqu’un employé congédié ne cherche pas un autre emploi ou cesse d’en chercher sous différents angles. Selon un courant jurisprudentiel, le défaut de chercher un emploi constitue une preuve prima facie de défaut de limiter son préjudice. Selon un autre courant jurisprudentiel, l’employeur doit tout de même montrer que l’employé aurait pu trouver un emploi, peut-être toutefois un emploi de qualité inférieure.

108        Dans Carling O’Keefe Breweries of Canada Ltd., l’arbitre a accepté le fardeau établi dans Red Deer College; il a toutefois indiqué qu’un employé congédié doit prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de prendre les mesures [traduction] « qu’un homme [ou une femme] raisonnable prudent[e] prendrait dans les circonstances ou, autrement dit, l’obligation de prendre des mesures raisonnables pour limiter ses pertes ». L’arbitre a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé devait être en mesure de prouver à tout le moins qu’il s’était inscrit auprès des organismes gouvernementaux applicables, qu’il avait consulté régulièrement un site d’emplois, qu’il s’était informé auprès d’employeurs précis pour qui il était qualifié pour travailler et qu’il avait répondu à tout affichage de poste pertinent. Il a conclu ainsi :

[Traduction]

[…]

[…] Il serait donc bien placé pour affirmer devant un conseil d’arbitrage qu’aucun emploi n’était disponible pour lui, selon les recherches raisonnables qu’il a faites; il incomberait donc ensuite à l’employeur de montrer non seulement que des emplois pour lesquels l’employé était qualifié étaient offerts, mais aussi que les mesures prises par l’employé n’étaient pas celles qu’une personne raisonnable et prudente aurait prises.

Je ne puis accepter qu’un employé congédié puisse demeurer sans rien faire ou déployer des efforts minimes pour obtenir un emploi et expliquer son inaction par des conditions économiques générales. Le fait qu’un employé congédié a une obligation me confirme que cet employé doit s’acquitter du fardeau de la preuve […]

[…]

109        Dans Community Living, l’arbitre a conclu que le fait de ne pas chercher un nouvel emploi constituait une preuve prima facie de défaut de limiter son préjudice.

110        L’employeur a présenté une décision rendue par un tribunal de l’Alberta, Deputat v. Edmonton School District No. 7, 2006 ABQB 549 (appel accueilli partiellement dans 2008 ABCA 13). En appel, la Cour d’appel a réduit les dommages-intérêts à environ trois mois au motif que l’employé avait l’obligation de chercher un emploi. La Cour a conclu qu’il [traduction] « n’est pas suffisant » de tenir des discussions informelles décousues sans poser sa candidature pour des emplois. Dans ce cas, le dossier de recherche d’emploi de l’employé ne contenait que quelques demandes d’emploi. Il ne contenait aucune liste d’employeurs possibles et aucun élément de preuve sur la planification de la recherche d’emploi. La Cour a conclu que, même si le petit nombre de contacts aurait pu suffire dans une petite communauté, il était entièrement inadéquat dans une région métropolitaine.

111        Dans B.C. Rail Ltd., l’arbitre a dit des efforts de limitation du fonctionnaire qu’ils étaient « décousus », en plus d’indiquer qu’ils ne constituaient pas un effort raisonnable pour éviter une accumulation inutile de pertes de revenus. Il a toutefois fait remarquer ce qui suit ensuite :

[Traduction]

[…]

Cette conclusion en soi, cependant, ne constituerait pas un fondement suffisant à une réduction du salaire rétroactif […] Afin de justifier un tel résultat, il faut aussi conclure que « d’autres possibilités d’emploi étaient offertes et que le [fonctionnaire s’estimant lésé] aurait raisonnablement dû en profiter ».

[…]

112        L’arbitre a indiqué que l’employeur, pour s’acquitter de son fardeau, devait être prêt à montrer que l’employé aurait pu trouver un autre emploi s’il avait déployé des efforts plus assidus. Il est possible de faire une telle démonstration au cours d’un interrogatoire, en contre-interrogatoire ou en tirant une conclusion raisonnable. L’arbitre avait également fait remarquer que la période passée sans emploi est un facteur. Plus un fonctionnaire s’estimant lésé demeure indolent, plus il devient difficile d’attribuer les pertes continues à une violation de l’employeur.

113        Dans Construction Aggregates Ltd. v. International Union of Operating Engineers, Loc. 115 (1991), 21 L.A.C. (4e) 370, le conseil d’arbitrage a conclu que le marché des emplois disponibles est pertinent, même si l’employé visé ne déploie aucun effort. Le conseil s’est toutefois exprimé ainsi :

[Traduction]

[…]

[…] Toutefois, moins la preuve relative aux efforts raisonnables déployés par l’employé est importante, moins la preuve devant être présentée par l’employeur pour montrer que des emplois étaient disponibles, que l’employé aurait pu obtenir, sera grande. Autrement dit, d’un point de vue pratique, le fardeau de la preuve de l’employeur augmentera proportionnellement au niveau d’effort déployé par l’employé.

[…]

114        Dans ce cas, le conseil avait déterminé qu’il était peu probable que l’employé soit en mesure d’obtenir un emploi immédiatement et que tout autre emploi qu’il aurait trouvé aurait été moins bien rémunéré. Par conséquent, il a réduit le traitement demandé d’environ 40 %.

115        Selon moi, un fonctionnaire s’estimant lésé doit montrer qu’il a déployé certains efforts de limitation, à tout le moins, en cherchant un emploi. Si des efforts minimes sont déployés pour trouver un emploi ou si, comme c’est le cas en l’espèce, le fonctionnaire s’estimant lésé s’exclut du marché du travail, le fardeau de l’employeur sera minime. En l’espèce, la fonctionnaire était en mesure de chercher un emploi et elle n’a présenté aucune explication raisonnable à son manquement à cet égard.

116        Comme il a été mentionné dans B.C. Rail Ltd., plus un fonctionnaire s’estimant lésé demeure indolent, plus il devient difficile d’attribuer les pertes continues à une violation de l’employeur. En l’espèce, la fonctionnaire s’est exclue du marché du travail pendant plus de 10 ans.

117        Comme il est indiqué dans Construction Aggregates Ltd., la preuve que l’employeur doit présenter pour s’acquitter de son fardeau est proportionnelle à la preuve des efforts légitimes déployés par l’employé pour trouver un emploi. En l’espèce, il n’y a aucune preuve selon laquelle la fonctionnaire a déployé des efforts légitimes pour limiter son préjudice. Dans un tel cas, l’employeur n’a qu’à montrer que la fonctionnaire était en mesure de travailler.

118        Comme il est indiqué dans B.C. Rail Ltd., l’employeur doit montrer que, si l’employé avait déployé des efforts plus assidus, il aurait pu trouver un autre emploi et il peut s’acquitter de ce fardeau en menant un interrogatoire ou un contre-interrogatoire, ou en tirant une « conclusion raisonnable ». En l’espèce, on peut raisonnablement conclure que la fonctionnaire aurait pu trouver un autre emploi au cours des 12 années écoulées entre son licenciement et la décision donnant lieu à sa réintégration, en 2016.

119        Je ne souscris pas à l’idée selon laquelle l’employeur devait identifier des postes que la fonctionnaire pouvait occuper pour calculer les dommages. Elle n’a présenté aucune jurisprudence à l’appui de cette thèse. Comme il est indiqué, les arbitres n’ont pas adopté cette approche lorsqu’un fonctionnaire s’estimant lésé a déployé des efforts minimes pour trouver un emploi.

120        Toutefois, je suis également d’accord avec le fait que le défaut de chercher un emploi ne donnera pas toujours lieu au refus d’accorder des dommages. Chaque affaire dépend de ses circonstances. Je me pencherai maintenant sur certains éléments de la situation dans laquelle la Dre Haydon se trouvait.

121        La Dre Haydon a indiqué dans son témoignage que son licenciement l’avait stigmatisée, ce qui avait nui à ses possibilités d’emploi. Dans B.C. Rail Ltd., l’employé avait expliqué qu’il n’avait fait aucune demande d’emploi dans d’autres compagnies de chemin de fer parce qu’il croyait que [traduction] « […] lorsqu’on est exclu d’une compagnie de chemin de fer, on est exclu de toutes ». L’arbitre a conclu qu’il s’agissait plus d’une excuse que d’une explication raisonnable.

122        La situation de la Dre Haydon est semblable. Elle a indiqué croire qu’elle avait été isolée et que son licenciement l’avait stigmatisée. Aucun élément de preuve objectif sur la stigmatisation dont elle aurait été victime n’a été présenté. En l’absence de preuve objective de stigmatisation en tant qu’obstacle à l’emploi, je n’accepte pas qu’il s’agisse d’une explication raisonnable à son défaut de chercher un emploi ou d’en obtenir un.

123        Dans University Health Network, l’arbitre, après avoir mené un long examen des décisions relatives à la limitation, a conclu que les mesures raisonnables prises pour limiter ses pertes monétaires à partir de la date de licenciement jusqu’à la date de la réintégration comprennent la période qui suit le licenciement de l’employé afin qu’il s’ajuste à son renvoi et le besoin de trouver un autre emploi. J’accepte le fait que cet énoncé est raisonnable.

124        Dans Collingwood General v. Marine Hospital and Ontario Nurses' Association (une affaire non publiée de 2010 citée dans University Health Network), l’arbitre a conclu que l’employé s’estimant lésé avait le droit le limiter sa recherche d’emploi à des possibilités d’emploi semblables pendant une « période raisonnable ». L’arbitre, dans University Health Network, a fait remarquer qu’il est raisonnable pour l’employé, s’il n’a pas trouvé un autre emploi, d’élargir ses recherches afin d’inclure des emplois qui [traduction] « […] même s’ils ne sont pas semblables, relèvent tout de même de ses capacités ».

125        Je fais remarquer que la Dre Haydon se trouvait en congé de maladie au moment de son licenciement et que les certificats médicaux qu’elle avait indiquaient qu’elle pouvait retourner au travail le 30 novembre 2004. Elle a indiqué qu’il s’agissait d’un « congé lié au stress ». Même si le stress lié au fait de se trouver au travail a pris fin le jour de son licenciement, je n’accepte pas le fait qu’une période pour s’ajuster à un licenciement serait comprise. Quelles que soient les circonstances, je conclus que la période d’ajustement aurait probablement pris fin le 30 novembre 2004.

126        En plus de la période d’ajustement, la Dre Haydon aurait dû avoir plus de temps pour suivre une formation d’appoint afin d’obtenir un poste à l’extérieur du gouvernement fédéral. La Dre Haydon est titulaire d’un doctorat et a une expertise en médecine vétérinaire dans le domaine agricole. Elle n’a fait aucune recherche pour voir les possibilités de formation d’appoint ou de retitularisation. J’accepte le fait qu’elle aurait dû avoir une période raisonnable pour mettre à niveau ses compétences et mener une recherche d’emploi dans un domaine semblable. Comme il a été indiqué, on s’attend à ce qu’un fonctionnaire s’estimant lésé élargisse sa recherche d’emploi après une période raisonnable. Dans les circonstances, je conclus que six mois de plus auraient suffi à la fonctionnaire pour se préparer à retourner sur le marché du travail.

127        Par conséquent, pour la période allant de 2004 à 2016, la fonctionnaire a droit à 10,5 mois de dommages équivalents à son traitement au taux applicable (du 14 juillet 2004 au 30 mai 2005).

128        J’aborderai maintenant la question des prestations. Je fais remarquer par le fait même que la fonctionnaire a reçu des prestations d’AE pendant une partie de cette période.

129        Lorsque son grief pour licenciement a été accueilli, en 2016, la fonctionnaire n’avait plus l’obligation de limiter ses pertes puisqu’elle n’était plus licenciée. Les parties ont ensuite discuté d’indemnisation et elles se sont efforcées de négocier un règlement, y compris en recourant à la médiation. Même s’il a fallu beaucoup de temps pour faciliter son retour au travail, je conclus que la fonctionnaire n’est pas principalement responsable de ce retard. En fait, vu la thèse de l’employeur selon laquelle elle ne devrait pas être réintégrée, on comprend que les efforts déployés pour faciliter sa réintégration étaient problématiques.

130        Même si l’employeur a le droit de demander une preuve de l’aptitude à retourner au travail, aucune preuve en l’espèce ne laissait croire que la fonctionnaire n’était pas apte à retourner au travail en septembre 2016. Elle se trouvait en congé de maladie au moment de son licenciement, mais, selon le dernier certificat médical au dossier, elle aurait pu retourner travailler le 30 novembre 2004. Je fais aussi remarquer que l’employeur a demandé à obtenir une preuve de l’aptitude au travail un an seulement après la décision qui annulait son licenciement a été rendue.

131        Vu ma conclusion selon laquelle la fonctionnaire avait le droit de réintégrer son poste en raison de la décision qui accueillait son grief pour licenciement, elle a droit à une paye et à des avantages sociaux complets à partir du 22 septembre 2016.

132        La fonctionnaire a demandé la majoration des dommages afin de contrebalancer l’imposition. Étant donné que la fonctionnaire doit être remise dans sa position antérieure, je conclus qu’il était approprié de majorer les dommages monétaires pour contrebalancer toute augmentation du fardeau fiscal. J’ordonne donc à l’employeur de verser à la fonctionnaire un montant supplémentaire pour couvrir les impôts supplémentaires qu’elle pourrait devoir payer à la suite du versement.

C. Crédits de congé

133        La fonctionnaire a aussi invoqué les dispositions relatives aux crédits de congé en vertu de la convention collective (congé annuel, congé de maladie et « autres droits »). Aucune copie des dispositions pertinentes ne m’a été présentée. Afin de remettre la fonctionnaire dans sa position antérieure pour la période allant de la date du licenciement jusqu’au 30 mai 2005, il est approprié de lui accorder les crédits de congé qu’elle aurait accumulés pendant cette période.

134        J’ai déjà conclu que la fonctionnaire n’a droit à aucun dommage pour la perte de revenu survenue du 30 mai 2005 à la date de la réintégration. Au cours de cette période, la fonctionnaire n’a pas travaillé, ce qui signifie qu’elle n’aurait pas accumulé de crédits de congé. Par conséquent, je refuse d’ordonner le versement de crédits de congé pour la période allant du 30 mai 2005 jusqu’à la réintégration.

D. Formation appropriée

135        Les parties n’ont pas présenté d’arguments détaillés sur la question de la formation appropriée afin d’aider la fonctionnaire à retourner au travail. Elle n’a pas précisé le soutien dont elle aurait pu avoir besoin pour retourner au travail en plus de la formation.

136        Je mentionne que l’employeur a indiqué, dans la correspondance qu’il a envoyée à l’avocat de la fonctionnaire, qu’il utiliserait le CV révisé afin de déterminer les besoins en formation de la fonctionnaire. J’ignore s’il l’a fait. Toutefois, il semble avoir reconnu sa responsabilité de fournir une formation afin d’aider la fonctionnaire à réintégrer le travail. Par conséquent, je refuse de rendre une ordonnance sur la formation vu l’absence de besoin justifié.

E. Remboursement des honoraires professionnels

137        La convention collective applicable la plus récente entre l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (pour le groupe Services de Santé) prévoit à l’article 21 que l’employeur rembourse à l’employé les cotisations, les droits d’inscription ou tout autre droit qu’il a versés à un ou plusieurs organismes ou corporations dans la mesure où « […] l’employeur est convaincu qu’un tel versement est nécessaire à l’exercice continu des fonctions de l’employé ».

138        Vu ma conclusion selon laquelle la fonctionnaire n’a droit à aucun dommage de 2005 à 2016, elle n’a droit à aucun remboursement des honoraires professionnels pendant cette période. La convention collective prévoit aussi que l’employeur doit être convaincu que le paiement de ces frais est nécessaire à l’exercice des fonctions de l’employé. Au cours des périodes en question (de 2004 à aujourd’hui), la fonctionnaire n’a pas exercé les fonctions de son poste. Par conséquent, je conclus qu’elle n’a pas droit à un remboursement de ses honoraires professionnels.

F. Prestations de retraite

139        Je conclus que la fonctionnaire a droit à un paiement équivalent à la valeur de son droit à pension pour la période allant de la date du licenciement à la réintégration. La fonctionnaire a perdu un avantage important en perdant ses cotisations de retraite. Conformément au principe « remettre dans la position antérieure », elle devrait recevoir la valeur des cotisations de retraite perdues pour la période allant de la date du licenciement jusqu’au 30 mai 2005. Même si j’ai conclu que l’employée n’a pas limité ses pertes après le 30 mai 2005, je reconnais aussi que, même si elle avait limité sa perte de revenu, elle n’aurait probablement pas occupé un emploi auprès d’un employeur visé par la Loi sur la pension de la fonction publique (L.R.C. (1985), ch. P-36). Par conséquent, je conclus qu’il est approprié de verser à la fonctionnaire la valeur de ses droits à pension de la date du licenciement jusqu’à celle de la réintégration.

140        Si elle avait été employée du 14 juillet 2004 au 22 septembre 2016, la fonctionnaire aurait payé sa part des cotisations de retraite pendant cette période et tout calcul du droit à pension perdu doit prendre en considération ces cotisations requises.

141         On ne m’a présenté aucune observation détaillée sur le calcul du droit à pension perdu. Je laisserai aux parties le soin d’en discuter et je demeurerai saisi de l’affaire afin de régler tout problème qu’elles ne seront pas parvenues à régler en ce qui concerne les montants dus.

142        Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

143        La fonctionnaire doit réintégrer son poste auprès de l’employeur, en date du 22 septembre 2016, avec une rémunération et des avantages sociaux complets.

144        La fonctionnaire recevra des dommages correspondant à 10,5 mois de salaire selon le taux de rémunération applicable, du 14 juillet 2004 au 30 mai 2005.

145        La fonctionnaire obtiendra le rétablissement de ses crédits de congé du 14 juillet 2004 au 30 mai 2005.

146        La fonctionnaire a le droit de recevoir un montant supplémentaire qui permet de couvrir les impôts supplémentaires issus du versement des dommages monétaires.

147        La fonctionnaire recevra un versement correspondant à la valeur du droit à pension perdu pour la période allant de la date du licenciement au 21 septembre 2016.

148        Je demeurerai saisi de l’affaire pendant une période de 120 jours pour traiter toutes les questions liées à la mise en œuvre de la présente décision.

Le 20 février 2019.

Traduction de la CRTESPF

Ian Mackenzie,

arbitre de grief

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