Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Après que l’agent négociateur a déposé ses avis de négociation concernant plusieurs groupes d’employés qu’il représente, l’employeur a lancé le système de paye automatisé Phénix – l’agent négociateur a allégué qu’à la suite du lancement de ce système, ses membres ont été payés de manière non uniforme et inexacte – il a soutenu que l’employeur avait donc contrevenu à l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral lorsqu’il a modifié les conditions d’emploi des employés pendant la période de gel prévue par la loi qui s’applique après qu’un avis de négocier est déposé – l’employeur s’est opposé à la plainte – il a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence pour l’entendre parce qu’elle était hors délai, puisqu’elle avait été déposée au-delà du délai prescrit de 90 jours suivant la date à laquelle l’agent négociateur a ou aurait dû avoir connaissance des faits ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte – étant donné la date à laquelle la présente plainte a été déposée, l’agent négociateur devait avoir ces renseignements au plus tôt le 31 mars 2016 – la Commission a conclu que les représentants de l’agent négociateur, y compris les présidents des éléments et les personnes au niveau de la haute direction, étaient bien au courant des problèmes relatifs à la paye auxquels étaient confrontés ses membres dès octobre 2015, plus de cinq mois avant la date limite – en conséquence, la plainte était hors délai et la Commission n’avait pas compétence pour l’entendre.

Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190221
  • Dossier:  561 02-805
  • Référence:  2019 CRTESPF 27

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignante

et

CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

Répertorié
Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor


Affaire concernant une plainte présentée en vertu de l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour la plaignante:
Patricia Harewood, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Sean Kelly et Christopher Rupar, avocats
Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
du 12 au 15 septembre 2016.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Plainte devant la Commission

1         L’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC » ou la « plaignante ») est un syndicat qui répond à la définition d’« agent négociateur » prévue dans la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (L.C. 2003, ch. 22, art. 2; la « Loi »). Ses membres sont des employés du défendeur, le Conseil du Trésor (le « CT » ou l’« employeur »).

2         Le 28 juin 2016, la plaignante a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP) en vertu de l’alinéa 190(1)c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), tel que la Loi était intitulée à ce moment. La nature de la plainte est énoncée aux paragraphes 4 à 7 et au paragraphe 10 d’une pièce-jointe de 10 pages (l’« addenda »), comme suit :

[Traduction]

[…]

4. La plaignante soutient que le défendeur a violé l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique lorsqu’il a modifié les conditions d’emploi des employés pendant une période de gel prévu par la loi.

5. Cette modification est également contraire aux conventions collectives respectives, à la Directive sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor et aux articles 7 et 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

6. Plus particulièrement, le défendeur a instauré le système de paye Phénix – un système de paye automatisé qui a donné lieu à d’importants problèmes systémiques en matière d’administration de la paye pour les membres de l’AFPC.

7. Plus particulièrement, depuis le lancement de Phénix en février 2016, le défendeur a versé la rémunération aux membres de l’AFPC de manière incohérente, inexacte et parfois pas du tout. Certains membres, y compris les membres handicapés ou en congé de maternité, ont éprouvé d’importantes difficultés financières et une perturbation de leur vie quotidienne. Cela comprend, sans toutefois s’y limiter, l’incapacité de payer le loyer, l’hypothèque et d’autres factures régulières du ménage.

[…]

10. La plaignante fait valoir que la rémunération est au cœur de la relation employeur-employé. Elle est sans doute la condition d’emploi la plus fondamentale.

3         À titre de redressement, la plaignante demande une déclaration selon laquelle l’employeur a violé l’article 107 de la Loi et une réparation immédiate sous forme d’indemnité pécuniaire pour toute perte économique connexe ou tout préjudice psychologique subi par tout membre de l’AFPC touché.

4         Le 19 juin 2017, une Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et de la LRTFP pour qu’ils deviennent, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.

5         Le 4 septembre 2018, David Orfald, qui a assisté à l’audience et qui y a témoigné, a été nommé commissaire à plein temps de la Commission. Aucune discussion n’a été tenue entre la présente formation et lui à ce sujet.

6         Outre la contestation du bien-fondé de la plainte, l’employeur soutient que la Commission n’a pas compétence pour entendre la plainte au motif que celle-ci a été présentée en dehors des délais prescrits. L’employeur fait également valoir que la question a été déposée devant le mauvais forum, c’est-à-dire qu’en vertu du paragraphe 191(2) de la Loi, elle aurait dû être déposée en tant que grief.

7         Comme que je l’expliquerai plus loin, je conclus que la plainte a été déposée bien au-delà du délai de 90 jours au cours duquel elle aurait dû être présentée et je n’ai donc pas compétence pour l’entendre.

II. Résumé de la preuve

8         Avant le début de 2016, l’administration de la paye pour le gouvernement du Canada, y compris l’employeur, était effectuée au moyen du système régional de paye. En 2006, il datait d’environ 40 ans et son entretien dépendait des connaissances, habiletés et expérience spécialisées des employés. Il était prévu que plusieurs de ces employés prennent leur retraite au cours des prochaines trois à cinq années.

9         À la date de l’audience, M. Orfald était au service de l’AFPC, au sein de la direction de la représentation. En 2005 et 2006, il y était agent principal de recherche et, à ce moment-là, il participait à un processus de table ronde avec les membres de la communauté de la rémunération, dans lequel il entendait les préoccupations concernant les problèmes liés au système de paye. Il a déclaré avoir comparu devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes. Une copie du Rapport du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires en date de mai 2008 intitulé « Payer nos employés(es) à leur juste valeur » a été déposée en preuve et le rapport énonçait en partie ce qui suit :

[À la page 2]

[…]

L’aspect le plus visible des problèmes du système de rémunération du gouvernement fédéral est sans doute que certains employés ne parviennent pas à recevoir leur chèque de paye dans des délais raisonnables ou que le montant de celui-ci est inexact.

[À la page 3]

[…]

[…] En effet, selon les dernières informations reçues par le Comité, certains services de rémunération du gouvernement fédéral sont encore aux prises avec des arriérés relativement à leurs dossiers de rémunération, et le surcroît de travail des employés fait toujours courir le risque que la situation se reproduise. De plus, la fonction publique éprouve encore des difficultés à retenir ses employés alors que ceux-ci quittent vers les agences et les autres organismes du secteur public fédéral pour toucher de meilleurs salaires. Pour ces raisons, le Comité est d’avis que le gouvernement doit s’attaquer aux sources du problème, lesquelles peuvent être regroupées au sein de trois grandes catégories :

[…]

[À la page 8]

[…]

Lors de ses travaux, le Comité a été surpris d’apprendre que les conseillers en rémunération des différents ministères effectuent encore des transactions sur des systèmes développés il y a environ 40 ans. Plusieurs membres du Comité ont dit ne pas comprendre comment le gouvernement en était venu à accumuler un tel retard technologique.

Dans les faits, le gouvernement fédéral est conscient depuis plusieurs années de la nécessité de remplacer ses systèmes de paye et de pensions devenus désuets et coûteux. De nombreuses raisons de nature budgétaire, technologique et organisationnelle sont venues retarder les projets de modernisation.

[…]

10        Un communiqué de presse du Cabinet du Premier ministre, daté du 19 août 2010, annonçant le nouveau Centre des services de paye du gouvernement à Miramichi, au Nouveau-Brunswick a été déposé en preuve. Il énonçait en partie ce qui suit

[Traduction]

[…] Le 19 août 2010, le Premier ministre Stephen Harper a annoncé que le gouvernement du Canada modernisait le système de paye datant de 40 ans de ses fonctionnaires et consolidait ses services de paye dans un nouveau centre d’expertise à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Cette modernisation donnera lieu à :

  • la création dans cette ville de 550 emplois au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

[…]

Ce nouveau plan prévoit le recours à une technologie de pointe pour remplacer des systèmes d’information techniques désuets et exigeants en main-d’œuvre, et permettant ainsi des économies pour les contribuables à long terme et une hausse d’efficacité.

[…]

11        Le projet a été appelé l’« Initiative de transformation de l’administration de la paye » (le « projet de TAP »).

12        M. Orfald a dit qu’après avoir vu le communiqué de presse, l’AFPC a reconnu que la technologie et les ressources humaines (« RH ») de l’ancien système de paye devaient toutes deux être améliorées. Il a indiqué que l’AFPC avait des préoccupations parce qu’il semblait que 550 employés exécuteraient les tâches qui étaient effectuées par environ 2 000 ou 2 200 employés à ce moment-là et parce que le travail, qui était exécuté par des employés partout dans le pays, y compris un nombre considérable dans la région de la capitale nationale, serait transféré à Miramichi.

13        À la date de l’audience, Rosanna Di Paola était la sous-ministre adjointe associée (« SMAA ») à Services publics et Approvisionnement Canada (« SPAC »), à sa Direction générale de la comptabilité, gestion bancaire et rémunération, et elle était chargée de surveiller le projet de TAP. En octobre 2013, elle a été mutée de Sécurité publique Canada, où elle était contrôleuse et dirigeante principale adjointe des finances, à SPAC.

14        Mme Di Paola a indiqué dans son témoignage que le système de paye du gouvernement du Canada était le plus important du pays, traitant environ 300 000 employés dans plus de 101 ministères ou directions générales différents et administrant 27 différentes conventions collectives qui comptaient environ 80 000 règles opérationnelles. Elle a dit que le projet de TAP comportait les deux principaux volets suivants :

  1. le Regroupement des services de paye, qui visait à regrouper et à centraliser l’administration des services de paye en un endroit (le « Centre des services de paye »);
  2. le Projet de modernisation de la paye, qui consistait à remplacer la technologie existante par une solution commerciale disponible sur le marché (le « volet technologique »).

15        En termes plus simples,

  • le projet de Regroupement des services de paye concernait les personnes qui administraient le système de paye. Environ 2 000 à 2 200 personnes partout dans le pays, situées dans plusieurs emplacements, ministères et divisions (un grand nombre dans la région de la capitale nationale) administraient la paye pour l’employeur. Conjointement avec le Projet de modernisation de la paye, le plan consistait à réduire ce nombre à environ 550 et à les centraliser à Miramichi;
  • le Projet de modernisation de la paye concernait la technologie qu’ils utiliseraient pour administrer la paye d’environ 300 000 employés.

16        Mme Di Paola a dit que Miramichi avait été choisi parce, que de 2006 à 2009, lorsque le gouvernement évaluait ses exigences pour corriger le système de paye, le fait que plus de 40 % des personnes travaillant avec l’ancien système devaient prendre leur retraite ou quitter la fonction publique constituait l’un des défis des plus importants. Par conséquent, le gouvernement devait attirer de nouveaux employés pour ce type de travail et les former. Selon Mme Di Paola, la plupart des employés étaient à Ottawa, en Ontario, et le gouvernement souhaitait centraliser le travail là où le maintien en poste ne constituait pas un problème. Miramichi avait un taux de chômage élevé et un effectif bilingue.

17        Le nom qui a finalement été adopté pour la technologie du nouveau système de rémunération était « Phénix », qui a été choisi au moyen d’un concours. La technologie devait consister en un système informatique disponible sur le marché qui serait configuré et personnalisé en vue d’intégrer autant que possible et de rationaliser la rémunération des fonctionnaires fédéraux. Toutefois, la complexité du gouvernement n’a pas permis l’automatisation complète et totale des différentes règles de rémunération et les conditions de toutes les différentes conventions collectives. En conséquence, une certaine saisie manuelle était requise.

18        PeopleSoft est un système de gestion des RH utilisé par l’employeur. Sans donner trop de détails, il surveille les types de congés des employés et leur utilisation au cours de leur emploi. À l’époque du projet de TAP, certains des ministères et des directions générales de l’employeur, mais pas tous, utilisaient PeopleSoft. Mme Di Paola a déclaré que lorsque le gouvernement a présenté sa demande de propositions concernant la section du Projet de modernisation de la paye du projet de TAP, une des exigences était que la nouvelle technologie soit intégrée sans heurts à PeopleSoft.

19        Le 30 mars et le 7 avril 2011, le CT et l’AFPC ont signé une entente intitulée [traduction] « Cadre de consultation des syndicats aux fins de l’initiative de transformation de l’administration de la paye » (l’« entente CT-AFPC »). Cette entente était conforme à une lettre d’accord qu’ils avaient signée le 1er décembre 2010 dans le cadre de négociations visant à renouveler la convention collective des Services des programmes et de l’administration (PA). L’entente CT-AFPC énonçait certaines conditions relatives aux paramètres à l’intérieur desquels ils avaient convenu de se consulter au sujet du projet de TAP et elle est devenue une annexe à un certain nombre de conventions collectives conclues entre eux et entre l’AFPC et des employeurs distincts.

20        Dans le cadre de l’entente CT-AFPC, les parties ont convenu de mettre sur pied le Comité consultatif patronal syndical-national (le « CCSP-TAP »), qui offrait un forum de consultation sur la mise en œuvre du projet de TAP, conformément aux conventions collectives, et pour discuter des stratégies de transition à l’égard des employés. M. Orfald a indiqué dans son témoignage qu’il était un membre du CCSP-TAP, que le comité se rencontrait bel et bien et qu’un processus de consultation actif était établi.

21        M. Orfald a indiqué que l’AFPC avait les trois préoccupations principales suivantes :

  1. en ce qui concerne la création du centre des services de paye, un grand nombre d’employés situés à l’extérieur de Miramichi perdraient leur emploi; ceci étant, l’une des préoccupations concerne le déroulement approprié de la transition (le réaménagement des effectifs ou le RE);
  2. la continuité dans le cadre du processus de transition, soit que les conseillers en rémunération existants ne quittent pas en faveur d’autres emplois pendant le changement et la mise en œuvre du nouveau système;
  3. un nombre approprié et suffisant d’employés pour exploiter le nouveau système et exécuter le travail.

22        À la date de l’audience et depuis mai 2012, Christopher Aylward était le vice-président exécutif de l’AFPC. Il a expliqué la structure de l’AFPC. Elle est composée de 17 éléments syndicaux harmonisés avec les secteurs ministériels, ayant chacun un président. Par l’intermédiaire de ses éléments, l’AFPC représente entre 130 000 et 135 000 fonctionnaires fédéraux. Il a dit qu’il existe également un certain nombre de locaux qui sont protégés directement et qui exercent leurs activités principalement dans le secteur privé.

23        Il a indiqué que l’AFPC est divisée en sept régions, lesquelles ont toutes un vice-président. L’organisme de réglementation de l’AFPC est le Conseil national d’administration, qui est composé de 26 administrateurs, y compris 17 présidents des éléments, 7 vice-présidents régionaux, le vice-président national et le président.

24        M. Aylward a indiqué dans son témoignage qu’après avoir été élu, le président de l’AFPC lui a demandé d’être membre du CCSP-TAP; il en était le coprésident. Il a assisté à certaines réunions, mais pas à toutes. Il a également assisté à ce qui semblait être la dernière réunion, qui a eu lieu le 4 décembre 2015. Une copie du procès-verbal de cette réunion (le « procès-verbal du 4 décembre ») a été déposée en preuve.

25        À la date de l’audience, Donna Lackie était la présidente du Syndicat des services gouvernementaux (SSG), l’un des 17 éléments de l’APFC. Elle a indiqué dans son témoignage qu’elle a commencé à participer au projet de TAP en 2012. Elle a affirmé, ainsi que M. Orfald, avoir assisté à la réunion du CCSP-TAP du 28 août 2012. Lorsqu’on lui a demandé quel était son rôle dans le conseil, elle a indiqué qu’il s’agissait d’un rôle de surveillance.

26        Mme Lackie a dit qu’elle était là au début de l’embauche et de la formation des nouveaux employés à Miramichi et qu’en janvier 2012, environ 125 personnes y travaillaient, ce qu’elle a appelé la première vague.

27        Dans son témoignage, Mme Lackie a indiqué qu’à la réunion du CCSP-TAP du 28 août 2012, les préoccupations du SSG étaient les suivantes :

  • le caractère raisonnable de la formation et l’interruption sans cesse de celle-ci;
  • peu de personnes faisant partie du milieu de la rémunération étaient disposées à déménager à Miramichi. Selon sa compréhension, les personnes ne voulaient pas y vivre ni y déménager.

28        Le procès-verbal du 4 décembre indiquait que le projet de Regroupement des services de paye respectait l’échéancier, la portée et le budget, et que les transferts définitifs de 12 000 comptes de paye au Centre des services de paye devaient être terminés le 7 décembre 2015, ce qui élargirait sa portée à 92 000 comptes. Il indiquait en outre que le Centre des services de paye avait son effectif complet de 550 membres du personnel. En ce qui concerne le Projet de modernisation de la paye, il indiquait que la modification vers la nouvelle technologie devait commencer à l’automne 2015, que le projet serait déployé en deux étapes, dont la première en février et la deuxième en avril 2016.

29        Le 1er janvier 2016, SPAC a envoyé un courriel au CCSP-TAP en vue d’informer ses membres du calendrier, par ministère, de la transition de la paye de l’ancien système vers le nouveau système Phénix (appelé une « mise en œuvre » ou le « lancement »). Le lancement, qui visait 34 ministères et directions générales, était prévu le 24 février 2016; en avril, 67 autres ministères et directions générales devaient être visés par le lancement.

30        Selon le témoignage de Mme Di Paola et la preuve documentaire de l’employeur, la mise à l’essai du système Phénix avant la date de lancement en février avait révélé très peu de problèmes et le système aurait dû bien fonctionner une fois la première transition accomplie en février. Une décision a été prise le 29 janvier 2016 d’effectuer le lancement le 24 février 2016 aux fins de la date de paye du 9 mars 2016.

31        L’AFPC a déposé en preuve une copie d’un article du journal Ottawa Citizen daté du 28 février 2016, rédigé par Kathryn May et intitulé « Federal government rolls out new pay system » ([traduction] Le gouvernement lance un nouveau système de paye) (l’« article du 28 février »), dont les sections pertinentes sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

Un nouveau système de paye automatisé mis en œuvre par le gouvernement fédéral dans nos ministères permettra d’épargner des millions de dollars au titre de trop-payés versés aux fonctionnaires du Canada et d’accélérer le traitement qui a causé des problèmes et des retards de paye, ont dit les fonctionnaires de Services publics et Approvisionnement.

Le nouveau système offert sur le marché, connu sous le nom de Phénix, a été lancé la semaine dernière – quatre mois plus tard que la date prévue – visant la première ronde de 34 ministères fédéraux. Les premiers chèques de paye émis à l’aide du nouveau système libre-service seront émis le 9 mars.

La deuxième ronde de 67 ministères suivra en avril.

Phénix est également la dernière étape d’une « transformation de l’administration de la paye » en deux étapes, qui a été amorcée par l’ancien gouvernement conservateur en 2009 lorsqu’il a décidé de situer le Centre des services de paye à Miramichi, au Nouveau-Brunswick en tant que compensation des emplois perdus lorsqu’il a fermé le Registre des armes d’épaule.

[…]

Le gouvernement a le système de paye le plus important et le plus alambiqué au Canada comptant plus de 80 000 règles et règlements intégrés dans le nouveau système que les conseillers en rémunération ont dû maîtriser.

Avant Miramichi, les ministères géraient leur propre paye à l’aide d’environ 2 500 conseillers en rémunération internes. Il y a maintenant 550 conseillers en rémunération à Miramichi et 790 qui demeurent aux ministères.

Le plan de transformation de l’administration de la paye a été divisé en deux grands projets. Le premier visait à regrouper tous les services de paye des 46 ministères à Miramichi et à transférer les 184 000 comptes de paye au plus tard en décembre 2015. Il s’agissait ensuite d’installer Phénix et de transférer 101 ministères dans le cadre de deux vagues.

Mais le projet a rencontré des problèmes de démarrage. Un problème important est survenu l’été dernier lorsque des centaines d’employés se sont plaints au sujet de paiements en retard ou erronés et ils ont blâmé le Centre des services de paye. Le Ministère a attribué certains de ces retards à un nouveau régime de paye en arriérés, ce qui signifiait que les nouveaux employés attendaient quatre semaines avant de toucher leur premier chèque de paye.

Toutefois, à Miramichi, les conseillers en rémunération se sont plaints qu’ils ne pouvaient pas suivre le rythme et le « tsunami » de dossiers que les ministères transféraient. Bon nombre d’employés étaient nouveaux et devaient suivre une formation. Ils se sont plaints des arriérés, d’épuisement professionnel, d’une mauvaise formation, d’un manque de soutien et d’un manque de conseils concernant les dossiers difficiles.

L’Alliance de la Fonction publique du Canada est intervenue et a demandé au Ministère de ralentir le rythme des dossiers ou d’embaucher d’autres employés afin de s’assurer qu’ils étaient en mesure de traiter le volume de travail.

[…]

32        L’article du 28 février a été montré à Mme Lackie. Elle a été renvoyée au paragraphe concernant l’intervention de l’AFPC. Elle a déclaré ce qui suit :

  • le SSG avait des préoccupations en février et en avril;
  • elle a reçu des appels et des courriels du personnel à Miramichi et elle a discuté avec eux directement;
  • elle a attribué certains des problèmes à la réduction de la durée du programme d’apprentissage à l’intention du personnel de Miramichi, passant de 18 mois à 12 mois;
  • elle a présenté ces préoccupations à l’employeur et elle a affirmé qu’elle avait eu des discussions directes en février et en mars 2016 avec Brigitte Fortin, la sous-ministre adjointe (SMA) de SPAC à ce moment-là.

33        L’AFPC a également déposé en preuve une copie d’un deuxième article du journal Ottawa Citizen, daté du 18 avril 2016, également rédigé par Mme May et intitulé « Despite complaints, government intent on second rollout of new pay system » ([traduction] Malgré les plaintes, le gouvernement a l’intention de passer à la deuxième mise en œuvre du nouveau système de paye ») (l’« article du 18 avril »), dont les sections pertinentes sont reproduites ci-dessous :

[Traduction]

[…]

Un bureaucrate d’Ottawa, qui ne souhaitait pas dévoiler son nom, a été victime de retards de paye à deux reprises. L’été dernier, son contrat à terme a été renouvelé et il n’a pas touché une rémunération pendant 10 semaines. Comme il a une jeune famille et une nouvelle maison, il a obtenu un prêt en attendant sa paye.

Aujourd’hui, il n’a pas été payé depuis au moins quatre semaines. Il est de retour au travail à la suite d’un congé parental de cinq semaines qu’il a demandé il y a des mois et sa demande n’a pas encore été traitée officiellement. Il est entouré de collègues qui sont confrontés au même sort parce qu’ils ont pris un congé, ont été promus ou dont le contrat a été renouvelé, dont un qui n’a « touché aucune rémunération du tout » depuis janvier.

Le nombre de personnes qui ne sont pas payées est inconnu, par opposition à celles qui sont rémunérées, mais qui ne reçoivent pas le plein montant qui leur est dû.

Pour rendre les choses compliquées, le gouvernement et les syndicats sont en désaccord quant à la mesure dans laquelle les problèmes existent, à la portée et même à la nature des problèmes.

Le Ministère affirme que tout est en cours. Phénix fonctionne et traite les choses comme il se doit pour un projet aussi massif et complexe. Les syndicats indiquent que le Centre des services de paye est débordé, que Phénix ne fonctionne pas et que les employés sont tellement stressés qu’ils ne seront pas en mesure de les traiter lorsque des milliers de nouveaux dossiers leur seront transférés.

« Il y a toujours un risque lorsqu’un système important est mis en œuvre, mais nous croyons réellement que Phénix constitue la solution » a dit Brigitte Fortin, la sous-ministre adjointe de la comptabilité, gestion bancaire et rémunération à Services publics et Approvisionnement.

« Il permet l’automatisation, il réduit la pression sur le centre à Miramichi et fonctionne comme prévu et (fonctionne) bien.

Chris Aylward, vice-président de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, n’est pas du tout d’accord.

« Ils sont pleins de m—, » a dit M. Aylward. « Ils ont exercé tellement de pression sur le Centre des services de paye et Phénix ne fonctionne pas, purement et simplement. Non seulement ça, on demande aux employés de dire que les problèmes ne découlent pas de problèmes liés à Phénix. »

L’AFPC est dans la ligne de tir des employés contrariés qui ne touchent aucune rémunération et des 550 conseillers en rémunération. M. Aylward les a rencontrés à Miramichi vendredi où il en a eu plein les oreilles. Ils soutiennent que le centre compte un arriéré de 115 000 dossiers qui n’ont pas encore été attribués.

[…]

34        Mme Lackie a indiqué dans son témoignage que lorsque l’article du 18 avril a été publié, les conseillers en rémunération à Miramichi ressentaient la pression associée à leur capacité d’offrir le rendement attendu. Elle a indiqué que le stress découlait de l’exercice d’une tâche compliquée sans avoir suivi la formation appropriée et du fait que les conseillers avaient été affectés à ce travail avant d’être prêts. Elle a dit qu’en conséquence du stress, des employés pleuraient au travail, à leur bureau et en se rendant au travail.

35        M. Aylward a été renvoyé au procès-verbal du 4 décembre, selon lequel le représentant de Mme Di Paola a déclaré à la réunion que la mise en œuvre devrait être retardée de deux mois afin de faire davantage preuve de diligence. Il a été interrogé à ce sujet dans le contexte de la réunion du 4 décembre. Il a déclaré qu’un essai devait être effectué en août 2015, mais qu’il avait été retardé jusqu’en octobre 2015 et, plus tard, jusqu’en février 2016.

36        M. Aylward a été renvoyé à un autre paragraphe du procès-verbal du 4 décembre qui faisait référence à sa demande d’une [traduction] « liste des ministères par mise en œuvre ». Il a indiqué qu’avant que le nouveau système ne soit mis en œuvre, les ministères devaient effectuer un nettoyage de données, que certains ministères étaient meilleurs que les autres et que l’AFPC était préoccupée par ce processus. Il a dit que l’AFPC avait informé les présidents de ses éléments de surveiller ce processus.

37        M. Aylward a été renvoyé à un autre paragraphe du procès-verbal du 4 décembre, qui renvoyait à des préoccupations au sujet du recyclage dans certains ministères. Il a dit que certains ministères d’attache saisissaient des données de base, ce qui signifiait que la personne qui effectuait la saisie devait suivre une formation.

38        M. Aylward a été renvoyé à l’article du 28 février. Il a été interrogé au sujet du commentaire attribué à l’AFPC au sujet du rythme lent. Il a indiqué que le processus de transformation se déroulait par étapes et par vagues. Il a affirmé que l’AFPC estimait que la transformation se déroulait plus vite que ce qui, selon elle, était prudent et il a indiqué qu’elle a dit à SPAC de ralentir. Il a indiqué qu’à l’origine, Phénix devait être lancé en octobre 2015; l’AFPC avait mentionné que le système n’était pas prêt. Il a dit que lors d’une démonstration, l’AFPC avait constaté des choses qui soulevaient de graves préoccupations. Selon lui, ces constatations concernaient des anomalies relatives à la paye qui découlaient des paramètres variables selon les différentes conventions collectives. Il a indiqué que l’AFPC avait suggéré à l’employeur de ne pas procéder à la mise en œuvre initiale.

39        M. Aylward a été renvoyé à l’article du 18 avril et il a été interrogé au sujet de la référence aux préoccupations de l’AFPC. Il a déclaré qu’en raison de ces préoccupations, si l’employeur avait procédé à la mise en œuvre en avril 2016, celle-ci aurait ajouté aux problèmes dont l’AFPC avait eu connaissance à la suite de la mise en œuvre initiale.

40        M. Aylward a affirmé qu’il se souvenait que Mme May l’avait appelé. Il se souvenait également d’avoir visité le Centre des services de paye. Il a dit que ce que les représentants de l’AFPC et Mme Di Paola lui avaient dit ne correspondait pas à ce que les employés de Miramichi lui avaient dit. Il a affirmé que, lors d’une séance de discussion ouverte avec ces employés, il avait été informé qu’il y avait un arriéré à ce moment-là de milliers sinon de dizaines de milliers de dossiers.

41        Dans son témoignage, M. Aylward a déclaré [traduction] « Je me souviens expressément que les employés m’ont dit qu’il y avait un arriéré de 115 000 dossiers » et « Je me souviens d’une réunion tenue avec Mme Di Paola le 7 avril 2016, et elle a indiqué qu’ils ne recevaient aucun appel ni aucune plainte; je lui ai dit que je lui enverrais ceux que je recevais ». Il a dit [traduction] « Chaque fois que je recevais un courriel je le faisais suivre; je consultais l’employé et je lui demandais comment Phénix avait eu une incidence sur leur paye et leur code d’identification de dossier personnel (« CIDP ») et je leur demandais leur consentement pour communiquer ces renseignements à SPAC ». Il a déclaré qu’il se souvenait particulièrement d’avoir demandé à Mme Di Paola, lors de la réunion du 7 avril 2016, de retarder la deuxième mise en œuvre et qu’elle avait répondu que la deuxième mise en œuvre réglerait les problèmes cernés au cours de la première mise en œuvre.

42        Mme Di Paola a indiqué dans son témoignage qu’elle avait reçu un texto de M. Aylward le 5 avril 2016, et qu’ils s’étaient rencontrés le 7 avril 2016. Elle a indiqué que, lors de cette réunion, M. Aylward lui avait dit que [traduction] « Phénix ne fonctionne pas » et qu’il avait reçu des milliers de plaintes provenant de personnes qui n’avaient pas été payées. Elle a indiqué qu’ils s’étaient rencontrés pendant deux heures et qu’il ne pouvait pas lui donner de détails sur les problèmes, mais qu’il lui acheminerait les plaintes. Il a déclaré qu’il [traduction] « remplirait sa boîte de réception ».

43        Une chaîne de courriels a été déposée en preuve, dont le dernier message provenait de Ginette Jalbert à M. Aylward, avec copie conforme à Dominic Lavoie, à 13 h 40, le 12 avril 2016. Je n’ai pas été informé des postes occupés par Mme Jalbert et par M. Lavoie.

44        Les courriels de la chaîne portent sur un certain nombre de problèmes liés à la paye découlant de la mise en œuvre du nouveau système. Le premier courriel est daté du 10 février 2016, à 22 h 14, et a été envoyé par un représentant de l’agent négociateur que j’appellerai « M. A » à Michelle Laframboise. Les autres courriels comprennent un courriel daté du 22 mars 2016, envoyé à 17 h 34, provenant également de M. A à Mme Laframboise, un courriel de réponse envoyé le lendemain, à 18 h 42, et d’autres courriels qui ont été envoyés le 12 avril 2016, qui ont tous éventuellement été acheminés à M. Aylward. Les parties pertinentes de ces courriels sont ainsi rédigées :

[Traduction]

[M. A à Mme Laframboise, le 10 février 2016, à 22 h 14]

Je souhaitais communiquer avec vous depuis quelques semaines, mais il m’était impossible de le faire pendant la journée; voilà la raison de l’envoi tardif de mon message. Peut-être que vous pourriez le regarder demain, à votre gré.

Les retards du versement des paiements empirent depuis notre dernière réunion avec Danielle Lacasse (SMA par intérim) en octobre de l’année dernière. La frustration de nos membres qui en subissent les conséquences augmente. Nous devons trouver des solutions qui donnent des résultats.

A), Promotion de MT : Nous avons un nombre important de MT qui ont été promus en juin et juillet de l’année passée. À l’heure actuelle, la plupart de ceux-ci n’ont pas reçu leur paye conformément à leur niveau. J’éprouve des difficultés à répondre à toutes les plaintes. Elles ne me sont acheminées qu’une fois que l’employé a épuisé toutes les voies de gestion régulières. Il y a une différence importante entre la paye d’un MT-0I et d’un MT-02 (44 324 $ au début à 51 150 $ au début) parce que le MT-02 est au niveau opérationnel alors que le MT-01 est au niveau de la formation […]

[…]

B), Étudiants :

[…]

J’ai été abordé par plusieurs gestionnaires et étudiants qui (étudiants) n’ont pas eu leur salaire à temps. Après avoir posé des questions, il semble qu’aucun message n’ait été remis aux gestionnaires selon lequel ils devraient demander la première paye de l’étudiant au moyen d’un chèque d’urgence dès le début afin qu’ils ne manquent pas la première paye, pendant que la paperasserie est effectuée. Je croyais qu’il avait été entendu que les RH prendraient cette mesure et ils ne semblent pas l’avoir fait. Bon nombre d’étudiants ont manqué leur première paye, et ont obtenu des assurances qu’ils seraient payés aujourd’hui (mercredi), ce qui n’a pas été le cas. En plus (ce qui semble être un mécanisme de défense et qui a sans doute pour effet de rajouter l’insulte à l’injure), ils ont reçu le message suivant aujourd’hui « Lorsqu’un employé n’a pas reçu sa paye régulière dans les 21 jours suivant son premier jour de travail, on lui demande de suivre, avec l’aide de son gestionnaire, les étapes du processus d’acheminement – Centre de services de paye, que vous pouvez accéder en cliquant le lien suivant […] »

Nos membres se grattent la tête; qui est responsable de me payer à temps? N’est-ce pas la responsabilité de mon employeur?

[…]

C), Autres problèmes liés à la paye

Il y a plusieurs autres problèmes qui indiquent que le système ne fonctionne pas comme il le devrait. Je ne peux partager avec vous qu’un échantillon des commentaires, pour vous donner une idée des problèmes et des répercussions sur les employés :

Un échantillon des commentaires des employés (l’ordre est aléatoire) :

  • Les conséquences vont au-delà d’une attente de six mois pour obtenir le salaire qui leur est dû. Si le salaire rétroactif est émis maintenant cette année, cela va se traduire sur leurs déclarations de revenus de 2016 à une tranche d’imposition supérieure plutôt que pour 2015, alors que raisonnablement il aurait dû être émis l’an dernier.
  • […]

  • D’après mon expérience d’aujourd’hui, d’hier et des dernières années, on peut dire sans se tromper qu’un problème surviendra (avec Phénix).
  • […]

  • Je vous écris pour vous informer qu’à compter de ce chèque de paye je n’ai pas reçu mon augmentation annuelle selon ma convention collective. Ma journée d’augmentation est le 16 janvier de chaque année, et ce chèque de paye précédent n’a pas tenu compte de l’augmentation à laquelle j’ai droit en vertu de la convention collective.
  • Les étudiants espéraient recevoir aujourd’hui leur salaire pour les 6 dernières semaines, mais n’ont pas été payés. Ils doivent donc attendre encore 2 semaines. C’est vraiment inacceptable. Ils ont fait ce qu’ils pouvaient faire. C’est la responsabilité de l’employeur de régler les problèmes et les étudiants ne devraient pas être obligés d’appeler continuellement.
  • Je n’ai pas gardé de registre du nombre de fois où j’ai appelé le Centre des services de paye (ces appels étaient fréquents, et la tonalité était occupée la plupart du temps). De plus, il y avait le désagrément de devoir devenir un « fournisseur » afin d’obtenir une avance de salaire en cas d’urgence (ASU), ce qui a probablement retardé l’ASU. Je n’ai encore rien vu en ce qui concerne un dépôt supplémentaire pour combler la différence entre l’ASU et le chèque de paye régulier.
  • […]

    Je voulais vous faire part de certaines observations pour vous fournir de la façon la plus exacte possible les sentiments des employés qui sont victimes des problèmes que le système de paye leur cause. Je crois qu’il est de mon devoir de représenter nos membres, et d’obtenir la coopération de la direction pour régler ces problèmes en milieu de travail dans les plus brefs délais possible […]

[…]

[M. A à Mme Laframboise, le 22 mars 2016, à 17 h 35 :]

[…]

La situation de la paye ne s’est pas améliorée; en fait j’entends de nos membres qu’elle s’est dégradée. Lors de notre téléconférence toutes les deux semaines entre les agents, elle a de nouveau été soulevée et je fais l’objet de beaucoup de pression pour faire remonter le problème.

La plupart des gestionnaires n’ont pas entendu dire qu’ils pouvaient demander des chèques d’urgence pour les étudiants. Il doit y avoir une rupture quelque part. Il y a trop d’erreurs. Le système n’est simplement pas conçu pour faire le travail qu’il est censé faire. La direction ne prend pas ces problèmes au sérieux. Voici certains des commentaires que j’entends. Je joins ci-dessous une copie d’un autre message à titre d’échantillon des préoccupations dont nos membres m’ont fait part :

CITATION : Nous continuons d’éprouver de graves problèmes de paye avec le Centre des services de paye. J’ai pris un CER cette année. J’avais envoyé mes papiers au Centre des services de paye en décembre bien avant ma période de congé de la mi-février jusqu’au 21 mars. J’ai appelé avant de partir en congé et ils m’ont assuré que tout était en place. Ils auraient dû réduire mon salaire de 9,6 % avec une rémunération le 9 mars. Ils ne l’ont pas fait. Je suis maintenant de retour au travail et j’ai vérifié mon talon de chèque de paye pour demain le 23 mars et ils n’ont toujours pas réduit la rémunération.

J’ai appelé le Centre des services de paye […] les 5 premières fois que j’ai appelé, ils m’ont raccroché au nez. Au 6e essai, j’ai été mis en attente pendant 15 minutes et ensuite j’ai parlé à Patrick. J’ai expliqué le problème et il a dit […] Vous avez tout fait correctement! Les papiers ont été reçus amplement à l’avance […] mais ils ont commis une erreur. Et il n’y a aucun moyen de la corriger. Il a laissé entendre qu’il était possible qu’ils reçoivent simplement 5 semaines de salaire sous forme d’un montant forfaitaire […] ce qui me laisserait SANS RÉMUNÉRATION pendant 5 ou 6 semaines!

J’ai une hypothèque à payer, une voiture et je dois subvenir aux besoins d’un enfant de 10 ans. Je ne peux pas demeurer aussi longtemps sans rémunération. Je ne vis que d’un seul revenu et j’ai besoin d’être rémunéré correctement et en temps opportun. Ces problèmes de paye doivent être réglés TOUT DE SUITE!

FIN DE CITATTION

Je comprends très bien que ces problèmes n’ont pas été créés par vous. Cependant, c’est notre direction qui doit les résoudre. C’est pourquoi j’ai proposé les étapes suivantes dans mon message du 10 février. Mes collègues et moi essayons de travailler avec la direction pour régler ces problèmes qui, pour reprendre les termes de nos membres, ont atteint un niveau inadmissible.

[…]

[Mme Laframboise à M. A, le 23 mars 2016, à 18 h 42 :]

[…]

J’entends bien votre frustration et je comprends très bien que vous êtes dans une situation difficile, aussi bien que d’autres représentants syndicaux. Je suis d’accord pour dire que la situation ne s’est pas améliorée, et, en fait, avec la conversion vers Phénix, une nouvelle série de problèmes est survenue. Même si je comprends que tous les problèmes sont regroupés en tant que « problèmes de rémunération », en fait les problèmes que nous traitons peuvent être divisés en différentes catégories et sont traités par différents groupes et de différentes façons.

J’ai inclus la mise à jour de Phénix qui a été fournie au CGD (ci-jointe) de sorte que vous puissiez avoir une idée de ce que nous faisons et quelles sont les zones critiques en ce moment, et je peux également fournir les statistiques suivantes :

  • Nous avons reçu environ 1 300 questions (sources : courriel générique d’Info Phénix, le numéro du service de dépannage commençant par 1 800, l’unité de liaison en rémunération).
  • Les cinq problèmes principaux sont les suivants :
    • Des problèmes techniques avec la conversion (le talon de chèque de paye ne s’affiche pas, les renseignements personnels, les retenues volontaires n’apparaissent pas dans le talon de chèque de paye, impossible de trouver un formulaire T4, etc.)
    • Des problèmes avec les EDP (la demande de l’employé n’est pas convertie dans la liste du gestionnaire, l’EDP n’est pas payée, toutes les demandes présentées ne sont pas payées, etc.)
    • La « Marche à suivre » dans Phénix (entrer un calendrier, approuver le temps, présenter une demande d’heures supplémentaires, étudiants, employés occasionnels, personnes travaillant au besoin, employés à temps partiel, horaire comprimé)
    • Montant de paye erroné sur le talon de chèque de paye.
    • La confusion entre les demandes de congé payé et les demandes de CNP

En ce moment, nous effectuons un triage des questions en traitant les cas où les employés n’ont pas été rémunérés du tout comme des cas critiques – veillant à traiter les avances de salaire d’urgence pour les nouveaux employés et à effectuer les paiements prioritaires aux anciens employés qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas été payés.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original.]

45        Lorsque la chaîne de courriels du 12 avril a été montrée à M. Aylward, ce dernier a confirmé qu’il l’avait reçue et qu’elle était un exemple des courriels qu’il recevait à ce moment-là.

46        Le deuxième déploiement ou mise en service de Phénix a eu lieu le 21 avril 2016. Par la suite, un nombre croissant de problèmes de rémunération sont apparus.

47        M. Aylward a signalé une note de service non datée qui provenait [traduction] « collectivement des agents négociateur » et qui a été envoyée à SPAC avec l’objet suivant : [traduction] « Système de paye Phénix – Liste des questions qui surviennent au cours de la mise en œuvre ». Il a indiqué que la liste a évolué après une réunion du 25 avril 2016, qui comptait les présidents de l’AFPC et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, entre autres. L’objectif de la réunion était d’exprimer les préoccupations et les problèmes au sous-ministre. M. Aylward a indiqué qu’il était préoccupé par le fait que le sous-ministre ne reçoive pas les mêmes renseignements que les agents négociateurs. M. Aylward a indiqué que le sous-ministre adjoint délégué disait aux agents négociateurs que tout irait bien, soit le message que l’employeur exprimait dans les médias. Les parties pertinentes de la note de service non datée indiquaient ce qui suit :

[Traduction]

À la suite de la réunion du lundi 25 avril 2016, entre les agents négociateurs représentant les employés de la fonction publique fédérale, Services publics et Approvisionnement Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor, veuillez trouver ci-dessous une liste de préoccupations découlant de la mise en œuvre de Phoenix. Cette liste ne contient pas les questions liées aux cotisations syndicales (les déductions et les versements).

  • Les indemnités que l’on retrouve dans les différentes conventions collectives ne sont pas codifiées dans le système et, à ce titre, les employés ne sont pas payés de façon appropriée.
  • La prime de poste n’est pas payée – elle n’est pas programmée dans le système.
  • Les heures supplémentaires et les congés compensatoires ne sont pas payés.
  • La rémunération par intérim n’est pas versée.
  • Les employés en congé non payé (congé de maternité, congé parental, congé pour apprentissage) ne reçoivent pas leur supplément.
  • Les employés qui reviennent d’un congé non payé (congé de maternité, congé parental, congé pour apprentissage) ne sont pas rémunérés pendant 8 à 10 semaines.
  • Les employés avec différents types d’horaire (par exemple, les capitaines de navire qui travaillent 42 ou 46,6 heures par semaine) ne reçoivent pas le nombre d’heures entré dans le système et sont sous-payés.
  • […]

  • Les augmentations à la rémunération annuelle ne sont pas payées.
  • Les rajustements de la rémunération avec effet rétroactif pour les promotions prennent des mois avant d’être traités
  • […]

  • Congés avec étalement du revenu – la paye n’est pas réduite.
  • […]

  • Les employés ne reçoivent pas de salaire de disponibilité.
  • […]

  • Le système de paye Phénix ne contient pas de renseignements personnels à jour.
  • […]

  • Puisqu’ils ne sont pas rémunérés correctement, les employés ne sont pas imposés comme ils devraient.
  • Enfin, les employés ne sont tout simplement pas rémunérés.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

48        Le 14 juin 2016, M. Aylward a écrit à Mme Judy Foote, ministre de SPAC, pour se plaindre de la question et fournir des recommandations qui, selon l’AFPC, pourraient être utiles.

49        Lors de l’interrogatoire principal, la question de savoir pourquoi l’AFPC avait déposé sa plainte le 28 juin 2016, a été posée à M. Aylward. Il a répondu que lorsque l’AFPC a commencé à recevoir des plaintes de la part de ses membres au sujet de la paye (en mars et en avril), elle a tenté de régler les problèmes. Il avait l’impression que l’AFPC avait établi une approche au problème avec le sous-ministre, mais a réalisé en juin que le système ne serait simplement pas réparé et que les problèmes allaient durer longtemps. Il a indiqué que l’AFPC avait décidé qu’il fallait faire quelque chose pour ses membres et, par conséquent, elle a déposé une plainte. Il a indiqué que l’élément déclencheur s’est produit au cours d’une conférence téléphonique le 17 juin 2016, dans laquelle le ministre n’a pas effectué de suivi.

50        Au paragraphe 7 d’un affidavit daté du 22 juillet 2016, dans la demande de la Cour fédérale no T-1021-16, qui a été présentée par plusieurs agents négociateurs contre le CT, M. Aylward a indiqué [traduction], « Depuis peu de temps après le lancement en février 2016, j’ai commencé à recevoir des rapports de la part des employés de la fonction publique concernant des problèmes importants avec le système d’administration de la paye Phénix ». Il a été renvoyé à ce paragraphe au cours du contre-interrogatoire et il a été interrogé sur le type de problèmes qui ont été portés à son attention. Il a indiqué que le premier jour de paye après le lancement, des personnes n’étaient pas payées. Il a indiqué avoir reçu ces renseignements par téléphone et par courriel.

51        Trois griefs déposés par trois employés différents concernant des problèmes avec leur rémunération après le lancement de Phénix ont été déposés en preuve. Les employés travaillaient à Montréal (Québec), chez Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Même s’ils ne faisaient pas tous partie de la même unité de négociation, leurs unités de négociation étaient toutes représentées par le Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC), un élément de l’AFPC. Les trois griefs étaient signés par un représentant de l’agent négociateur et se lisaient comme suit : [traduction] « Par la présente, j’autorise la présentation du grief relatif à une convention collective ou à une décision arbitrale, et j’accepte de représenter l’employé ». Les dates auxquelles chaque grief a été signé par chaque fonctionnaire et les représentants de l’agent négociateur (signifiant leur accord de fournir une représentation) et la date de réception de chaque grief par l’employeur sont comme suit :

Signé par le fonctionnaire s’estimant lésé

Signé par un représentant de l’agent négociateur

Reçu par l’employeur

Grief no 1

Le 8 mars 2016

Le 8 mars 2016

Le 8 mars 2016

Grief no 2

Le 11 mars 2016

Le 11 mars 2016

Le 14 mars 2016

Grief no 3

Le 23 mars 2016

Le 23 mars 2016

Le 23 mars 2016

52        Selon le grief que l’employeur a reçu le 8 mars 2016, chaque acte, omission, ou autre question donnant lieu au grief ont eu lieu les 10, 24 et 25 février 2016.

53        Selon le grief que l’employeur a reçu le 14 mars 2016, chaque acte, omission, ou autre question donnant lieu au grief ont eu lieu les 16 et 30 décembre 2015, et les 13 et 27 janvier, les 10 et 24 février et le 9 mars 2016.

54        Enfin, selon le grief qu’il a reçu le 23 mars 2016, chaque acte, omission, ou autre question donnant lieu au grief a eu lieu le 9 mars 2016.

55        M. Aylward a été renvoyé aux trois griefs et il a été interrogé à savoir s’il était au courant de ces griefs. Il a répondu qu’il n’était pas au courant parce qu’ils avaient été déposés par des représentants locaux de l’AFPC.

56        M. Aylward a indiqué dans son témoignage qu’entre décembre 2015 et février 2016, avant la première mise en œuvre, l’employeur et SPAC avaient indiqué à l’AFPC que tout serait en ordre; ce n’est qu’après la mise en œuvre de février que l’AFPC s’est rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond. Elle était encore plus préoccupée après la deuxième mise en œuvre, à la fin d’avril 2016.

57        Bien que, dans son interrogatoire principal, M. Aylward ait indiqué que le système de paye Phénix ne fonctionnait pas, lorsqu’il a été interrogé davantage en contre-interrogatoire, il a reconnu qu’il n’avait aucune formation en conception de logiciels informatiques, affirmant qu’il n’était qu’un utilisateur ordinaire (d’ordinateurs). Lorsqu’on lui a indiqué, en contre-interrogatoire, qu’il ne connaissait pas la cause du problème avec Phénix, il l’a reconnu, mais il a souligné que lorsque sa voiture ne démarrait pas, il savait qu’elle était brisée.

58        Conformément à l’article 105 de la Loi, aux dates suivantes, le CT a donné un avis de négocier par lettre à l’AFPC pour les groupes suivants :

  • le 24 février 2014, pour les groupes PA et Services techniques (SV)
  • le 28 février 2014 pour le groupe Enseignement et Bibliothéconomie (EB) :
  • le 4 avril 2014, pour le groupe Services de l’exploitation (SV);
  • le 16 avril 2014, pour le groupe Services frontaliers (FB).

59        Au cours du contre-interrogatoire, on a interrogé M. Orfald au sujet des trois griefs, qu’il a déclaré ne pas avoir vus. Lorsqu’on lui a demandé combien de griefs de rémunération avaient été déposés, il ne pouvait pas fournir de chiffre. Il a indiqué que la section de la représentation de l’AFPC recevait environ 160 renvois à l’arbitrage par mois. Lorsqu’on lui a demandé combien de plaintes il avait entendu parler en ce qui concerne la rémunération, il a indiqué qu’il estimait qu’il s’agissait de centaines, voire de milliers. Lorsqu’on lui a demandé à quel moment ces plaintes étaient arrivées, il a indiqué les avoir reçues après la première mise en œuvre de Phénix en février ou en mars 2016.

A. Problèmes de paye des employés après le passage à Phénix

60        Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à M. Orfald d’estimer le nombre de griefs que les membres de l’AFPC avaient déposés concernant les problèmes de paye. Il a indiqué qu’il ne pouvait pas y répondre étant donné que l’AFPC recevait environ 160 renvois à l’arbitrage par mois. Lorsqu’on lui a demandé combien de plaintes concernant la rémunération liée à Phénix l’AFPC avait reçues jusqu’à la date de son témoignage, il a indiqué des centaines ou des milliers. Lorsqu’on lui a demandé à quel moment ces plaintes avaient commencé à arriver à l’AFPC, il a indiqué que c’était après la première mise en œuvre en février ou en mars 2016.

61        Dans son interrogatoire principal, M. Aylward a indiqué que les problèmes liés au système de paye Phénix étaient continus. Il a indiqué avoir voyagé partout dans le pays depuis la mise en œuvre et que les plaintes au sujet Phénix étaient la première chose qui était portée à son attention. Il a indiqué que même au cours de réunions qui ne portent pas sur Phénix, il en entend parler; les personnes ne sont pas payées.

62        On m’a également fourni un nombre important de détails au sujet des problèmes de paye après le dépôt de cette plainte et concernant les mesures que l’employeur a prises ou a indiqué qu’il prendrait afin de remédier aux problèmes de paye associés à Phénix. Bien qu’une part importante de ces éléments de preuve consistent en du ouï-dire, il n’est pas mis en doute qu’à compter de la date de l’audience, il y avait des milliers, voire des dizaines de milliers de problèmes avec la rémunération des employés découlant du projet de TAP, que ce soit avec la consolidation de la rémunération des employés à Miramichi, la composante technique (Phénix), ou une combinaison des deux.

63        Les éléments de preuve ont divulgué que le CT a mis sur pied un processus de revendication pour traiter les problèmes découlant des problèmes de rémunération qui sont survenus avec le projet de TAP. Un bureau de revendications a été établi au cours de la semaine de l’audience.

64        De nombreux rapports des médias ont été déposés en preuve au sujet des problèmes qui ont découlé de la mise en œuvre de Phoenix.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la plaignante

65        La souffrance humaine est bien réelle. Il y a des éléments de preuve établissant que des employés de la fonction publique sont affolés; soit ils ne sont pas rémunérés du tout, soit le montant n’est pas exact. Il n’y avait rien de normal dans les récits transmis par les témoignages des employés ni dans les problèmes auxquels ils font face.

1. L’objection de l’employeur concernant le respect des délais

66        Il incombe à la partie qui présente l’objection de démontrer que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prévus au paragraphe 190(2) de la Loi.

67        La plaignante ne pouvait pas connaître la gravité de la situation avant le 21 avril 2016.

68        Phénix n’est pas seulement un logiciel; il y a aussi des personnes derrière le système. Il fait partie du projet de la transformation de l’administration de la paye qui était fondé sur le rapport du Comité permanent, qui énonçait que le système de paye qui était utilisé par l’employeur était désuet et devait être changé.

69        Le nouveau système de rémunération, qui est maintenant connu sous le nom de Phénix, était un projet de longue date et en plusieurs volets, notamment le déplacement du personnel qui devait l’administrer à Miramichi.

70        Il y avait deux étapes de mise en œuvre, soit le 24 février 2016, et le 21 avril 2016. Avant le 21 avril 2016, les membres s’étaient plaints, ce qui avait été acheminé à la direction de SPAC après une réunion qui a eu lieu le 7 avril avec Mme Di Paola. Les problèmes les plus graves ont été traités au cas par cas. SPAC a minimisé le problème, alléguant que le système fonctionnait; la plaignante ne lui a présenté que des pépins dans le système et, ultimement, tout irait bien. On peut le voir dans d’innombrables rapports des médias sur cette question.

2. L’objection de l’employeur concernant la tribune utilisée

71        Le paragraphe 191(2) de la Loi utilise le terme « peut »; la Commission a le pouvoir discrétionnaire de refuser de statuer sur une plainte. C’est permis, et non obligatoire. Il s’agit d’un argument très technique.

72        Les relations patronales-syndicales fructueuses sont importantes et sont dans l’intérêt du public. Ces principes sont énoncés dans le préambule de la Loi.Est-ce dans le meilleur intérêt d’entendre des milliers de griefs ou une plainte concernant une disposition de gel? L’attente que davantage de griefs fassent leur chemin dans le système constitue-t-elle une utilisation plus efficace des ressources? À cet égard, la plaignante m’a renvoyé à Gignac c. Fradette, 2009 CRTFP 18.

73        La plaignante soutient que cet argument préliminaire au sujet de la compétence devrait être rejeté.

3. Le bien-fondé de la plainte

74        Dans l’ensemble, le contexte factuel n’est pas en litige. Des avis de négociation ont été envoyés entre le 24 février et le 24 avril 2014. Pendant que les parties étaient en négociation, l’employeur était engagé dans la transformation du système de paye dans le cadre d’un processus pluriannuel. Deux mises en œuvre étaient prévues, l’une mettant en cause 34 ministères et groupes, et la deuxième mettant en cause 67 autres ministères et groupes. Environ 300 000 employés reçoivent leur rémunération par l’entremise du système de paye du défendeur; parmi eux, environ 135 000 sont représentés par la plaignante.

75        La plaignante n’a jamais convenu que les employés qu’elle représente ne devraient pas être rémunérés, ou qu’ils devraient l’être en retard, ou de façon inexacte.

76        SPAC a sous-estimé la courbe d’apprentissage aiguë qui devait être surmontée pour mettre les ministères et le personnel à niveau avec le nouveau système de Phénix. Aucune formation obligatoire n’a eu lieu hormis celle des conseillers en rémunération à Miramichi.

77        Les messages de SPAC ont changé avec le temps, à mesure que l’ampleur du problème s’est fait connaître. Les éléments de preuve ont indiqué qu’il ne pouvait pas garantir la livraison à temps, avec précision, ou pas du tout.

78        Il faut se poser les deux questions suivantes :

  1. La rémunération est-elle une condition d’emploi fondamentale?
  2. Le cas échéant, l’employeur a-t-il modifié cette condition d’emploi au cours de la négociation en ne payant pas les employés?

4. La rémunération est-elle une condition d’emploi fondamentale?

79        L’article 107 de la Loi est le fondement de la plainte. La Directive sur les conditions d’emploi du CT(la « Directive ») prévoit que toute personne nommée à l’administration publique centrale a le droit de toucher, toutes les deux semaines, pour services rendus, le taux de rémunération prévu dans la convention collective pertinente ou le taux approuvé par le Conseil du Trésor à l’égard de son groupe et de son niveau de classification.

80        Toutes les conventions collectives de l’AFPC et du CT ont des articles concernant l’administration de la paye.

81        Compte tenu de la Directive et de l’article concernant l’administration de la paye dans toutes les conventions collectives de l’AFPC et du CT, la rémunération est une condition fondamentale d’emploi.

5. L’employeur a-t-il modifié cette condition d’emploi fondamentale au cours de la négociation?

82        The Queen in Right of Canada as represented by the Treasury Board v. Canadian Air Traffic Control Association, [1982] 2 C.F. 80 (C.A.), énonce l’objectif de la disposition du gel de la Loi. La jurisprudence dans ce domaine a été élargie dans Spar Aerospace Products Limited c. Spar Professional and Allied Technical Employees Association, [1978] OLRB Rep. Septembre 859, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2013 CRTFP 46, Alliance de la Fonction publique du Canada c. BHP Billiton Diamonds Inc., 2006 CCRI 353, Association canadienne des employés professionnels c. Bibliothèque du Parlement, 2013 CRTFP 18, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 19, Canadian Union of Public Employees, Local 3010 v. Children’s Aid Society of Cape Breton, 2009 NSLRB 11, et Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Compagnie Wal-Mart du Canada, 2014 CSC 45.

83        La rémunération est essentielle. L’AFPC n’a jamais convenu que la rémunération soit interrompue.

84        L’ensemble des unités de négociation ont été touchées.

85        Des éléments de preuve ont été produits concernant le stress et les congés pris par les conseillers en rémunération, y compris les congés de maladie. Des éléments de preuve ont été déposés sur l’incidence de la perte de la rémunération sur certains membres.

86        Par conséquent, la plaignante demande une ordonnance :

  1. déclarant que l’article 107 de la Loi a été enfreint;
  2. octroyant une indemnisation pour tous les membres de l’unité de négociation de l’AFPC qui ont subi des pertes;
  3. exigeant un engagement de la part de l’employeur que les employés ne subissent pas une incidence négative;
  4. exigeant qu’elle soit affichée pendant 120 jours;
  5. obligeant l’employeur à payer les membres de l’unité de négociation en temps opportun et avec exactitude.

B. Pour le défendeur

87        La question se résume aux faits principaux suivants :

  • avant 2009, le système de rémunération de l’employeur ne fonctionnait pas et éprouvait des problèmes;
  • en 2009, l’employeur a décidé de modifier son système de paye;
  • Phénix a été conçu pour rémunérer les employés de la même façon que l’ancien système;
  • entre février et avril 2014, un avis de négocier a été donné;
  • l’employeur avait décidé de changer le système de paye avant que l’avis de négocier ne soit donné;
  • le 24 février 2016, Phoenix a été déployé pour un nombre important d’employés;
  • le 9 mars 2016, les premiers paiements ont été émis par l’entremise de Phénix;
  • le 9 mars 2016, l’employeur a commencé à éprouver des problèmes avec Phénix, soit, en ce qui concerne la rapidité et l’exactitude des paiements à certains employés;
  • peu de temps après le 9 mars 2016, la plaignante a commencé à recevoir des plaintes de ses membres au sujet de leur rémunération, liées à Phénix;
  • en mars 2016, la plaignante a commencé à être informée par ses membres qu’ils déposeraient des griefs au sujet des problèmes de rémunération;
  • les problèmes liés au système de paye Phénix ont fait en sorte que des données inexactes ou en dehors des délais prescrits ont été entrées dans le système;
  • le 28 juin 2016, la présente plainte a été déposée.

1. La plainte est hors délai

88        Une plainte déposée en vertu de l’article 190 de la Loi doit être déposée dans un délai de 90 jours, autrement, la Commission n’a pas compétence. L’analyse en ce qui concerne une objection aux délais est bien établie. Deux questions doivent être posées, à savoir, quelle est l’essence de la plainte et à quel moment le plaignant a-t-il eu connaissance, ou à quel moment aurait-il dû avoir connaissance, des faits donnant lieu à la plainte.

89        À cet égard, le défendeur m’a renvoyé à Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2011 CAF 98, Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor (École de la fonction publique du Canada), 2013 CRTFP 118, Syndicat national de l’automobile, de l’aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada, 2182 (TCA-Canada 2182) c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans), 2013 CRTFP 42, et Esam c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employées et employés nationaux), 2014 CRTFP 90.

90        Il y a deux questions secondaires ayant trait à la rapidité de la plainte. La première concerne son fondement, qui, dans ce cas, concerne l’échec du défendeur à effectuer des paiements exacts en temps opportun aux employés qui sont membres des unités de négociation représentés par la plaignante. Elle n’a pas allégué que le défendeur avaiti répudié la convention collective ni suggéré qu’il y avait une incidence sur la négociation.

91        La deuxième question est le moment où la plaignante a eu connaissance de la question, non pas le moment où elle est devenue un problème important ou le moment où la mise en œuvre a eu lieu. Le délai prévu pour déposer une plainte commence lorsque le plaignant prend connaissance pour la première fois, ou aurait dû avoir connaissance, des circonstances donnant lieu à la plainte. Les événements subséquents ne peuvent pas être utilisés pour prolonger la date limite pour déposer une plainte. À cet égard, le défendeur m’a renvoyé à Coulter c. Alliance de la Fonction publique, 2014 CRTFP 53, Crête c. Ouellet, 2013 CRTFP 96, Lampron c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2011 CRTFP 29, Éthier c. Service correctionnel du Canada, 2010 CTRFP 7, et Larocque c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 77.

92        CAW-TCA-Canada, Éthier et Lampron appuient aussi la proposition selon laquelle aucun seuil minimal n’établit le degré de connaissance qu’un plaignant doit avoir avant de déposer une plainte. Une fois que le plaignant a connaissance des faits qui constituent le fondement de la plainte, le plaignant doit déposer la plainte dans un délai de 90 jours.

93        Le seuil pour le dépôt de la présente plainte, qui était de 90 jours avant qu’elle ne soit déposée, était le 31 mars 2016.

94        Le plaignant s’est rendu compte pour la première fois qu’il y avait des retards et des écarts dans le paiement des salaires de ses membres le 9 mars 2016 ou aux alentours de cette date. Les témoins de la plaignante ont tous les trois admis qu’ils étaient bien au courant, en février ou en mars 2016, que certains de ses membres s’étaient plaints de ne pas avoir reçu leur salaire exact et en temps opportun.

95        Dans un courriel daté du 23 mars 2016, M. Aylward a été avisé d’une série de problèmes avec le paiement des salaires. Dans un affidavit, il a dit que peu après le lancement de Phénix, il a commencé à recevoir des rapports provenant des employés de la fonction publique soulignant des problèmes importants avec le système de paye Phénix. Il a indiqué qu’il était au courant, en mars 2016, que les membres de l’AFPC envisageaient de déposer des griefs. Les 11 et 23 mars 2016, l’AFPC a déposé deux griefs individuels concernant les problèmes liés au système de paye Phénix au nom de ses membres. Tous ces événements ont eu lieu avant le 31 mars 2016, date limite pour la connaissance des faits donnant lieu à la plainte.

96        Coulter appuie également la proposition que la plaignante ne peut utiliser comme prétexte son inaction pour prolonger le délai de 90 jours. Par conséquent, le fait qu’elle ait essayé de régler les problèmes par d’autres moyens ou qu’elle ait tardé à soulever ses préoccupations jusqu’en avril 2016 n’annule pas le fait qu’elle a eu connaissance des problèmes avant avril 2016.

97        Puisque la plaignante a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des circonstances qui ont donné lieu à la plainte le 9 mars 2016 ou aux alentours de cette date, et qu’elle n’a pas déposé sa plainte avant le 28 juin 2016, c’est-à-dire 112 jours plus tard, la plainte est hors délai.

2. La tribune

98        L’objectif de l’article 107 de la Loi est de veiller à ce que les agents négociateurs aient la possibilité d’entamer des négociations et de négocier à partir d’un point fixe. À l’appui de cette affirmation, l’employeur m’a renvoyé à Canadian Air Traffic Control Association et à L’Association des chefs d’équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale),2016 CRTEFP 26.

99        Les commissions des relations de travail refusent généralement d’entendre des plaintes alléguant qu’une disposition sur le gel a été violée lorsque le règlement du différend se fait d’une façon plus appropriée au moyen d’une procédure de règlement des griefs. À cet égard, l’intimée m’a renvoyé à Calgary Board of Education Association du personnel c. Calgary School District No. 19, [2006] A.L.R.B.D. no 42 (QL), Syndicat canadien de la fonction publique c. Algoma District School Board, [2014] O.L.R.D. no 3379 (QL), et Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c. Société canadienne des postes, 2016 CCRI 827.

100        En vertu du paragraphe 191(2) de la Loi, la Commission peut refuser de statuer sur une plainte présentée en vertu du paragraphe 191(1) si elle estime que le plaignant pourrait renvoyer l’affaire à l’arbitrage sous le régime de la partie 2 ou de la section 2 de la partie 2 de la Loi.

101        Le défendeur a soutenu que les paiements hors délais ou inexacts aux employés (membres de la plaignante) ne constituent pas une affaire pour une plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’article 190(1) de la Loi, mais font plus correctement l’objet de griefs individuels, collectifs ou de politique déposés en vertu de la partie 2 de la Loi. Il n’y a pas de preuve et encore moins d’allégations que la négociation collective était minée. De plus, la conduite des parties ne suggère pas que la convention collective ou le processus de la convention collective aient été répudiés.

102        Les griefs individuels sont déposés, et la mesure de redressement demandée est traitée d’une façon plus appropriée dans une procédure de règlement des griefs. Plus précisément, la demande de la plaignante que ses membres soient indemnisés pour les dommages financiers et psychologiques à la suite d’une rémunération inexacte ou hors délai ne peut être évaluée qu’avec le bénéfice de témoignages directs des personnes touchées. Il n’y a pas de mesure de redressement universelle qui peut être appliquée à tous les employés touchés. En outre, la plaignante n’a déposé aucune preuve concernant les dommages aux particuliers, et encore moins l’identité des employés touchés.

103        Permettre à la plainte de procéder dans les circonstances de la présente affaire mènerait à un résultat absurde. Il serait absurde d’interpréter l’article 107 de la Loi de façon à permettre à un plaignant de contourner le processus de règlement des griefs et de contester toute application par l’employeur de la convention collective au cours de la période de gel au moyen d’une plainte de pratique déloyale de travail. À cet égard, le défendeur m’a renvoyé à l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27.

3. Le bien-fondé de la plainte

104        Les perturbations à la rémunération des employés qui constituent le fondement de cette plainte n’ont pas découlé d’une modification d’une condition d’emploi, mais plutôt d’erreurs administratives honnêtes dans le traitement de ces conditions. Tel qu’il est énoncé dans Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503, et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 148-02-185 (19910125), [1991] C.P.S.S.R.B. No. 23 (QL), la question essentielle pour l’application d’une disposition sur le gel, y compris l’article 107 de la Loi, est de savoir si l’employeur a modifié unilatéralement les conditions d’emploi de ses employés au cours de la période d’interdiction. Plus précisément, le plaignant a le fardeau de démontrer ce qui suit :

  1. qu’une condition d’emploi existait le jour avant que l’avis de négocier ait été donné;
  2. qu’une condition d’emploi a été modifiée sans son consentement;
  3. que la modification a été apportée au cours de la période de gel.

105        Le paiement du salaire est la condition d’emploi, et non le système de la paye qui administre le paiement. Pour déterminer si une modification à une condition d’emploi a eu lieu au sens de l’article 107 de la Loi, le plaignant ne peut pas simplement démontrer que l’employeur a modifié la façon dont il gère ses affaires. Il doit également établir que la modification n’est pas conforme à la pratique normale de gestion de l’employeur en démontrant que la décision allait à l’encontre (i) des dernières pratiques de gestion ou (ii) de la décision qu’un employeur raisonnable aurait prise dans les mêmes circonstances. Une modification qui aurait été traitée de la même façon s’il n’y avait pas eu de tentative de former un syndicat ni aucun processus de renouvellement d’une convention collective ne devrait pas être considéré comme une modification à une condition d’emploi de sorte que l’article 107 s’appliquerait.

106        Il n’y a pas eu de modification à la pratique normale de gestion de l’employeur. En 2008, un comité parlementaire a fait ressortir des problèmes avec la fiabilité de l’ancien système de rémunération. La mise en œuvre de Phénix visait à traiter la fiabilité. Étant donné la taille et la complexité du système de paye du gouvernement fédéral, certains problèmes ayant des répercussions sur la rémunération de certains employés sont inévitables. Il s’agissait d’un problème bien avant la mise en œuvre de Phénix. Par conséquent, il ne peut être démontré que la situation actuelle est une modification des conditions d’emploi étant donné que la condition de rémunération qui n’est pas impeccable pour les employés existait avant l’entrée en vigueur de la période de gel.

107        Si l’approche de la plaignante était acceptée, chaque fois que même un seul employé n’est pas rémunéré ou n’est pas rémunéré correctement au cours de la période de gel constituerait une violation des modalités au cours de cette période.

108        Une erreur administrative honnête dans l’application d’une condition d’emploi ne constitue pas une modification de cette condition aux fins des dispositions de gel. Il ne s’agit pas d’une modification ni d’un refus de l’employeur de se conformer à une condition d’emploi. En l’espèce, une erreur administrative a eu lieu, de bonne foi.

C. La réplique de la plaignante

109        Les griefs qui ont été déposés n’imputent pas les connaissances sur la plaignante. Sa structure est une alliance de 17 syndicats. Il s’agit d’une organisation complexe. Un représentant de l’agent négociateur qui signe un grief à l’appui d’un membre au nom de l’agent négociateur n’impute pas la connaissance des faits sur lesquels la plainte est fondée.

110        L’affaire Boshra est distincte. Il faut déterminer à quel moment la plaignante a reconnu qu’il y avait un problème qui révélait une tendance de paiements hors délais ou inexacts des salaires aux employés qui étaient ses membres.

111        Bien que l’ancien système de rémunération ait comporté certains problèmes, aucun élément n’a démontré qu’ils n’avaient pas été abordés. Le problème, c’est l’ampleur des problèmes liés au système de paye Phénix.

112        Il est difficile de déterminer quels griefs concernaient Phénix. Les griefs ne sont pas codifiés au niveau local ou régional, seulement au niveau national.

113        Il n’y a aucune preuve que la procédure de règlement des griefs est plus rapide.

114        En ce qui concerne la mesure corrective, la Commission peut statuer sur la question de savoir si la Loi a été enfreinte et s’occuper de la mesure de redressement plus tard.

115        La plaignante a tiré la sonnette d’alarme au sujet des problèmes avec le système de paye Phénix; l’employeur aurait dû l’écouter et aurait dû envisager plus de formation. Les problèmes avec le système de paye Phénix sont plus qu’une erreur administrative.

D. La réponse du défendeur

116        Personne n’a demandé de scinder l’audience. La plaignante avait le fardeau de présenter les éléments de preuve en ce qui concerne les dommages et ne l’a pas fait.

IV. Motifs

117        Dès le départ, je tiens à donner des éclaircissements concernant cette affaire. Il ne s’agit pas de savoir si les employés devraient être payés pour le travail qu’ils font. Il ne s’agit pas non plus des nombreux problèmes différents que les particuliers pourraient avoir rencontrés qui ont donné lieu à des bouleversements et à des difficultés économiques ou personnelles dans leur vie en raison de problèmes avec le projet de TAP et le système de paye Phénix. La question est de savoir si l’employeur a contrevenu à l’article 107 de la Loi.

118        L’article 107 de la Loi prévoit ce qui suit :

107 Une fois l’avis de négocier collectivement donné, sauf entente à l’effet contraire entre les parties aux négociations et sous réserve de l’article 132, les parties, y compris les fonctionnaires de l’unité de négociation, sont tenues de respecter chaque condition d’emploi qui peut figurer dans une convention collective et qui est encore en vigueur au moment où l’avis de négocier a été donné, et ce, jusqu’à la conclusion d’une convention collective comportant cette condition ou :

  1. dans le cas où le mode de règlement des différends est l’arbitrage, jusqu’à ce que la décision arbitrale soit rendue;
  2. dans le cas où le mode de règlement des différends est le renvoi à la conciliation, jusqu’à ce qu’une grève puisse être déclarée ou autorisée, le cas échéant, sans qu’il y ait contravention au paragraphe 194(1).

119        La période suivant la signification d’un avis de négocier et avant la conclusion d’une nouvelle convention collective est appelée familièrement la « période de gel », et l’article 107 de la Loi est souvent appelé la « disposition sur le gel ».

120        L’AFPC a donné à l’employeur des avis de négocier pour un certain nombre d’unités de négociation qu’il représente ou ses éléments, respectivement, les 24 et 28 février et les 4 et 16 avril 2014.

A. L’objection concernant le respect des délais

121        Le défendeur a soutenu que la plainte est hors délai.

122        L’alinéa 190(1)c) de la Loi énonce ce qui suit :

190 (1) La Commission instruit toute plainte dont elle est saisie et selon laquelle :

[…]

c) l’employeur, l’agent négociateur ou le fonctionnaire a contrevenu à l’article 107 (obligation de respecter les conditions d’emploi;

123        Le paragraphe 190(2) de la Loi dispose :

190 (2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), les plaintes prévues au paragraphe (1) doivent être présentées dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu – ou, selon la Commission, aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu.

124        La période de 90 jours énoncée au paragraphe 190(2) est obligatoire et ne peut être prolongée, étant donné qu’il n’y a aucune autorisation à cet égard dans la Loi ou dans les règlements de la Commission (Coulter, au paragraphe 46).

125        Le critère à appliquer pour déterminer si une plainte en vertu de l’article 190 de la Loi est hors délai ou non est résumé correctement dans CAW-TCA Canada, dans laquelle la Commission indique ce qui suit au paragraphe 35 :

35 […] Au paragraphe 40 de Boshra, la Cour d’appel fédérale a indiqué clairement le processus permettant de déterminer le point de départ du délai pour le dépôt de plaintes en vertu de l’article 190 de la Loi. Dans ses propres mots, la Cour d’appel fédérale a indiqué que la Commission « […] devait définir “la plainte” et décider si [le plaignant] avait eu – ou aurait dû avoir – connaissance des mesures ou des circonstances y ayant donné lieu », lorsqu’elle évaluait si une plainte avait été déposée à l’intérieur du délai prescrit de 90 jours.

126        La plainte a été déposée le 28 juin 2016. Pour être dans les délais énoncés dans la Loi, les circonstances qui lui ont donné lieu doivent avoir été portés à l’attention de la plaignante ou, selon la Commission, auraient dû être portées à son attention au plus tôt dans les 89 jours précédant le 28 juin 2016 (le 28 juin 2016, est le 90e jour). Le 31 mars 2016 est la date 90 jours avant le 28 juin 2016. Si la plaignante était au courant des circonstances qui ont donné lieu à la plainte ou, selon la Commission, avait dû en être au courant avant le 31 mars 2016, plus de 90 jours se seraient écoulés, et la plainte serait hors délai.

127        Le paragraphe 47 de Lampron indique ce qui suit :

47      Tel qu’il a été énoncé au paragraphe 21 de Ethier, « […] [d]ans la mesure où il y a violation de la loi, il n’y a pas de norme minimale ou maximale pour ce qui est du degré de connaissance que doit avoir un plaignant avant de déposer sa plainte. » En l’espèce, la connaissance de la décision du défendeur d’expulser le plaignant de façon permanente, ce que le plaignant avait dès le 28 janvier 2009, est l’élément déclencheur de la violation alléguée de l’alinéa 188d) de la Loi et du délai de 90 jours. Je suis donc convaincu que le plaignant n’a pas déposé sa plainte dans le délai prescrit au paragraphe 190(2) de la Loi.

128        Les paragraphes 16 et 17 de Larocque indiquent ce qui suit :

16      De façon générale, les circonstances qui donnent lieu à une plainte ne peuvent être prolongées en invoquant d’autres circonstances qui débordent le cadre du premier refus de procéder avec le grief en question. En l’espèce, le délai de 90 jours pour déposer une plainte à la Commission a commencé à s’écouler à partir de la date de ce refus, soit le 8 octobre 2009, et non à partir du 16 novembre 2009, la date invoquée par le plaignant.

17      L’essence de la plainte est le refus de l’Institut d’appuyer le grief du plaignant. En conséquence, la connaissance du plaignant du refus de l’Institut d’appuyer son grief est l’élément déclencheur d’une violation de l’article 190 de la LRTFP et du délai de 90 jours pour déposer la plainte. Les délais commençaient donc à s’écouler au moment où le plaignant s’est rendu compte que l’Institut n’allait pas l’appuyer.

129        Pour déterminer si la plainte est hors délai, je dois d’abord déterminer son fondement.

130        Les plaintes auprès de la Commission et de ses prédécesseurs sont présentées selon la formule 16, tel qu’il est promulgué en vertu de l’article 57 du Règlement sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (DORS/2005-79). La case 5 de cette formule demande au plaignant d’établir la date à laquelle il a eu connaissance de l’acte, de l’omission ou de toute autre question donnant lieu à la plainte. Dans la présente plainte, la date indiquée était le 14 juin 2016.

131        Dans son témoignage devant moi, on a demandé à M. Aylward de but en blanc pourquoi l’AFPC avait déposé sa plainte le 28 juin 2016, ce à quoi il a répondu qu’il s’agissait de la date à laquelle elle a réalisé que le système de paye ne serait pas réparé avant longtemps; par conséquent, elle a décidé de prendre des mesures pour aider ses membres en déposant la plainte. Il a indiqué que l’élément déclencheur s’est produit au cours d’une conférence téléphonique qui a eu lieu le 17 juin 2016, dans laquelle le ministre n’a pas effectué de suivi.

132        Ce témoignage de M. Aylward n’est pas conforme à la déclaration figurant dans la case 5 de la formule 16, qui indiquait que la date à laquelle la plaignante a eu connaissance de l’acte, de l’omission, ou de toute autre question donnant lieu à la plainte était le 14 juin 2016. Ce n’est pas non plus le motif de la plainte, qui est une contravention alléguée à l’article 107 de la Loi, comme prévu aux paragraphes 4 à 7 et 10 de l’addenda comme suit :

[Traduction]

[…]

4. La plaignante soutient que le défendeur a violé l’article 107 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique lorsqu’il a modifié les conditions d’emploi des employés pendant une période de gel prévu par la loi;

5. Cette modification est également contraire aux conventions collectives respectives, à la Directive sur les conditions d’emploi du Conseil du Trésor et aux articles 7 et 11 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

6. Plus particulièrement, le défendeur a instauré le système de paye Phénix – un système de paye automatisé qui a donné lieu à d’importants problèmes systémiques en matière d’administration de la paye pour les membres de l’AFPC;

7. Plus particulièrement, depuis le lancement de Phénix en février 2016, le défendeur a versé la rémunération aux membres de l’AFPC de manière incohérente, inexacte et parfois aucun versement n’est effectué. Certains membres y compris ceux handicapés ou en congé de maternité ont éprouvé d’importantes difficultés financières et une perturbation dans leur vie quotidienne. Cela comprend, sans toutefois s’y limiter, l’incapacité de payer leur loyer, leur hypothèque et d’autres factures régulières du ménage.

[…]

10. La plaignante fait valoir que la rémunération est au cœur de la relation employeur-employé. Elle est sans doute la condition d’emploi la plus fondamentale.

133        Pour les motifs qui suivent, la preuve dont je suis saisi a divulgué qu’avant le 31 mars 2016, l’APFC avait et aurait dû avoir eu connaissance des problèmes des employés liés à la rémunération (les employés membres des unités de négociation représentés par les éléments de l’AFPC). Par conséquent, la plainte est hors délai.

B. L’article du 28 février

134        L’article du 28 février indiquait ce qui suit concernant la première partie de la mise en œuvre du système de paye de Phénix, qui a eu lieu le 21 février 2016 :

[Traduction]

[…]

Le gouvernement a le système de paye le plus important et le plus alambiqué au Canada comptant plus de 80 000 règles et règlements intégrés dans le nouveau système que les conseillers en rémunération ont dû maîtriser.

Avant Miramichi, les ministères géraient leur propre paye à l’aide d’environ 2 500 conseillers en rémunération internes. Il y a maintenant 550 conseillers en rémunération à Miramichi et 790 qui demeurent aux ministères.

Le plan de transformation de l’administration de la paye a été divisé en deux grands projets. Le premier visait à regrouper tous les services de paye des 46 ministères à Miramichi et à transférer les 184 000 comptes de paye au plus tard décembre 2015. Il s’agissait ensuite d’installer Phénix et de transférer 101 ministères dans le cadre de deux vagues.

Mais le projet comportait des problèmes de démarrage. Un problème important est survenu l’été dernier lorsque des centaines d’employés se sont plaints au sujet de paiements en retard ou erronés et ils ont blâmé le Centre des services de paye. Le Ministère a attribué certains de ces retards à un nouveau régime de paye en arriérés, ce qui signifiait que les nouveaux employés attendaient quatre semaines avant de toucher leur premier chèque de paye.

Toutefois, à Miramichi, les conseillers en rémunération se sont plaints qu’ils ne pouvaient pas suivre le rythme et le « tsunami » de dossiers que les ministères transféraient. Bon nombre d’employés étaient nouveaux et devaient suivre une formation. Ils se sont plaints des arriérés, d’épuisement professionnel, d’une mauvaise formation, d’un manque de soutien et d’un manque de conseils concernant les dossiers difficiles.

[…]

135        Mme Lackie, la présidente du Syndicat des services gouvernementaux (SSG), a indiqué que le SSG était au courant des problèmes depuis février 2016. Elle a indiqué qu’elle avait reçu des appels et des courriels du personnel de Miramichi. Elle a indiqué avoir porté ces préoccupations à l’attention de Mme Fortin (la SMA à SPAC) dans des discussions directes.

136        M. Aylward a été renvoyé à cet article et il a été interrogé au sujet du commentaire attribué à l’AFPC concernant le rythme lent. Il a répondu que l’AFPC croyait que le projet de TAP avançait trop vite, que l’AFPC avait vu certaines choses qui ont soulevé de « graves préoccupations », et que l’AFPC avait suggéré à l’employeur de ne pas aller de l’avant avec la mise en œuvre initiale.

137        L’article du 28 février a indiqué qu’il y avait des problèmes avec le nouveau système de paye; il a précisément fait référence aux pépins et a indiqué que des centaines d’employés se sont plaints de paiements tardifs et bâclés des salaires. L’article fait référence spécifiquement à l’intervention de l’AFPC exhortant de ralentir le rythme.

C. L’article du 18 avril

138        L’article du 18 avril indiquait ce qui suit concernant la deuxième partie de la mise en œuvre du système de paye de Phénix :

[Traduction]

[…]

Un bureaucrate d’Ottawa, qui ne souhaitait pas dévoiler son nom, a été victime de retards de paye à deux reprises. L’été dernier, son contrat à terme a été renouvelé et il n’a pas touché une rémunération pendant 10 semaines. Comme il a une jeune famille et une nouvelle maison, il a obtenu un prêt en attendant sa paye.

Aujourd’hui, il n’a pas été payé depuis au moins quatre semaines. Il est de retour au travail à la suite d’un congé parental de cinq semaines qu’il a demandé il y a des mois et sa demande n’a pas encore été traitée officiellement. Il est entouré de collègues qui sont confrontés au même sort parce qu’ils ont pris un congé, ont été promus ou dont le contrat a été renouvelé, dont un qui n’a « touché aucune rémunération du tout » depuis janvier.

Le nombre de personnes qui ne sont pas payées est inconnu, par opposition à celles qui sont rémunérées, mais qui ne reçoivent pas le plein montant qui leur est dû.

[…]

[…] Les syndicats indiquent que le Centre des services de paye est débordé, que Phénix ne fonctionne pas et que les employés sont tellement stressés qu’ils ne seront pas en mesure de les traiter lorsque des milliers de nouveaux dossiers leur seront transférés.

[…]

Chris Aylward, vice-président de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, n’est pas du tout d’accord.

« Ils sont pleins de m—, » a dit M. Aylward. « Ils ont exercé tellement de pression sur le Centre des services de paye et Phénix ne fonctionne pas, purement et simplement. Non seulement ça, les employés sont demandés de dire que les problèmes ne découlent pas de problèmes liés à Phénix. »

L’AFPC est dans la ligne de tir des employés contrariés qui ne touchent aucune rémunération et des 550 conseillers en rémunération. M. Aylward les a rencontrés à Miramichi vendredi où il en a eu plein les oreilles. Ils soutiennent que le centre compte un arriéré de 115 000 dossiers qui n’ont pas encore été attribués.

[…]

139        M. Aylward a confirmé qu’il a été interviewé pour l’article du 18 avril. Lorsqu’on lui a fait part des commentaires sur les préoccupations de l’AFPC, il a indiqué dans son témoignage que l’AFPC avait indiqué à l’employeur que s’il allait de l’avant avec la mise en œuvre en avril, il aggraverait les problèmes dont l’AFPC entendait déjà parler après la mise en œuvre initiale. Il a également indiqué qu’après avoir été interviewé par Mme May, il a visité centre de paye à Miramichi et a parlé aux employés lors d’une assemblée publique. Il a indiqué qu’il se rappelait qu’ils lui avaient parlé d’un arriéré de 115 affaires.

140        Il a ensuite témoigné que, par la suite, il avait rencontré Mme Di Paola (le 7 avril 2016) et qu’elle lui avait indiqué qu’elle ne recevait aucune plainte. Il a répondu qu’il allait lui transmettre celles qu’il recevait. Il a indiqué qu’il se rappelait spécifiquement de lui avoir demandé, au cours de cette réunion, de retarder la deuxième mise en œuvre. Elle a confirmé avoir rencontré M. Aylward le 7 avril 2016, après qu’il ait communiqué avec elle par texto le 5 avril. Elle a indiqué qu’au cours de la réunion, il lui avait dit qu’il avait reçu des milliers de plaintes selon lesquelles les gens n’étaient pas payés.

141        Le 7 avril 2016 était un jeudi; le 5 avril était le mardi précédent, et le 31 mars était le jeudi précédent. Bien que M. Aylward n’ait pas donné la date définitive à laquelle il a eu connaissance que les problèmes de paye provenaient du nouveau système de paye (Phénix), il est inconcevable qu’à un moment donné entre le 31 mars et le 5 avril, soudainement, il ait entendu parler des milliers de problèmes de rémunération. De plus, selon son témoignage, il a visité Miramichi après avoir été interviewé par Mme May et avant de rencontrer Mme Di Paolo. En tant que vice-président de l’AFPC, à ce moment-là siégeant au CCSP-TAP, et étant également la personne-ressource de l’AFPC en ce qui concerne le projet de TAP, soit M. Aylward était au courant des problèmes de paye qui existaient avant le 31 mars 2016, ou, selon la Commission, il aurait dû être au courant avant cette date.

D. La chaîne de courriels

142        Le 12 avril 2016, M. Aylward s’est fait transmettre une chaîne de courriels contenant des courriels d’une personne qui semble être un représentant de l’AFPC ou de l’un de ses éléments à un représentant de l’employeur. Le premier courriel date du 10 février 2016, ce qui indique clairement que, même si M. Aylward ne l’a peut-être pas vu avant le 12 avril 2016, les représentants de l’agent négociateur dans l’organisation de l’AFPC avaient de graves préoccupations avec les retards de la rémunération. Dans ce courriel, le représentant a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Les retards du versement des paiements empirent depuis notre dernière réunion avec Danielle Lacasse (SMA par intérim) en octobre de l’année dernière et la frustration de nos membres qui en subissent les conséquences augmente. Nous devons trouver des solutions qui donnent des résultats.

A), Promotion de MT : Nous avons un nombre important de MT qui ont été promus en juin et juillet de l’année passée. À l’heure actuelle, la plupart de ceux-ci n’ont pas reçu leur paye conformément à leur niveau. J’éprouve des difficultés à répondre à toutes les plaintes. Elles ne me sont acheminées qu’une fois que l’employé a épuisé toutes les voies de gestion régulières.[…]

[…]

B), Étudiants :

[…]

J’ai été abordé par plusieurs gestionnaires et étudiants qui (étudiants) n’ont pas eu leur salaire à temps. Après avoir posé des questions, il semble qu’aucun message n’ait été remis aux gestionnaires selon lequel ils devraient demander la première paye de l’étudiant au moyen d’un chèque d’urgence dès le début afin qu’ils ne manquent pas la première paye, pendant que la paperasserie est effectuée. Je croyais qu’il avait été entendu que les RH prendraient cette mesure et ils ne semblent pas l’avoir fait. Bon nombre d’étudiants ont manqué leur première paye, et ont obtenu des assurances qu’ils seraient payés aujourd’hui (mercredi), ce qui n’a pas été le cas. En plus (ce qui semble être un mécanisme de défense et qui a sans doute pour effet de rajouter l’insulte à l’injure), ils ont reçu le message suivant aujourd’hui « Lorsqu’un employé n’a pas reçu sa paye régulière dans les 21 jours suivant son premier jour de travail, on lui demande de suivre, avec l’aide de son gestionnaire, les étapes du processus d’acheminement – Centre de services de paye, que vous pouvez accéder en cliquant le lien suivant […] »

Nos membres se grattent la tête; qui est responsable de me payer à temps? N’est-ce pas la responsabilité de mon employeur?

[…]

C), Autres problèmes liés à la paye :

Il y a plusieurs autres problèmes qui indiquent que le système ne fonctionne pas comme il le devrait. Je ne peux partager avec vous qu’un échantillon des commentaires, pour vous donner une idée des problèmes et des répercussions sur les employés :

Un échantillon des commentaires des employés (l’ordre est aléatoire) :

  • Les conséquences vont au-delà d’une attente de six mois pour obtenir le salaire qui leur est dû. Si le salaire rétroactif est émis maintenant cette année, cela va se traduire sur leurs déclarations de revenus de 2016 à une tranche d’imposition supérieure plutôt que pour 2015, alors que raisonnablement il aurait dû être émis l’an dernier.
  • […]

  • Je vous écris pour vous informer qu’à compter de ce chèque de paye je n’ai pas reçu mon augmentation annuelle selon ma convention collective. Ma journée d’augmentation est le 16 janvier de chaque année, et ce chèque de paye précédent n’a pas tenu compte de l’augmentation à laquelle j’ai le droit en vertu de la convention collective.
  • Les étudiants espéraient recevoir aujourd’hui leur salaire pour les 6 dernières semaines, mais n’ont pas été payés aujourd’hui. Ils doivent donc attendre encore 2 semaines. C’est vraiment inacceptable. Ils ont fait ce qu’ils pouvaient faire. C’est la responsabilité de l’employeur de régler les problèmes et les étudiants ne devraient pas être obligés d’appeler continuellement.
  • […]

  • Je n’ai pas gardé de registre du nombre de fois où j’ai appelé le Centre des services de paye (ces appels étaient fréquents, et la tonalité était occupée la plupart du temps). De plus, il y avait le désagrément de devoir devenir un « fournisseur » afin d’obtenir une avance de salaire en cas d’urgence (ASU), ce qui a probablement retardé l’ASU. Je n’ai encore rien vu en ce qui concerne un dépôt supplémentaire pour combler la différence entre l’ASU et le chèque de paye régulier.

[…]

Je voulais vous faire part de certaines observations pour vous fournir de la façon la plus exacte possible les sentiments des employés qui sont victimes des problèmes que le système de paye cause aux employés. Je crois qu’il est de mon devoir de représenter nos membres, et d’obtenir la coopération de la direction pour régler ces problèmes en milieu de travail dans les plus brefs délais possible […].

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

143        Le 22 mars 2016, le même représentant de l’agent négociateur a écrit ce qui suit :

[…]

La situation de la paye ne s’est pas améliorée; en fait j’entends de nos membres qu’elle s’est empirée. Lors de notre téléconférence toutes les deux semaines entre les agents, elle a de nouveau été soulevée et je suis sous une pression considérable pour faire remonter le problème.

La plupart des gestionnaires n’ont pas entendu dire qu’ils pouvaient demander des chèques d’urgence pour les étudiants. Il doit y avoir une rupture quelque part. Il y a trop d’erreurs. Le système n’est simplement pas conçu pour faire le travail qu’il est censé faire.

[…]

Je comprends très bien que ces problèmes n’ont pas été créés par vous. Cependant, c’est notre direction qui doit les résoudre. C’est pourquoi j’ai proposé les étapes suivantes dans mon message du 10 février. Mes collègues et moi essayons de travailler avec la direction pour régler ces problèmes qui, pour reprendre les termes de nos membres, ont atteint un niveau inadmissible.

[…]

144        Il est évident que les représentants de l’AFPC, soit les membres agents négociateurs des éléments, les employés de l’AFPC ou des représentants non rémunérés, étaient bien au courant des problèmes de la paye rencontrés par les employés représentés par l’AFPC. Au début de février 2016, un représentant de l’AFPC a indiqué dans un courriel que non seulement les retards des paiements s’aggravaient, faisant référence à la période après une réunion en octobre 2015, mais aussi qu’il était de plus en plus difficile pour les représentants de suivre le rythme. Cela suggère fortement que de graves problèmes de paye étaient déjà connus à l’époque et que des niveaux inférieurs de l’AFPC ou de ses éléments faisaient circuler ces problèmes vers le haut de la hiérarchie de la structure organisationnelle.

145        Selon les renseignements dans cet échange de courriels, il est évident que l’AFPC avait ou aurait certainement dû être au courant des problèmes de paye à la fin de l’automne et au début de l’hiver 2015-2016.

E. Les griefs

146        Trois griefs ont été déposés en mars 2016, avant le 31 mars, tous par des employés qui étaient membres des unités de négociation représentés par l’élément du SEIC de l’APFC. Étant donné qu’ils ont tous allégué une violation de la convention collective, les griefs ont été signés par des représentants du SEIC les 8, 11 et 23 mars 2016, avant d’être remis à l’employeur.

147        Les paragraphes 208(4) et 209(2) de la Loi portent sur la présentation de griefs portant sur la violation alléguée de la convention collective (pertinente). Le paragraphe 208(4) stipule qu’un fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent. De même, le paragraphe 209(2) de la Loi indique que pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel concernant l’interprétation d’une disposition d’une convention collective, il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

148        Tous ces griefs ont allégué que des problèmes de rémunération avaient eu lieu. Il est évident à la lecture des griefs qu’en les signant, respectivement, les 8, 11 et 23 mars 2016, les représentants de l’agent négociateur étaient prêts à représenter les employés dans la procédure de règlement des griefs, en signifiant leur autorisation de [traduction] « la présentation du grief relatif à une convention collective ou à une décision arbitrale, et [leur acceptation] de représenter l’employé ».

149        Par conséquent, il ne m’est pas nécessaire de traiter les autres arguments de l’AFPC.

F. Conclusion

150        Il ressort clairement des éléments de preuve que les personnes de l’AFPC, y compris les représentants, les présidents des éléments (Mme Lackie), et les membres de la haute direction (M. Aylward), étaient au courant des graves problèmes découlant de la mise en œuvre du projet de TAP, y compris le non-paiement des salaires des employés dès octobre 2015 et d’autres dates qui étaient manifestement avant le 31 mars 2016. Cela dit, il incombait à l’AFPC de déposer la présente plainte dans un délai de 90 jours suivant le moment où elle a pris connaissance de ce qu’elle a identifié comme étant une violation en vertu de l’article 107 de la Loi. Puisqu’elle ne l’a pas fait, la plainte est hors délai, et je n’ai pas compétence.

151        Pour tous les motifs susmentionnés, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

152        La plainte est hors délai, et, par conséquent, je n’ai pas compétence.

153        La plainte est rejetée.

Le 21 février 2019.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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