Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Une nomination intérimaire a été annoncée pour un poste dont la qualification requise à l’égard du profil linguistique désigné était BBB/BBB – les parties n’ont pas contesté le fait que la personne nommée ne répondait pas aux exigences linguistiques du poste – le défendeur a prétendu que le seul candidat qualifié dans le bassin de candidats possédant le profil linguistique bilingue impératif formé à la suite d’un processus annoncé en 2013 n’était pas disponible – le défendeur croyait que dans le bassin possédant le profil anglais essentiel, qui avait été créé grâce à ce processus annoncé, la personne nommée était le seul candidat qui répondait aux exigences linguistiques du poste – aux dires du défendeur, étant donné ces circonstances, la personne nommée était autorisée à occuper le poste pour une période maximale d’un an – le plaignant travaillait au sein de la même unité que la personne nommée – il possédait le profil linguistique requis – le défendeur n’a pas envisagé sa candidature parce que son nom ne figurait pas sur la liste des candidats admissibles dans le bassin, et que, par conséquent, le plaignant ne faisait pas partie du bassin de candidats qualifiés pour le poste – il existe une exemption statutaire à l’égard des compétences dans les langues officielles en ce qui concerne une nomination intérimaire qu’il est impossible de combler par une personne répondant aux exigences linguistiques – la nomination ne peut pas dépasser une période de 12 mois – la formation de la Commission a déterminé que le défendeur ne s’était pas acquitté du fardeau de démontrer qu’il n’aurait pas pu pourvoir le poste par un employé bilingue – la formation de la Commission a conclu que la personne nommée n’avait pas été nommée à même le bassin de 2013, mais grâce à un processus non annoncé – par conséquent, en vertu du règlement, le défendeur devait mener une recherche appropriée pour trouver un candidat qualifié à l’extérieur du bassin – la formation de la Commission a conclu que le plaignant était très vraisemblablement qualifié pour ce poste et qu’il aurait dû faire l’objet d’une évaluation afin de voir s’il était qualifié pour ce poste – la formation de la Commission a conclu que l’exemption ne s’appliquait pas et que la nomination n’était pas fondée sur le mérite.

Plainte accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral et Loi sur l’emploi dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  20190312
  • Dossier:  EMP-2016-10201
  • Référence:  2019 CRTESPF 31

Devant une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral


ENTRE

ANDREW BURT

plaignant

et

SOUS-MINISTRE D’ANCIENS COMBATTANTS CANADA

défendeur

et

AUTRES PARTIES

Répertorié
Burt c. Sous-ministre d’Anciens Combattants Canada


Affaire concernant une plainte d’abus de pouvoir – alinéas 77(1)a) et b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique


Devant:
Nathalie Daigle, une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral
Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Mathieu Delorme, Association canadienne des agents financiers
Pour le défendeur:
Andréanne Laurin, avocate
Pour la Commission de la fonction publique:
Claude Zaor, observations écrites
Affaire entendue à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard),
les 25 et 26 septembre 2018.
(Traduction de la CRTESPF)

MOTIFS DE DÉCISION

I. Introduction

1         Andrew Burt, le plaignant, a déposé une plainte d’abus de pouvoir à l’égard de la nomination intérimaire d’un collègue, Brodie Carter, à un poste d’agent financier de la direction, classifié FI-03 (le « poste FI-03 »), au ministère des Anciens Combattants Canada (ACC), à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, du 6 mai 2015 au 22 février 2016.

2         Le plaignant allègue que l’administrateur général d’ACC (le « défendeur ») a abusé de son pouvoir dans le choix d’un processus non annoncé et dans l’application du mérite dans le cadre de la nomination. Il affirme que ce choix ne respectait pas les valeurs fondamentales de dotation que sont la justice, l’accessibilité et la transparence, et que la personne nommée ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques du poste. En outre, il a allégué au départ que la personne nommée avait fait l’objet de favoritisme. Il a toutefois retiré cette allégation lors de l’audience.

3         Le défendeur nie qu’il y a eu abus de pouvoir. Il affirme que le choix d’un processus non annoncé respecte les valeurs fondamentales de dotation, y compris le principe du mérite, et que la personne nommée a été évaluée intégralement. Il a été conclu qu’elle avait les qualifications requises pour le poste. Il déclare que même si la qualification requise en ce qui concerne le profil linguistique est BBB/BBB et que la personne nommée ne possède pas cette qualification, celle-ci peut occuper le poste pour une période allant jusqu’à un an sans satisfaire l’exigence, puisqu’il a été impossible de pourvoir le poste au moyen de la nomination intérimaire d’une personne possédant le profil requis.

4         La Commission de la fonction publique (la « CFP ») n’a pas comparu à l’audience, mais a présenté des arguments écrits dans lesquels elle a abordé ses politiques et lignes directrices pertinentes. Elle ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé de la plainte.

5         Pour les motifs qui suivent, la plainte est accueillie. Le plaignant a établi que le défendeur s’est appuyé de façon erronée sur l’exemption concernant le respect de la qualification sur les compétences dans les langues officielles prévue à l’article 15 du Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334; REFP). Cet article contient une exemption relative aux compétences dans les langues officielles pour une nomination intérimaire qui ne peut pas être comblée par un individu qui possède la qualification requise. Cette nomination peut durer jusqu’à une période maximale de 12 mois. En l’espèce, la preuve n’a pas appuyé la conclusion que le poste n’aurait pas pu être pourvu sur une base intérimaire par un individu qui possède la qualification de la compétence dans les langues officielles exigée.

II. Contexte

6         Le 5 février 2016, un « Avis de nomination intérimaire » (ANI) a été publié, mentionnant que M. Carter avait été nommé au poste FI-03 pour la période du 6 mai 2015 au 22 février 2016.

7         Le plaignant a déposé une plainte d’abus de pouvoir le 22 février 2016, auprès de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (CRTEFP), en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13; LEFP).

8         Le 19 juin 2017, la Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique et d’autres lois et comportant d’autres mesures (L.C. 2017, ch. 9) a reçu la sanction royale et a modifié le nom de la CRTFP et le titre de la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique par, respectivement, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « Commission ») et la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

III. Questions en litige

9         Je dois trancher les questions suivantes :

  1. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans l’évaluation de M. Carter?
  2. Y a-t-il eu abus de pouvoir lors du choix d’un processus non annoncé?

IV. Faits

10        Le plaignant a témoigné à l’audience pour son propre compte. Le défendeur a convoqué deux témoins, soit Christina Hutchins qui, au moment du processus non annoncé, était directrice principale, Finances ministérielles, et Sherry Spence, qui était alors directrice, Planification et analyse financières, et ensuite directrice, Initiatives stratégiques financières.

11        Le plaignant a souligné qu’il a commencé sa carrière à Ottawa, en Ontario, où il a travaillé pour Transports Canada jusqu’en 1999 à titre de FI-01, et brièvement à titre de FI-02. Il a ensuite travaillé pendant huit ans dans le domaine des finances pour le gouvernement provincial de l’Île-du-Prince-Édouard.

12        Il a commencé à travailler à ACC en 2007, période où il a occupé des postes classifiés FI-01 et FI-02. Il a également occupé, à titre intérimaire, le poste de conseiller en gestion financière, classifié FI-03, pour une période de quatre semaines en février 2016 et durant une autre période de sept mois, soit du 6 avril au 14 novembre 2016.

13        Le poste d’attache du plaignant est classifié FI-02, au sein de la Direction de l’analyse et de la planification financière d’AAC. Il a occupé ce poste de juin 2012 à novembre 2016 et a travaillé sous la supervision de l’agent financier de la direction pendant ces quatre années. Il a expliqué qu’il était actuellement en affectation à un poste classifié FI-02 à titre d’analyste financier, au sein de la direction générale du dirigeant principal des finances à Emploi et Développement social Canada (EDSC).

14        Le plaignant a décrit les tâches qu’il a exécutées et les rapports qu’il a préparés dans ses nombreux postes au fil des ans. Il a démontré qu’il avait de nombreuses années d’expérience dans le domaine des finances. Il a expliqué qu’au début de 2015, lorsque M. Carter a fait l’objet d’une nomination intérimaire pour le poste d’agent financier de la direction, il avait six ans d’expérience en tant que FI-02.

15        Le plaignant a expliqué qu’au sein de la section de la planification financière d’ACC, environ 12 employés faisaient partie du groupe FI, et que 4 employés FI œuvraient au sein de l’unité de la gestion des dépenses et que 8 employés FI œuvraient au sein de l’unité de la gestion financière.

16        L’agent des finances de la direction générale, qui occupe le poste FI-03 en litige, est responsable du système de gestion des dépenses. Lorsque tous les postes de l’unité sont pourvus, il ou elle travaille en étroite collaboration avec trois autres employés, deux FI-02, et un FI-01. Ce groupe d’employés appuie tous les aspects de la gestion des prévisions et des dépenses d’ACC. Il s’occupe de questions comme l’affectation des ressources aux programmes, l’attribution des fonds selon le budget et la transmission de renseignements pour les présentations au Cabinet. Il est responsable du traitement de l’ensemble du budget du ministère.

17        Le plaignant a expliqué que, juste avant que le processus de nomination non annoncé ne soit effectué, M. Carter et lui étaient les deux analystes financiers (classifiés FI-02) qui appuyaient l’agent financier de la direction (classifié FI-03) dans l’unité. Le poste d’attache du plaignant était classifié au groupe et au niveau FI-02, tandis que le poste d’attache de M. Carter était classifié au groupe et au niveau FI-01. Toutefois, à l’époque, M. Carter était nommé à titre intérimaire à un poste classifié au groupe et au niveau FI-02.

18        Le 5 janvier 2015, la titulaire du poste FI-03 a commencé une nomination intérimaire à titre de directrice, planification et analyse financière (FI-04), alors que la titulaire du poste FI-04, Mme Spence, était partie en formation linguistique en français pour une période prévue de quatre mois.

19        Le même jour, après avoir reçu un courriel concernant la nomination intérimaire du FI-03 au poste FI-04, le plaignant a écrit à Mme Spence pour demander si [traduction] « […] ce qui est prévu [serait] communiqué concernant la dotation du poste après le départ de Melonie [la titulaire du poste FI-03]? »

20        Toujours le même jour, le nouveau directeur par intérim et M. Carter ont reçu un appareil BlackBerry. Aucun FI-02 de l’unité de la planification financière, sauf M. Carter, n’a reçu de tel appareil. Le plaignant avait l’impression que son collègue, M. Carter, serait choisi pour pourvoir le poste FI-03. M. Carter avait déjà remplacé la titulaire du poste FI-03 pendant son congé de maternité en 2014.

21        Le 7 janvier 2015, Mme Spence a répondu au plaignant comme suit : [traduction] « Désolée de ne pas avoir répondu plus tôt. Christine [la directrice principale des Finances ministérielles] prend la décision de pourvoir le poste pour remplacer Melonie et ne m’a pas communiqué ce qu’elle a prévu, je crains donc de ne pas pouvoir répondre à votre question. »

22        Une fois de plus, le 2 octobre 2015, le plaignant a envoyé un courriel à la directrice par intérim. Il a demandé à avoir une discussion franche au sujet de toute décision prévue en matière de dotation pour pourvoir le poste FI-03 actuellement vacant.

23        Le 13 octobre 2015, le plaignant a envoyé un courriel à Mme Spence, sur le même sujet, comme suit :

[Traduction]

Sherry,

Melonie n’a pas été en mesure de répondre entièrement à mes préoccupations concernant la répartition du travail avant de partir. La prochaine étape logique dans mon esprit, c’est d’avoir un tête-à-tête avec vous-même (et possiblement avec Christine), de sorte que cette question puisse être examinée et réglée.

Je vous remercie

[…]

24        Le plaignant n’a pas été informé que M. Carter avait été choisi pour occuper le poste FI-03 à titre intérimaire en février 2015. Toutefois, un an plus tard, en février 2016, il a vu l’annonce qui a été émise précisant que M. Carter avait été nommé au poste FI-03 pour la période du 6 mai 2015 au 22 février 2016. Au cours de l’année, le plaignant avait remarqué que M. Carter exécutait de nombreuses tâches FI-03.

25        Dans l’intervalle, en février 2015, un poste par intérim de moins de quatre mois a été offert à M. Carter pour la période du 23 février au 5 mai 2015. Personne n’a été affecté à son poste FI-02. La haute direction s’attendait à ce que Mme Spence revienne de sa formation linguistique en français et à son poste en mai 2015 et que la titulaire du poste FI-03 réintègre son poste en même temps.

26        Toutefois, cela ne s’est pas produit. Mme Spence n’a pas réintégré son poste FI-04 en mai 2015, et on a demandé à la titulaire du poste FI-03 de continuer d’occuper le poste de directrice par intérim.

27        Ainsi, en mai 2015, la haute direction a prolongé la nomination intérimaire de M. Carter au poste FI-03. Toutefois, ce n’est qu’en septembre 2015 que des documents ont été préparés pour expliquer la raison pour laquelle il avait été choisi au poste d’agent financier par intérim de la direction, et ce, au moyen d’un processus non annoncé.

28        Mme Hutchins était la directrice principale des Finances ministérielles au moment où la nomination de M. Carter a été prolongée. Elle a expliqué qu’en mai 2015, lors d’une table ronde à l’intention de l’équipe de gestion de la direction, elle a été informée que Mme Spence ne réintégrerait pas son poste. Il a été décidé que la nomination intérimaire au poste FI-04 de la titulaire du poste FI-03 devait être prolongée et que, par conséquent, la nomination de M. Carter au poste FI-03 devait l’être également. Mme Hutchins a déclaré que l’agent financier de la direction générale, classifié FI-03, agissait à titre d’agent de liaison avec l’analyste responsable de la gestion des dépenses du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Par conséquent, le poste FI-03 devait être pourvu en tout temps.

29        Mme Hutchins a expliqué que le directeur FI-04, Planification et analyse financières, était le gestionnaire délégué pour le processus de nomination FI-03. En tant que titulaire, Mme Spence n’occupait pas son poste en mai 2015, et son remplaçant n’avait pas le pouvoir délégué de signature pour approuver la prolongation de la nomination de M. Carter au moyen d’un processus non annoncé, il est possible qu’il n’y ait eu aucun document de suivi en mai 2015. Étant donné que le gestionnaire délégué était absent, une décision de gestion a été prise de prolonger la nomination de M. Carter au poste FI-03.

30        Mme Hutchins a expliqué que le poste devait être pourvu immédiatement et qu’un processus non annoncé avait été choisi pour le pourvoir. Elle a été informée qu’un bassin de candidats était en place dans la zone de sélection. Le bassin avait été créé conformément au numéro de processus 2013-DVA-IA-ACIN-CH-EOI-351 (le « processus de 2013 »). Il comprenait un groupe de candidats qualifiés pour plusieurs affectations intérimaires de même niveau avec diverses exigences en matière de compétences linguistiques.

31        L’exigence linguistique pour le poste d’agent financier FI-03 de la direction générale était bilingue impératif, BBB/BBB. Mme Hutchins a expliqué qu’il n’y avait qu’un seul candidat qualifié dans le bassin de candidats possédant le profil linguistique bilingue impératif BBB/BBB créé en vertu du processus de 2013. Toutefois, cette personne occupait déjà un poste FI-03 par intérim et n’était pas disponible.

32        Sept candidats qualifiés étaient dans le bassin de candidats possédant le profil linguistique anglais essentiel créé en vertu du processus de 2013, y compris M. Carter. Mme Hutchins a expliqué qu’il avait déjà été nommé par intérim au poste FI-03, soit du 2 décembre 2013 au 14 novembre 2014, et qu’il avait vu tous les cycles de rapport et que, par conséquent, la haute direction avait décidé de le nommer. Il s’agissait du choix le plus logique en raison de son expérience. Il avait une très bonne compréhension de la portée et de la complexité du processus de planification et de prévisions budgétaires. Mme Hutchins croyait qu’il était le seul candidat du bassin à satisfaire à ces exigences.

33        Le 28 mai 2015, un conseiller-généraliste en ressources humaines a écrit ce qui suit à la directrice intérimaire et à Mme Hutchins : [traduction] « Je me demande si je dois préparer des documents pour la prolongation de Brodie? » La directrice intérimaire a répondu [traduction] « Oui, j’aimerais que la nomination de Brodie soit prolongée puisque je continue de compter sur lui pour traiter entièrement les demandes de renseignements du SGE. C’est une question que j’avais l’intention de poser. » Le même jour, Mme Hutchins a également répondu [traduction] « Je suis d’accord avec la prolongation ».

34        Essentiellement, Mme Hutchins a expliqué que M. Carter travaillait déjà au sein de l’unité et qu’il avait été qualifié aux fins du bassin de candidats pour des postes FI-03 et que, d’après sa connaissance personnelle de ses qualifications, il était la bonne personne pour le poste en mai 2015, comparativement aux autres candidats du bassin. Elle a reconnu qu’elle n’avait pas cherché d’autres candidats qui ne faisaient pas partie du bassin.

35        Ainsi, en mai 2015, on a demandé à M. Carter de poursuivre sa nomination intérimaire au poste FI-03.

36        En ce qui concerne le BlackBerry fourni à M. Carter le 5 janvier 2015, Mme Hutchins a déclaré que les employés du ministère chargés de la préparation des réponses aux questions ministérielles et des médias communiquaient souvent avec lui. M. Carter avait accès à l’information dont ils avaient besoin. Il était nécessaire pour lui d’avoir un BlackBerry, peu importe qu’il occupe un poste FI-03 ou FI-02.

37        Quant à Mme Spence, elle a expliqué que, de janvier à avril 2015, elle suivait une formation linguistique en français à temps plein. De mai jusqu’au début de septembre 2015, elle a continué de recevoir une formation à temps partiel le matin et travaillait sur un projet spécial l’après-midi. Le 28 septembre 2015, elle a été nommée directrice, Initiatives stratégiques financières.

38        Mme Spence a expliqué qu’en septembre 2015, la directrice générale des Finances, Maureen Sinnott, lui avait demandé d’effectuer l’évaluation de M. Carter dans le cadre de sa nomination à titre intérimaire au poste FI-03. Mme Spence a précisé que la haute direction avait déjà décidé de prolonger sa nomination. Son rôle consistait à l’évaluer.

39        Une fois qu’elle s’est familiarisée avec la situation, Mme Spence a préparé les documents nécessaires. Elle a rempli le formulaire « Liste de contrôle pour les processus de nomination non annoncés ». Elle a indiqué : [traduction] « voir la justification ci-jointe » sous les deux titres [traduction] « expliquer pourquoi un processus de nomination non annoncé a été choisi au lieu d’un processus de nomination annoncé » et [traduction] « donner une explication de la façon dont le processus de nomination non annoncé répond aux valeurs d’équité, d’accès, de transparence et de représentativité. » Elle a effectué l’évaluation et la justification de la prolongation de la nomination de M. Carter et l’a signée le 17 septembre 2015. La justification se lit comme suit :

[Traduction]

Le titulaire [M. Carter] est nommé à titre intérimaire pour remplacer une autre employée qui [est] actuellement nommée par intérim à un poste de direction pendant que la titulaire de ce poste [Mme Spence] effectue une formation en langue seconde. La date de fin de la nomination intérimaire est prévue le [écrit à la main : le 22 février 2016] étant donné que la titulaire [du poste FI-03] continuera d’occuper le poste de directrice par intérim jusqu’en janvier 2016, date à laquelle elle commencera une période de congé de maternité pendant une année.

Le travail effectué par Brodie [M. Carter] est essentiel à l’exploitation de la Direction de la planification financière, étant donné qu’il s’agit d’un poste clé responsable de s’assurer que les exigences des processus de la planification et du processus budgétaire sont satisfaites. Aucun autre membre du personnel n’a suffisamment d’expérience pour effectuer le travail requis à ce niveau, même si une formation polyvalente a commencé à élargir l’étendue et la profondeur des connaissances des autres membres du personnel. La stabilité et la continuité sont les principaux moteurs actuels de cette prolongation.

40        Le formulaire autorisant la demande de prolongation de la nomination intérimaire de M. Carter, que Mme Spence a signée le 17 septembre 2015, comprenait la remarque suivante : [traduction] « Prolonger l’affectation intérimaire de Brodie Carter, étant donné que la nomination intérimaire de la titulaire a été prolongée au 31 janvier 2017. »

41        Peu après, le 2 octobre 2015, le plaignant a envoyé un courriel au directeur par intérim (FI-04), demandant une discussion franche concernant une décision en matière de dotation prévue en ce qui concerne le poste vacant FI-03 en cours. Il a ajouté : [traduction] « Le principal objectif de la discussion est de clarifier la réglementation en matière de dotation concernant les langues officielles, étant donné que mon interprétation ne semble être exacte. »

42        Le 25 novembre 2015, un conseiller-généraliste en ressources humaines a écrit à Mme Spence afin de savoir si la nomination intérimaire était le résultats d’un processus non annoncé ou si M. Carter avait été choisi en utilisant le processus de 2013. Le courriel indiquait en partie ce qui suit :

Bonjour Sherry,

J’examine les documents présentés en vue de la prolongation de la nomination intérimaire de Brodie Carter du 6 mai 2015 au 31 janvier 2017 au poste 7202, agent des finances de la Direction générale, et j’ai quelques questions et préoccupations.

L’énoncé des critères de mérite présenté visait le processus 2013-DVA-IA-DM-CH-EOI-351, mais la nomination intérimaire a été présentée en tant que processus non annoncé (même si Brodie était qualifié dans ce processus). Pouvez-vous confirmer que cette nomination intérimaire est effectivement un processus non annoncé ou s’il a été choisi en utilisant le processus? S’il a été choisi en utilisant le processus, le formulaire ACC 980 avec les critères de la bonne personne sera nécessaire. Si ce n’était pas le cas, veuillez ne pas tenir compte de la présente.

[…]

43        Mme Spence a répondu plus tard, indiquant que la nomination de M. Carter avait été prolongée au moyen d’un processus de nomination non annoncé.

44        Le 25 novembre 2015 également, le conseiller-généraliste en ressources humaines qui appuyait Mme Spence dans le cadre du processus de dotation l’a informée que le poste avait un profil linguistique BBB/BBB, auquel M. Carter ne satisfaisait pas. Par conséquent, le conseiller a informé Mme Spence que M. Carter pouvait occuper le poste sans satisfaire aux exigences linguistiques pour une période maximale d’un an seulement s’il n’était pas possible de doter le poste avec quelqu’un qui satisfaisait à cette exigence. Le conseiller a ajouté qu’une fois l’année achevée, le poste devait être pourvu par quelqu’un qui satisfaisait à l’exigence.

45        Plus précisément, une partie du courriel du 25 novembre 2015, du conseiller-généraliste en ressources humaines se lisait comme suit :

[Traduction]

[…]

En outre, le poste a un profil linguistique BBB/BBB et M. Carter ne répond pas à cette exigence. En ce qui concerne la langue, le Règlement sur l’emploi dans la fonction publique (REFP) prévoit l’exclusion de l’application du critère du mérite en ce qui concerne la compétence dans les langues officielles pour une nomination intérimaire pour un poste bilingue non vacant qui ne peut être pourvu par la nomination intérimaire d’une personne qui possède la qualification de la compétence dans les langues officielles requise pour une période totale qui ne dépasse pas 12 mois.

À ce titre, vous devez démontrer ou déterminer que personne satisfaisant à l’exigence de la compétence dans les langues officielles n’est disponible pour pourvoir le poste au moyen d’une nomination intérimaire, ce qui est difficile étant donné que le processus 2013-DVA-IA-DM-CH-EOI-351 comprend un groupe bilingue BBB/BBB valide avec une seule personne restant dans le groupe. L’occasion a peut-être été proposée à cette personne, et il l’a refusée et, si c’est le cas, il faudrait que ce soit inclus dans votre justification pour la dotation du poste par quelqu’un qui ne satisfait pas à l’exigence du profil linguistique.

Si c’est le cas, une personne ne satisfaisant pas l’exigence linguistique pourrait occuper le poste pour une période maximale d’un an. Après cette période d’un an, toute personne occupant ce poste doit satisfaire aux exigences linguistiques (Brodie pourrait donc être nommé par intérim jusqu’au 22 février 2016, mais toute personne nommée au-delà de cette date devra satisfaire aux exigences linguistiques.

[…]

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

46        Mme Spence était d’accord avec Mme Hutchins pour dire que M. Carter était la personne la mieux placée pour remplacer la titulaire du poste FI-03. Elle a ajouté que la personne qui occupait ce poste était responsable de veiller à ce que les exigences du processus de planification et budgétaire soient satisfaites. Mme Spence a mentionné que M. Carter participait aux processus de prévisions budgétaires et de crédits et qu’il connaissait bien le système de gestion des dépenses. Il avait de l’expérience précise dans le domaine, que d’autres employés n’avaient pas. Par conséquent, pour assurer la stabilité et la continuité, il a été choisi pour occuper le poste FI-03. Elle a utilisé l’évaluation dans le processus de 2013 et sa connaissance personnelle du travail de M. Carter pour l’évaluer.

47        Mme Spence a expliqué que, dans le formulaire avec sa justification, elle avait initialement indiqué que la prolongation serait du 6 mai 2015 au 31 janvier 2017 (qui était le moment où la titulaire du poste FI-03 serait revenue de son congé de maternité). Cependant, comme elle l’a expliqué, le conseiller-généraliste en ressources humaines a modifié la date du 31 janvier 2017, au 22 février 2016.

V. Analyse

48        Le paragraphe 77(1) de la LEFP prévoit qu’une personne dans la zone de recours peut présenter une plainte auprès de la Commission selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination en raison d’un abus de pouvoir. Bien que la LEFP ne prévoie aucune définition du terme « abus de pouvoir », elle indique ce qui suit au paragraphe 2(4) : « [i]l est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par abus de pouvoir la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

49        Dans une plainte concernant un abus de pouvoir, il incombe au plaignant de s’acquitter du fardeau de la preuve. Voir Tibbs c. Le sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 8, aux paragraphes 48 à 55.

A. Y a-t-il eu abus de pouvoir dans l’application du mérite et dans l’évaluation de M. Carter?

50        Le plaignant soutient qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’évaluation de M. Carter. Il allègue que M. Carter ne satisfaisait pas aux exigences linguistiques du poste d’agent financier de la direction générale. Ce poste était classifié FI-03 et était bilingue impératif BBB/BBB; M. Carter était unilingue.

51        Le plaignant soutient que, en vertu de la définition de « mérite », tous ceux qui sont nommés à la fonction publique fédérale doivent satisfaire à des qualifications essentielles. À l’appui de cette affirmation, il m’a renvoyée à plusieurs cas, y compris Cameron c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 16, et Rinn c. Sous-ministre des Transports de l’Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 44.

52        Le plaignant m’a également renvoyée à Sachs c. la présidente de l’Agence de la santé publique du Canada, 2017 CRTESPF 3. Dans cette affaire, la plaignante a allégué que la défenderesse avait commis des erreurs et fait des omissions dans son évaluation de la personne nommée et qu’elle avait traité les demandes de prolongation d’une façon inappropriée dans le processus de nomination. La Commission a conclu que la défenderesse avait commis un abus de pouvoir lorsqu’elle a conclu à tort que la personne nommée respectait toutes les qualifications requises. Le paragraphe 21 de cette décision se lit comme suit :

[21] Il est en effet bien établi que le gestionnaire responsable de l’embauche a une vaste latitude pour établir les qualifications essentielles et celles constituant un atout adaptées aux besoins opérationnels du lieu de travail. L’administrateur général a également une flexibilité considérable pour établir les critères de la bonne personne et le candidat qui y correspond le mieux. Toutefois, lorsque les qualifications essentielles sont établies, et lorsqu’elle est appelée à en rendre compte, la défenderesse doit être en mesure de démontrer que les qualifications essentielles ont été évaluées et qu’elles sont respectées.

53        En l’espèce, le plaignant estime que M. Carter n’aurait pas dû être nommé au poste d’agent financier de la direction générale étant donné qu’il ne satisfaisait pas à ses exigences linguistiques.

54        Le plaignant m’a aussi renvoyée à Robert et Sabourin c. Le sous-ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 TDFP 24. Dans cette affaire, les plaignants ont soutenu que le défendeur avait agi de mauvaise foi en prolongeant une nomination intérimaire même si la personne nommée ne satisfaisait pas à l’une des qualifications essentielles. Les plaignants ont fait valoir que le processus manquait de transparence étant donné, entre autres choses, que la notification concernant la nomination avait été affichée avec un retard de trois mois.

55        Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le « Tribunal ») a conclu qu’un certain nombre d’omissions ou d’erreurs graves étaient survenues dans le cadre du processus de nomination en question et que, globalement, ces mesures correspondaient à un abus de pouvoir. Les erreurs comportaient, entre autres choses, le fait de ne pas avoir réussi à démontrer que le poste ne pouvait être pourvu par une personne qui possédait la qualification liée aux compétences linguistiques.

56        M. Carter ne satisfaisait pas aux exigences liées aux compétences en langues officielles du poste d’agent financier de la direction générale. Il s’agit d’un fait incontestable. Cependant, le défendeur s’est appuyé sur l’exclusion de satisfaire à cette qualification prévue aux articles 14 à 16 du REFP.

57        En vertu du régime du REFP, le mérite et le recours ne s’appliquent pas aux nominations intérimaires de moins de quatre mois. Ils ne s’appliquent pas non plus à des nominations de 4 à 12 mois à un poste bilingue non vacant, lorsqu’il ne peut être pourvu par un employé bilingue.

58        Précisément, l’article 15 du REFP indique ce qui suit :

Soustraction quant à la compétence dans les langues officielles — poste non vacant

15 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les nominations intérimaires de quatre mois ou plus, mais d’au plus douze mois à tout poste bilingue non vacant que la Commission n’a pas été en mesure de pourvoir par la nomination intérimaire d’une personne qui possède la qualification de la compétence dans les langues officielles prévue à l’alinéa 30(2)a) de la Loi sont soustraites à l’application de cet alinéa quant à la compétence dans les langues officielles.

Exception

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas aux nominations intérimaires à un même poste si la durée cumulative des nominations intérimaires d’une ou de plusieurs personnes à ce poste est de plus de douze mois.

59        Dans ses observations écrites, qui ont été envoyées aux parties et à la Commission une semaine avant l’audience, la CFP a fait valoir que les allégations du plaignant et la réponse du défendeur renvoyaient au Décret d’exemption concernant les langues officielles dans la fonction publique (DELOFP) dans la mesure où il s’applique à la situation visée par la présente plainte. La CFP a précisé que le DELOFP ne s’applique pas à cette situation et qu’il semble qu’en revanche, les parties avaient l’intention de renvoyer à l’article 15 du REFP.

60        À l’audience, le plaignant et le défendeur ont convenu que l’article 15 s’applique à cette situation, et non pas le DELOFP.

61        Comme il a été mentionné auparavant, le plaignant soutient que M. Carter a occupé le poste FI-03 par intérim pendant 12 mois, même s’il ne satisfaisait pas à l’exigence linguistique pour le poste bilingue non vacant. Il ajoute que le REFP prévoit une exclusion à l’obligation de la compétence liée aux langues officielles pour une nomination intérimaire à un poste bilingue non vacant seulement si ce poste ne peut être pourvu par la nomination d’une personne qui satisfait à l’exigence de la compétence dans les langues officielles.

62        Le plaignant estime qu’il aurait dû être pris en considération pour la nomination intérimaire. Il était qualifié et il est bilingue. Les résultats de sa plus récente évaluation de langue seconde (ELS), datant de 2015, étaient E (compréhension de la lecture), C (compréhension de l’écrit) et B (compétence linguistique orale). Il a reconnu que les résultats de son ELS ont pris fin au début de 2015, mais il a expliqué qu’il avait demandé la permission de passer les ELS en 2014. On lui a permis de les passer en 2015, et ses résultats étaient les mêmes : ECB.

63        Le plaignant soutient que le défendeur devait s’assurer que le poste ne pouvait être pourvu par un candidat bilingue. Selon lui, il ne l’a pas fait. Dans les circonstances, le défendeur n’a pas respecté l’article 15 du REFP, et la nomination de M. Carter n’était pas valide.

64        Le plaignant soutient également que les principes d’équité, de transparence, d’accès et de représentation, qui sont énoncés dans la LEFP, doivent être appliqués, afin de s’assurer de l’application du principe du mérite. Toutefois, ils n’ont pas été appliqués en l’espèce.

65        Premièrement, le processus n’était pas transparent; le plaignant n’a jamais été informé que M. Carter avait été choisi aux fins d’une nomination intérimaire pour le poste FI-03 en février 2015. Deuxièmement, on n’a pas accordé beaucoup de poids à la notion d’accessibilité et de représentation. Mme Hutchins a reconnu qu’elle n’avait pas cherché d’autres candidats qualifiés en dehors du bassin de candidats. Troisièmement, il y a eu un manque d’équité et de transparence en ce sens que le défendeur ne s’est pas assuré qu’aucune autre personne satisfaisant à l’exigence en matière de langues officielles ne soit disponible pour pourvoir le poste intérimaire.

66        Selon la position du défendeur, la haute direction avait raison de nommer un employé unilingue à un poste bilingue. Mme Hutchins avait une bonne connaissance de l’unité de la gestion des dépenses, et elle a conclu que la direction ne pouvait pourvoir le poste avec une personne bilingue. Éventuellement, Mme Spence a eu à documenter cette décision. Elle a convenu que la direction ne pouvait pourvoir le poste avec une personne bilingue.

67        Mme Spence a effectué l’évaluation de M. Carter en septembre 2015. Elle a expliqué qu’elle avait fondé son évaluation sur ses connaissances personnelles au sujet de M. Carter et sur le curriculum vitae de ce dernier. Elle a préparé une évaluation descriptive fondée sur l’énoncé des critères de mérite pour le poste utilisé dans le processus 2013-DVA-IA-DM-CH-EOI-351, après quoi elle a conclu qu’il avait toutes les qualifications requises pour le poste.

68        La justification écrite qui a été préparée pour le processus non annoncé indiquait essentiellement que le poste FI-03 devait être pourvu pour répondre aux besoins organisationnels et opérationnels et que l’objectif était de le faire rapidement. Elle mentionnait que le travail de M. Carter était essentiel aux activités de la direction de la planification financière étant donné que c’était le poste clé responsable de veiller à ce que les exigences du processus de la planification et des prévisions budgétaires soient satisfaites. Bien que la justification ne mentionne pas exactement la façon dont elle a respecté les valeurs et les principes de la dotation, elle indiquait qu’aucun autre membre du personnel n’avait suffisamment d’expérience pour effectuer le travail nécessaire à ce niveau, bien qu’une formation polyvalente ait commencé à élargir l’étendue et l’ampleur de la connaissance des autres membres du personnel. Selon la justification, à l’époque, la stabilité et la continuité étaient les principaux moteurs de la prolongation.

69        Dans l’évaluation descriptive, sous la rubrique « Évaluation contre l’énoncé des critères de mérite », Mme Spence a énuméré les qualifications essentielles du poste (l’exigence relative aux études, trois exigences en matière d’expérience, quatre compétences, et l’exigence liée aux langues officielles) et a inclus son évaluation pour chacune de ces qualifications. Sous la rubrique « Langues officielles - Anglais essentiel », elle a indiqué [traduction] « Évaluation : Brodie est dans un poste anglais unilingue. » À l’audience, elle a reconnu qu’elle a commis une erreur en écrivant que le poste était « anglais essentiel ». Selon elle, l’erreur découlait peut-être du fait qu’elle avait utilisé un modèle créé pour le processus de 2013. Elle a confirmé qu’elle savait que le poste FI-03 était bilingue impératif BBB/BBB, et que M. Carter était unilingue.

70        Le défendeur a fait valoir que le seul candidat qualifié dans le bassin du poste bilingue impératif BBB/BBB créé en vertu du processus de 2013 n’était pas disponible. Mme Hutchins estimait que M. Carter était le seul candidat dans le bassin anglais essentiel créé en vertu du processus de 2013 qui satisfaisait aux exigences du poste. Elle a déclaré qu’il avait de l’expérience précise en matière d’application des politiques financières, des lignes directrices et des procédures des organismes centraux et du ministère, et de la prestation de réponses aux demandes de renseignements financiers des organismes centraux.

71        Elle a précisé que, même si le plaignant avait occupé un poste FI-02 dans l’unité pour une période de trois ans à compter de 2015, lui et M. Carter avaient des tâches distinctes. Par conséquent, à son avis, le plaignant n’avait pas la même compréhension que M. Carter de l’étendue et de la complexité du processus de planification et des prévisions budgétaires. Elle a ajouté qu’il n’avait pas fait l’expérience des cycles complets de la gestion des dépenses, soit les cycles budgétaires sur une période de 18 mois. Elle a aussi expliqué que, lorsque le plaignant a participé à la rédaction de rapports ou de mémoires au Cabinet plus tard, cela signifiait plus de va-et-vient entre eux. Elle devait s’assurer que tout était adéquat. En 2015, aucune formation polyvalente n’était en cours au sein de l’unité.

72        Mme Hutchins a indiqué que la formation polyvalente était maintenant une priorité pour s’assurer d’une couverture adéquate des tâches, malgré le nombre peu élevé de membres du personnel, en cas de circonstances imprévues ou difficiles.

73        En outre, le défendeur et la CFP soutiennent qu’au moment d’effectuer des nominations, l’article 36 de la LEFP permet à la CFP ou à son délégué, en l’espèce le défendeur, d’avoir recours à toute méthode d’évaluation « […] qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications […] ».

74        L’article 36 de la LEFP permet d’avoir recours au pouvoir discrétionnaire dans le choix des méthodes d’évaluation des candidats en vue d’une nomination, comme suit :

36 La Commission peut avoir recours à toute méthode d’évaluation — notamment prise en compte des réalisations et du rendement antérieur, examens ou entrevues — qu’elle estime indiquée pour décider si une personne possède les qualifications visées à l’alinéa 30(2)a) et au sous-alinéa 30(2)b)(i).

75        Le défendeur fait valoir que M. Carter a été l’objet d’une évaluation complète et qu’il a été constaté qu’il possédait les qualifications requises pour le poste. Même si le poste avait un profil linguistique BBB/BBB, auquel il ne satisfaisait pas, étant donné qu’il ne pouvait être pourvu en nommant une personne par intérim qui satisfaisait à l’exigence de la qualification liée à la compétence dans les langues officielles, M. Carter pouvait demeurer en poste pour une période maximale d’un an sans la satisfaire.

76        Je suis d’accord avec le défendeur que le gestionnaire a le pouvoir discrétionnaire de choisir la bonne personne pour le poste, à condition que le candidat possède les qualifications essentielles et que le défendeur puisse justifier sa décision. La question est de savoir si la personne nommée satisfaisait aux qualifications essentielles pour le poste en question.

77        Selon le défendeur, étant donné qu’un conseiller-généraliste en ressources humaines a modifié la fin de la période de prolongation du 31 janvier 2017 au 22 février 2016, pour se conformer au paragraphe 15(1) du REFP, il a respecté ses obligations. À mon avis, il n’était pas suffisant pour le défendeur de modifier la date de fin; il devait également s’assurer que le poste ne pouvait être pourvu en procédant à la nomination intérimaire d’une personne qui répondait au critère des compétences linguistiques.

78        En l’espèce, le défendeur devait satisfaire la Commission qu’au 6 mai 2015, la haute direction, sous la guise de Mme Hutchins, n’était pas en mesure de doter le poste d’agent financier de la direction générale avec une personne qui satisfaisait à la qualification requise en matière de compétence dans les langues officielles.

79        Même si Mme Hutchins estimait que M. Carter était le seul dans le bassin de 2013 qui satisfaisait aux exigences du poste, le défendeur ne l’a pas nommé à partir du répertoire au moyen du processus de nomination annoncé de 2013. Il a été nommé en vertu d’un processus de nomination non annoncé. Personne n’a expliqué pourquoi une nomination au moyen du processus de nomination annoncé de 2013 n’a pas été envisagée.

80        Cependant, il est évident que la table ronde portant sur la gestion de la direction générale n’a pas envisagé la nomination d’une personne à l’extérieur du bassin de 2013. Lorsqu’on lui a demandé si le plaignant avait été envisagé pour le poste FI-03, Mme Hutchins a répondu qu’il ne l’avait pas été.

81        À l’audience, on a demandé à Mme Hutchins pourquoi la candidature du plaignant n’avait pas été envisagée. Elle a expliqué que son nom ne figurait pas sur la liste des candidats admissibles dans le bassin de 2013. Elle a indiqué qu’il n’avait pas postulé au poste FI-03 en 2013. Il n’avait pas été évalué et, par conséquent, il ne faisait pas partie du bassin de candidats qualifiés pour un poste FI-03.

82        En outre, elle a indiqué qu’il n’avait pas la même expérience que M. Carter et que, par conséquent, sa candidature n’avait pas été envisagée. Elle a ajouté que le plaignant n’était pas qualifié pour le poste à l’époque, en raison de son manque d’expérience avec des tâches précises liées au système de gestion des dépenses. Elle a donné l’exemple de son manque d’expérience avec l’architecture d’harmonisation des programmes.

83        Le plaignant a reconnu que ses fonctions et celles de M. Carter n’étaient pas identiques, mais a déclaré qu’elles se chevauchaient. Ils partageaient les tâches et les responsabilités au sein de l’unité. M. Carter était l’agent de liaison avec le SCT. Ils exécutaient chacun des tâches différentes au sein de l’unité.

84        Mme Hutchins a indiqué qu’en 2015, aucune formation polyvalente n’était en cours au sein de l’unité. Elle a précisé que le défendeur avait depuis commencé à élargir l’ampleur et la profondeur de la connaissance du personnel. Mme Spence a également écrit dans la justification de la prolongation de la nomination intérimaire de M. Carter, qui a été rédigée en septembre 2015, [traduction] « […] la formation polyvalente a commencé à élargir l’étendue et la profondeur de la connaissance des autres membres du personnel. »

85        Par conséquent, le défendeur soutient qu’en 2015, seul M. Carter satisfaisait aux exigences du poste, et que la direction n’avait pas réussi à pourvoir le poste en procédant à la nomination intérimaire d’une personne qui satisfaisait à la qualification de la compétence dans les langues officielles, tel qu’il est énoncé à l’alinéa 30(2)a) de la LEFP.

86        Cependant, le défendeur a-t-il démontré qu’il ne pouvait pas pourvoir le poste au moyen de la nomination intérimaire d’une personne qui satisfaisait à l’exigence en matière de compétences linguistiques? Cette question doit être abordée.

87        Pour les motifs suivants, je conclus qu’il ne l’a pas fait. Je conclus que le défendeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il n’aurait pas pu pourvoir le poste avec un employé bilingue.

88        Bien que le défendeur ait établi qu’aucun candidat bilingue n’était disponible dans le bassin de 2013, il n’a pas nommé M. Carter en vertu du processus annoncé de 2013, mais en vertu d’un processus non annoncé. En vertu de l’article 15 du REFP, il devait mener une recherche appropriée pour un candidat qualifié à l’extérieur de ce bassin.

89        Pourtant, Mme Hutchins et Mme Spence n’étaient pas au courant en mai et en septembre 2015 des exigences strictes en vertu de l’article 15 du REFP. Ce n’est que le 25 novembre 2015 que le conseiller-généraliste en ressources humaines qui aidait Mme Spence avec la mesure de dotation a informé cette dernière que le poste avait un profil linguistique BBB/BBB, auquel M. Carter ne satisfaisait pas. Par conséquent, le conseiller a informé Mme Spence que M. Carter pourrait être nommé par intérim sans satisfaire aux exigences linguistiques pour une période maximale d’un an seulement s’il n’était pas possible de pourvoir le poste en nommant une personne qui satisfaisait à cette exigence.

90        Dans les circonstances, je ne peux accorder beaucoup de poids à l’allégation du défendeur selon laquelle Mme Hutchins et Mme Spence ont cherché un candidat bilingue pour doter ce poste. Selon la preuve dont je suis saisie, elles ne savaient pas que c’était nécessaire. En fait, Mme Hutchins a reconnu que la haute direction avait limité sa recherche au bassin de 2013 et qu’elle n’avait pas envisagé la candidature du plaignant parce qu’il n’était pas dans ce bassin.

91        À l’audience, le plaignant a été interrogé à savoir si, en 2015, il avait une expérience récente et appréciable de la prestation de conseils et d’un soutien financier aux gestionnaires, soit l’une des qualifications essentielles pour le poste.  Il a répondu que c’était le cas et il a décrit en détail la façon dont il avait acquis cette expérience dans l’unité ou ailleurs, y compris un échéancier et le contexte. Il a résumé ses tâches et responsabilités et décrit certains de ses dossiers. Il a également été interrogé à savoir si, à l’époque, il avait une expérience récente et appréciable de l’application des politiques, des lignes directrices et des procédures des organismes centraux et du ministère, ainsi que de la fourniture de réponse aux demandes de renseignements financiers de la part des organismes centraux (les deux autres qualifications essentielles du poste). Une fois de plus, il a répondu que c’était le cas et a décrit en détail la façon dont il avait acquis cette expérience, y compris l’échéancier et le contexte. De nouveau, il a résumé ses tâches et responsabilités et décrit certains de ses dossiers.

92        Le plaignant a également décrit en détail la façon dont il satisfaisait aux quatre compétences du poste (la communication orale et écrite, la réflexion stratégique - l’analyse, les valeurs et l’éthique, et les systèmes financiers).

93        À première vue, je conclus que le plaignant était un candidat bilingue qui était probablement qualifié pour le poste en 2015. Toutefois, je conclus que très vraisemblablement il était qualifié pour ce poste pour une autre raison.

94        En avril 2016, alors qu’il n’était plus possible pour le défendeur de maintenir M. Carter dans le poste FI-03 d’agent financier de la direction générale, ledit poste a été proposé au plaignant. Il a précisé que personne n’avait occupé ce poste à titre intérimaire entre le 23 février et le 6 avril 2016, lorsqu’on lui a demandé de le faire. Il a accepté l’offre et, du 6 avril au 14 novembre 2016, il a été nommé à ce poste à titre intérimaire. Il y est resté pendant près de sept mois, jusqu’à ce qu’il parte pour une affectation à EDSC.

95        Selon le défendeur, pendant ces six à sept mois, le plaignant a rencontré les exigences du poste parce qu’on lui avait offert une formation polyvalente.

96        Cependant, le plaignant a déclaré qu’il n’avait reçu aucune formation polyvalente avant d’assumer le poste FI-03. À l’audience, on a demandé à Mme Spence si on lui avait fourni une formation polyvalente en 2015 ou 2016. Elle a répondu qu’elle ne pouvait pas y répondre puisqu’elle avait déjà quitté à ce moment-là. Mme Hutchins a indiqué qu’elle avait recommandé qu’une formation polyvalente soit offerte afin d’élargir l’ampleur et la profondeur des connaissances du personnel. Toutefois, elle ne pouvait pas confirmer si le plaignant l’avait reçue. Par conséquent, je n’ai reçu aucune preuve concrète qu’une formation avait été fournie.

97        Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus que le plaignant n’a probablement reçu aucune formation supplémentaire avant d’occuper le poste en avril 2016.

98        Il est important de souligner que le fardeau de la preuve en vertu du paragraphe 15(1) du REFP incombe au défendeur, et non au plaignant. En d’autres mots, le défendeur devait me convaincre qu’il n’aurait pas pu pourvoir le poste en mai 2015 au moyen de la nomination intérimaire d’une personne qui satisfaisait la qualification de la compétence dans les langues officielles. Ayant conclu que le plaignant n’a probablement reçu aucune formation supplémentaire avant d’occuper le poste en avril 2016, je conclus qu’il satisfaisait donc aux qualifications du poste en 2016 et en mai 2015. 

99        En outre, le plaignant a indiqué dans son témoignage qu’en 2015, il s’était intéressé au poste et qu’il aurait accepté une nomination intérimaire. Mme Hutchins a reconnu qu’elle ne l’avait pas consulté au sujet de la nomination avant de nommer M. Carter au poste le 6 mai 2015.

100        À mon avis, si Mme Hutchins avait été au courant des obligations imposées au défendeur en vertu du paragraphe 15(1) du REFP, et si elle avait examiné correctement la situation, elle aurait réalisé que, à tout le moins, le plaignant était disponible et intéressé. Ensuite, elle aurait pu l’évaluer pour savoir s’il était qualifié pour le poste.

101         Étant donné les obligations imposées au défendeur en vertu du paragraphe 15(1) du REFP, je conclus que le défendeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer qu’il n’était pas en mesure de pourvoir le poste par la nomination d’une personne qui possède la qualification de la compétence dans les langues officielles.

102        Par conséquent, je conclus que l’exclusion prévue à l’article 15 du REFP ne s’appliquait pas. Puisque M. Carter ne satisfaisait pas aux qualifications de la compétence dans les langues officielles pour le poste entre le 6 mai 2015 et le 22 février 2016, sa nomination n’était pas fondée sur le mérite. Dans ces circonstances, je conclus que le défendeur a abusé de son pouvoir en le nommant.

B. Y a-t-il eu abus de pouvoir lors du choix d’un processus non annoncé?

103        Selon le plaignant, le choix d’un processus non annoncé constituait une mesure inéquitable et de mauvaise foi. À son avis, la nomination intérimaire initiale de M. Carter a été prolongée de manière inappropriée et non transparente. Le défendeur ne s’est pas assuré du respect des valeurs fondamentales de dotation que sont l’équité, l’accès, la transparence et la représentation. Il y a eu un retard important dans la mise en œuvre de l’évaluation et la publication de l’avis de la nomination intérimaire.

104        Le plaignant a déposé en preuve les exigences de la politique existante d’ACC pour mener des processus de nomination non annoncés. Ils se trouvent dans un document intitulé Critères pour les processus de nomination non annoncés. Ce document stipule en partie ce qui suit :

[Traduction]

3.1 Critères relatifs aux processus de nomination internes non annoncés

[…]

  • Les nominations intérimaires de plus de quatre mois où un processus non annoncé est justifié par l’urgence ou des exigences spécialisées, un bassin de candidats connu dans la zone de sélection ou un plan de nominations par rotation, ou pour d’autres raisons de conséquence décrites dans la justification écrite.

[…]

4. Exigences

Les gestionnaires délégués doivent examiner les critères pour les nominations non annoncées avec leur spécialiste des ressources humaines chaque fois que cette méthode de dotation est envisagée.

Si l’on décide de donner suite à un processus de nomination non annoncé, les critères applicables doivent être identifiés dans la justification écrite fournie par le gestionnaire, qui sera signée par lui, et ajoutée au dossier de dotation. La justification écrite doit contenir ce qui suit :

  • La raison pour laquelle un processus de nomination non annoncé a été choisi plutôt qu’un processus de nomination annoncé
  • Le critère utilisé pour la nomination non annoncée en ce qui concerne la liste des critères ministériels,
  • Une explication à savoir pourquoi le critère est utilisé,
  • Une explication de la façon dont le processus de nomination non annoncé respecte les valeurs relatives à la nomination qui sont l’équité, l’accès, la transparence et la représentation.

[…]

105        Le plaignant reconnaît que les gestionnaires ont le pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé et un processus non annoncé en vertu de l’article 33 de la LEFP et que le fait d’envisager la candidature d’une seule personne est expressément autorisé en vertu du paragraphe 30(4). Toutefois, il soutient que cela ne signifie pas dire que la LEFP prévoit un pouvoir discrétionnaire absolu. L’alinéa 77(1)b) prévoit une contestation directe du pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé et un processus de nomination non annoncé au motif de l’abus de pouvoir.

106        Plus précisément, le plaignant soutient que l’exigence énoncée au premier paragraphe de l’article 4 (intitulé « Exigences »),  des Critères pour les processus de nomination non annoncés, soit que le gestionnaire délégué examine les critères pour le processus de nomination non annoncée avec son spécialiste des ressources humaines au moment d’envisager cette option,n’a pas été respectée. En outre, il soutient que la justification préparée n’aborde pas directement les quatre exigences de la politique qui devaient être traitées.

107        Le plaignant allègue également qu’il était injuste que le défendeur n’envisage qu’une seule personne pour le poste FI-03, surtout étant donné que l’exclusion prévue à l’article 15 du REFP ne s’applique que lorsqu’un poste ne peut être doté par un employé bilingue. Dans ce cas, le processus non annoncé l’a privé de la possibilité d’être envisagé pour le poste.

108        D’autre part, le défendeur soutient qu’il peut justifier ses décisions de recourir à un processus non annoncé et de nommer M. Carter. Il a présenté en preuve la liste de contrôle pour les processus de nomination non annoncés et la justification écrite justifiant la nomination de M. Carter, qui ont été préparées en septembre 2015.

109        Le défendeur soutient qu’il y avait un besoin de remplacer temporairement le poste FI-03 au début de 2015. Mme Spence et Mme Hutchins ont clairement expliqué qu’en janvier 2015, la titulaire de ce poste, l’agente financière de la direction générale, avait fait l’objet d’une nomination intérimaire. Un processus de nomination pour le poste FI-03 avait été mené en 2013, et les candidats qualifiés pour le poste FI-03 étaient disponibles. Par conséquent, la possibilité de choisir quelqu’un de ce bassin a été envisagée.

110        Le défendeur réitère que, bien que le poste à doter ait un profil linguistique BBB/BBB, le seul candidat bilingue qualifié n’était pas disponible et ne pouvait accepter la possibilité de nomination intérimaire. La direction a choisi M. Carter parmi les sept candidats unilingues restants. Il a été choisi pour une nomination intérimaire de moins de quatre mois à compter du 23 février et jusqu’au 6 mai 2015. Quant au plaignant, il n’était pas un candidat du processus de 2013.

111        Lorsque la table ronde sur la gestion de la Direction générale a appris que Mme Spence ne retournerait pas à son poste FI-04 en mai 2015, elle a décidé de garder la titulaire du poste FI-03 au poste FI-04. À peu près à la même époque, cette titulaire a également annoncé qu’elle partirait en congé de maternité et en congé parental dès le début de l’année 2016. La haute direction a décidé de prolonger la nomination de M. Carter, afin d’assurer la continuité du service. Mme Hutchins et Mme Spence ont expliqué qu’il était nécessaire de pourvoir le poste FI-03 pour répondre aux besoins organisationnels et opérationnels.

112        Pour des raisons administratives, la haute direction a choisi de procéder au moyen d’un processus de nomination non annoncé plutôt que de nommer une personne du bassin de candidats. En septembre, Mme Spence a pris des mesures pour documenter la décision de recourir à un processus non annoncé et le choix de proposer la candidature de M. Carter.

113        Le défendeur soutient qu’il n’y a pas eu d’abus de pouvoir dans sa décision de choisir un processus non annoncé. Il fait valoir qu’en vertu du paragraphe 30(4) de la LEFP, il n’y a aucune exigence d’envisager plus d’une personne pour une nomination fondée sur le mérite. En outre, il n’y a aucune obligation pour les gestionnaires de nommer les candidats à partir de répertoires.

114        Il soutient qu’en vertu de l’article 33 de la LEFP, et tel qu’il a été démontré dans Clout c. Le sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2008 TDFP 22, les gestionnaires ont le pouvoir discrétionnaire de choisir entre un processus de nomination annoncé et un processus non annoncé. Le défendeur fait valoir que, même si le plaignant estime que l’utilisation d’un processus non annoncé n’était pas juste et équitable puisqu’on ne lui a pas laissé l’occasion de participer, le choix de l’utiliser relevait bien du pouvoir de la direction.

115        Dans ses observations écrites, la CFP a inclus sa politique sur le choix du processus de nomination.Cette politique, qui était en vigueur à l’époque où la plainte a été déposée, stipule que le choix d’un processus de nomination annoncé ou non annoncé, et d’un processus de nomination interne ou externe est conforme au plan de gestion des ressources humaines d’une organisation, et à ses valeurs fondamentales et directrices. Cette politique exige que les administrateurs généraux établissent et communiquent les critères relatifs à l’utilisation des processus non annoncés. Elle exige également que les administrateurs généraux s’assurent qu’une justification écrite démontre la façon dont un processus non annoncé respecte les critères établis et les valeurs de nomination.

116        En l’espèce, conformément à Robbins c. Administrateur général de Service Canada, 2006 TDFP 17, le plaignant devait établir que la décision du choix d’un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il ne l’a pas fait.

117        L’alinéa 77(1)b) de la LEFP prévoit qu’une plainte peut être présentée selon laquelle le défendeur a commis un abus de pouvoir lors du choix entre un processus de nomination annoncé et un processus de nomination non annoncé. L’article 33 énonce clairement que la CFP ou son délégué, conformément au paragraphe 15(1), peut choisir un processus annoncé ou non annoncé pour procéder à une nomination, comme suit : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. »

118        Dans les circonstances, le plaignant ne pouvait pas alléguer qu’il y avait eu abus de pouvoir simplement parce qu’un processus non annoncé a été choisi. Il devait établir que la décision de choisir ce processus constituait un abus de pouvoir.

119        Bien que l’exclusion prévue à l’article 15 du REFP s’applique lorsqu’un certain poste ne peut être doté avec un employé bilingue, l’article 30 prévoit expressément qu’il n’est pas nécessaire de passer par un processus de sélection et d’avoir un entretien avec plusieurs personnes pour procéder à une nomination et précise ce qui suit au paragraphe 30(4) : « La Commission n’est pas tenue de prendre en compte plus d’une personne pour faire une nomination fondée sur le mérite ».

120        Dans la mesure où le candidat choisi possède les qualifications essentielles et que le défendeur peut justifier sa décision, le choix d’un processus non annoncé est permis. C’est conforme à l’article 36 de la LEFP et avec l’extrait suivant du préambule de la LEFP :

[…]

que le pouvoir de dotation devrait être délégué à l’échelon le plus bas possible dans la fonction publique pour que les gestionnaires disposent de la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation, et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens;

[…]

[Je souligne]

121        À la lumière des éléments de preuve, je conclus que Mme Hutchins a d’abord fait face à une situation imprévue, soit que Mme Spence ne pouvait pas retourner à son poste de directrice, Planification et analyse financières, en mai 2015. Par conséquent, la titulaire du poste FI-03, qui avait remplacé Mme Spence, ne pouvait pas non plus retourner à son poste, qui est le poste en cause. Ainsi, Mme Hutchins a autorisé la prolongation de la nomination intérimaire de M. Carter. En raison de la courte durée prévue, elle a choisi de le nommer au moyen d’un processus de nomination non annoncé.

122        Bien que j’aie des préoccupations sérieuses au sujet de la transparence du processus, que j’aborderai plus loin, les éléments de preuve n’appuient pas la conclusion selon laquelle le défendeur a commis un abus de pouvoir dans le choix d’un processus non annoncé. Mme Hutchins a dû faire face à un besoin temporaire de courte durée qui nécessitait de nommer un agent financier de la direction générale. Les critères établis par ACC permettent les processus de nomination non annoncés s’ils sont justifiés par l’urgence ou par des exigences spécialisées. En outre, le processus de nomination non annoncé était pour une situation intérimaire à court terme.

123        La décision de choisir un processus non annoncé a également été expliquée et documentée, bien que tard dans le processus. Le défendeur a estimé que ce choix de processus était le plan d’action le plus approprié; il a préparé une documentation adéquate à l’appui de sa décision.

124        La justification n’est pas parfaite. Elle n’explique pas la raison pour laquelle M. Carter a été nommé au moyen d’un processus de nomination non annoncé au lieu du processus de nomination annoncé de 2013. En outre, elle n’explique pas explicitement en quoi la nomination non annoncée respectait les valeurs de l’équité, de l’accès, de la transparence et de la représentation en ce qui concerne les nominations. Toutefois, elle fait valoir que la stabilité et la continuité étaient les principaux moteurs de la prolongation du délai.

125        Dans Robert et Sabourin, le Tribunal a aussi déterminé qu’un certain nombre de graves erreurs et omissions avaient eu lieu au cours d’un processus qui, globalement, correspondaient à un abus de pouvoir (y compris l’absence de justifications écrites, l’absence d’un énoncé de critères de mérite, l’omission de faire une évaluation des qualifications de la personne nommée en temps opportun, l’incapacité de démontrer que le poste ne pouvait être pourvu par une personne possédant la qualification liée aux connaissances linguistiques, le fait que la personne nommée ne satisfaisait pas à des qualifications essentielles, et la notification inappropriée). Toutefois, le Tribunal a conclu que le choix d’un processus de nomination non annoncé était appuyé par des circonstances opérationnelles et que, par conséquent, il ne correspondait pas à un abus de pouvoir.

126        De même, je conclus que le choix d’un processus de nomination non annoncé en l’espèce était appuyé par des circonstances opérationnelles et, par conséquent, ne correspondait pas à un abus de pouvoir.

127        Toutefois, je souligne que le préambule de la LEFP énonce son objectif législatif et renvoie au principe d’une fonction publique qui « se distingue par ses pratiques d’emploi équitables et transparentes ».  Les politiques de la CFP veillent également à la transparence des pratiques d’emploi. Par exemple, sa Politique sur les notifications exige que les personnes dans la zone de recours soient informées de leur droit de porter plainte.

128        En septembre 2015, Mme Spence a documenté la décision de prolonger la nomination de M. Carter au poste FI-03. Quelques semaines plus tard, soit le 2 octobre 2015, le plaignant a envoyé un courriel à la directrice par intérim, lui demandant une discussion franche au sujet de toute décision prévue en matière de dotation concernant le poste vacant FI-03 en cours. Il n’a jamais été informé qu’il avait été décidé de prolonger la nomination de M. Carter. Ce manque de transparence est regrettable et ne reflète certainement pas les valeurs de dotation énoncées dans la loi.

129        En outre, il y a eu un retard dans la préparation des documents pour prolonger la nomination de M. Carter au-delà de quatre mois. À l’audience, Mme Hutchins ne pouvait pas expliquer ni justifier ce retard, mais elle a précisé que Mme Spence avait préparé la documentation en septembre 2015 au retour de sa formation.

130        Il a été établi qu’il y a eu un retard considérable dans l’exécution de l’évaluation et dans la publication de l’avis de la nomination intérimaire. L’évaluation a été terminée le 17 septembre 2015, et l’Avis de nomination intérimaire de M. Carter pour la période du 6 mai 2015 au 22 février 2016, a été publié le 5 février 2016.

131        La question de savoir si une erreur constitue ou non un abus de pouvoir dépend de la nature et de la gravité de l’erreur; voir Makoundi c. Sous-ministre des Transports, de l’infrastructure et des Collectivités, 2014 TDFP 5, au paragraphe 22. À mon avis, les erreurs et les omissions qui ont eu lieu au cours du processus de nomination (le manque de transparence et les retards), bien qu’inappropriées, ne sont pas assez graves en soi pour constituer un abus de pouvoir. Bien que des retards soient survenus dans l’exécution de l’évaluation et la publication de l’avis de nomination intérimaire, l’évaluation a été terminée le 17 septembre 2015, et l’avis a été publié le 5 février 2016.

132        En outre, je souligne que la direction n’a pas consulté son spécialiste des ressources humaines avant de choisir l’option du processus de nomination non annoncé. Il s’agit d’un autre exemple de la non-conformité aux politiques et aux lignes directrices de la CFP et d’ACC. À la suite de cette erreur administrative, la direction n’a pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’article 15 du REFP. Cette question a déjà été abordée, tout comme les conséquences qui en ont découlé. Néanmoins, encore une fois, de manière isolée ou de concert avec les erreurs énoncées plus haut, le fait de ne pas consulter un spécialiste en ressources humaines n’est pas suffisamment grave pour correspondre à un abus de pouvoir.

133        Par conséquent, je conclus que le plaignant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que le défendeur a fait preuve d’abus de pouvoir en choisissant un processus non annoncé.

VI. Conclusion

134        Compte tenu de ma conclusion selon laquelle le défendeur a enfreint le paragraphe 15(1) du REFP et que la personne nommée ne satisfaisait pas à la qualification liée aux compétences dans les langues officielles pour la nomination intérimaire, je conclus que la nomination n’a pas été fondée sur mérite.

135        Pour tous les motifs susmentionnés, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

VII. Ordonnance

136        Je déclare qu’il y a eu abus de pouvoir dans l’application des critères de mérite dans le processus de nomination.

137        Je suis au courant que la nomination intérimaire en question concernant le poste d’agent financier de la direction générale (poste classifié FI-03) a pris fin. Toutefois, la révocation de la nomination ne devient pas théorique pour autant. À la lumière de la conclusion selon laquelle la personne nommée ne satisfaisait pas à la qualification de la compétence linguistique pour la nomination intérimaire, j’ordonne au défendeur de révoquer la nomination.

Le 12 avril 2019.

Traduction de la CRTESPF

Nathalie Daigle,

une formation de la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral

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