Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un employé de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) – un soir, le fonctionnaire s’estimant lésé et 5 connaissances ont traversé à pied la frontière allant du Nouveau-Brunswick au Maine pour assister à un festival populaire ayant lieu juste l’autre côté de la frontière – l’un des agents des services frontaliers américains a senti une odeur de marijuana provenant du groupe et l’a dirigé au bâtiment pour une inspection plus poussée – une fois à l’intérieur, on leur a demandé de vider leurs poches – le fonctionnaire a reconnu qu’il a ensuite montré son insigne de l’ASFC et qu’il s’est porté garant devant l’agent des personnes dans le groupe en disant que personne n’avait fumé de marijuana au moment d’approcher la frontière – selon les éléments de preuve de l’agent des services frontaliers américain, le fonctionnaire s’est également porté garant de la bonne réputation des autres – éventuellement, deux ont admis avoir fumé de la marijuana lors d’une fête privée plus tôt dans la soirée – par conséquent, les autorités américaines n’ont pas autorisé ces deux personnes à entrer aux États-Unis, mais les quatre autres personnes, y compris le fonctionnaire, ont été autorisées à entrer – l’un des agents frontaliers américains a plus tard préparé une note de service sur l’incident et l’a signalé à la direction de l’ASFC, qui, à son tour, à suspendu le fonctionnaire pour une période de 20 jours sans solde, pour inconduite – la Commission a conclu qu’en montrant son insigne et qu’en se portant garant des autres, le fonctionnaire avait contrevenu au « Code de conduite » de l’ASFC et à la « Politique sur les insignes », qui interdisent tous les deux l’utilisation d’un titre d’emploi, d’une identification officielle, et d’un insigne à une fin qui n’est pas dans l’intérêt supérieur de l’ASFC – toutefois, la Commission a remarqué qu’une mesure disciplinaire est censée être corrective, non punitive, et étant donné que le fonctionnaire avait un dossier vierge, qu’il a collaboré à l’enquête sur la question en litige, et qu’il a exprimé des remords véritables, la mesure disciplinaire imposée était excessive – la Commission a ordonné qu’elle soit remplacée par une suspension d’une journée sans solde.

Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190306
  • Dossier:  566-02-10453
  • Référence:  2019 CRTESPF 29

Devant une formation de la la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

RYAN HYSLOP

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Hyslop c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)


Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage


Devant:
John G. Jaworski, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Douglas Hill, Alliance de la Fonction publique du Canada
Pour le défendeur:
Pierre-Marc Champagne, avocat
Affaire entendue à Saint John (Nouveau-Brunswick),
les 2 et 3 mai 2017.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1         Ryan Hyslop, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), est employé par le Conseil du Trésor (« CT » ou l’« employeur ») à l’Agence des services frontaliers du Canada (« ASFC ») à titre d’agent des services frontaliers (« ASF ») dans le groupe des services frontalierss classé au groupe et au niveau FB-03. Son poste est situé à Saint John (Nouveau-Brunswick).

2         Par une lettre du 8 novembre 2013 (la « lettre du 8 novembre »), le fonctionnaire a été suspendu pendant 20 jours (150 heures) sans solde pour inconduite. Le 13 décembre 2013, il a présenté un grief pour contester la mesure disciplinaire et a demandé que la suspension soit annulée, que la mesure disciplinaire soit retirée de son dossier, que tous les autres redressements appropriés dans ces circonstances soient accordés, et qu’il soit dédommagé en totalité.

3         Le fonctionnaire a renvoyé son grief à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la « CRTEFP ») aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, s. 2; la LRTFP) le 16 décembre 2014.

4         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTEFP et les titres de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2013, ch. 40, s. 365) et de la LRTFP pour qu’ils deviennent respectivement la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission »), la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (la « Loi »).

5         Pour les motifs énoncés ci-dessous, le grief a été accueilli en partie, et la sanction a été remplacée par une sanction moindre.

II. Résumé de la preuve

6         Les parties pertinentes de la lettre du 8 novembre indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La présente fait suite à l’audience préalable à la mesure disciplinaire qui a eu lieu le 7 octobre 2013. Au cours de notre réunion, il a été confirmé que, le 10 août 2013, vous avez montré votre insigne, en dehors des heures de service, aux agents de la United States Customs and Border Protection au point d’entrée à Calais (Maine). Vous voyagiez avec d’autres personnes et avez « montré » votre insigne pour vous porter garant des personnes qui faisaient l’objet d’un examen secondaire. Cet acte constitue une inconduite.

Conformément aux principes de justice naturelle, d’équité procédurale et à la Politique et les lignes directrices de l’ASFCen matière de discipline, on vous a donné l’occasion, à la présente audience, de présenter une justification et/ou des facteurs atténuants pour vos actes.

J’ai soigneusement examiné tous les éléments de preuve et les circonstances en ce qui concerne votre conduite et j’ai déterminé que vos actions étaient/sont contraires au Code de conduite de l’ASFC.

Par conséquent, conformément au pouvoir délégué qui m’est accordé aux termes de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), j’ai déterminé qu’une mesure disciplinaire sous la forme de vingt (20) jours de suspension, soit l’équivalent de cent cinquante heures (150), sans solde, est appropriée. […]

[…]

7         Le fonctionnaire a rejoint le prédécesseur de l’ASFC en 2000 à titre d’agent de la citoyenneté et de l’immigration travaillant au point d’entrée (« PDE ») à St Stephen (Pont Ferry Point), au Nouveau-Brunswick. Avec la création de l’ASFC, son poste a été converti en ASF, et il a été nommé pour une période indéterminée en 2007. Après avoir terminé sa formation à la fin de 2007 au collège de formation de l’ASFC à Rigaud, au Québec, sa première affectation était à St Stephen. En 2008, il a déménagé à Saint John.

A. Politiques de l’ASFC

8         Le « Code de conduite » de l’ASFC à compter d’août 2013 semble être entré en vigueur le 5 septembre 2012 (le « Code de 2012 »), et semble avoir été envoyé à tous les employés de l’ASFC au moyen d’un courriel de masse ce jour-là du bureau du président de l’ASFC. Il a remplacé une version antérieure qui était entrée en vigueur à la fin de novembre 2006 (le « Code de 2006 »).

9         Dans son témoignage, le fonctionnaire a reconnu avoir reçu et probablement examiné le Code de 2006. Mais il ne se rappelait pas avoir reçu et examiné le Code de 2012, même si, lorsqu’on lui a montré le courriel de masse, il a bien reconnu qu’il l’a probablement reçu. Ses parties pertinentes indiquent ce qui suit :

          Chapitre 1 : Nos valeurs et normes de conduite attendue

[…]

A. Nos valeurs

[…]

Nos valeurs du secteur public

Intégrité

L’intégrité est la pierre angulaire de la bonne gouvernance et de la démocratie. Forts des normes d’éthique les plus rigoureuses, les fonctionnaires maintiennent et renforcent la confiance du public en l’honnêteté, l’équité et l’impartialité du secteur public fédéral.

Nos valeurs de l’ASFC

Intégrité

Nous exerçons notre autorité de façon motivée, ouverte et équitable.

 Nous assumons la responsabilité de nos actes afin de nous forger une réputation en tant qu’organisation responsable et digne de confiance.

Nos valeurs en action

Nous servons l’intérêt public de la façon suivante :

  • en prenant des décisions et en agissant de manière à préserver la confiance du public et la réputation de l’Agence compte tenu de la haute visibilité de celle-ci;
  • en nous abstenant d’utiliser notre rôle officiel, les biens et actifs de l’Agence et les renseignements non accessibles au public pour obtenir un avantage personnel ou pour avantager ou désavantager d’autres personnes;
  • en faisant en sorte que nos activités personnelles hors du travail n’entrent pas en conflit avec nos fonctions officielles;
  • en nous abstenant de faire des commentaires désobligeants envers l’Agence, ses employés, y compris ses gestionnaires, ou le gouvernement du Canada particulièrement en public.

[…]

D. Normes de conduite attendue

[…]

4. Conduite privée hors du travail et activités extérieures

Nos valeurs liées au respect, à l’intégrité et au professionnalisme nous guident dans l’exécution de nos fonctions. Elles peuvent aussi porter sur nos temps libres, et principalement lors de nos activités sur les médias sociaux, de nature politique ainsi que pour un emploi à l’extérieur de la fonction publique.

Nous reconnaissons que notre conduite hors travail est habituellement une question privée. Cependant, cela peut devenir une question reliée au travail s’il y a des conséquences négatives sur l’Agence. Nous évitons ces activités, dont celles qui :

  • nuisent à la réputation de l’Agence, de ses employés, y compris les gestionnaires et de ses programmes;
  • nous rendent inaptes à remplir nos fonctions de manière satisfaisante;
  • mènent d’autres employés à refuser de travailler avec nous, à y être réticents ou à en être incapables;
  • nous rendent coupables d’une infraction au Code criminel;
  • rendent difficile pour l’Agence de gérer efficacement ses opérations et/ou diriger son effectif.

Nous devons éviter toute activité qui nous rend, ou qui rend l’Agence, vulnérable en nous associant, en dehors de nos fonctions officielles, avec des individus ou des groupes qui sont ou sont soupçonnés d’être liés à des activités criminelles.

AVERTISSEMENT : Il est interdit de commettre un acte qui est illégal ou qui contrevient au Code criminel, à la Loi sur l’ASFC ou à toute loi ou réglementation appliquée par l’Agence.Si nous sommes arrêtés, détenus ou accusés – au Canada ou à l’étranger – relativement à une infraction à une loi ou un règlement, nous devrions signaler immédiatement l’incident à notre gestionnaire. Ceci comprend les incidents mineurs, entre autres, une contravention au Code de la route au volant d’un véhicule appartenant au gouvernement ou loué par celui-ci. Nous devons aussi rapporter à notre gestionnaire tout contact que nous avons hors du travail avec des individus ou groupes qui sont ou sont soupçonnés d’être liés à des activités criminelles, afin de pouvoir nous protéger et protéger l’Agence.

[…]

7. Soin et utilisation des biens et actifs du gouvernement

[…]

7.1.  Insignes, pièces d’identification officielles et timbres du bureau ou de l’agent

[…]

Nous n’utilisons pas notre titre professionnel, identification officielle, insigne ou tout document officiel (que nous soyons en service ou pas, à titre personnel ou professionnel, ou dans nos activités sur les médias sociaux) à des fins qui sont illégales, inappropriées ou qui vont à l’encontre des meilleurs intérêts de l’ASFC.

[…]

[Traduction]

Exemples d’inconduite :

  • Montrer un insigne officiel à la frontière pour obtenir un avantage personnel.

                   […]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

10        La « politique sur les insignes » de l’ASFC, qui était en vigueur à compter du 1er juillet 2012, a également été déposée en preuve, même s’il n’y avait aucune preuve que le fonctionnaire n’en ait jamais reçu une copie. Les parties pertinentes de cette politique indiquent ce qui suit :

[Traduction]

[…]

2. Application

La politique sur les insignes s’applique au personnel de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ainsi qu’à leurs gestionnaires, titulaires d’un poste de détenteur qualifié d’insigne mentionné à l’article 5 de la présente politique, en ce qui a trait à toutes les questions relatives à la délivrance, à la protection, au contrôle et au port de l’insigne de l’ASFC. Les rôles et les responsabilités de tous les membres du personnel en cause sont à observer.

[…]

7. Port de l’insigne

[…]

7.1 Exceptions

[…]

3.   Les détenteurs d’un insigne ne doivent pas porter leur insigne d’une façon routinière lorsqu’ils ne sont pas en service et ne doivent pas l’emmener avec eux lorsqu’ils sont en congé. Il est reconnu qu'il y aura des occasions où le titulaire d’un insigne sera tenu de porter son insigne avec lui lorsqu’il n’est pas en service. Par exemple, un agent qui est en disponibilité et peut être tenu de se présenter au travail.

[…]

8. Rôles et responsabilités

[…]

8.2 Détenteurs d’un insigne

[…]

11. La conformité au Code de conduite de l’ASFC qui stipule ce qui suit :

« Il est interdit d’utiliser votre titre de poste, votre insigne ou tout autre justificatif officiel d’identité aux fins d’obtenir ou de sembler obtenir tout privilège ou toute faveur pour vous-même ou pour d’autres ou de commettre tout acte illégal, inapproprié ou contre l’intérêt supérieur de l’ASFC. Ce type d’action sera considéré comme une infraction grave et donnera lieu à des mesures disciplinaires ».

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

B. La fin de semaine du 9 au 11 août 2013

11        Le Festival international Homecoming (le « Festival ») a lieu chaque année et il est organisé conjointement par les villes de St Stephen au Nouveau-Brunswick, et Calais dans le Maine, qui sont des deux côtés de la frontière entre le Canada et les États-Unis, à savoir, la rivière Sainte-Croix. En 2013, le Festival a eu lieu la fin de semaine du 9 au 11 août. Les éléments de preuve ont révélé qu’il y a une quantité considérable de circulation à la frontière entre les deux villes (en grande partie à pied), avec des événements et des fêtes organisés dans les deux villes. Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il avait prévu de passer cette fin de semaine là à St Stephen.

12        Il a indiqué que, le vendredi 9 août 2013, on lui a demandé de travailler des heures supplémentaires au PDE de l’aéroport à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard. Il a préparé un sac de voyage et a voyagé jusque-là dans un véhicule de l’ASFC. Il a dit que, étant donné qu’il s’était acquitté de ses tâches à environ 1 h, le samedi 10 août 2013, il est resté à Charlottetown et est retourné à Saint John en fin de matinée, moment auquel il a retourné le véhicule aux locaux de l’ASFC et a rangé son équipement à l’installation de l’ASFC à Saint John, où il était situé. Il a dit qu’après l’avoir fait, il n’est pas revenu à son domicile de Saint John, mais s’est rendu directement à St Stephen. Dans la soirée du 10 août 2013, avec quelques connaissances, il a traversé la frontière dans le cadre du festival.

13        Pour le Festival, l’United States Customs and Border Patrol (« USCBP »), en plus de ses activités habituelles au PDE de Calais, avait installé des tables avec des ordinateurs à l’extérieur de son bâtiment sous le couvert pour véhicules afin de permettre un traitement plus efficace du volume important de circulation à pied. En attendant d’être traités au point d’entrée extérieur, le fonctionnaire et cinq autres personnes ont été dirigés pour entrer dans le bâtiment.

14        Au moment de l’audience, Corey McPhee était le directeur adjoint du port au PDE de Houlton, dans le Maine, pour l’USCBP, qui fait partie du département de la Sécurité intérieure des États-Unis. M. McPhee travaillait avec l’USCBP depuis l’année 2000, d’abord en tant qu’agent, ensuite à titre de superviseur, et enfin à titre de directeur adjoint du port. En août 2013, il était superviseur au PDE de Calais. Il travaillait le soir du 10 août lorsque le fonctionnaire est arrivé à ce point d’entrée.

15        M. McPhee a indiqué dans son témoignage qu’il y avait une circulation continue pour traverser la frontière au PDE de Calais, mais qu’il n’y avait pas de files d’attente. Il a déclaré qu’il était dehors pour superviser les lignes d’inspections principales temporaires pour la circulation à pied. Il a indiqué qu’il était posté loin d’eux pour pouvoir observer les personnes à pied lorsqu’elles s’approchaient pour être traitées. Il a indiqué que, lorsque le fonctionnaire et ceux qui l’entouraient sont passés près de lui, il a remarqué une forte odeur de marijuana. Il a décidé, en raison de la présence possible de marijuana, qu’un certain nombre de personnes seraient amenées à l’intérieur du bâtiment pour traitement.

16        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage qu’il se tenait dans une ligne d’inspection primaire lorsqu’on l’a tapé dans le dos et qu’on lui a ordonné d’entrer dans le bâtiment, ce qu’il a fait.

17        Darren Morrison est un agent de l’USCBP qui travaillait au PDE de Calais à la fois en août 2013 et au moment de l’audience. Il l’était depuis 2007.

18        Le 10 août 2013, M. Morrison travaillait comme agent d’inspection secondaire à l’intérieur du bâtiment de l’USCBP au PDE de Calais lorsque le fonctionnaire et cinq autres personnes ont été envoyés à l’intérieur aux fins de traitement. Un autre agent de l’USCBP, John Papke, qui est maintenant décédé, travaillait ce soir-là avec M. Morrison.

19        M. Morrison a indiqué dans son témoignage que, lorsque le groupe est entré dans le bâtiment, il y a senti l’odeur de marijuana. Il a indiqué dans son témoignage que les personnes ont été amenées à l’intérieur après les vérifications informatiques. Il a indiqué que, compte tenu de l’odeur (qui était la raison pour laquelle les personnes étaient renvoyées à l’intérieur), il a été déterminé qu’ils demanderaient aux personnes de vider leurs poches. Il a déclaré que, lorsqu’ils allaient le faire, le fonctionnaire a retiré un insigne de sa poche et l’a montré à lui et à M. Papke. M. Morrison a déclaré qu’après avoir vu l’insigne, il a demandé au fonctionnaire pour qui il travaillait, et le fonctionnaire lui a indiqué que c’était l’ASFC. Il a indiqué que le fonctionnaire lui a dit [traduction] « Vous n’avez pas à vous inquiéter de ces gars-là, ils sont en règle. » M. Morrison a déclaré que lui et le fonctionnaire n’avaient pas eu d’autre discussion.

20        Au cours du contre-interrogatoire, M. Morrison a indiqué qu’il a demandé au groupe s’ils avaient de la marijuana sur eux, à quoi on lui a répondu qu’ils n’en avaient pas. Il a confirmé qu’on n’a pas trouvé de marijuana sur aucune des personnes, y compris le fonctionnaire.

21        Selon le témoignage de M. Morrison, dès le moment où les résultats de la fouille étaient négatifs, il n’avait plus affaire à ces personnes. Il a indiqué que M. Papke est allé chercher M. McPhee, qui est venu à l’intérieur. Il a indiqué qu’il n’était pas au courant de discussions entre M. Papke et M. McPhee, ou de la discussion de M. McPhee avec les personnes.

22        Au cours du contre-interrogatoire, M. Morrison a déclaré que l’odeur de la marijuana reste sur les vêtements et que, si le fonctionnaire et les autres personnes avaient été dans une pièce dans laquelle on en avait fumé, l’odeur aurait pu rester sur leurs vêtements. Lorsqu’on lui a demandé s’ils l’avaient informé qu’ils étaient venus d’une fête privée où on avait fumé de la marijuana, M. Morrison a indiqué que c’était possible. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait posé ses questions aux personnes ou au groupe, M. Morrison a déclaré que les questions avaient été posées au groupe. Lorsqu’on lui a demandé si on avait demandé au fonctionnaire de vider ses poches, M. Morrison a déclaré qu’il ne pouvait pas s’en rappeler.

23        M. McPhee a indiqué dans son témoignage qu’après avoir envoyé le groupe à l’intérieur du bâtiment pour le traitement, il est demeuré à l’extérieur. Il a dit que M. Papke l’a informé et lui a indiqué que le fonctionnaire avait montré son insigne de l’ASFC, s’était présenté en tant qu’agent de l’ASFC et avait dit : [traduction] « Je peux répondre de la bonne réputation des gens de mon groupe. »

24        M. McPhee a indiqué qu’il est retourné à l’intérieur et a tenu des discussions avec deux membres du groupe, en plus du fonctionnaire. Il a indiqué que deux d’entre eux ont finalement admis qu’ils avaient fumé de la marijuana. M. McPhee a déclaré que les quatre autres personnes, y compris le fonctionnaire, ont été autorisés à entrer aux États-Unis, et que les deux qui avaient admis avoir fumé de la marijuana n’étaient pas autorisés à entrer.

25        Avant que le fonctionnaire n’ait quitté l’immeuble, M. McPhee a indiqué qu’il l’a pris de côté et a eu une discussion avec lui. M. McPhee a déclaré qu’il avait dit au fonctionnaire qu’il devrait être plus réfléchi en ce qui concerne les personnes dont il s’est porté garant, étant donné qu’elles venaient de fumer de la marijuana avant d’entrer aux États-Unis.

26        M. McPhee a indiqué qu’il n’a pas apprécié ce que le fonctionnaire a dit parce que, à l’époque, la marijuana était illégale dans le Maine et que, si une personne commet un acte illégal, un autre agent de l’application de la loi ne devrait pas se porter garant de cette personne; c’est trompeur, c’est illégal et c’est irrespectueux. M. McPhee a déclaré que le fonctionnaire n’a pas dit grand-chose, qu’il s’agissait plutôt d’un monologue.

27        Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à M. McPhee si les agents de l’USCBP demandent à voir les insignes des agents de l’application de la loi. Il a déclaré que, parfois, on demande aux personnes ce qu’elles font pour gagner leur vie et on pourrait leur demander où elles travaillent. Si une personne travaille pour un organisme d’application de la loi, il a déclaré que les agents demandent à voir un insigne.

28        M. Morrison a rédigé une note de service non datée, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Le samedi 10 août 2013 à environ 21 h 36 pendant le Festival international Homecoming, un groupe de six personnes ont demandé l’admission en utilisant le passage pour piétons. En inspectant ce groupe, l’agent primaire a pu sentir l’odeur de la marijuana provenant directement du groupe. Le groupe de six a ensuite été escorté à l’intérieur pour une inspection plus poussée.

Au niveau secondaire d’inspection, le groupe a été accueilli par les agents des douanes et de la protection des frontières Morrison et Papke. Lorsque le groupe a été interrogé au sujet de l’odeur de la marijuana, le groupe a déclaré qu’ils revenaient tout juste d’une fête où il se peut qu’on ait fumé de la marijuana. Une ou deux personnes ont déclaré qu’elles ne savaient pas quel était le problème puisque tout le monde au Canada en fume. Au moment où l’on a fait vider les poches du premier sujet, Ryan Hyslop, qui était assis à ce moment-là, a mis la main dans sa poche et a présenté son insigne et a déclaré « Je peux répondre de ces gens-là, vous n’avez pas à vous inquiéter de ces gens-là, je les connais très bien. L’agent des douanes et de la protection des frontières a ensuite demandé à Hyslop pour qui il travaillait. Hyslop a déclaré : « l’ASFC ».

29        Le 18 août 2013, M. Papke a rédigé une note de service qui se lit comme suit :

Le samedi 10 août 2013, six personnes se sont approchées de la voie piétonne extérieure qui était installée pour traiter la circulation piétonne pour le Festival international. L’agent de l’inspection primaire pouvait sentir la présence de marijuana provenant collectivement du groupe. On a demandé aux six personnes de se présenter à l’intérieur au vestibule secondaire pour les passagers. L’agent des douanes et de la protection des frontières Morrison a mené des enquêtes IBIS auprès des sujets avec des conclusions négatives. Lorsque le groupe a été interrogé par les agents des douanes et de la protection des frontières Papke et Morrison concernant l’odeur de la marijuana, le groupe a collectivement déclaré qu’ils étaient à une résidence où il se peut qu’on en ait fumé. Un ou deux des sujets ont déclaré que cela fait simplement partie de la culture que beaucoup de Canadiens fument de la marijuana. Au moment de vider les poches de la première personne, le sujet au bout identifié comme Ryan Hyslop a enlevé son portefeuille [de sa] poche de devant de son short et a ouvert le rabat montrant son insigne aux agents Papke et Morrison et a déclaré qu’il pouvait répondre personnellement de chacune des personnes. L’agent des douanes et de la protection des frontières Morrison a demandé à quel organisme travaillait Ryan Hyslop, ce dernier a déclaré que c’était l’ASFC. Lorsque l’agent Papke lui a demandé pourquoi en tant qu’agent de l’application de la loi il était présent à un endroit où il y avait possession et consommation d’une substance contrôlée, Hyslop n’avaient aucune réponse verbale. Il a été remarqué dans l’interaction par l’agent des douanes et de la protection des frontières avec les voyageurs que seulement trois des sujets avaient une très forte odeur de marijuana sur leurs vêtements et les effets personnels trouvés dans leurs poches. À titre de simple courtoisie, on n’a pas demandé à Ryan Hyslop de vider le contenu de ses poches.

[…]

30        M. McPhee a indiqué dans son témoignage qu’au bout de 15 minutes de discussion avec le fonctionnaire, il a appelé le PDE de St Stephen et a indiqué à l’ASFC qu’il n’appréciait pas que le fonctionnaire se soit porté garant. Il a déclaré qu’il pensait avoir parlé avec Shaleigh Anthony-Lank.

31        Au moment de l’audience, Mme Anthony-Lank était une surintendante de l’ASFC située au PDE de Campobello, au Nouveau-Brunswick. Elle a commencé sa carrière à l’ASFC en 2006, à titre d’ASF à St Stephen. Elle s’est réinstallée à Campobello en 2008. Le 10 août 2013, elle était surintendante intérimaire et travaillait des heures supplémentaires au PDE du Pont Ferry Point à St Stephen.

32        Mme Anthony-Lank a déclaré que, le 10 août 2013 à environ 20 h ou 20 h 30, elle a pris un appel de M. McPhee au PDE de Calais. Elle a déclaré que M. McPhee a signalé ce qui suit :

  • des préoccupations au sujet du fonctionnaire, indiquant qu’il avait traversé à pied avec cinq ou six autres personnes et qu’on les a renvoyées à l’inspection secondaire;
  • il y avait une odeur de marijuana sur les personnes avec le fonctionnaire;
  • en raison de l’odeur, l’USCBP a décidé d’effectuer une fouille des poches;
  • lorsque la fouille a commencé, le fonctionnaire a sorti son insigne et a dit qu’il pouvait se porter garant des autres personnes;
  • il était contrarié par le comportement du fonctionnaire et croyait qu’il avait été non professionnel.

33        Au moment de l’audience, Charlene Haughn était une surintendante de l’ASFC. Elle avait travaillé avec son prédécesseur depuis 1994. Au mois d’août de l’an 2013, elle était chef intérimaire pour le sud du Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard.

34        Mme Haughn a indiqué dans son témoignage qu’elle a pris connaissance de l’affaire concernant le fonctionnaire au PDE de Calais au moyen d’un courriel de Mme Anthony-Lank à 20 h 41 le 10 août 2013, qui indiquait ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Alors que je travaillais au Pont Ferry Point ce soir, j’ai reçu un appel du superviseur de l’USCBP, M. McPhee, à environ 21 h 10.

Il a signalé que, ce soir (à environ 20 h 30), ils ont demandé à 6 piétons de se présenter à l’intérieur. Tous les 6 ont été avertis de se rendre au bureau pour le dédouanement.

M. McPhee a indiqué que, lorsque le groupe de 6 est entré au bureau de l’USCBP du Pont Ferry Point, tous les agents ont signalé qu’ils sentaient une odeur distincte de marijuana. Il a déclaré qu’en raison de cet indicateur, ils ont commencé à fouiller les poches de toutes les personnes.

M. McPhee a signalé qu’au moment où il examinait un paquet de cigarettes de l’un des piétons, M. Ryan Hyslop a montré son insigne à l’agent qui effectuait l’examen et a dit quelque chose dans le sens de « je peux répondre de ces gens-là, ils sont corrects » tout en montrant son insigne de l’ASFC à l’agent de l’USCBP. M. McPhee a signalé que, même si les résultats de l’examen des poches étaient négatifs, les agents croyaient qu’en raison de l’odeur des personnes ainsi que de l’odeur des deux paquets de cigarettes, on croyait qu’ils avaient fumé de la marijuana juste avant de traverser la frontière.

M. McPhee a signalé qu’il était troublé par le choix de M. Hyslop de montrer son insigne à l’agent de l’USCBP, le fait qu’il « se porte garant » pour 5 autres personnes dont ils soupçonnaient qu’elles avaient consommé de la marijuana et que son comportement était non professionnel. McPhee a signalé qu’il avait trouvé le comportement de M. Hyslop très « déconcertant » et que, si c’était l’un de ses agents, il aurait certainement souhaité le savoir.

[…]

35        Mme Haughn a reçu les deux notes de service, de M. Morrison et de M. Papke, à un moment donné entre le 10 et le 21 août 2013, parce qu’elle les a envoyées par courriel au fonctionnaire le 21 août et l’a invité à une réunion d’instruction prévue pour le lendemain.

36        Ils se sont rencontrés pour cette réunion d’instruction le lendemain. Il n’a pas amené un représentant de l’agent négociateur, bien que Mme Haughn ait indiqué qu’il était invité à en avoir un présent, mais il avait choisi de ne pas le faire. Ses notes de la réunion ont été déposées en preuve. Le fonctionnaire avait eu l’occasion de les examiner et de les signer. Le passage pertinent de ces notes se lit comme suit :

  • Le fonctionnaire ne souhaitait pas être représenté par un agent négociateur;
  • il a déclaré qu’il avait fait preuve d’un manque de jugement ridicule;
  • il a indiqué qu’il n’avait jamais rien fait de ce genre auparavant;
  • il a indiqué qu’une fois qu’il avait traversé la frontière pour entrer aux États-Unis, l’agent de l’USCBP lui avait demandé ce qu’il faisait pour gagner sa vie et, lorsqu’il a indiqué qu’il était un ASF pour l’ASFC, on lui a demandé ses justificatifs d’identité et, lorsqu’il a indiqué qu’il n’en avait pas, on lui a demandé pourquoi et on lui a dit qu’il devrait toujours les avoir avec lui au moment de traverser la frontière;
  • il a indiqué qu’il était [traduction] « sûr à 95 % » que l’agent de l’USCBP qui lui avait dit de toujours porter ses justificatifs d’identité sur lui était l’un des agents de l’USCBP qui avait interrogé le groupe en question le 10 août 2013;
  • le fonctionnaire a indiqué que l’agent de l’USCBP avait discuté avec les personnes et leur avait laissé entendre qu’ils [traduction] « venaient d’en fumer une », faisant référence à la marijuana, avant de traverser la frontière;
  • le fonctionnaire a indiqué que, lorsque l’agent de l’USCBP est passé dans la file pour fouiller les poches et a indiqué que le groupe venait d’en fumer une avant d’arriver aux douanes des États-Unis, le fonctionnaire avait sorti son insigne et avait indiqué qu’il pouvait [traduction] « se porter garant du fait qu’ils ne venaient pas d’en fumer une »;
  • il a présenté des excuses pour tout embarras qu’il avait causé à l’ASFC et à ses collègues de travail;
  • il a déclaré qu’il n’avait jamais lu la politique sur les insignes, mais a convenu qu’elle était logique;
  • il n’aurait pas montré son justificatif d’identité de l’ASFC si l’agent de l’USCBP ne lui avait pas dit de le faire la dernière fois qu’il a traversé la frontière;
  • il ne montrerait plus son insigne;
  • le groupe se composait de plus de six personnes, mais l’USCBP en avait sélectionné seulement six pour inspection.

37        Mme Haughn a émis un rapport non daté, qui semble être un résumé dactylographié de l’entrevue, dont les parties pertinentes se lisent comme suit :

[Traduction]

[…]

Je lui ai demandé s’il souhaitait la présence d’un représentant syndical. Il a déclaré qu’il n’en voulait pas.

Lorsqu’il est entré au bureau avant même de commencer une discussion, il a déclaré qu’il a fait preuve d’un manque de jugement ridicule.

Je lui ai demandé s’il avait déjà montré son insigne auparavant en dehors des heures de service. Il a déclaré ne l’avoir jamais fait.

Il a déclaré qu’à une autre occasion auparavant il est allé à un concert de Phish avec trois autres personnes et qu’il est certain à 95 % que le même agent était en service qu’au moment du présent incident.

L’agent des douanes et de la protection des frontières allait inspecter leur véhicule et a demandé ce qu’ils faisaient pour gagner leur vie. Lorsque Ryan a déclaré qu’il travaillait pour l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), l’agent des douanes et de la protection des frontières des États-Unis a demandé de voir ses justificatifs d’identité. Comme Ryan ne pouvait pas les montrer, l’agent a déclaré qu’il devrait les avoir sur lui la prochaine fois qu’il traversera la frontière.

Ryan a déclaré qu’il ne portait jamais son insigne avant cet incident et qu’il n’avait jamais montré son insigne en dehors des heures de service.

Lors de cet incident, Ryan avait l’impression qu’il s’agissait du même agent et lorsque les agents des douanes passaient dans la file pour fouiller les poches de ses amis, l’agent a indiqué que le groupe venait d’en fumer une avant d’arriver aux douanes. C’est à ce moment-là que Ryan a sorti son insigne et a déclaré qu’il pouvait se porter garant du fait qu’ils ne venaient pas d’en fumer une puisqu’il était avec eux.

[…]

Résumé

  • Ryan Hyslop, de son propre aveu, a bien présenté son insigne pour répondre des cinq autres personnes qui ont été sélectionnées pour inspection.
  • Il était d’avis qu’il devait présenter son insigne et s’identifier en raison d’une situation antérieure avec l’USCPO.
  • Ryan Hyslop a fait preuve de remords pour ses actions et a juré de ne plus jamais se comporter ainsi.

[…]

38        Mme Haughn a déclaré qu’après la réunion du 22 août 2013, elle a rédigé les notes de la réunion et les a envoyées aux Relations de travail (RL), qui lui ont indiqué que, dans un tel cas, une suspension de 20 jours était appropriée. Elle a déclaré que c’était sa première mesure disciplinaire, et qu’elle avait souhaité agir d’une façon équitable envers le fonctionnaire. Elle a indiqué qu’on lui a dit qu’il était un bon ASF.

39        Le 4 octobre 2013, elle a envoyé un courriel au fonctionnaire, l’invitant à une audience préalable à la mesure disciplinaire fixée au 17 octobre 2013. Elle a dit qu’il a répondu et a déclaré qu’il pensait qu’elle s’était trompée en dactylographiant la date, et a inscrit le 17 octobre au lieu du 7 octobre. Lorsqu’elle a confirmé qu’il s’agissait bien du 17 octobre pour lui donner assez de temps pour s’assurer d’une représentation par un agent négociateur, elle a indiqué qu’il a dit qu’il ne souhaitait pas attendre. Par conséquent, l’audience a eu lieu le 7 octobre 2013.

40        Mme Haughn a indiqué qu’à l’audience, le fonctionnaire a de nouveau présenté des excuses et a dit qu’il ne le ferait plus jamais.

41        Mme Haughn a déclaré qu’à ce moment-là, elle était nouvelle à son poste, qu’elle ne connaissait pas l’éventail approprié de la suspension, et que les RL lui avaient indiqué que c’était de 20 à 25 jours. Elle a indiqué qu’après avoir examiné tous les faits, elle a choisi l’extrémité inférieure de l’éventail.

42        Elle a déclaré que le fonctionnaire avait délibérément apporté son insigne avec lui. Elle a indiqué qu’il avait tenté d’influencer un agent de l’USCBP. L’ASFC a une relation de travail avec l’USCBP. Le fonctionnaire s’était déplacé avec cinq autres personnes, et son comportement avait donné une mauvaise image de l’ASFC. En examinant la Politique sur les insignes, Mme Haughn a déclaré qu’il s’était servi de son insigne pour gagner la faveur d’un autre organisme de l’application de la loi. Elle a déclaré que l’insigne a été utilisé pour éviter l’inspection.

43        Au cours du contre-interrogatoire, Mme Haughn a confirmé que le fonctionnaire était perçu comme un bon membre de l’équipe et un agent positif et qu’elle avait reçu de bons rapports de ses superviseurs. Elle a confirmé qu’il était coopératif et avait fait preuve de remords et qu’il s’est excusé et lui a dit qu’il ne le ferait plus jamais. Elle a confirmé qu’il a fait preuve d’intégrité tout au long de l’entrevue. Elle a indiqué qu’elle l’avait cru.

44        Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Haughn quelle était sa compréhension du fait que le fonctionnaire s’était porté garant, ce à quoi elle a répondu qu’ils (le groupe de personnes qui étaient avec lui) n’en avaient pas fumé un (marijuana) avec lui. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait compris qu’il se portait garant de la réputation des autres personnes, elle a répondu non.

45        Au cours du contre-interrogatoire, on a demandé à Mme Haughn si le fonctionnaire avait expliqué qu’il avait amené ses justificatifs d’identité ce soir-là en août en raison de son interaction avec l’USCBP lorsqu’il a traversé la frontière pour un concert à Bangor, dans le Maine, en juillet. Elle a affirmé que c’était le cas.

46        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage que, le 10 août, des grands événements avaient lieu à St Stephen ainsi qu’à Calais, et qu’il y avait une circulation piétonne importante entre les deux villes. Il a déclaré que, lorsqu’il a traversé la frontière, c’est avec un groupe d’environ 12 à 15 personnes, dont il considère que 3 ou 4 étaient ses amis.

47        Il a indiqué que, pendant qu’il attendait dans la file, il faisait partie d’un groupe de six qui a été dirigé vers l’intérieur. Il a déclaré que personne ne lui a laissé entendre qu’il sentait la marijuana. Il a déclaré qu’en traversant le pont à pied, personne ne fumait de la marijuana, et que, lorsqu’on lui a fait part de l’allusion selon laquelle il se portait garant d’autres personnes, il a indiqué qu’il s’était porté garant du fait que lui et son groupe n’avaient pas fumé de marijuana en traversant le pont.

48        Il a déclaré que, pendant qu’ils étaient à l’intérieur du bâtiment de l’USCBP, les agents de l’USCBP leur ont demandé de vider leurs poches et ont insisté sur le fait qu’ils avaient fumé de la marijuana en marchant en direction de la frontière.

49        Le fonctionnaire a déclaré que les agents de l’USCBP ne se sont pas adressés directement à lui ou à quelqu’un d’autre, mais à l’ensemble du groupe de six. Il a indiqué qu’ils étaient catégoriques dans leurs interrogations qu’on avait fumé de la marijuana lorsque le groupe avait approché le passage de la frontière. Il a indiqué qu’il a dit aux agents [traduction] « je ne sais pas si c’est utile. Je suis venu avec eux et je ne les ai pas vus fumer. » Il a indiqué qu’après qu’il ait dit cela, M. Morrison lui a demandé où il travaillait. Il a répondu que c’était à l’ASFC.

50        Le fonctionnaire a indiqué dans son témoignage que, juste avant le passage à la frontière en question en août, il avait traversé la frontière en juillet en voiture sur sa route pour le concert à Bangor et c’était lui qui conduisait. Il a indiqué qu’on lui a posé un certain nombre de questions, y compris où il travaillait. Lorsqu’il a répondu que c’était à l’ASFC, on lui a demandé son insigne d’identification. Il a répondu qu’il ne l’avait pas, et on l’a encouragé à l’amener la prochaine fois. Un autre passager, un ASF également, avait son insigne, et le fonctionnaire a déclaré que l’agent de l’USCBP lui a indiqué que l’insigne était la raison pour laquelle ils ne seraient pas renvoyés à l’inspection secondaire.

51        Dans son témoignage, le fonctionnaire a indiqué que, tout de suite après avoir montré son insigne, il s’est rendu compte qu’il avait commis une erreur. Il se sentait penaud et s’est rendu compte qu’il s’était vraisemblablement mis dans une impasse. Il a expliqué pourquoi il a ressenti et a exprimé des remords pour avoir fait ce qu’il a fait et pour avoir mis l’ASFC dans une position difficile.

52        Au cours du contre-interrogatoire, le fonctionnaire a déclaré qu’il connaissait les cinq autres personnes qui étaient à l’intérieur du bâtiment de l’USCBP même s’il ne considérait que l’un d’entre eux comme un ami.

53        Personne n’a laissé entendre que le fonctionnaire sentait la marijuana; il n’a pas non plus été suggéré qu’il avait fumé de la marijuana.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

54        Le fonctionnaire a agi au PDE de Calais d’une manière à obliger le superviseur de l’USCBP de service d’appeler l’ASFC pour se plaindre.

55        Les questions à trancher sont les suivantes : une inconduite a-t-elle eu lieu? Le cas échéant, la suspension de 20 jours imposée était-elle appropriée dans les circonstances?

56        Le fonctionnaire n’est pas seulement un fonctionnaire, mais aussi un agent de la paix. À ce titre, il est tenu de respecter une norme plus élevée. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Stokaluk c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2015 CRTEFP 24.

57        M. McPhee a conclu que le comportement du fonctionnaire, en montrant son insigne aux agents de l’USCBP, était non professionnel. Il a touché l’essence même des activités de l’ASFC, ce qui rend son comportement grave. Il pourrait être interprété qu’en montrant l’insigne, la personne croit qu’elle est au-dessus de la loi.

58        Un ASF qui agit comme le fonctionnaire l’a fait ne peut pas se voir accorder le bénéfice du doute.

59        Le fonctionnaire a montré son insigne au cours d’une inspection secondaire, une procédure qui lui est familière en tant qu’ASF. À ce titre, il aurait dû savoir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. En fait, il a admis qu’il aurait dû faire preuve de plus de discernement; M. McPhee l’a bien déclaré.

60        L’employeur a fait valoir que la conduite du fonctionnaire soulevait des questions sur la façon dont il perçoit et effectue son travail, la perception du grand public, et l’intégrité de l’ASFC. Son comportement était inacceptable, et donnait l’impression que c’est ainsi que l’ASFC et ses employés fonctionnent. C’est une question de réputation, de confiance et de crédibilité.

61        Les faits révèlent qu’un groupe était à l’intérieur du bureau de l’USCBP au PDE de Calais. Lorsque la première personne dans le groupe a été fouillée, le fonctionnaire a montré son insigne aux agents Morrison et Papke de l’USCBP. Ce témoignage de M. Morrison n’a pas été contesté.

62        La déclaration de M. Papke, dans un courriel, faisait aussi allusion au fait que le fonctionnaire a sorti son portefeuille, montrant son insigne, et indiquant qu’il se portait personnellement garant de ceux qui étaient avec lui. M. Morrison a également précisé dans son témoignage et dans sa déclaration que le fonctionnaire a déclaré : [traduction] « […] vous n’avez pas à vous inquiéter de ces gens-là, je les connais très bien. »

63        La déclaration de l’agent de l’USCBP devrait être comparée avec la première suggestion du fonctionnaire selon laquelle la fouille des autres personnes était bien avancée lorsqu’il a montré son insigne et sa deuxième déclaration, qui était qu’il ne s’était pas porté garant des autres personnes, mais seulement que personne dans le groupe n’avait fumé de la marijuana au moment d’approcher et de traverser la frontière.

64        Lorsque Mme Haughn a interrogé le fonctionnaire, il avait des copies des déclarations par écrit de M. Morrison et de M. Papke. On lui en a donné des copies deux fois, une fois avant l’entrevue avec Mme Haughn et une fois après, lors d’une audience préalable à la mesure disciplinaire. L’employeur a fait valoir qu’il avait eu deux fois la possibilité de clarifier la différence entre les deux versions concernant le moment où il a montré son insigne et ce qu’il a dit aux agents de l’USCBP.

65        L’employeur a fait valoir que je ne devrais pas accepter le récit du fonctionnaire selon lequel il a dit de quoi il se portait garant au moment où il a montré son insigne aux agents de l’USCBP, étant donné que ce n’était pas conforme à leurs déclarations écrites ni à ce qui a été signalé à Mme Anthony-Lank et énoncé dans son courriel après avoir reçu l’appel de M. McPhee.

66        L’employeur a fait valoir que Mme Haughn a déclaré que le fonctionnaire n’a pas signalé ce qu’il avait fait. S’il avait été gêné par sa conduite, il aurait dû appeler. Elle estimait qu’il n’avait pas bien compris la gravité de ce qu’il avait fait. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il éprouvait des remords, il a déclaré que certaines personnes pourraient ne pas comprendre ce qu’il avait fait et pourraient trouver ce comportement inadmissible. Ce n’est pas vraiment une acceptation de la responsabilité ni une manifestation de remords.

67        Le fonctionnaire a déclaré qu’il est intervenu parce qu’à ses yeux, le processus ne s’est pas déroulé de la façon dont il estimait qu’il aurait dû se dérouler. Il le savait parce qu’il est un ASF. Par conséquent, il est intervenu sciemment, pour aider ses amis.

68        La position de l’employeur est également que le fonctionnaire n’a pas pleinement coopéré.

69        L’employeur m’a renvoyé à Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration,(4e édition), au paragraphe 7:3330, intitulé [traduction] « Conduite contraire à l’éthique », qui, selon l’employeur, touche directement l’essence de ce comportement.

70        L’employeur a fait valoir que Stokaluk, Mercer c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2016 CRTEFP 11, et Labadie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2008 CRTFP 85, appuient tous la proposition selon laquelle le fait de ne pas être au courant des dispositions des règles ou des politiques de l’employeur n’est pas une excuse. Dire que le fonctionnaire aurait dû savoir qu’il ne fallait pas utiliser son insigne est une question de bon sens.

71        L’employeur m’a également renvoyé à Pike c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 1, et à Blair-Markland c. le Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-28988, (1991103), [1999] C.R.T.F.P.C. no 123 (QL).

72        L’employeur m’a également renvoyé à Mercer et à Stewart c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2016 CRTEFP 106, qui portent sur les circonstances atténuantes au moment d’aborder la question de la pénalité dans les affaires disciplinaires.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

73        Le fonctionnaire a fait valoir qu’une suspension de 20 jours (150 heures) était sévère pour l’inconduite et a suggéré qu’une pénalité plus appropriée serait entre une réprimande écrite et une suspension de 5 jours (37,5 heures).

74        Le fonctionnaire a soutenu que, dans son témoignage, Mme Haughn a fait allusion à un certain nombre de facteurs aggravants dont elle a tenu compte au moment de déterminer si une suspension de 20 jours était appropriée, par rapport à une suspension de 25 jours. Ces facteurs sont les suivants :

· sept personnes ont vu le fonctionnaire montrer son insigne (les deux agents de l’USCBP et les cinq autres personnes dans le bureau du PDE de Calais);

  • l’insigne a été montré au moment où les deux agents de l’USCBP inspectaient le groupe pour de la marijuana;
  • c’est un représentant du Canada dans ses relations avec les États-Unis;
  • l’acte de montrer son insigne aux deux agents de l’USCBP ne résisterait pas à un examen public;
  • il savait qu’il n’aurait pas dû le montrer;
  • il l’a montré pour influencer les deux agents de l’USCBP;
  • l’acte de montrer son insigne pour les influencer était prémédité.

75        Lorsqu’elle a été interrogée au sujet de facteurs atténuants, Mme Haughn a déclaré qu’elle a tenu compte de ce qui suit :

  • ses années de service;
  • son service positif et le fait qu’il faisait du bon travail;
  • ses contributions à un milieu de travail positif.

76        Mme Haughn a déclaré que, compte tenu des circonstances atténuantes, elle a opté pour une suspension de 20 jours, se fondant sur l’éventail de 20 à 25 jours conseillé par les RT.

77        Le fonctionnaire a soutenu que, lorsqu’on a demandé à Mme Haughn s’il avait coopéré avec l’enquête, s’il éprouvait des remords pour sa conduite, s’il s’était excusé pour sa conduite et s’il avait déclaré qu’il ne montrerait plus jamais son insigne, elle a répondu « oui » à l’ensemble des quatre questions.

78        Le fonctionnaire n’avait jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire auparavant.

79        Le fonctionnaire m’a renvoyé à Davidson c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2017 CRTEFP 42, à Stewart, Gatien c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2013 CRTFP 101, et à King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 31.

80        Dans Gatien, la fonctionnaire s’estimant lésée, une gestionnaire, a fait l’objet d’une suspension de 10 jours pour avoir barricadé certains bureaux de son unité de travail à l’aide de caisses en carton et de ruban adhésif. L’arbitre de grief a conclu qu’elle était une employée en poste depuis 35 ans avec un dossier disciplinaire vierge qui a sans hésiter admis sa conduite, a exprimé des remords et a affirmé qu’une telle situation ne se reproduirait plus. Malgré cela, elle a subi une mesure disciplinaire sévère. L’arbitre de grief a conclu que, « Si le but de la mesure disciplinaire est correctif […] la réaction d’imposer une suspension de 10 jours était excessive. » La mesure disciplinaire de 10 jours a été annulée, et remplacée par une réprimande verbale. Une revendication de dommages financiers au-delà des pertes subies à l’égard du salaire et des avantages sociaux pour les 10 jours en raison de la suspension a été rejetée.

81        Dans King, le fonctionnaire s’estimant lésé, un ASF à l’ASFC et président d’un syndicat local, a fait l’objet d’une suspension de 20 jours pour avoir envoyé un courriel au ministre de la Sécurité publique à ce moment-là, avec des copies au premier ministre, au président du Conseil du Trésor, au Toronto Star, et au Global News. Le courriel était réputé avoir constitué une inconduite étant donné qu’il contenait des allégations sans fondement critiquant l’employeur. Au paragraphe 280 de la décision, l’arbitre de grief a abordé la pertinence de la pénalité et l’a réduite à une suspension de 10 jours au lieu d’une suspension de 20 jours, ce qui s’accorde mieux avec le principe des mesures disciplinaires progressives.

C. La réponse de l’employeur

82        Le manque d’expérience de Mme Haughn ne devrait pas être utilisé contre elle; elle a pris des mesures et a posé un certain nombre de questions.

83        Les faits dans Gatien sont différents.

84        La décision King mettait en cause un manquement au devoir de loyauté. L’inconduite du fonctionnaire en l’espèce méritait plus que les 10 jours donnés à M. King.

85        Une réprimande verbale ne saurait démontrer l’importance et la gravité de l’inconduite.

IV. Motifs

86        Les audiences d’arbitrage en ce qui concerne une mesure disciplinaire aux termes de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sont des audiences de novo et le fardeau de la preuve incombe à l’employeur. Toute question concernant l’enquête sur les faits qui a mené à la prise de mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure de redressement par l’audience de novo dont je suis saisi.

87        Pour trancher les questions portant sur des mesures disciplinaires, on examine habituellement les trois critères suivants (voir Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162, [1977] 1 C.L.R.B.R.  1 (QL)) : L’employé a-t-il donné un motif raisonnable pour une forme de mesure disciplinaire de la part de l’employeur (c’est-à-dire, y a-t-il eu une inconduite de la part du fonctionnaire)? Le cas échéant, la mesure disciplinaire que l’employeur a imposée était-elle une sanction excessive dans les circonstances? Si elle était excessive, quelle autre mesure, qui serait juste et équitable, devrait-elle y être substituée dans les circonstances?

88        Au début de l’audience, le fonctionnaire n’a pas contesté le fait que sa conduite avait constitué de l’inconduite. Sa position était que la gravité de la mesure disciplinaire avait été excessive.

89        Les faits, pour l’essentiel, ne sont pas contestés. Toutefois, il semble y avoir un certain désaccord quant à l’interprétation de certains de ces faits, leur contexte, et la question de savoir si certains d’entre eux devraient porter sur la question de la gravité de la sanction imposée.

A. Quelle était l’inconduite?

90        La première question à laquelle je dois répondre consiste à déterminer l’inconduite.

91        Il semble incontestable que, le samedi 10 août 2013, après avoir travaillé des heures supplémentaires à Charlottetown jusqu’aux alentours de 1 h, le fonctionnaire est retourné à son lieu de travail habituel, y a laissé le véhicule de l’ASFC qu’il avait utilisé pour se rendre de Saint John à Charlottetown, a entreposé son équipement et a continué jusqu’à St Stephen. Plus tard le même jour, en soirée, avec quelques autres personnes, il a traversé la frontière avec les États-Unis à pied et était en ligne à l’extérieur du bâtiment de l’USCBP du PDE de Calais, en attendant le traitement pour entrer aux États-Unis lorsqu’on lui a demandé de passer à l’intérieur.

92        Il est incontestable qu’on a demandé au fonctionnaire d’aller à l’intérieur du bâtiment parce qu’il a semblé au superviseur McPhee de l’USCBP que, lorsque le groupe est passé, le fonctionnaire semblait soit marcher avec ou à proximité de ce qui portait l’odeur distincte de la marijuana fumée récemment. Le fonctionnaire, ainsi que cinq autres personnes, a poursuivi à l’intérieur en groupe, et ils ont été inspectés par les agents Morrison et Papke de l’USCBP.

93        Il est également incontestable qu’à un moment donné, pendant qu’il était à l’intérieur du bâtiment de l’USCBP, le fonctionnaire a montré son insigne de l’ASFC et l’a montré aux agents Morrison et Papke de l’USCBP. On lui a demandé où il travaillait, et il s’est identifié en tant qu’ASF à l’ASFC.

94        On n’a trouvé de marijuana sur personne. Selon M. McPhee, il a autorisé quatre personnes du groupe à entrer aux États-Unis. Il a indiqué dans son témoignage que, parce que deux d’entre eux ont admis avoir fumé de la marijuana, il leur a refusé l’entrée.

95        Personne n’a laissé entendre que le fonctionnaire avait fumé, qu’il avait été en possession de marijuana, ou même qu’il sentait la marijuana.

96        Je n’ai aucune preuve quant aux 5 autres personnes dans le groupe ni de leur relation avec le fonctionnaire à l’exception de son aveu au cours de son témoignage qu’il les connaissait tous, mais considérait que 1 seul était un ami. Le fonctionnaire a également déclaré qu’un groupe beaucoup plus important de 12 à 15 personnes avait marché ensemble et avait traversé la frontière à Calais. Cette preuve n’est pas contestée. Selon le témoignage de M. McPhee, il était dehors, à superviser le traitement des visiteurs au PDE. Un point d’inspection avait été installé à l’extérieur pour gérer le volume élevé de circulation piétonne. Il a déclaré qu’il a senti de la marijuana et a déterminé que certaines personnes seraient envoyées dans le bâtiment de l’USCBP pour une inspection plus poussée.

97        Bien que M. McPhee ait déclaré qu’il a parlé au fonctionnaire, il a reconnu que le fonctionnaire n’a pas dit grand-chose. En fait, il n’y a aucune preuve que le fonctionnaire a dit quoi que ce soit à M. McPhee, qui a appelé l’ASFC et a parlé à Mme Anthony-Lank pour se plaindre. À son tour, elle a simplement passé les préoccupations de M. McPhee à Mme Haughn. Le compte rendu de M. McPhee des événements était fondé sur les renseignements que M. Papke lui avait fournis. Bien que M. Papke ait bien rédigé une note de service quelque huit jours plus tard, il était décédé au moment où l’audience a eu lieu et par conséquent ne pouvait pas être contre-interrogé.

98        Seuls le fonctionnaire et M. Morrison, qui ont tous deux témoigné, étaient présents lorsque le fonctionnaire a montré son insigne et a pris la parole. M. Morrison a déclaré dans son témoignage que le fonctionnaire lui a dit [traduction] « vous n’avez pas à vous inquiéter, ces gens-là, ils sont en règle. » Dans sa note de service non datée, M. Morrison a indiqué que le fonctionnaire a dit : [traduction] « Je peux répondre de ces gens-là, vous n’avez pas à vous inquiéter ces gens-là, je les connais très bien. » Tant dans son témoignage devant moi que dans sa note de service, M. Morrison a déclaré qu’il a demandé au fonctionnaire où il travaillait, et le fonctionnaire a répondu que c’était à l’ASFC.

99        La version du fonctionnaire de ce qu’il a dit à M. Morrison était quelque peu différente. Il a indiqué qu’il se portait garant des personnes avec qui il était, mais uniquement concernant le fait qu’ils n’avaient pas non plus fumé de la marijuana au moment de traverser la frontière ni sur le chemin.

100        M. Morrison a également indiqué que le fonctionnaire a sorti son insigne, dont on a fait grand cas. Je suis conscient du fait que le fonctionnaire a sorti son insigne de sa poche lorsqu’il était en inspection secondaire et que M. Morrison et M. Papke étaient en train d’effectuer une fouille des poches du groupe de six personnes. Au cours du contre-interrogatoire, M. Morrison a indiqué qu’il ne se rappelait pas si on a demandé au fonctionnaire précisément de vider ses poches, mais il a bien indiqué que tous les six avaient vidé leurs poches. Le simple fait de l’affaire est que l’insigne allait sortir de sa poche et être montré, et l’USCBP allait connaître son identité en tant qu’ASF. C’était joué d’avance en raison du processus effectué par les agents de l’USCBP.

101        M. McPhee a déclaré que M. Papke lui a dit que le fonctionnaire avait dit qu’il pouvait personnellement répondre de la bonne réputation des personnes de son groupe. Toutefois, la note de service de M. Papke du 18 août laissait entendre que le fonctionnaire avait déclaré qu’il pouvait personnellement répondre de chaque personne du groupe. Les deux commentaires présumés, bien que semblables, ont une différence subtile. En effet, une autre différence dans les éléments de preuve est que, dans sa note de service, M. Papke a déclaré que l’on n’a pas demandé au fonctionnaire de vider ses poches, cependant, selon le témoignage de M. Morrison, on a demandé à l’ensemble des six personnes de vider leurs poches et la fouille n’a rien révélé.

102        L’employeur a fait valoir que je ne devrais pas accepter le récit du fonctionnaire selon lequel il a dit de quoi il se portait garant. C’est surprenant et quelque peu déconcertant puisque Mme Haughn, qui a mené l’enquête en interrogeant le fonctionnaire et a imposé la mesure disciplinaire, a indiqué dans son témoignage qu’elle croyait que le fonctionnaire s’était porté garant du fait que les personnes avec qui il avait marché n’avaient pas fumé de la marijuana sur le chemin en direction de la frontière. Elle a également déclaré qu’elle ne croyait pas qu’il s’était porté garant pour la bonne réputation de ceux qui ont été sélectionnés par M. McPhee pour une inspection secondaire.

103        Cela me ramène à la lettre du 8 novembre, qui indiquait que la mesure disciplinaire a été imposée parce que le fonctionnaire avait [traduction] « montré son insigne de l’ASFC […] pour se porter garant des personnes qui faisaient l’objet d’un examen secondaire. »

104        Si j’accepte le témoignage de Mme Haughn qui, au moment de son enquête et de l’audience, était disposée à accepter que ce que le fonctionnaire lui a dit était vrai, le fonctionnaire a déclaré un fait concernant le groupe de personnes avec lesquelles il marchait en réponse aux questions posées à ce groupe concernant le fait d’avoir fumé de la marijuana en s’approchant de la frontière. La difficulté réside dans l’utilisation des mots « se porter garant ».

105        Le Canadian Oxford Dictionary, 2e éd., définit le terme « se porter garant » de la façon suivante : [traduction] : « 1. Assumer la responsabilité ou exprimer la confiance en (une personne ou une chose); garantir la fiabilité de […] 2.Confirmer ou vérifier la vérité ou l’existence de quelque chose en fournissant une preuve ou une assurance ».

106        Selon le sens de « se porter garant », l’utilisation de ce terme par le fonctionnaire dans sa position en tant qu’ASF au moment de traverser la frontière peut certainement être considérée comme une offre de garantie ou une confirmation ou une vérification de la vérité ou de l’existence d’une chose qui, dans le contexte de son identité en tant qu’ASF, serait une violation du Code de 2012 aux termes de l’article intitulé « Nos valeurs et normes de conduite attendue », qui se lit comme suit :

  • servir l’intérêt public en prenant des décisions et en agissant de manière à préserver la confiance du public et la réputation de l’Agence compte tenu de la haute visibilité de celle-ci;
  • s’abstenir d’utiliser le rôle officiel, les biens et actifs de l’Agence pour obtenir un avantage personnel ou pour avantager ou désavantager d’autres personnes;

107        L’utilisation des mots « se porter garant » par le fonctionnaire dans le contexte présenté peut également être considéré comme une violation du Code de 2012 aux termes de l’article intitulé « Normes de conduite attendue; conduite privée hors du travail et activités extérieures », dans lequel il est indiqué que les activités extérieures et la conduite hors du travail sont habituellement des questions privées, mais qu’elles peuvent devenir des questions reliées au travail s’il y a des conséquences négatives sur l’ASFC. Bien que j’aie des doutes concernant la nature exacte de l’échange entre le fonctionnaire, M. Morrison et M. Papke, à la lumière des éléments de preuve, il n’y a pas de doute que la conduite du fonctionnaire le soir du 10 août 2013 ne donnait pas une image positive ni de lui ni de l’ASFC, comme l’indiquent les réactions du superviseur de l’USCBP à l’époque, M. McPhee.

108        Enfin, il est évident que le fonctionnaire a utilisé les mots « se porter garant » après avoir été identifié en tant qu’ASF et après avoir montré son justificatif d’identification, ce qui violait à la fois le Code de 2012 et la Politique sur les insignes, qui interdisent tous les deux l’utilisation d’un titre d’emploi, d’une identification officielle, et d’un insigne à une fin qui est illégale, inappropriée ou contre l’intérêt supérieur de l’ASFC. Tout au moins, le fait d’avoir son insigne de l’ASFC sur lui et d’indiquer qu’il se portait garant des autres personnes, même le simple fait d’indiquer qu’ils n’avaient pas fumé de la marijuana en traversant la frontière, allait à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’ASFC.

109        Ces faits incontestés établissent que le fonctionnaire a violé à la fois le Code de 2012 et la Politique sur les insignes. Bien qu’il n’y ait pas de preuve qu’il n’a jamais vu ou examiné la Politique sur les insignes, le renvoi à la possession et à l’utilisation de l’insigne et du justificatif d’identité de l’ASFC est remarquablement semblable à la fois dans le Code de 2012 et la Politique sur les insignes.

B. La sanction était-elle excessive?

110        Le fonctionnaire a été suspendu pour une période de 20 jours (150 heures) soit, s’il travaillait une semaine de travail normale, du lundi au vendredi, l’équivalent de 4 semaines.

111        En ce qui concerne le nombre de jours de la sanction, Mme Haughn a déclaré que les RT l’ont informée qu’une suspension de 20 à 25 jours était appropriée. Elle a également admis que cela avait été sa première incursion dans les mesures disciplinaires.

112        Dans Davidson, la fonctionnaire s’estimant lésée a fait l’objet d’une mesure disciplinaire sous la forme d’une suspension de trois quarts (30 heures) pour insubordination pour avoir refusé un ordre direct, qui était l’arrestation illégale et la détention d’un citoyen canadien à la frontière par la fonctionnaire. La Commission a confirmé la sanction. Dans Stewart, le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu pour 75 heures pour avoir sollicité et accepté des billets à un concert d’Elton John au moment de dédouaner l’entourage du chanteur à son arrivée à l’aéroport de Lethbridge (Alberta). Cette sanction a également été maintenue. Dans la décision récente Brown c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2019 CRTESPF 2, la fonctionnaire s’estimant lésée a été suspendue pour trois quarts de travail (25,71 heures) pour manquement au devoir, sanction que la Commission n’a pas réduite. Elle avait permis l’entrée à un visiteur au Canada après qu’il lui ait menti au sujet d’avoir apporté des armes à feu au pays et, une fois qu’il a été arrêté, elle n’a pas traité son arrestation et son interdiction de territoire au pays, et lui a permis de décharger son propre véhicule (parfois sans supervision) pour localiser les armes à feu. Elle a ensuite unilatéralement réduit l’amende afférente et l’a libéré dans le pays sans traiter son interdiction de territoire. Dans King, le fonctionnaire s’estimant lésé avait rédigé un courriel extrêmement moqueur au ministre de la Sécurité publique, avec des copies au premier ministre, au président du Conseil du Trésor, au Toronto Star et au Global News. Le fonctionnaire s’estimant lésé a été suspendu pour une période de 20 jours, qui a été réduite à 10 jours.

113        Les décisions Davidson, Stewart, Brown et King mettaient en cause des employés ASF du CT qui travaillaient à l’ASFC. L’inconduite de Mme Davidson, celle de Mme Brown, et celle de M. Stewart ont toutes eu lieu dans le cadre de leurs fonctions.

114        L’employeur m’a renvoyé à Pike, au paragraphe 27, où l’arbitre de grief a indiqué ce qui suit :

[27] Pour déterminer le caractère approprié d’une mesure disciplinaire, l’arbitre de grief doit vérifier deux choses : si l’employeur a établi l’inconduite alléguée et, dans l’affirmative, si la mesure disciplinaire est proportionnelle à la faute commise.

115        Une mesure disciplinaire est censée être corrective, non punitive. Par contre, dans certaines circonstances, la conduite est si flagrante que la seule discipline appropriée est le licenciement.

116        Lorsque j’envisage l’inconduite du fonctionnaire et je la mesure à l’inconduite que d’autres ASF ont commise à l’intérieur comme à l’extérieur de l’exercice de leurs fonctions (voir Davidson, Stewart, Brown, et King), je conclus qu’elle n’est pas aussi grave que l’inconduite qui a été attribuée à ces ASF.

117        En outre, le fonctionnaire avait un dossier vierge et était apprécié de ses collègues et ses superviseurs. Il a collaboré à l’enquête de Mme Haughn, a admis ce qu’il avait fait, et a présenté des excuses pour sa conduite. Mme Haughn estimait qu’il a exprimé des remords véritables, et je l’estime aussi.

118        Par conséquent, je conclus que la suspension de 20 jours était une sanction excessive. Une suspension d’une journée (7,5 heures) sans solde serait juste et équitable.

119        Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

120        Le grief est accueilli en partie du fait que la suspension de 20 jours (150 heures) sans solde est remplacée par la suspension d’une journée (7,5 heures) sans solde.

121        Le salaire et les prestations du fonctionnaire doivent être rajustés en conséquence.

Le 6 mars 2019.

Traduction de la CRTESPF

John G. Jaworski,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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